Palestine 68

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BULLETIN DE L’ASSOCIATION BELGO-PALESTINIENNE / WALLONIE-BRUXELLES ASBL TRIMESTRIEL N°68 – AVRIL/MAI/JUIN 2016 – DÉPÔT BRUXELLES X – AGRÉATION P401130

SOMMAIRE DOSSIER DÉMOLITIONS, VERSION 2016 > 03 Lutte paysanne > 07 Enfants prisonniers > 09 Aide détournée > 11 Gaza, deux ans après > 13/15

"Ala Balata (18) est le seul survivant de sa famille proche.

Il a perdu ses parents et sept frères et sœurs lors d’une attaque israélienne de Juillet 2014. Au total 11 membres de la famille Balata ont été tués. Cette photo a été prise en Septembre 2014 pour le projet #ObliteratedFamilies, un webdocumentaire multimédia initié par Anne Paq et Ala Qandil qui revient sur l’histoire de 10 familles décimées lors des attaques israéliennes. L’ABP vous invite à soutenir financièrement ce projet, notamment sur https://www.kisskissbankbank.com/obliterated-families jusqu’au 5 juillet.


palestine 02 ÉDITO ÊTRE SOLIDAIRE AVEC LES PALESTINIENS

n’est pas antisémite! par Pierre Galand

Oui, l’ABP et tous ses membres sont clairement opposés à tout propos, acte ou formulation antisémites. Oui, l’ABP est pour un État israélien tel que reconnu par l’ONU en 1947 puis reconnu par l’OLP elle-même, dans ses frontières de 1967. L’ABP a été créée pour promouvoir le droit à l’existence du peuple palestinien en Palestine, en Israël et dans tous les pays où il a été contraint de se réfugier après la Nakba et à la suite des expulsions consécutives aux spoliations continues de ses terres par l’armée israélienne et les colons. Ce qui n’a pas cessé aujourd’hui. L’ABP organise régulièrement des missions civiles en Palestine à l’intention de ses membres, d’universitaires, de syndicalistes, d’artistes, de membres d’ONG soucieux de rencontrer tant la société civile palestinienne que des associations israéliennes démocratiques et anticoloniales, les consuls de Belgique et des membres de la délégation européenne à Jérusalem. À leur retour, les participants ont pour mission d’informer et d’alerter leurs parlementaires, la presse locale, leurs associations, sur les réalités souvent tragiques qu’ils et elles ont pu observer sur le terrain et de partager les témoignages récoltés sur place auprès de leurs interlocuteurs. Ce sont la plupart du temps des messages de détresse poignants qu’ils rapportent mais aussi des témoignages de la résistance tenace et résolue que les Palestiniens et les Israéliens anticolonialistes opposent à l’occupation et à la colonisation menées sous l’égide de l’État et du gouvernement israéliens. L’an prochain, il y aura 50 ans qu’aura été tracée par l’ONU la Ligne de partage de la Palestine historique entre Israël et la Palestine. Un an plus tard, cela fera 70 ans que la Nakba aura chassé 800 000 Palestiniens de leurs villes et villages, devenus depuis israéliens. Aujourd’hui, il y a un État, Israël, qui se comporte en « rogue State », un État voyou, en violant tous les accords de partage et toutes les résolutions des Nations Unies censées assurer la coexistence entre Israël et la Palestine et entre deux peuples vivant tous deux sur le

territoire de la Palestine historique, abandonnée à la loi du plus fort par les Britanniques. Devant la faiblesse et la déficience des Etats européens et des Nations Unies, des citoyens européens, de plus en plus nombreux, ont pris acte de la déloyauté des gouvernements d’Israël, puissance coloniale et occupante de la Palestine. Ils et elles ont par conséquent choisi d’agir, en solidarité avec les Palestiniens et les groupes anticoloniaux israéliens, en soutenant la campagne BDS. Le soutien est remarquable en Europe et en Amérique du Nord. Dans le même esprit que la mobilisation des citoyens qui se sont tenus, à travers le boycott, aux côtés des Sud-Africains contre le régime d’apartheid, la campagne BDS entend contraindre Israël à mettre fin à l’occupation de la Palestine et à négocier avec l’État de Palestine leur coexistence dans le respect des règles édictées par les Nations Unies. Et cela, non, ce n’est pas de l’antisémitisme !

palestine no 68

Comité de rédaction Marianne Blume, Ouardia Derriche, Nadia Farkh, Sophie Feyder, Pierre Galand, Katarzyna Lemanska, Christiane Schomblond, Gabrielle Lefèvre, Simon Moutquin et Nathalie Janne d’Othée |Ont contribué Simona Abderhalden, Geoffrey Bailleux, Jonathan Cook, Camilla Corradin, Laura Drielsma, Stéphane Sven Vanden Eede, Jean-François Pollet, Abeer Abu Shawish, Charlotte Silver et Donni William Relecture Ouardia Derriche Association belgo-palestinienne Wallonie-Bruxelles asbl Siège social : rue Stévin 115 à 1000 Bruxelles | Tél. 02 223 07 56 | info@abp-wb.be | www.association-belgo-palestinienne.be IBAN BE30 0012 6039 9711 | Tout don de plus de 40 euros vous donne droit à une exonération fiscale. Graphisme Dominique Hambye & Élise Debouny Avec le soutien de la Fédération Wallonie-Bruxelles


palestine 03 DOSSIER DÉMOLITIONS

La maison de la famille de Radwan Khatatbeh, de Khirbet Tana vient d’être démolie pour la 5e fois. Ils habitent cette grotte le temps de reconstruire leur maison (voir p.06).

DOSSIER

Démolitions

Les démolitions ne datent pas d’hier: plus de 48000 structures palestiniennes ont été démolies par les gouvernements israéliens depuis 1967, date de l’occupation de la Cisjordanie et de Gaza. Ce qui est neuf aujourd’hui, c’est le rythme effréné qu’Israël donne désormais à ces démolitions. Notre dossier revient sur cette réalité qui pèse sur tout Palestinien résidant en zone C ou à Jérusalem-Est, à savoir le risque de voir arriver à n’importe quel moment un bulldozer pour aplatir sa maison ou son école. Que cache cette politique de démolitions systématiques? Comment interpréter l’accélération du rythme des destructions? Enfin, comment réagissent l’UE et la Belgique à la destruction récurrente des projets qu’elles ont financés en Cisjordanie?

© Simona Abderhalden

VERSION 2016


palestine 04 DOSSIER DÉMOLITIONS

Le transfert silencieux s’accélère : »

LES DÉMOLITIONS DE MAISONS EN CISJORDANIE EN HAUSSE par Sophie Feyder et Nathalie Jeanne d’Othée

Selon l’ONG israélienne Israeli Committee against House Demolition (ICAHD), le gouvernement israélien a déjà fait démolir 48 488 structures palestiniennes depuis 1967, date de l’occupation de la Cisjordanie et de Gaza. Un nombre incalculable de gens se sont ainsi retrouvés sans abris du jour au lendemain. Cette politique de démolition est un des piliers d’une stratégie plus large de judaïsation de la Cisjordanie, une manière silencieuse mais efficace de procéder à un transfert de population. Si le mot « nettoyage ethnique » froisse encore beaucoup d’oreilles, les juristes israéliens concèdent pour la plupart que ce recours aux démolitions entre clairement en contravention avec l’article 53 de la quatrième Convention de Genève, selon lequel « il est interdit à la Puissance occupante de détruire des biens mobiliers ou immobiliers, (…) sauf dans les cas où ces destructions seraient rendues absolument nécéssaires par les opérations militaires ». Or selon ICAHD, le pourcentage des démolitions qui peut être imputé à des raisons de sécurité n’atteint pas le 1%. On ne voit pas trop en effet quelle nécessité militaire contraindrait Israël à détruire des plaines de jeux, des réservoirs d’eau, des panneaux solaires, des latrines, des abris pour le bétail ou encore des écoles.

Les motifs de cette relance effrénée ne sont pas clairs, même si cette soudaine accélération coïncide manifestement avec l’adoption des directives européennes sur l’étiquetage des produits en provenance des colonies israéliennes. Les justifications que les autorités israéliennes avancent en général ne changent pas, quant à elles. Elles se résument à trois : l’absence de permis de construire (démolition administrative, soit 38% des cas), la localisation de la maison jugée inappropriée ou problématique par le gouvernement (démolition dite militaire, soit 61% des cas) et la punition collective (1% des cas).

Depuis le début de l’occupation, les démolitions ont plutôt servi à chasser les Palestiniens hors de leurs terres et à libérer de l’espace pour la construction ininterrompue de nouvelles colonies israéliennes en territoire occupé. Sur le long terme, l’objectif des démolitions est de parvenir à ce qu’un maximum de la zone C ne puisse revenir aux Palestiniens dans le cadre d’un accord final.

Pour rappel, la zone C représente 62 % de la Cisjordanie occupée. Selon les accords d’Oslo, toute construction en zone C nécessite l’approbation de l’autorité israélienne. Or seulement 1,5 % des demandes palestiniennes de permis de construire en zone C reçoivent une réponse positive. Entre 2009 et 2012 par exemple, seulement 37 des 1 640 demandes palestiniennes ont été approuvées. Le gouvernement préfère réattribuer la terre aux colons. Selon un rapport datant de 2015 du Bureau de Coordination des Affaires Humanitaires (OCHA), un département des Nations unies, le gouvernement attribue 13 fois plus de terre à un colon qu’à un Palestinien. Compte tenu de la situation, les Palestiniens se voient contraints, tout comme les bailleurs de fonds internationaux par ailleurs, à construire sans autorisation, et à vivre avec le risque permanent de voir leur maison, leur citerne d’eau ou leurs latrines démolies par les bulldozers. Phénomène inquiétant, certains Palestiniens finissent par démolir eux-même préventivement leur propre maison, afin d’éviter d’avoir à payer la note de la démolition qu’Israël prend soin d’envoyer à chaque propriétaire de maison ainsi détruite. La facture peut être salée : entre 1300 et 15 000 € par démolition.

UN RYTHME EFFRÉNÉ DE DÉMOLITIONS EN 2016 Depuis plusieurs générations, le risque de voir démolir sa maison est suspendu telle une épée de Damoclès sur la tête de tout Palestinien résidant dans les territoires occupés. Si le rythme des démolitions fluctue en fonction de la conjoncture, en 2016, il s’envole de façon alarmante pour atteindre un niveau sans précédent. Entre 2012 et 2015, la moyenne mensuelle était de 50 maisons démolies en Cisjordanie, Gaza et Jérusalem-Est. Depuis janvier 2016, on en est à 607 démolitions, dépassant déjà le nombre des démolitions pour toute l’année 2015, à une allure trois fois supérieure à la moyenne initiale. Pour la seule journée du 6 avril, l’armée israélienne a démoli 54 structures dans 9 communautés villageoises en Cisjordanie, affectant directement 124 personnes dont 60 enfants.

UNE ADMINISTRATION KAFKAÏENNE AU SERVICE D’UN « TRANSFERT SILENCIEUX »


Les gravats d’une mosquée à Khirbet al Taweel. Elle a été démolie en 2014, en même temps que l’armée démolissait le réseau électrique financé par la Coopération belge. La démolition d’un édifice religieux constitue en principe un crime de guerre.

Quand ce n’est pas une question de permis, c’est une histoire de mauvaise localisation, par exemple le fait d’être situé trop près du Mur ou sur le tracé d’une future route de contournement devant desservir une colonie. Israël peut également décider qu’un village se trouve dans une zone de tir, censée être réservé exclusivement à l’entrainement militaire. Selon OCHA, 18% de la Cisjordanie tomberaient dans cette catégorie. Or plus de 80% de ces zones de tir ne sont même pas utilisées à cette fin. En 2014, le Colonel Einav Shalev, un officier de l’IDF, a admis lors d’une séance d’un comité public que la désignation de terrains palestiniens comme « zone de tir » n’était qu’une ruse pour en expulser les Palestiniens. Enfin, Israël démolit des maisons de la famille de Palestiniens ayant commis des attaques ou des tentatives d’attaques contre des Israéliens. La famille dispose alors en principe de 10 minutes pour dégager de la maison, avant que l’armée ne la fasse exploser à l’aide d’une simple grenade. En 2009, le gouvernement fit changer la loi pour permettre à l’armée d’utiliser des mesures de représailles envers la famille d’un inculpé. Israël préfère utiliser le terme « dissuasif » en lieu et place de « punition collective ». L’argument est qu’un terroriste hésitera avant d’agir s’il sait que son acte aura un impact négatif sur sa famille. Pourtant il n’y aucune preuve de l’efficacité de telles mesures « dissuasives ». Au contraire, toutes les enquêtes montrent que les attaques violentes n’ont fait qu’augmenter depuis que cette mesure a été réadoptée.

DES RÉACTIONS BELGES ET EUROPÉENNES MITIGÉES La Belgique fait partie des Etats membres déterminés à demander des compensations à Israël. En visite en Palestine et en Israël du 7 au 10 mai dernier, Didier Reynders a abordé la question des démolitions, notamment le cas de la plaine de jeux de Zaatara, dans le gouvernorat de Naplouse, détruite par l’armée le 12 avril dernier. Cette plaine de jeux avait été financée par la Coopération technique

belge (CTB) à hauteur de 50 000 € et inaugurée il y a à peine un an. Les ministres Reynders et De Croo ont rapidement réagi en dénonçant cette nouvelle destruction. La plaine de jeux de Zaatara est en effet le troisième projet belge détruit par l’armée israélienne depuis le début de 2016. Pour l’instant, leurs demandes sont restées lettre morte, tout comme au lendemain de la destruction du réseau de transport électrique de Khirbet Al-Tawil en 2014, également financé par la Coopération belge, pour un montant de 55 000 €. Sans consensus européen, il reste à voir ce que les ministres Reynders et De Croo oseront encore faire. L’UE est parmi les principaux bailleurs de fond qui financent ces structures en Cisjordanie. Mais plutôt que de prendre des mesures concrètes, l’UE a préféré entreprendre un « dialogue structuré » avec Israël afin que ce dernier mette fin aux démolitions en zone C endéans les six mois. Après quelques mois, ce dialogue a été interrompu par Israël à la suite de la publication par l’UE des lignes directrices sur l’étiquetage des produits des colonies. Les relations diplomatiques ont repris entre l’UE et Israël en février 2016, mais le dialogue sur les démolitions n’aboutit manifestement pas. En dépit de cet échec, l’UE a pris la décision de prolonger la période de dialogue de six mois – durant lesquels on s’attend à ce que les démolitions progressent au même train. On ne voit pas trop comment la position israélienne pourrait évoluer si l’UE n’affermit pas en retour ses propres positions et ne menace pas Israël de réelles sanctions. La tenue du conseil d’association entre l’UE et Israël en juin offrirait une opportunité à l’UE et à ses Etats membres de prendre enfin une position plus ferme sur le dossier des démolitions, que ce soit en en différant la date, voire, on peut rêver, en suspendant l’accord d’association avec Israël jusqu’à nouvel ordre ? Source : Richard Hardigan, Ethnic Cleansing in Palestine : Home Demolitions on the Rise, Counterpunch, avril 22. ICAHD : http://icahd.org


palestine 06 DOSSIER DÉMOLITIONS

Le cas de Khirbet Tana

QUINZE VAGUES DE DÉMOLITIONS DEPUIS 2005 par Simona Abderhalden et Camilla Corradin (EWASH) d’après leur article “Palestine: when demolitions and restrictions hinder access to water”

Dans le village de Khirbet Tana, en Cisjordanie, Radwan Khatatbeh et sa famille habitent une cave depuis que leur maison a été démolie en février passé – en tout, pour la 5e fois. « Chaque fois que l’armée israélienne vient exécuter un ordre de démolition dans notre communauté, je leur dis que j’ai vécu ici toute ma vie, depuis 80 ans. J’étais ici avant l’occupation. Ceci est ma terre, ceci est chez moi », déclare Radwan, né à Khirbet Tana en 1936. Plusieurs générations d’éleveurs ont ainsi vécu ici, depuis plus de cent ans. Leurs ancêtres ont choisi de s’installer à Khirbet Tana pour l’eau et le pâturage, essentiels pour leur bétail, leur principale – voire leur seule – source de revenu. Près de 40 foyers y vivent aujourd’hui. Parce que situé non seulement en zone C, mais également près d’une zone de tir, le village a déjà subi quinze vagues de démolitions depuis 2005. Cette année, la communauté villageoise a eu droit à quatre vagues de démolitions en l’espace de deux mois (entre février et avril passés) : en tout 151 structures totalement détruites, se traduisant par 217 personnes déplacées. Rien n’a été épargné par l’armée—ni l’école primaire (construite en 2011 pour remplacer celle en béton qui avait également été détruite), ni l’infrastructure d’eau et d’assainissement (latrines, citernes d’eau, mais aussi la piscine en béton qui venait juste d’être construite). C’est principalement l’Union européenne qui avait financé la construction de ces structures, en tant qu’intervention humanitaire pour pallier aux vagues de destructions précédentes. Tandis que onze des enfants de Radwan se sont mariés et ont déménagé près de Beit Furik, une ville non loin de là, son fils Mohammad est déterminé à rester dans le village. Il habite encore avec ses parents mais se marie bientôt lui aussi. Il est conscient que son choix de rester à Khirbet Tana ne leur rendra pas la vie facile, constamment menacée du fait des infrastructures limitées et par le risque de démolitions. Le village n’a pas d’électricité par exemple, juste des panneaux solaires, utilisés pour recharger des téléphones et des lampes de poche. Le système de permis israélien a également empêché que l’infrastructure d’eau et d’assainissement ne soit correctement développée. Le tuyau approvisionnant le village en eau n’est pas assez important pour satisfaire les besoins de tout le village. Une bonne moitié des familles situées tout au bout du

tuyau ne reçoit pas assez d’eau et se voit obligée d’aller chercher l’eau à la source, à 1 km et demi du village. Idem pour ceux qui ne sont pas du tout connectés au réseau, qui eux font le chemin au moins deux fois par jour. Elaf, la femme de Radwan, témoigne : « les tâches domestiques du quotidien, par exemple faire la vaisselle ou la lessive, deviennent extrêmement difficiles et fastidieuses dans de telles conditions. Nous gardons notre consommation en eau à un minimum pour survivre. On estime la consommation moyenne d’un habitant de Khirbet Tana à 35 litre par jour, bien en dessous du standard minimum de 100 litres de l’OMS. Alors que les colonies illégales à proximité du village prospèrent et sont totalement équipées, les communautés bédouines et d’éleveurs de Cisjordanie peinent à jouir de leurs droits fondamentaux. Leurs terres sont confisquées, leur accès à l’eau et à l’assainissement sévèrement restreint, leurs familles n’ont pas le droit de vivre une vie digne. « Cette situation est terriblement frustrante et humiliante, résume un autre éleveur du village. “Ceci est notre terre. On devrait être libres d’y construire et d’y développer les infrastructures dont on a besoin. Mais on ne peut pas. Par contre, un colon qui viendrait s’installer au sommet d’une de nos collines, le lendemain, il serait immédiatement approvisionné en eau, électricité, il obtiendrait la protection de l’armée israélienne. Et nous – les propriétaires de cette terre ! – nous n’avons rien. Nous n’avons même pas le droit d’avoir des citernes et des latrines. » Traduction de l’anglais (original) par l’ABP

POUR EN SAVOIR PLUS Les derniers chiffres de la Commission européenne évaluant le montant des dégâts causés aux projets financés par l’UE : http://www.europarl.europa.eu/sides/getAllAnswers.do?reference=E2016-002415&language=EN


palestine 07 LUTTE PAYSANNE

Sous la vigne

LA RÉSISTANCE

par Jean-François Pollet paru dans « Imagine Demain Le Monde », janvier/février 2016

Sur les hauteurs d’Hébron, dans le sud de la Cisjordanie, Raed Abu Youssef préside la coopérative Al Sanabel, qui soutient la culture du raisin par les paysans palestiniens. Un combat de tous les instants entre la confiscation de terres, des lois iniques et la violence des colons israéliens. Sa silhouette est aussi noueuse et élancée que ses vignes. Raed Abu Youssef, 45 ans, vit à Halhul, dans le sud de la Cisjordanie, non loin de la ville d’Hébron. Perché à 1000 mètres d’altitude, son village se consacre à la culture du raisin, la seconde production en importance de l’agriculture palestinienne. Ce fruit est très apprécié, mais particulièrement délicat. Arrivé à maturité, il doit être rapidement consommé. Or, dans le contexte politique actuel, c’est loin d’être facile. « Nous avons rencontré les premières difficultés à écouler nos productions en 1994, se souvient Raed. Nous venions de signer les accords d’Oslo 1. Ceux-ci ont été accompagnés d’accords commerciaux qui ont considérablement compliqué la vie des paysans palestiniens. Car les produits israéliens entrent chez nous sans difficulté, alors que l’inverse n’est pas vrai. Nous devons obtenir des tas d’autorisations qui demandent un temps fou et qui arrivent en pratique quand nos produits sont périmés. » En 2006, la situation devient tout simplement intenable. En réaction à la seconde Intifada, l’armée israélienne bloque complètement la Cisjordanie. Plus aucune marchandise ne peut circuler. À Halhul, les raisins pourrissent sur pied. La saison s’achève sur un bilan catastrophique : 60 % du raisin sont perdus. Une seconde année du même genre et beaucoup de paysans auraient été contraints de stopper leur activité. Raed Abu Youssef est ingénieur agronome « formé à Montpellier, en France », précise-t-il dans un français impeccable. Avec quelques amis, il a donc créé Al Sanabel (« épi de blé » en arabe), une coopérative qui propose aux agriculteurs de presser leur raisin. Pasteurisé artisanalement avant d’être mis en bouteille, le raisin se conserve plusieurs mois. Cette coopérative rassemble aujourd’hui les 300 producteurs du village. Elle cherche, et trouve, de nouveaux marchés dans toute la Palestine. Et expédie même des bouteilles en Israël, via des mar-

chands arabes. Par ailleurs, Al Sanabel facilite l’écoulement des fruits frais, encourage la fabrication de gelée de raisins, et grâce au séchoir installé sur son toit, la coopérative produit aussi du raisin sec.

VIOLENCE DES COLONS Soutenue par des comités de citoyens de Bretagne et du Brabant wallon, la coopérative envisage maintenant d’acquérir de nouveaux équipements plus performants et plus conformes aux règles sanitaires. « Actuellement, nous traitons 1500 tonnes de raisins chaque année. Nous espérons monter à 7000 tonnes, car la demande est là. » Un soutien précieux, la situation de l’agriculture en Palestine étant vraiment très préoccupante. « Nous sommes pénalisés par toutes sortes de règles absurdes, poursuit l’agronome. Par exemple, les paysans ne peuvent pas stocker l’eau de pluie. Nous devons la laisser s’écouler sur le sol. L’armée organise parfois des descentes dans les exploitations pour débusquer d’éventuelles citernes enterrées. Nous ne pouvons pas non plus creuser de puits. Nous devons travailler sans irrigation, ce qui réduit nos choix de cultures. » Encourager, malgré tout, les paysans à cultiver leurs parcelles est d’autant plus important qu’ils se mettent ainsi à l’abri d’une confiscation de terre. En effet, sur la base d’une ancienne loi ottomane, l’État israélien se permet de saisir toute parcelle laissée en friche durant trois ans. « C’est une loi absurde, mais elle est très utilisée par les colons. Ils repèrent des lopins de terre non cultivés, en raison des multiples tracasseries subies par les paysans, puis ils vont se faire remettre ces terres par un tribunal. » Trois colonies israéliennes se sont implantées dans le voisinage d’Halhul. Et les paysans doivent composer, non sans mal, avec cette occupation. « Les colons nous mènent la vie dure, raconte Raed. Ils nous insultent, viennent parfois arracher nos vignes, leurs enfants nous jettent des pierres. L’année dernière, un paysan a pris


© Pierre Lévêque

La région d’Hébron connaît le raisin depuis 4 000 ans et en cultive 17 variétés différentes.

une balle dans la tête au motif qu’il s’approchait trop près de la colonie. Il récoltait simplement des olives. »

DE L’INTIFADA À L’AGRONOMIE Animer et développer les activités d’Al Sanabel est le second combat de Raed Abu Youssef. Son premier, il l’a mené dès ses 18 ans, lorsqu’il a rejoint la première Intifada, le soulèvement des Palestiniens contre l’occupation israélienne. Il défile alors avec ses copains dans des manifestations, jette parfois des pierres. Dix fois, il est arrêté pour interrogatoire. La onzième arrestation le conduit en détention administrative. « Je portais le numéro de matricule 2, se souvient-il, car j’étais la seconde personne emprisonnée dans ce camp qui venait d’être construit dans le désert du Néguev. »

l’Union européenne. En distribuant des postes et des fonctions, les partis politiques ont acheté la paix sociale. Mais pour combien de temps ? Car ils ont également fabriqué de l’injustice, 3 000 fonctionnaires se partagent la moitié de la masse salariale. La révolte est là mais il n’y a pas d’exutoire. Maintenant, des désespérés vont poignarder des Israéliens anonymes. Ils sont abattus comme des lapins. On les laisse agoniser sur le trottoir, même quand ce sont des gamins, comment peut-on faire cela ? Les Palestiniens ne demandent rien d’extraordinaire : vivre en paix et réunis dans un pays qu’ils gèrent comme ils l’entendent. »

SÉPARÉ DE SA FAMILLE

Libéré au bout de six mois, il regagne les rangs de l’insurrection. Il est à nouveau arrêté et renvoyé dans la même prison. « J’ai alors reçu le matricule 22 250, ce qui donne une idée du nombre de personnes qui ont défilé dans ce lieu en moins d’un an. » Accroché à sa montagne, attaché à son village et à sa société qu’il s’efforce de défendre au mieux, Raed se sent par ailleurs comme « un paysan du monde », confronté aux réalités que partagent ceux qui vivent de leurs terres. « J’ai visité beaucoup de pays en Europe, explique-t-il. Partout, je retrouve les mêmes problématiques. Les impôts, les prix trop faibles, les grands capitalistes désireux de lancer de vastes projets agricoles qui feront disparaître les petits paysans. Chez nous aussi, il y a des gens qui pensent planter des vignes à grande échelle. Chez nous aussi, on cherche à nous imposer les produits chimiques. Pour les paysans, les résistances sont partout les mêmes.»

« Vivre réunis », c’est le troisième combat de Raed Abu Youssef. Un combat intime celui-là. Car les territoires palestiniens sont partagés entre Gaza, Jérusalem-Est et la Cisjordanie. Et sa famille est également éclatée. Il habite dans le sud de la Cisjordanie, tandis que son épouse et ses trois enfants résident à Jérusalem. « Quand nous nous sommes mariés, nous pouvions circuler sans difficulté. Mais maintenant il y a le mur de séparation et le durcissement des conditions d’accès à Jérusalem. » La famille a donc choisi de se séparer. Lui cultive les terres familiales, elle reste dans la ville sainte où elle est institutrice. « On se voit le week-end, car elle peut sortir de la ville. Les enfants passent leurs vacances au village. C’est un peu compliqué mais ainsi mon épouse est toujours enregistrée à Jérusalem. Si elle venait s’installer avec moi, le voyage serait sans retour, parce qu’elle perdrait définitivement le droit de vivre dans sa ville natale. » Encore une règle inique qui alimente le combat quotidien de Raed.

Depuis sa montagne, Raed Abu Youssef regarde la ville avec méfiance. « Ramallah (la capitale économique de la Cisjordanie) n’est pas la Palestine, insiste-t-il. J’y vois l’arrogance des hommes politiques et des hommes d’affaires. La vie économique repose sur 160 000 fonctionnaires payés avec les dons des pays arabes et de

1/ Signés entre Yitzhak Rabin et Yasser Arafat le 13 septembre 1993, les accords d’Oslo permettaient la construction d’un micro-État palestinien sur la bande de Gaza et la ville cisjordanienne de Jéricho. Ces accords, qui laissaient entrevoir l’installation d’une paix durable au Moyen-Orient, n’ont malheureusement pas été suivis d’effets.


palestine 09 ENFANTS PRISONNIERS

LES ENFANTS PALESTINIENS

dans les prisons israéliennes D’après l’article de Charlotte Silver, Electronic Intifada, 26 avril 2016

Lundi 24 avril : la photo d’une jolie fillette de douze ans en pleurs dans les bras de ses parents affligés faisait le tour des réseaux sociaux. Ses yeux rouges et son air déboussolé offraient un contraste aussi rude qu’étrange avec les gros titres qui l’accompagnaient : Israël libère Dima al Wawi, « la plus jeune détenue » d’Israël.

Dima a été arrêtée en février après avoir censément approché la colonie de Karmei Tzur, dans le sud de la Cisjordanie occupée, armée d’un couteau. Dans sa « confession », elle déclare qu’elle avait l’intention de poignarder un garde de la sécurité. L’incident n’a occasionné aucune blessure, mais le tribunal militaire a tout de même jugé bon de la condamner à cinq mois de prison. Dima a été relâchée après avoir purgé la moitié de sa peine, sa famille ayant entre-temps fait appel avec succès contre sa détention sur la base du fait que la loi israélienne interdit l’incarcération des enfants de moins de 14 ans.

DE NOUVEAUX RECORDS AFFLIGEANTS Si l’emprisonnement de cette fillette a choqué le monde, son cas est loin d’être une exception. La seule nouveauté est peut-être le fait que les filles ne sont désormais plus épargnées par les arrestations et les mauvais traitements. Cette année, le nombre d’enfants palestiniens de 12 à 15 ans détenus est fortement en hausse. Fin décembre 2015, 116 enfants palestiniens de 12 à 15 ans étaient en détention militaire israélienne, onze fois plus que l’année précédente. Au total, 440 enfants de moins de 18 ans sont actuellement en détention militaire, soit deux fois et demie de plus qu’en 2015. Record absolu depuis 2008, date à laquelle l’armée israélienne a commencé à publier ses statistiques. Selon Defense for Children International – Palestine (DCI-P, Défense internationale des enfants – section Palestine), aucun autre pays au monde ne poursuit aussi systématiquement des centaines d’enfants devant les tribunaux militaires chaque année. En avril, DCI-P a sorti un nouveau rapport intitulé No Way to Treat Child (Ce n’est pas une façon de traiter un enfant) qui repère des tendances alarmantes dans l’incarcération israélienne des enfants. Le rapport, basé sur 429 témoignages recueillis sous serment entre janvier 2012 et décembre 2015, dévoile l’ampleur avec laquelle Israël viole et nie les droits des enfants vivant sous occupation

militaire. Le rapport révèle ainsi que dans 97 % des cas, aucun parent ni avocat n‘étaient présents durant les interrogatoires et que dans 88 % des cas, les enfants ne furent même pas informés du motif de leur arrestation. Or les lois internationales, ainsi que la loi nationale israélienne, prévoient des protections particulières pour les enfants détenus. Selon ces lois, la détention ne devrait être envisagée que comme dernier recours et les enfants ne devraient en aucun cas être contraints à avouer leur culpabilité. La Convention internationale des droits de l’enfant (CIDE) stipule par ailleurs que « l’intérêt supérieur de l’enfant doit être une considération primordiale » dans toute procédure juridique impliquant des enfants. Israël soutient qu’il n’est pas obligé d’appliquer la législation internationale sur les droits de l’Homme – et notamment la CIDE – aux enfants palestiniens vivant en Cisjordanie occupée, un argument qui a été rejeté tant par la Cour internationale de Justice que par plusieurs organismes de défense des droits humains des Nations Unies.

ENFANTS DÉTENUS SYSTÉMATIQUEMENT MALTRAITÉS En 2013, UNICEF et d’autres organismes internationaux avaient déjà condamné le caractère « répandu, systématique et institutionnalisé » des mauvais traitements infligés aux enfants palestiniens par les forces israéliennes. À la suite de quoi Israël avait tenté, à plusieurs reprises, de se refaire une meilleure image à ce sujet, notamment en procédant à la modification de ses ordonnances militaires pour abolir la pratique qui consiste à arrêter les mineurs en pleine nuit, à leur bander les yeux et à les entraver avec des chaînes et des menottes. Mais comme DCI-P le documente amplement dans ses rapports, ces pratiques restent toujours largement utilisées. En outre, en novembre 2015, la Knesset, le parlement d’Israël, a « amendé » la loi


© DCI-P

sur la Jeunesse afin de fixer des peines minimales obligatoires pour les enfants suspectés d’être impliqués dans des jets de pierres et pour revoir à la hausse les peines maximales pour les enfants qui jettent des pierres sur un véhicule en mouvement. « En vertu du cadre juridique militaire », note le rapport, « tout soldat ou policier est autorisé à arrêter les personnes, même des enfants, sans mandat, quand ils soupçonnent que la personne a commis un acte violant l’une des “ infractions à la sécurité” reprises dans la loi militaire israélienne. » « La plupart des enfants sont arrêtés sur la base de soupçons, sans mandat d’arrêt. Il n’y a que peu, voire aucun contrôle indépendant sur ces arrestations ». Les rapports de DCI-P comme celui de Human Rights Watch (Israeli Police Abusing Detained Children, avril 2016) dénoncent la même réalité : que le système militaire israélien considère les jeunes Palestiniens non comme des enfants mais comme des criminels présumés, justifiant ainsi la suppression de toute une foule de protections auxquelles ils ont pourtant normalement droit en tant que mineurs.

DES AVEUX OBTENUS SOUS LA CONTRAINTE Le cas de Dima est emblématique de ces nombreuses violations : elle a été interrogée hors de la présence de ses parents ou d’un avocat, et lors de ses audiences au tribunal, elle avait les pieds enchaînés. Elle a aussi été condamnée après qu’elle ait accepté un arrangement avec l’accusation, en reconnaissant une tentative d’homicide volontaire et la possession illégale d’un couteau. Plus de 99 % des dossiers traités par DCI-P se concluent par de tels arrangements. La maltraitance systématique des enfants, depuis leur arrestation au beau milieu de la nuit en les arrachant à leurs parents, jusqu’au fait de leur infliger des sévices physiques, a pour but d’obtenir des aveux sous la contrainte. Bachir, 17 ans, convoqué pour interrogatoire, a confié à DCI-P : « (l’officier israélien qui m’interrogeait) m’a donné des coups de pieds deux fois dans les jambes, des coups de poing deux fois dans le ventre et trois fois sur la tête et il criait « tu ferais mieux d’avouer parce que je n’arrêterai de te battre que si tu

avoues. » DCI-P rapporte que 27,5 % des enfants arrêtés ont subi une certaine forme de violence physique durant leur interrogatoire. « L’ambition principale de l’interrogatoire, c’est d’exercer autant de pression que possible sur la personne interrogée et de ramener sa résistance au niveau le plus bas possible », déclare Ayed Abu Eqtaish, directeur de DCI-P. DCI-P écrit : « Les séances d’interrogatoire sont utilisées comme premier moyen pour recueillir des preuves contre les enfants ». Un documentaire présente une interview de quatre adolescents, arrêtés au printemps 2014 et sévèrement battus lors de leur arrestation et durant les interrogatoires ultérieurs. Abed, qui avait 14 ans à l’époque de son arrestation, se rappelle qu’il fut enchaîné à un mur, ses pieds touchant à peine le sol, pendant que des soldats lui portaient des coups sur tout le corps : « Il est arrivé un moment où je ne ressentais plus que de la douleur. » DCI-P conclut que les changements « cosmétiques » à la législation militaire israélienne ne peuvent lutter comme il le faudrait contre la maltraitance des enfants dans le système judiciaire militaire, parce que « le système sert les intérêts de contrôle de l’occupation » plutôt que les intérêts de l’administration de la justice.

POUR EN SAVOIR PLUS – Le rapport du DCI-P, No Way to Treat Child, avril 2016 : http://www.dci-palestine.org/palestinian_children_in_the_israeli_military_detention_system – Detaining Dreams, film de 21 minutes, par DCI-P : https://www.youtube.com/watch?v=7rw69pLILqw – 700 chances perdues pour la paix par Palestina Solidariteit : https://www.youtube.com/watch?v=U2lm8vNfua0 Cette petite animation explique les conséquences psychologiques sur le long terme sur des enfants palestiniens lorsqu’ils font l’expérience violente de la prison. L’animation fait partie du matériel d’une campagne de sensibilisation de l’opinion publique belge à cette réalité : http://700enfants.weebly.com


palestine 11 AIDE DETOURNÉE

Une aide humanitaire

QUI VA DANS LES CAISSES D’ISRAËL Jonathan Cook, The National, 7 mars 2016

Shir Hever, un économiste israélien qui a passé des années à assembler les pièces du puzzle économique de l’occupation, vient de publier un rapport dont la lecture provoque un choc. Les diplomates peuvent être réputés pratiquer la grisaille, l’obscurcissement voire l’hypocrisie, mais peu d’entre eux se sont retrouvés comparés à un tueur en série, surtout un tueur qui dévore la chair humaine. Cet honneur est revenu à Lars Faaborg-Andersen, l’ambassadeur de l’Union européenne en Israël, la semaine dernière, lorsque des colons juifs ont lancé une campagne sur les réseaux sociaux l’assimilant à Hannibal Lecter, le terrifiant personnage du film Le Silence des Agneaux. Une image du diplomate danois portant le masque de prisonnier de Lecter était censée suggérer que l’Europe elle aussi doit être muselée. Les griefs des colons portent sur l’aide de l’Europe, qui a fourni un refuge provisoire à des familles de Bédouins après que l’armée israélienne eut démoli leurs maisons dans les territoires occupés près de Jérusalem. Le logement d’urgence les a aidés a demeurer sur les terres convoitées par Israël et ses colons. Les autorités européennes, outrées par la comparaison avec Lecter, ont rappelé à Tel Aviv que s’il respectait le droit international, Israël aurait lui-même assumé ses responsabilités d’assistance à ces familles. Si l’Europe peut se penser comme faisant partie de l’Occident des Lumières, usant de l’aide pour défendre les droits des Palestiniens, en fait, la réalité est moins encourageante. L’aide peut en fait empirer les choses. Shir Hever, un économiste israélien qui travaille depuis des années à assembler les pièces du puzzle économique de l’occupation, vient de publier un rapport plutôt choquant à lire. Comme d’autres, il croit que l’aide internationale a permis à Israël d’éviter d’acquitter la facture de son occupation. Mais il va plus loin. Sa conclusion – qui pourrait surprendre les colons israéliens – c’est que 78 % au moins de l’aide humanitaire destinée aux Palestiniens se retrouvent dans les caisses d’Israël. Les sommes en jeu sont considérables. Les Palestiniens vivant sous occupation sont parmi les plus dépendants de l’aide dans le monde, puisqu’ils reçoivent chaque année plus de 2 milliards de dollars de la communauté internationale. Selon Hever, les dona-

teurs pourraient ainsi subventionner directement jusqu’à un tiers du coût de l’occupation. D’autres formes d’exploitation par Israël ont été identifiées dans de précédentes études. En 2013 la Banque mondiale estimait que les Palestiniens perdent au bas mot au moins 3,4 millions de dollars par an en ressources pillées par Israël. En outre le refus d’Israël de conclure la paix avec les Palestiniens – et par conséquent avec le reste de la région – lui sert de prétexte pour justifier les 3 milliards de dollars d’aide militaire étatsunienne. C’est aussi sur les Palestiniens qu’Israël teste ses armes et ses systèmes de surveillance – pour exporter ensuite son expertise ainsi acquise. Les industries militaro-cybernétiques d’Israël génèrent des milliards de dollars de bénéfices par an. Une étude publiée la semaine dernière estime qu’Israël est la huitième puissance du monde. Mais si ces flux de revenus sont une aubaine identifiable quoique préoccupante de l’occupation israélienne, l’aide occidentale aux Palestiniens est clairement destinée aux victimes et non aux vainqueurs. Comment Israël peut-il en prélever autant dessus ? Le problème, dit Hever, c’est le rôle d’intermédiaire que s’arroge Israël. Pour atteindre les Palestiniens, les donateurs n’ont d’autre choix que de passer par Israël, ce qui lui fournit de riches opportunités pour ce qu’il nomme « détournement » et « réaffectation » de l’aide. Premier résultat : les Palestiniens constituent un marché captif. Ils ont accès à peu de marchandises autres qu’israéliennes. Qui en profite ? Une organisation israélienne, observatoire des bénéfices économiques de l’occupation pour Israël, a estimé que la firme de produits laitiers Tnuva jouit d’un monopole d’une valeur de 60 millions $ par an. En fait, le détournement de l’aide se réalise parce qu’Israël contrôle toute la circulation des personnes et des biens. Les restrictions permettent à Israël de faire payer le transport et le stockage ainsi que des redevances « de sécurité ». D’autres études ont identifié des profits supplémentaires provenant de la « destruction de l’aide ». Chaque fois qu’Israël anéantit des projets financés par l’aide étrangère, les Palestiniens sont perdants


palestine 12 AIDE DÉTOURNÉE

AIDE MILITAIRE DES USA À ISRAËL = $3.4 milliard par an

AIDE HUMANITAIRE POUR LA PALESTINE = $2 milliard par an dont 78% sont détournées par Israël

78%

22%

AIDE RÉEL POUR LA PALESTINE 22%

– mais souvent Israël y gagne. Le cimentier Nesher, par exemple, contrôlerait 85 % de toutes les constructions par les Israéliens et les Palestiniens, y compris les fournitures pour la reconstruction à Gaza après les dévastations successives causées par Israël. Outre les employés des industries de la sécurité, d’importants segments de la société israélienne se remplissent les poches grâce à l’occupation. Paradoxalement, l’étiquette de « peuple le plus dépendant de l’aide dans le monde », qu’on accole généralement aux Palestiniens, s’appliquerait bien mieux aux Israéliens. Que peut-on faire ? L’expert en droit international Richard Falk note qu’Israël exploite un vide dans la supervision de l’aide : les donateurs n’exigent aucune assurance que leur argent parvient bien aux bénéficiaires auxquels il était destiné. Ce qu’a fait la communauté internationale tout au long de ces 20 dernières années du processus d’Oslo – consciemment ou non – c’est offrir à Israël des incitants financiers pour stabiliser et consolider sa domination sur les Palestiniens. Israël peut le faire sans pratiquement rien débourser. Si l’Europe et Washington ont essayé de battre Israël avec un petit bâton diplomatique pour qu’il relâche son emprise sur les territoires occupés, simultanément, ils lui ont tendu de juteuses carottes financières pour l’encourager à renforcer son contrôle. Il existe une

petite lueur d’espoir. La politique d’aide européenne n’a pas à être un auto-sabotage. L’étude de Hever indique qu’Israël a fini par devenir aussi tributaire de l’aide que les Palestiniens eux-mêmes. La semaine passée, l’UE notait qu’il appartient à Tel Aviv et non à Bruxelles, de s’occuper des Bédouins qu’il a laissés sans abri. L’Europe pourrait prendre au sérieux sa propre décision et commencer à réimputer à Israël les coûts réels de son occupation. Les choses pourraient aller assez vite, quoi que décide l’Occident, si l’Autorité palestinienne de Mahmoud Abbas – et c’est ce que même Israël prévoit pour bientôt – devait s’effondrer. Traduction de l’anglais (original) par Info-Palestine/ ABP

POUR EN SAVOIR PLUS – Le rapport de Shir Hever, How Much International Aid to Palestinians Ends Up in the Israeli Economy, Aid Watch, September 2015 : http://www.aidwatch.ps/sites/default/files/resourcefield_media/InternationalAidToPalestiniansFeedsTheIsraeliEconomy.pdf – L’analyse de Richard Falk sur le rapport de Shir Hever : http://www.aidwatch.ps/sites/default/files/resource-field_media/FalkInterviewOct2015.pdf


palestine 13 GAZA, DEUX ANS APRÈS

Laissez couler !

GAZA À DEUX DOIGTS D’UNE CRISE D’EAU ET DE L’ASSAINISSEMENT Abeer Abu Shawish, responsable du plaidoyer auprès de EWASH

Alors que le blocus israélien entre dans sa dixième année, les robinets continuent d’être à sec à Gaza. Les raisons de cette situation ? Les restrictions israéliennes sur les importations dans la bande de Gaza, tellement strictes qu’il devient impossible d’avoir l’équipement nécessaire à l’exécution de projets d’eau et d’assainissement. En conséquence, de nombreux projets se voient bloqués pendant des mois ou même des années – quand ils ne sont pas carrément abandonnés. Sans la levée du blocus israélien, il est difficile d’imaginer comment les résidents de Gaza pourront jouir effectivement de leur droit à l’accès à l’eau et l’assainissement. « BIENS À DOUBLE USAGE » : UNE CONCEPTION ISRAÉLIENNE DE LA SÉCURITÉ QUI NIE LE DROIT DES PALESTINIENS À L’EAU Afin de renforcer l’effet du blocus, le gouvernement israélien a pris l’initiative de restreindre drastiquement l’entrée dans Gaza de tout ce qui est défini comme « biens à double usage » – c’est-à-dire des biens ou des articles susceptible d’être utilisés, parallèlement à des usages civils, pour le développement, la production, l’installation ou le renforcement de capacités militaires ou terroristes. La liste en est extrêmement large et vague, de telle sorte que tout matériel qui n’y est pas déjà mentionné peut toutefois y figurer si Israël le décide. Par exemple, la catégorie «véhicules de services» peut finir par inclure de l’équipement de forage de puits et les camions aspirateurs qui vidangent les fosses septiques. Les pompes servant, en cas d’inondation, au drainage des terrains en basse altitude se retrouvent également sous l’intitulé «équipement électromécanique» interdit.

même pas connectées au réseau de distribution de l’eau. Et l’aquifère ne cesse de se détériorer.

En bref, Israël considère 70% des pièces et matériaux indispensables aux projets d’alimentation en eau potable et d’assainissement comme étant des «biens à double usage». L’entrée de ces éléments est subordonnée à l’approbation d’Israël, qui n’est accordée – les rares fois où cela arrive – qu’après soumission à l’autorité israélienne de la liste complète des éléments nécessaires via le Mécanisme de recontruction de Gaza (GRM) 1. Le GRM a été conçu au lendemain de la guerre de 2014 pour faciliter l’entrée de matériaux nécessaires à la reconstruction. Or les articles liés à l’eau et l’assainissement sont beaucoup plus complexes au niveau technique que les matériaux de construction. Du coup, cela prend des mois pour obtenir une quelconque réponse. Des 30 projets d’alimentation en eau et d’assainissement qui avaient été approuvés par les autorités israéliennes dans le cadre du GRM, 12 risquent de ne pas aboutir par manque de matériel. Entretemps, 1,8 million de Palestiniens de Gaza continuent de n’avoir accès qu’à 86 litres d’eau par jour – sachant que pour l’Organisation mondiale de la santé le standard minimum est de 100 litres. De plus, 100 000 personnes ne sont

« Nous ne voulons pas que les eaux d’égout se répandent dans nos rues et nuisent à nos enfants. Nous avons assez souffert ; nous voulons simplement vivre comme les autres humains, protégés/ hors d’atteinte des bactéries et des insectes nocifs. Les eaux usées provoquent des maladies et cela nous rend extrêmement soucieux pour l’avenir de nos enfants», dénonce Hazim. Le système d’égouttage, ainsi que les infrastructures d’eau et la seule centrale électrique de Gaza, ont été ciblés par les attaques israéliennes durant les trois dernières guerres sur Gaza, ce qui les a fortement endommagés voire carrément détruits. Ces attaques constituent pourtant une violation de la règle 54 du droit international humanitaire, qui interdit « d’attaquer, de détruire, d’enlever ou mettre hors d’usage des biens indispensables à la survie de la population civile (…), dont notamment les installations et réserves d’eau potable et les ouvrages d’irrigation ».

DES ÉTÉS NAUSÉABONDS Hazem déteste l’été – c’est la saison des maladies et des odeurs nauséabondes. Père de 5 enfants, Hazem habite dans le village d‘Al Qarara, à l’est de Khan Younis. Comme pour les 28 % de la population à Gaza, sa maison est également coupée du réseau d’égouts, en grande partie à cause des dégâts causés par la guerre et du manque de matériel pour procéder à des réparations. En guise de solution temporaire, Hazem s’est construit une fosse septique pour recueillir ses eaux usées. Mais comme la fosse est trop petite, elle déborde et se déverse dans la rue.

Il en résulte que des millions de litres d’eaux d’égouts se sont infiltrés dans l’eau souterraine, polluant ainsi de nitrates la seule source d’eau


© Celia Peterson

douce à Gaza, l’aquifère côtier. Par ailleurs, la surexploitation de la nappe phréatique a causé une infiltration de l’eau saline, ce qui explique le fait que l’aquifère est pollué à 96,4% –en d’autres termes, que seuls 3,6% sont encore propres à la consommation humaine. Le fait que l’équipement peine à entrer à Gaza, en combinaison avec les coupures d’électricité régulières, font qu’à ce jour les stations d’épuration des eaux usées ne fonctionnent toujours pas correctement. Pour donner un exemple : la construction d’une station située au nord de Gaza (Northern Gaza Emergency Sewage Treatment ou NGEST) avait été approuvée en 2004 pour répondre aux risques sanitaires et d’inondation pouvant provenir d’un lac d’eaux usées qui s’était formé dans la région faute d’un système d’assainissement adéquat. Or douze ans plus tard, cette station n’est toujours pas opérationnelle. La Banque mondiale, un des bailleurs de fonds du projet, a jugé l’avancement du projet insatisfaisant. Parmi les causes principales du retard, les « restrictions à l’entrée des matériaux de construction et d’équipement cruciaux » et « les hostilités menant à la suspension des travaux et à des dégâts sur les infrastructures déjà terminées ». Ce lac d’eaux usées, qui avait été drainé au début du projet, est aujourd’hui en train de se remplir à nouveau, mettant en danger la nappe phréatique et la santé des gens vivant à proximité.

La communauté internationale donne des fonds pour la reconstruction et la réhabilitation du secteur de l’eau et de l’assainissement à Gaza. Elle envisage même de s’engager à financer de nouveaux projets de grande envergure nécessitant énormément de matériel et d’équipement. Néanmoins on peut raisonnablement douter de l’accomplissement de tels projets tant que le blocus ne sera pas levé. D’ici là, l’effondrement de la nappe phréatique sera consommé.

LA CAMPAGNE « LET IT FLOW » (« LAISSEZ COULER ») Le groupe EWASH, une plateforme d’ONG palestiniennes et internationales travaillant sur la thématique de l’eau, a décidé de changer la donne. Convaincue qu’une pression internationale sur Israël pourrait potentiellement aider à éviter une crise imminente de l’accès à l’eau, elle a lancé l’action « Let it Flow » (Laissez couler), dans le cadre d’une campagne intitulée « Thirsting for Justice » (Soif de Justice). Elle compte sur nous pour demander à nos représentants politiques d’exiger d’Israël la levée du blocus de Gaza et la suppression des matériaux liés au secteur de l’eau et de l’assainissement de la liste des « biens à double usage ». Traduction de l’anglais (original) par Info-Palestine/ ABP

POUR EN SAVOIR/AGIR PLUS À Gaza, autour de 100 millions de mètres cubes d’eaux d’égouts, brutes ou partiellement traitées, se déversent chaque jour dans la Méditerranée. Sans accès à cet équipement tant nécessaire au maintien et à la réparation –et surtout à l’extension de l’infrastructure d’eau et de l’assainissement à Gaza, la qualité de la seule source d’eau douce dans la bande de Gaza ne cessera de se détériorer, risquant ainsi d’exposer les habitants à un désastre humanitaire et environnemental.

– Vidéo comparant la consommation en eau à Gaza et en Europe : https://www.youtube.com/watch?v=TTG-t9JXRXg – Signer la lettre d’appel aux représentants belges et européens : http://www.thirstingforjustice.org/dualuse/. – Suivre sur Facebook Thirsting for Justice et sur Twitter (@Thirsty4Justice ou bien le hashtag #letitflow) 1/ NDT : Le GRM est un accord provisoire entre l’Autorité Palestinienne et Israël, initié par les Nations Unies en septembre 2014. Cet accord est censé être une étape intermédiaire avant la levée du blocus et accélérer le processus de reconstruction de Gaza. En réalité, les procédures en sont si complexes qu’elles finissent par accentuer le blocus !.


palestine 15 GAZA, DEUX ANS APRÈS

Gaza

OU L’ESPOIR SOUS PERFUSION par Geoffrey Bailleuxà la mémoire de Marah Diab 1

Imaginez-vous un instant à Gaza. Vous vivez dans une ville isolée et exsangue, plantée sur une étroite langue de terre abritant 1,8 million de vos semblables. Trois cent-soixante kilomètres carrés de réclusion, pas un de plus. Vos enfants portent dans leur esprit, peut-être dans leur chair, les stigmates de plusieurs guerres et le souvenir angoissant des bombes, parfois injectées de phosphore, de l’été 2014.

Les drones bourdonnent au-dessus de votre tête, entre deux vols assourdissants de F16 qui déchirent les nuits encore fraîches de cet hiver qui n’en finit pas. À proximité des dernières terres agricoles ravagées par les bulldozers et les pulvérisations d’herbicides, les tanks Merkava sont positionnés, prêts à envoyer un feu d’enfer à la première demande d’un gouvernement qui invoquera son droit à l’autodéfense et à la sécurité. Bientôt les caméras reviendront pour filmer le sang sous les gravats, les ambulances explosées, encore fumantes, et la panique dans le regard des enfants mutilés. Sous les néons, à l’entrée des salles d’opération, les médecins brandiront à nouveau de petits corps déchiquetés devant les flashs. Ces images feront le tour du monde sans mise en perspective ni analyse. Bien sûr, on n’évoquera pas la brutalité de l’occupation, le blocus à titre de châtiment collectif, la colonisation, l’accaparement des ressources naturelles et les discriminations quotidiennes imprégnées par l’apartheid. Mais surtout, bientôt vous devrez courir à perdre haleine avec, dans les bras, vos enfants saisis d’effroi, vers des abris de l’ONU, des écoles ou des hôpitaux qui eux aussi pourront être bombardés. Il n’y aura pas de sanctuaire, pas de répit, peu de secours mais, en revanche, beaucoup d’indifférence. La nausée s’estompe hélas rapidement au-delà du quarantième parallèle nord. En attendant l’abjection qui tarde à venir, et comme la majorité des gens d’ici, vous dépendez de l’aide internationale, sous-financée par ailleurs, pour vous loger, vous vêtir et nourrir votre famille, bref pour assurer la satisfaction de vos besoins matériels fondamentaux. C’est un destin entre parenthèses, une vie de débrouille et d’assisté, entre deux inondations, entre deux guerres, que seule la rumeur des vagues sous le soleil couchant vous fait oublier un moment. Impossible de trouver un travail décent, un toit à vous, d’avoir accès à des soins de santé de qualité, de jouir d’une vie culturelle exempte de censure, d’avoir un semblant de normalité dans votre existence

séquestrée. Rien n’est normal ici mais vous n’en avez plus vraiment conscience. Vous connaissez finalement si peu le monde et celuici vous ignore en dépit de la couverture médiatique constante mais tellement approximative. Ce conflit est trop compliqué et ses causes centenaires ne valent pas une dépêche, encore moins un article éclairé susceptible de capter l’attention du grand public. Seuls le sang et le sensationnel comptent. Alors, devant le renoncement moral des sociétés qui se réclament encore des Lumières, il est illusoire de quitter cette prison à ciel ouvert, surveillée jour et nuit, et d’envisager l’espoir d’une vie meilleure, sans privations, pour votre génération et pour les suivantes. Vous n’avez rien, pas même la reconnaissance de vos droits proclamés en vain par des traités internationaux ou, de manière plus prosaïque, l’intimité, la tranquillité et la possibilité de vous projeter à long terme. Il vous reste un peu de fierté mais elle s’amenuise au fil du temps. Toutes les actions de l’occupant concourent en effet à nier votre dignité d’être humain. Car votre vie a peu de signification pour ceux qui ont le pouvoir de changer les choses, derrière les barbelés ou par-delà les océans. Au contraire, ils passent des lois pour criminaliser la liberté d’expression des citoyens du monde qui ont conscience de cette injustice et refusent d’en être complices. Les discours alimentant la haine se multiplient et agitent le spectre nauséabond de l’antisémitisme pour tenter de faire taire la critique et, plus que tout, pour cacher l’inertie voire la caution des puissants face à la barbarie devenue ordinaire, presque légitimée. Vous vivez, ou plutôt vous survivez. À Gaza, terre magnifique et maudite à la fois, baignant au carrefour des civilisations, les pieds dans l’eau sur un coin de Méditerranée. Et votre rêve de retrouver votre patrie confisquée, colonisée depuis la Nakba, ne doit son hypothétique réalisation qu’à la conscience et à la probité de ceux qui, las de l’aveuglement général, oseront s’opposer au cynisme et au mensonge. Car le changement ne viendra plus de l’intérieur, vous le savez. Trop de haine de part et d’autre, trop de promesses


© Denny Cormier

non tenues et quelques belles occasions de paix gâchées par des calculs politiques méprisables. Les pierres de la maison familiale ont été retournées depuis longtemps et s’oublient doucement sous les herbes hautes, dans des forêts déclarées réserves naturelles ou sous le béton des nouvelles colonies. Le village de votre enfance n’apparaît plus sur les cartes et certains historiens prétendent même dans des livres à succès que votre pays n’a jamais existé.

POUR EN SAVOIR PLUS

Vous êtes Palestinien. En réalité, vous n’êtes personne. La Palestine n’est qu’un État-mirage entretenu par des gens importants qui, à l’évidence, ne croient pas à leurs propres discours et ne représentent qu’eux-mêmes. La Palestine n’existe plus que pour ceux qui la rêvent encore. Mais quand on y regarde bien sous la lumière crue des illusions perdues à Oslo, elle est un État dont la valeur n’excède pas celle du papier des projets de résolution avortés du Conseil de sécurité. Un État avec un drapeau certes, comme un embryon de nation mis sous perfusion humanitaire depuis des décennies, mais dont la souveraineté est factice, un pays sans continuité territoriale, sans unité politique, sans projet national d’émancipation ni avenir. Du moins pour le moment. Car le vent tourne insensiblement et porte la volonté endurante de ceux, toujours plus nombreux, qui plaident pour une paix juste au Moyen-Orient, gage d’un renouveau démocratique de toute la région.

– Conclusions du Tribunal Russell sur la Palestine, session extraordinaire de Bruxelles, 24 septembre 2014 http://www.russelltribunalonpalestine.com/en/wpcontent/uploads/2014/09/TRP-Concl.-Gaza-FR.pdf – Note politique de l’Association belgo-Palestinienne, Gaza, une enclave en crise, juillet 2015, http://www.association-belgo-palestinienne.be/web/wpcontent/uploads/2015/07/fiche-politique_Gaza.pdf – Fragmented lives, Humanitarian Overview 2014, United Nations Office for the Coordination of Humanitarian Affairs – Occupied Palestinian Territory, http://www.ochaopt.org/documents/annual_humanitarian_overview_2014_english_final.pdf – No Safe Place, Gaza 2014, Findings of an Independent Medical Fact-Finding Mission, https://gazahealthattack.files.wordpress.com/ 2015/01/gazareport_eng.pdf – Des familles sous les décombres – Les attaques israéliennes contre des habitations, Amnesty International, novembre 2014, https://www.amnesty.org/fr/documents/MDE15/032/2014/fr/ – Operation Protective Edge – A War Waged on Gaza’s Children, Defense for Children International, avril 2015, http://www.dci-palestine.org/operation_protective_ edge_a_war_waged_on_gaza_s_children

Un jour viendra pourtant. Oui, un jour viendra où, par une belle journée d’été, vos enfants, désormais libérés de l’oppression et maîtres de leur destin, diront à leurs enfants : « Et si on allait rendre visite à nos cousins de Hébron ? ».

1/ Marah Diab, 10 ans, est décédée d’une insuffisance rénale dans un hôpital de Gaza le 17 février 2016. Marah a souffert des infrastructures médicales inadaptées de Gaza et est une victime parmi tant d’autres du blocus imposé à ses habitants par Israël. Ce texte a été écrit en réaction à l’annonce de son décès.


palestine 17 ATTENTATS DE BRUXELLES Dans le top 10 des réactions déplacées au lendemain des attentats qui ont frappé Bruxelles le 22 mars dernier, certaines voix en provenance du gouvernement israélien se sont fait particulièrement remarquer.

ENTRE LES PETITS PLAISIRS DE LA VIE ET LA SÉCURITÉ À TOUT PRIX,

faut-il choisir ? par Laura Drielsma

BRUXELLES N’A QUE CE QU’ELLE MÉRITE ! À l’instar du candidat républicain américain Donald Trump, pour qui Bruxelles serait devenue un « film d’horreur » ou un « trou à rats », le ministre israélien Israel Katz, lui, pointait la responsabilité de notre goût démesuré pour les petits plaisirs de la vie et le chocolat, tandis que son collègue Ofir Akounis accusait l’Europe de passer son temps « à condamner Israël, à étiqueter ses produits, et à le boycotter », plutôt que de s’occuper des groupes terroristes qui se développent en son sein. Si de telles déclarations n’étonnent plus de la part de ce gouvernement d’extrême droite, il est cependant difficile de rester insensible devant les reportages vantant le plus sérieusement du monde les mérites de l’aéroport « le plus sûr du monde », à savoir l’aéroport de Tel Aviv.

ISRAËL, L’EXEMPLE À SUIVRE, VRAIMENT ? Ces reportages, présentés dans différents journaux français dont le JT de France 2, détaillent en effet le fameux « savoir-faire » israélien en termes de techniques de sécurité. Ce pays ayant « une longue expérience dans le domaine du terrorisme », quoi de plus naturel en effet que de se tourner vers son expertise en la matière ? Un chercheur israélien y reconnaît bien en passant que « ces techniques discriminatoires peuvent être controversées », mais il se félicite cependant du choix fait par les autorités, dont l’efficacité a fait ses preuves. De quoi faire bondir ceux et celles qui ont eu la malchance d’expérimenter ces méthodes discriminatoires et humiliantes : contrôles au faciès, interrogatoires musclés, fouilles au corps, violation de la vie privée, jusqu’à la privation de liberté, des pratiques malheureusement courantes envers toute personne dont le profil se trouve être un peu trop « arabe » ou un peu trop « militant de gauche ». Transposer tout cela à l’aéroport de Zaventem, pourquoi pas ? Et, tant qu’on y est, pourquoi ne pas carrément élargir et appliquer le « savoir-faire » israélien à toute la région bruxelloise ? Nous pourrions ainsi construire un « mur de sécurité » autour de ce qu’on appelle le « croissant pauvre » de Bruxelles, avec des check-points à toutes les entrées des communes les plus « à risque », soit Molenbeek, Schaerbeek et Anderlecht. Nous permettrions en revanche un accès privilégié aux bobos qui s’y sont installés grâce à des routes de contournement qui leur seraient réservées et affecterions des soldats à leur protection – gentrification oblige. Étant donné le nombre de militaires qui devraient alors être mobilisés à long terme, pourquoi ne pas réinstaurer le service militaire obligatoire? Comme mesure dissuasive, nous pourrions également détruire

les maisons de tous les suspects et des membres de leur famille. Arrêtons aussi de perdre notre temps avec des inculpations, des enquêtes, des procès et des jugements; suivons plutôt le bon exemple israélien des détentions administratives arbitraires et renouvelables à souhait ou, pourquoi pas, ces bonnes vieilles exécutions extrajudiciaires, tellement plus simples et efficaces ! Enfin, sachant que ces terroristes se radicalisent de plus en plus jeunes, n’attendons donc pas plus longtemps pour les jeter immédiatement en prison !

PAIX ET LIBERTÉS DÉMOCRATIQUES EN DANGER Plus sérieusement, s’il y a bien une leçon à tirer de la situation israélienne, c’est que la paix ne s’obtient pas par la solution miracle du tout-sécuritaire. D’ailleurs, il est vital de s’interroger sur les mesures liberticides prises en France comme en Belgique depuis les attentats de Paris et de Bruxelles. Entre interdictions de manifestations et de rassemblements, assignations à résidence et gardes à vue de militants de divers mouvement sociaux ou encore prolongation de l’état d’urgence, il règne un climat de restriction de droits et de répression de plus en plus inquiétant pour la sauvegarde de nos libertés démocratiques. C’est dans un tel climat qu’une militante a ainsi été arrêtée pour avoir porté un t-shirt arborant « Boycott Israel Apartheid ». En France, des citoyens risquent désormais une peine de prison pour un appel au boycott et le Premier ministre a annoncé de nouvelles dispositions législatives permettant de réprimer le mouvement BDS. Ces mesures liberticides ne peuvent qu’aggraver les fractures dans notre société déjà très fragilisée.

Sources : – http://www.rtbf.be/info/monde/detail_un-ministre-israelienapres-les-attentats-de-bruxelles-si-les-belges-continuent-a-manger-du-chocolat?id=9250076 – http://www.7sur7.be/7s7/fr/36487/Attentats-a-Bruxelles/article/detail/2654573/2016/03/22/Un-ministre-israelien-accuse-lEurope-d-avoir-ignore-le-danger.dhtml – http://www.lemonde.fr/europe/article/2016/03/23/apres-l-attaque-de-bruxelles-l-exemple-israelien-examine-depres_4888739_3214.html – http://www.lemonde.fr/societe/article/2016/01/19/valls-envisage-des-mesures-contre-les-manifestations-pro-boycott-deproduits-israeliens_4849405_3224.html


palestine 18 LE DÉCLIC

1

Le déclic

Le comité de rédaction a décidé de lancer une nouvelle rubrique intitulée « Le déclic ». Nous vous invitons tous, les membre de l’ABP et les autres, à nous envoyer un texte qui décrit le moment clé dans votre vie où vous avez choisi de vous engager pour la Palestine. Gardez le texte en-dessous de 2000 signes et envoyez le à sophie@abp-wb.be.

Stéphane Sven Vanden Eede

Donni William

En ces années-là, notre famille était tournée vers Israël. Ma sœur aînée partit s’installer dans un kibboutz du côté d’Ashkelon, aux portes du Neguev. J’avais 15 ans et la télévision venait de diffuser, en quatre épisodes, Holocauste. Nous n’avions plus entendu parler de cette réalité-là depuis le procès d’Eichmann à Jérusalem, seize années plus tôt. Israël, après mai 1968, voyait débarquer des centaines de jeunes volontaires dans ses kibboutzim pour participer au fleurissement des déserts, jalonnés de kilomètres de tif-touf, cet ingénieux système d’irrigation qui déposait le précieux liquide au pied des graines de courgettes. Le sionisme de l’époque était relativement soft et bien relayé d’un point de vue culturel, le trentième anniversaire de l’indépendance d’Israël (1978) en témoigna d’abondance 1.

Cet engagement très profond aujourd’hui en moi, s’est opéré, je pense, en deux temps.

Me voilà donc, de 15 à 18 ans, parti à la rencontre d’Israël, à travailler de nuit dans l’usine de plastique du kibboutz Ruhama et à me prélasser au soleil, la journée, avec les autres volontaires venus du monde entier. A 17 ans, je suis parti seul, une semaine, à Jérusalem. Je logeais dans une auberge de jeunesse près de la porte de David. J’ai visité Yad Vashem. J’avais déniché, sur la Via Dolorosa, une petite encoignure surélevée où je restais, des heures durant, à observer le flux incessant des touristes et des marchands. Je jouais là aux échecs avec de jeunes Palestiniens de la partie Est de la ville qui me montraient leur carte d’identité « différente », qui était pour eux comme une marque infamante d’apartheid. Je ressentais tout cela comme un choix impossible : entre la culpabilité de l’homme occidental dont les pères avaient laissé se perpétrer la solution finale et ces jeunes de mon âge, dont on avait fait des étrangers sur leur propre terre. La réponse, comme une délivrance, ne devait se produire qu’à mes 19 ans, avec la rencontre de Marcel Liebman, peu de temps après l’assassinat à Bruxelles du représentant de l’OLP, Naïm Khader. Depuis, quelle meilleure manière de s’engager que de se porter aux côtés des opprimés pour éviter aux Juifs de devenir, à leur tour, des bourreaux ? 1/ Il faut écouter notamment les chansons d’Herbert Pagani comme l’Étoile d’Or (https://youtu.be/w6BuNmMfnt8) ou le Plaidoyer pour ma Terre, interprété au Grand Échiquier de Jacques Chancel (https://youtu.be/w-7csSjGdWo)

Tout d’abord, en 2011 une opportunité s’offrit à moi : l’organisation de jeunesse que je fréquentais à l’époque mettait en place un voyage en Israël et en Palestine. À ce moment-là, j’avais bien entendu déjà, un peu comme tout le monde, entendu parler de la Palestine à la télé et dans les journaux mais je ne m’étais pas plus que cela intéressé à la question. Un peu par hasard, je décidai de poser ma candidature. À mon grand étonnement, je fus retenu. C’est là que tout commença réellement pour moi. Tout d’abord avant le voyage : formations, lectures, reportage, rien ne fut laissé au hasard par l’organisation ni par moi-même et je commençais déjà à comprendre un peu mieux la réalité vécue par les Palestiniens au quotidien. Et puis pendant le voyage : de la file réservée aux Arabes à l’aéroport de Ben Gourion à Tel Aviv en passant par ce guide à Hébron tout heureux de notre présence pour enfin pouvoir aller visiter un partie de sa ville, à Hashem (tué depuis par l’armée israélienne) nous recevant chez lui et nous montrant des parties de sa maison détruite par l’armée sans oublier les checkpoints un peu partout et cette petite fille de 5 ans pied nus qui doit y passer des heures… Ou en rencontrant le regard de notre amie venue avec nous mais retenue bien plus longtemps que nous dans les checkpoints et à l’aéroport parce que musulmane et voilée. Comment oublier aussi ces jeunes manifestant pacifiquement chaque vendredi midi pour s’opposer à la colonisation et se faisant taper dessus par la police d’Israël sous nos yeux? On ne revient pas indemne de ce type de voyage… On est bousculé, perturbé, heurté... C’est émotionnellement très éprouvant. On se pose plein de questions « Comment estce possible ? » « Comment laisse-t-on Israël agir ainsi ? » Je pense qu’il m’a fallu du temps pour digérer tout cela. Et une fois cela fait, j’ai commencé à mettre la Palestine dans tous mes lieux d’engagement : dans le mouvement étudiant d’abord, puis aujourd’hui encore plus clairement dans des mouvements, dont l’ABP, qui se battent pour la cause palestinienne et pour le boycott d’Israël tant qu’il pratiquera l’occupation, la colonisation de la Palestine et l’apartheid envers ses citoyens palestiniens.


palestine 19 ATTAQUE BDS EN BELGIQUE

FAUT-IL VRAIMENT SE LAISSER ENCHAINER

pour connaître le prix de la liberté ?» par Simon Moutquin

1 an de prison pour avoir crié « Boycott Israël », 15 000 euros d’amende pour «Critique d’Israël en public», 6 mois avec sursis pour ne pas avoir précédé « Israël » de « Son Excellence », 10 heures de travaux d’intérêt général pour… Bon, c’est vrai, nous n’en sommes pas (encore) là. Et pourtant, même si ces hypothèses farfelues peuvent faire sourire, sont-elles pour autant si loin de la réalité ? Qui imaginait il y a 10 ans qu’un militant français pour les droits du peuple palestinien pouvait être condamné pour avoir porté un t-shirt arborant le slogan « Boycott Israël » ? Qui pensait que les gouvernements occidentaux criminaliseraient l’un après l’autre le fait de critiquer la politique d’Israël ? Personne, et pourtant, nous y sommes aujourd’hui. Vu le succès indéniable de la campagne BDS, les dirigeants du monde entier se trouvaient devant l’alternative suivante : soit se poser la question de la légitimité de la campagne et des raisons de son succès avant de réévaluer leur soutien inconditionnel à la politique israélienne, soit jouer le jeu de la victimisation, de l’amalgame et rejoindre les dirigeants israéliens dans une grande chasse aux sorcières planétaire. C’est certainement vers la deuxième proposition que nous nous dirigeons aujourd’hui. Dans les pays occidentaux, l’interdiction de la critique d’Israël semble se répandre plus rapidement que la reconnaissance de l’État palestinien. Le Canada, le Royaume-Uni, l’Italie, les États-Unis et bien sûr, la France prennent des mesures donnant un cadre légal à leur absence de réaction, voire leur complicité avec la politique coloniale israélienne et ce, alors même que le gouvernement de Netanyahou pose un défi à tous les politologues du monde entier quant à son appellation : « extradroite », « hyperdroite » ou « ultraextra droite » ? Si la campagne BDS ne cesse de prendre de l’ampleur au sein de la société civile et que « les citoyens » se montrent de plus en plus impatients quant au respect des droits des Palestiniens (voir News du BDS), nos gouvernements, au contraire, partent dans la direction opposée. Ainsi, le soutien nécessaire et légitime à l’autodétermination du peuple palestinien n’est peut-être finalement victime que de la tendance actuelle : une déconnexion évidente entre des dirigeants cyniques et leurs citoyens.

En avril dernier, le Comité de coordination des organisations juives de Belgique (CCOJB) recevait en grande pompe quelques personnalités du monde politique belge à son dîner de gala annuel. Lors de ses vœux, Serge Rozen, président actuel, a expliqué à ses convives que : « Le virus de l’antisémitisme a muté, il a développé de nouvelles formes, il se présente sous de nouveaux visages. L’antisionisme est devenu la forme présentable de l’antisémitisme et son bras armé est BDS, le boycott d’Israël. » Aux milliers de citoyens de cultures et/ou de religion juives à travers le monde, je ne ferai pas l’affront de commenter davantage les dernières courbettes du CCOJB devant la politique criminelle israélienne ; nous savons tous et toutes quelles sont nos valeurs et donc pourquoi notre combat est juste. Ilan Pappé, écrivain antisioniste juif israélien (hein, quoi ? antisioniste juif israélien ?!) expliquait récemment : « Il arrive un moment dans le combat d’un mouvement où le succès est à la fois gratifiant et très dangereux. En Afrique du Sud, le régime d’apartheid poursuivait ses politiques les plus cruelles et meurtrières peu de temps avant sa chute. Si vous ne menacez pas spécifiquement un régime ou un État injuste et ses partisans, ceux-ci vous ignorent et ne ressentent pas le besoin de vous affronter ; si vous mettez le doigt sur le problème, cela entraîne une réaction 1. » Allons, ne soyons pas inquiets, de nouvelles prisons s’ouvriront bientôt en Belgique et nous y serons confortablement installés, si l’on compare notre traitement futur de prisonnier à celui infligé aux 7000 prisonniers politiques palestiniens et si l’on pense aux innombrables exactions que les Palestiniens endurent depuis des décennies.

1/ Iian Pappé, Ne cédons pas maintenant à l’intimidation d’Israël sur…, http://www.middleeasteye.net/fr/opinions/ne-c-dons-pas-maintenant-l-intimidationd-isra-l-sur-l-antis-mitisme-1094036627, paru le 11 mai 2016


palestine 20 NEWS DU BDS

News du BDS

par Simon Moutquin

Alors que les premiers mois de 2016 ont été marqués par de grandes victoires pour le mouvement BDS (le retrait, annoncé, de G4S des investissements dans les infrastructures de l’occupation et le départ des cosmétiques Ahava de la mer Morte en Cisjordanie), ces dernières semaines ont été consacrées à répondre aux attaques contre le mouvement. Une stratégie israélienne gagnante ? Pas sûr, car si les attaques sont de plus en plus violentes, les marques de soutien en réaction sont de plus en plus larges.

Belgique 1000 PHOTOS : JE BOYCOTTE ISRAËL Afin de montrer la diversité des soutiens à la campagne BDS et de riposter aux attaques contre le mouvement, la Plate-forme Charleroi-Palestine a lancé la campagne «1000 photos : Je boycotte Israël». Myriam De Ly explique : « En peu de temps nous avons récolté des centaines de photos. Vous aussi, vous pouvez participer. » Téléchargez une des affiches sur http://www.pourlapalestine.be/bds/jeboycotte-israel/. Rendez-vous comme nous à des événements, des actions. Prenez des photos en famille, chez vos amis... Et envoyezles à charleroi.palestine@protonmail.com. Merci d’avance!

Europe VAGUE DE SOUTIENS AU MOUVEMENT BDS En Europe, 354 organisations de droits de l’Homme, associations religieuses, syndicats et partis politiques demandent, dans une lettre à l’UE, de défendre le droit au BDS. Ces organisations ont appelé l’UE à considérer ses responsabilités juridiques et à tenir Israël pour comptable de ses violations des lois internationales ainsi qu’à défendre le droit des individus et des institutions à prendre part au mouvement dirigé par les Palestiniens de Boycott, Désinvestissement et Sanctions (BDS) pour la justice et l’égalité. Les signataires de la lettre demandent à la Commission européenne de « présenter les lignes directrices sur les droits de l’Homme garantissant la liberté d’expression et le droit de boycotter et d’utiliser tous les autres moyens dont vous disposez pour soutenir les citoyens européens dans leur lutte pour défendre les droits fondamentaux ». Cette impressionnante liste de 354 signataires comprend : Transform ! Europe – réseau européen de 28 organisations européennes de 19 pays, le Congrès des syndicats irlandais, la Fédération unie des syndicats norvégiens, le Parti de Gauche en France, Podemos en Espagne, l’Entraide religieuse de Norvège, la principale coalition d’ONG belges CNCD-11.11.11, Défense des Enfants en Belgique, Greenpeace en Allemagne, le mouvement international catholique pour la paix Pax Christi en Belgique, et la principale ONG catholique française Terre Solidaire. Pour consulter la liste complète des signataires en Belgique, rendez-vous sur http://www.associationbelgo-palestinienne.be/campagnes/bds-campagnes/le-droit-auboycott/

Brésil

MERKOROT PREND EAU DE TOUTES PARTS La province de Bahia au Brésil a récemment décidé de suspendre son accord commercial avec la compagnie des eaux israéliennes Merkorot. Cette décision arrive à la suite d’une campagne intense de pression du mouvement BDS sur les autorités publiques. Les membres du mouvement dénonçaient depuis 2013 la complicité de Merkorot dans la politique coloniale israélienne, notamment par la privation des Palestiniens d’un accès à l’eau sur leur propre territoire. Pedro Charbel, responsable de la campagne BDS en Amérique latine, explique « Cette campagne a débuté en 2013. Aujourd’hui, Bahia rejoint la longue liste des entités à avoir coupé les ponts avec Merkorot : Lisbonne, Buenos Aires, les Pays-Bas, Sao Paulo, etc. Nous appelons dorénavant toutes les entreprises publiques à nous rejoindre et à rompre leurs liens avec la compagnie Merkorot ainsi qu’avec toutes les entreprises israéliennes ou internationales coupables de violations des droits du peuple palestinien. »

en bref

CHILI > Le syndicat des étudiants de la faculté de droit a rejoint officiellement la campagne BDS en demandant de rompre toutes relations avec des universités d’Israël impliquées dans les violations des droits de l’Homme en Palestine. USA > À l’occasion de la commémoration du massacre de Deir Yassine, l’association des Églises baptistes américaines a reitiré son soutien à la campagne BDS et appelé « tous les chrétiens du monde à soutenir la Palestine ». CANNES > Palme d’or du dernier Festival de Cannes, Ken Loach a rappelé son soutien au boycott d’Israël et évoqué publiquement la censure des voix palestiniennes pacifistes.


palestine 21 COMMÉMORATION

Naïm Khader

35 ANS APRÈS, LA LUTTE CONTINUE ! Le 24 mai 2016, l’ABP et la Mission de Palestine, avec le soutien de la Commune d’Ixelles et du Bourgmestre de Bruxelles, ont organisé une cérémonie à la mémoire de Naïm Khader, le premier représentant de l’OLP en Belgique. Ce dernier a été assassiné à 41 ans à Bruxelles le 1er juin 1981. Retour sur cet homme de paix et sa pensée politique, qui manifestement dérangeait certains.

« L’OBSCURITÉ N’EST PAS UNE RAISON POUR NE PAS CROIRE À LA LUMIÈRE » Né le 30 décembre à Zababdeh en 1939, Naïm Khader était venu en Belgique pour y poursuivre des études de droit à l’université de Louvain, où il sera nommé président des étudiants palestiniens. Il épouse une Belge, Bernadette Khader. Il fut très vite nommé représentant officiel de l’OLP et ouvrit en 1975 un bureau d’information et de liaison à Bruxelles. On se souvient de lui pour s’être inlassablement dévoué, en participant à d’innombrables conférences et contribuant à de nombreuses publications, à contrer l’ignorance et les préjugés sur le combat des Palestiniens. « Confrontation entre Israéliens et Palestiniens, le conflit du Moyen-Orient a souvent pris l’apparence d’un différend qui opposerait les Juifs aux Arabes et les Arabes aux Juifs. Cette apparence est trompeuse et continue à masquer des problèmes fondamentaux », écrivait-il dans le Soir. « Le conflit au Moyen-Orient est un problème politique. Le peuple palestinien a eu recours à la lutte armée, légitime, parce que c’était le seul moyen qui lui restait. Mais qu’on nous offre une possibilité sérieuse de récupérer nos droits nationaux par des moyens pacifiques et nous serons les premiers preneurs », expliquait-il encore. Dans un article du Soir paru au lendemain de son assassinat, Khader est reconnu comme un « homme de combat, mais aussi un homme de dialogue et d’ouverture. Ce qui explique le rayonnement qu’il a eu dès son arrivée en Belgique ». Les journalistes saluent en lui un homme de principes, qui était toutefois « le contraire d’un fanatique ». Il était du genre à inviter des Israéliens juifs aux colloques qu’il organisait, insistant pour leur donner le droit à la parole en dépit des protestations de certains de ses confrères. « Ses raisonnements cartésiens, la prudence de ses jugements, sa tolérance, son sens des responsabilités, qui n’excluaient absolument pas une approche très chaleureuse, une grande joie de vivre (qui) lui avaient valu d’innombrables amis en Belgique », écrit-on encore à son sujet.

LA VAGUE D’ATTENTATS DES ANNÉES 70-80 Naïm Khader n’était pas le premier des représentants de l’OLP, connus pour leur tendance modérée, à être victime d’assassinat. Ce fut notamment le cas de Saïd Hammami, chef du bureau de l’OLP à Londres, abattu le 4 janvier 1978. Avant Hammami, cinq autres représentants de l’OLP ont connu le même sort : Messieurs Hamchari (Paris, 1972), Aboul Kheir (Chypre, 1973), Abdel Wael Zwaiter (Rome, 1976), Ezzedine Kalak (Paris,1978) et Ali Yassine (Koweit, 1978). L’assassin de Naïm Khader, mystérieux homme à moustache et à imperméable beige, n’a jamais été retrouvé. L’hypothèse des services secrets israéliens a tout de suite été évoquée mais jamais prouvée.

DE NOS ARCHIVES « Les Palestiniens veulent qu’on leur donne le droit de retourner chez eux en Palestine et de vivre avec les habitants juifs actuels dans un « État palestinien démocratique où vivront les Palestiniens de toutes confessions, musulmans, chrétiens et juifs, dans une société progressiste, où ils pourront pratiquer librement leurs cultes et jouir de droits égaux.» (N.Shaath, La Palestine de demain, p. 5). C’est uniquement pour cela que luttent les Palestiniens. C’est la vérité. Et c’est parce qu’elle commence à être de plus en plus connue en Europe occidentale que la popularité d’Israël est en recul. Pour déformer cette vérité, les dirigeants israéliens ont recours à de vieux arguments dont la fausseté est devenue flagrante. Pour l’étouffer, ils recourent à l’assassinat de ceux qui ont eu le courage de la clamer tels Hamchari, représentant de l’OLP à Paris, et W. Zoueter, représentant de l’OLP à Rome, pour n’en citer que deux. Mais comme le dit le proverbe arabe : « Le fil du mensonge est court ». On en arrive facilement et assez vite au bout. Et la vérité ne peut être indéfiniment assassinée, même si on tue ses défenseurs ». Naim Khader


palestine 22 ÉCHO DES RÉGIONS

la régionale luxembourgeoise

DE L’ASSOCIATION BELGO-PALESTINIENNE C’est un événement culturel qui est à l’origine de la création de notre régionale luxembourgeoise : un spectacle du Cirque de Ramallah à la Maison de la Culture de Marche-en-Famenne. Une salle de 200 places comble : nous étions au lendemain de la 1ère guerre de Gaza (2008-2009). Un groupe a alors décidé de consacrer du temps et de l’énergie à la cause palestinienne en province du Luxembourg. Pour comprendre. Pour dénoncer. Pour favoriser une paix juste et durable. Si la régionale a d’abord commencé ses activités au départ du nord de la province, où réside le premier noyau de ses membres (Marche), un deuxième groupe s’est constitué à Arlon à la suite de la semaine palestinienne qui y a été organisée.

DES ACTIVITÉS ESSENTIELLEMENT CULTURELLES Notre outil principal consiste en l’organisation de « Semaines palestiniennes » en collaboration avec les Centres culturels et de nombreux partenaires locaux. C’est ainsi que Marche-en-Famenne d’abord, Durbuy, Bastogne, Bertrix, Arlon et Aubange ensuite, ont accueilli tour à tour ces Semaines palestiniennes. Par ailleurs, des activités ponctuelles sont également organisées, périodiquement ou non : conférences, expositions, ciné-clubs ou ateliers d’animation comme à Habay, Rossignol, Marbehan ou encore à Bièvre fin juin avec l’ACRF (Femmes en Milieu Rural asbl).

LES MOMENTS FORTS PASSÉS… Atelier « Herbes d’ici cultivées là-bas » Nous avons profité de la rencontre « Change le monde », événement à Marbehan organisé par le CNCD11.11.11, pour y animer un atelier « Herbes d’ici cultivées là bas ». On y dénonce la vente sous blister, dans nos grandes surfaces, d’herbes en provenance de la Vallée du Jourdain. Ce fut l’occasion d’expliquer ce qu’est l’occupation, les difficultés économiques, les problèmes d’emploi, l’exploitation hydrique de la Vallée et in fine, l’importance du BDS. Organisé à trois reprises, notre atelier a, chaque fois, rencontré un franc succès.

Dégustations de mets palestiniens ABP Luxembourg était présente au marché bio d’Orgeo (près de Bertrix). Les visiteurs ont pu déguster gratuitement quelques mets palestiniens que les organisateurs avaient eux-mêmes concoctés. Le but était de sensibiliser le public à la vente illégale dans les grandes surfaces belges de plantes aromatiques issues des colonies israéliennes. Une info rapide permettait d'identifier le problème et de comparer ces plantes avec le za'atar palestinien utilisé dans la fabrication du fromage Palisbel vendu sur place et de poursuivre la réflexion en élargissant le constat à tous les produits issus des colonies. Le ciné-club Il a été organisé en partenariat avec le CRILUX et avec le Centre de demandeurs d’asile de Ste-Ode, où plusieurs Palestiniens étaient en séjour : dix d’entre eux se sont joints à nous, ce qui a enrichi le débat. En choisissant le film On the Bride’s side, on a voulu attirer l’attention sur l’existence de camps palestiniens en Syrie et sur le sort des Palestiniens, obligés, pour la deuxième fois, de fuir et d’aller se réfugier ailleurs. Un Palestinien du Camp de Yarmouk, quasitotalement envahi par Daech, était d’ailleurs présent.

ET À VENIR « Vivre à Gaza en 2016 » le 16 juillet 2016 à VIRTON ABP Luxembourg sera à nouveau présent cette année à Virton pour la prochaine édition de « Change le Monde ». Interpellés par la présence de nombreux Palestiniens dans les Centres pour demandeurs d’asile d’Arlon, Herbeumont ou Ste-Ode, nous proposerons l’organisation d’un atelier sur le thème « Vivre à Gaza en 2016 », animé par Marianne Blume, en présence de nombreux Gazaouis. « Vivre à Gaza en 2016 » le 16 juillet 2016 à VIRTON ABP Luxembourg sera à nouveau présent cette année à Virton pour « Palestine : un coup d’œil sur le passé, un regard sur le présent », faire connaître la cause palestinienne par la BD Dessinée par le grand dessinateur Bernardo VERGARA, la bande dessinée espagnole a été traduite en français par des membres de l’ABP. Soutenez le projet en commandant votre nombre d’exemplaires au prix coûtant ! Contact : luxembourg@abp-wb.be


palestine 23 LIVRES

CHILDREN OF THE STONE

par Sandy Tolan, Bloomsbury Publishing (16 Juillet 2015), 480 pages en anglais

livres

PALESTINE

par Noam Chomsky et Illan Pappé, sous la direction de Frank Barat, Éditions Ecosociété pour la version française (2016), 180 pages

Sandy Tolan enseigne la communication et le journalisme à l’USC de Los Angeles ; il a collaboré entre autres au NY Times Magazine et est l’auteur de plusieurs livres dont « La Maison au Citronnier ».

Noam Chomsky est linguiste, analyste des médias et professeur émérite du MIT ; Illan Pappé enseigne l’histoire à l’université d’Exeter (UK) et dirige le Centre européen d’études sur la Palestine. Frank Barat, coordonnateur du Tribunal Russell, collabore à divers magazines.

termes d’apartheid et sur l'efficacité de la campagne Boycott, désinvestissement et sanctions (BDS) en tant que stratégie de solidarité avec le peuple palestinien ; enfin, dans la troisième, l'avenir, ils discutent de la viabilité de la solution à un ou deux États.

Dans cet ouvrage rédigé en partie durant l'été 2014, en pleine guerre de Gaza, Noam Chomsky, Ilan Pappé et Frank Barat mènent une longue conversation déclinée en trois parties. Dans la première, le passé, ils concentrent leur attention sur le sionisme en tant que phénomène historique ; dans la deuxième, le présent, ils s’interrogent sur la pertinence d’analyser la situation en Palestine en

Pour eux, le problème palestinien se résume depuis le début à un cas patent de colonialisme et de dépossession, mais on le traite comme une question difficile, d’une complexité telle que seuls les Israéliens sont en mesure de la saisir ; toute ingérence du monde extérieur est immédiatement fustigée, qualifiée au mieux de naïve, au pire d’antisémite. C.S.

Ce livre raconte une histoire incroyable: celle de Ramzi Hussein Aburedwan. Il est né et a grandi dans un camp de réfugiés palestiniens. Jeune garçon, avec sa bande de copains, il défie les soldats de l’armée d’occupation en leur jetant des pierres. Mais l’occasion lui est donnée de faire des études musicales; il découvre, maîtrise et se passionne pour un instrument, l’alto. C’est alors qu’il se met à rêver d’une école qui offrirait à des milliers d’enfants la chance de voir leur vie transformée par la musique. Ce rêve est devenu réalité, grâce à sa volonté indéfectible et avec l’aide de musiciens venus du monde entier: un violoniste de l’Orchestre symphonique de Londres, un chanteur d’opéra et… Daniel Barenboim, l’éminent pianiste et chef d’orchestre, fondateur, avec Edward Said, du West-Eastern Divan Orchestra. Sandy Tolan nous rappelle à tout moment du récit que celui-ci a pour cadre une terre de violence et de guerre et que l’occupation militaire rend la vie des Palestiniens extrêmement pénible. C.S.


l’ABP aux fêtes des solidarités

les 27 et 28 août – Namur

Cette année, l’ABP mettra en avant la jeunesse de Palestine, porteuse d’une nouvelle forme de résistance contre l’occupation israélienne. Photographes, cascadeurs urbains, artistes de rue… une nouvelle génération combat le désespoir de la situation et affirme la richesse de sa culture par le biais de différentes expressions artistiques. Citoyens responsables, retrouvez également dans notre espace des pistes d’actions concrètes pour allier la fête à la solidarité !

Programme > PHOTOGRAPHIE Exposition géante en plein air du jeune artiste de Gaza Mahmoud El-Kurd. Déjà exposé l’an passé, l’ABP présentera une nouvelle série de photographie sur format plein air du jeune artiste.

> PARKOUR Rencontre avec des jeunes Palestiniens pour découvrir le « Parkour », un sport de voltige urbain qui s’est développé dans les territoires occupés. À Gaza et en Cisjordanie, les ruines consécutives aux attaques israéliennes sont devenues un terrain de jeux pour des centaines de jeunes.

CAMPAGNE JEUNES PRISONNIERS Plus de 400 jeunes Palestiniens sont enfermés chaque mois dans les prisons israéliennes. Illégales, arbitraires, et dangereuses, les détentions administratives sont un pilier de l’oppression en Palestine. En partenariat avec le P.A.C, l’ABP sensibilisera les festivaliers à l’impact de ces détentions administratives sur le quotidien des Palestiniens.

MAIS AUSSI Des pistes d’actions positives, du boycott, de la cuisine palestinienne, et deux trois morceaux d’ Oud !

Le stand de l’ABP, c’est l’espace « Palestine » au cœur de la solidarité !

éditeur responsable Pierre Galand – rue Stévin 115 à 1000 Bruxelles

Pour la deuxième,


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