palestine
BULLETIN DE L’ASSOCIATION BELGO-PALESTINIENNE / WALLONIE-BRUXELLES ASBL TRIMESTRIEL N°70 – OCTOBRE/NOVEMBRE/DÉCEMBRE 2016 – DÉPÔT BRUXELLES X – AGRÉATION P401130
SOMMAIRE DOSSIER « CULTIVER L’ESPOIR » > 03 Justice et droits de l’homme > 10 Diplomatie au point mort > 12 Convergence des luttes > 14
Le berger Abu Mohammed, à la suite de l’offensive israélienne de 2014, a perdu sa maison et une grande partie de son bétail à l’est de Gaza.
Ayesh M. Haroon est un jeune photographe gazaoui. Travaillant d’abord avec son téléphone, puis avec un
appareil photo basique, il a gagné plusieurs prix qui lui ont permis d’acquérir de l’équipement professionnel. Récemment, il a remporté le premier prix de la compétition « Spirit of Palestine », organisée par le « Network of Photographers for Palestine », entre autres pour ses portraits saisissants d’habitants de Gaza.
À cause du blocus de Gaza, il n’a malheureusement pas pu se rendre en Grande-Bretagne pour y recevoir son prix.
palestine 02 ÉDITO C’EST QUAND LA NUIT EST
la plus sombre QUE POINTE L’AURORE par Pierre Galand
Pour les Palestiniens, ces dernières années auront été parmi les plus sombres de leur histoire. L’année qui vient marquera les cinquante ans de l’occupation israélienne de la Cisjordanie, Gaza et Jérusalem Est, territoire qui ne correspond même pas à la moitié de ce que l’ONU avait attribué aux Palestiniens il y a 69 ans. « Une terre sans peuple pour un peuple sans terre » fut le slogan du mouvement sioniste. C’était déjà là la négation du peuple de Palestine. Expulsés de leurs maisons, chassés de leurs terres, forcés de chercher refuge dans les pays arabes voisins, des centaines de milliers de Palestiniens ont ainsi subi l’exil dès 1948. Ils s’organisèrent les uns à l’extérieur, les autres à l’intérieur, pour survivre et entreprendre la dure reconquête de leur droit à rentrer chez eux, à construire une nation, à préparer un avenir pour leurs enfants à l’image des autres peuples du pourtour méditerranéen. Dès le lendemain de la création d’Israël, leur projet vola en éclats car le mouvement sioniste entendait clairement l’empêcher et forcer les Palestiniens à quitter ce qui leur restait de leur territoire. Aujourd’hui, malgré l’occupation et les souffrances qui en résultent, les Palestiniens sont toujours là. La plus grande partie de leurs terres en Cisjordanie et à Jérusalem a déjà été confisquée par l’occupant colonisateur, le reste continue d’être peu à peu accaparé au nom du Grand Israël. Ceux qui résistent sont accusés de terrorisme et sont abattus ou emprisonnés. Certes, l’ONU réagit régulièrement devant les exactions et crimes commis à l’égard des Palestiniens mais sans résultat tangible puisque jamais elle n’a contraint d’aucune manière Israël à se conformer à ses résolutions ni aux Conventions de Genève ni au droit international en général. Les Palestiniens n’ont pas abandonné pour autant la partie. Ils résistent et interpellent sans relâche la communauté internationale. Mais celle-ci, trop occupée à guerroyer de manière irresponsable en Syrie et ailleurs, les a relégués dans les oubliettes de l’Histoire. Pour eux, ceci n’est qu’une épreuve de plus dans une longue histoire de trahisons de la part de ceux qui leur avaient pourtant promis
aide et assistance. Cependant, ils ont conservé de nombreux soutiens dans les sociétés civiles du monde entier, qu’ils ont appelés à l’action du BDS. Aujourd’hui, la réponse à l’appel s’élargit de plus en plus et s’organise de mieux en mieux. Tout comme hier avec l’apartheid en Afrique du Sud, il faudra encore un certain temps à la campagne BDS pour parvenir à forcer les soutiens d’Israël à renoncer à leur complicité et à entériner le droit à l’autodétermination du peuple palestinien, conformément au droit international. C’est d’ailleurs, faut-il le rappeler, la seule manière de garantir véritablement la paix et la sécurité pour tous les peuples de la région du pourtour euro-méditerranéen. Y aura-t-il un jour une masse critique d’Israéliens qui comprendront que c’est là la seule issue pour leur propre devenir dans la région et seront-ils capables de se joindre à notre mouvement ? Nous osons l’espérer. Alors, pointera l’aurore.
palestine no 70
Comité de rédaction Marianne Blume, Ouardia Derriche, Nadia Farkh, Sophie Feyder, Pierre Galand, Nathalie Janne d’Othée, Gabrielle Lefèvre, Katarzyna Lemanska, Julien Masri, Simon Moutquin, Christiane Schlombond et Marie-Noëlle van Wessem | Ont contribué Charlotte Cornet, Stéphanie De Bock, Catherine Fache, Emmanuelle Franck, Sanah Gharbi, Charlotte Kates, Fadia Panosetti et Belinda Torres-Leclerc | Relecture Ouardia Derriche Association belgo-palestinienne Wallonie-Bruxelles asbl Siège social : rue Stevin 115 à 1000 Bruxelles | Tél. 02 223 07 56 | info@abp-wb.be | www.association-belgo-palestinienne.be IBAN BE30 0012 6039 9711 | Tout don de plus de 40 euros vous donne droit à une exonération fiscale. Graphisme Dominique Hambye & Élise Debouny Avec le soutien de la Fédération Wallonie-Bruxelles
Plus que n’importe quel arbre, l’olivier occupe une place centrale dans la vie des Palestiniens. À la fois ressource et symbole, il est au cœur de l’économie palestinienne et représente l’espoir et la vie. Sa destruction, quant à elle, est symptomatique de l’expansion croissante de la colonisation israélienne.
palestine 03 DOSSIER
Ici, aux pentes des collines, face au crépuscule et au canon du temps, près des jardins aux ombres brisées, Nous faisons ce que font les prisonniers, Ce que font les chômeurs: Nous cultivons l’espoir.
DOSSIER
l’espoir
Il existe en Palestine mille et une façons de cultiver ce «mal incurable» qu’est l’espoir. En créant, les Palestiniens dépassent les barrières physiques et psychologiques qui les brident. Ils entretiennent patiemment et avec détermination l’espoir d’une vie libre, où ils ne seraient «ni héros, ni victimes». De la mémoire des mots à la culture de la terre, en passant par la photographie et le théâtre, ce dossier vous propose un aperçu de quelques-unes de ces initiatives particulières de résistance à l’occupation.
© Noora Skaik
CULTIVER
palestine 04 DOSSIER CULTIVER L’ESPOIR
L’histoire orale,
UNE FORME DE RÉSISTANCE PALESTINIENNE par Katarzyna Lemanska
L’histoire orale tient une place importante depuis longtemps dans la culture palestinienne. Durant la Nakba, les Palestiniens y avaient déjà recours pour préserver leur mémoire et leur culture. En effet, à l’époque, beaucoup de ceux qui sont devenus des réfugiés étaient analphabètes et il y avait peu de journaux. L’héritage culturel était donc essentiellement transmis et entretenu par la voie orale. Aujourd’hui, la préservation de cette histoire orale est en recrudescence au sein de la société palestinienne. Entre autres, elle y joue un rôle de sauvegarde de l’identité palestinienne, de légitimation des droits des réfugiés et de soutien à la résistance.
Selon Rosemary Sayigh, professeure et anthropologue qui a longtemps étudié la production de l’histoire orale palestinienne, c’est le fait que la direction nationale palestinienne ait longtemps négligé la culture et l’histoire qui a poussé la population à penser à les enregistrer. Exaltée dans les récits d’Edward Saïd, l’histoire orale s’est progressivement imposée comme un élément central de l’historiographie palestinienne. Ces dernières années, sa préservation a connu un brusque développement, que l’historien Beshara Doumani a baptisé « fièvre palestinienne de l’archive ». On trouve ainsi des dizaines de livres, articles, émissions de radio, ateliers, etc. sur le sujet. Les universités partagent cet intérêt. Si les universités de Gaza et de Birzeit y consacrent des programmes depuis les années 80, de nouveaux projets ont vu le jour : l’université américaine de Beyrouth a, par exemple, mis en place le projet « Palestinian Oral History Archive », dans le cadre duquel 1000 heures d’entretiens avec des réfugiés de 135 villages palestiniens ayant fui pendant la Nakba ont été numérisées. Parmi les centaines d’autres initiatives, il y a également le projet « Musée de la Nakba » à Washington DC et le nouveau musée de l’université de Birzeit, qui ont tous deux pour ambition de devenir des institutions majeures de l’histoire orale palestinienne.
le déclenchement de la seconde Intifada, l’expansion continue des colonies israéliennes et les initiatives politiques qui mettent de côté le droit au retour des réfugiés, tout cela a redonné de la prééminence à l’histoire et à la question de la responsabilité des expulsions de 1948. Diana Allan explique que « cet intérêt renouvelé pour le témoignage oral – précisément au moment où “la Palestine” en tant que signifiant historique risque de perdre son signifié (la terre) – apparait donc comme rétroactif et prospectif dans le sens où il revient sur la catastrophe de 1948 et envisage la possibilité de l’effacement. »
À QUOI SERT L’HISTOIRE ORALE DANS LE CONTEXTE ISRAÉLO-PALESTINIEN ?
LA « FIÈVRE DE L’ARCHIVE »
La fonction première de l’histoire orale est la préservation de la culture, de la mémoire et de l’identité palestiniennes. Elle donne aux réfugiés, grands oubliés des discussions politiques, le sentiment d’être écoutés et entendus. Le récit individuel, ancré dans le village et né de l’expérience commune du déplacement, relate en réalité l’histoire du peuple tout entier et permet aux communautés de se forger un centre organique, même après l’expulsion. L’histoire orale soude ainsi l’ensemble de la communauté palestinienne, qu’elle vive en Palestine ou en dehors, toutes générations confondues. Elle aide ainsi les Palestiniens à faire face aux traumatismes individuels et collectifs. En définitive, elle sert de contre-récit puissant dans un contexte déprimant de colonisation ininterrompue.
Plusieurs raisons expliquent cette profusion de projets. Il y a d’abord les deux plus évidentes, à savoir la disparition progressive de la génération de la Nakba et la logique coloniale de l’État israélien, qui se garde bien de sauvegarder les récits palestiniens dans ses propres archives. La professeure Diana Allan replace les efforts de préservation dans le contexte politique. L’échec du processus d’Oslo,
En effet, les efforts de documentation n’ont pas pour seul but la préservation du passé. Ils ont aussi une fonction éminemment politique. Ils confortent la légitimité des revendications des Palestiniens, plus précisément celles qui résultent de la résolution 194 des Nations unies, qui garantit aux réfugiés un droit au retour ou à
© Nations Unies
Camp de réfugiés palestiniens, Amman, Jordanie, 1972. Les tentes ont été remplacées par des huttes préfabriquées. L’ONU dispose de centaines de photos d’archive de 1948 à nos jours.
des compensations. Rosemary Sayigh souligne, quant à elle, qu’ils affermissent et renforcent les actions de résistance. C’est d’ailleurs un des objectifs du projet « Palestine Remembered », qui cherche à amplifier la voix et nourrir le combat politique de générations successives de réfugiés, oubliés des processus de négociations avec Israël. « Palestine Remembered » est une plateforme digitale mise en ligne en 2000. Elle permet aux réfugiés de proposer leurs histoires, souvenirs, photos, vidéos et enregistrements audio et de les faire publier en ligne, de rejoindre des groupes de discussions et échanger leurs coordonnées. Pour son créateur Salah Mansour, cette plateforme vise à déconstruire le mythe sioniste d’« une terre sans peuple pour un peuple sans terre », mais pas seulement. Les différents entretiens réalisés, couplés à un travail de cartographie et de documentation photographique, mettent en lumière la résistance politique, juridique et culturelle à la dépossession, ceci afin d’informer les réfugiés sur leurs droits, leur permettre de s’organiser et d’accroitre leur poids politique. L’histoire orale permet également de s’extraire de la logique des institutions étatiques israéliennes. Les villages voisins d’Attir et d’Umm al-Hiran, dans le nord du Naqab, sont les foyers de communautés d’environ mille habitants. Ces villages sont sous la menace d’une destruction imminente. Les habitants ont introduit une série de recours auprès des tribunaux israéliens mais le témoignage oral, comme justification des revendications territoriales, est systématiquement refusé. Les tribunaux n’intègrent pas, dans leur définition de la propriété, la culture juridique bédouine palestinienne des contrats oraux, un système de loin antérieur à l’existence de l’État israélien. Dans un contexte où le système judiciaire est fondé sur le rejet de pratiques ancestrales, l’histoire orale permet de promouvoir des récits qui ne dépendent pas du discours
de l’État et démontrent à quel point les lois israéliennes ou les régimes antérieurs de domination (britannique et ottomane) sont précaires et temporaires, tout en renforçant l’identité de la communauté. Travailler en dehors et en opposition au discours juridique israélien en souligne les limites et affirme l’indigénéité face à la législation coloniale. Le chercheur Thayer Hastings, qui achève une maitrise sur la citoyenneté critique, les processus de déplacement et la colonisation de peuplement, apporte un autre éclairage : il prône l’idée que l’histoire orale peut servir le militantisme politique et défendre les communautés contre leur déplacement forcé. Il estime qu’il est urgent de réorienter ce que l’on comprend par sensibilisation politique et militantisme vers le renforcement des communautés aux niveaux à la fois local et collectif. Le recours à des acteurs internationaux pour faire respecter les droits des Palestiniens – la forme la plus courante de plaidoyer politique actuel – doit découler selon lui de l’écoute des communautés locales et de la mise en position prioritaire de leurs besoins. La production de l’histoire orale ancre en effet nécessairement les efforts militants et de sensibilisation politique dans les récits propres aux communautés. Ces différentes initiatives et analyses montrent à quel point l’histoire orale est centrale pour les Palestiniens. À nous de voir comment nous pouvons l’inclure au mieux dans notre travail de sensibilisation et de plaidoyer politiques.
palestine 06 DOSSIER CULTIVER L’ESPOIR
NIDAA BADWAN
“L’art
me rend libre” par Catherine Fache
“A woman and an artist at the same time – this is a catastrophe!”
Nidaa Badwan, autoportrait
Une vidéo du 24 septembre 2016, sur Facebook, montre une jeune femme écrasant quelques larmes. Nidaa Badwan1 le jour de son mariage en Italie. En robe de mariée… Trois ans plus tôt, en novembre 2013, c’est à cause de sa tenue – salopette en jean et bonnet de laine – qu’elle est arrêtée dans une rue de Gaza par les censeurs du Hamas. Exaspérée, elle s’enferme dans sa chambre. Cette réclusion volontaire au cœur de sa propre maison, même sous les bombardements de « bordure protectrice », durera jusqu’en janvier 2015.
fusion et de sensibilisation à l’art contemporain palestinien. L’artiste n’est pas autorisée par Israël à s’y rendre. Elle visionne le vernissage via Skype depuis un hôtel de Gaza. C’est sa première sortie.
Les premiers mois sont pénibles, elle songe au suicide. La pièce mesure 9 m2. Elle l’organise avec les moyens du bord. Elle entame un travail photographique où elle « se met en sce ̀ne : elle pleure, coud, se farde, peint, me ́dite, s’assoupit... Elle photographie son univers ̀ a l’image d’un peintre : compositions picturales maîtrise ́es, clairs-obscurs de ́licats et couleurs chaudes particulie ̀rement travaille ́es. Elle va chercher au plus profond de son inte ́riorite ́ pour en extraire la vie, la cre ́ativite ́ et la liberte ́. » 2 Nidaa Badwan ajoute : « Le moindre ́ ele ́ment pre ́sent ́ etait mis ̀ a contribution pour fac ̧onner de manie ̀re artistique diverses sce ̀nes de ma vie, afin d'inciter le spectateur ̀ a partager avec moi sa propre solitude. »
En septembre 2015, elle obtient un visa pour l’Italie, où elle est invitée à présenter son travail et sa protestation politique 5. Nidaa Badwan enseigne aujourd’hui à San Marino, minuscule république dont elle aime la devise : “Libertas”!
Parmi la vingtaine de photographies réunies sous le titre « 100 jours de solitude », il en est une à l’ironie légèrement cynique. Nidaa Badwan essuie son visage en larmes : elle est occupée à éplucher des oignons ! D’autres larmes encore, retenues, dans la même chambre, quand Nidaa explique que ses photographies sont exposées à Bethléem et qu’elle ne peut y aller 3. Mises en ligne, ses photos n’étaient en effet pas passées inaperçues. À l’initiative de l’Institut français de Jérusalem, une exposition est organisée dès janvier 2015 à The Palestinian Art Court–Al Hoash de Jérusalem-Est, centre qui mène un remarquable travail de dif-
Elle quitte à nouveau sa chambre quelques jours plus tard pour aller chez le médecin ; elle s’y rend voilée, écouteurs aux oreilles, yeux baissés 4. « Je ne voulais pas voir Gaza », confie-t-elle au New York Times qui, le 27 février – fait exceptionnel –, publie une de ses photographies à la une.
Alors que l’exposition « 100 jours de solitude » circule à travers le monde, c’est une série de dessins de son frère, autiste, qu’elle vient de présenter. « Abood a lutté contre la solitude, contre ce que j’ai expérimenté pendant deux ans. Pendant mon isolement, il m’attendait à ma porte pour me faire une surprise avec une poignée de dessins ».
1/ Nidaa Badwan est née à Abou Dhabi en 1987. Sa famille vit ̀ a Gaza depuis 1998. En 2009, elle est diplo ̂mée de la faculte ́ des Beaux-Arts de l'universite ́ Al-Aqsa de Gaza et présente sa premie ̀re exposition. Elle est formatrice en arts plastiques, expression artistique et photographie. Elle a participe ́̀ a plusieurs expositions collectives de photographies en Palestine et en Jordanie. Plus d’informations : http://nidaabadwan.com 2/ Marion Slitine, Une « fille-en-dehors » capture le dedans d’une Gaza (re)belle, dans « Cent jours de solitude. Nidaa Badwan», Institut français de Jérusalem, 2015 3/ France 24, reportage Gaza, un an après l’opération Bordure protectrice, 6 juillet 2015 4/ En 1974, l’artiste allemand Joseph Beuys s’était fait transporter en ambulance vers son lieu d’exposition new-yorkais, refusant de fouler le sol des États-Unis, hors celui de la galerie, tant que durerait la guerre du Viêt Nam. 5/ On pense à Hélène Amouzou (°1969) qui, longtemps sans papiers et sans ressources et fuyant le Togo, se réfugiait dans son grenier molenbeekois pour se photographier en quête d’une identité.
palestine 07 DOSSIER CULTIVER L’ESPOIR
LE YES THEATER
“Penses-tu qu’avec ton théâtre à la con, tu vas libérer la Palestine ? par Catherine Fache
»
« Le théâtre est un moyen de développement personnel et d’engagement citoyen pour la jeunesse palestinienne. C’est également un acte de résistance. » 1 Mohammad Issa Hébron. L’humiliation portée à son comble. La résistance s’y vit au quotidien, aussi par le théâtre. Dans le récit d’une mission au printemps 2016, Henriette Michaux écrit : « Dans la salle de spectacle ouverte sur la cour, des jeunes gens fabriquent des masques 2 pour leur prochain spectacle. Ils sont joyeux. Mohammad Issa, le directeur administratif du Yes Theater, nous rejoint. Son discours est posé, construit, déterminé. Biologiste de formation, il a découvert le théâtre après ses études. Il est le premier à nous extraire du seul problème de l’occupation israélienne pour soulever les questions liées aux rapports de force dans les relations humaines. « L’occupation constitue un vrai problème mais il n’est pas le seul dans la société palestinienne. Les Israéliens se réjouissent du désespoir des Palestiniens. Résister, c’est arrêter d’envisager l’occupation comme une entrave à la créativité ». Dans la pièce adjacente, des jeunes filles répètent accompagnées par deux comédiens polonais. Nous quittons le théâtre, chargés de l’énergie du lieu et des acteurs. » Le Yes Theater a été créé en 2008 pour promouvoir la création et la pratique théâtrales au sein de la population d’Hébron, particulièrement auprès du public jeune. Il est soutenu par le ministère palestinien de l’Éducation, l’UNRWA, le gouvernorat d’Hébron et d’autres associations gouvernementales et non gouvernementales. Plus de 13 000 jeunes sont impliqués chaque année, auxquels il faut ajouter les familles. Les animateurs du Yes Theater croient dur comme fer que, par le théâtre et le drama 3, les enfants et les adolescents peuvent apporter un changement dans la société. Convictions qui sont partagées, entre autres, par le Freedom Theater à Jénine. Outil d’expression et de création artistique, le drama offre aux jeunes de vivre leurs propres sensations et sentiments. En même temps, le jeu des rapports de forces, des passions, des démesures fictives développe leur regard critique sur leurs propres situations. Le Yes Theater forme également des acteurs de l’éducation (enseignants, animateurs,...) et de jeunes comédiens afin de contribuer à l’émergence d’un théâtre professionnel palestinien avec un rayonnement national et international.
Parallèlement, un programme s’adresse aux enfants qui sont tout juste sortis de prison ainsi qu’à leurs familles et leur communauté. Le travail du texte et de la prise de parole les aide à reprendre confiance en eux et les informe de leurs droits. « La prévention vaut mieux que la guérison. » Mohammad Issa explique : « À travers les activite ́s the ́̂ atrales auxquelles ils participent, les enfants comprennent que les jets de pierre ne sont pas la seule fac ̧on de re ́sister ̀ a l’occupation. Nous leur apprenons que l’e ́ducation aussi est un acte de re ́sistance. Nos activite ́s the ́̂ atrales ont une vocation de re ́habilitation, mais sont aussi un support de plaidoyer pour mettre fin ̀ a la de ́tention des mineurs palestiniens par Israe ̈l. À leur sortie de de ́tention, les enfants sont traumatise ́s et stigmatisés, et nous essayons de les re ́inse ́rer dans la communaute ́ locale en leur donnant un espace pour exprimer leurs sentiments et pour plaider leur situation au niveau local. » 4 Depuis 2014, un projet similaire « Les Petits gagne-pains » est orienté vers les jeunes qui ramassent et trient les ordures dans des dépôts d’immondices. «Faire du théâtre en Palestine n’est pas une alternative à la résistance mais un acte de résistance en lui-même. Des comédiens, amateurs ou professionnels, s’emparent du plateau pour reconstruire leur histoire passée, présente et future, réelle ou rêvée, personnelle ou collective. » 5
1/ Chloé Juhel, « Yes Theatre », l’art pour aider les enfants à se reconstruire, Le Courrier de l’Atlas, 12 janvier 2016. 2/ La fabrication et l’usage de masques permettent aux femmes de «jouer» sur scène. 3/ Bolton Gavin. M., Towards a theory of drama in education, Longman, London, 1979 4/ He ́le ̀ne Legeay, Soigner, sensibiliser, réhabiliter : la vocation du Yes Theater, Courrier de l’ACAT, 338, mai-juin 2016, en ligne 5/ Ondine Oberlin, Penses-tu qu’avec ton théâtre à la con tu vas libérer la Palestine ? Qu’as-tu fait pour Gaza ? Qu’as-tu fait pour Hébron ?, Le Souffleur, 2014, en ligne
palestine 08 DOSSIER CULTIVER L’ESPOIR
LES GERMES DE LA LUTTE
Résister en cultivant par Simon Moutquin et Belinda Torres-Leclerc
Cultiver une terre en Palestine occupée, c’est avant tout cultiver sa terre, celle de sa famille, de ses ancêtres, de sa communauté. N’en déplaise à Israël et à ses colons, les oliviers, dattiers et citronniers arrachés ou brûlés par la folie de l’occupant sont bel et bien autochtones et ne datent pas d’une ère biblique sacralisée ; ce sont les fruits de graines semées il y a de ça plusieurs générations par des cultivateurs palestiniens. Depuis toujours, ces derniers sont en ligne de mire de l’occupation israélienne ; premières victimes, ils sont aussi les gardiens harcelés de leurs propres terres.
UN POISON NOMMÉ OCCUPATION L’agriculture est le poumon économique et le cœur social de la Palestine : 45% des Palestiniens en vivent, dont 15% directement et 30% par des activités de sous-traitance. Malgré un territoire restreint, la Cisjordanie offre une grande diversité de régions climatiques, qui permettent des cultures variées toute l’année. Ainsi, la vallée du Jourdain, autrefois abondamment arrosée, est encore considérée comme le grenier de toute la région. Selon la Banque mondiale, dans un rapport publié en 2014, la vallée et ses possibilités agricoles sont incontournables pour la viabilité d’un futur État palestinien indépendant. Sous le carcan de l’occupation israélienne, les possibilités de développement de l’agriculture palestinienne sont faibles, voire inexistantes. Les cultivateurs et éleveurs sont directement affectés par les restrictions de mouvements, les destructions d’infrastructures liées à l’agriculture, les difficultés d’accès à l’eau et aux intrants. Nombreux sont les témoignages d’agriculteurs palestiniens séparés de leurs terres par le mur d’apartheid ou par l’établissement de colonies. Aujourd’hui, on estime que 90 communautés palestiniennes sont dépossédées de leur accès normal à leur terre à cause des colonies et seuls 50 % des agriculteurs ont la permission de traverser le mur un mois par an pour récolter leurs olives. En termes d’accès à l’eau, on évalue à 6,8 % les terres agricoles palestiniennes aujourd’hui irriguées, étant donné la surconsommation des colonies israéliennes agricoles de la vallée du Jourdain : en effet, un Palestinien consomme en moyenne 70 l d’eau par jour (au lieu des 100 l nécessaires selon l’OMS) quand un colon en consomme plus de 400 l. Au-delà de ces aspects matériels liés à l’occupation, l’agriculture palestinienne est aussi victime de la concurrence des produits israéliens. Chaque année, 500 millions de dollars de produits agricoles issus des colonies israéliennes inondent le marché palestinien et près de 300 millions sont exportés vers l’Europe. C’est ce
que l’ONG israélienne Who profits exprime en parlant « d’économie captive » ; les potentialités commerciales palestiniennes ne sont pas seulement limitées par les obstacles matériels de la colonisation, elles sont également entravées par les barrières imposées aux exportations dans un marché fermé (du fait du contrôle strict des frontières israéliennes) alors que les colons, largement subsidiés, sont assurés d’un marché d’exportation illimité. Il y a quelques années, un agriculteur témoignait : « L’exportation de légumes, de fruits ou d’autres vivres de Cisjordanie vers la Bande de Gaza (ou vice-versa) est impossible. Les fruits et légumes n’atteignent même plus les marchés locaux. Les fermiers doivent parfois conduire plus de six heures pour circuler d’une ville ou d’un village à l’autre. Les vivres, les fruits et les légumes ne supportent pas un si long trajet». (Propos recueillis par Oxfam, Travailler derrière le mur de la honte, 2014)
POUR SOUTENIR LE MARCHÉ PALESTINIEN : CASSER CELUI DES COLONIES ! La situation alarmante des agriculteurs palestiniens subissant la politique israélienne est connue ; elle est la conséquence des violations constantes du droit international par Israël et a fait l’objet de nombreux rapports d’organisations internationales. Enumérer les unes et les autres ne suffit plus, il devient nécessaire d’agir en Europe afin de court-circuiter le rapport de domination en empêchant l’accès des produits des colonies agricoles israéliennes aux marchés européens. Dernièrement, la Commission européenne a décidé l’étiquetage des produits issus des colonies de manière à informer les consommateurs de la provenance des produits concernés. Il s’agit d’une première étape dans la transparence minimale nécessaire pour renverser la complicité avec la colonisation que représente l’importation de ces produits. En Belgique, la campagne « Made in Illegality » milite pour la suppression de toutes relations écono-
© Simon Moutquin
Potager biologique devant le mur à Bil’in.
miques avec les colonies israéliennes. L’un de ses volets principaux concerne les entreprises, les grandes surfaces et les acteurs institutionnels avec qui la plateforme tente de faire interdire la vente de produits agricoles issus des colonies. Ainsi sensibilisé, Colruyt a récemment annoncé ne plus commercialiser de produits en provenance des colonies. En attendant davantage de courage politique européen et une diplomatie internationale digne de ce nom de l’Europe et de ses États membres, le meilleur outil pour casser le commerce des colonies reste bel et bien le ralliement à la campagne BDS. En effet, dattes, oranges, pommes de terre, herbes aromatiques, avocats et autres fruits et légumes envahissent toute l’année les étals de nos grandes surfaces. Leur boycott est non seulement une nécessité urgente pour conforter le droit international en Palestine, mais également une évidence écologique : pourquoi acheter du persil made in Israel (à 3 500 km de votre cuisine) quand vous pouvez en cultiver facilement sur votre balcon ou votre terrasse? Depuis notre petite Belgique, il est nécessaire de créer et de renforcer des initiatives entre les acteurs agricoles belges et palestiniens, telles qu’Al Sanabel soutenue par la Coordination namuroise belgo-palestinienne et celle du Brabant wallon. Grâce au Philistin et à d’autres fournisseurs en Belgique, l’achat de produits « Made in Palestine » est une forme facile et agréable de soutien à la résistance palestinienne.
LA RÉSISTANCE PALESTINIENNE PAR LA TERRE À côté du modèle intensif israélien qui déverse sur les terres palestiniennes engrais Monsanto et OGM made in USA, une agriculture familiale et plus respectueuse de la terre se (re)construit en Palestine occupée. Cette différence n’est pas que le symbole de deux modèles agricoles opposés, elle est significative d’une résistance culturelle et identitaire de la société palestinienne face à l’occupation qui tente de les effacer.
Lors de la récente mission civile de l’ABP en octobre 2016, nous nous sommes rendus dans un petit village d’agriculteurs connu pour sa manifestation hebdomadaire : Bil'In. Dans ce village, Israël a confisqué 60% des terres grâce à la construction du mur « de sécurité ». C'est à côté de ce mur, à quelques pas du lieu des manifestations, qu'une ferme biologique a planté ses racines. « Nous rêvons non seulement d'une Palestine libre, mais aussi d’une Palestine verte, nous ne voulons pas de leurs grands bâtiments gris », nous dit un jeune agriculteur. Dans le potager, interdiction de fumer (en Palestine ?!) et GSM déconseillé… cette oasis palestinienne semble sortie de nulle part. L'idée de ce projet fou est de promouvoir une consommation directe, locale et biologique. « De manière pédagogique, le but est de sensibiliser les gens à prendre du temps pour cultiver et le temps des Palestiniens, l’armée israélienne le contrôle aussi » nous rappelle-t-il. Il espère qu’à terme, il pourra convaincre les Palestiniens de ne plus acheter de produits israéliens. Ce projet a été menacé par d’innombrables ordres de démolition parce que « la ferme menace la sécurité de l’armée ». Allez comprendre comment ? Nous aussi, de retour en Belgique, nous dirons à nos compatriotes agriculteurs bio que leurs carottes et choux sont considérés comme menaces stratégiques pour l’État ! Pour le moment, la plupart des clients de la ferme sont des personnes aisées de Ramallah, finalement comme chez nous, où la commercialisation des produits biologiques est encore réservée à certains revenus, vu le prix élevé des produits. Mais le jeune agriculteur explique « Les consommateurs viennent et se socialisent aussi quand nous livrons les paquets de légumes à Ramallah. Nous rassemblons tous les gens autour d'aliments bons, frais et locaux, et c'est alors que j'ai eu l'impression que l'agriculture est un acte révolutionnaire. »
palestine 10 JUSTICE ET DROITS DE L’HOMME
Obtenir justice
POUR GAZA
entretien avec Mahmoud Abu Rahma – propos recueillis par Sophie Feyder
Mahmoud Abu Rahma, directeur de communication du Centre pour les droits de l’homme Al Mezan, nous parle de son travail lent et ardu de recherche de justice dans le système judiciaire israélien profondément imparfait. Comment cette organisation palestinienne affronte-t-elle l’illégalité de l’occupation ? Pourriez-vous nous présenter brièvement votre centre et sa mission ? Le centre a été créé en 1999 dans un camp de réfugiés. L’idée était de réunir des avocats et des militants pour travailler ensemble sur la région nord de Gaza où vivent principalement des réfugiés, donc une population très délaissée. Au départ, on voulait se concentrer sur la défense des droits économiques, sociaux et culturels d’une population de réfugiés extrêmement pauvres. Mais l’Intifada de 2001 a changé la donne et notre travail s’est alors centré sur des questions non plus de gestion, mais de conflit armé. Petit à petit, on s’est spécialisés dans la sécurisation de documents attestant de violations des droits de l’homme par toute personne officielle, d’Israël ou de l’Autorité palestinienne (AP). Nous rédigeons ensuite des rapports sur base de ces données et nous intervenons au nom des victimes. Comment le travail d’Al Mezan s’inscrit-il dans le contexte plus large de la lutte contre l’occupation ? Les violations des droits de l’homme ne sont pas dues au hasard mais à un contexte politique spécifique créé par une occupation militaire prolongée. En droit international, une occupation est censée être de courte durée et avoir une sorte de mécanisme d’autodestruction de façon à rétablir une gestion durable et une vie normale. En Palestine, elle dure maintenant depuis presque 50 ans. Cette situation anormale devrait être LA préoccupation de tous les juristes internationaux. Et si elle a pu se maintenir si longtemps, c’est justement parce qu’elle repose sur une violation grave et constante des droits de l’homme. Une occupation ne fonctionne pas sans contrôle militaire strict, détentions arbitraires, torture, pressions diverses sur la population civile pour l’empêcher de résister, acquisition de territoires par la force ou la colonisation…. C’est pourquoi nous travaillons sur deux plans. D’abord localement, en aidant les civils à maintenir leurs droits et à vivre dignement, même sous la contrainte. Ensuite, plus largement, nous dénonçons et révélons les politiques et les régimes légaux israéliens qui per-
mettent à cette occupation de se maintenir depuis si longtemps. Enfin, nous combattons l’illégalité de l’occupation et le déni du droit à l'autodétermination du peuple palestinien. Israël est souvent décrit comme la seule démocratie au MoyenOrient, parce qu’il organise des élections et parce qu’il possède des institutions judiciaires puissantes et indépendantes du gouvernement. Quelle expérience votre association a-t-elle du système judiciaire israélien et comment le caractériseriez-vous? La réponse est simple : la démocratie en Israël ne s’applique totalement qu’à la population juive blanche. Et ce n’est pas tout : la Knesset procède actuellement à une profonde réforme législative qui va restreindre encore plus les droits des Palestiniens d’Israël. Quant à ceux des Territoires occupés, ils vivent sous un régime militaire qui vise à maintenir la loi martiale, donnant ainsi une base « légale » sûre à l’occupation et à la répression de toute résistance. Par exemple, un commandant de l’armée peut vous mettre en prison sans raison ou pour une raison secrète car il sait qu’il aura toujours l’appui des tribunaux militaires. L’armée peut légalement détruire votre maison ou tirer dans une foule de manifestants (sauf si un Israélien se trouve parmi eux, bien sûr). Ce type de système favorise une culture du meurtre en toute impunité. En conclusion, nous pensons que ce système n’est pas un système démocratique normal qui assure la justice mais qui, au contraire, couvre l’impunité et l’occupation. Quand le Conseil des droits de l’homme de l’ONU a nommé une commission spéciale indépendante pour enquêter sur la situation en Israël, sa conclusion était très semblable : c’est un système avancé, qui peut rendre la justice, mais qui n’en a pas la volonté. Pourriez-vous nous donner quelques exemples concrets de la façon dont Israël bloque l’accès à la justice pour les Palestiniens ? Cette année, avec Adalah (le centre pour les droits des minorités arabes en Israël), nous avons publié un rapport intitulé « Gaza, 2 ans après : l’impunité l’emporte sur la responsabilité »,
À gauche, Mahmoud Abu Rahma, au Conseil des Droits de l’Homme des Nations Unies en juin 2015. C’est pendant cette session que la commission d’enquête a présenté son rapport sur les attaques israéliennes de Gaza de l’été 2014.
qui montre comment ont été traitées les plaintes que nous avons présentées devant l’Avocat général des armées et le Procureur général israéliens, après les frappes militaires sur Gaza en 2014. Sur la base de nos preuves, nous avons exigé une enquête criminelle. Sur 27 plaintes déposées, seules 10 ont été examinées, 3 ont fait l’objet d’une enquête mais ont toutes été rejetées. Pour les 2 cas les plus graves (les 4 garçons tués pendant qu’ils jouaient au foot sur la plage et l’école de l’UNRWA bombardée alors que le personnel de l’ONU communiquait sans cesse sa localisation à l’armée israélienne), ils ont conclu qu’il n’y avait aucune preuve de faute. Ce résultat n’est pas étonnant quand on sait comment procède l’Avocat général des armées : il ne convoque que les membres de l’armée, jamais des Palestiniens ni des témoins internationaux (journalistes, ONG,…). De plus, il n’est pas autorisé à interroger les hauts gradés, ceux qui établissent les règles lors des attaques. Enfin, il y a conflit d’intérêt puisqu’il porte deux casquettes : il conseille l’armée sur les aspects légaux de chaque attaque et, en même temps, il enquête sur les plaintes. Tout ceci est la preuve qu’Israël n’applique pas les normes internationales en matière de justice, selon lesquelles les États sont censés enquêter de façon rapide, impartiale et crédible en cas de suspicion de violation de droits de l’homme. Au lieu d’enquêter scrupuleusement, l’Avocat général des armées couvre ces violations. Si le système judiciaire israélien est totalement défaillant, vous arrive-t-il de réfléchir à deux fois avant de collaborer avec lui ? En juin dernier, B’tselem (Centre israélien d’information pour les droits de l’homme dans les Territoires occupés) a d’ailleurs décidé de cesser toute coopération avec l’armée israélienne, refusant de « renforcer le semblant de justice ». Nous nous posons très souvent la question ! C’est en effet un processus très frustrant, mais nous le maintenons pour deux raisons : d’abord, nous voulons respecter les souhaits des victimes. Nous considé-
rons que c’est notre obligation de mener les actions à leur terme, même si nous savons qu’elles seront sans doute classées sans suite et rejetées. Ensuite, nous jugeons utile de récolter ces masses de nouvelles preuves qui montrent à quel point le système est une farce. Nos arguments ne seraient pas aussi solides sans cette collaboration. Nous sommes dans un moment crucial. Par exemple, la Cour pénale internationale (CPI) mène actuellement une enquête préliminaire. Eh bien, les documents que nous lui avons fournis peuvent jouer un rôle capital dans sa décision de mener ou non une enquête complète. Nos informations apportent des arguments convaincants pour qu’intervienne une cour internationale, car il n’y a pas d’accès effectif à la justice au niveau local. C’est ce que nous appelons l’« exigence de complémentarité ». Étant donné tous ces blocages dans le système judiciaire israélien, y a-t-il d’autres pistes pour rendre Israël responsable de ses crimes ? La CPI en est une très importante. Elle était hors de notre portée avant décembre 2014, date à laquelle l’État de Palestine a adhéré au Statut de Rome (NDT= le traité international qui a créé la Cour pénale internationale, CPI, en 1998). Nous essayons donc de contribuer au mieux à leurs enquêtes préliminaires. Une autre piste en cours est la notion de responsabilité des entreprises. Nous sensibilisons les entreprises qui profitent de l’occupation et leur demandons de se conformer à une série de règles éthiques. Une troisième piste est l’idée d’une juridiction universelle : demander aux tribunaux nationaux en Europe de détenir et interroger toute personne suspectée d’implication dans le massacre de civils, déplacement de population, etc. Nous avons eu quelques succès, notamment le fameux mandat d’arrêt contre Tzipi Livni, quand elle a voulu se rendre en Angleterre en 2009. C’est un processus lent, mais certainement prometteur. Traduit de l’anglais par Emmanuelle Franck
palestine 12 DIPLOMATIE AU POINT MORT
Diplomatie
AU POINT MORT par Nathalie Janne d’Othée
Le processus de paix israélo-palestinien semble aujourd’hui plus que jamais au point mort. À la suite du dernier ultimatum fixé en avril 2014 par le secrétaire d’État John Kerry, en dehors de l’initiative française, la perspective de négociations, même nébuleuse, a disparu de l’horizon. Au lendemain des élections présidentielles américaines et à la veille du cinquantième anniversaire de l’occupation israélienne de la Palestine, aucun signe ne laisse malheureusement présager un déblocage diplomatique à court ou moyen terme. Le mouvement BDS représente donc aujourd’hui le seul et le plus grand espoir de changement pour les Palestiniens. PLUS AUCUN ESPOIR DU CÔTÉ DES ÉTATS-UNIS Donald Trump président des États-Unis, personne n’y croyait vraiment. Même si Clinton n’était pas nécessairement une meilleure solution pour les Palestiniens, le programme dévoilé par les deux conseillers de Trump pour les relations avec Israël, Jason Dov Greenblatt et David Friedman, ne laisse aucune place à l’ambiguïté : accentuation du soutien américain à Israël, reconnaissance de Jérusalem comme capitale d’Israël, criminalisation du mouvement BDS 1. David Friedman aurait par ailleurs déclaré qu’il était « profondément sceptique » quant aux chances de voir un jour une solution à deux États et qu’il ne croyait pas que Donald Trump considère les colonies comme illégales 2. On peut surtout penser que c’est la ligne qu’il défendra auprès de Trump, ligne que ce dernier devrait vraisemblablement suivre, au vu de ses maigres connaissances du monde extérieur. Les spéculations sur la future équipe au pouvoir à la Maison Blanche annoncent par ailleurs Newt Gingrich au poste de secrétaire d’État des États-Unis. Le candidat républicain aux élections présidentielles de 2012 est connu pour son total mépris du peuple palestinien, qu’il a publiquement taxé de « peuple inventé ». Les quatre années à venir seront difficiles, d’autant qu’elles coïncident avec un gouvernement israélien d’extrême droite qui profitera au maximum de la situation pour établir des « faits accomplis sur le terrain ». Naftali Bennett, ministre de l’Intérieur issu du parti des colons Le Foyer juif, a par exemple déclaré au lendemain de l’élection de Trump : « L’ère d’un État palestinien est révolue ». L’occupation et la colonisation israéliennes semblent, vues sous ces angles, avoir de beaux jours devant elles en Israël.
L’ESPOIR D’UNE EUROPE PLUS FORTE De son côté, l’Union européenne s’est toujours positionnée comme étant le bras financier du processus de paix, laissant la primauté du travail politique aux États-Unis. Au vu des intentions manifes-
tées par Donald Trump, la question est aujourd’hui de savoir si les Palestiniens peuvent espérer de l’Europe une politique plus ferme et indépendante des positions américaines. Malheureusement, l’UE a, d’une part, une politique étrangère peu affirmée et tributaire de la décision de ses vingt-huit États membres ; et elle bride d’autre part les initiatives de ceux de ses États membres qui souhaiteraient avancer plus rapidement. Le gouvernement belge a ainsi comme ligne de conduite permanente de travailler à, et au sein d’un consensus européen, souvent au détriment d’une position belge qui pourrait être plus ferme à certains égards. Ainsi, la Belgique pourrait par exemple décider de reconnaitre dans le cadre de ses relations bilatérales l’État palestinien, comme l’a fait la Suède en 2014, ce qu’elle ne fait pas. L’initiative lancée en juin 2016 à Paris a vu la France prendre un rôle d’avant-plan pour relancer le processus de paix. Il faut néanmoins préciser qu’il ne s’agit là que d’une tentative de relance du dialogue: en d’autres termes, on négocie le fait de se remettre à négocier. Le chemin vers un accord semble donc bien long. L’approche est par ailleurs de nouveau basée sur une formule d’incitation économique, vouée à l’échec dans le contexte actuel. Le récent rapport publié par le think tank European Council for Foreign Relations « EU differentiation and the push for peace in Israel-Palestine » démontre en effet clairement que les mesures d’incitation traditionnellement utilisées par l’UE pour pousser Israël à participer au processus de paix n’ont jusqu’ici jamais porté leurs fruits. Le think tank prône au contraire des mesures de dissuasion basées sur une politique claire de différenciation entre Israël et les colonies israéliennes. Cette politique respecterait l’obligation qui s’impose à l’UE en vertu du droit international de ne pas reconnaitre et de ne pas contribuer au maintien des colonies, qui constituent un crime
LA MOBILISATION CITOYENNE INTERNATIONALE, PLUS QUE JAMAIS UNE NÉCESSITÉ de guerre selon le droit international humanitaire. Les mesures européennes récemment prises semblent aller dans le bon sens. Les Lignes directrices de 2013, les Messages communs aux entreprises de juillet 2014 et la nouvelle communication européenne sur l’étiquetage des produits des colonies de novembre 2015, toutes ces mesures traduisent une réelle volonté européenne de prendre des mesures en cohérence avec son discours de condamnation des colonies. Mais la politique européenne de différenciation est hésitante et manque encore de clarté et de cohérence, ce qui l’affaiblit face aux critiques israéliennes.
L’ABSENCE DE L’AUTORITÉ PALESTINIENNE À la veille de l’année qui marquera les cinquante ans de l’occupation, la voie diplomatique semble donc plus que jamais bloquée. Israël a aujourd’hui tout à gagner à maintenir le statu quo, puisqu’il ne paye pour l’occupation et la colonisation du territoire palestinien qu’un prix dérisoire. Et si la communauté internationale porte certes la plus grande part de responsabilité dans le manque de perspectives de paix, l’absence d’initiative officielle palestinienne fait également partie du problème. Depuis la demande et l’obtention de la reconnaissance de la Palestine comme État observateur non-membre à l’Assemblée générale des Nations unies en novembre 2012, l’Autorité palestinienne est absente sur la scène internationale. L’Autorité palestinienne souffre par ailleurs d’une crise de légitimité auprès du peuple palestinien. La jeunesse palestinienne est désillusionnée. L’Autorité palestinienne n’a aucune prise sur la révolte qui, depuis un an, oppose cette jeunesse aux forces israéliennes d’occupation et constitue également une remise en cause de la légitimité de la direction palestinienne. Une direction palestinienne qui semble aujourd’hui davantage préoccupée par la succession de Mahmoud Abbas que par l’obligation de nourrir l’espoir de son peuple.
L’espoir des Palestiniens et de leurs soutiens à travers le monde réside donc aujourd’hui dans la mobilisation citoyenne internationale. Cela fait plus de onze ans que le mouvement Boycott Désinvestissement et Sanctions a été lancé par la société civile palestinienne et il n’a cessé de s’élargir depuis lors. Les attaques et la criminalisation auxquelles le mouvement doit aujourd’hui faire face montrent qu’il a un impact, que sa stratégie est payante, que c’est la bonne. L’opinion publique semble également avoir changé. Le caractère souvent odieux de la politique israélienne apparait de plus en plus dans les médias. Néanmoins, les conflits et les états de crise actuels font que les Palestiniens ne sont plus le seul peuple martyr et occultent de plus en plus leur situation. Voilà pourquoi 2017 doit avoir pour objectif de remettre la Palestine à l’agenda : à l’agenda des mobilisations citoyennes, à l’agenda médiatique, à l’agenda politique. La question palestinienne n’est peut-être plus le plus grave des conflits qui secouent aujourd’hui notre monde, mais c’est l’un des plus anciens et il reste non résolu. Y trouver une solution doit constituer une priorité.
1/ Joint Statement from Jason Dov Greenblatt and David Friedman, Co-Chairmen of the Israel Advisory Committee to Donald J. Trump sur Medium.com, Nov. 2, 2016. 2/ Les colonies israéliennes ne sont pas illégales, selon un conseiller de Trump, sur rtbf.be, 26 octobre 2016.
palestine 14 CONVERGENCE DES LUTTES
NOIRS ET PALESTINIENS
solidaires
par Charlotte Kates, coordinatrice internationale du Samidoun Palestinian Prisoner Solidarity Network
Les mouvements de libération des Palestiniens et des Noirs partagent une longue histoire de lutte conjointe et de confrontation commune face à l’oppression. Cette histoire s’est construite tout au long de générations de résistance anticoloniale et antiraciste.
Cette solidarité s’est de nouveau retrouvée au premier plan, notamment avec les soulèvements qui ont récemment traversé les États-Unis et qui dénonçaient la violence, le racisme et la brutalité de la police, et avec la multiplication des manifestations #BlackLivesMatter et du Movement for Black Lives. Ensemble, les mouvements de libération noir et palestinien affrontent les structures racistes de l’oppression, les rapports coloniaux, l’incarcération de masse et l’exploitation, et luttent pour des sociétés et des peuples libérés.
la publication d’un communiqué des Black for Palestine, qui rassemble près de 1000 écrivains, intellectuels, militants et organisateurs noirs de premier plan, atteste de leur solidarité avec la lutte palestinienne, dans le droit fil de la tradition internationaliste noire radicale. En 2016, le Movement for Black Lives rend public, dans le cadre de son action aux États-Unis, un programme politique exhaustif combinant justice économique, retrait des financements de la police et soutien aux droits des Palestiniens et au mouvement BDS.
Longtemps, le mouvement palestinien a brandi en étendard un exemple de victoire de la lutte noire au niveau mondial : la fin de l’apartheid en Afrique du Sud. Aujourd’hui, l’appel palestinien aux Boycott, Désinvestissement, Sanctions (BDS) est soutenu par les plus grandes institutions sud-africaines comme le COSATU (le Congrès des syndicats sud-africains) et s’inspire de la lutte antiapartheid, pour mobiliser au plan international contre l’apartheid israélien.
Lutter contre l’incarcération de masse et l’emprisonnement est sans doute le domaine où la solidarité entre les deux mouvements – noir et palestinien – s’exprime avec le plus de force. De l’utilisation du programme de contre-espionnage COINTELPRO, destiné à emprisonner des dizaines de combattants pour la libération noire, à l’incarcération de masse de jeunes Noirs à travers les États-Unis, les prisons et les pénitenciers ont joué un rôle fondamental dans la répression des mouvements de libération des Noirs et dans le modèle raciste de l’oppression déployée contre les Noirs aux ÉtatsUnis. Quant aux Palestiniens, 40 % des hommes en Cisjordanie et à Jérusalem passeront par la prison dans leur vie. L’emprisonnement des Palestiniens est au coeur du projet colonial israélien et les prisonniers politiques deviennent ainsi des symboles et des leaders nationaux. De Mumia Abu-Jamal à Ahmad Sa’adat, les leaders noirs et palestiniens emprisonnés se sont révélés les défenseurs clés d’une solidarité commune. En effet, treize prisonniers politiques noirs se trouvaient parmi les rédacteurs et premiers signataires de la déclaration Black for Palestine.
En 2014, lors des soulèvements à Ferguson, dans le Missouri, déclenchés par le meurtre de Michael Brown commis par un policier, les Palestiniens avaient expliqué, via Twitter, aux Noirs manifestant dans les rues comment faire pour ne pas être blessés par les gaz lacrymogènes. Au même moment, des Palestiniens de la diaspora de Saint-Louis prenaient directement part aux manifestations contre la violence et le racisme de la police. Des déclarations transnationales de soutien au soulèvement des jeunes Noirs et des mouvements à Ferguson, Baltimore et New York ont circulé, tandis que des délégations telles que celle des Dream Defenders et du mouvement Black Lives Matter ont visité la Palestine occupée. Les Dream Defenders, une association de jeunes en Floride, a été mise sur pied après le meurtre par balles de Trayvon Martin commis par George Zimmerman, et a inclus dans ses fondateurs et sa direction des groupes de jeunes Palestiniens aux côtés des Noirs. En 2015,
Le mouvement de boycott de G4S est l’une des expressions les plus tangibles de cette lutte mutuelle, qui a pris forme sur les campus et au sein des communautés, aux États-Unis et ailleurs. G4S est la plus grande entreprise de sécurité au monde. Conglo-
mérat anglo-danois, G4S est aujourd’hui la cible de vives critiques, non seulement pour ses contrats avec les services carcéraux israéliens et d’autres agences étatiques de l’État hébreu, mais aussi pour son rôle dans l’incarcération de jeunes et dans la détention de migrants aux États-Unis, au Royaume-Uni, au Canada, en Australie et ailleurs. Aux États-Unis, G4S participe, dans ses centres privatisés, à la détention de mineurs. Ces centres ciblent de façon disproportionnée les jeunes Noirs. À Charlotte, où la communauté noire de la ville est récemment descendue dans les rues, à plusieurs reprises, pour dénoncer le meurtre de Keith Scott commis par un officier de police, G4S dirige un corps de police privée affecté au transit des prisonniers. G4S a également été descendu en flammes par des groupes de Noirs, de Palestiniens et d’indigènes pour son rôle de fournisseur de sécurité privée aux entrepreneurs chargés de la construction du Dakota Access Pipeline, à travers le territoire indigène dans le Dakota du Nord, rencontrant ainsi la résistance du Standing Rock Sioux. Grâce aux manifestations internationales dénonçant ses agissements, G4S a perdu des contrats et des investissements à travers le monde. Des prisonniers politiques palestiniens ont publié une déclaration commune depuis les prisons israéliennes exhortant au boycott de l’entreprise, au moment même où le Comité national palestinien BDS choisissait G4S comme cible première de boycott. Entre-temps, la déclaration de Black for Palestine désignait explicitement G4S comme cible clé pour une action commune. Anthony Williams, de l’Afrikan Black Coalition (ABC), a caractérisé G4S comme « l’une des plus grandes entreprises harcelant à la fois les Noirs et les Palestiniens. Le lien entre l’occupation israélienne en Palestine et le génocide de Noirs en cours à travers le monde nous paraît évident. »
© Fibonacci Blue
3 décembre 2015, rassemblement dans le City Hall de Minneapolis. Les manifestants de Black Lives Matter réclament une enquête indépendante concernant la mort de Jamar Clark, un afro-américain de 24 ans abattu par la police de Minneapolis deux semaines plus tôt.
Des institutions telles que la Fondation Bill Gates ou le Parlement européen ont conclu des contrats et réalisé des investissements avec l’entreprise, dans la mesure où elle s’était engagée à supprimer les actions « préjudiciables à sa réputation », telles que l’emprisonnement de jeunes et les contrats en Palestine occupée. Cependant, G4S continue à jouer un rôle de sous-contractant et tire toujours profit de l’oppression raciste. À l’université de Californie, une campagne des étudiants a permis de désinvestir d’une entreprise de prisons privées, dont G4S, grâce à une campagne conduite par ABC, et suivie également par une victoire conjointe à Berkeley. Kristian Davis Bailey, cofondateur de Black for Palestine, et militant au sein du Black Youth Project 100 à Détroit, a noté que la solidarité Noirs/Palestiniens est une « porte d’entrée pour à la fois étendre la dimension mondiale de notre lutte et rallier les peuples africains, arabes, latinos, asiatiques et indigènes à travers le monde… Nous avons un poids sur les épaules, nous avons le devoir de nous battre et nous sommes engagés auprès de nos camarades à travers le monde qui sentent cette même pression impérialiste peser sur leurs épaules et manquent de marge de manœuvre pour pouvoir s’en libérer. » Les mots de Bailey font écho à ceux de Ghassan Kanafani, prononcés il y a quelques décennies, pour qui la lutte palestinienne « est la cause de tout révolutionnaire, la cause des masses opprimées et exploitées de notre époque. » Ces analyses s’appliquent tout autant au rôle central du Black Movement dans le contexte de la lutte internationale pour la justice aujourd’hui et qui se traduit par un appel impératif à l’intensification de l’unité d’action et de la lutte.
Traduction de l’anglais par Charlotte Cornet
palestine 16 NEWS DU BDS
News du BDS
par Simon Moutquin
Heureux soit Jésus, fils de “Dieu”, né il y a 2016 ans à Bethléem ! Car dans l’hypothèse où il serait né aujourd’hui, la vie de Jésus aurait été bien différente : Jésus, fils de qui-vous-voulez, né le 25 décembre 2017 à Bethléem, ville entourée d’un mur de 8 m de haut. Le petit Jésus n’aurait pas pu vivre à Nazareth, ne disposant pas du permis d’entrée israélien nécessaire. Violenté à l’âge de 6 ans par des colons fanatiques, expulsé à 10 ans de sa maison détruite par l’armée et condamné à l’âge de 16 ans à 20 ans de prison pour jet de Pierre(s), Jésus n’aurait jamais eu la possibilité de réunir 12 disciples autour de lui et de prôner la tolérance et la bonté, signant ainsi un futur bestseller mondial. Bref, cette introduction (inutile ?) pour vous rappeler que dans quelques jours, certains célébreront sa naissance autour d’un beau sapin paré de magnifiques boules de Noël, de plein de cadeaux parfois hors de prix et de crèches dépoussiérées remontées de la cave. ATTENTION ! Encore plus à Noël que le reste de l’année, Sodastream, Ahava, HP (voir ci-dessous) et autres cadeaux « made in Israel » envahiront vos écrans publicitaires. Par ailleurs, décembre marque aussi le retour en force des fruits et légumes « made in Israel », à des prix bradés en ces fêtes de fin d’année sur le dos des travailleurs palestiniens sous-payés. Agrumes, avocats, dattes, pommes de terre, herbes aromatiques… la seule solution pour éviter du made in Israel, c’est de toujours vérifier la provenance de vos achats. Pour cette édition des News BDS, nous avons choisi de vous présenter les deux cibles principales de la campagne BDS en Belgique dans les prochains mois : HP et le partenariat BelgiqueIsrael “Law train”
LANCEMENT D’UNE CAMPAGNE INTERNATIONALE BDS CONTRE HEWLETT PACKARD (HP) La marque informatique Hewlett Packard joue un rôle important dans le système d’apartheid israélien et dans l’oppression des Palestinien.ne.s Le géant américain fournit à l’armée israélienne équipements et services militaires, notamment pour les chekpoints ainsi que le système de cartes d’identité qui permet les politiques israéliennes d'apartheid et les restrictions de circulation des Palestiniens. Cette nouvelle campagne BDS est décrite comme la campagne « Polaroid » d’aujourd’hui, en référence à l’immense campagne de boycott réalisée contre l’entreprise “Polaroid”, sous le régime d’apartheid sud-africain, et sa complicité dans la
production du système de livrets encadrant le contrôle de la circulation des Noirs d’Afrique du Sud. Alors que la campagne contre HP a été lancée depuis quelques semaines seulement, près de 2 millions de personnes ont déjà signé la pétition et quelques associations annoncent déjà leur boycott de la marque. Une semaine d’action mondiale s’est déroulée en marge du “Black Friday” et d’autres actions d’envergure sont en préparation. Chez nous, outre le fait de relayer la campagne mondiale sur les réseaux sociaux, des actions et de la sensibilisation sont prévues en 2017. Plus d’infos sur https://bdsmovement.net/boycott-hp
LAW TRAIN Qu’est ce que le Law Train ? Il s’agit d’un projet de coopération judiciaire et sécuritaire entre plusieurs pays européens qui se déploie dans le cadre d’Horizon 2020, un programme de recherche européen qui pèse plus de 77 milliards d’euros. Israël, conformément à son accord d’association bilatéral avec l’Europe et ses États membres, bénéficie d’un accès privilégié à ce programme. Le projet a pour but le développement de « méthodes d’interrogatoire transculturel et de modules de formation s’appuyant sur la recherche multiculturelle en criminologie » (…), un « système d’interrogatoire virtuel » y sera développé. Quels sont les partenaires du projet ? Parmi les partenaires israéliens, on retrouve notamment le ministère de la Sécurité et la Police nationale, les mêmes institutions espagnoles et celles du Portugal qui ont aujourd’hui décidé de se retirer du projet. Du côté belge : le Service public fédéral Justice, de même que, en tant que seule université européenne, la Katholieke Universiteit Leuven (KU Leuven). Une triple campagne en Belgique Échanges de bons procédés racistes (le profiling notamment), association avec un pays maintes fois condamné pour sa pratique de la torture, un pays dont le siège de la police est implanté en territoire occupé, les raisons de dénoncer ce partenariat sont multiples et évidentes. En Belgique, la campagne se déclinera en deux volets, la sensibilisation des étudiants et professeurs de la KUL afin qu’ils fassent pression sur la KUL pour qu’elle se retire du projet, et au niveau fédéral sur les services publics fédéraux pour qu’ils s’en retirent également.
palestine 17 ÉCHO DES RÉGIONS
Il y a quelques mois, une nouvelle régionale de L’Association belgopalestinienne s’est créée à Ottignies-Louvain-la-Neuve. Reposer la question palestinienne dans cette ville était primordial, puisqu’il n’y existait plus de groupe actif spécifiquement sur cette thématique après que le « Comité Palestine Louvain » se soit éteint en 2013. Cette nouvelle régionale a pour but de s’inscrire solidement dans le paysage associatif de la ville étudiante, mais aussi de travailler en partenariat avec la Coordination du Brabant Wallon pour la Palestine.
L’ABP ATTERRIT
à Louvain-la-Neuve Louvain-la-Neuve rassemble un public varié gravitant autour de l’université. Des jeunes, des étudiants, mais aussi des personnes plus âgées, pas ou plus étudiantes, s’y côtoient quotidiennement. Un grand nombre d’événements, conférences, débats, rencontres sur des thèmes aussi diversifiés les uns que les autres y sont organisés tous les jours. La ville est souvent à la pointe en ce qui concerne les questions environnementales et ne se cache pas de promouvoir une vision sociale de son développement par de nombreux projets mis en place. Cependant, la question palestinienne, centrale dans la pacification du Moyen-Orient, mais également dans notre capacité à défendre le droit international, ne faisait plus réellement écho sur le campus depuis la fin du Comité Palestine Louvain. C’est pour ces raisons qu’autour de l’Association belgo-palestinienne, quelques jeunes ont décidé de relancer une dynamique et réintroduire cette thématique au cœur du paysage néo-louvaniste. Afin de présenter son projet, l’ABP-LLN a déjà organisé un premier événement qui a réuni une cinquantaine de personnes pour assister à la projection et à l’exposition de « Oblitered families » abordant la vie de familles palestiniennes décimées par l’offensive israélienne dans la bande de Gaza. Mais les projets futurs sont nombreux, autour de trois objectifs ; informer, sensibiliser et agir ! Pouvoir informer sans tabou sur les nombreux aspects de l’occupation israélienne en Palestine est notre premier objectif : des prisonniers palestiniens au vol des ressources, de Gaza à Hébron en passant par Jérusalem, de l’inertie diplomatique à la dynamique fondamentale de BDS, les sujets ne manquent pas. Ensuite, sensibiliser au moyen de campagnes de rue, d’actions ludiques, de conférences ou encore de ciné-débats. Et puis, surtout, agir ! À travers la campagne BDS notamment, en interpellant les acteurs
par Sanah Gharbi
universitaires sur d’éventuelles complicités, en s’opposant à la signature de contrats d’importation de produits israéliens dans le cadre des marchés publics, etc. Pour finir, nous souhaitons aussi, avec l’importante communauté palestinienne présente à Louvain-laNeuve, promouvoir la culture palestinienne autour d’évènements culturels : dabké, houmous et oud s’annoncent bientôt dans la ville ! En parallèle, divers partenariats concrets sont d’ores et déjà envisagés avec des kots-à-projets, notamment la projection d’un documentaire sur la thématique des réfugiés palestiniens avec le Migrakot (kot-à-projet qui vise principalement à sensibiliser aux questions migratoires). Des contacts ont également été pris avec la maison des jeunes de Louvain-la-Neuve. Le public visé n’est pas uniquement étudiant. L’objectif est de décloisonner les différents publics de la ville, et de passer ainsi outre les frontières entre étudiants et habitants de la ville. Nous souhaitons impliquer professeur.e.s, retraité.e.s, familles, étudiant.e.s, ONG, Kot, et tous les acteurs progressistes de la ville. Au niveau régional, les diverses associations locales et acteurs du Brabant Wallon, dont la Coordination Brabant Wallon pour la Palestine et de nombreux comités de soutien, seront aussi impliqués dans cette nouvelle régionale et l’ABP-LLN compte bien soutenir en retour leurs initiatives. Néo-louvanistes et branbançon.n.es, bienvenue dans cette nouvelle régionale ! Les projets sont nombreux, et possibles grâce aux futur.e.s militant.e.s qui nous rejoindront dans une ambiance conviviale et positive.
Pour plus d’informations, contactez l’ABP Louvain-la-Neuve sur LLN@abp-wb.be
palestine 18 LE DÉCLIC
Le déclic
Nous invitons toutes les personnes qui le souhaitent à nous envoyer un texte décrivant leur déclic personnel, ce moment-clef dans votre vie où vous avez décidé de vous engager pour les droits des Palestiniens. Gardez le texte en-dessous de 2000 signes et envoyez-le à marie-noelle@abp-wb.be Stéphanie De Bock
Fadia Panosetti
C’EST SEULEMENT AU RETOUR DE PALESTINE QUE LE VOYAGE COMMENCE
L’IMPÉRIEUSE EXIGENCE DE « FAIRE QUELQUE CHOSE »
Je m’appelle Stéphanie. J’ai 20 ans, je suis en Sciences Po à l’université de Gand, et la Palestine occupe une place importante dans ma vie. Je l’ai approchée il y a de ça 4 ans, lorsque ma sœur ainée y est allée. Elle est revenue avec, dans ses bagages, tant d’histoires sur ce qui s’y passait, l’occupation, la force des Palestiniens… Ses récits m’ont ouvert les yeux et j’ai voulu en savoir plus.
La Palestine a toujours fait partie de ma vie. Quand l’esprit de la première Intifada était encore vif dans l’âme des Palestiniens, mes parents se sont rendus sur place. Cette expérience a été tellement marquante pour eux qu’ils ont décidé de me donner un prénom palestinien. Chez nous, la Palestine a constamment été un sujet de débat et de militance. J’ai des souvenirs de nombreuses manifestations, conférences et activités sur la Palestine depuis mon plus jeune âge.
Entre-temps, ma sœur était tombée amoureuse du pays et d’un garçon du camp de Aïda, à Bethléem, qu’elle a décidé d’épouser. C’est à ce moment-là que j’ai visité la Palestine, pour la première fois. Chaque jour de ce voyage me faisait saisir un peu plus la réalité de ce qui s’y passait. Nous rencontrions des personnes qui résistaient, jour après jour, inlassablement. Nous sommes allées à Hébron où on a vu tant de colonies se rapprocher chaque jour un peu plus de la ville. Et j’ai compris que c’était ça, ce qui se passait réellement. Quand on a traversé le Mur pour la première fois, j’avais si peur. Et puis je me suis rendu compte qu’il s’agissait d’autre chose que d’avoir peur. Il s’agit de réclamer ce qui est sien, du droit de pouvoir retourner chez soi. Il s’agit de justice. Alors, revenue en Belgique, j’ai décidé de parler avec mes amis de ce que j’avais vu et des personnes que j’avais entendues. Parce que ces personnes n’ont pas autant d’opportunités de raconter leur histoire que d’autres en ont de mentir. C’est seulement au retour de Palestine que le voyage commence. Entre-temps ma sœur a donné naissance à un petit Adam dont je suis aujourd’hui la marraine et j’ai décidé de retourner en Palestine, avec les merveilleuses personnes de l’ABP et Ecolo-J. Nous avons été témoins de tant d’injustice, nous avons eu peur, et nous nous sommes indignés. Mais nous avons rencontré des gens courageux et admirables, qui n’enseignent pas la haine mais qui, comme le dit Rafeef Ziadah, « teach life, Sir ! ». Et c’est bien pour cela que la Palestine m’est tellement chère et que nous devons continuer à nous battre pour la justice et pour une Palestine libre.
Mon déclic? Probablement l’opération «Plomb durci» en 2008-2009. Cet épisode particulièrement horrible m’a poussée à m’impliquer dans le soutien aux Palestiniens. Depuis lors, j’ai ressenti l’impérieuse exigence «de faire quelque chose», agir, informer, manifester pour briser le silence sur les souffrances du peuple palestinien. La Palestine représente une idée directrice, une sorte de fil rouge qui relie plusieurs sphères de mon quotidien, y compris mes études. Par ailleurs, mon parcours universitaire a été fondamental pour comprendre et analyser l’histoire et les rouages de la colonisation israélienne en territoire palestinien. Parcours qui a abouti, l’année dernière, à ma première expérience sur place. Grâce à mon séjour, j’ai pu approfondir la question de l’accaparement des terres et son impact sur les moyens d’existence des Palestiniens dans le cadre de mon travail de fin d’études. Une fois qu’on a mis le doigt dans ce combat et qu’on a vu ce qui ce passe là-bas, on ne peut pas passer à autre chose. Il nous faut continuer à nous informer et à nous engager. C’est pour cela que je me suis récemment engagée dans l’ABP. Le combat palestinien, c’est notre combat ̀ a nous tous.
palestine 19 LIVRES THE WAY TO THE SPRING LIFE AND DEATH IN PALESTINE
livres
par Ben Ehrenreich, anglais, Granta Books Publisher, aou ̂t 2016, 369 pages, 40 pages de notes
UN BOYCOTT LÉGITIME.
POUR LE BDS UNIVERSITAIRE ET CULTUREL DE L’ÉTAT D’ISRAËL par Eyal Sivan et Armelle Laborie, Éditions La Fabrique, 18 octobre 2016, 183 pages
GAZA, THE AFTERMATH
par Virginie Nguyen Hoang, CDP éditions Malakoff, septembre 2016. Photos en noir et blanc et textes, en français et en anglais, de Jean-Pierre Filiu et Ziad Medoukh.
Titulaire de nombreux prix, Virginie Nguyen Hoang est une jeune photojournaliste belge, formée à l’IHECS et à la Danish School of Media and Journalism. Jean-Pierre Filiu est professeur d’Histoire du Moyen-Orient contemporain à Sciences Po (Paris) et Ziad Medoukh est un poète palestinien, professeur de français à l’université Al-Aqsa de Gaza. Entre juillet et octobre 2014, puis en 2016, Virginie Nguyen Hoang a suivi trois familles gazaouies dans leur quotidien ; elle a partagé avec elles des moments de désespoir et d’attente, mais aussi quantité de petits bonheurs (anniversaires, réussite de ses études,…). Elle a photographié ici les méandres de la reconstruction (matérielle et psychologique), là la douleur du déracinement, toujours l’incertitude du lendemain. Elle est allée à la rencontre d’une population qui se sent abandonnée du monde entier, au devant de ces jeunes et moins jeunes qui essaient, vaille que vaille, de rester dignes et de s’imaginer quand même un avenir. Virginie N.H. livre dans cet ouvrage le témoignage au quotidien d’une humanité dont les médias internationaux ne rendent compte le plus souvent que lorsqu’elle souffre de manière paroxystique et meurt sous les bombes.
Lauréat du National Magazine Award, Ben Ehrenreich est un journaliste et écrivain américain vivant à Los Angeles. Il écrit notamment pour le New York Times Magazine et la London Review of Books. Ce livre est une chronique de la Palestine d’aujourd’hui; c’est une oeuvre forte et sensible écrite par un journaliste dont chaque mot dit la colère et l’empathie. Au cours des 3 dernières années, Ben Ehrenreich a partagé les rires, la fureur et la tristesse d’hommes et de femmes de Cisjordanie. Il témoigne ici des extrémités auxquelles ils sont réduits: l’oppression et les privations quotidiennes mais aussi les stratégies, pleines d’humour, qu’ils mettent en place pour survivre. Dans “The Way to the Spring », l’auteur décrit la mécanique cruelle de l’occupation israélienne avec ses absurdités et les tragédies qu’elle engendre parfois: la machinerie lourde et humiliante des checkpoints, les murs, tribunaux et prisons; la confiscation des terres, la violence et la mort. De l’avis de Raja Shehadeh, de Al-Haq: « On a tant écrit sur l’occupation mais rarement avec autant de vivacité, une telle éloquence et une telle maîtrise dans l’éclairage de la complexité. Voilà un livre superbement intelligent, riche d’enseignement sur l’une des questions les plus importantes de notre temps. »
Eyal Sivan est un cinéaste israélien (réalisateur, avec Michel Khleifi, de « Route 181» en 2003 et de « La mécanique de l’orange» en 2009); Armelle Laborie est productrice de films documentaires; elle a travaillé dans une agence de communication. Dans les capitales occidentales, la colonisation de la Cisjordanie et de Je ́rusalem-Est ainsi que le blocus de Gaza ne suscitent, de loin en loin, que de vagues protestations. Depuis un demi-sie ̀cle, la colonisation des territoires palestiniens se poursuit en toute impunite ́. Devant la faillite et la passivité complice de la communaute ́ internationale, les socie ́te ́s civiles ont pris le relais avec une vaste campagne de boycott des produits israe ́liens. Se pose alors la question : Peut-on boycotter des institutions a priori productrices de savoir, d’e ́ducation et de culture ? Eyal Sivan et Armelle Laborie re ́pondent ̀ a cette question dans un livre fort bien documenté qui analyse l’Universite ́ israe ́lienne et son rôle dans la promotion d’une image, celle de l’ «énergie créative», pour tout ce qui touche à la culture. Ils montrent que l’institution universitaire israe ́lienne est un outil de promotion politique de premier ordre, en raison surtout des liens étroits qu’elle entretient avec l’armée et les services de sécurité.
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2017l’ABPPlusa besoin que jamais, de vous ! 50 ans d’occupation 70 ans depuis le Plan de Partition 100 ans depuis la Déclaration Balfour »
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