Palestine n°56

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Belgique/België P.P. Bruxelles X 1/1624

BULLETIN DE L’ASSOCIATION BELGO-PALESTINIENNE / WALLONIE-BRUXELLES ASBL TRIMESTRIEL N°56 – AVRIL/MAI/JUIN 2013 – DÉPÔT BRUXELLES X – AGRÉATION P401130

SOMMAIRE Relations Turquie-Israël > 3 Frères musulmans et question palestinienne > 6 Budget palestinien > 8 DOSSIER : L’apartheid israélien exposé au grand jour > 10 – 19 FSM Tunis > 21

En 2000, il y avait environ une centaine de fabriques textiles en Palestine. Il ne reste plus actuellement qu’une seule fabrique de keffieh sur le territoire palestinien : la Herbawi factory. Cette petite entreprise familiale crée dans les années 60 porte le nom de son fondateur Yasser Herbawi, âgé de 80 ans. © Yann Renoult [http://cargocollective.com/yannrenoult]


palestine 02 ÉDITO

UN MOIS RICHE EN

solidarité par Pierre Galand, Président

Mars 2013 sera à marquer d’une pierre blanche dans les annales de la solidarité avec le peuple palestinien ! Le Tribunal Russell sur la Palestine tenait les 16 et 17 mars, à Bruxelles, une session de clôture après ses quatre sessions de Barcelone, Londres, Cape Town et New York, qui se sont échelonnées de 2010 à 2013. Vous trouverez les conclusions générales de cette dernière session ainsi qu’un résumé vidéo de la session elle-même sur le site du TRP : www.russelltribunalonpalestine.com. Le Comité belge de soutien au TRP a contribué grandement à garantir le sérieux et la qualité des travaux, tant sur le fond, par le traitement de la question du sociocide des Palestiniens, qu’en apport de travail bénévole et de collecte de fonds. Le Jury, en l’absence de son Président Stéphane Hessel, décédé le 27 février, a tenu à honorer sa mémoire en assurant collectivement l’élaboration des conclusions. Aujourd’hui, le secrétariat, coordonné par Frank Barat et Virginie Vanhaerverbeke, se dépense sans compter pour assurer la plus large diffusion à travers le monde des résultats de ce travail mais aussi pour susciter la constitution d’un réseau de soutien à la mise en œuvre concrète des propositions d’actions issues du Tribunal, dont notamment les recours en droit afin de contraindre Israël et les États complices des multiples exactions, crimes et violations des droits fondamentaux commis à l’encontre des Palestiniens à y mettre fin. Quelques jours plus tard, du 26 au 30 mars, près de 60 000 personnes en provenance du monde entier se réunissaient à Tunis, à l’occasion du Xe Forum social mondial, le premier à se tenir dans un pays du monde arabe. Alors que certains prédisaient la fin de ces rassemblements, Tunis fut une surprenante démonstration de la vitalité du FSM. Les organisations tunisiennes, l’Université Campus El Manar ainsi que la ville de Tunis et ses habitants ont réservé un excellent accueil à tous les participants étrangers. On y a rencontré une bonne ambiance de travail, un souci de mieux appréhender l’évolution politique engagée dans le monde arabe depuis le printemps 2011, une communauté de partage autour de la centralité de la résistance palestinienne. Le drapeau commun de tous les stands et événe-

ment et le thème de la manifestation de clôture n’étaient autres que ceux de la Palestine. Le 30 mars la Journée de la terre fut célébrée dans les rues de Tunis par une foule très animée et très soutenue par les Tunisiens. Le 29 mars, une assemblée de convergence a réuni toutes les représentations de Palestine et des associations autour de l’avenir de la solidarité avec les Palestiniens. Les discussions ont débouché sur une déclaration commune, réaffirmant le soutien à la résistance populaire palestinienne et l’engagement sur des objectifs communs dont vous trouverez le détail sur le site du FSM : http://www.fsm2013.org/fr/node/12971. Le Forum social mondial et le TRP constituent deux étapes importantes dans l’objectif de renforcement du mouvement de solidarité avec les Palestiniens. Ils ont conféré une légitimité supplémentaire et plus d’unité à nos actions. L’ABP diffuse actuellement deux brochures « Cultures d’injustice » et « Qu’elle était verte, ma vallée ». Cela s’inscrit dans la même perspective de soutien à l’action des organisations palestiniennes et de la campagne BDS. Vous pouvez vous associer à leur diffusion dans votre entourage.

palestine no 56

Comité de rédaction Marianne Blume, Ouardia Derriche, Nadia Farkh, Pierre Galand, Julien Masri, Christiane Schomblond, Gabrielle Lefèvre, Hocine Ouazraf, Nathalie Janne d’Othée. Relecture Ouardia Derriche Association belgo-palestnienne / Wallonie-Bruxelles asbl Siège social rue Stévin, 115 à 1000 Bruxelles Secrétariat quai du Commerce 9 à 1000 Bruxelles tél. 02 223 07 56 / fax 02 250 12 63 / abp.eccp@skynet.be www.association-belgo-palestinienne.be IBAN BE30 0012 6039 9711 / BIC GE BABE BB Graphisme Dominique Hambye & Élise Debouny Avec le soutien de la Fédération Wallonie-Bruxelles


palestine 03 TURQUIE-ISRAËL

Trois ans après le raid meurtrier sur la flottille de Gaza qui avait provoqué une crise diplomatique entre les deux pays, Israël a consenti à présenter des excuses à la Turquie, achevant ainsi le processus de rapprochement entamé il y a quelques mois. Celui-ci s’explique par la convergence de plusieurs facteurs, au premier rang desquels la géopolitique régionale, les enjeux énergétiques et le partenariat stratégique de chacune des parties avec les ÉtatsUnis.

DANS LES COULISSES DE LA NORMALISATION DES

relations turcoisraéliennes par Katarzyna Lemanska

En pleine visite de Barack Obama en Israël, le gouvernement israélien s’est finalement décidé à s’excuser auprès de la Turquie pour la mort de 9 civils turcs lors de l’arraisonnement de la flottille affrétée pour briser le blocus de Gaza et y acheminer de l’aide humanitaire. Ces excuses s’accompagnent d’un accord de dédommagement des familles des victimes et de l’engagement, du côté turc, que les procédures juridiques intentées contre les soldats israéliens seront immédiatement arrêtées. En scellant ce deal, le premier ministre turc Recep Erdoğan réduit la revendication de justice aux seules réparations, sans même consulter les familles concernées, et cède sur l’exigence de levée du blocus sur Gaza, jusqu’alors posée comme condition de la normalisation des relations bilatérales.

DES RELATIONS EN DENTS DE SCIE Après avoir connu une période faste dans les années 90, illustrée par la signature de nombreux accords de coopération, les relations turcoisraéliennes ont commencé à se détériorer au début des années 2000, lorsqu’il est devenu évident que le processus de paix initié à Oslo s’était soldé par un échec. Plusieurs évènements, dont le

soutien diplomatique apporté par la Turquie au Hamas après la victoire de ce dernier aux élections palestiniennes et l’opération Plomb durci, sont venus nourrir les tensions, que le raid sur la flottille a transformées en crise ouverte. Celle-ci s’est traduite par l’expulsion de l’ambassadeur israélien d’Ankara et le gel des relations militaires. Deux composantes du contexte géopolitique sont venues la renforcer : une appréciation contradictoire des révolutions arabes et le rapprochement israélo-chypriote suite à la découverte par Israël de champs gaziers en Méditerranée. L’alignement sur plusieurs intérêts communs va renverser la tendance. Pour commencer, la prise de distance turque avec le régime d’Assad en Syrie rencontre les intérêts sécuritaires israéliens, échaudés par plusieurs incidents sur le plateau du Golan. À la crainte de déstabilisation de la frontière du Golan vient s’ajouter celle de la prolifération d’armes lourdes (notamment vers le Liban) en cas de chute du régime syrien. Et c’est ici que la coopération militaire avec la Turquie est indispensable à Israël, la Turquie étant considérée comme le seul partenaire régional capable de contenir cette prolifération potentielle.


palestine 04 TURQUIE-ISRAËL

Israël a découvert deux importants champs gaziers au large de la Méditerranée. LA PALESTINE, RELÉGUÉE À L’ARRIÈRE-PLAN ? C’est dans ce cadre que doit être comprise la livraison par Israël d’équipements militaires à hauteur de 25 millions de dollars à l’industrie aérospatiale turque. Par ailleurs, en cas d’affrontement d’Israël avec l’Iran, la stabilisation des relations israéliennes avec la Turquie pourrait permettre de neutraliser cette dernière. Les liens transatlantiques offrent un second élément d’explication, Israël ayant besoin de la Turquie et à plus forte raison des États-Unis pour contenir son isolement croissant. Washington compte sur la Turquie pour servir de courroie de transmission entre Israël et l’Iran dans le cadre des négociations sur le nucléaire iranien. La Turquie a, quant à elle, tout intérêt à satisfaire son allié américain pour retrouver son statut de médiateur dans le processus de paix israélo-arabe que les États-Unis s’efforcent de relancer, ce qui lui permettrait d’asseoir son influence politique au niveau régional. Enfin, l’intérêt des deux pays converge en ce qui concerne le gazoduc qui transportera le gaz israélien vers l’Europe. Du côté turc, il s’agit de diversifier les sources d’approvisionnement en énergie, de devenir un carrefour de distribution de gaz vers l’Europe et de s’interposer entre Chypre et Israël, qui viennent de conclure un accord de prospection conjointe, contesté par la Turquie. Israël, quant à lui, préfèrerait se tourner vers un partenaire plus solide du point de vue économique, plus à même d’investir dans un couteux projet sous-marin qui permettrait d’éviter le passage par le canal de Suez.

La normalisation des relations turco-israéliennes correspond à une évolution stratégique qui l’emporte sur l’engagement de la Turquie en faveur de la Palestine. En prenant ses distances vis-à-vis d’Israël, la Turquie a été évacuée des discussions liées au processus de paix et a perdu son levier d’influence. Le rapprochement auquel on assiste peut être vu comme un renoncement turc sur cette question, ou, a contrario, comme la réévaluation nécessaire d’une prise de position qui n’a pas été couronnée de succès. Pour cela, encore faudrait-il connaitre les intentions réelles du gouvernement turc. L’histoire nous le dira.

1949 la Turquie reconnait Israël 1992-1998 signature d’accords sur le tourisme, l’éducation, l’environnement, le libre-échange, la taxation et les investissements 1996 début de la coopération militaire 2009 prise de distance de la Turquie suite à l’opération Plomb durci, annulation d’exercices militaires conjoints MAI 2010 attaque israélienne sur la Flottille de Gaza, la prise de distance se transforme en crise ouverte MARS 2013 visite de Barack Obama en Israël, normalisation des relations turco-israéliennes

ÉNERGIE Ces trois dernières années, Israël a découvert deux importants champs gaziers (Tamar et Léviathan) au large de la Méditerranée, plus précisément dans le bassin Levantin qui s’étend sur les eaux syriennes, chypriotes et libanaises. L’exploitation de ces gisements se pose déjà en catalyseur de tensions supplémentaires entre les différents acteurs impliqués (Chypre, Turquie, Liban, Syrie, Palestine et Israël). À la clé, le partage d’une manne financière conséquente (entre 130 et 240 milliards de dollars selon les projections) et l’indépendance énergétique (les ressources en gaz du Bassin sont estimées à 3 400 milliards de m3). Illustrations de ces tensions : le Liban a déjà fait savoir qu’il disputait la souveraineté israélienne exclusive sur Tamar et Léviathan, les frontières maritimes des deux pays n’ayant pas été définies; la Turquie conteste l’accord conclu entre la République de Chypre et Israël qui porte sur la délimitation de leurs zones économiques exclusives en Méditerranée. Dans la configuration actuelle, ces découvertes sont des atouts stratégiques et économiques majeurs pour Israël. Elles rendent Israël moins dépendant de l’Égypte, qui fournit 40 % de sa consommation domestique et, selon les prévisions de la Banque d’Israël, rien que les réserves de Tamar (deux fois moins importantes que celles de Léviathan), devraient ajouter 1% à la croissance économique israélienne en 2013. Par ailleurs, les efforts de prospection libanaise et syrienne sont quasi inexistants alors qu’Israël continue à mobiliser des ressources importantes dans l’espoir de trouver des gisements supplémentaires de gaz, mais aussi du pétrole. Si, d’un côté, les Israéliens comptent bien profiter de ces nouveaux développements, ils bloquent de l’autre les négociations avec les Palestiniens qui pourraient permettre les exploitations gazières gazaouies – et donc mettre fin aux incessantes coupures de courant dues au blocus.


palestine 05 RÉFUGIÉS

Les réfugiés palestiniens de Syrie sont ici traités en dehors de la population syrienne parce que l’ABP a pour objet social la Palestine. Cela ne signifie absolument pas que l’on oublie la population syrienne qui souffre depuis deux ans déjà des massacres et des bombardements meurtriers.

Les réfugiés palestiniens DANS LA RÉVOLUTION SYRIENNE

par Marianne Blume

STATUT DES RÉFUGIÉS EN SYRIE

RÉFUGIÉS DEUX FOIS ET DISCRIMINÉS

De tous les pays qui ont accueilli des réfugiés palestiniens, la Syrie est celui qui leur a assuré le meilleur traitement : une loi (1956) stipule qu’ils ont les mêmes droits que les Syriens de souche en matière de travail, de commerce et de service militaire, tout en conservant leur nationalité d’origine. Néanmoins, ils n’ont pas le droit de vote et ne peuvent acquérir de terres agricoles ni posséder plus d’une habitation. Outre l’UNRWA, ils sont soutenus par la General Authority of Palestinian Arab Refugees in Syria (GAPAR), un organisme gouvernemental chargé de l’enregistrement des réfugiés, de la fourniture de l’aide humanitaire et de la distribution des subsides.

Pris dans la tourmente, beaucoup de réfugiés ont été déplacés tandis que d’autres ont fui les combats pour aller le plus souvent au Liban, en Jordanie, en Égypte, en Turquie et même à Gaza. La plupart de ces pays accueillent les réfugiés syriens avec réticence mais, pour les réfugiés palestiniens, le problème est encore plus compliqué. Pour entrer au Liban, tout Palestinien doit payer entre 20 et 30$ pour un visa d’une semaine et le double pour un mois alors que les Syriens bénéficient d’un visa de 6 mois sans frais. Quant à la Jordanie, si elle a d’abord accepté l’entrée des réfugiés palestiniens, maintenant, elle les renvoie en Syrie. Les réfugiés palestiniens sont automatiquement détenus à Cyber City. En Égypte, l’UNRWA n’a jamais disposé que d’un bureau de liaison, ce qui ne lui permet pas d’assumer la charge de ces nouveaux réfugiés et, comme Le Caire refuse que le HCR les prenne sous sa tutelle, les réfugiés palestiniens de Syrie y sont complètement démunis. Et la Turquie? La Turquie considère tous les réfugiés comme des «invités»: ils n’ont aucun document officiel mentionnant leur statut de réfugiés ou de demandeurs d’asile et pas davantage de permis de séjour. Ils sont hébergés dans des camps fermés et n’ont pas la possibilité de s’inscrire comme réfugiés auprès du HCR. Quant aux réfugiés palestiniens, ils ont besoin d’un visa pour entrer. L’UNRWA, de son côté, n’a pas assez de ressources pour parer à la situation…

LES PROBLÈMES COMMENCENT Au début de la révolte contre Bachar Al Assad, les Palestiniens de Syrie ont voulu rester neutres. Mais très vite, le régime les a accusés d’être à l’origine des manifestations de Deraa (2011) et lors du siège de la ville (avril 2011), le camp de réfugiés qui fournissait une aide humanitaire à des familles syriennes en fuite a été bombardé. De même, plus tard celui de Latakia en août 2012. Ce fut le tour, ensuite, du camp d’Al Yarmouk. En juillet, 16 jeunes gens de l’armée de libération de la Palestine ont été kidnappés et tués. Durant ces événements, les camps avaient accueilli et aidé des familles syriennes en détresse.

LA POSITION DES PARTIS PALESTINIENS Après le silence, la plupart des partis sont restés prudents dans leurs déclarations. Sauf le FPLP qui soutient le régime, ce qui a d’ailleurs causé des clashs dans les rangs des réfugiés. Le Fatah, faible en Syrie, est resté neutre. Quant au Hamas, après avoir fermé son siège à Damas, il a finalement affirmé le 30/09/2012 son soutien au peuple syrien dans sa lutte contre le régime. L’OLP, enfin, invoque la neutralité des réfugiés palestiniens et maintient le contact avec les officiels syriens pour tenter de limiter les dégâts.

QUELQUES CHIFFRES Réfugiés palestiniens : 525 000 (UNRWA, 2013) Nombre de camps : 9 officiels, 3 officieux Tués : 960 (février 2013) Déplacés en Syrie : 241 000 (UNRWA) Re-réfugiés (début 2013) : 6 000 (Jordanie), 20 000 (Liban), ? (Turquie), 10 000 (Égypte), 110 familles (Gaza)


palestine 06 FRÈRES MUSULMANS

Les Frères musulmans égyptiens

ET LA GESTION DU DOSSIER PALESTINIEN OU COMMENT LA REALPOLITIK L’EMPORTE SUR LES CONVICTIONS POLITIQUES

L’arrivée au pouvoir des Frères musulmans en Égypte en janvier 2012 a suscité une profonde satisfaction par Hocine Ouazraf chez les Palestiniens, en particulier à Gaza. Mais très vite, l’euphorie consécutive à cette élection a dû céder la place à la déception. Confrontés à l’exercice du pouvoir, les Frères musulmans ont fait preuve d’un pragmatisme politique qui en a surpris plus d’un.

L’ARRIVÉE AU POUVOIR DES FRÈRES MUSULMANS : LA FIN D’UNE ÈRE ? Si Israël voyait d’un très mauvais œil le départ de Moubarak, qui représentait un allié sûr et fiable dans la région, il va sans dire que la chute du dictateur a provoqué une immense satisfaction dans le monde arabe, particulièrement en Palestine, notamment en raison des positions pro-israéliennes de ce dernier. Il faut dire que le Raïs égyptien avait développé des relations politiques et commerciales intenses avec l’État hébreu qui risquaient d’être mises à mal par les Frères musulmans égyptiens fraichement élus. Si cette élection devait permettre à l’Égypte de s’affranchir de son encombrant voisin israélien, elle devait permettre par la même occasion au nouveau pouvoir de prendre ses distances par rapport au « parrain américain ». En effet, l’Égypte bénéficie depuis plusieurs décennies d’une aide financière américaine – militaire et économique – importante qui la place au second rang des bénéficiaires américains les plus importants après Israël. D’aucuns considèrent les Frères musulmans comme étant à la pointe du combat anti-israélien dans la région. Partisane de la lutte armée, marginalisée et brimée durant le règne de Moubarak, la Confrérie n’avait de cesse de dénoncer la politique égyptienne à l’endroit de la Palestine. En mars 2013, deux mois après son investiture, elle a

adopté une résolution qualifiant Israël « d’ennemi numéro un de l’Égypte », ce qui a amené plusieurs commentateurs à parler d’une nouvelle orientation de la politique égyptienne dans le dossier palestinien. Malheureusement, une analyse approfondie des faits montre qu’il n’en est rien. D’emblée, Mohamed Morsi, chef de l’État égyptien, issu des rangs des Frères musulmans, s’est empressé de souligner son intention de ne pas remettre en cause les accords internationaux ratifiés précédemment par l’Égypte, en particulier l’accord de Camp David. Ce traité de paix permit aux Égyptiens de récupérer le Sinaï annexé par Israël lors de la guerre dite des Six-jours en 1967, bien qu’il soit totalement impopulaire dans la société égyptienne. Dans l’opposition, le mouvement des Frères musulmans avait toujours soutenu la lutte armée des Palestiniens comme méthode pour recouvrer leurs droits nationaux. Or le traité de paix israélo-égyptien mettait un terme à cette option comme mode de lutte, ce qui constitue clairement une entorse aux principes affichés publiquement par le mouvement. Si le nouveau pouvoir a des circonstances atténuantes dans ce dossier, dans la mesure où il hérite d’une situation politique pour le moins complexe, d’autres faits attestent d’un revirement politique de la Confrérie par rapport à son crédo habituel.


« L’ancien régime était cruel, mais il n’avait jamais accepté d’affamer Gaza.

LA BANDE DE GAZA COMME INDICATEUR DE LA POLITIQUE ÉGYPTIENNE DANS LE DOSSIER PALESTINIEN Si l’ex-Président égyptien avait clairement affiché son soutien à l’agression israélienne lors de l’opération « Plomb durci », l’actuel Président Mohamed Morsi a fait preuve d’audace politique en novembre 2012 lors de la dernière agression israélienne « Pilier de défense » en rappelant aussitôt son ambassadeur en poste en Israël et en dépêchant sur place son Premier ministre deux jours seulement après le début de l’opération. De surcroît, il a joué un rôle prépondérant pour mettre un terme aux hostilités entre les deux protagonistes. Par ailleurs, le postefrontière de Rafah est ouvert tous les jours, le nombre de Palestiniens autorisés à le passer évoluant sensiblement pour passer de 450 à 1 000 par jour. C’était là une manière de se démarquer des pratiques de l’ancien régime qui avait clairement soutenu le blocus de la bande de Gaza en bloquant le poste-frontière de Rafah. L’accession des Frères musulmans au pouvoir a empli d’espoir les Gazaouis convaincus que leur situation politique, économique et sociale allait s’améliorer. Néanmoins, les relations entre le Mouvement de la résistance islamique palestinienne, le Hamas, aux affaires dans la bande de Gaza, et le mouvement des Frères musulmans vont se ternir en raison notamment d’une attaque survenue en août 2012 au postefrontière de Rafah qui va coûter la vie à 16 gardes-frontières égyptiens. Incident meurtrier dont les autorités égyptiennes ont rendu responsable le Hamas. Bien que le fait ne soit pas clairement établi, une importante campagne médiatique visant à lui faire endosser ce douloureux incident s’est développée dans les médias égyptiens, avec notamment pour conséquence un sentiment anti-Hamas virulent dans l’opinion publique égyptienne. De plus, en représailles, les autorités égyptiennes ont lancé l’opération Aigle 2 afin de « nettoyer » le Sinaï des éléments susceptibles d’être à l’origine de cette tuerie. Pire encore, l’armée égyptienne va procéder, dans les mois qui ont suivi, à la destruction et l’inondation par des eaux usées provenant d’égouts de plusieurs centaines de tunnels qui servent à la contrebande de marchandises entre Gaza et l’Égypte. Pour nombre d’observateurs palestiniens, en agissant de la sorte, le gouvernement de Mohamed Morsi a repris à son compte des pratiques de l’ancien régime. En effet, les tunnels constituent une bouée de sauvetage qui permet aux Gazaouis de contourner le blocus israélien. Grâce à eux,

les habitants de Gaza peuvent se ravitailler en produits de première nécessité, mais aussi et surtout ne pas dépendre des produits israéliens devenus hors de prix pour les habitants de ce territoire assiégé par Israël depuis 2007. Sans ces tunnels, la crise alimentaire et sanitaire qui frappe la bande de Gaza depuis l’imposition d’un blocus terrestre, maritime et aérien du territoire aurait été plus dramatique. Certains estiment que près de 80 % des produits alimentaires transitent par ces tunnels. Ce qui conduit Mahmoud Zahar, un des chefs du mouvement Hamas à déclarer sans ambages : « L’ancien régime était cruel, mais il n’avait jamais accepté d’affamer Gaza ». Le Caire, quant à lui, justifie ces destructions par l’existence d’un trafic d’armes vers l’enclave palestinienne, qui mettrait en péril la sécurité du Sinaï. Or pour la résistance palestinienne, ces tunnels permettent l’acheminement d’armements nécessaires à son combat. Chantre de la lutte armée contre l’occupant israélien lorsqu’elle était dans la clandestinité, la Confrérie égyptienne aujourd’hui au pouvoir met en avant des arguments prétendument sécuritaires pour justifier ses actes d’obstruction et de déloyauté à l’égard de la résistance palestinienne. Des considérations plus prosaïques, la realpolitik et l’exercice du pouvoir sont à l’origine des revirements du mouvement des Frères musulmans dans sa gestion du dossier palestinien. La question palestinienne n’est plus une priorité pour les nouvelles autorités égyptiennes qui restent, pour les questions économiques, dépendantes des pays occidentaux, ÉtatsUnis en tête, ce qui constitue un moyen de pression considérable sur l’Égypte post-révolutionnaire. Rien ne laisse entrevoir dans les actes du Président Morsi de réelle volonté de changement. Ce qui fait dire à Ziad Medoukh, responsable du département français de l’Université Al Quds de Gaza et coordinateur du Centre de la paix à Gaza : « Mais les Frères musulmans ont un double langage. Officiellement, ils veulent libérer la Palestine mais sur le terrain, la réalité est tout autre. Désormais, ils vont tout faire pour se maintenir au pouvoir. Pour cela, ils ont besoin de l’appui des États-Unis, et donc, ils vont devoir faire des concessions. Au lieu de soutenir la résistance armée du Hamas, ils vont faire pression sur le mouvement islamiste pour qu’il cesse toute hostilité envers Israël afin de respecter la trêve. (…). »


Le budget palestinien

REFLET DE LA DÉPENDANCE par Marianne Blume

Fin mars, un jour avant la date limite, Mahmoud Abbas a approuvé le budget 2013, présenté par Salam Fayyad (ex-Premier ministre). Le Conseil législatif palestinien n’a pas eu le temps de le discuter ou d’émettre des objections. Une procédure non démocratique et contraire à la législation palestinienne… STRUCTURE DU BUDGET Première remarque : le budget palestinien est égal à 4 % du budget israélien. Ce qui en donne la mesure. Deuxième remarque : plus de la moitié du budget sert à payer les fonctionnaires et employés de l’Autorité palestinienne, qu’ils soient en Cisjordanie ou à Gaza où ils sont payés et ne travaillent pas sur ordre de l’autorité de Ramallah (= 62 000 des 145 000 fonctionnaires et employés, suivant Amira Hass ou 55 000 des 160 00 pour Laurent Zucchini). Troisième remarque : 26 % du budget sont consacrés à la sécurité. La Palestine, qui n’est toujours pas un État indépendant, a ainsi un des plus gros budgets « militaires » du monde. Bien sûr, on ne peut pas parler d’armée mais il y a une police et des services de sécurité formés et entraînés par le Général Dayton (USA) et par l’Europe. Quatrième remarque : le budget 2013 veut répondre aux problèmes des zones C et B et comprend un poste « développement rural ».

Cinquième remarque : les recettes dépendent surtout des taxes qu’Israël collecte au nom de l’Autorité palestinienne et qu’il est censé lui reverser. Normalement, à partir du 1er janvier 2013, suivant un accord signé entre le Premier ministre Salam Fayyad et Yuval Steinlitz, ministre des Finances israélien, l’Autorité palestinienne devrait pouvoir collecter elle-même directement ces taxes ,y compris sur le carburant (un pipe-line doit être construit). Jusqu’à présent, rien n’a abouti. (http://www.haaretz.com/news/diplomacy-defense/israelpalestinian-authority-sign-bilateral-trade-agreements-1.455067) Sixième remarque : près d’un tiers du budget est supposé être fourni par les aides extérieures. Or l’on sait que la plupart des engagements pris par les bailleurs de fonds n’ont pas été tenus ou alors avec retard et partiellement. Septième remarque: à cause notamment des aides internationales non reçues, l’Autorité palestinienne a un déficit qui dépasse le budget actuel.

© Oren Ziv/Activestills

palestine 08 BUDGET


BUDGET 2013 (APPROUVÉ PAR MAHMOUD ABBAS) Dépenses : 3,9 (3,8) milliards de dollars (Suivant l’agence Wafa qui cite un communiqué de presse de l’Autorité palestinienne) – Développement rural : 350 millions – Sécurité : 1 milliard (26 % du budget) – Social : 900 millions (16 % éducation et 10 % santé) Recettes : Transfert des taxes collectée par Israël + autres taxes : 2,5 milliards de dollars + assistance internationale : 1,4 milliard Déficit prévu : plus d’1 milliard de dollars Dette de l’AP : 4 milliards de dollars

OBJECTIFS DÉCLARÉS D’après le communiqué officiel, une des lignes du budget est de réduire la dépendance envers l’assistance externe : la contribution des recettes propres s’élève en effet à 70 % contre les 67 % de 2012. Par ailleurs, le même communiqué stipule que l’augmentation du financement du développement (100 millions de dollars de plus) va accélérer « le taux d’exécution des projets de développement, spécialement dans les centre ruraux affectés par les colonies et le Mur dans les zones C. » et d’ajouter que le budget est en phase avec « la politique des années précédentes, qui fait face à l’occupation et à son entreprise de colonisation en soutenant la capacité des citoyens à rester avec ténacité dans leur patrie. » (http://english.wafa.ps/index.php?action= detail&id=21990: Cabinet Approves 2013 Fiscal Year General Budget). Soit deux objectifs qui visent à plus d’indépendance et à la résistance dans les zones C.

OBÉISSEZ SINON VOUS N’AUREZ PLUS D’ARGENT Comme le remarque Amira Hass, le budget comporte des contradictions. Comment peut-on vouloir aider une population à résister à l’occupation israélienne et en même temps dépendre financièrement d’Israël et des aides étrangères, principalement américaines ? On sait que, suite à la reconnaissance de l’État de Palestine par l’Assemblée générale de l’ONU, en représailles, Israël avait refusé de reverser le montant des taxes dues à l’Autorité palestinienne et que les USA avait gelé les aides promises. Il en avait immédiatement résulté une crise financière et les fonctionnaires et employés n’avaient pas pu être payés ni dans les temps ni en totalité. Retenue des taxes par Israël, cela signifie que près des 2/3 des revenus de l’AP sont en question… Gel des aides américaines, cela signifie notamment fin de leur assistance budgétaire (200 millions) et humanitaire (300 millions de dollars). Finalement, suite à la visite d’Obama en Israël et en Cisjordanie, les deux blocages ont été levés (partiellement et ponctuellement pour Israël : http://www.lemonde.fr/proche-orient/article/2013/03/25/israelreprend-le-transfert-des-taxes-aux-palestiniens_1853978_3218.html). Il n’empêche, le gouvernement palestinien est donc soumis à des pressions sous forme de sanctions financières qui mettent en jeu la survie de « l’autonomie palestinienne ». Ainsi, devenue membre observateur de l’ONU, la Palestine est en droit de s’adresser à la Cour

pénale internationale notamment à propos des colonies. Mais Israël aussi bien que les USA et l’Europe y sont farouchement opposés. Les dirigeants palestiniens peuvent-ils faire ce pas alors qu’ils ont besoin d’aides étrangères pour couvrir leur déficit ?

LA SÉCURITÉ : UNE PRIORITÉ Par ailleurs, quand la part du budget « sécurité » reste pour ainsi dire inchangée, on est en droit de se poser des questions : un tel budget pour un État sous occupation ? Les donateurs sont très soucieux de sécurité et n’hésitent pas à y investir en formation, entraînement et matériel: que ce soit la contribution européenne (EUPOL COPPS) ou les activités de l’United States Security Coordinator (USSC). Un des piliers des réformes du système sécuritaire palestinien est la coordination avec les services israéliens et l’accent est particulièrement mis sur la « maîtrise des foules » (http://unispal.un.org/pdfs/IRIN_secreformoccwbf.pdf). Or il est interdit à la police palestinienne d’intervenir pour défendre ses concitoyens contre l’armée israélienne en zone A et elle ne peut intervenir en zone B et C (soit 83 % du territoire de la Cisjordanie !) En cas d’attaque israélienne en zone A, la police se retire. Le but ultime est donc bien de maintenir l’ordre dans le territoire palestinien au profit d’Israël. Mais aussi de l’Autorité palestinienne (AP) qui défend son pouvoir (manifestations réprimées, arrestations de militants et de journalistes). Dans ce cas-là, on voit mal comment peut se réaliser l’objectif annoncé d’aider la population à résister à l’occupation…

ET L’OCCUPATION DANS TOUT CELA ? Salam Fayyad déclare que « le défaut de payement de l’aide étrangère qui était budgétisée » est la cause principale des difficultés financières. Et l’occupation ? Officiellement, vu les checkpoints, la résorption par l’économie israélienne des exportations palestiniennes etc., ce sont 500 millions de perte pour l’économie palestinienne. Sans parler du dé-développement programmé par Israël. On peut parier qu’Israël continuera à reverser les taxes dues et que les donateurs continueront à soutenir financièrement l’Autorité palestinienne pour éviter une crise profonde qui affecterait la sécurité d’Israël. Ils l’ont fait et le feront suivant leur agenda en exerçant à tout moment un chantage sur l’AP. En conclusion, le budget palestinien ne peut être qu’un budget sous perfusion. Et qui dit aides étrangères (UE ou USA ou États arabes) dit à la fois dépendance, maintien de l’occupation et musèlement d’une résistance efficace.


palestine 10 DOSSIER APARTHEID

DOSSIER TRIBUNAL RUSSELL SUR LA PALESTINE

L’apartheid

israélien

« Le Tribunal Russell sur la Palestine a démontré et, nous l’espérons, démontrera encore la justesse de la conviction de Stéphane Hessel selon laquelle la pire attitude face à l’injustice est l’indifférence. Ou le déni. » Cette déclaration, tirée du discours de Nurit Peled prononcé lors de la session de clôture du Tribunal Russell sur la Palestine (intégralité du texte pp. 11-12), résume bien l’esprit qui a animé les travaux de ce tribunal d’opinion tout au long de ses quatre sessions : empêcher les crimes d’être passés sous silence, les dire tout haut, à la face du monde. Ce dossier revient sur les conclusions du Tribunal prononcées les 17 mars dernier à Bruxelles et, dans le même esprit, expose également au grand jour quelques exemples concrets de la réalité de l’apartheid israélien.

© Renaud Hoyois

EXPOSÉ AU GRAND JOUR


Session de clôture

DU TRIBUNAL RUSSELL SUR LA PALESTINE Je voudrais dédicacer ces paroles à notre très cher Stéphane Hessel à qui j’avais été présentée à Paris par mes enfants Elik et Guy qui l’admiraient profondément et s’inspiraient de lui dans leur propre combat contre l’occupation de la Palestine.

Je voudrais aussi dédicacer ces mots à la mémoire d’un jeune homme de l’âge de mes enfants, le martyr Mo’ayad Nazeeh Ghazawna (35 ans) mort hier à l’hôpital de Ramallah. Mo’ayad a été blessé il y a trois semaines par une bombe lacrymogène lancée par les forces d’occupation israéliennes. Et à tous les enfants des mères palestiniennes, qui sont tués, mutilés et torturés pendant que je vous parle, qui sont kidnappés dans leur lit chaque nuit et jetés dans des cellules d’isolement, arrachés à leurs parents et à leurs familles, interrogés dans les plus cruelles conditions, traumatisés à vie pour rien, pour avoir lancé une pierre ou traversé une rue réservée aux seuls Juifs ou être rentrés à leur village au retour de l’école en passant par un trou de la clôture de sécurité. Ces enfants et leurs parents ne peuvent jamais être entendus devant aucune cour de justice ni aucun tribunal au monde. Leur parole n’a aucune validité dans le système judiciaire occidental. Leur condamnation est toujours prononcée à l’avance. Ce sont des criminels par le simple fait qu’ils sont palestiniens. Et ce fait à lui seul autorise leurs oppresseurs à les traiter comme des êtres « à qui l’on dénie par la force tout statut social et dont les vies peuvent être supprimées impunément ». Ces enfants et leurs parents, qui manifestent chaque vendredi contre le Mur de l’apartheid et contre les colonies à Nabi Saleh, Masaara, Nilin, Bilin, Bet Umar pour ne nommer que quelques villages, dont les maisons sont démolies sous des justifications puisées dans ce que le sociologue décédé Stanley Cohen appelait le « kitsch sioniste », ont reçu peut-être pour la toute première fois une écoute correcte devant le Tribunal Russel sur la Palestine. Les Palestiniens ne sont pas autorisés à quitter leurs maisons même pour aller dans le village voisin rendre visite à leur famille et encore moins à voyager pour aller jusqu’à Bruxelles. Mais nous, qui avons le privilège de pouvoir voyager, devons être leurs émissaires. Nous ne pouvons permettre, et Stéphane Hessel le répétait sans cesse, de

les laisser s’exaspérer parce que l’exaspération est le déni de l’espoir. Et nous, qui pouvons parler et avons le privilège de pouvoir être entendus, devons créer de l’espoir pour ceux qui n’en ont pas. Les personnes qui ont survécu à Auschwitz disent souvent que l’une des choses les plus exaspérantes, c’était de savoir que personne ne connaissait leur souffrance, que personne ne voyait leur détresse. Personne n’a jamais été intéressé par la souffrance humaine, surtout quand elle surgit à votre porte ou dans votre arrière-cour et on lui a toujours collé des étiquettes politiques. Pratiquement personne aujourd’hui n’étudie ni n’enseigne vraiment la souffrance des Palestiniens. C’est pourquoi savoir qu’il y a une institution professionnelle, respectable et influente, qui est consciente de leur détresse et de leur lutte pour leur survie, pour leur dignité et leur liberté est un encouragement, pour tous ceux qui résistent contre le mal israélien, des Palestiniens comme des Israéliens, à continuer à lutter et continuer à vivre. Selon moi, c’est un des objectifs majeurs du Tribunal Russell. L’autre objectif était de collecter suffisamment de preuves pour incriminer Israël et ses complices occidentaux dans des termes qu’ils ne puissent ignorer. Israël a réussi à se faire passer lui-même pour une démocratie mais c’est, comme l’a établi le Tribunal, un État d’apartheid qui prive la moitié de sa population dominée des produits de première nécessité comme de l’eau en été. Giorgio Agamben a dit récemment : « L’État d’Israël est un bon exemple qui montre comment, quand un état d’exception se prolonge, toutes les institutions démocratiques s’effondrent. C’est ce qui est arrivé dans la République de Weimar. » Israël a atteint un sommet inimaginable dans le mal. Et en effet, beaucoup de gens dans le monde peinent à croire qu’il en est ainsi.

© Renaud Hoyois

par Nurit Peled Elhanan


palestine 12 DOSSIER APARTHEID

la paix et la justice

EN PALESTINE par Virginie Vanhaeverbeke

Bruxelles accueillait, les 16 et 17 mars derniers, la session finale du Tribunal Russell sur la Palestine (TRP). Après des sessions organisées entre 2010 et 2012 à Barcelone, Londres, Cape Town et New York, c’était au tour des Belges de se mobiliser, avec l’équipe du TRP, pour que cet événement soit une réussite. Ils l’ont fait avec brio, tant pour les appuis sur le fond que pour la logistique des deux journées et la collecte de fonds. Qui pourrait imaginer des brutes juives, bottées de noir et casquées, armées de fusils et de bâtons, lâchant des chiens sur de petits enfants et des vieillards, ou laissant des demandeurs d’asile mourir de soif dans le désert et des grévistes de la faim mourir, les punissant, ainsi que leurs familles en les envoyant en cellule d’isolement ? Qui pourrait imaginer des médecins juifs sortant un blessé de l’hôpital et le laissant mourir de soif sur une route déserte ? Et qui pourrait penser à des soldats juifs brisant la nuque d’une jeune fille portant une écharpe rose pour avoir manifesté contre l’oppression ? Qui pourrait imaginer une éducation de jeunes filles juives consistant à battre et à harceler des femmes et des enfants ou une soldate juive recevant une médaille du courage pour avoir abattu un adolescent palestinien qui s’en allait chercher son gâteau d’anniversaire ? La seule conclusion possible doit être que le mal israélien n’a rien à voir avec le judaïsme et que ce qui se manifeste dans le comportement des Israéliens n’est pas de la judéité. C’est le professeur Yeshayahu Leibovitch qui avait dit : « Le judaïsme national est au judaïsme ce que le national-socialisme était au socialisme ». Ce qui commande le comportement israélien, c’est du pur racisme colonialiste, nationaliste et chauviniste qui devrait être traité comme tel. Stéphane Hessel était clair comme le cristal à cet égard et pour cela, il a été défini par un autre camarade militant Michel Warschawski, et je cite : « Stéphane Hessel n’était pas seulement la conscience du 20e siècle mais la conscience juive en tout ce qu’elle a de meilleur. » Le Tribunal Russell sur la Palestine a démontré et, on l’espère, continuera à démontrer la justesse de la conviction de Stéphane Hessel selon laquelle la pire attitude face à l’injustice est l’indifférence. Ou le déni. L’indignation et l’engagement sont les seules réponses possibles au Mal. Et pour cela, je suis reconnaissante à chacun d’entre vous qui avez accompli ce travail. C’est très important pour nous tous, là-bas, de savoir qu’il y a des personnes ici qui ne laisseront pas tomber jusqu’à ce que que le Mur tombe et que la justice prévale enfin.

Après avoir abordé les responsabilités et les manquements d’entreprises, d’États et d’organisations internationales (UE et ONU), après avoir démontré qu’Israël violait clairement l’interdiction internationale de l’apartheid, il restait au jury du TRP à se revoir pour reprendre l’essentiel du travail entrepris depuis 4 ans et en déduire les lignes d’actions qu’il propose pour remédier aux violations systématiques et prolongées du droit du peuple palestinien à l’autodétermination. Le format de cette dernière rencontre était donc différent, avec une partie publique plus réduite, puisqu’il n’y avait cette fois pas de témoins ou d’experts appelés à s’exprimer. Après plusieurs semaines d’échanges par Internet, les membres du jury ont par contre eu la journée du samedi 16 pour travailler à huis clos, adopter les conclusions finales et s’entendre sur les principaux éléments qu’ils allaient présenter au cours de la séance publique qui s’est tenue le dimanche 17 mars. S’en est suivi une conférence de presse internationale qui a permis de présenter les conclusions finales du TRP à la presse internationale.

LES RECOMMANDATIONS DU JURY Les conclusions de la session finale, disponibles sur le site du TRP, constituent ainsi une synthèse très claire de l’ensemble des violations du droit commises à l’encontre du peuple palestinien et des complicités constatées par le TRP tout au long de ses sessions. La dernière partie du document est, quant à elle, résolument tournée vers l’action, avec une série de pistes proposées à tous les acteurs impliqués. Ces recommandations s’adressent bien sûr en premier aux acteurs centraux, Israël et la Palestine, et à ceux dont la responsabilité a directement été épinglée par le TRP : les Nations unies, l’Union européenne, les États, au premier rang desquels figurent les USA, et des entreprises. Il s’agit entre autres de faire en sorte qu’Israël mette un terme à ses violations du droit international ; que la Palestine devienne membre à part entière de la Cour pénale internationale (CPI) et d’un ensemble de conventions et traités internationaux ; que l’Assemblée générale de l’ONU réinstaure le Comité spécial contre l’apartheid de l’ONU et convoque une session extraordinaire pour examiner la question de


Le TRP entendait renforcer la légitimité des actions de la société civile. l’apartheid perpétré à l’encontre du peuple palestinien ; que l’UE suspende l’accord d’association euro-méditerranéen pour mettre un terme à l’impunité dont Israël jouit encore à ce jour ; que les États s’abstiennent de limiter le champ de la compétence universelle afin de garantir qu’aucun État ne devienne un refuge pour des Israéliens soupçonnés de crimes de guerre ou de crimes contre l’humanité ; que les USA mettent fin à leur soutien économique, militaire et diplomatique accordé à Israël et cessent leur politique de recours au droit de veto au Conseil de sécurité de l’ONU et que des actions légales soient entreprises à l’égard des entreprises coupables de complicité de crimes de guerre. Aussi justement fondées que soient ces demandes, le jury du TRP n’imagine pas qu’il suffise de les énoncer pour faire évoluer les rapports de force entre États, organisations internationales et entreprises. En établissant de manière claire les obligations légales auxquelles Israël refuse de se soumettre et dans quelle mesure des acteurs tiers se rendent complices des agissements d’Israël, le TRP entendait renforcer l’action de la société civile en renforçant la légitimité de ses actions. Maintenant que le TRP est arrivé au bout du travail qu’il s’était assigné, c’est à la société civile de s’en saisir et d’engager des actions qui imposeront à la longue les changements attendus.

L’ACTION INDISPENSABLE DE LA SOCIÉTÉ CIVILE Pour ce qui concerne la société civile, le jury du TRP a commencé par renouveler son soutien à la campagne Boycott, Désinvestissement et Sanctions (BDS), tout en demandant qu’elle soit intensifiée au sein des pays de l’Union européenne et qu’elle s’étende à d’autres États, organisations régionales et institutions intergouvernementales. Il est ainsi plus que jamais nécessaire de faire un travail de sensibilisation sur les violations du droit international commises par Israël et les complicités et manquements d’acteurs tiers tels que mis en exergue par le TRP. Le grand public doit par exemple être en mesure de comprendre que la position de l’ONU sur le conflit dans la région devrait s’affirmer clairement contre l’occupation et l’apartheid et que les campagnes de « brand Israël » ne devraient pas pouvoir être utilisées pour masquer les violations systématiques des droits des Palestiniens par Israël. A ces fins, les médias sociaux et électroniques doivent être utilisés de manière efficace pour contrer les informations biaisées ou réhabiliter celles passées sous silence par la presse occidentale à propos des pratiques coloniales et d’apartheid israéliennes. Pour que l’action puisse s’étendre, il est indispensable que le plus grand nombre de mouvements associatifs, quels que soient leur objet

social – mouvements pour la justice sociale, organisations contre le racisme, organisations écologistes, mouvements militants pour la paix et autres – et le lieu d’où elles agissent – intègrent la solidarité palestinienne dans leur travail. Le TRP propose également d’affiner les stratégies en promouvant des études sur des questions telles que la recherche d’une méthode permettant de déterminer le montant des dommages économiques subis par les Palestiniens du fait de l’expansion coloniale ; les effets de la campagne BDS sur l’économie israélienne ; sur les sociétés israéliennes qui trafiquent l’étiquetage de leurs produits ; le volume des exportations en provenance des colonies de peuplement qui atteignent le marché européen et les autres marchés et les technologies issues de l’occupation exportées vers l’Europe et utilisées par des pays démocratiques.

L’IMPORTANCE DE LA SYMBOLIQUE DES PRISONNIERS DANS UN CONTEXTE D’OCCUPATION COLONIALE Dans ses conclusions, le Jury du TRP estime aussi que certaines questions doivent bénéficier d’une attention particulière. S’agissant des prisonniers palestiniens, le Tribunal demande que cette question soit traitée de toute urgence et considérée comme un sujet d’inquiétude majeur au niveau international. L’accent doit être placé sur la détention fréquente de femmes et d’enfants palestiniens, sur les conditions de détention inacceptables, sur les internements de longue durée sans inculpation ni jugement et sur les questions soulevées par les grévistes de la faim palestiniens. Le Tribunal a d’ailleurs proposé la création d’un comité international regroupant d’anciens prisonniers politiques pour faire campagne sur la question des prisonniers. Le Tribunal soutient par ailleurs le travail réalisé en vue d’obtenir une définition juridique du sociocide qui mettrait l’accent sur la nature illicite et pénale du colonialisme et du déni du droit à l’autodétermination d’un peuple et qui pourrait être incorporée dans le projet de convention sur les crimes contre l’humanité et/ou dans une convention à part sur le sociocide. Au vu des torts causés aux peuples colonisés d’Afrique, d’Asie et d’Amérique latine ainsi qu’aux Amérindiens, au peuple aborigène d’Australie, au peuple du Sahara occidental et au peuple palestinien, le TRP encourage la recherche universitaire indépendante sur le sujet. Enfin nous ne pourrions pas terminer cet article sans rappeler l’une des recommandations que le jury avait peut-être le plus à cœur de formuler car elle est souvent à la base de l’engagement, qui est d’encourager un maximum de personnes à se rendre en Palestine pour y constater le sort quotidien des Palestiniens et témoigner en solidarité.


palestine 14 DOSSIER APARTHEID

Recrudescence du

Racisme

EN ISRAËL par Marianne Blume

La résolution 3379 de l'Assemblée générale des Nations unies décrétait : « Le sionisme est une forme de racisme et de discrimination raciale ». En 1991, le texte a été abrogé mais la question reste d’actualité.

RECRUDESCENCE ? Je voulais écrire un article sur les lynchages et autres agressions racistes récentes en Israël contre les « Arabes », entendez par là les Palestiniens citoyens d’Israël. J’avais la matière mais j’ai voulu pousser plus loin mes recherches sur Internet. Et j’ai dû me rendre à l’évidence : il n’y a pas une seule année où l’on ne recense des actes racistes. Même si, ces temps-ci, des articles dans la presse israélienne en anglais parlent d’un regain d’actes racistes, même si certains journalistes s’étonnent ou s’inquiètent de leur augmentation, il est évident que le phénomène n’est pas nouveau. Tant et si bien que les réflexions- d’Israéliens comme de Palestiniens ou d’observateurs étrangers-sur le racisme inhérent à l’État d’Israël restent plus que jamais pertinentes. On me dira que le racisme est partout et ce ne sont pas les dérives racistes récentes en Grèce, en Italie, en France ou en Belgique qui le démentiront. Néanmoins, quand un État pratique, défend et excuse systématiquement le racisme anti-arabe depuis 64 ans, on ne peut qu’y voir la marque d’une politique et d’une éducation affirmées. L’écrivain israélien d’origine iraquienne, Sami Michael, n’hésite pas à dire que « Israël peut se targuer d’être l’État le plus raciste du monde développé » et ce, depuis son origine, avec le racisme contre les Juifs des pays arabes. (cité par H.SALLON, Israël secoué par le lynchage d’un Palestinien à Jérusalem, Le Monde, 31/08/2012) J’avais donc écrit un peu vite « Recrudescence » du racisme en Israël. Comme si sa violence n’avait pas toujours marqué l’histoire d’Israël. J’ai décidé de le barrer sous vos yeux : Israël est un État d’apartheid raciste. Gideon Levy, dans un excellent article (The recent waves of attack on Arabs is related to the devastating impact of Netanyahu’s tenure, Haaretz, 7/03/2013)) fait l’inventaire de tout ce qui mène des jeunes à cette violence raciste mais il en rend seule responsable la politique de Netanyahou. Sur ce dernier point, je pense que Netanyahou a simplement donné des ailes au racisme qui existait déjà : contre les Arabes mais aussi contre les Juifs sépharades ou éthiopiens, contre les réfugiés africains ou les travailleurs immigrés appelés en Israël.

UN SONDAGE ET UN RAPPORT QUI EN DISENT LONG Pour commencer, quelques résultats d’un sondage daté d’octobre 2012 : 49% des Juifs israéliens veulent que l’État favorise les citoyens juifs au détriment des citoyens arabes et 59 % qu’on donne la préférence aux Juifs dans l’attribution d’emplois dans la fonction publique ; 42 % ne veulent pas de classes mixtes pour leurs enfants et 42 % ne veulent pas vivre dans le même immeuble que des Arabes ; 47 % sont pour le transfert d’une partie de la population arabe d’Israël vers l’Autorité palestinienne et 69 % sont contre le le droit de vote aux Palestiniens de Cisjordanie en cas d’annexion de celle-ci. (G. LEVY, Survey: Most Israeli Jews wouldn’t give Palestinians vote if West Bank was annexed, Haaretz, 23/10/2012) Comme dit G. Levy commentant le sondage, les Israéliens sont « satisfaits par le racisme, à l’aise avec l’occupation et heureux de l’apartheid. » Par ailleurs, dans les faits, le rapport 2013 de « The Coalition Against Racism in Israel » (groupement d’organisations israéliennes) donne un tableau complet de tous les domaines et des communautés contre lesquelles le racisme s’exerce. Et les chiffres sont concluants : les citoyens arabes d’Israël sont bien la cible constante et principale du racisme. Celui-ci s’exerce à tous les niveaux : institutionnel, juridique, policier, éducatif et bien sûr dans la violence quotidienne. (voir site : http://www.fightracism.org/)

« MORT AUX ARABES » : HAINE CLASSIQUE DE L’AUTRE ? Des faits ? Un jeune promeneur lynché à Jérusalem (H. SALLON, Israël secoué par le lynchage d’un Palestinien à Jérusalem, Le Monde, 31/08/2012), un nettoyeur attaqué sur une digue à Tel Aviv, un serveur frappé à coup de battes et de chaises dans un restaurant à Tel Aviv, un habitant de Nazareth battu au lac Kinneret parce qu’il parlait arabe. Des supporters du Beitar (club de football) qui s’en prennent à des serveurs palestiniens dans un complexe commercial, qui veulent une équipe ethniquement pure et mettent le feu au local


« Palestine le sionisme est une forme de racisme. » Graffiti sur un mur d’Hébron

du club parce qu’on a engagé deux joueurs « musulmans ». Une femme arabe agressée à Jérusalem alors qu’elle attendait à un arrêt de métro, etc., etc., etc. Une série impressionnante de violences perpétrées souvent par de très jeunes gens. Au cri de « Mort aux Arabes ». Rien que l’horreur habituelle du racisme en général ? Non. Ceux qui s’en prennent aux Arabes sont le fruit d’une idéologie qui veut que le Juif risque l’holocauste tous les jours, qu’Israël est son seul refuge mais toujours menacé par les Arabes (au-dedans et en dehors d’Israël), que l’État d’Israël ne peut être que juif. Ils sont le fruit d’une éducation qui méprise l’Arabe (voir la critique des manuels scolaires israéliens de Nurit Peled-Elhanan), occulte la Nakba, affirme la supériorité du peuple élu et sanctifie l’exclusion/séparation et glorifie les vertus guerrières. Comme le dit Zvi Ba’rel, « Chez nous, la haine de l’Arabe fait partie des manifestations de la loyauté et de son identité qu’un citoyen juif doit apporter à l’État. Un Israélien loyal est un Israélien qui laissera mourir un Arabe, parce que ce dernier ‘est un Arabe’. Et si une personne n’est pas comme cela, c’est bien connu, ‘c’est parce qu’elle couche avec les Arabes’ ». (A good Jew hates Arabs, 22/08/2012)

www.israelnationalnews.com la suite : « Ils tuent les fermiers juifs. Les Bédouins sont autorisés, parce qu’on détourne les yeux, à prendre toute la terre qu’ils veulent, à voler tout ce qu’ils veulent, à mettre le feu à la propriété de ceux qu’ils n’apprécient pas, à assassiner tout ce qui bouge, à jeter des grenades, à porter des armes, à attaquer des voitures, tout ce qu’on veut. » (sic) Avri Gilad est connu pour être raciste mais cela ne disqualifie par pour autant son témoignage. Car le même discours existe chez des rabbins de haut rang qui justifient le fait de tuer un non-juif. Et il est présent aussi dans la classe politique qui n’hésite pas à dire – entre autres – que la croissance démographique arabe est « un cancer dans le corps de la nation ». En fait, il est présent dans tous les rouages de l’État, depuis la loi du retour jusqu’aux politiques pratiquées envers la minorité arabe en matière d’éducation, de santé, d’emploi, de routes, de distribution d’eau, etc. Le racisme israélien n’est pas un racisme occidental typique : peur de l’Autre, haine de celui qui n’a pas la même couleur, la même religion, etc. C’est un racisme inscrit dans les fondements mêmes de l’État et alimenté quotidiennement par les représentants politiques et religieux. C’est un racisme propagé par un système éducatif basé sur la transmission de l’idée de supériorité de l’Un et du déni de l’Autre.

UN RACISME NATIONALISTE On peut parler d’un racisme ancré dans le nationalisme identitaire. Le même dont fait preuve sur facebook une star des médias israéliens, Avri Gilad : « Je reviens d’un tour dans le Neguev (…) je suis consterné par ce que j’ai vu. Il n’y a plus de Néguev. Par la force, par des activités criminelles éhontées, avec une insolence qui n’est affrontée que par la crainte et la soumission, les Bédouins se sont emparés de tout le Néguev. » (R. ABURABIA, What’s so special about one Israeli TV personality ‘s racism, Haaretz, 23/04/2013) Tout y est : les stéréotypes racistes sur les Bédouins (violents, criminels et insolents) et la conquête du Néguev par des sauvages qui annihilent une partie de la terre d’Israël. Et je n’extrapole pas car on peut lire sur

Ce qui fait dire à Nurit Peled-Elhanan que ce racisme « fonctionne comme partie de l’appareil idéologique et répressif de l’État. »


palestine 16 DOSSIER APARTHEID

Les prisonniers

ET LA RÉSISTANCE

par Marianne Blume

Enfermés, isolés, les prisonniers palestiniens s’imposent sur la place publique. Ils payent de leur personne et montrent la voie de la résistance. Un espoir ? La majorité des prisonniers sont dans les prisons israéliennes pour avoir résisté à l’occupation. Qu’on aille chercher du travail en Israël « illégalement » ou qu’on manifeste (Jawad Siham, Bassem Tamimi), que l’on écrive (Ahmaed Qatamish) ou que l’on dessine (Mohammad Saba’aneh), que l’on chante (Oday al-Khatib) ou que l’on cultive son champ, que l’on soit un représentant politique (Hatem Qafisha, député), un militant (Ayman Nasser) ou un footballeur (Mahmoud Sarsak), que l’on jette des pierres ou encore que l’on prenne les armes, du moment que l’on défend la Palestine et affirme l’existence d’un peuple palestinien, on est une cible pour l’occupant. Les prisonniers ne sont donc pas que des cas humains douloureux ; ils sont la preuve vivante de l’occupation et le révélateur de la résistance. Les grévistes de la faim ne luttent pas seulement contre un système judiciaire, pénal et carcéral inique; ils ne luttent pas seulement pour leur cas personnel ou même uniquement contre la détention administrative. Les lettres de Marwan Barghouti ou Samer Issawi sont des appels à résister, à refaire l’unité et à retrouver la dignité. De leur prison, ils interpellent le monde politique et le peuple palestinien ; ils vont jusqu’à montrer la voie d’un renouveau de la résistance contre l’oppression israélienne. C’est une question de dignité humaine individuelle mais aussi nationale. Une lettre poignante de Samer Issawi met en lumière ce lien individu/nation : « Je conseille à tous les Palestiniens de s’attacher à leur terre et à leur village et de ne jamais céder aux désirs de l’occupant israélien. Je ne vois pas cette question comme une cause personnelle concernant Samer Al Issawi. C’est une question nationale, une conviction et un principe que devrait avoir chaque Palestinien qui aime le sol sacré de son pays. » (F. CHAHINE, sur www.info-palestine.net).

VERS UNE AUTRE STRATÉGIE NATIONALE ? Alors qu’ils sont enfermés dans des conditions déplorables, des prisonniers agissent et prouvent que le combat peut être victorieux. Khader Adnan avait montré la route. Tout récemment, il y a le cas de Samer Issawi. N’a-t-il pas, au risque de sa vie, refusé d’être libéré et envoyé à Gaza ? N’a-t-il pas en fin de compte eu gain de cause

puisqu’il sera libéré ? Et que dire de la grève de plus de 2 000 prisonniers en 2012 et de 3 000 autres d’entre eux en 2013 ? Les prisonniers, par leur grève de la faim accompagnée de revendications précises, ont réussi à mobiliser la solidarité internationale et même à obliger les instances internationales à prendre position. Ils ont aussi réveillé les jeunes Palestiniens qui ont manifesté avec force pour leur libération et pour dénoncer les morts sous la torture (Arafat Jaradat) ou par défaut de soins médicaux (Maissara Abou Hamdia). Tandis que les Israéliens craignent une nouvelle Intifada, les prisonniers la réclament. Les prisonniers ont toujours été des héros dans la société palestinienne et, d’une certaine manière, leur cas transcende les clivages politiques. Ainsi, tandis qu’Ismaïl Hanieh appelle à poursuivre « l’Intifada des prisonniers » sur tous les terrains, Mahmoud Abbas déclare à l’envoyé américain, John Kerry, que la libération des prisonniers est une priorité qui créera « un climat approprié » pour faire avancer le processus de paix. Explicitement pour certains (Marwan Barghouti), implicitement pour les autres, ils disent l’inanité de la stratégie de l’Autorité palestinienne. « Arrêtez de nous vendre l’illusion qu’il y a un moyen de mettre fin à l’occupation et de réaliser un État par des négociations après l’échec pitoyable de cette vision ». « C’est le droit du peuple palestinien de s’opposer à l’occupation par tous les moyens et la résistance doit être centrée sur les territoires de 1967.» Voilà ce qu’écrivait Marwan Barghouti en 2012. Mais l’Autorité reste sourde à ce constat et n’a pas mis les prisonniers dans les priorités de son agenda, et ce, depuis 20 ans de négociations avec Israël, dénonce Barghouti (R. BAROUDI, What Marwan Barghouti really means to Palestinians, Counterpunch, avril 2012). Pour Addameer, principale association de défense des prisonniers, la chose est claire : les accords d’Oslo ont renforcé l’occupation. Dès lors, Addameer appelle à « cesser d’utiliser la question des prisonniers comme motivation pour retourner à la table des négociations » : il faut se recentrer sur le droit des détenus à être libérés immédiatement et attaquer Israël devant la Cour pénale internationale.


EXTRAIT D’UNE LETTRE DE SAMER ISSAWI PENDANT CE TEMPS-LÀ, EN ISRAËL… … deux intellectuels dits de gauche, deux écrivains connus, Amos Oz et A.B.Yehoshua, ont répondu à la lettre adressée aux Israéliens par Samer Issawi. On aurait pu croire qu’ils réagiraient en interpellant leur gouvernement, en participant à des manifestations pour la libération d’un homme emprisonné sans jugement ou en allant le voir, enchaîné à son lit, à l’hôpital. Eh bien ! Non. Ils se sont émus. Ils se sont dits « horrifiés » par la dégradation de son état de santé et puis, sans autre état d’âme, ils lui ont demandé d’arrêter sa grève de la faim car, disent-ils, « Votre acte suicidaire ne fera qu’ajouter un autre élément de tragédie et de désespoir au conflit entre les deux nations. Donnezvous de l’espoir afin de renforcer l’espoir parmi nous. » En bref, ces deux « militants de la paix » demandent à un prisonnier de renoncer à sa lutte légitime pour leur donner de l’espoir, à eux qui sont « engagés à s’efforcer inlassablement vers la paix entre les deux peuples, qui vivront côte à côte pour toujours dans ce pays. » (Ch. LEVINSON, Top Israeli authors plead with Palestinian security prisoner: End hunger strike, Haaretz, 13/04/2013)

« En ce qui concerne l’offre, faite par l’occupant israélien, de me déporter à Gaza, j’affirme que Gaza fait indéniablement partie de mon pays et son peuple est mon peuple. Cependant, je rendrai visite à Gaza quand j’en aurai envie et quand je le déciderai, car elle fait partie de mon pays, la Palestine, dans lequel j’ai le droit d’aller où bon me semble, du nord au sud. Je refuse catégoriquement d’être déporté à Gaza, car cette pratique ne fait que raviver l’amer souvenir des expulsions que notre peuple palestinien a subies en 1948 et 1967. (…) Je n’accepterai d’être libéré qu’à Jérusalem car je sais que l’occupant israélien tente de vider Jérusalem de ses habitants pour que les Arabes deviennent une minorité. La question de la déportation n’est plus une décision personnelle. Il s’agit au contraire d’un principe national. Si chaque détenu accepte, sous la pression, d’être déporté loin de Jérusalem, la ville finira par être totalement dépeuplée. (…) » cité par H. Wajnblum dans Points critiques, mai 2013

On croit rêver. Heureusement, d’autres militants israéliens ont réagi plus dignement : certains ont entamé en solidarité une grève de la faim devant le ministère de la Défense, d’autres ont essayé de lui rendre visite à l’hôpital et enfin, un certain nombre ont manifesté régulièrement dans différentes villes du pays. Quant au gouvernement et à l’armée, ils sont sur pied de guerre, répriment toujours plus violemment les manifestations et continuent à arrêter, y compris des enfants… Les prisonniers palestiniens se battent contre la détention administrative, pour des conditions décentes, contre la torture et les mauvais traitements, pour l’accès à l’éducation et un vrai droit de visite. Mais ils interpellent surtout les dirigeants palestiniens sur leurs stratégies de lutte ; ils redonnent la priorité à la cause palestinienne et à la résistance contre l’occupation. Leur lutte est profondément politique. Du fond de leur prison, ils résistent à l’occupant. De leur prison, ils continuent à participer au débat politique interne palestinien.

Je défends ma dignité et celle de mon peuple et je ne le fais pas en vain. Khader Adnan


palestine 18 DOSSIER APARTHEID

La violence des colons :

UN FRUIT DE LA POLITIQUE ISRAÉLIENNE par Julien Masri

Le 16 mars 2013, Benyamin Netanyahou annonce la formation de son nouveau gouvernement. Naftali Bennett, ancien dirigeant du Conseil des colons de Cisjordanie, dirigeant du parti d’extrême droite Le foyer juif, devient ministre de l’industrie ; issu du même parti, Uri Ariel, un colon sioniste religieux, reçoit le ministère du Logement (qui délivre les permis de construire, un portefeuille stratégique pour la colonisation de Jérusalem-Est).


Les agressions des colons contre les villageois à l'époque de la récolte des olives sont devenues une tradition. Moshe Ya’alon, fervent défenseur de la colonisation, opposé à la création d’un État palestinien, prend la tête du ministère de la Défense (qui se prononce sur les projets de construction civile en Cisjordanie occupée). Une configuration qui a fait dire à Gershon Mesika, le représentant des colons du nord de la Cisjordanie que ce gouvernement ressemblait « à un rêve érotique » (sic !). Si depuis plusieurs années déjà, le gouvernement israélien n’a cessé d’appuyer le développement de la colonisation, si les agressions des colons contre les villageois à l’époque de la récolte des olives sont devenues une tradition, ce début d’année 2013 montre que la mobilisation des colons ne faiblit pas. Ainsi, dans la semaine du 19 au 25 mars 2013, 10 agressions ont été perpétrées contre des civils palestiniens (auparavant, la moyenne se situait à 7 agressions par semaine pour 2013). Sept Palestiniens ont été blessés. Du 23 au 29 avril, dix-sept Palestiniens ont été blessés au cours de 13 agressions différentes. Rien ne signale pour l’instant une quelconque inflexion de la courbe vers le bas ! Ainsi, le 18 mars, deux bergers palestiniens ont été agressés près de la colonie de Avne Hefez (région de Tulkarem). Le 21 mars, c’est au tour d’un agriculteur d’être agressé près de la colonie de Yitzhar. Mais les colons s’en prennent aussi aux cultures. À Beit Ummar, dans la région d’Hébron, 27 oliviers et 5 plants de vigne sont détruits le 17 mars. Le 20 mars, 300 jeunes plants d’oliviers sont détruits par des colons près du village de Husan (région de Bethléem) pendant que près de Naplouse, à Burin, 12 jeunes plants d’oliviers sont détruits. Les villageois sont fréquemment la cible d’expéditions punitives organisées par les colons, comme cela s’est produit dans les villages de Urif, Asira al-Qibliya et Burin, dans la région de Naplouse, après

le meurtre, le 30 mars, d’un colon résidant dans la colonie de Yitzhar. Des bandes de jeunes colons cagoulés ont jeté des pierres sur des habitations et des véhicules. Ils ont incendié des cultures. À Urif, ils ont tenté de pénétrer par effraction dans la mosquée pour l’incendier. Comme il est loisible de le constater sur les vidéos diffusées par l’ONG israélienne B’Tselem, les soldats israéliens font, au mieux, de grands gestes devant les colons afin qu’ils reculent. Plus généralement, ils se contentent d’observer les agressions en cours ou de discuter avec les agresseurs. Un autre cas éclaire plus encore la situation : le 24 avril, Shaker Zaro et ses deux fils ont constaté l’intrusion sur leurs terres de colons originaires de la colonie de Giv’at Gal. Celle-ci surplombe les terres de la famille qui ont été récemment plusieurs fois l’objet de telles intrusions. L’homme prévient la police israélienne qui, plutôt que d’arrêter les colons indélicats, arrête aussitôt brutalement les trois plaignants ! Ils passeront 24 heures en détention, au cours desquelles ils subiront des pressions diverses, avant que le tribunal militaire d’Ofer ne reconnaisse leur bon droit. Ces agressions ne sont pas le fruit du hasard. Elles n’ont pas besoin, comme prétexte, de l’agression d’un colon ou d’une décision du gouvernement israélien contraire aux intérêts des colons. Elles se produisent quasi quotidiennement dans les campagnes de Cisjordanie occupée. Sur un territoire atomisé par la colonisation, où les villages sont souvent isolés les uns des autres par des colonies ou par des routes coloniales, les villageois palestiniens n’ont souvent d’autre moyen de se protéger que de s’enfermer derrière des grilles. Après avoir répondu à la célèbre incitation d’Ariel Sharon à prendre les collines de Cisjordanie, les colons s’attaquent de plus en plus systématiquement à ce qui fait l’essence même de l’existence villageoise palestinienne : la terre, resserrant chaque fois un peu plus l’étau autour des villages et des villageois qui y résident.


palestine 20 BOYCOTT

News du BDS

Quelques actualités et victoires du mouvement Boycott, Désinvestissement et Sanctions…

Boycott académique

Sanctions

La FEF en faveur d’un gel des relations avec les universités israéliennes

Une fois n’est pas coutume : la rubrique « Sanctions » est assez fournie. Malheureusement, de toutes ces initiatives et demandes de sanctions, aucune n’a encore rencontré un début de réalisation concrète.

Le 23 avril dernier, le Conseil fédéral de la Fédération des étudiants francophones (FEF) s’est prononcé en faveur d’une « intensification de la coopération morale et matérielle avec les universités palestiniennes » et d’une « imposition, dans un délai raisonnable, d’un gel des accords de coopération d’enseignement et de recherche existant avec les universités de Jérusalem, de Tel Aviv, de Technion ainsi qu’avec les institutions Weizmann et ICTAF, jusqu’à une prise de position officielle des autorités académiques concernées en faveur du respect des droits fondamentaux du peuple palestinien ». Une belle avancée pour le boycott académique en Belgique !

Boycott culturel

Roger Waters appelle au boycott d’Israël Le Rolling Stone Magazine se fait l’écho de l’appel au boycott d’Israël de Roger Waters des Pink Floyd. Depuis son voyage en Cisjordanie en 2006, le chanteur soutient en effet activement le mouvement Boycott, Désinvestissement et Sanctions. Il a été membre du dernier jury du Tribunal Russell sur la Palestine et projette de publier une lettre ouverte à ses pairs pour les inviter à le rejoindre dans le mouvement BDS.

Désinvestissement

Belgique : un étiquetage correct des produits des colonies En Belgique, le ministre de l’Économie et des Consommateurs, Johan Vande Lanotte, a annoncé la mise en place d’un étiquetage correct des produits alimentaires provenant des colonies israéliennes. La mesure répond à une recommandation européenne qui prévoit d’informer correctement les consommateurs sur l’origine des produits. Rien n’est encore précisé quant à la manière dont seront étiquetés ces produits.

Les consuls européens préconisent des sanctions contre la colonisation Le rapport annuel des chefs de mission de l’UE à JérusalemEst a été rendu public en février dernier. Il souligne à nouveau l’état d’urgence de la situation de Jérusalem-Est, dans laquelle Israël fait pencher progressivement la balance démographique en faveur de ses ressortissants juifs par différents moyens (colonisation juive effrénée, expulsion de résidents palestiniens, non- renouvellement de cartes de résidence de Palestiniens). Les consuls pointent également du doigt les constructions annoncées par Israël sur le site de E1. Parmi les dix recommandations en direction de l’UE, sept d’entre elles se rapportent à des sanctions directes ou indirectes par l’UE d’acteurs impliqués dans la colonisation de Jérusalem-Est

Un célèbre bar milanais rompt sa collaboration avec Sodastream

23 eurodéputés pour la suspension de l’accord d’association UE-Israël

Le Bar Basso, un bar milanais historique, avait prévu l’organisation d’un événement en collaboration avec l’entreprise Sodastream, une firme israélienne implantée dans la colonie de Mishor Adumim. L’événement reposait sur des cocktails préparés à l’aide de la machine à gazéifier et d’autres produits de la marque. Suite à une action du comité BDS Milan le 12 avril au cours de laquelle ses militants ont eu l’occasion d’expliquer les dessous de la situation au patron du bar, ce dernier a appelé l’entreprise pour mettre fin à leur collaboration. (Source : BDS Milano)

En mars dernier, 23 membres du Parlement européen, de différentes tendances politiques, ont appelé à la suspension de l’accord d’association entre l’UE et Israël. Selon eux, Israël ne respecte pas les droits de l’Homme ni les principes de la démocratie énoncés dans l’article 2 de cet accord. L’initiative est à noter, mais ne doit pas faire oublier que le 10 avril 2002 déjà, le Parlement européen avait voté une résolution demandant la suspension de l’accord d’association entre l’UE et Israël, par 269 voix pour, 208 contre et 22 abstentions et cela, sans succès.


palestine 21 FSM TUNIS

LE FORUM SOCIAL MONDIAL DE TUNIS

et la Palestine par Hocine Ouazraf

Différents aspects de la question israélo-palestinienne ont été abordés parmi lesquels citons pêle-mêle : la Palestine et les révolutions arabes, les entreprises complices de la colonisation, les prisonniers, le Tribunal Russell sur la Palestine, le blocus de Gaza, le sionisme et le racisme, les Bédouins, les campagnes civiles de soutien au peuple palestinien… La grande vedette du FSM de Tunis, c’était la Palestine. Outre les mouvements de solidarité venus des quatre coins du monde, une importante délégation de l’Autorité palestinienne était présente à Tunis. En tout, près de 500 Palestiniens étaient présents. Des mouvements de solidarité avec le peuple palestinien, venus d’un peu partout dans le monde, ont répondu présents à l’appel. Faire de la centralité de question palestinienne le cœur de ce forum était symbolique pour les Tunisiens, pays à l’origine des Printemps arabes. Une assemblée de convergence des différents ateliers consacrés à la Palestine s’est tenue le 29 mars 2013 et a donné lieu à une déclaration commune (Déclaration du Forum social mondial sur la Palestine) qui réaffirme : – le droit à l’autodétermination pour le peuple palestinien contre l’occupation coloniale et les colonies ; – l’importance du vote à l’Assemblée générale des Nations unies pour la reconnaissance de l’État de Palestine ; – la fin de l’apartheid et le démantèlement du Mur ; – la libération des prisonniers politiques ; – la fin du blocus de Gaza et la libération de la Palestine ; – le droit au retour en application de la résolution 194 des Nations unies; – la fin de la judaïsation de Jérusalem et des bouclages. Pour mettre en application ces différents points, l’assemblée de convergence appelle à : – renforcer et étendre le mouvement BDS au niveau international (il faut lancer une mobilisation particulière contre G4S, la plus grande

La Palestine était au cœur du Forum social mondial (FSM) qui s’est tenu à Tunis du 27 au 30 mars 2013 au sein de l’Université Al Manar. Près de 60 000 personnes ont participé à l’évènement et près de trente ateliers étaient consacrés au dossier palestinien.

compagnie de sécurité internationale, qui travaille pour Israël sur les prisons et les points de contrôle) ; – suspendre l’Accord d’association UE-Israël (sur la base de l’article 2) en s’appuyant sur le précédent du Sri Lanka ; – suspendre le commerce des armes avec Israël ; – faire libérer des prisonniers palestiniens ; – mettre fin au blocus de Gaza par des actions comme la Flottille et l’Arche de Gaza ; – porter plainte contre les crimes commis par Israël devant la CPI ; – demander la réouverture de la Commission spéciale des Nations unies contre l’apartheid et demander la dissolution du Quartette ; – soutenir les réfugiés palestiniens qui risquent l’expulsion en Syrie ou dans d’autres pays ; – mettre en avant les syndicats qui soutiennent les droits sociaux et du travail des Palestiniens ; – renforcer les missions civiles en Palestine ; – faire connaître les conclusions du Tribunal Russell sur la Palestine, qui dénoncent les crimes israéliens et exigent l’application du droit international. La complicité des acteurs tiers (États, institutions internationales et entreprises) dans la perpétuation de la situation d’impunité d’Israël a été également dénoncée par les participants au Forum mondial de Tunis. Le Forum a en outre appuyé les conclusions des différentes sessions du Tribunal Russell sur la Palestine, dont une part importante des travaux a porté sur la complicité des acteurs tiers dans la perpétuation de la situation qui prévaut dans les territoires palestiniens depuis des décennies. Le Forum social mondial a été clôturé le 30 mars 2013 par une marche de solidarité avec le peuple palestinien. Cette marche, qui a réuni près de 15 000 personnes, avait d’autant plus de poids symbolique qu’elle coïncidait avec la Journée de la terre.


palestine 22 LIVRES/FILM ISRAËL: LE NOUVEL APARTHEID

livres

Michel Bôle-Richard, éditions Les liens qui libèrent, 2013

ISRAËL, UN ÉTAT D’APARTHEID ? ENJEUX JURIDIQUES ET POLITIQUES

sous la direction de Cécile Lebrun et Julien Salingue, l’Harmattan, 2013

Cet ouvrage, préfacé par Mireille Fanon Mendes-France, présente les contributions des intervenants au colloque « Israël, un État d’apartheid ». Celui-ci s’est tenu exceptionnellement à la Bourse du Travail de Saint-Denis, les 27 et 28 février 2012; en effet, suite à des pressions, la direction de l’Université Paris VIII, où le colloque était prévu, a décidé de fermer ses locaux pendant les 2 jours des conférences/débats. Le colloque, qui répondait à la question, le fait à travers une démarche de réflexion qui n’est pas idéologique mais scientifique. Il s’agissait d’étudier le concept juridique d’apartheid et de le mettre à l’épreuve de la politique d’Israël à l’égard des Palestiniens. Les contributions, sous forme d’articles rigoureux et argumentés, sont regroupées en 3 parties: I) Israël, un État d’apartheid? La notion d’apartheid étant bien définie en droit international, peut-elle s’appliquer à l’État d’Israël ? La réflexion est abordée au travers de diverses questions appliquées au cas concret d’Israël telles que : Comment les Palestiniens sont-ils traités en Israël ? Quelle est la situation des

Bédouins ? Nettoyage ethnique et apartheid à Jérusalem ? Évolution territoriale en Cisjordanie occupée : vers un spatiocide ? « Administration civile » et apartheid dans les Territoires occupés ? Sionisme politique: un projet nationaliste et colonial à l’origine d’un régime d’apartheid ? Que répond le Tribunal Russell ? II) Sanctionner l’État d’Israël? Résistance non violente palestinienne et appel au boycott ; BDS pour les droits palestiniens et leçons d’Afrique du Sud ; Quand l’UE coopère avec l’industrie israélienne de l’armement ; Quelle mise en œuvre du droit ? Quelles sanctions ? Légalité de l’appel au boycott visant la politique d’occupation de l’État d’Israël. III) Questions sur le boycott universitaire Sur l’enfermement des universités et des universitaires palestiniens. En annexe : la Convention sur l’élimination et la répression du crime d’apartheid (1975) ; l’Appel au BDS (2005) et l’Appel au boycott académique et culturel d’Israël (2002). Lors d’une présentation de l’ouvrage, Cécile Lebrun a déclaré, en insistant sur l’importance du boycott universitaire : « la campagne BDS permet, par l’isolement (des universités israéliennes), de faire sortir de l’isolement (les universités palestiniens) ». C. S.

Ancien journaliste du Monde, correspondant du journal en Afrique du Sud de 1984 à 1990, puis en Israël et dans les territoires occupés palestiniens de 2006 à 2009, où il a réalisé de nombreux reportages, Michel Bôle-Richard est idéalement placé pour expliquer en quoi le comportement de l’État d’Israël peut être assimilé à une forme réinventée d’apartheid qu’il appelle « apartheid masqué ». Même si les temps ont changé et que la situation politique est différente, c’est la même forme de ségrégation qui existait en Afrique du Sud qui a cours aussi en Israël, coulée dans des décisions, des méthodes et des processus d’éviction, de spoliation et de harcèlement de la population palestinienne. Pour l’auteur, ce qui se passe en Israël est pire que ce qui se passait en Afrique du Sud, parce qu’il y a le Mur, les routes séparées, les check-points,…et enfin et surtout, l’occupation. Celle-ci permet la judaïsation de Jérusalem-Est, la discrimination envers les Arabes israéliens, le blocus de Gaza, la politique d’expulsion des Bédouins, le pillage des terres palestiniennes et leur transformation en bantoustans, la colonisation galopante, les humiliations quotidiennes des Palestiniens. L'amorce timide d'un processus international de boycott pour protester contre cet état de fait est la seule lueur d’espoir. Son analyse lucide l’amène à penser que ce système de ségrégation ne pourra que prospérer en raison du refus d’Israël de permettre l’existence d’un État palestinien viable et de sa volonté de maintenir, à tout prix, le caractère juif de l’État hébreu. C.S.


AU NOM DU TEMPLE

Par Charles Enderlin, éditions du Seuil, mars 2013

LES CHEMINS D’HÉBRON

UN AN AVEC LE CICR EN CISJORDANIE Par Ghislain Poissonier, L’Harmattan, 2010. Collection Comprendre le Moyen-Orient

films

INCH’ALLAH

Un film de Anaïs Barbeau-Lavalette, 2012, produit par Micro_Scope. Sélectionné pour les Festivals de Berlin et de Toronto

Alternant récits (truffés de nombreuses citations) et analyses, Charles Enderlin décrit la lente montée en puissance, dans la société israélienne, du fondamentalisme messianique juif opposé à toute concession territoriale. Couplée au développement débridé de la colonisation juive en Cisjordanie et à Jérusalem-Est, celle-ci rend quasi impossible la création d’un État palestinien souverain et indépendant. L’auteur montre que les idéaux, la politique, les principes, qui avaient inspiré le sionisme des origines, libéral et pragmatique ont été de plus en plus marginalisés. Radicalement anti-démocratique et fanatique, le pouvoir religieux est en marche: il colonise à son gré, prend des positions de commandement dans l’armée, sacralise les assassins venus de ses rangs et impose sa définition de l’État juif. « Aujourd’hui, même les laïques placent la judaïté avant la démocratie », témoigne la sociologue Tamar Hermann, citée par Ch. Enderlin: « Il n’y a pas aujourd’hui de groupe social disposé à se battre pour un Israël uniquement démocratique, mais nombreux sont ceux qui, parmi les religieux, veulent un état exclusivement juif (…). Et si les laïques sont disposés à accepter un partage du mont du Temple (=esplanade des Mosquées,ndlr), les religieux rejettent toute concession sur ce lieu saint. » Charles Enderlin est le correspondant permanent de France 2 à Jérusalem, depuis 1981. C.S.

Dans ce livre, on trouve le récit des réalités de l’occupation mais le texte fourmille d’inexactitudes et de commentaires manifestement influencés par la littérature israélienne. Un exemple ? L’auteur croit dur comme fer que c’est le Hamas qui a déclenché l’attaque contre Gaza (p. 145). Un autre ? En 1948, la population palestinienne a « quitté » son territoire (p. 111) Un autre encore ? La colonisation est discutable, sans plus (p.79) etc. Le vocabulaire reflète la même tendance : l’armée israélienne est toujours appelée Tsahal, le Mur est appelé « barrière de sécurité » ou « mur de séparation ». Magistrat, l’auteur a passé un an en 2008 comme délégué du CICR en Cisjordanie. Il a voulu parler comme doit le faire un homme du CICR, un homme neutre et légaliste : il rapporte des faits terribles mais les adoucit par des commentaires qui font parfois dresser les cheveux sur la tête. Ainsi, à propos des ambulances et des personnels médicaux palestiniens empêchés de faire leur travail, son commentaire dit ceci: « Il est difficile de dire si ces actes sont intentionnels. À l’exception de quelques dérives individuelles possibles, ils ne le sont probablement pas. » (p.237). Les Palestiniens sont hospitaliers, certes, mais les « rapports cordiaux, presque amicaux » sont réservés aux officiers israéliens… C.S.

« Parlez-vous hébreu ? » demanda une spectatrice à la réalisatrice pour insinuer ` sa partialité. Celle-ci ne s’en cache pas ; elle qui a étudié la politique et l’arabe en Palestine et participé à un documentaire autour de « Incendies ». Inch’Allah est une fiction qui passe par le regard de Chloé (la magnifique Evelyne Brochu), une jeune obstétricienne québécoise (comme la réalisatrice) qui réside à Jérusalem et travaille dans un camp de réfugiés près de Ramallah. L’histoire s’attache aux relations de Chloé avec Ava, sa voisine de palier et militaire, avec Rand, une patiente palestinienne dont elle suit la grossesse, avec son frère Faysal,… Des images, des instants, furtifs, restent en mémoire (davantage peut-être que l’intrigue elle-même). L’intérêt essentiel du film ne serait-il pas d’instiller le trouble, de distiller le doute, d’interroger des certitudes ou des a priori, ceux de Chloé et les nôtres ? – Inquiétude, prémonition ou agacement, une ombre passe devant le regard d’Ava assise avec Chloé à la terrasse d’un café, au moment où un soldat contrôle les papiers. – Savoureuse et poignante, la conversation (via Skype) de la fille dans son appartement à Jérusalem avec sa mère au Canada. – Intrigante ou révoltante, la fin où on se demande si on a bien vu, si on a bien compris… C.F.

À lire : www.inchallah-lefilm.com/entretienanais-barbeau-lavalette.php


avec Sahar Francis, directrice de Addameer, Organisation des Droits de l’Homme palestinienne Abdallah Abu Rahmé, ancien prisonnier & membre du Comité populaire de Bil’in Hélène Legeay, juriste, ACAT France Hommage à Chawki Armali, ancien Délégué général de la Palestine Mères de Qalqilya, Traces de libertés Exposition photo et récits de vie des mères de prisonniers politiques de Qalqilya, en collaboration avec Roxana Alvarado et Ann Grossi, artistes plasticiennes.

CONFÉRENCE/DÉBAT SUR LE THÈME DES PRISONNIERS POLITIQUES PALESTINIENS

À la Tricoterie – Fabrique de liens Rue Théodore Verhaegen, 158 1060 Bruxelles

donc je suis… en prison » SAMEDI 15 JUIN DE 14 H À 21 H

éditeur responsable Pierre Galand – rue Stévin 115 à 1000 Bruxelles

«Je résiste


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