palestine
Belgique/België P.P. Bruxelles X 1/1624
BULLETIN DE L’ASSOCIATION BELGO-PALESTINIENNE / WALLONIE-BRUXELLES ASBL TRIMESTRIEL N°55 – JANVIER/FÉVRIER/MARS 2013 – DÉPÔT BRUXELLES X – AGRÉATION P401130
SOMMAIRE
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DOSSIER : Reconnaissance de l’État de Palestine > 3 – 9 Élections israélienne > 10 DOSSIER : Gaza à nouveau sous les bombes > 12 Prisonniers palestiniens > 18 News du BDS > 21
Bab el Shams, une forme de résistance populaire et créative
Face à l’annonce de la construction de 3 000 nouveaux logements israéliens sur le site d’E1 en Palestine occupée, le Comité de coordination de lutte populaire a appelé les Palestiniens à venir y installer des tentes sur le site en question. Plus de vingt tentes y ont été érigées pendant deux jours, constituant un campement baptisé Bab el Shams (la Porte du Soleil) avant d’en être délogées par la force par l’armée israélienne.
palestine 03 DOSSIER
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palestine 02 ÉDITO
« IN DUE »»
« TIME p
par Pierre Galand, Président
DOSSIER
Combien de fois les Palestiniens auront-ils entendu cette ritournelle dans la bouche des Occidentaux à chaque fois qu’ils ont demandé la reconnaissance de leur État ? C’est encore ce refrain qu’entonnait M. Didier Reynders au lendemain de sa nomination au poste de ministre des Affaires étrangères de Belgique. Et voilà ce qu’il répondait à la lettre que lui adressait l’ABP le 24 janvier 2012 : « Même s’il s’agit d’une décision nationale, je suis d’avis qu’une approche concertée au niveau européen s’impose dans ce dossier de reconnaissance. L’UE est prête à reconnaître l’État de Palestine une fois que les conditions nécessaires à sa reconnaissance seront réunies. Il s’agit là, selon moi, d’une formulation dynamique et non pas d’une position statique sans aucune connexion avec l’évolution de la situation. » Or aujourd’hui, la situation a changé pour deux motifs. Tout d’abord, la Palestine est reconnue en tant qu’État souverain en droit tant à l’Unesco que par l’Assemblée générale des Nations Unies. Ce sont là des reconnaissances auxquelles la Belgique s’est d’ailleurs associée et qui doivent, ainsi que l’a recommandé le Sénat dans une résolution, conduire l’État belge à établir des relations diplomatiques bilatérales complètes avec l’Etat de Palestine. La reconnaissance de l’État de Palestine sur les frontières fixées en 1967 est indispensable afin de pourvoir de manière positive et directe à la sauvegarde des droits territoriaux des Palestiniens. Cela devient d’autant plus urgent au moment où le gouvernement de M. Netanyahou accélère la colonisation des terres palestiniennes. Chacun sait la faiblesse de la Haute Représentante de l’UE, la baronne Ashton, qui colle aux basques de M. Tony Blair dont on connaît par ailleurs l’attentisme favorable à Israël. À l’issue du vote à l’Assemblée générale des Nations unies, le quartet doit être dénoncé, M. Blair démissionné et l’ONU doit reprendre l’initiative, ce qui est son rôle. C’est au secrétaire général des Nations unies de prendre les mesures indispensables pour mettre fin à l’occupation de la Palestine par Israël et aux annexions de territoires. Les pays européens qui ont voté en faveur de la Palestine à l’ONU doivent se mettre d’accord pour encourager et soutenir ces mesures. Le deuxième motif réside dans la conduite inacceptable du gouvernement israélien, seul pays du Conseil des droits de l’Homme
des Nations unies à s’être soustrait, lors de la 22e session (févriermars 2013) de ce dernier, à l’examen périodique universel. Le New York Times de ce 29 janvier l’a dénoncé en ces termes : « Israel boycotts U.N. Rights Review ». Quant aux ambassadeurs américains et canadiens, ils ont aussitôt dénoncé l’attitude d’Israël. Les deux grands alliés d’Israël craignent en effet que d’autres États ne lui emboîtent le pas. Il est plus que temps de rappeler le gouvernement israélien à ses obligations internationales. Exiger le respect des droits des Palestiniens ne constitue en rien un acte inamical à son égard mais est le simple rappel d’une obligation de tous les États au regard du droit international et des conventions que l’État d’Israël a d’ailleurs ratifiées.
LA RECONNAISSANCE
de l’État de Palestine
La reconnaissance de l’État de Palestine par la Belgique constituera un signal fort en direction des autorités israéliennes et signifiera clairement que seules des négociations dans le cadre onusien et dans le respect des résolutions du Conseil et de l’Assemblée générale sont en mesure d’aboutir à une paix juste et durable. Ce sera aussi pour la Belgique l’occasion de rendre hommage de manière exemplaire à l’un des plus remarquables représentants de la cause palestinienne dans notre pays, notre ami Chawki Armali.
palestine no 55
Comité de rédaction Marianne Blume, Ouardia Derriche, Nadia Farkh, Pierre Galand, Julien Masri, Christiane Schomblond, Gabrielle Lefèvre, Hocine Ouazraf, Nathalie Janne d’Othée. Relecture Ouardia Derriche Association belgo-palestnienne / Wallonie-Bruxelles asbl Siège social rue Stévin, 115 à 1000 Bruxelles Secrétariat quai du Commerce 9 à 1000 Bruxelles tél. 02 223 07 56 / fax 02 250 12 63 / abp.eccp@skynet.be www.association-belgo-palestinienne.be IBAN BE30 0012 6039 9711 / BIC GE BABE BB Graphisme Dominique Hambye & Élise Debouny Avec le soutien de la Fédération Wallonie-Bruxelles
Qu’est-ce qui a fait qu’elle a pu se réaliser ? Quelles en sont les conséquences immédiate et les implications pour le futur ? Ce dossier tente de répondre à toutes ces questions. Leila Shahid, Ambassadeur de la Palestine auprès de l’Union européenne, de la Belgique et du Luxembourg la replace dans ce contexte et revient plus largement dans un entretien qu’elle nous a accordé sur la stratégie palestinienne (pages 4 et 5). Mais au-delà des manœuvres diplomatiques de l’Autorité palestinienne, la mobilisation de la société civile a été également pour beaucoup dans ce succès diplomatique (pages 6 et 7). La réaction israélienne ne s’est, quant à elle, pas fait attendre avec l’annonce, dès le lendemain du vote à l’Assemblée générale, de la construction de 3 000 nouveaux logements israéliens sur le site de E1 en Palestine occupée (pages 8 et 9).
palestine 04 DOSSIER RECONNAISSANCE
Leila Shahid
« LA RECONNAISSANCE DE LA PALESTINE FIXE LES PARAMÈTRES D’UNE FUTURE NÉGOCIATION POLITIQUE » Propos recueillis par Hocine Ouazraf
En ce début d’année 2013, nous avons invité Leila Shahid, Ambassadeur de Palestine auprès de l’Union européenne, de la Belgique et du Luxembourg, à faire le point. La question israélo-palestinienne, bien que très présente dans l’actualité, nécessite toujours une réflexion avec une mise en perspective historique. Le conflit israélo-palestinien est un véritable nœud gordien pour l’avenir de la Méditerranée et les enjeux qui découlent de sa solution ou non-solution sont énormes sur les plans sécuritaire, militaire et politique pour cette région et le reste du monde. Surtout après le Printemps arabe et les récentes élections américaines et israéliennes. Un des événements les plus importants de l’année 2012 a été l’admission, aux Nations Unies, de la Palestine comme État non membre. Pourquoi avoir choisi cette stratégie ? C’est effectivement une stratégie qui vient ponctuer la fin d’un cycle. En 2011, le Président Abbas avait choisi d’aller devant les Nations Unies pour obtenir un siège d’État membre à part entière. C’est en effet le lieu qui dit le droit et qui se doit de le mettre en œuvre. Malheureusement, en raison des pressions américaines, nous n’avons pas obtenu les neuf voix nécessaires au Conseil de sécurité. Nous avons donc été, en 2012, devant l’Assemblée générale des Nations Unies, un organe moins soumis aux pressions politiques et nous avons demandé le statut d’État non membre. Des pressions ont été exercées de la part d’Israël et des États-Unis notamment sur les États de l’Union européenne pour voter contre notre requête ou s’abstenir. Cependant, 138 États ont voté en faveur de notre requête, parmi lesquels 14 États de l’Union européenne, 9 contre et 41 abstentions. Il y avait donc, et il faut l’admettre, une unanimité. Pourquoi aller aux Nations Unies ? Il faut rappeler que l’OLP négocie depuis plus de vingt ans et que la personne qui a été en charge de ces négociations est l’actuel Président Abbas. Après 20 ans, il est de notre devoir de faire un bilan de ces négociations. Avant tout, rappelons que les accords d’Oslo ont permis aux Palestiniens de revenir vers la mère patrie. L’OLP était un mouvement de libération nationale en exil et qui a mené la lutte depuis l’extérieur. Ensuite, nous avons arraché le droit de créer nos institutions étatiques. Malheureusement, après l’assassinat de Rabin, le processus dit d’Oslo s’est effondré et
« Ce retour vers les Nations Unies est historique à plus d’un titre. Ce sont les Nations Unies qui ont créé l’État d’Israël un 29 novembre 1947 ! » Entretien avec Leila Shahid, Ambassadeur de Palestine auprès de l’Union européenne, de la Belgique et du Luxembourg la poursuite de la colonisation a bloqué le processus de création d’un véritable État souverain. Pour toutes ces raisons, nous nous sommes alors adressés aux parties tierces, c’est-à-dire la communauté internationale, pour qu’elle assume sa responsabilité de protection du peuple palestinien et se porte garante du respect de ses droits à l’autodétermination et à la souveraineté. Ce retour vers les Nations Unies est historique à plus d’un titre. Ce sont les Nations Unies qui ont créé l’État d’Israël un 29 novembre 1947 ! Cette reconnaissance de la Palestine fixe, par ailleurs et si Israël le souhaite réellement, les paramètres d’une future négociation politique, à savoir : les frontières de 1967, Jérusalem-Est comme capitale du futur État palestinien, le retour négocié des réfugiés palestiniens et l’illégalité des colonies. Le statut d’État observateur non membre n’est pas seulement symbolique. Il ouvre en effet des droits comme l’adhésion au Statut de Rome créant la Cour pénale internationale, mais aussi à toutes les conventions internationales, notamment les Conventions de Genève. La direction palestinienne étudiera en temps voulu quand elle adhérera aux autres conventions internationales et quand elle ira devant la Cour pénale internationale et ce, en fonction de différents paramètres. Parmi les évolutions importantes que connaît la région, il y a récemment eu des élections en Israël. Qu’attendent les Palestiniens de la nouvelle direction politique israélienne ? Les élections israéliennes sont complexes. Il faut noter que les élections en Israël ont une caractéristique, elles sont toujours anticipées. Par ailleurs, sur les 30 partis qui se sont présentés, seuls deux d’entre eux ont inclus dans leur programme la question des relations avec les Palestiniens. Les travaillistes eux-mêmes n’ont pas évoqué les Palestiniens ! Comme si le Mur enfermait les Palestiniens mais aussi les Israéliens dans une prison psychologique de déni de réalité. Netanyahou, qui a basé toute sa campagne sur un discours populiste de la peur, pensait que des élections anticipées allaient le renforcer. Sa formation a perdu 11 sièges. Les autres formations ont réussi à imposer un agenda politique relatif aux questions sociales. Yair Lapid, grande nouveauté des élections, est lui aussi timide sur la question. Peut-être est-ce par calcul politique ? En fait, je ne vois pas dans l’immédiat de changement de politique majeur surtout si Netanyahou revient aux affaires.
Je voudrais maintenant aborder les élections américaines. Obama va-t-il faire mieux pour la paix lors de son deuxième mandat ? Les mandats sont courts, il doit donc se fixer des priorités. Il ne voudra pas se pencher à nouveau sur cette question étant donné l’échec de sa politique moyen-orientale, lors de son premier mandat. Je crois qu’il était sincère quand il disait vouloir voir l’État de Palestine admis aux Nations Unies lors de son premier mandat. Mais il a dû reculer du fait des pressions et de sa volonté de se représenter. Il avait pour cela besoin des voix de l’électorat pro-israélien américain et de ceux qu’on appelle les chrétiens sionistes. En fait, il a fait preuve de faiblesse. Au niveau international, il a affirmé sa volonté de se centrer principalement sur l’Asie. Mais face à l’actualité, Obama a été obligé de réagir. C’est ce que nous avons vu au moment de l’offensive israélienne en novembre 2012 contre Gaza où il a dépêché son ministre des Affaires étrangères sur place, craignant une déstabilisation de la région. La question israélo-palestinienne reste donc centrale aux États-Unis. S’il le voulait, Obama pourrait rompre avec l’héritage unilatéraliste de Bush et travailler de concert avec les Européens et les Arabes. On peut aisément imaginer que ces trois parties soient à l’origine d’une initiative de paix et qu’ils accompagneraient les protagonistes du conflit dans sa mise en œuvre. La Ligue arabe est très active sur le dossier israélopalestinien ces derniers mois, après avoir eu un rôle diplomatique quasi insignifiant dans le passé. Mais il faut attendre de voir quelle sera la politique de John Kerry, nouveau secrétaire d’État aux Affaires étrangères, qui s’est toujours intéressé à la question du Proche-Orient. L’Union européenne essaye de remettre les droits de l’Homme au cœur de sa politique de voisinage dans le cadre du partenariat euroméditerranéen, mais elle doit tenir compte du dossier palestinien qui reste un nœud gordien. Mais malgré leur bonne volonté, ces trois acteurs sont handicapés par la politique de Netanyahou qui poursuit une politique des faits accomplis sur le terrain et dont l’arrogance va en augmentant. Celui-ci pourrait choisir la fuite en avant en déclenchant une guerre contre l’Iran.
Quel a été l’impact des Printemps arabes sur la question palestinienne ? La presse européenne a sous-estimé l’impact des révolutions arabes sur la question israélo-palestinienne. Des personnalités médiatiques comme Bernard-Henri Lévy se sont félicitées de l’absence de référence à la Palestine dans les manifestations. Mais il n’a rien compris. Ces révolutions modernes et complexes sont le fait de mouvements sociaux n’appartenant à aucune obédience ou parti politique. Ce qui faisait leur force mais a marqué aussi leurs limites, d’où leur échec lors des scrutins. Leur but était clair : délégitimer les pouvoirs en place. Leurs premières revendications concernaient leurs droits de citoyens, ce qui ne veut pas dire que la question palestinienne était mise de côté. Ce que la presse appelle le Printemps arabe, moi, je l’appelle l’Intifada arabe. L’Intifada, que ce soit en Palestine ou ailleurs, ne connaît pas de frontières. La société civile arabe forme une unité. Et la Palestine fait partie de cette société civile arabe qui milite pour une société de citoyenneté participative, qui construit sa propre démocratie, peut influer sur des questions, notamment la question palestinienne et changera le rapport de force vis-à-vis d’Israël. Comment voyez-vous le mouvement de solidarité internationale aujourd’hui ? Notre victoire aux Nations Unies est aussi sa victoire. Dans ce nouveau monde post-guerre froide marqué par les idéologies extrémistes, la primauté du droit devrait permettre d’assurer un recul de ces idéologies au profit de valeurs universelles. Il faut faire en sorte que des valeurs laïques nobles soient au fondement de la solution des conflits, une sorte d’universalité des valeurs C’est dans cet esprit que doit s’inscrire le mouvement de solidarité internationale avec le peuple palestinien mais aussi avec les acteurs du Printemps arabe en Égypte, en Syrie et en Tunisie. Ce qui ne semble pas être le cas d’États à l’image des États-Unis qui considèrent le rapport de force comme base de solution du conflit israélo-palestinien et qui veulent se débarrasser du corpus du droit alors que les mouvements de solidarité plaident la primauté du droit comme mode de résolution du conflit. C’est pour cette raison que les sociétés civiles sont aujourd’hui de véritables acteurs politiques. Elles sont à l’origine du revirement du vote belge et européen aux Nations Unies en faveur de la Palestine ! Des actions citoyennes comme le Tribunal Russell sur la Palestine participent de cette dynamique.
palestine 06 DOSSIER RECONNAISSANCE
LA RECONNAISSANCE DE L’ÉTAT PALESTINIEN, UN RÉSULTAT DE LA FORTE
mobilisation de la société civile
La reconnaissance pleine et entière de la Palestine n’adviendra que lorsqu’elle sera reconnue bilatéralement par une majorité d’États.
Le 29 novembre 2012, l’Assemblée générale des Nations Unies a officiellement reconnu la Palestine comme État observateur non membre à l’ONU. La délégation palestinienne conduite par Mahmoud Abbas pouvait souffler, elle avait enfin obtenu le résultat attendu de tous les efforts internationaux engagés depuis deux ans. C’est donc une victoire, bien que l’avancée soit – pour l’instant du moins – surtout symbolique. La Belgique a, quant à elle, soutenu la demande palestinienne et cela, grâce à une forte mobilisation de la société civile.
par Nathalie Janne d’Othée
UNE RECONNAISSANCE SYMBOLIQUE
UNE FORTE MOBILISATION BELGE
La reconnaissance apparaît, dans un premier temps, purement symbolique parce qu’en soi, elle ne change rien à la situation sur le terrain. De nombreux Palestiniens étaient sceptiques, voire opposés à la démarche de l’Autorité palestinienne (AP). Au premier rang, les réfugiés rappellent qu’une telle reconnaissance ne règle pas la question du droit au retour. D’autres soulignent que le morcellement actuel du territoire palestinien empêche l’établissement réel d’un État. Bref, les objections à la portée d’une telle reconnaissance sont nombreuses.
Dès l’annonce, en mai 2011, d’une initiative en ce sens de l’AP en direction de l’ONU, la société civile belge lance aussitôt une campagne en faveur de la reconnaissance de l’État palestinien. Plus de 35 organisations, syndicats, ONG, organisations pour la paix et la démocratie, associations et comités de solidarité se joignent à l’appel. Connaissant la position de la Belgique, et plus largement de l’Union européenne quant à l’édification d’un État palestinien, la demande de reconnaissance ne semble pas en contradiction avec celle-ci et apparaît donc relativement facile à obtenir.
Au-delà du bien-fondé de ces objections, soulignons néanmoins que la reconnaissance de l’État de Palestine peut offrir de nouvelles opportunités aux Palestiniens. C’est pourquoi Israël s’est opposé à l’initiative et a tenté de convaincre les chancelleries américaine et européennes de ne pas laisser faire Mahmoud Abbas. Le statut d’État non membre permet en effet à la Palestine de devenir signataire des principales conventions internationales et ouvrirait par conséquent la possibilité de son adhésion aux mécanismes de contrôle de ces dernières. La Palestine pourrait ainsi porter plainte devant la Cour pénale internationale. Mais une telle décision demanderait un courage politique certain au Président de l’AP, si l’on considère l’opposition internationale à ce que certains qualifient « d’action unilatérale contre-productive ». Dès le lendemain de la reconnaissance, Mahmoud Abbas a déclaré n’avoir recours à la CPI « qu’en cas d’agression ». Après la nouvelle attaque contre Gaza ou la construction de 3 000 nouveaux logements sur le site de E1, l’AP n’a pourtant pas encore osé interpeller la justice internationale. Mais laissons là les opportunités offertes par la reconnaissance pour revenir plutôt sur ce qui l’a permise, en particulier en Belgique et dans l’UE.
De multiples appels sont lancés au gouvernement alors en affaires courantes ainsi qu’aux présidents des principaux partis, francophones et néerlandophones. Une grande manifestation est organisée le 21 septembre 2011. Or la position de la Belgique se profile en deçà des attentes, en s’alignant sur un improbable consensus européen. Le 12 juillet 2011, le Sénat vote une résolution en faveur de la reconnaissance de l’État palestinien « en concertation avec les partenaires européens et ce, dans les frontières de 1967 ». Proposé par Marie Arena (PS) et Bert Anciaux (sp.a), le projet de résolution est adopté par 43 voix pour et 11 abstentions (l’Open Vld, 3 élus du MR et le VB). Mais la question d’une éventuelle reconnaissance de la Palestine aux Nations Unies ne se pose finalement pas pour la Belgique en 2011. Le 23 septembre 2011, Mahmoud Abbas annonce, devant l’Assemblée générale, la volonté de la Palestine de devenir un État membre des Nations Unies. Or la procédure pour accéder à ce statut requiert une reconnaissance par le Conseil de sécurité, soit une majorité de 9 votes sur 15, en ce compris les cinq membres permanents. L’Autorité palestinienne comprend vite que si elle réussit – difficilement – à convaincre une majorité des membres du Conseil de sécurité, elle ne pourra par
ailleurs pas contourner le veto des États-Unis. Mahmoud Abbas achève donc 2011 sur un échec, bien que l’initiative ait eu l’avantage de remettre la question palestinienne à l’agenda international. Depuis, peu d’informations filtrent en 2012 sur ce que l’AP compte donner comme suites à sa démarche. Mais la date de l’Assemblée générale des Nations Unies se rapprochant, la rumeur d’une nouvelle demande finit par être confirmée, mais cette fois pour faire partie de l’AG en tant qu’Etat non membre observateur. Lors d’une rencontre avec le cabinet de Didier Reynders, devenu entre-temps ministre des Affaires étrangères, une délégation de la société civile apprend que la Belgique s’abstiendra lors du vote à l’ONU pour se conformer à la position de l’UE (voir encart sur l’UE et la reconnaissance de la Palestine). Et pourtant, aucun consensus européen ne se dégage. Or la résolution du Sénat prône avant tout la reconnaissance, même si elle préconise la concertation avec les autres États membres. Un dernier effort sera alors réalisé par la société civile, via des interpellations par mail et par téléphone, pour forcer un changement de la position belge. Plusieurs partis de l’opposition et de la majorité se sont également mobilisés dans les jours qui ont précédé le vote à l’Assemblée générale.
Après un kern extraordinaire convoqué par le PS et le cdH, la Belgique décide enfin de soutenir la requête palestinienne à l’ONU. Il est néanmoins étonnant qu’une telle mobilisation ait été nécessaire, alors que la Belgique avait déjà reconnu la Palestine à l’UNESCO. Le ministre des Affaires étrangères comptait donc prendre une décision là-dessus sans concertation aucune avec le reste du gouvernement et, en dépit de la résolution du Sénat en faveur de la reconnaissance. Aujourd’hui, la Palestine est un État non membre observateur à l’Assemblée générale des Nations Unies, au même titre que le Vatican et cela, en partie grâce au vote de la Belgique. Pour la Palestine, le statut d’État non membre signifie avant tout être internationalement reconnu comme un État, un acquis de fait qui ne puisse être mis à mal par des négociations. Mais sa reconnaissance pleine et entière n’adviendra que lorsqu’elle sera reconnue bilatéralement par une majorité d’États. Pour être cohérente avec ses choix à l’UNESCO et à l’AG, mais aussi avec le rehaussement du statut de la Déléguée générale de Palestine à celui d’Ambassadeur, et pour lancer la dynamique au sein de l’UE, il serait assez logique que la Belgique poursuive sur sa lancée et reconnaisse bilatéralement la Palestine sans tarder.
L’UE ET LA RECONNAISSANCE DE LA PALESTINE Le vote sur la Palestine à l’ONU a une fois de plus mis en évidence la division de l’Europe sur la question palestinienne : 14 pays membres ont soutenu la demande palestinienne, 12 se sont abstenus, 1 seul Etat a voté contre, ce qui constitue un sérieux revers pour Israël. Si Catherine Ashton, qui tient les rênes de la diplomatie européenne, a plaidé pour l’abstention, c’est finalement à une division sur des lignes régionales à laquelle nous avons assisté. D’un côté, les pays nordiques (Suède, Finlande, Danemark), les pays baltes (Estonie, Lettonie, Lituanie) et les pays du Sud (Malte, Espagne, Italie, Portugal et Chypre) ont voté en bloc en faveur de la Palestine. De l’autre, les pays de l’Est qui se sont tous abstenus à l’exception de la République tchèque qui, en votant contre, a affirmé son isolement. Les pays du centre-ouest de l’Europe ont, quant à eux, voté en ordre dispersé : la France, la Belgique, l’Irlande, l’Autriche, l’Italie et le Luxembourg ont soutenu la requête palestinienne, alors que la Grande-Bretagne, les Pays-Bas et l’Allemagne se sont abstenus. Parmi les revirements intéressants par rapport au vote sur l’accession de la Palestine à l’UNESCO, on notera ceux de l’Allemagne et des Pays-Bas, qui passent du non à l’abstention et celui de la Suède, qui change radicalement de position, en passant du non au oui. À remarquer également : le Luxembourg, Malte et l’Autriche ont été les premiers à se positionner en faveur de la requête palestinienne et la GrandeBretagne s’est déclarée prête à voter positivement… si l’Autorité palestinienne s’engageait à ne pas saisir la Cour pénale internationale. K.L.
palestine 08 DOSSIER RECONNAISSANCE
L’UE a beau se déclarer “profondément consternée”, elle n’a jamais rien fait pour signifier concrètement sa désapprobation au gouvernement israélien.
Colonisation
3 000 NOUVEAUX LOGEMENTS SUR LE SITE DE E1: EN QUOI L’UE EST-ELLE RESPONSABLE ?
Le 30 novembre 2012, au lendemain de la reconnaissance de la Palestine comme État observateur non membre à l’ONU, le gouvernement israélien annonçait la construction de 3 000 nouveaux logements dans la zone E1, entre Jérusalem-Est et la colonie de Maale Adumim située en Cisjordanie. Tous les observateurs ont analysé la décision comme une mesure de représailles à l’initiative palestinienne à New York. Les chancelleries ont à l’unanimité condamné Israël pour cette énième marque d’arrogance. Les États-Unis et l’Allemagne euxmêmes, pourtant généralement très prudents sur ce terrain, ont clairement marqué leur désapprobation.
LA ZONE E1, UN PROJET ISRAÉLIEN DE LONGUE DATE Le plan israélien élaboré pour cette zone ne date pas d’hier. Il a été signé en 1994 par le Premier ministre travailliste Yithzak Rabin et a été repris par tous les gouvernements israéliens depuis lors. Il prévoit 3 500 logements, une zone industrielle, des commerces, des hôtels, une université. Cependant, ce plan n’a jamais pu être réalisé du fait d’une stricte opposition des États-Unis au projet. La zone concernée est en effet particulièrement sensible puisque la construction d’une colonie y empêcherait tout développement futur des quartiers arabes de Jérusalem-Est et relierait la ville à la colonie de Maale Adumim, coupant ainsi définitivement la Cisjordanie du nord de celle du sud. L’administration Bush, pourtant très soucieuse de ses bonnes relations avec Israël, s’y était opposée elle aussi, comprenant que ce projet réduirait à néant la viabilité d’un futur État palestinien. Qu’est-ce qui a changé la donne aujourd’hui ? Qu’est-ce qui permet alors à Israël d’accorder aujourd’hui les permis de construction sur cette zone ? Sans doute sa certitude maintes fois avérée qu’au-delà de quelques condamnations verbales et regrets polis de la communauté internationale, aucune sanction ne lui sera jamais imposée. L’État d’Israël jouit de facto d’une impunité totale.
LES INCOHÉRENCES DE L’UE Mais ce n’est pas tout. L’UE a ainsi une attitude complètement incohérente, condamnant en théorie la colonisation et l’encourageant objectivement par ailleurs par un renforcement de ses relations avec
Israël. C’est ce qu’a récemment démontré un rapport publié par 22 organisations européennes, dont la Fédération internationale des droits de l’homme et Broederlijk Delen. Sorti le 30 octobre 2012, et préfacé par l’ancien Commissaire européen aux relations extérieures, Hans van den Broek, le rapport « La paix au rabais : comment l’Union européenne renforce les colonies israéliennes » annonce la couleur dès son intitulé. Selon cette analyse, les Palestiniens sont doublement victimes, et l’UE encouragerait cet état des choses. Le rapport montre comment deux économies se côtoient en Cisjordanie : celle des colonies et celle des territoires palestiniens. L’économie des colonies est en grande partie subventionnée par l’État, via des aides à la production ou à l’exportation. Parallèlement, l’économie palestinienne est, quant à elle, réduite comme une peau de chagrin du fait de l’occupation israélienne. Le vol des terres, la colonisation et les évictions et démolitions de maisons qui l’accompagnent, l’exploitation des ressources hydriques, les restrictions de la mobilité, tous ces faits ont contribué à anéantir l’économie palestinienne. Alors que les exportations représentaient plus de la moitié du PIB palestinien dans les années 80, elles sont aujourd’hui tombées en dessous des 15%. L’UE a, pour sa part, conclu des accords commerciaux préférentiels avec Israël et avec les Palestiniens. Mais l’effondrement de l’économie palestinienne pour les motifs cités plus haut rend ces accords peu opérants pour les Palestiniens, alors que le marché européen représente le premier marché d’exportation pour les produits israéliens. Or l’accord entre l’UE et Israël n’inclut ni interdiction, ni obligation d’étiquetage distinctif des produits issus des colonies. Ce qui permet donc aux Israéliens d’exploiter la terre, l’eau et la main-d’œuvre des territoires palestiniens occupés, tout en bénéficiant, pour les produits issus des colonies, d’un accès privilégié au marché européen au même titre que les produits proprement israéliens. L’attitude européenne est non seulement contraire au droit international puisqu’elle conforte ainsi une violation par Israël du droit international (IVe Convention de Genève, art.49 ; Règlements de La Haye, art. 55); elle est aussi en contradiction flagrante avec les moyens engagés par l’UE dans l’édification d’un État palestinien et avec sa condamnation ferme de la colonisation.
© Fredo Bahd
par Nathalie Janne d’Othée
Israël a récemment annoncé la création de 3 000 nouveaux logements sur le site de E1. Les protestations contre cette décision se sont fait entendre partout dans le monde, mais n’ont entraîné aucune sanction réelle à l’encontre d’Israël. Un rapport publié par 22 organisations européennes souligne les incohérences de l’Union européenne et des ses États membres et les invite à agir de manière conséquente. À l’annonce du feu vert du gouvernement Netanyahou à la construction de 3 000 nouveaux logements sur le site E1, le Conseil des ministres des Affaires étrangères de l’UE a encore tenu un discours en conformité avec ses positions sur la colonisation : « L’UE est profondément consternée et s’oppose fermement aux plans israéliens visant à étendre les colonies en Cisjordanie, y compris à Jérusalem-Est, et en particulier les plans pour développer la zone E1. Le plan E1, s’il est appliqué, porterait sérieusement atteinte aux perspectives d’une résolution négociée au conflit en mettant en danger la possibilité d’un État palestinien voisin et viable, ainsi que de Jérusalem comme capitale de deux États. Il pourrait aussi entrainer des transferts forcés de populations civiles. À la lumière de son principal objectif qui est celui de parvenir à une solution à deux États, l’UE suivra de près la situation et ses implications plus larges, et agira en fonction. L’UE répète que toutes les colonies sont illégales en vertu du droit international et constituent un obstacle à la paix » (Conseil de l’UE, Affaires étrangères, 10 décembre 2012).
DE NOMBREUX MOYENS D’ACTION Mais en fait, que pourrait réellement faire l’UE? Le rapport des 22 organisations démontre que les moyens d’action de l’UE sont nombreux. Il propose premièrement un minimum : l’UE et ses État membres peuvent exiger un étiquetage distinctif sur les produits provenant des colonies israéliennes et cela, afin que le consommateur puisse agir de manière éclairée. Mais comme nous l’avons rappelé dans le précédent Palestine (n°54, novembre 2012), demander un étiquetage revient à se fier à l’honnêteté d’Israël et de ses entreprises. Or on sait à quoi s’en tenir si l’on considère la découverte faite récemment par l’organisation Corporate Watch dans la colonie de Beqa’ot située dans la Vallée du Jourdain de caisses Mehadrin étiquetées « Produits d’Israël ». Au-delà de ça, permettre la présence de produits de provenance illégale sur nos marchés et dans nos supermarchés, même dûment étiquetés, revient en fait à leur conférer une certaine légitimité. Enfin, pourquoi laisser le juste choix au consommateur, alors que le respect du droit international est d’abord du devoir de l’État ? Le rapport « La paix au rabais » propose alors une démarche plus cohérente qui est d’interdire d’accès au marché européen ces produits illégaux. Et tant que la mesure ne fait pas consensus au
niveau européen, il reviendra aux États membres de la mettre en pratique au niveau national. Outre l’arrivée de produits israéliens sur le marché européen, de nombreuses entreprises multinationales européennes opèrent également dans les colonies comme c’est le cas d’Alstom, Veolia et G4S. Là aussi, bien que n’étant pas eux-mêmes directement responsables de violations des droits humains, les États européens pourraient dissuader leurs entreprises de poursuivre des relations commerciales et des investissements dans les colonies israéliennes. Les États ont encore la latitude d’exclure les entreprises impliquées dans la colonisation de tous les accords ou appels d’offres de l’UE. L’accord ACAA sur la conformité et l’acceptation des produits devrait ainsi inclure une clause qui fasse la distinction entre les produits issus des colonies et ceux provenant du territoire israélien. En ce qui concerne les transactions financières, le rapport suggère enfin que les États prennent l’initiative de retirer de leurs régimes de déduction fiscale toutes les organisations qui financent les colonies ou de bloquer les transactions financières venant en soutien des colonies, qu’elles émanent de citoyens, d’entreprises ou d’organisations. L’UE a beau se déclarer « profondément consternée », elle n’a jamais rien fait pour signifier concrètement sa désapprobation au gouvernement israélien. Bien au contraire, en tissant avec Israël des liens de plus en plus étroits, elle l’encourage à persévérer dans sa politique de colonisation. On peut donc considérer qu’en ce sens, l’UE a sa part de responsabilité dans le feu vert de Netanyahou à la construction de 3 000 nouveaux logements sur le site E1. Aujourd’hui, il est temps que les choses changent, que l’UE assume enfin ses obligations et manifeste le minimum de courage politique nécessaire pour prendre des initiatives qui aboutiraient à ce qu’Israël réalise qu’il ne peut agir indéfiniment en toute impunité.
palestine 10 ÉLÉCTIONS
palestine 11 AIC
ÉLECTIONS ISRAÉLIENNES
Le 23 janvier, au lendemain des élections israéliennes, vous n’avez certainement pas manqué de vous précipiter sur tous les médias, belges et européens, qui vous tombaient sous la main. Et pour peu que vous n’ayez pas la mémoire des chiffres ou un modèle de comparaison, vous vous êtes dit, ainsi qu’on vous le suggérait, que l’électorat israélien avait remis la balle au centre, désavouant ainsi la politique de colonisation à outrance du gouvernement sortant…
Netanyahou a perdu, mais l’extrême droite a gagné
par Henri Wajnblum
MAIS OÙ SONT-ILS DONC ALLÉS CHERCHER ÇA ? Qu’on en juge… Dans la Knesset (parlement israélien) sortante, le centre – travaillistes, que l’on ne peut décemment classer au centre gauche, et Kadima (En avant), le parti de Tzipi Livni – comptait 41 sièges : 13 pour les travaillistes et 28 pour Kadima. Aujourd’hui (résultats définitifs publiés le 24 janvier par la commission électorale), il n’en compte qu’un de plus : travaillistes 15 ; Yesh Atid (Il y a un avenir) le nouveau parti de Yaïr Lapid, ancien journaliste vedette de la TV, 19 ; Hatnuah (Le mouvement), le nouveau parti de Tzipi Livni 6 et Kadima, dirigé par le faucon Shaul Mofaz, 2 soit 42 au total. Comme raz-de-marée centriste, on fait mieux. En réalité, Shelly Yachimovich est l’actuelle dirigeante du parti travailliste et l’écrivain Amos Oz estime qu’elle est pire que son prédécesseur, Ehoud Barak, ce qui n’est pas peu dire. En effet, explique-t-il, là où, face à la question palestinienne, Barak disait « Il n’y a pas de solution », Yachimovich, elle, affirme « Il n’y a pas de problème » ! Cela lui a certainement fait perdre des voix de gauche en faveur du parti de centre gauche Meretz (Vigueur), permettant ainsi à celui-ci de passer de 3 à 6 députés. Donc, disais-je, le parti travailliste, Yesh Atid et Hatnuah se sont essentiellement nourris sur la dépouille de Kadima qui a subi une véritable bérézina. D’un centre à l’autre donc, rien de plus. Autre affirmation péremptoire de nos médias : la droite et Benyamin Netanyahou sont en net recul… Il est vrai que le bloc de la droite extrême et de l’extrême droite, appuyés par les partis ultra-orthodoxes Shas et le parti unifié de la Torah, comptaient 65 députés dans la précédente législature et qu’il n’en comptent plus que 61, soit tout juste la majorité absolue. Il est vrai aussi que le cartel formé par le Likoud de Benyamin Netanyahou et Israel Beitenu (Israël notre maison) d’Avigdor Lieberman qui comptaient précédemment, ensemble, 42 députés (27 pour le Likoud et 15 pour Israel Beitenou) a essuyé une fameuse déculottée et n’en compte plus aujourd’hui que 31 (20 pour Netanyahou et 11 pour Lieberman). Faut-il en conclure pour
L’ABP a décidé de publier la lettre d’appel de soutien d’urgence de Michel Warshawski. En effet, faute de subsides, le Centre d’information alternative (AIC) qu’il a fondé risque de fermer. L’AIC est notre partenaire de toujours. Par ses publications à contre-courant et bien documentées, par ses nombreux exposés sans concession et son accompagnement lors de nos missions et visites sur le terrain, l’AIC contribue courageusement à dénoncer en Israël et hors d’Israël la politique coloniale de son pays et à combattre pour l’égalité entre Palestiniens et Israéliens. Toutes les personnes qui ont participé aux missions civiles ont pu rencontrer Michel qui nous a toujours reçus avec chaleur.
Le Centre d’information alternative
REÇOIT LE PRIX DES DROITS DE L’HOMME DE LA RÉPUBLIQUE FRANÇAISE ET… DOIT METTRE LA CLEF SOUS LE PAILLASSON !
autant que la droite pure et dure a subi un revers tel qu’il laisserait entrevoir une lueur d’espoir aux Palestiniens ? Il n’en est malheureusement rien, bien au contraire… La représentation parlementaire actuelle du Likoud, dont certaines figures considérées comme « modérées » ont été évincées lors des primaires du parti, est en effet très clairement passée de la droite extrême à l’extrême droite. Et ce serait aussi sans compter sur le réel succès du parti Bayt Yehudi (La maison juive) de Naftali Bennet qui passe de 3 à 12 sièges. Bayt Yehudi peut être considéré comme le parti des colons idéologiques et son nouveau leader, Naftali Benett, pour lequel « un État palestinien serait un suicide national », prône ouvertement l’annexion pure et simple de la plus grande partie de la Cisjordanie, à savoir la zone C qui se trouve toujours sous contrôle total de l’armée israélienne ! Reste, sur la question israélo-palestinienne, la véritable opposition… À savoir le Meretz avec 6 députés, le parti communiste post-marxiste Hadash avec 4 députés et les deux partis arabes israéliens RaamTaal avec 4 députés et Balad avec 3 députés, soit 17 députés au total. Il est évidemment trop tôt, au moment où ces lignes sont écrites, pour savoir comment sera composée la future coalition. On a vu que Netanyahou pourrait gouverner avec le seul bloc d’extrême droite appuyé par le Shas et le parti unifié de la Torah puisqu’il disposerait de 61 voix à la Knesset. Ce serait évidemment une majorité fort fragile. Peut-être sera-t-il alors tenté de faire appel à Yaïr Lapid fort de ses 19 députés. Mais ce ne sera pas une mince affaire car le programme de Lapid, qui veut en terminer avec l’exemption de service militaire des religieux orthodoxes, va buter sur le veto absolu des partis religieux. Va-t-il, dans ces conditions, oser tenter l’aventure au risque de « manger son chapeau » dès l’entame de la législature ? L’avenir nous le dira. Mais ce qui est certain, c’est que, quelle que soit la coalition gouvernementale qui verra le jour, elle ne présagera strictement rien de bon pour le peuple palestinien.
Cher/es amies L’objet de cette lettre est double, une bonne nouvelle et une mauvaise nouvelle. La bonne nouvelle est que le Centre d’Information Alternative que j’ai longtemps dirigé et dont je reste un membre actif vient de recevoir le Prix des droits de l’Homme de la République Française. Il s’agit là d’une reconnaissance institutionnelle dont on ne peut sous-estimer l’importance, et les réactions hystériques du Conseil [dit] Représentatif des Institutions Juives de France sont là pour le confirmer. L’AIC est fière de voir ainsi saluée son action pour une coopération israélopalestinienne dans le combat contre le colonialisme et pour l’égalité. Tout comme nous sommes fiers d’avoir été dénoncés cette semaine par l’organisation néoconservatrice « NGO Monitor » comme l’organisation qui en a fait le plus dans la dénonciation des derniers crimes israéliens à Gaza. La mauvaise nouvelle est que nous allons devoir fermer notre bureau à Jérusalem-Ouest par manque de financements. Ce bureau que beaucoup d’entre vous ont connu est non seulement un lieu de travail pour une partie de notre équipe, mais surtout un espace mis en permanence à la disposition de l’ensemble du mouvement social et associatif à Jérusalem-Ouest ainsi qu’une adresse incontournable pour des centaines de militants internationaux qui viennent chaque année en mission ou en délégation en Palestine/Israël. Suite à la crise économique et sociale qui a gravement touché nos partenaires européens, nos ressources ont été réduites cette année de plus de 50%, et nous avons été obligés de licencier près de la moitié de notre équipe. Les salaires en outre n’ont pas été payés depuis deux mois. Il s’agit maintenant de fermer notre bureau de
Jérusalem, avec tout ce que cela implique en termes de recul pour la réalisation de notre mission. Nous voudrions à tout prix éviter la fermeture de notre bureau et pouvoir retrouver le plus rapidement possible nos capacités d’action antérieures. C’est la raison de cet appel à vous, nos ami/es et partenaires. Vous connaissez l’importance de l’AIC et de sa mission, et nous vous demandons de vous mobiliser et de mobiliser vos adhérents ainsi que vos partenaires et vos connaissances pour un soutien d’urgence au Centre d’Information Alternative. Toute aide financière sera la bienvenue, même de petites sommes. Vous pouvez nous faire parvenir vos dons, soit par virement de carte bancaire – ce qui est préférable et bon marché – soit par chèque, soit par un virement à notre compte bancaire. Tous les détails se trouvent sur notre site internet (alternativenews.org) ou en contactant Connie, notre directrice administrative (connie.hackbarth@alternativenews.org). Il serait inimaginable qu’au moment où nous recevons ce prestigieux Prix des droits de l’Homme, nous dussions fermer boutique. Aideznous à passer cette mauvaise passe. Nous comptons sur vous. Michel Warschawski Conseil d’Administration/Centre d’Information Alternative Si vous voulez aider l’AIC et pour plus de facilité, vous pouvez verser vos dons sur le compte de l’ABP BE30 001260399711, avec la mention explicite « solidarité avec l’AIC ». Nous les reverserons intégralement à l’AIC. Merci d’avance.
palestine 12 DOSSIER GAZA
L’opération « Pilier de défense
DOSSIER
Gaza
À NOUVEAU SOUS LES BOMBES
Après une semaine de frappes aériennes intensives, l’opération militaire israélienne Pilier de Défense laisse à nouveau la bande de Gaza exsangue. Quatre ans à peine après l’opération Plomb durci, le même scénario se reproduit : approche des élections israéliennes, silence de la communauté internationale, musèlement et intimidations de la presse internationale. Pour se rappeler que Gaza est également un lieu de vie et de création, ce dossier se clôture par la présentation de l’œuvre de l’artiste gazaouïe Laila Shawa qui rencontre un grand succès.
À GAZA, UN AIR DE DÉJÀ-VU par Hocine Ouazraf
Le 14 novembre 2012, Israël lance contre la bande de Gaza une offensive militaire d’envergure par mer, par air et par terre. Pour de nombreux observateurs, cette énième opération militaire contre la bande de Gaza avait un air de déjà-vu. Officiellement présentée comme une réponse aux attaques à la roquette ciblant le sud d’Israël, cette escalade militaire obéit en fait à une logique politique et militaire beaucoup plus sournoise de l’État d’Israël. L’opération militaire baptisée Pilier de défense n’est en effet que la répétition d’un scénario bien rodé auquel les responsables politiques et militaires israéliens nous ont accoutumés de longue date.
UN SCÉNARIO BIEN RÔDÉ Les dernières offensives militaires israéliennes contre la bande de Gaza suivent une stratégie militaire et politique bien huilée. Elles interviennent en effet à intervalles réguliers dans des contextes politiques relativement calmes durant lesquels une trêve militaire est apparemment observée par les deux parties. Trois exemples illustreront notre propos : – Ainsi, en 2003, l’« élimination ciblée » d’Ismail Abou Chanab, pourtant à l’origine d’une trêve avec Israël que le Hamas respectait scrupuleusement, provoque la reprise des hostilités militaires de la part de celui-ci. – En 2006, c’est l’assassinat extrajudiciaire d’un cadre des Comités de résistance populaire de Gaza qui entraîne la capture du soldat Shalit par le mouvement palestinien. – En 2008/2009 enfin, l’assassinat de 6 militants du Hamas et la rupture de la trêve par les forces militaires israéliennes ont pour conséquence le déclenchement de l’opération Plomb durci qui a coûté la vie à 1 400 Palestiniens, dont une majorité de civils. Des « éliminations ciblées » qui ressemblent à s’y méprendre aux nombreuses autres qui suivront et qui seront, elles aussi, à l’origine de confrontations militaires sanglantes entre Israël et le mouvement de résistance du Hamas, à l’image de la dernière confrontation de novembre 2012. Ainsi, les assassinats par les Israéliens, le 14 novembre 2012, d’Ahmad Jaabari, de son fils et de son garde du corps, au moyen d’un missile, répondent à la même logique. Responsable militaire influent du Hamas, Ahmad Jaabari était connu pour avoir obtenu la libération du soldat Shalit contre celle de 1000 prisonniers palestiniens. Au-delà de cet épisode, il avait aussi négocié une trêve entre Israël et le Hamas au lendemain de l’opération Plomb durci (décembre 2008/janvier 2009) et s’apprêtait à négocier une nouvelle
trêve sous supervision égyptienne au moment où il fut assassiné par les forces militaires israéliennes, ce qui lui valait le sobriquet de « sous-traitant » de l’État d’Israël. Qu’on ne s’y trompe pas, en l’assassinant, Israël faisait clairement le choix de provoquer les foudres du Hamas et radicaliser ses partisans.
UNE LOGIQUE DE LA RADICALISATION OU COMMENT ANNIHILER LES PARTISANS DE LA SOLUTION POLITIQUE Ayant rejeté le processus de paix, le Hamas va connaître cependant ces dernières années une évolution qui le conduira vers plus de pragmatisme. Partisan de la lutte armée, il affiche clairement sa volonté d’entrer dans le jeu politique en participant notamment aux élections palestiniennes de 2006. En acceptant, en 2006, le document d’entente nationale à l’initiative de plusieurs factions palestiniennes, le Hamas reconnaît de manière implicite l’existence de l’État hébreu. Conscient du rapport de forces en sa défaveur et partisan de la realpolitik, le Hamas tente de contrôler, voire d’éradiquer le lancement de roquettes depuis la bande de Gaza par des groupes islamistes tels que le Jihad islamique, allant même jusqu’à créer une force de plusieurs centaines d’hommes dans ce but. Pour Jean-François Legrain, spécialiste reconnu du Hamas : « Depuis son accession aux affaires par la voie des urnes en 2006, et tout particulièrement depuis 2007 et sa prise de contrôle exclusif de la bande de Gaza, il n’a eu de cesse de garantir, tant bien que mal, un bas niveau de violence aux frontières de l’État hébreu. Il se montrait, par-là, conscient de la réalité du rapport des forces en présence mais également des responsabilités induites par la prise en charge du quotidien d’un million et demi de citoyens soumis à un implacable blocus. » Une telle attitude sera condamnée
palestine 15 DOSSIER GAZA
Loin d’obtenir les résultats escomptés, les agressions militaires israéliennes à répétition contre Gaza ne font que renforcer la crédibilité du mouvement Hamas.
ÊTRE JOURNALISTE DES CALCULS ÉLECTORAUX CYNIQUES
par les autres groupes de la résistance armée qui ont éclos ces derniers temps et une partie de sa base pour qui le Hamas agit ainsi en force supplétive de l’État d’Israël. Ils lui reprochent, entres autres, de ne pas aller assez loin dans ses opérations militaires malgré les offensives israéliennes et la poursuite du blocus de la bande de Gaza. Il est d’ailleurs avéré que les dernières attaques à la roquette contre le sud d’Israël n’étaient pas le fait du Hamas. Dans sa logique de lutte contre le Hamas, Israël a toujours voulu discréditer l’organisation aux yeux de sa propre population en la rendant responsable du sort qui lui est infligé par les responsables politiques et militaires israéliens. Loin d’obtenir les résultats escomptés, les agressions militaires israéliennes à répétition renforcent la crédibilité du mouvement Hamas. Le calcul politique israélien est d’autant plus sournois qu’en attaquant militairement la bande de Gaza, Israël savait pertinemment que le Hamas ne pouvait que réagir militairement. Ce qui entraînerait aussitôt de la part des pays occidentaux un soutien sur lequel Israël sait qu’il peut compter. L’appui inconditionnel d’Israël auquel nous ont habitués les pays occidentaux ne s’est d’ailleurs pas fait attendre. Les États-Unis, par la voix de leur président Barack Obama, et l’Union européenne, par la voix de sa Haute représentante pour la politique étrangère Madame Ashton, ont aussitôt reconnu à Israël le droit de se défendre. D’autant que, dans le contexte international de lutte contre le terrorisme dit « islamiste », Israël n’a de cesse d’instrumentaliser la question de Gaza en l’inscrivant dans le registre de ce combat, compte tenu du référent religieux dont le Hamas s’est affublé. Le point culminant de cette stratégie de diabolisation du Hamas par Israël est de rejeter toute perspective de contacts politiques – autres que sécuritaires – en prétendant que le Hamas n’est pas un interlocuteur pour la paix. Au regard des éléments précités, on comprend que toute forme de normalisation du Hamas serait éminemment préjudiciable aux intérêts d’Israël.
En Israël, de l’avis même de certains observateurs israéliens de la politique de l’État hébreu, les échéances électorales sont propices aux attaques militaires contre leurs voisins. De nombreux précédents attestent de cette triste réalité. En 1996, lors de l’opération militaire israélienne Raisins de la colère contre le Liban et en 2008/2009 lors de l’opération Plomb durci, ce sont à chaque fois des calculs électoraux cyniques qui ont conduit Israël à engager des attaques militaires sanglantes contre ces deux territoires. Benjamin Netanyahou, l’actuel Premier ministre israélien, n’échappe pas à cette règle. Lui aussi avait derrière la tête des considérations électoralistes en lançant l’attaque contre la bande de Gaza. N’ayant pu obtenir l’aval de l’administration américaine et de son président Barack Obama pour une attaque contre les installations nucléaires iraniennes et craignant une admission de la Palestine comme État non membre aux Nations Unies, il a préféré la fuite en avant en s’attaquant au maillon faible qu’est la bande de Gaza. La résistance du Hamas et la portée de plus en plus longue des missiles envoyés sur Israël auront réussi à dissuader les responsables militaires israéliens de se lancer dans une offensive terrestre. Mais aussi et surtout, ces deux éléments combinés auraient produit un effet inverse sur l’opinion publique israélienne de celui escompté par le Premier ministre israélien. En effet, la chute de missiles sur Tel-Aviv aurait porté sérieusement atteinte aux ambitions électorales de ce dernier.
à Gaza
par Marianne Blume
« Je suis payée pour être vos yeux et vos oreilles là où vous ne pouvez être. Est-ce ma faute si la réalité que je rapporte va à l’encontre de certains agendas politiques ? » Caroline Bourgeret, janvier 2013
LE COUP DE GUEULE D’UNE JOURNALISTE FRANÇAISE Caroline Bourgeret, correspondante de TV5 au Liban, est à Gaza lors de l’opération Pilier de défense. Dans ses reportages, notamment pour la RTBF, elle relate le quotidien des habitants sous les bombes. À côté des messages d’encouragement, elle reçoit de nombreuses critiques virulentes. Elle décide alors de riposter dans un long article : « Mes détracteurs me demandent de donner de « vraies informations » sur Gaza. Mais qu’est-ce que ça veut dire de « vraies informations » ? Je n’ai pas menti, je n’ai pas inventé. Si la description de la vie à Gaza est si accablante pour Israël, qu’y puis-je ? Devrais-je modifier la réalité pour leur faire plaisir ? Pour qu’une partie du monde occidental entende ce qu’elle a envie d’entendre ? » Dans le même élan, elle s’insurge aussi contre le silence des médias sur l’assassinat de deux journalistes palestiniens travaillant pour une TV proche du Hamas et taxés pour cette raison de « non légitimes » par les autorités israéliennes. Cette jeune journaliste pose les bonnes questions : que signifie « vraies informations » et qu’est-ce qu’un vrai journaliste, un journaliste « légitime » ? Des questions que bien sûr d’autres ont déjà posées avant elle (Denis Sieffert, Jonathan Cook,...) mais qui restent toujours d’une brûlante actualité quand on parle d’Israël et de la Palestine.
QUINZE FEMMES À L’ASSAUT DE BEIT EL Au moment même où l’armée israélienne attaquait Gaza, des femmes de Cisjordanie sont allées protester dans la colonie de Beit El. Drapeau à la main et arborant un calicot « Nous sommes à tes côtés, Gaza », huit d’entre elles ont escaladé un bâtiment de la colonie sur une échelle apportée avec elles. Elles sont restées là une vingtaine de minutes avant que les soldats, bien plus nombreux que les manifestantes, les encerclent et les évacuent. Huit d’entre elles ont été arrêtées. Relâchées le jour même, elles ont dû payer une amende. Pour Gaza. Mais pourquoi choisir Beit El ? Parce que, ont-elles dit, c’est « le symbole de l’occupation israélienne et de la loi militaire en Cisjordanie ». Beit El est en effet une colonie ultrareligieuse qui, d’ailleurs, abrite Arutz Sheva, un média des colons d’extrême-droite. Ce sont ces colons qui ont installé un outpost (colonie sauvage, illégale même pour Israël) sur des terres privées palestiniennes, occupées auparavant par un poste militaire. C’est pour cette colonie ultrareligieuse d’extrême droite que Netanyahu avait demandé à une commission de trouver une solution « légale » afin d’en éviter le démantèlement. Photos et vidéo : http://stream.aljazeera.com/story/palestinian-women-occupybeitel-0022406 M.B.
LA SOURDE OREILLE DES GRANDS MÉDIAS La plupart des médias dominants s’en tiennent à une pseudo-équidistance qui fait qu’on interviewe complaisamment le porte-parole israélien mais qu’on rapporte encadrés par des guillemets ce que déclare la partie palestinienne. Qu’on met la mort d’un enfant à Gaza sur le même pied que le stress d’un enfant à Sderot, qui nous donne à croire que les Qassams sont des missiles, etc. De trop nombreux journalistes non spécialistes du Moyen-Orient s’en tiennent aux informations fournies par les autorités israéliennes. On a entendu à peu près partout, comme une antienne, qu’Israël avait riposté aux inces-
sants tirs de roquettes du Hamas et qu’il avait le droit de se défendre. Le quidam a pu ainsi imaginer que c’était une puissance étrangère surarmée qui attaquait Israël. Par la suite, rares sont les journalistes qui n’ont pas également adopté la narration israélienne : c’est ainsi que les 15 militants palestiniens éliminés fin octobre et l’enfant de 13 ans tué lors d’une incursion sont tout simplement ignorés. Lors de l’assassinat d’Ahmed Jabari, les médias dominants ont « oublié » de dire qu’il était sur le point de signer un accord de cessez-le-feu avec Israël. Pourtant, dès le lendemain, Gershon Baskin l’expliquait lui-même dans le Haaretz. C’est pourquoi une série de personnalités, dont Noam Chomsky, ont dénoncé, exemples à l’appui, « la sourde oreille des grands médias sur la situation à Gaza » (www.acrimed.org). Ces personnalités mettent en évidence le vide d’informations au début de l’opération Pilier de défense, la narration biaisée par la suite, l’absence quasi totale de références à la souffrance des populations civiles et la censure sur les photos de victimes.
OBSTRUCTION À LA LIBERTÉ D’INFORMATION Si Israël a laissé, cette fois, les journalistes étrangers entrer dans la bande de Gaza, il n’hésite pas pour autant à les intimider : le 21 novembre, une bombe explosait devant le Beach Hotel où la plupart d’entre eux sont descendus… Auparavant, des bâtiments connus pour abriter des bureaux de médias ont été la cible de missiles. Quant l’immeuble qui abritait notamment les bureaux de l’AFP a été visé, l’armée a twitté que c’était « un QG du renseignement du Hamas ». Le porte-parole de l’armée n’avait–il pas lancé un avertissement ? : « Journalistes à Gaza : restez à l'écart des terroristes/infrastructures du Hamas. N'acceptez pas de leur servir de boucliers humains. » En résumé, dans son bureau comme sur le terrain, pour peu qu’il soit à proximité d’un Palestinien jugé du Hamas, un journaliste à Gaza est en danger. Comme le souligne Reporters sans frontières dans un communiqué de condamnation, « ces attaques représentent une obstruction à la liberté de l’information ».
palestine 17 DOSSIER GAZA
Si vous pouvez me montrer un authentique journaliste blessé… Mark Regev, porte-parole du gouvernement israélien
Quant aux journalistes israéliens, Gideon Levy déclare qu’ils sont tout simplement des conscrits de la propagande (To Gaza I did not go, Haaretz, 22 novembre 2012). En effet, interdits d’entrée à Gaza, ils ne protestent pas et n’ont pas cherché pas à se rendre sur place pour informer leur public. Pour Suleiman Al-Shafi, son collègue de la chaîne 2, l’armée cherche à contrôler les médias pour mieux faire passer « sa » vérité. Les journalistes israéliens travaillent donc sur Gaza à distance (téléphone, dépêches, correspondants palestiniens) quand ils ne se comportent pas comme si Gaza n’existait pas (Benjamin Barthe, Gaza, terre fantôme des médias israéliens, AFPS, 2007).
DES JOURNALISTES ILLÉGITIMES Interrogé après l’attaque d’un bâtiment hébergeant des médias palestiniens et étrangers qui fit 8 blessés (dont un journaliste palestinien qui y a perdu une jambe), Mark Regev, porte-parole israélien, donne sa définition du journaliste : « (…) Il y a la station Al-Aqsa, une station dirigée et contrôlée par le Hamas. Exactement comme dans d’autres régimes totalitaires, les médias y sont utilisés par le régime pour diriger et contrôler avec, en plus, des objectifs sécuritaires. De notre point de vue, ce (= la personne qui y travaille) n’est pas un journaliste légitime, comme un journaliste d’Al-Jazeera ou de la BBC… ». La porte-parole de l’armée, Avital Leibovitch, est plus claire encore : « Ces terroristes avec des caméras et des notebooks en mains ne sont pas différents de leurs collègues qui tirent des rockets sur les villes israéliennes. Ils ne peuvent pas bénéficier des droits et de la
protection conférés aux journalistes légitimes.» (www.electronicintifada.org, Human Watch : Israel’s justifications for killing journalists are « evidence of war crimes », décembre 2012). Pour Israël, les journalistes palestiniens sont donc « tuables à merci » du seul fait de travailler pour un média du (ou proche du) Hamas ou du Jihad islamique. Pour Human Right Watch (Unlawful Israeli attacks on Palestinian Media, novembre 2012), il s’agit là purement et simplement de « crimes de guerre », l’intention de tuer étant manifeste. Crimes de guerre, entraves à la liberté d’information. À Gaza et en Cisjordanie. À voir : l’excellent film Five Broken Cameras. La propagande ment toujours. Voilà pourquoi Israël s’attaque aux journalistes.
– 18 novembre 2012 : 6 journalistes blessés (tirs contre la tour Al-Shawa wa Hasri) + 3 journalistes d’Al-Aqsa blessés (tir contre la tour Al-Shourouq, immeuble des journalistes). – 19 novembre : 2 journalistes blessés (salves de missiles contre la tour Al-Shourouq). – 20 novembre : 2 journalistes tués (véhicule estampillé véhicule de presse bombardé) + 1 directeur de chaîne de radio tué (véhicule personnel bombardé). – 20 novembre : la tour Na’ama où est installée l’AFP est visée par des tirs. AU TOTAL : 3 journalistes tués et 11 journalistes blessés; 3 bâtiments où la presse est installée visés.
UNE TRÊVE À GAZA ? Après une semaine d’attaques contre Gaza, une trêve est conclue le 21 novembre. Le texte de l’accord de trêve prévoit qu’Israël cesse toute forme d’hostilités dans la bande de Gaza, y compris les éliminations ciblées. Il y est spécifié, sans modalités d’application, l’ouverture des points de passage, la facilitation du mouvement des personnes et du transport de marchandises, la fin des restrictions de mouvement des habitants et l’arrêt des liquidations physiques dans les zones frontalières. Bilan du 22 décembre 2012 au 22 janvier 2013 (d’après le PCHR) : – 4 tués, – 54 blessés (dont 12 enfants et 3 militants), – 6 incursions. Dès le 23 novembre, un premier Palestinien était déjà tué. – La plupart des blessés et des morts sont des paysans qui retournaient sur leurs terres, qui leur étaient jusque-là interdites d’accès, le long de la frontière. Ou alors, ce sont des personnes (souvent des enfants) qui ramassaient les gravats et les métaux. – Les pêcheurs ont reçu une autorisation d’extension de la zone de pêche à 6 milles marins mais sont toujours l’objet de tirs de la marine israélienne. Plus de 20 d’entre eux ont été de plus arrêtés. – L’armée a continué ses incursions notamment au nord et au centre de la bande de Gaza. Lire à ce sujet l’article sur le site www.france-palestine.org : TPO : Appel à une plus grande liberté d’accès terrestre et maritime à Gaza. M.B.
PORTRAIT D’UNE ARTISTE ET MILITANTE PALESTINIENNE :
Laila Shawa
par Katarzyna Lemanska
« Je crois qu’un des rôles des artistes contemporains est de transmettre, à travers l’art, une réflexion sur leur temps et de communiquer cette réalité aux spectateurs. Durant une période de quatre ans et depuis le début de la première Intifada, j’ai cherché la méthode et le moyen avec lesquels décrypter le dialogue brut apparaissant sur les murs de Gaza, entre les différentes factions palestiniennes et leurs occupants israéliens ». C’est en ces mots que Laila Shawa décrit son projet « Walls of Gaza » (1992), une installation qui se décompose en trois séries : sérigraphies, photolithographies imprimées sur papier et œuvres associant photographie et peinture acrylique. En partant des représentations réalisées à l’époque par les habitants de Gaza sur les murs de la ville et qui sont vouées à être recouvertes (si pas détruites) par l’occupant israélien, Laila Shawa reconstruit un dialogue, violent, entre l’occupant et l’occupé. En les prenant en photo, elle les fige dans le temps, leur permet de dépasser la destruction matérielle en les inscrivant dans un patrimoine culturel indestructible. Le thème principal de cette œuvre est celui de l’enfance et du traumatisme. Elle le reprendra quelques années plus tard dans « Children of war, children of peace » (2002), qui répète l’image d’un enfant sur des murs de couleurs différentes : si l’horizon est devenu plus lumineux avec les espoirs portés par le processus de paix en 1993, la misère, la violence, les traumatismes vécus sont restés les mêmes. L’absence de changement vient finalement assombrir l’optimisme initial. Née à Gaza en 1940, Laila Shawa descend d’une des plus anciennes et prestigieuses familles gazaouies. Son père a notamment été maire de la ville de 1971 à 1982. À la fois militante et artiste, elle réalise des œuvres qui traduisent de manière intense son engagement politique et les réalités sociopolitiques de la Palestine et du Moyen-Orient. Elle étudie l’art au Caire puis en Italie et en Autriche. Elle enseigne à Gaza jusqu’en 1967 puis s’installe à Beyrouth, qu’elle quitte au début de la guerre civile. Elle rentre alors à Gaza où elle collabore à la création du Centre culturel Rashad Shawa. Elle s’installe définitivement à
Londres au moment du déclenchement de la première Intifada. Malgré l’exil, son identité gazaouie imprègne ses œuvres : « J’appartiens au monde et en même temps j’appartiens à un lieu précis, Gaza. Et ce lieu est en permanence nié, détruit, ruiné, enfermé. Comment ne pas prendre cela en compte ? ». La série « Trapped : a female suicide bomber » (2011), par exemple, nait de son questionnement sur les femmes martyres en Palestine. Elle exprime une réalité toute en nuances, qui est à la fois violente et dérangeante. Une des pièces de la série consiste en une vidéo prise par des caméras de surveillance israéliennes où l’on voit une jeune femme qui, après avoir raté sa tentative d’attentat, tombe dans l’hystérie. Loin d’imposer son interprétation ou une interprétation unique, Laila Shawa bouscule, interroge le spectateur. Elle provoque la réflexion sur la signification politique et sociale d’un geste qui incarne la violence ultime. Elle y mêle la question identitaire liée à la condition féminine : la femme, par l’accomplissement de ce geste, se pose en égale de l’homme. Elle inscrit l’œuvre dans un contexte global où il arrive que la femme soit abusée, en tant que femme, par l’homme et la société, et en tant que personne, par l’occupation. Enfermée par l’occupation, immobilisée dans un rôle social conditionné qui plus est par le contexte politique, elle se retrouve coincée dans une ceinture d’explosifs qu’elle n’arrive pas à déclencher. Submergée par l’angoisse, elle sombre dans l’hystérie. Par peur de mourir ou de rester en vie ? Laila Shawa laisse la question ouverte. Les techniques qu’elle mélange, les couches qu’elle superpose et la variété de couleurs qu’elle utilise confèrent à son œuvre toute la richesse qui la caractérise. Elles lui permettent d’aborder des thèmes tels que l’occupation, la violence, le traumatisme, la misère, l’enfermement, la mémoire et la peur sous leurs différentes facettes – politique, sociologique et culturelle – tout en exprimant avec subtilité les ironies, les hypocrisies, les angoisses et les contradictions d’une réalité étouffante.
palestine 18 PRISONNIERS
Israël fait tout un battage médiatique lorsqu’il libère des détenus palestiniens et quelques mois plus tard, il arrête à nouveau, mais alors en toute discrétion, les mêmes qui viennent à peine de recouvrer leur liberté. Les 11 et 12 décembre derniers, la Ligue arabe a convoqué une conférence internationale pour « la solidarité avec les prisonniers palestiniens et arabes dans les prisons de l’occupation israélienne ». Des représentants de la société civile de plus de 70 pays, dont la Belgique, ont participé à l’événement auquel étaient également conviés des experts juridiques, des témoins et anciens prisonniers, ainsi que des officiels irakiens et palestiniens.
Prisonniers palestiniens
ENCORE COMBIEN DE GRÈVES DE LA FAIM ? par François Sarramagnan
L’objectif annoncé était de partager des témoignages, des analyses de fond et des exemples de mobilisations afin de dégager des pistes d’action pour la société civile internationale, mais également d’adresser des recommandations à la Ligue arabe sur la question des prisonniers. En effet, alors que l’actualité palestinienne est monopolisée par les annonces incessantes de construction de nouvelles colonies, on ne peut oublier que plus de 4 600 prisonniers palestiniens croupissent encore dans les geôles israéliennes. Jour après jour, leur nombre augmente de manière exponentielle, tout particulièrement depuis la reconnaissance de la Palestine comme État non membre à l’ONU. Ces derniers mois, ce sont à nouveau des prisonniers en grève de la faim au finish qui sont devenus une des principales sources de préoccupation. A l’heure où nous écrivons ces lignes, Samer al-Issawi entame sa 25e semaine de grève de la faim dans la prison de Ramleh, après avoir été hospitalisé suite à une grave détérioration de son état de santé. Aux côtés d’Ayman Sharawneh, autre détenu en grève de la faim depuis plus de 28 semaines, il a refusé une libération assortie d’un exil que lui proposaient les autorités israéliennes. Comme on pouvait s’y attendre, celles-ci semblent incapables de comprendre le sens de cette privation de nourriture que les prisonniers s’infligent… Par ailleurs, nous sommes désormais habitués à la pratique malhonnête dont ces deux prisonniers ont fait l’objet : Israël fait en effet tout un battage médiatique lorsqu’il libère des détenus palestiniens, dans ce cas lors de l’échange organisé avec le Hamas en octobre 2011, et quelques mois plus tard, il arrête à nouveau, mais alors en toute discrétion, les mêmes qui viennent à peine de recouvrer leur liberté. Aujourd’hui, la grève de la faim de Samer al-Issawi et Ayman Sharawneh est leur cri de dignité, un appel à mettre fin au caractère arbitraire et inhumain du système carcéral israélien et à l’occupation qui le permet. Face à la violence de l’oppression coloniale, ils ne sont pas les seuls à brandir la grève de la faim comme arme de résistance. Jafar Azzidine, Tarek Qaadan et Yousef Yassin, trois Palestiniens détenus dans la prison de Meggido en Israël, leur ont emboîté le pas. Rappelons, au passage, que le droit international interdit le transfert de prisonniers dans le pays de l’occupant, mais ce sont là encore des considérations juridiques pour lesquelles la communauté internationale et Israël semblent n’avoir que très peu d’égards… Que dire alors des détentions administratives, des interdictions de visite, y compris de la Croix-Rouge, ou encore des cas fréquents de tortures physiques et mentales ? D’ailleurs, Israël n’invoque-t-il pas le droit international uniquement lorsqu’il s’agit de légitimer ses agressions et conquêtes ? C’est là la logique du « deux poids, deux mesures » dans laquelle nous sommes bercés depuis les origines du conflit.
« Sherut Batei Sohar » [SBS] : service de gestion des prisons
Que faire alors pour que les revendications et droits légitimes des prisonniers soient respectés ? Peut-être avons-nous pensé un peu naïvement que la conférence de la Ligue arabe allait tout au moins
apporter une contribution à la réflexion et à la prise de décision politique. Il n’est pas inutile de rappeler en effet que de nombreux États arabes disposent de leviers économiques et diplomatiques qui pourraient considérablement changer la donne au Proche-Orient. Dans cette perspective, l’événement devait aboutir à la rédaction d’un cahier de recommandations, destiné aux pays membres de la Ligue arabe, censé rapporter le contenu des exposés et les revendications des participants. À plusieurs reprises, des membres de la société civile internationale ont souligné l’importance de l’adhésion au mouvement BDS, pas seulement de citoyens, mais aussi d’États. Malheureusement, on ne retrouve aucune trace de ces interventions dans la déclaration finale… Et pour cause : aucun débat n’a eu lieu pour en déterminer le contenu ! Après de soi-disant délibérations, les participants auraient tout de même formulé des recommandations dont voici un extrait : – créer un comité juridique international pour assurer le suivi de la question des prisonniers ; – demander, au nom de la Ligue arabe, un avis consultatif de la Cour internationale de Justice à la Haye sur le statut juridique des détenus palestiniens et arabes dans les prisons israéliennes ; – demander aux Nations Unies d’envoyer un comité d’enquête international pour identifier les traitements inhumains appliqués aux prisonniers; – lancer une campagne internationale, « humanitaire et médiatique », pour revendiquer la libération des détenus ; – créer un fonds arabe pour le soutien des détenus palestiniens et arabes dans les prisons de l’occupation israélienne et leurs familles et la réhabilitation des détenus libérés. Ce n’est là qu’une sélection des recommandations de la déclaration finale, mais on comprend aisément qu’elles ne bouleverseront pas de fond en comble la situation des détenus palestiniens. Dans le meilleur des cas, on verra certaines d’entre elles être adoptées et ce sera déjà un bon début, mais elles ne gommeront pas l’arbitraire et la violence dont les prisonniers, tels Samer al-Issawi et Ayman Sharawneh, font l’objet depuis de nombreuses années. Dans le pire des cas, on en restera au stade des « voeux pieux ». Ce ne serait pas la première fois pour les États de la Ligue arabe, dont on connaît la propension à instrumentaliser la « question palestinienne » à des fins politiques propres... D’ailleurs, en convoquant sur son territoire cette rencontre internationale sur la problématique des prisonniers, le gouvernement irakien ne programme-t-il pas peu à peu son retour en force sur la scène régionale ? Quoi qu’il en soit, gardons-nous de lui faire trop hâtivement un procès d’intention. La conférence a tout au moins permis à d’anciens prisonniers de témoigner publiquement sur leurs conditions de détention et a facilité des rencontres, trop rares, entre les sociétés civiles du nord et du sud de la Méditerranée. Reste qu’en attendant de voir les États assumer (enfin) leurs responsabilités vis-à-vis des détenus palestiniens, il appartient aux Palestiniens euxmêmes et à leurs soutiens dans la société civile internationale, de persévérer dans leur lutte pour la dignité et la liberté.
palestine 21 BOYCOTT
© K. Lemanska
palestine 20 FSM PALESTINE LIBRE
LE FORUM SOCIAL MONDIAL
L’idée en est née lors du Forum social mondial à Dakar en 2011. Grâce à l’implication d’une triple coordination, palestinienne, brésilienne et internationale, le projet a petit à petit pris corps. Il a abouti à l’organisation, du 28 novembre au 1er décembre dernier, du 1er Forum social mondial Palestine libre à Porto Alegre. L’Association belgo-palestinienne (ABP) et la Coordination européenne des comités et associations pour la Palestine (ECCP) y étaient.
Palestine libre par Nathalie Janne d’Othée
LA PALESTINE À L’HEURE BRÉSILIENNE Le 28 novembre est consacré aux quelques formalités à remplir, les choses sérieuses ne commencent réellement que le lendemain. La date est symbolique puisque le 29 novembre a été choisi par l’Assemblée générale des Nations Unies comme journée internationale de solidarité avec le peuple palestinien et fait référence au 29 novembre 1947, date de l’adoption de la résolution sur le plan de partage de la Palestine. La même date a également été choisie par Mahmoud Abbas pour introduire la demande de reconnaissance de la Palestine comme État observateur non membre aux Nations Unies. À Porto Alegre, une grande manifestation marque le début du Forum. Par 30°C, des délégations du monde entier marchent ensemble dans les rues de Porto Alegre pour exiger une Palestine libre.
UN FORUM AUX OBJECTIFS DIVERS Le mois précédant le Forum, la bande de Gaza est à nouveau l’objet de frappes aériennes israéliennes intensives. L’opération Pilier de défense rappelle l’horreur de Plomb durci, mais également le fait qu’Israël n’a finalement pas endossé ses responsabilités dans les crimes de guerre et contre l’humanité établis par le rapport Goldstone. Un des objectifs poursuivis par les organisateurs du Forum était justement d’améliorer les stratégies pour obliger Israël à rendre des comptes. Comment utiliser pour cela le droit international ? Quels types d’actions mener ? Comment se coordonner utilement pour peser sur l’agenda politique mondial ?
LA JUNGLE DES ATELIERS Mais le cœur du Forum, ce n’est pas la manifestation, ce sont les ateliers. Pendant trois jours, chacun trace sa route à travers les innombrables ateliers de discussion, 125 au total, qui se tiennent un peu partout et jusque dans des salles parfois bien cachées dans le dédale d’un bâtiment, et abordent les problématiques les plus diverses. Lors d’un atelier consacré au Tribunal Russell, de nombreux participants ont exprimé leur volonté de lancer de pareilles initiatives dans leurs pays, que ce soit un tribunal en Argentine sur les liens entre Israël et l’Amérique du Sud, ou en Norvège sur les accords d’Oslo. Cet atelier était d’autant plus intéressant qu’il était animé par Ronnie Kasrils, ancien ministre sud-africain et militant anti-apartheid, membre du jury du Tribunal Russell sur la Palestine. Dans un autre atelier, les participants examinaient les liens entre la situation des Palestiniens et la discrimination raciale aux Etats-Unis. On ne réfléchissait finalement pas que sur la Palestine dans ce Forum. Dans un troisième atelier, on pouvait entendre parler d’expériences de campagnes BDS réussies en Europe et ainsi récolter d’utiles recommandations pour élaborer la stratégie d’une campagne. Se rencontrer, échanger, se coordonner, s’inspirer d’expériences réussies, s’informer... C’était tout cela, le Forum social !
La coordination et l’unité du mouvement de solidarité avec la Palestine était la question centrale durant tout le Forum. L’accent était mis sur la campagne BDS comme moyen de lutte pour les droits des Palestiniens. Les échanges de bonnes pratiques, mais aussi de contacts entre les organisateurs de différentes campagnes renforceront à coup sûr le mouvement dans les mois et années à venir. Le Forum était surtout destiné à élargir l’assise du mouvement BDS et de la solidarité avec la Palestine en général dans certains pays. Le fait que le FSM Free Palestine soit organisé au Brésil n’est pas anodin. L’implication de la Centrale des travailleurs unis (CUT), ainsi que du Mouvement des sans-terre et de la Via Campesina, dans l’organisation du Forum a montré le potentiel de mobilisation de ces mouvements sur la question de la Palestine. Le renforcement des réseaux de solidarité en Amérique du Sud était un des défis majeurs de la rencontre de Porto Alegre. Jusqu’à présent, de nombreux mouvements étaient actifs pour la Palestine, mais il n’existait pas de coordination et les groupes de militants ont peu de connexions entre eux. Est-ce que le Forum aura réussi à remédier à ces manques ? Seul l’avenir nous le dira.
News du BDS
Actualités et victoires du mouvement Boycott, Désinvestissement et Sanctions…
Boycott académique
Désinvestissement
L’Assemblée générale des étudiants de Louvain (AGL), qui représente la voix des étudiants auprès des autorités de l’Université catholique de Louvain (UCL), s’est prononcée en faveur d’un gel des collaborations académiques avec les universités israéliennes. Les dernières attaques de Gaza par Israël ont poussé l’AGL à réfléchir à la responsabilité de l’université dans le cadre du conflit israélo-palestinien. L'AGL demande donc à l'UCL « de stopper ses liens, de mobilité étudiante et de recherche, avec Israël tant que les autorités académiques concernées n'auront pas pris position en faveur du respect des droits des Palestiniens et n'auront pas condamné la politique d'occupation et d'apartheid de l'Etat d'Israël ».
L’université d’Oslo a décidé de ne pas renouveler son contrat avec l’entreprise de sécurité G4S du fait de son implication dans l’occupation israélienne de la Palestine. G4S est en effet compromise par de nombreux biais puisqu’elle est investie dans la gestion sécuritaire des prisons israéliennes dans lesquelles sont enfermés de nombreux prisonniers politiques palestiniens. Elle est également partie prenante dans les systèmes de sécurité des checkpoints et du Mur ainsi que dans la protection des colonies. Après avoir été interpellée à de nombreuses reprises par les militants du Comité Palestine suédois, l’Université d’Oslo a déclaré qu’elle ne voulait plus « soutenir des entreprises qui opèrent dans une zone grise éthique ». Le directeur de l’Université a également annoncé que des directives seraient élaborées afin de baliser les engagements futurs de l’université.
L’AGL appelle l’UCL à geler ses relations avec les universités israéliennes
Sanctions
L’Université d’Oslo met fin à son contrat avec G4S
Al Haq : « L’UE est dans l’obligation d’interdire les produits de colonies »
Un syndicat international se prononce pour le BDS
À la suite du rapport « La paix au rabais » des 22 organisations européennes sur les produits des colonies (voir article p.8-9), c’est au tour d’ Al Haq, l’organisation palestinienne des droits de l’Homme, de publier un dossier sur l’obligation de l’UE d’interdire les produits des colonies sur son marché. Le rapport s’intitule « Feasting on the Occupation: Illegality of Settlement Produce and the Responsibility of EU Member States under International Law. » (« Se faire un festin sur le dos de l'occupation: l’illégalité des produits des colonies et la responsabilité des États membres en vertu du droit international »). Ce rapport épingle la complicité de l’UE dans la colonisation israélienne du fait de son importation de nombreux produits provenant des colonies. Il rappelle à l’UE son obligation d’interdire l’entrée de ces produits sur le marché européen afin de se conformer au droit international coutumier.
Lors de son dernier congrès mondial fin novembre 2012, l’Internationale des Services Publics (ISP) a voté une motion de soutien à la campagne BDS. L’ISP représente 20 millions de salariés à travers le monde, qui travaillent dans les services publics de plus de 150 pays. Ce soutien à la campagne BDS servira par exemple à exercer une vigilance stricte dans le cadre d’appels d’offres publics.
Une entreprise agricole sud-africaine cesse ses relations avec Hadiklaim À l’issue d’une campagne de près de trois ans des organisations de défense des droits de l’Homme, initiée par la Palestine Solidarity Alliance (PSA) et la coordination BDS sud-africaine, Karsten Farm, une des principales entreprises agricoles sud-africaine, a mis fin à sa collaboration avec la coopérative israélienne Hadiklaïm. Elle s’est également engagée à ne plus entrer en relations dans le futur avec des entreprises complices de l’occupation illégale de la Palestine.
palestine 22 LIVRES/FILM
livres
LA DEUXIÈME INTIFADA PALESTINIENNE
OCCUPATION DIARIES
THE GATEKEEPERS ISRAEL CONFIDENTIAL
Film documentaire franco-israélien réalisé par Dror Moreh en 2012, sélectionné aux Oscars, catégorie documentaire
Raja Shehadeh, Profile Books, 2012
films
Ramzy Baroud, Ed. Scribest, 2012 Préface d’Alain Gresh Photos de Joss Dray
5 CAMÉRAS BRISÉES
5 BROKEN CAMERAS
EUROPE – ISRAËL UNE ALLIANCE CONTRE NATURE
Fim documentaire franco-israélopalestinien réalisé par Emad Burnat et Guy Davidi en 2011, sélectionné aux Oscars, catégorie documentaire
David Cronin, Éditions La Guillotine, 2012
Historien américano-palestinien, né à Gaza en 1972, Ramzy Baroud nous propose une chronique serrée de la deuxième Intifada palestinienne. de septembre 2000 à l’automne 2005. Mais l’ouvrage vaut surtout par un retour rigoureux sur les événements qui ont provoqué cette dernière. L’étincelle, ce fut la « promenade » d’Ariel Sharon, le 28 septembre 2000, « avec soldats et policiers » sur l’esplanade des Mosquées. Plus profondément, ce fut l’échec du huis clos de Camp David et le conditionnement international qui s’ensuivit avec le « mythe de l’offre généreuse » d’Ehoud Barak qu’Arafat aurait rejetée. L’offre, on le sait, n’a jamais existé mais le matraquage du discours a contribué à isoler les Palestiniens et à préparer la répression qui allait s’abattre sur eux. Ramzy Baroud montre ici la logique qui a conduit à ce qu’on a appelé « la militarisation de l’Intifada ». (…) Alain Gresh précise: « Malgré l’acceptation de toutes les exigences israéliennes concernant la sécurité […] Israël avait non seulement continué à confisquer des terres mais fait échouer le sommet de Camp David. » (…). Il ne restait plus qu’à accuser les colonisés d’être responsables du conflit. (…) D’après C. S. Denis Sieffert, Politis du 5/7/12
Souvent, c’est le plus petit détail de la vie quotidienne qui nous en apprend le plus. Il en va ainsi dans la Palestine occupée. Ce que la plupart des gens considèrent comme allant de soi doit ici être soigneusement pensé et programmé : irons-nous pique-niquer près de la source ou est-ce trop près de la colonie israélienne ? Compte tenu des contrôles routiers, combien de temps me faudra-t-il pour aller chez mon cousin? Le courrier que j’ai déposé à la poste arrivera-t-il à destination ? Raja Shehadeh est avocat et auteur de talent, récompensé par de prestigieux prix littéraires: plusieurs de ses ouvrages ont été traduits en français. Il tient un journal depuis l’invasion israélienne de 1967. « Occupation Diaries » est une chronique des deux années mouvementées qui ont précédé la demande de reconnaissance de l’État de Palestine par l’ONU (26 septembre 2011). Il en résulte un portrait à la fois lyrique et violent de la vie sous occupation, délicat mélange de souvenirs anciens et de réalités d’aujourd’hui. L’auteur se demande : « Quel sera l’effet du Printemps arabe sur l’avenir de la Palestine ? Quand la coopération devient-elle de la collaboration ? Y a-t-il, dans la vie, des plaisirs dont la politique ne se mêle pas ? Dans une langue simple et belle, il raconte une histoire de tous les jours faite de frustrations, d’infamies et d’isolement – et aussi de moments de loyauté, d’honneur et d’intense espoir. Traduit de la 4e de couverture par C.S.
Deux ans après la parution en langue anglaise de son ouvrage « Europe’s alliance with Israel : aiding the occupation », parue chez Pluto Press, David Cronin en livre enfin une version française très attendue, préfacée par Omar Barghouti, fondateur du mouvement BDS. C’est avec ce livre engagé, bien documenté et solidement argumenté, sur la variété des liens que tissent les entreprises européennes avec l’État d’Israël que La Guillotine inaugure sa maison d’édition : souhaitons-lui « bon vent ! ». Malgré quelques coquilles et fautes d'orthographe, il s'agit d'un document important désormais mis à la portée des lecteurs francophones. C.S.
Alegria productions/Burnat film Palestine/ Guy Davidi DVD films et la participation de France Télévision. Sort dans les salles le 20 février 2013. Prix de la réalisation au Festival de Sundance aux États-Unis, prix du public et du jury au Festival international du film documentaire d’Amsterdam, prix du Festival Eurodok en Norvège... Le film « 5 caméras brisées » rafle de nombreuses récompenses depuis sa sortie. Il est sélectionné pour les Oscars, section documentaire. Emad vit à Bil’in en Cisjordanie. Israël a élevé au milieu du village un « mur d’annexion » qui exproprie les 1700 habitants de la moitié de leurs terres, pour « protéger » la colonie juive de Modi’in Illit. Les villageois de Bil’in s’engagent dès lors dans une lutte non violente. À la naissance de son quatrième enfant, Emad achète une
caméra. Pendant cinq années, il filme alors la lutte du village et dresse le portrait des siens, famille et amis, tels qu’ils sont affectés par ces événements. Au cours de ces années, cinq caméras ont été brisées dans divers incidents. Chacune de ces caméras rend compte d’un chapitre de la marche pour le droit et la justice des habitants de Bil’in. À ceux qui le critiquent pour sa coopération avec un Israélien, Emad répond : « La décision de travailler ensemble n’était pas politique. J’ai téléphoné à Guy parce que c’était un ami. Je ne serais pas allé voir un Palestinien que je ne connaissais pas sous le prétexte qu’on était de même origine. » Guy Davidi est un pacifiste israélien qui participe aux manifestations hebdomadaires organisées à Bil’in. M.B.
Le film est basé sur le témoignage de six anciens directeurs des services secrets israéliens (Shin Beth). Responsables les plus haut placés de la lutte « antiterroriste », ils livrent pour la première fois leurs réflexions critiques à propos de leurs activités et de la politique israélienne de sécurité des trente dernières années. D’après les extraits qu’on peut en voir sur le Net, ces hommes de l’ombre, ces hommes qui parlent des méthodes des services, d’assassinats extrajudiciaires, d’enlèvements, d’exécution ont du sang sur les mains. Certains d’entre eux expriment des doutes quant à leurs agissements, d’autres pas du tout. Ils critiquent néanmoins tous la politique des dirigeants de leur pays vis-à-vis des Palestiniens. Certaines déclarations sont étonnantes dans leur bouche : « Nous rendons la vie de millions de gens insupportable. Leurs souffrances sont permanentes. Et nous laissons un soldat qui n’est à l’armée que depuis quelques mois décider de ce qui est admissible ou non. Dans le meilleur des cas, il a passé son bac l’année précédente. Il est là devant un père avec un bébé dans les bras et il doit décider s’il le fouille ou non, s’il le laisse passer ou non. Ça me rend malade. » Carmi Gillon (patron du Shin Bet de 1994 à 1996) Mais qu’on ne s’y trompe pas, s’ils parlent ainsi, c’est parce qu’avant tout, ils jugent qu’Israël est en danger. Un film à voir donc. M.B.
éditeur responsable Pierre Galand – rue Stévin 115 à 1000 Bruxelles