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Les Workshops
L’atelier fertile
Les workshops - L’atelier fertile
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En juin 2018, se met en place le partenariat entre Architectes Sans Frontières et le master Architecture de la résilience de l’ENSA Paris Belleville.
Analyse Dans un premier temps, les 12 étudiant·e·s du master ont mené une analyse sur plusieurs sites : Saint-Antoine, les Aciéries et Cazemajou. Après une première visite, un relevé sensible a été établi, menant à la production d’un diagnostic et à la formulation de préconisations. A la suite de ces études, des propositions d’aménagements ont été faites sur un des sites sélectionnés : celui des Aciéries. Conception Le 25 mai 2019, un premier atelier de concertation a été conduit sur le site, grâce à l’appui d’un médiateur pair de Médecins du Monde, pour présenter les six projets des étudiant·e·s. Plusieurs programmes étaient proposés : modules sanitaires (douches, toilettes), ressourcerie, espace de jardinage, marché. La plupart proposaient la construction de modules externes au bâtiment existant. La concertation a fait émerger la nécessité de s’appuyer sur les équipements existants au sein de bâtiments. Au-delà du workshop, cette conclusion a notamment appuyé un chantier de raccordement des sanitaires du bâtiment par ASF. Ainsi, le projet d’ « Atelier Fertile » sélectionné était une adaptation de la proposition « Interface » faite par les étudiant·e·s. Cette dernière consistait en la construction d’un espace collectif pour l’organisation de rencontres, d’événements et d’ateliers, permettant de renforcer les liens sociaux entre habitant·e·s, et entre habitant·e·s et associations.
à gauche : atelier de concertation de l’atelier fertile
3 | L’action d’ASF sur le site pilote des « Aciéries »
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Dans la continuité de la concertation, le programme a été défini comme tel : • Réhabilitation d’un hangar situé au centre du bâtiment, jusqu’ici non utilisé • Réalisation de mobilier léger pour animer et rendre identifiable le lieu : assises, tablettes, marquage du seuil par des jardinières Une levée de fond a été organisée par le biais de l’association « Les Petites Pierres » pour financer le projet et les déplacements des étudiant·e·s. Pour assister les étudiant·e·s dans la réalisation technique, ASF a fait appel à la Caravanade, atelier mobile de construction de bois conçu par Yes We Camp. Chantier Le chantier a duré une semaine, durant laquelle l’équipe d’ASF assurait la médiation avec les habitant·e·s, ainsi que l’approvisionnement du chantier en matériaux et la logistique des repas. Les habitant·e·s ont apporté leur contribution à la réalisation de repas au quotidien. Ces dernier·ère·s ont contribué de manière active et ont été force de proposition, notamment en fournissant la peinture et en repeignant le hangar en prévision du chantier. Bilan Deux ans après sa réalisation, l’expérience de l’Atelier Fertile présente un décalage entre usage prévu du lieu et l’usage effectif. En effet, la salle n’a presque jamais été utilisée par les habitant·e·s mais appropriée par le chef de platz pour de la location évènementielle (mariages, anniversaires). Pour valoriser son ouverture, deux évènements publics ont été organisés : la projection du film « 8, avenue Lénine», peu après l’inauguration de la salle, et celle du film « Gadjo diLo», lors du second workshop en 2019. Ce détournement d’usage a fait émerger un point de vigilance dans l’identification des logiques internes d’emprise, et un besoin d’anticipation des conséquences possibles de l’action des associations sur le renforcement des inégalités structurelles.
L’expérience a éclairé l’importance de la consultation des habitant·e·s tout au long du processus de conception, et de la multiplication des allers-retours, entre habitant·e·s, étudiant·e·s et membres associatifs.
à gauche : photographies du chantier et de la Caravanade. crédit : Yes we Camp
3 | L’action d’ASF sur le site pilote des « Aciéries »
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crédits : Actes et Cité, ENSA Paris Belleville
3 | L’action d’ASF sur le site pilote des « Aciéries »
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crédits : Actes et Cité, ENSA Paris Belleville
3 | L’action d’ASF sur le site pilote des « Aciéries »
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crédits : Actes et Cité, ENSA Paris Belleville
Les workshops Le Lava’blah
Les workshops - Le Lava’blah
Dans le cadre de l’amélioration des conditions sanitaires, le partenariat avec l’ENSA Paris Belleville a été reconduit en 2019, pour la construction du Lava’blah, un module sanitaire composé de quatre douches et d’une station de lavage.
Analyse et esquisse Comme lors du premier workshop, une première phase d’analyse des sites a été menée. Lors d’une première visite, les étudiant·e·s réparti·e·s par groupes se sont rendu·e·s à La Pomme, l’Hermitage et aux Aciéries, pour y effectuer des relevés et enquêtes d’usages. De la même manière qu’en 2018, c’est le site des Aciéries qui a été privilégié pour la réalisation du projet, du fait de l’appui de la PDEC par un apport de financements supplémentaires. Suite au choix du site, différentes phases de conception ont été conduites. Un cahier des charges a été réalisé, en lien avec les objectifs de la PDEC, priorisant l’amélioration des conditions sanitaires.
La première phase de conception a été menée au sein des locaux de l’ENSA Paris-Belleville, selon une méthode de Design Thinking : il s’agit d’un moment de conception intensif et rapide ayant pour objectif l’ouverture de l’éventail de solutions envisagées, puis sa réorientation progressive en fonction des besoins identifiées. La séance a eu lieu dans les locaux de l’école, durant une journée à laquelle deux membres d’ASF ont participé pour apporter leurs retours.
La première esquisse a été présentée aux habitant·e·s lors d’une seconde visite des étudiant·e·s sur site les 9 et 10 mai 2019, avec pour objectif la définition du programme. Différents scénari ont été affichés sur le site et commentés par les étudiant·e·s lors d’une journée de restitution. Les planches avaient été réparties sur des tables installées en extérieur, et présentées à chaque habitant·e qui passait à proximité. ASF assurait un rôle de passerelle, en apportant un support à la compréhension et en sensibilisant à la lecture des documents.
La démarche itérative Suite au bilan du premier workshop en 2018, une méthode avait été envisagée afin de favoriser la participation des habitant·e·s à la conception.
à gauche : calendrier du projet et processus de démarche itérative
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La démarche itérative est une méthode de conception évolutive qui a pour objectif d’améliorer l’adéquation du projet final aux besoins. Elle consiste en un découpage du processus de conception une alternance d’étapes de réalisation et d’évaluation, permettant un réajustement constant en fonction des objectifs finaux. Ce séquençage permet la prise en compte de facteurs mouvants, comme l’évolution des conditions de vie (accès au fluide, situation des familles) ou les contraintes techniques du site (évacuation, nature du terrain). Il permet également d’offrir des espaces de participation aux habitant·e·s à différentes étapes de réalisation du projet, et de favoriser la prise en compte de cette participation dans la définition du programme. Les membres d’ASF avaient réalisé un protocole qui prévoyait différentes étapes de présentation du projet aux habitant·e·s, afin d’obtenir leurs retours. Les rendus intermédiaires des étudiant·e·s devaient être transmis aux membres d’ASF et communiqués lors d’ateliers de concertation sur sites (voir frise chronologique). Il était prévu que les étudiants envoient leurs projets en amont de la construction afin que ceuxci soient présentés aux habitant·e·s. En définitive, différents décalages de planning ont entravé l’application de
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la démarche itérative, ne permettant pas aux membres d’ASF de présenter les projets à temps. De fait, nombres de décisions ont été prises en amont, sans concertation préalable. Néanmoins, les membres d’ASF se sont efforcé·e·s d’apporter des éléments de retours du terrain sur les projets réalisés, suite à des présentations informelles auprès des habitant·e·s. Certains de ces retours ont eu des répercussions spatiales, comme la répartition homme-femme, ou la pose de bacs de lavage suffisamment grands pour accueillir le linge.
Projet détaillé Le projet retenu, le Lava’blah consistait en un module sanitaire, comprenant quatre douches et un ensemble de points d’eau équipés de bacs de lavage. Ces derniers avaient pour objectif la réponse à une activité économique importante sur le site : le lavage des vêtements glânés avant d’être revendus aux marchés au puces. Le module devait s’implanter sur le terrain extérieur, de manière à être visible et facilement accessible par tous.t.e.s. La seconde phase de conception consistait en l’affinage programmatique et l’approfondissement technique de la proposition, jusqu’à la planification de la réalisation. Cette phase a été en-
à gauche : conception du projet en atelier - crédit : Actes et Cité, ENSA Paris Belleville
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cadrée par un artisan menuisier et un plombier. Un budget a été co-réalisé, et une campagne de dons a été lancée pour financer la mise en œuvre du projet. La préparation du chantier par les étudiant·e·s comprenait également l’organisation logistique : achats de matériaux, levée de fonds, communication, préparation des repas. La liste des matériaux a été transmise à ASF en amont du chantier, qui a réalisé les commandes et achats.
Le chantier Le chantier s’est déroulé sur une semaine, avec l’appui d’un menuisier, de la Caravanade de Yes We Camp et de l’association JUST pour la plomberie. Les premiers jours ont été consacrés au creusement des tranchées pour l’implantation des fondations, ainsi qu’à l’installation des évacuations et au débouchage des regards. Simultanément à ces installations, les étudiant·e·s ont également entamé dès le second jour la découpe du bois permettant l’assemblage et le levage de la charpente. Les étudiant·e·s s’étaient organisé·e·s selon un planning précis et s’étaient réparti les tâches par groupe. Ils formaient une « bulle autonome » sur le chantier, allant jusqu’à planifier chaque repas. L’anticipation du projet et la précision du planning de chantier ont ainsi permis une exécution technique précise dans les délais impartis. Les habitant·e·s ont participé à l’organisation sur site : récupération d’un groupe électrogène, stockage et récupération de matériaux. Cependant, la rigidité de l’assignation des tâches a laissé relativement peu de place à la participation.
Le partenariat R-aedificare
Le chantier a permis la concrétisation d’un partenariat avec l’association R-aedificare, qui coordonne des chantiers de déconstruction/récupération de bâtiments industriels et tertiaires. Elle assure le lien entre les maîtrises d’œuvre et les associations qui souhaitent participer au démontage pour récupérer des matériaux sur chantier.
Le partenariat a été mis en œuvre sur la déconstruction d’une usine Peugeot. Préalablement, un descriptif avait été envoyé en amont pour que chaque structure sélectionne les éléments qui l’intéressait. ASF a ainsi récupéré des éléments sanitaires (bacs de douches, vasques), des dalles de faux-plafonds et des extincteurs.
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La récupération des matériaux à l’usine Peugeot a été effectuée le second jour du chantier, avec trois étudiant·e·s, deux
à gauche : chantier. crédit : Actes et Cité, ENSA Paris Belleville
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membres d’ASF et trois habitants. Ces derniers ont mis à disposition leur camion et leurs outils pour le démontage des équipements.
Rôle d’ASF
ASF a apporté un support sur des aspects logistiques, comme l’approvisionnement en matériaux, la gestion du budget ou encore l’organisation des repas. L’association réalisait la réception des matériaux, l’accueil des partenaires et la coordination du chantier. Des bénévoles ont également participé à la mise en œuvre.
Les membres de l’équipe ont assuré des permanences sur site tout au long de la semaine. Ils·elles ont réalisé un important travail de mobilisation des habitant·e·s, tant d’un point de vue informatif que de la participation au chantier. Le dernier jour, une présentation du projet avait été prévue. Une habitante devait réaliser l’interprétariat de la présentation en Roumain. Celle-ci s’est déroulée malgré le fait que le chantier ne soit pas finalisé : la plomberie n’était pas terminée et les douches n’étaient pas reliées à l’eau chaude. Des protestations ont été formulées du fait de l’absence d’électricité.
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Suivi des usages et suites du chantier Suite au workshop, de nombreux chantiers de finitions ont dû être organisés, afin de rendre le projet opérationnel. Des travaux de finalisation de plomberie pour le raccordement à l’eau ont été réalisés la semaine qui a suivi le workshop. L’équipe a effectué un suivi d’usage et un retour, par des enquêtes informelles auprès des habitant·e·s. Deux stagiaires arrivé·e·s à ce moment avaient alors pour mission de travailler sur les améliorations possibles du module. Un second chantier plus important a permis la mise en service effective du Lava’blah. En effet, à l’issue du workshop, les douches n’étaient pas approvisionnées en eau chaude. Le projet prévoyait des chauffe-eau électrique, alors que l’électricité n’avait toujours pas été installée sur le site. De fait, en septembre, le module n’avait pas été utilisé. ASF a alors contacté l’association Low-tech lab, pour l’installation d’un système de chauffage à partir de poêle à bois. Le chantier a eu lieu en décembre.
à gauche : projet terminé. crédit : Actes et Cité, ENSA Paris Belleville
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Bilan Le niveau de définition et de finalisation dans la conception a permis une exécution efficace, et la réalisation d’un projet d’une technicité supérieure aux réalisations habituelles de l’association. L’emploi de matériaux nobles dans une mise en œuvre précise, a apporté une véritable plus-value esthétique, répondant à des enjeux de dignité sur les lieux de vie. En revanche, le projet ne prévoyait ni la mise en service ni le suivi des équipements, ce qui a demandé à ASF un investissement considérable, aussi bien humain que financier, en aval du workshop pour permettre sa mise en service. Cette réponse est la conséquence d’un manque de compréhension des problématiques du site, et de leur absence de prise en compte dans les décisions. Les retours d’expérience ont fait émerger des difficultés de transmission des informations, en termes de temporalités, de moyens utilisés (mails, réseaux sociaux) ou d’interlocuteurs·trices sollicité·e·s. Ceux-ci ont eu pour conséquence générale la persistance d’une communication articulée entre coordinateurs du projet (enseignants de l’ENSA et président d’ASF) plutôt qu’entre concepteurs·trices et acteurs·trices de terrain / utilisateurs·trices. (membres d’ASF, étudiant·e·s habitant·e·s). Enfin, le manque de formation des étudiant·e·s au travail avec ce type de public, ni aux méthodes inclusives et horizontales de participation a eu pour conséquences une lecture erronée des besoins.
Ainsi, la méthode conduite en atelier n’a pas su absorber les aléas du terrain qui intervenaient tout au long de la conception : retrait du site par les autres associations, renforcement de l’influence du chef de platz, et, en arrière-plan, retour de la menace d’expulsion du fait des difficultés de négociations avec les partenaires institutionnels. De fait, le programme a été élaboré à partir d’hypothèses erronées, comme par exemple l’arrivée prévue de l’électricité sur le site. Ces dysfonctionnements ont été identifiés comme symptomatiques d’une incompatibilité entre temporalités pédagogiques et réalité du site. On peut imaginer qu’une présence sur site plus fréquente aurait également favorisé la compréhension et l’implication des habitant·e·s dans le projet. Le manque de prise en compte des retours du terrain fourni par les membres d’ASF a eu pour conséquence une perte de contrôle du projet et une mise en porte-à-faux de l’association vis-à-vis des habitant.e.s.
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à gauche : chantier de construction du poêle à bois, en partenariat avec le Low-tech lab