palestine
BULLETIN DE L’ASSOCIATION BELGO-PALESTINIENNE / WALLONIE-BRUXELLES ASBL TRIMESTRIEL N°66 – OCTOBRE/NOVEMBRE/DÉCEMBRE 2015 – DÉPÔT BRUXELLES X – AGRÉATION P401130
SOMMAIRE DOSSIER ACTUALITÉ > 03 Les 40 ans de l’ABP > 10 L’enseignement du conflit à l’école > 16 Armement et politique > 20
Cette photo a été prise par Anne Paq lors des confrontations entre jeunes Palestinien-ne-s et forces d’occupation israéliennes près de la colonie de Beit El, qui est un symbole de l’occupation. C’est en effet là que se trouve l’administration israélienne auprès de laquelle les Palestiniens demandent toutes sortes de permis. « Depuis octobre, Beit El est le théâtre quotidien d’affrontements. Les jeunes armés de pierre sont confrontés aux soldats israéliens qui n’hésitent pas à leur tirer dessus, parfois à balles réelles. Les jeunes défient les soldats en leur criant des insultes en hébreu ou en leur faisant des gestes comme ce jeune sur la photo, exposé aux tirs mais sûr de lui et du bien-fondé de sa lutte. Alors qu’il était debout, des tirs éclataient et je me disais qu’il pouvait tomber devant moi, n’importe quand, tant la vie d’un Palestinien semble insignifiante ces jours-ci ».
palestine 02 ÉDITO
TERRORISME
ou révolte ? par Pierre Galand
Dire « Les Palestiniens tuent des Juifs » sous-entend « ce sont des terroristes criminels ». En fait (et Amira Hass, que vous lirez dans ce bulletin, l’affirme haut et clair), les Palestiniens se révoltent contre l’occupant israélien et les colons juifs dont la violence et l’arrogance ne cessent de leur rendre la vie impossible au point de les contraindre eux-mêmes à la violence ou à l’exil. Le gouvernement Netanyahou pousse à l’extension des colonies en Cisjordanie et, à Jérusalem, multiplie les arrestations arbitraires des Palestiniens, soutient les comportements violents et assassins de ses forces policières et militaires, encourage les colons et les religieux extrémistes à provoquer et harceler les Palestiniens dans leurs maisons et sur leurs lieux de culte, maintient le blocus contre Gaza et boucle hermétiquement des villes comme Naplouse ou de nombreux villages accusés «d’abriter des terroristes». Et la liste n’est pas exhaustive. Ce gouvernement, qui jette quotidiennement de l’huile sur le feu en Palestine, n’espère-t-il pas en fait que ces provocations suscitent une réaction violente de la rue palestinienne échappant au contrôle de l’Autorité palestinienne ? Les alliés d’Israël étant occupés militairement dans les États voisins –Syrie, Irak, Turquie– Netanyahou en profite pour appliquer à la Cisjordanie la thérapie mortifère déjà utilisée contre Gaza en 2009 et en 2014. En tout cas, le vice-Premier israélien Naftali Bennett (extrême droite) annonce clairement la couleur en appelant à « réagir aux assassinats de juifs en créant de nouvelles colonies pour faire comprendre aux terroristes que nous sommes les plus forts et qu’il n’y aura jamais d’État palestinien indépendant ». Les gouvernements occidentaux et les pétromonarchies se taisent, préférant se réunir d’urgence à propos de la violation de l’espace aérien turc par un avion militaire russe. Entretemps, la situation empire tragiquement pour les Palestiniens qui vivent dans les territoires occupés et pour les réfugiés dans les pays voisins. Nous devons nous mobiliser, dès à présent, pour exiger que le Conseil de sécurité de l’ONU se réunisse en urgence et prenne les mesures indispensables pour éviter un nouveau bain de sang d’ampleur en Palestine.
À défaut, il nous faudra descendre une fois encore dans la rue pour clamer notre indignation face à une énième répression massive et criminelle des forces armées israéliennes, lancées dans une confrontation totalement asymétrique. La Coordination européenne des Comités et ONG de soutien à la Palestine (ECCP) a déjà adressé des messages en ce sens aux Présidents du Conseil de Sécurité et de l’Assemblée générale de l’ONU ainsi qu’à la Haute représentante des relations extérieures de l’UE. Elle les appelle à intervenir pour obtenir l’application du chapitre 7 de la Charte des Nations Unies afin de garantir la protection des populations civiles par le déploiement d’une force onusienne d’interposition sur la Ligne verte ainsi que la fin de l’occupation et de la colonisation par Israël des territoires palestiniens de Cisjordanie, de Gaza et de Jérusalem-Est. N’hésitez pas à joindre votre voix à la nôtre en faisant la même demande à vos représentants dans les différents parlements ainsi qu’à notre ministre des Relations extérieures.
palestine no 66
Comité de rédaction Marianne Blume, Ouardia Derriche, Nadia Farkh, Pierre Galand, Katarzyna Lemanska, Julien Masri, Christiane Schomblond, Gabrielle Lefèvre, Simon Moutquin et Nathalie Janne d’Othée | Ont contribué Martin Hamoir, Karim Sheikh Hassan, Jack Houssa, Elise Depauw, Anne Paq, Eran Efrati, Nathalie Barbier, Michel Staszewski | Relecture Ouardia Derriche Association belgo-palestinienne Wallonie-Bruxelles asbl Siège social : rue Stévin 115 à 1000 Bruxelles Secrétariat : quai du Commerce 9 à 1000 Bruxelles Tél. 02 223 07 56 | fax 02 250 12 63 | info@abp-wb.be www.association-belgo-palestinienne.be IBAN BE30 0012 6039 9711 | Tout don de plus de 40 euros vous donne droit à une exonération fiscale. Graphisme Dominique Hambye & Élise Debouny Avec le soutien de la Fédération Wallonie-Bruxelles
palestine 03 DOSSIER RETOUR SUR L’ACTUALITÉ
DOSSIER
Retour
Le comité de rédaction avait déjà arrêté le contenu de ce bulletin lorsque les événements violents auxquels nous assistons en Palestine et en Israël se sont intensifiés. Cependant, nous nous devions de réagir. Voici donc dans ce numéro des analyses et des témoignages du terrain afin de mieux appréhender tout à la fois les causes profondes des tensions en cours, les motivations des différents acteurs et les souffrances qui résultent de l’impossibilité de maintenir le statu quo. Les Palestiniens ne peuvent en effet que se révolter pour exiger le respect de leurs droits et de leur dignité. Nous craignons cependant que le gouvernement israélien, pour satisfaire son aile la plus radicale et les colons, ne se montre encore plus imployable qu’à l’accoutumée. Nous publierons donc régulièrement réactions et appels à action sur notre site.
© Mesleh Ahmad
SUR L’ACTUALITÉ
palestine 04 DOSSIER RETOUR SUR L’ACTUALITÉ
Il n’y aura pas de paix
TANT QU’ISRAEL OCCUPERA LA PALESTINE Tribune de Marwan Barghouti, leader palestinien emprisonné 1 Traduction par Julien Masri
L’escalade à laquelle nous assistons n’a pas débuté avec la mort de deux colons israéliens. Elle a débuté il y a longtemps, et s’est poursuivie durant des années. Chaque jour, des Palestiniens sont tués, blessés, arrêtés. Chaque jour, le colonialisme avance, le siège contre notre peuple à Gaza se poursuit, l’oppression persiste. Alors que beaucoup veulent qu’aujourd’hui nous soyons accablés par les conséquences potentielles d’une nouvelle spirale de la violence, je plaiderai, comme je l’ai fait en 2002, pour que l’on s’attaque aux causes de cette violence : le déni de liberté pour les Palestiniens. Certains ont suggéré que la raison pour laquelle nous ne sommes pas parvenus à conclure un accord de paix est le manque de volonté de feu le Président Yasser Arafat ou du manque de capacité du Président Mahmoud Abbas, alors que tous les deux étaient prêts et capables de signer un tel accord. Le véritable problème est qu’Israël a choisi l’occupation aux dépens de la paix et a usé des négociations comme d’un écran de fumée pour faire avancer son projet colonial. Tous les gouvernements au monde connaissent pertinemment cette vérité élémentaire et pourtant nombre d’entre eux prétendent que le retour aux recettes éculées nous permettra d’atteindre la liberté et la paix. La folie c’est de répéter sans arrêt la même chose et d’espérer un résultat différent. Il ne peut y avoir de négociations sans un engagement israélien clair de se retirer complètement du territoire qu’Israël a occupé en 1967, y compris en ce qui concerne Jérusalem, une fin de l’ensemble des politiques coloniales, la reconnaissance des droits inaliénables du peuple palestinien, y compris le droit à l’auto-détermination et au retour, et la libération de tous les prisonniers palestiniens. Nous ne pouvons coexister avec l’occupation israélienne, et nous ne capitulerons pas devant elle. On nous a demandé d’être patients, et nous l’avons été, donnant une chance après l’autre pour la conclusion d’un accord de paix, y compris depuis 2005 et jusqu’à aujourd’hui. Il est peut-être utile de rappeler au monde que notre dépossession, exil et transfert forcés, et l’oppression que nous subissons ont duré près de 70 ans et nous sommes le seul point toujours à l’agenda des Nations Unies de-
puis sa création. On nous a dit qu’en ayant recours aux moyens pacifiques et aux cadres diplomatiques et politiques, nous engrangerions le soutien de la communauté internationale pour mettre fin à l’occupation. Et pourtant, comme en 1999 à la fin de la période intérimaire, la communauté internationale n’a pas réussi à adopter une seule mesure significative, y compris mettre en place un cadre international assurant la mise en œuvre du droit international et des résolutions onusiennes, et adopter des mesures pour mettre fin à l’impunité, y compris à travers le boycott, les désinvestissements et les sanctions, en s’inspirant des outils qui ont permis de débarrasser le monde du régime d’apartheid. En l’absence d’intervention internationale pour mettre fin à l’occupation, d’actions sérieuses des gouvernements pour mettre fin à l’impunité d’Israël, et de toute perspective de protection internationale accordée au peuple palestinien sous occupation, et alors même que la colonisation et ses manifestations diverses, y compris les attaques violentes des colons israéliens, s’intensifient, que nous demande-t-on de faire ? Laisser faire et attendre qu’une autre famille palestinienne se fasse brûler, qu’un autre jeune Palestinien se fasse tuer, qu’une nouvelle colonie soit construite, qu’une autre maison palestinienne soit détruite, qu’un autre enfant palestinien soit arrêté, qu’une nouvelle attaque de colons ait lieu, qu’une autre agression contre notre peuple à Gaza soit lancée ? Le monde entier sait pertinemment que Jérusalem est la flamme qui peut inspirer la paix ou déclencher la guerre. Alors pourquoi demeure-t-il impassible alors que les attaques israéliennes contre le peuple palestinien dans la ville et les lieux saints musulmans et chrétiens, notamment Al-Haram Al-Sharif, continuent sans relâche ? Les actions et les crimes israéliens ne détruisent pas seulement la solution à deux États sur les frontières de 1967 et violent le droit international. Ils menacent de transformer un conflit politique qui peut être résolu en un conflit religieux éternel qui ne fera que déstabiliser davantage une région qui fait déjà l’expérience de bouleversements sans précédent.
Aucun peuple sur terre n’accepterait de coexister avec l’oppression. Par nature, les êtres humains aspirent à la liberté, luttent pour la liberté, se sacrifient pour la liberté. Et la liberté du peuple palestinien n’a que trop tardé. Pendant la première Intifada, le gouvernement israélien a lancé une politique « briser leurs os pour briser leur volonté » mais, une génération après l’autre, le peuple palestinien a démontré que sa volonté ne peut être brisée et ne doit pas être testée. Cette nouvelle génération palestinienne n’a pas attendu les pourparlers de réconciliation pour incarner une unité nationale que les partis politiques ont échoué à réaliser, dépassant les divisions politiques et la fragmentation géographique. Elle n’a pas attendu d’instructions pour mettre en œuvre son droit, et même son devoir, de résister à cette occupation. Elle le fait sans armes, alors même qu’elle est confrontée à une des plus importantes puissances militaires au monde. Et pourtant, nous demeurons convaincus que la liberté et la dignité l’emporteront, et que nous triompherons. Et que le drapeau palestinien que nous avons levé avec fierté à l’ONU flottera au-dessus des murailles de la vieille ville de Jérusalem, pas pour un jour, mais pour toujours. J’ai rejoint la lutte palestinienne pour l’indépendance il y a 40 ans, et fus emprisonné pour la première fois à l’âge de 15 ans. Cela ne m’a pas empêché de plaider pour une paix fondée sur le droit international et les résolutions de l’ONU. Mais j’ai vu Israël détruire méthodiquement cette perspective année après année. J’ai passé 20 ans de ma vie dans les geôles israéliennes, y compris les 13 dernières années, et ces années n’ont fait que renforcer ma foi en cette vérité inaltérable : le dernier jour de l’occupation sera le premier jour de paix. Ceux qui veulent réaliser cette dernière doivent agir, et agir maintenant, pour précipiter la première proposition. 1/ Tribune publiée le 12 octobre dans le Guardian. 2/ Ce message est ici partiellement reproduit. Publié le 12 octobre, il est accessible sur le compte (public) d’Eran Efrati.
témoignage Eran Efrati, DIRECTEUR DE LA BRANCHE AMÉRICAINE DU COMITÉ ISRAÉLIEN CONTRE LES DÉMOLITIONS DE MAISONS, ANCIEN MEMBRE DE BREAKING THE SILENCE 2 Ces derniers jours, je reçois des témoignages de soldats de l’armée israélienne qui me disent que leurs règles d’engagement ont été complètement changées et que des procédures, qui étaient appliquées seulement à Gaza ou dans quelques parties de la Cisjordanie, sont maintenant de rigueur dans toute la Cisjordanie et en Israël. Ils ont reçu le feu vert pour tirer à balles réelles sur tout Palestinien qui semble suspect. Tous les soldats ont fait état d’ordres reçus qui abrogent la « procédure d’arrestation d’un suspect » de l’armée ainsi que toute tentative d’immobiliser ou de parler avec un « suspect ». Un des soldats stationné à Hébron m’a dit qu’un officier supérieur, qui est venu le week-end pour les briefer, leur a dit : « ça ne donnera pas une bonne image de nous si les colons (dont la plupart détiennent de meilleures armes que certains soldats, armes parfois reçues de l’armée elle-même) tuent des suspects dans la rue. Si cela arrive, nous devons réagir plus rapidement et les [les Palestiniens] neutraliser avant que les colons ne le fassent eux-mêmes ». Si l’information s’avère exacte, cela signifie que des officiers haut gradés de l’armée commandent à des soldats d’assassiner des Palestiniens afin de rassurer les colons et de prévenir leur violence. Le nombre de Palestiniens tués lors de ce soulèvement pourrait donc correspondre à celui qui satisfera le public israélien et les colons et, si tel est le cas, nous pourrions être au début d’un bain de sang. (…) Ils [les Israéliens] exigent des « images de victoire » qu’Israël se crée à son propre usage à chaque opération militaire et qu’il vend au reste du monde afin de prouver sa supériorité sur le terrain et promouvoir les ventes d’armes, ces armes qui permettent « de remporter la victoire ». (…)
palestine 06 DOSSIER RETOUR SUR L’ACTUALITÉ
Les Palestiniens se battent pour leur vie ISRAËL SE BAT POUR L’OCCUPATION par Amira Hass, journaliste à Haaretz 1 Traduction par Julien Masri
Oui, ceci est une guerre, et le Premier ministre Benjamin Netanyahou, avec le mandat qu’il tient du peuple, en a ordonné l’intensification. Il n’écoute pas les messages de conciliation et d’accommodement du président palestinien Mahmoud Abbas dans des périodes plus calmes, pourquoi devrait-il le faire maintenant ? Netanyahou intensifie la guerre en particulier à Jérusalem-Est, par des débauches de punitions collectives. De cette manière, il manifeste à nouveau qu’Israël a réussi à déconnecter physiquement Jérusalem de la plus grande partie de la population palestinienne, soulignant l’absence de direction palestinienne à Jérusalem-Est et la faiblesse du gouvernement de Ramallah – qui tente d’enrayer la dérive dans le reste de la Cisjordanie. La guerre n’a pas commencé jeudi dernier, elle ne commence pas avec les seules victimes juives et ne s’achève pas lorsque plus aucun Juif n’est assassiné. Les Palestiniens se battent pour leur vie, au plein sens du terme. Nous, les Juifs israéliens, nous nous battons pour nos privilèges en tant que nation de maîtres, dans la pleine laideur du terme. Que nous ne réalisions qu’il y a une guerre en cours que lorsque des Juifs sont assassinés n’enlève rien au fait que des Palestiniens sont tués tout le temps et que tout le temps, nous faisons tout ce qui est en notre pouvoir pour leur rendre la vie insupportable. La plupart du temps, il s’agit d’une guerre unilatérale, que nous menons pour les amener à dire « oui » au maître, « je vous remercie beaucoup de nous laisser en vie dans nos réserves ». Lorsque quelque chose dans l’unilatéralité de la guerre est perturbé, et des Juifs sont assassinés, alors seulement nous y prêtons attention. Les jeunes Palestiniens ne vont pas assassiner des Juifs parce qu’ils sont juifs mais parce que nous sommes leurs occupants, leurs tortionnaires, leurs geôliers, les voleurs de leurs terres et de leur eau, ceux qui les ont exilés, les démolisseurs de leurs maisons, ceux qui leur bouchent l’horizon. Les jeunes Palestiniens, assoiffés de vengeance et désespérés, sont prêts à perdre leur vie et à causer une immense douleur à leurs familles car l’ennemi auquel ils sont confrontés prouve chaque jour que sa malveillance n’a pas de limites. Même le langage est malveillant à leur égard. Les Juifs sont assassinés, les Palestiniens sont tués et meurent. Est-ce vrai? Le problème ne commence pas avec le fait que nous ne soyons pas autorisés à écrire qu’un soldat ou un agent de police a assassiné des Palestiniens, à bout portant, alors que sa vie n’était pas en danger, et qu’il l’a fait par télécommande, ou bien à partir d’un avion ou d’un drone. Mais c’est une partie du problème. Notre compréhension est tenue captive d’un langage censuré rétroactivement qui déforme la réalité.
Dans notre langage, des Juifs sont assassinés parce qu’ils sont Juifs et les Palestiniens trouvent la mort et la détresse parce que sans doute, c’est ce qu’ils cherchent. Notre vision du monde est façonnée par la trahison permanente des médias israéliens de leur devoir de rapporter les événements, ou leur manque des capacité technique et émotionnelle nécessaires pour maitriser tous les éléments de la guerre mondiale que nous menons afin de préserver notre supériorité sur le territoire entre le fleuve [Jourdain] et la mer [Méditerranée]. Pas même ce journal ne dispose des ressources financières nécessaires pour employer 10 journalistes et remplir 20 pages d’articles sur toutes les attaques en période d’escalade [de la violence] et sur toutes les attaques de l’occupant en période de calme, depuis les tirs de coups de feu jusqu’à la légalisation d’un avant-poste de colonisation, en passant par la construction d’une route qui détruit un village, sans parler d’un million d’agressions supplémentaires. Quotidiennement. Les exemples pris au hasard que nous parvenons à développer ne sont qu’une goutte dans l’océan et ils n’ont aucun impact sur la compréhension de la situation pour une grande majorité d’Israéliens. Le but de cette guerre unilatérale est de forcer les Palestiniens à renoncer à toutes leurs revendications nationales dans leur patrie. Netanyahou veut l’escalade parce que l’expérience a prouvé jusqu’à présent que les périodes de calme après le bain de sang ne nous ramènent pas à la ligne de départ mais conduisent plutôt à une dégradation supplémentaire du système politique palestinien et apporte de nouveaux privilèges aux Juifs dans un Grand Israël. Ces privilèges sont le principal facteur qui déforme notre compréhension de notre réalité, en nous aveuglant. À cause d’eux, nous ne parvenons pas à comprendre que même avec une direction «présente-absente» faible, le peuple palestinien –dispersé dans ses réserves indiennes– n’abandonnera pas et continuera à trouver la force nécessaire pour résister à notre malveillante domination.
1/ Opinion publiée le 7 octobre dans Haaretz. 2/ Message reçu le 13 octobre.
témoignage Anne Paq, PHOTOGRAPHE
Dès que je suis arrivée à Jérusalem samedi, je suis tombée sur le site d’une attaque, un jeune Palestinien – Ishaq Badran, 16 ans, de Kafr Aqab, venait d’être abattu par la police israélienne après avoir effectué une attaque présumée au couteau. J’avais encore ma valise que j’ai laissée à des Palestiniens pour prendre mes premiere photos de ce nouveau chapitre en Palestine. Les membres de la police israélienne étaient nerveux et nous criaient dessus. J’ai continué mon chemin au camp Aida. La famille avec qui je vais rester est encore traumatisée par l’assassinat d’Abed al-Rahman Shadi Obeidallahe, agé de seulement 13 ans, tué il y a quelques jours. Il a été abattu, encore vêtu de son uniforme scolaire, près du cœur, par les forces israéliennes lors d’affrontements dans le camp de réfugiés. Le garçon de la famille qui m’accueille était son camarade de classe. « Nous avons beaucoup pleuré », m’a dit sa mère. « Les enfants n’ont pas le cœur à étudier », ajoute-elle. Pas étonnant. L’aînée de la famille, 16 ans, est triste et ne parvient pas à dormir à cause de la situation. Elle avait l’habitude de sourire beaucoup, maintenant le sourire a disparu. Partout, de la douleur et de la colère. Des décennies d’occupation militaire et de colonisation ont affecté tous les Palestiniens, leur rendant la vie misérable. Que peut-on encore espérer lorsque toutes les négociations n’ont abouti à rien, sinon d’être privés de plus de droits et de terres? Comment les enfants peuvent-ils réagir face aux images des enfants palestiniens tués à Gaza (plus de 500) l’année dernière en toute impunité? La seule manière de cesser le bain de sang est d’en finir avec l’occupation. Les médias traditionnels se contentent de présenter la situation comme un « cycle de violence », une nouvelle vague de terreur avec comme sous-titres que la violence exercée par les Palestiniens – le peuple occupé – est égale à celle utilisée par des décennies par la puissance occupante et coloniale – les Israéliens. Ce n’est pas équivalent, il faut mettre dans l’équation la répression brutale menée par l’État d’Israël contre les Palestiniens depuis sa création, et le déni de leurs droits les plus élémentaires. Aussi les médias sont-ils prompts à présenter la version officielle israélienne des attaques comme une vérité inébranlable, tandis que dans certains cas il est apparu qu’il était peu probable que les Palestiniens avaient une arme sur eux et, même si c’était le cas pour certains, ils auraient pu être neutralisés sans être abattus. La tension est très palpable. Je demandais à un chauffeur de taxi s’il voulait une Intifada. Il m’a répondu un retentissant « oui - oui on en a marre ! C’en est assez ! ». Je lui ai aussi demandé ce qu’il pensait de l’Autorité palestinienne. Il a répondu : « Aussi assez ! Ils aident seulement les Israéliens ! ». Je suis allée de nouveau à Jérusalem hier, et je me suis vite retrouvée dans un taxi en suivant les voitures de la police israélienne. Quelque chose était arrivé. C’était une autre attaque. Une adolescente palestinienne identifiée plus tard comme Marah al-Bakri,
âgée de 17 ans, avait été blessée par plusieurs balles. Il a également été allégué qu’elle a attaqué un Israélien. Un camarade de classe interviewé par « Shehab News Agency » a expliqué qu’elle était entourée par les différents membres de la police et a entendu au moins 10 coups de feu. Les forces israéliennes qui prétendent être parmi les meilleures ne pouvaientelles pas arrêter une jeune de 17 ans sans tirer plusieurs coups de feu ? Pourquoi autant de fusillades maintenant ? C’est parce qu’il y a eu un véritable « permis de tuer » délivré par le gouvernement israélien de Netanyahou qui a poussé à et obtenu de nouvelles consignes de tir, qui permettent essentiellement à la police israélienne de tirer chaque fois qu’ils soupçonnent une attaque. Autrement dit n’importe quand. Les chiffres sont frappants. Depuis le 1er octobre, 27 Palestiniens ont été tués, parmi eux 10 enfants, tandis que 7 Israéliens ont été tués dans la même période. Plus de 1 300 Palestiniens ont été blessés, beaucoup avec des balles réelles. Hier, je couvrais les affrontements qui se déroulent près de Bet El, un camp militaire près de Ramallah. Quelque 200 Palestiniens, essentiellement des jeunes, étaient là, peut-être 50 étaient actifs à lancer des pierres sur des soldats israéliens qui les visaient avec leurs armes sophistiquées, protégés derriere leurs équipements de « Robocop ». Il n’y eu aucune blessure grave cette fois, mais cela pouvait arriver, d’une minute à l’autre, à n’importe quelle personne présente. Il y a quelques jours, une chercheuse de Human Rights Watch, a été blessée par balle à la même place, en dépit du fait d’être marquée presse. À un moment donné, deux Jeeps militaires israéliennes ont décidé d’aller plus loin et ont contourné les Shebab (jeunes Palestiniens), pour des raisons qui ne sont pas claires. Certains Palestiniens ont couru après la Jeep et lui ont jeté un cocktail Molotov. Le haut de la Jeep s’est enflammé, ce qui a poussé les soldats israéliens à se retirer rapidement. Cela a été suivi par des acclamations de la foule. Un sentiment de fierté était palpable. L’humiliation des Palestiniens par leurs occupants dure depuis des décennies et est très bien comprise et ressentie par ces jeunes. Cette génération de jeunes, qui est moins dépendante des lignes de partis habituelles et de l’Autorité palestinienne, n’en veut plus et pourquoi devrait-elle s’y plier ? Qu’a-t-elle à perdre, alors que le futur que les Israéliens et la communauté internationale lui tracent ne lui appartient pas ? Le chemin de la révolte, meme difficile, sera au moins le sien. Alors que j’écris ces lignes j’entends beaucoup de sirènes et les bruits sourds des grenades lacrymogènes lancés par les soldats. Probablement plus de jeunes Palestiniens sont blessés dans les affrontements devant le Mur qui longe le camp de réfugiés de Aida 1. 1/ Ce témoignage a été publié sur le blog d’Anne Paq le 13 octobre. Voir http://chroniquespalestine.blogspot.fr/
palestine 08 DOSSIER RETOUR SUR L’ACTUALITÉ
LA RÉVOLTE ACTUELLE MÈNERA-T-ELLE
l’Autorité palestinienne à sa perte ?
par Lina Kennouche journaliste à L’Orient le Jour 1
Les affrontements sanglants n’ont cessé de s’intensifier à Jérusalem-Est au cours de ces dernières semaines entre Palestiniens, colons et forces de sécurité israéliennes. Le durcissement de la répression a conduit à la radicalisation d’une confrontation, qui s’enracine dans une lutte historique.
Les heurts entre Palestiniens et forces de sécurité israéliennes à Jérusalem-Est et en Cisjordanie se sont accentués en début de semaine après l’assassinat dimanche d’un Palestinien de 18 ans, Houzeifa Souleimane, criblé de balles à Tulkarem. Le regain explosif de violences depuis jeudi dernier, après que quatre Israéliens eurent été tués dans des attentats en Cisjordanie et dans la vieille ville de Jérusalem, a entraîné un durcissement de la politique du Premier ministre israélien Benjamin Netanhayou qui a donné toute latitude aux forces de sécurité israéliennes pour réprimer la révolte. Elles ont ainsi pu procéder hier à la démolition de deux maisons de Palestiniens, une mesure punitive contre les auteurs présumés des attaques. Les affrontements opposant Palestiniens et policiers israéliens ont repris à la mi-septembre, au moment des fêtes de la nouvelle année juive, quand touristes et juifs israéliens se sont rendus par milliers sur le site de l’esplanade. La multiplication des provocations faisait craindre aux Palestiniens une remise en cause du statu quo. Le durcissement de la confrontation a été précédé par trois semaines de restriction arbitraire (levée hier soir) de la part des autorités israéliennes pour l’accès à l’esplanade des Mosquées pour les femmes palestiniennes et les hommes de moins de 50 ans, afin de « sécuriser » l’entrée des colons et autres groupes israéliens. Si ces récents incidents ont ravivé les tensions, l’explication des violences chroniques qui secouent Jérusalem est à rechercher dans le contexte sociopolitique historique et une stratégie systématique de colonisation et de répression menée depuis 1967 de manière plus ou moins discrète ou ostentatoire. Dès l’annexion illégale de la ville, les autorités israéliennes ont mis en œuvre un ensemble de politiques visant à transformer l’espace géographique, accélérer le processus de judaïsation de Jérusalem et gommer l’identité palestinienne pour contrer le péril démographique. Barah Mikail, spécialiste du Moyen-Orient et chercheur à la
Fondation pour les relations internationales et le dialogue extérieur à Madrid, explique que les causes du déchaînement de violence actuel sont d’abord structurelles. Il réinscrit la mobilisation populaire dans le cadre plus large de la lutte historique du peuple palestinien depuis plusieurs décennies contre l’occupation qui s’est maintenue et renforcée. Cependant, il précise que le contexte s’est aggravé avec la marginalisation économique progressive, la dégradation sensible des conditions d’existence des Palestiniens de Cisjordanie et l’absence de perspective de dépassement de la situation existante. L’exacerbation des tensions a également, selon le chercheur, des causes conjoncturelles qu’il résume par « la violence, les provocations répétées, le blocus sur l’esplanade des Mosquées et les différentes attaques des colons sans oublier la sécuritisation (désignation d’un objet comme étant une menace, par une autorité légitime et acceptée comme telle par une audience significative, NDLR) en cours par le gouvernement de Netanhayou qui prend des tournures dramatiques avec le durcissement des dispositions sécuritaires et antiterroristes ». En juillet dernier, la Knesset (Parlement israélien) a en effet adopté le projet de loi gouvernemental visant à appliquer des mesures d’une excessive sévérité contre les lanceurs de pierres qui encourent une peine de 10 à 20 ans de prison. Mais un pas décisif dans la répression a été franchi jeudi dernier avec la décision du cabinet de sécurité israélien d’autoriser les tirs à balles réelles contre les lanceurs de pierres. La brutalité des pratiques a donc conduit à une radicalisation de la protestation qui, en outre, comme le rappelle Barah Mikail, s’exerce dans un contexte de déstructuration totale de la scène politique palestinienne et d’absence de leadership.
OSLO, L’ÉCRAN DE FUMÉE De fait, l’Autorité palestinienne (AP) ne semble aujourd’hui que l’ombre d’elle-même, trop longtemps confinée, aux yeux de nombreux Palestiniens, dans son rôle de sous-traitant du dispositif d’occupation dans l’esprit des accords d’Oslo de 1993 dont cet
© Michael Loadenthal
témoignage Nathalie Barbier, COOPÉRANTE DANS UNE ONG À RAMALLAH appareil d’État est issu. L’AP a longtemps empêché la généralisation de la contestation à l’ensemble de la Cisjordanie, agissant comme une force tampon par la mise en œuvre de politiques de maillage social, de coopération sécuritaire avec Israël et de répression des actes des groupes de résistance. Si le président Mahmoud Abbas a annoncé la semaine dernière devant l’Assemblée générale des Nations unies « qu’il ne se sentait plus lié par les accords signés avec Israël », cette déclaration semble tardive pour une Autorité discréditée et accusée par des Palestiniens d’être le supplétif de l’occupant. Durant les discussions d’Oslo, l’OLP avait accepté de renvoyer la question de Jérusalem à des négociations ultérieures sur le statut final du territoire palestinien occupé. Depuis, l’attachement de l’AP à Oslo, qui a fait de Ramallah la capitale de fait des territoires palestiniens, et son désinvestissement progressif de Jérusalem ont renforcé le sentiment d’abandon des Palestiniens de Jérusalem. Traversée par des tensions internes, la question de la survie de l’AP ressurgit dans ce contexte de crise ouverte.
INÉVITABLE DÉLITEMENT ? Barah Mikail revient sur l’évocation croissante d’une scission interne ou du départ de Mahmoud Abbas qui se verrait obligé de quitter le pouvoir. Selon lui, « la seule bouée de sauvetage dont dispose encore Mahmoud Abbas est le soutien de la communauté internationale, et notamment de la France ; ce facteur a notamment permis l’admission de la Palestine à l’Unesco et une évolution favorable dans la reconnaissance d’un possible statut juridique de la Palestine comme État ». Cependant, le risque d’une mise à l’écart n’est pas à exclure, dans la mesure où, comme l’explique le chercheur, ces avancées sont contrebalancées par la mort du processus de paix et la politique du fait accompli par la poursuite de la colonisation intensive, rendant impossible la création d’un État palestinien.
1/ Article publié le 7 octobre dans L’Orient le Jour.
Je ne peux pas dire si nous allons vers une troisième Intifada ou si nous la vivons déjà. Ce qui est sûr, c’est que nous avons affaire à des révoltes de jeunes contre l’occupation et son lot d’humiliations. Une jeunesse qui n’accepte plus une vie au rabais et un horizon bouché. La jeunesse palestinienne exprime également et indirectement sa frustration à l’égard de l’Autorité palestinienne. Un récent sondage indiquait que 70 % des Palestiniens étaient en faveur d’une « agression armée ». Une partie importante discréditait également la classe politique. Nous n’avons pas affaire à des heurts sporadiques mais à des affrontements réguliers qui se répandent un peu partout. Des affrontements en Cisjordanie contre les forces israéliennes qui ont fait, à ce jour, trente morts et des centaines de blessés chez les Palestiniens (en incluant les événements dramatiques de ce week-end à Gaza). Les attentats qui ont eu lieu en Israël ont entraîné la mort de sept personnes. On observe des jeunes qui n’ont pas peur de sacrifier leurs vies et de s’en prendre aux symboles de l’occupation. Pourquoi cette explosion maintenant ? Les affrontements actuels trouvent leur source dans les provocations des Juifs religieux qui viennent prier sur l’esplanade des Mosquées, remettant ainsi en cause le statu quo de 1967. L’armée y accompagne les Juifs religieux, ce qui renforce la provocation. Cet été, l’attaque contre le village de Douma qui a causé la mort d’un bébé et de ses parents a profondément traumatisé les Palestiniens. De plus, leur dépossession des terres s’est accélérée avec une augmentation des démolitions à un niveau inégalé depuis cinq ans et des déplacements forcés de population. Enfin, les colonies se sont considérablement étendues en 2014. La dégradation de la situation signe aussi l’échec de la communauté internationale à trouver une solution politique juste et viable. Je pense que les Palestiniens paient le prix de cette absence de réaction et la jeunesse ne l’accepte plus 2.
palestine 10 DOSSIER LES 40 ANS DE L’ABP
Militer
POUR LA PALESTINE Militer pour la Palestine, c’était comment, il y 15, 30 ou 40 ans ? Et aujourd’hui ? Quatre militant-e-s nous racontent leur expérience.
Militer dans les années 70
Militer dans les années 80
À cette époque, dans une période que l’on peut rétrospectivement appeler « printemps européen », marqué par la fin des dictatures en Espagne, en Grèce et au Portugal, l’espoir n’était pas vain de lutter pour l’existence d’un Etat de Palestine.
Je suis entrée à l’ABP au début de la première Intifada, en 1987. En ce temps-là, y entrer nécessitait un entretien préalable avec ses responsables. Je revenais d’un voyage militant qui m’avait permis de voir la réalité et j’éprouvais le besoin urgent de dire, de témoigner. Renée Mousset, Jack Houssa et Jean Delfosse furent mes guides. Si l’Intifada faisait les Unes, il était difficile de faire passer des infos dans les grands médias. Sans beaucoup de moyens, nous avons décidé de rééditer un bulletin qui était modeste et bricolé mais qui relayait à la fois le point de vue palestinien et celui du mouvement pacifiste israélien, alors puissant. À cette époque, l’OLP représentait le mouvement palestinien dans sa diversité et nous nous alignions sur ses positions. Je me souviens d’une belle conférence à l’occasion de la Journée internationale pour les droits inaliénables du peuple palestinien au cours de laquelle nous avions, en présence d’un public nombreux, projeté un film sur les réfugiés intitulé Les figuiers de Barbarie ont-ils une mémoire ? . Nous avons aussi organisé avec succès 6 heures pour la Palestine à l’ULB. Et d’autres événements dont je n’ai plus le souvenir. Nous les réalisions avec nos amis flamands puisque l’ABP jusqu’en 1990 était unitaire. À vrai dire, les images effrayantes de la répression israélienne – dont celles de soldats tentant de briser les bras de jeunes Palestiniens – rendaient le public très réceptif à nos initiatives. Si bien d’ailleurs qu’en 1989, avec le CNAPD dont l’ABP était déjà membre, nous avions poussé à l’organisation d’une délégation (francophone/ néerlandophone) qui est allée à Jérusalem-Est pour participer à la chaîne humaine de paix autour de la vieille ville : pour la première fois, des Israéliens y étaient présents aux côtés d’internationaux et de personnalités américaines et européennes. Cet élan de paix fut réprimé sauvagement 1. La délégation était accompagnée d’un journaliste dont le reportage a secoué le public. Par la suite, nous avons organisé d’autres délégations durant l’Intifada.
par Jack Houssa
Des échanges ont eu lieu durant plusieurs mois entre des mandataires politiques, des intellectuels, des militants associatifs et des personnalités impliquées, francophones et néerlandophones. Les échanges étaient parfois très animés, mais tous partageaient la même volonté et le même sentiment d’optimisme par rapport au futur du peuple de Palestine. Dans cette évocation, il faut souligner le rôle majeur qu’ont joué Jean Delfosse et Marcel Liebman. Ainsi, les réunions, autant celles qui ont préparé à la décision de fonder l’Association belgo-palestinienne que les réunions ultérieures se sont tenues au domicile de Jean Delfosse, directeur des éditions Casterman et personnalité marquante du christianisme progressiste. Quant à Marcel Liebman, comment ne pas ressentir aujourd’hui un sentiment ému en pensant à lui, qui nous a quittés bien trop tôt, il y a près de trente ans ? Interrogateur à l’égard de lui-même et des vérités « incontestables », redoutable lanceur d’idées nouvelles, voire iconoclastes, il a beaucoup œuvré à la rédaction de l’appel fondateur de l’association. Ce texte, rédigé alors que nous vivions une phase de spirale ascendante dans le soutien à la cause palestinienne, après le discours de Yasser Arafat aux Nations Unies, garde une valeur évidente en 2015. Tous les militants de cette époque ont gardé un souvenir indélébile d’un moment historique de cette dynamique : la visite quasi-officielle de Yasser Arafat à Lisbonne à l’automne 1979. Je me souviens que la délégation belge à Lisbonne avait été galvanisée par le meeting au Palais des Sports de Lisbonne où plus de 5000 personnes étaient venues écouter et applaudir Yasser Arafat. Il nous revient à tous, jeunes et moins jeunes, de recréer cette spirale.
par Marianne Blume
Notre tâche n’était pas facile mais la force du mouvement de la paix israélien autorisait alors plus d’espoir et permettait un accès plus aisé au public belge.
1/ Voir : http://www.ina.fr/video/CAB90000119
Militer dans les années 2000 par Nadia Farkh
Qu’est-ce qui fait qu’à un moment donné, il y a un boom dans la mobilisation et l’expression de la solidarité avec le peuple palestinien? Au début des années 2000, on pourrait en tout cas interpréter l’engouement populaire et la mobilisation pour la Palestine comme résultant de ce qui se passait sur le terrain : la deuxième Intifada, l’invasion des territoires occupés, la répression très violente et la séquestration de Yasser Arafat dans son QG. Dès novembre 2001, l’ABP a répondu à l’appel des ONG palestiniennes et organisé des missions d’observateurs civils. Ces voyages solidaires ont rencontré un grand succès tant auprès des membres de l’ABP qu’auprès des associations partenaires sollicitées. En 2002, on a compté 14 missions civiles ! Les participants en revenaient très motivés et témoignaient dans leur environnement familial, professionnel,… suscitant un foisonnement de solidarités nouvelles de proximité, la création de comités locaux, de jumelages et des coopérations dans différents domaines. Depuis, chaque année, 4 à 5 missions se rendent en Palestine. Le 7 avril 2002, à la suite de l’invasion par l’armée israélienne du camp de réfugiés de Jénine et des exactions qui s’en sont suivies, 60 000 personnes ont manifesté dans les rues de Bruxelles pour marquer leur solidarité et demander la protection du peuple palestinien. Cette même année, un grand événement a été organisé dans le parc du Cinquantenaire, 6 heures pour la Palestine, une vingtaine d’ateliers tenus par les ONG et associations, un meeting, des concerts, un véritable succès. En 2003, « un avion pour Gaza » a été un événement marquant : grâce aux ONG et au gouvernement belge, de l’aide humanitaire a pu être acheminée à Gaza ainsi qu’une ambulance financée, elle, par la solidarité, dans un avion affrété par la Défense nationale. Bien sûr, ce qui reste en mémoire, ce sont les événements spectaculaires mais à mon sens, le véritable « cœur » de la solidarité avec le peuple palestinien bat dans le travail quotidien en dehors de tout battage médiatique. C’est la mobilisation « laborieuse » dans les petites tâches au jour le jour, ce dévouement sans relâche de citoyens de tous âges, de tous milieux, au Nord comme au Sud du pays, cette obstination « heureuse » de militants de l’ombre, c’est cela qui me donne le goût de continuer encore et toujours...
Militer en 2015 par Martin Hamoir
Militer en 2015 c’est rentrer dans un mouvement de militance qui se doit d’être le plus alternatif possible aux moyens de luttes classiques. Aujourd’hui, nous nous rendons compte que nous ne pouvons plus compter sur certaines structures politiques, ni sur n’importe quel relais médiatique classique et que nous sommes inévitablement amené-e-s à nous relier à des mouvements de solidarités alternatifs parfois temporaires. En effet, notre désillusion quant à la capacité d’intervention des organisations internationales a été poussée à son paroxysme lors de la dernière offensive sur Gaza en 2014. La désinformation médiatique sur ce qui se passe aujourd’hui en Palestine est réellement inquiétante et ce, d’autant qu’elle persiste après 50 ans d’occupation. La méfiance actuelle des citoyen-ne-s quant aux politiques économiques internationales ou quant à la façon d’aborder les phénomènes migratoires fait écho à des questions depuis longtemps soulevées par la lutte palestinienne. Mais n’est-ce pas là une opportunité ? Nous voilà obligés de revenir à une lutte à vocation citoyenne, nous devant de créer un réseau d’information parallèle et de nous rapprocher de mouvements contestataires présents aujourd’hui sur le terrain, gisements de forces nouvelles et d’analyses critiques. À mes yeux, cela nous protégera d’une désappropriation de la lutte, désappropriation dont est déjà suffisamment victime le peuple palestinien. L’enjeu d’une militance de ce type est d’être suffisamment créatif pour parvenir à s’approprier un pouvoir d’influence citoyen aussi fort que d’autres pouvoirs depuis longtemps institutionnalisés. Dans ce but, il s’agit prioritairement de rester uni-e-s en évitant les conflits internes. Conflits qui ont pourtant des raisons d’être vu la longue durée de la situation, provoquant inexorablement des tensions. Aujourd’hui, sans nous aveugler sur leur impact, nous nous réjouissons de petites victoires. Chacun des succès, aussi humble soit-il, est dû à la persévérance du peuple palestinien et des militants qui le soutiennent. Ils servent de balises dans un chemin de lutte qui reste celui de la recherche d’une paix juste que seules de réelles alternatives citoyennes semblent pouvoir atteindre.
palestine 12 DOSSIER LES 40 ANS DE L’ABP
L’ABP
QUARANTE ANS DE MILITANTISME POUR LA PALESTINE propos recueillis par Ouardia Derriche
À partir d’une entrevue avec Pierre Galand, président de l’Association belgo-palestinienne, nous avons retracé ensemble quelques grandes étapes de l’engagement en faveur de la Palestine, les moments de crise et tenté d’identifier les grands enjeux, les défis propres à chaque période et les réponses apportées par l’ABP. LA CRÉATION DE L’ABP : UN CONTEXTE OPTIMISTE C’est en 1970 que le CNAPD (Comité national d’action pour la paix et la démocratie) est créé. Ce rassemblement pluraliste d’organisations de jeunesse a pour objectif de sensibiliser et de mobiliser contre la guerre et pour la paix, pour la solidarité Nord/Sud et la citoyenneté locale. En 1970, Allende arrive au pouvoir au Chili. En 1973, les Américains doivent quitter le Vietnam et les Portugais sont chassés de leurs colonies en Afrique. Le droit à l’autodétermination des peuples a été reconnu par les Nations Unies et il est admis que les peuples choisissent eux-mêmes les moyens de leurs luttes. C’est dans ce contexte que Naïm Khader, premier représentant en Belgique de l’OLP, approche Pierre Galand, alors secrétaire général d’Oxfam, pour lui suggérer de prendre aussi en compte la question palestinienne qui est une lutte de libération nationale inachevée. Cette même année 1970, un comité informel national Palestine se crée avec des personnalités dont Jack Houssa, Jean Delfosse, Jan Reynaers et Tijl Declercq. Il sera officialisé en asbl en 1975. Marcel Liebman avait apporté son soutien à la création de l’ABP et il sera président de la Fondation Naïm Khader qui sera créée après l’assassinat de ce dernier en 1981. De son côté, Naïm Khader avait suscité la création de nombreux comités locaux en Wallonie. Des délégations se sont constituées, dans les milieux catholiques d’abord, puis elles se sont diversifiées et ont rassemblé des organisations politiques (PCB-PSB) et des syndicats (MOC- CSC et FGTB). Dans ces années-là, l’ambiance était à l’optimisme. L’implication politique et le débat d’idées étaient importants. La radicalité était au rendez-vous : le mouvement ouvrier se montrait offensif. Les Nations Unies elles-mêmes, sous l’impulsion des nombreux pays du Tiers monde qui venaient d’y adhérer après leur indépendance, ont pris une série de résolutions proprement révolutionnaires : l’Assemblée générale mais aussi le Conseil de sécurité ont adopté des résolutions clairement en faveur des droits des Palestiniens, même si généralement elles n’ont pas été suivies d’effet. Le Comité des Nations Unies pour l’exercice des droits inaliénables du peuple palestinien est crée par l’AG des NU en 1975. Deux dates sont retenues pour plaider la cause palestinienne sur le plan inter-
national : le 29 novembre (la Journée internationale des Nations Unies pour la solidarité avec le peuple palestinien) et le 30 mars (la Journée de la terre). Elles marquent, depuis lors, des activités récurrentes de l’ABP. En Israël même, Shalom Arshav (La paix maintenant) montait en puissance : ainsi, en 1988, 100 000 Israéliens ont manifesté en soutien aux négociations de paix avec l’OLP.
PERCER LE MUR D’IGNORANCE DE LA RÉALITÉ DU CONFLIT ISRAÉLO-PALESTINIEN Ce raccourci historique n’a d’autre but que de situer la création des mouvements de solidarité dans leur contexte : celui d’années où l’ignorance de la réalité du conflit israélo-palestinien dominait dans les populations européennes. Israël bénéficiait alors d’un soutien sans réserve des pays occidentaux. Le travail de solidarité consistait à percer ce mur d’ignorance des opinions publiques, à inciter les parlementaires progressistes à alerter et à tenter de modifier l’attitude de leur gouvernement, et à sensibiliser les médias. Un premier éveil surviendra suite aux pressions communes sur l’Union européenne. Ainsi, au Sommet européen de Venise en 1980, les 9 pays membres de l’époque avaient décidé de prendre des sanctions contre Israël après la fermeture illégale de l’université de Bir Zeit. Après les massacres de Sabra et Chatila en 1982, les réactions contre Israël seront plus sévères encore.
LE RETOURNEMENT DE LA GUERRE DU GOLFE ET LE LENT DÉLITEMENT D’OSLO Durant la première Intifada (1987-1989), Arafat proclame l’État de Palestine à Alger en 1988 et déclare la charte de l’OLP caduque (reconnaissance d’Israël). Puis, il se rapproche de Saddam Hussein en 1989, ce qui entraînera le « lâchage » des pays arabes : la guerre du Golfe a été en effet l’occasion d’un retournement considérable dans le soutien des pays arabes aux Palestiniens, qui se sont fait alors renvoyer de partout. L’Union européenne, encore sensible aux pressions organisées par le mouvement de solidarité, va permettre à l’OLP d’assister à la Conférence de Paix de Madrid en 1990. Des négociations tenues secrètes entre travaillistes israéliens et Palestiniens de l’OLP aboutissent aux accords d’Oslo, signés en
LA DEUXIÈME INTIFADA ET L’INTERVENTION AMÉRICAINE DANS LA GESTION DU CONFLIT 1993. En juillet 1994, Arafat rentre en Palestine de son exil à Tunis et crée l’Autorité palestinienne qu’il préside, après les premières élections, dès 1996. L’Autorité palestinienne impose sa structure administrative et sa loi aux organisations de l’intérieur et cela, sans prendre réellement en compte la résistance de l’intérieur.
Cependant, le soutien inconditionnel des États-Unis à Israël conforte celui-ci dans son ultracolonialisme et marginalise la capacité d’intervention des Européens. En revanche, la deuxième Intifada (2000) a provoqué une mobilisation sans précédent de la société civile dans le monde entier.
L’ABP s’est vue confrontée aux critiques faites à l’AP, au sujet de sa gestion « musclée » de l’opposition, ainsi que sur le soutien d’Arafat à Saddam Hussein. L’ABP réaffirme son soutien au mouvement de libération de la Palestine, conformément au droit international.
Arafat avait demandé une force d’interposition sur la Ligne verte, ce que les Nations Unies avaient refusé. En réponse, l’ABP, avec le mouvement de solidarité européen, l’appui des associations anticoloniales israéliennes et la résistance palestinienne, a lancé des missions de protection du peuple palestinien, des missions d’observateurs civils ouvertes à tout citoyen désireux de se rendre en Palestine. Des milliers de personnes y participeront et encore aujourd’hui, il y a plus de 4 missions par an, au départ de la Wallonie et de Bruxelles.
Les divisions survenues en Palestine et parmi les réfugiés, quant à la pertinence de la signature des accords d’Oslo en 1993, ont achevé de diviser et d’affaiblir la solidarité. En tout état de cause, la mise en œuvre de ces accords a été vécue comme une « normalisation » et cela s’est traduit par une mise en veilleuse du soutien international à la cause du peuple palestinien. Sur le plan international, la coordination des comités de soutien a implosé et seule la coordination européenne a survécu grâce aux efforts conjugués des comités belge, français et grec. L’ABP a poursuivi son travail en développant cinq axes: échanges avec nos partenaires en Palestine et en Israël; mise en valeur de la culture palestinienne; organisation de missions élargies (universitaires, syndicalistes, parlementaires,…) en Palestine; information et formation en direction des citoyens ; soutien à ECCP.
LE PROCESSUS DE BARCELONE ET LE PARTENARIAT EURO-MÉDITERRANÉEN L’entrée de l’Espagne dans l’UE va mener ce pays et la France à initier en 1995 le Processus de Barcelone. Celui-ci va consacrer des partenariats euro-méditerranéens entre l’Union européenne et une dizaine de pays du pourtour méditerranéen. Un accord d’association UE-Israël est signé en 1995, suivi en 1996 d’un accord entre l’UE et l’OLP. Ces partenariats européens avec la Palestine ont constitué une réelle avancée, obtenue grâce à la pression des pays du sud de la Méditerranée, de la Ligue arabe et des mouvements de solidarité européens qui ont alors connu un net renforcement. En 2001, arrive au pouvoir, en Israël, un faucon en la personne d’Ariel Sharon. C’est aussitôt l’échec programmé du processus d’Oslo, l’occupation s’accentue, les colonies se multiplient, le plan du mur d’apartheid est mis en chantier. Le mouvement de solidarité accentue sa pression: le succès des Six heures pour la Palestine au Cinquantenaire confirme son élargissement. En avril 2002, le Parlement européen vote à la majorité la demande de suspension des accords d’association entre l’Union européenne et Israël.
En 2004, face à l’absence de réaction de ladite communauté internationale, 167 associations palestiniennes vont lancer un appel BDS (Boycott-Désinvestissements-Sanctions). L’ABP soutient l’appel et la « toile » européenne et américaine fourmille de discussions, de débats, d’études très sérieuses et de propositions d’actions contre les firmes et industries, celles d’armements notamment, et contre les banques qui soutiennent l’occupation et la colonisation dans les territoires occupés. BDS se conçoit en alternative à l’impuissance des institutions et des États européens.
L’ABP AU CENTRE DE LA SOLIDARITÉ AVEC LE PEUPLE PALESTINIEN L’ABP n’a aucune prétention hégémonique en matière de solidarité avec le peuple palestinien dont elle entend clairement respecter le droit à l’autodétermination. Elle s’associe avec le CNCD et la CNAPD – comme elle le fait en Europe avec l’ECCP. Elle soutient d’importantes initiatives, telle celle du Tribunal Russell sur la Palestine après la première guerre contre Gaza de 2008-2009 et celle, plus meurtrière encore, de juillet 2014. L’ABP est une association d’éducation permanente et toutes ses actions se réalisent avec un soutien important de la part de militants et de citoyens solidaires qui ont en commun la défense des droits inaliénables du peuple palestinien et cela, dans le respect des citoyens israéliens non colonialistes et dans le refus de toute confusion avec des attitudes ou des propos antisémites.
Texte complet sur le site de l’ABP
palestine 14 NOUVELLES DE L’ABP
LANCEMENT
de l’ABP Bruxelles !
par Martin Hamoir, ABP Bruxelles
Ca y est, l’idée circulait déjà depuis quelque temps, la régionale ABP Bruxelles se lance en ce mois d’octobre 2015 ! Certes une nouvelle initiative dans le soutien à la lutte palestinienne est toujours bienvenue, mais pourquoi un groupe ABP à Bruxelles ? De nombreuses actions et rassemblements citoyens en soutien à la lutte du peuple palestinien existent déjà dans notre capitale. Jusqu’à présent, les permanents et les bénévoles de la coordination ABP Wallonie-Bruxelles effectuaient une multitude de tâches, à savoir la coordination des campagnes au niveau national, la gestion des différents groupes de travail centralisés, mais également toutes les actions locales sur le sol bruxellois. De ce constat est née l’interrogation quant à la nécessité de créer une régionale propre à la capitale. Au-delà d’une plus grande clarification des rôles structurels et de l’allègement potentiel de la charge de travail, depuis longtemps, de nombreuses personnes viennent vers l’Association belgo-palestinienne apporter un soutien bénévole à Bruxelles. Par ailleurs, l’ABP a longuement expérimenté la complexité d’un fonctionnement à double vitesse entre permanents salariés et bénévoles mettant à disposition leur temps libre disponible. Ainsi, l’objectif de la mise sur pied de cette régionale est de permettre à toutes les énergies bénévoles présentes et futures de se rassembler entre elles, et de profiter les unes des autres pour avancer au mieux. Ceci afin de créer une autonomisation de l’action bruxelloise au sein de l’Association belgo-palestinienne. Autonomisation qui participerait à l’explosion d’initiatives actuelles, dont il est désormais impossible de dresser une liste exhaustive, réjouissons-nous-en ! En tant que régionale, l’ABP Bruxelles reste liée à l’équipe de coordination nationale. Non seulement par la charte et par les campagnes coordonnées au plan national mais également parce que toutes deux ont leur siège dans la même ville. Il y aura donc inévitablement un grand pan commun dans le partage des forces, ce qui nécessitera une entraide continue pour éviter toute division inutile. Concrètement, une première réunion a eu lieu ce mardi 6 octobre avec une dizaine de personnes pour commencer. Ce fut l’occasion
pour chacun et chacune de se présenter, d’exprimer ses attentes personnelles vis-à-vis de l’initiative. Parmi ces attentes, émerge clairement en priorité le besoin de formation continue pour les bénévoles quant au décryptage de l’actualité et au développement d’argumentaires ciblés. En matière d’actions, faire pression politiquement au niveau local bruxellois, oser pousser nos opérations d’interpellation un peu plus loin mais aussi occuper davantage l’espace public pour atteindre un public le plus diversifié possible sont les pistes qui ont été privilégiées. Impulser la création de partenariats économiques et symboliques entre la Palestine et la Belgique a également été évoqué. Enfin, il n’est pas possible d’ignorer l’actualité brûlante du TTIP ou la problématique des politiques migratoires belges et européennes. D’une part, cela nous ramène inexorablement à la campagne BDS qui met en avant depuis longtemps la question de l’éthique dans l’économie. De plus, il n’existe pas de politique sécuritaire et superficielle qui pourrait aider à long terme les réfugiés, y compris les réfugiés palestiniens. Leur sort dépend du règlement de la situation à la source de leur exil. Il y a donc de grandes chances que nous prenions part à ces problématiques d’actualité et que nous nous solidarisions avec leurs victimes. Un autre enjeu de l’ABP Bruxelles consiste aussi à tirer un meilleur parti des spécificités de la ville de Bruxelles avec les institutions européennes et internationales qu’elle abrite et avec tout le réseau des associations déjà existantes avec lequel elle peut envisager des collaborations. La prochaine réunion se tiendra dans les deux semaines. Par la suite, la régionale se réunira une fois par mois, en prévoyant entre-temps des rencontres des groupes de travail. La régionale est ouverte, si vous êtes intéressé-e-s à rejoindre sa dynamique, n’hésitez pas à nous joindre via notre adresse mail : bruxelles@abp-wb.be.
palestine 15 ÉCHO DES RÉGIONS
Dorénavant, dans chaque numéro, l’ABP mettra une de ses régionales à l’honneur. C’est l’ABP de Wallonie picarde (WaPi) qui inaugure cette nouvelle chronique.
L’ASSOCIATION BELGO-PALESTINIENNE
de Wallonie picarde par Élise Depauw, coordinatrice
L’Association belgo-palestinienne de Wallonie picarde est née de la volonté commune de deux mouvements d’éducation permanente : le MOC (Mouvement Ouvrier Chrétien) et le PAC (Présence et Action culturelles) qui s’en partagent la présidence. Elle s’appuie sur une mobilisation de proximité à travers deux locales à Mouscron et à Comines. Notre raison d’être : la libération du peuple palestinien fondée sur la reconnaissance de son État dans les limites de la Ligne verte, de Jérusalem-Est comme capitale et du droit au retour des réfugiés et par conséquent, de la fin de l’occupation, la colonisation, l’enfermement, l’immobilisation et l’isolement territorial.
AU CŒUR DE NOTRE ACTION, LA SENSIBILISATION Impossible de rater la Plateforme mouscronnoise pour la Palestine au sein du Village associatif des 24 Heures en course libre de Mouscron, ces 26 et 27 septembre dernier, avec le Mur de l’apartheid de 4 mètres sur 15 installé juste en face du bar des bières spéciales, lieu stratégique de sensibilisation. Pas amateur de bières ? Pas grave, la Palestine était visible sur l’ensemble du site avec les 24 tags (1 chaque heure) Visitez la Palestine avant qu’elle ne disparaisse. Enfin, de nombreux échanges passionnants autour d’assiettes de TAPAleStiniens ont permis à la campagne Boycott de faire son chemin : les Mouscronnois ont désormais la patate locale et SodaStream n’excite plus personne ! La Plateforme ne va pas s’arrêter là, elle enfoncera plus loin le clou le dimanche 22 novembre en participant au festival du Film Alter Docu avec la présentation de Jaffa, la mécanique de l’orange. Israël occupe la Palestine, on reste verts de rage, on boycotte les oranges Jaffa !
METTRE LA PALESTINE À L’AGENDA AU QUOTIDIEN Devant l’impasse actuelle, face à des politiques de plus en plus arrogants en Israël, soutenus malheureusement par des populations qui se reconnaissent en eux, la rencontre est nécessaire avec des acteurs politiques et de la société civile qui osent croire au dialogue plutôt qu’à l’unilatéralisme, qui osent prétendre que le droit et la justice doivent l’emporter sur l’arbitraire. Soutenir en Israël, en
Palestine, des hommes et des femmes qui ont choisi la résistance par la tolérance et la culture, par la prise de position et l’expression libres, par le courage de s’opposer même à une majorité, c’est opter pour la justice et l’espoir. Afin de faire connaitre la Palestine dans ses activités de tous les jours, l’ABP WaPi propose depuis plusieurs années maintenant la Quinzaine du livre palestinien : d’abord à Mouscron, Comines et Estaimpuis puis à Tournai et demain à Ath. Cette démarche fédère les centres de lecture publique et les centres culturels avec des mouvements d’éducation permanente autour de la vitalité de l’expression culturelle palestinienne.
PROGRAMME DE LA QUINZAINE DU LIVRE PALESTINIEN Ath du 13 au 27 novembre 2015 : sensibilisation, présentation, et découverte de la culture palestinienne 13/11 à 18 h00 – Soirée d’inauguration à la Bibliothèque Jean de La Fontaine, boulevard du Château, 16 à Ath. Présentation des livres disponibles à la bibliothèque d’Ath et introduction à la littérature palestinienne par Mohammed Aldirawi, auteur palestinien. Résistance, histoire et culture d’un peuple par Christian Cannuyer, professeur à la faculté de théologie de l’université catholique de Lille et président de la Société belge d’études orientales. Mise en perspective par Serge Hustache, co-président de l’ABP WaPi. 26/11 à 20h00 – Soirée ciné-débat au cinéma L’Ecran, rue du Gouvernement, à Ath. Projection du film The Wanted 18 (les 18 fugitives) d’Amer Shomali et de Paul Cowa. La projection sera suivie d’un échange avec le public animé par l’Association belgo-palestinienne de Wallonie picarde. 13 au 27/11 – Expositions à la bibliothèque : – Palestine. Nous sommes toujours là. De 1947 à nos jours : repères historiques de 1947 à nos jours, l’occupation, le Mur de l’apartheid, un peuple en résistance. – Hommage à Naji Al-Ali et son Handala : découverte des caricatures de Naji-Al Ali qui expriment la lutte et la résistance à l’occupation israélienne. En salle de lecture. Contact : Wapi@abp-wb.be
palestine 16 EN BELGIQUE
Un parti pris inacceptable
LE CONFLIT SELON DEUX MANUELS SCOLAIRES par Michel Staszewski professeur d’histoire dans le secondaire, formateur de professeurs d’histoire, collaborateur scientifique du service des sciences de l’éducation de l’ULB
[Morceaux choisis*] Dans une analyse critique de deux manuels scolaires belges, FuturHist 6e pour l’enseignement officiel (public) et Construire l’histoire, tome 4 pour l’enseignement catholique, Michel Staszewski dénonce le parti pris des auteurs sur le conflit israélo-palestinien. Le Palestine reprend ici quelques-uns de ses développements mais la lecture de l’analyse dans son intégralité est vivement recommandée. 1945-1949 Voici ce que les auteurs écrivent concernant ce qui s’est passé en Palestine entre la fin de la Seconde Guerre mondiale et 1949: «Après 1945, la Grande-Bretagne décide de renoncer à son mandat. L’ONU propose alors un plan de partage de la Palestine, que les Palestiniens rejettent. Pourtant l’indépendance de l’État d’Israël est proclamée le 14 mai 1948. Immédiatement les armées égyptienne, transjordanienne, syrienne, libanaise et irakienne interviennent militairement aux côtés des Palestiniens. C’est la première guerre israélo-arabe. Elle se termine en faveur d’Israël qui agrandit le territoire concédé par le plan de partage. Les Palestiniens quittent massivement le pays». C’est pour le moins laconique… et obscur. Pourquoi le RoyaumeUni a-t-il renoncé à son mandat ? Que contenait le plan de partage ? Pourquoi les Palestiniens l’ont-ils rejeté ? Les dirigeants sionistes l’ont-ils accepté ? Qui a proclamé l’indépendance de l’État d’Israël le 14 mai 1948 ? Dans quel contexte historique ? Cette période-clé et particulièrement dramatique du conflit méritait à coup sûr un développement plus important susceptible de faire comprendre les raisons de l’opposition irréductible entre les aspirations des Palestiniens et celles des Juifs sionistes. D’autant plus que les évènements de cette période sont abondamment documentés. (…)
LE DESTIN DES « ACCORDS D’OSLO » Il n’est pas mentionné que ces accords, signés en 1993, devaient déboucher sur une paix définitive cinq ans plus tard. Les auteurs affirment sans aucune autre précision que « les engagements pris à Oslo ne sont pas entièrement respectés ». Ils attribuent le blocage du « processus de paix » à « la montée des partis radicaux dans les deux camps » (sans aucune précision sur ce qu’on entend par là ni sur ce qui pourrait avoir causé cette « montée des partis radicaux ») ; à « la complexité de certaines questions comme le retour des réfugiés palestiniens » (aucune explication n’est donnée quant à cette supposée complexité) ; à « la poursuite de la colonisation israélienne en Cisjordanie », ce point n’intervenant qu’en troisième position. Au-
cune information n’est donnée sur l’ampleur de cette colonisation, sur ses conséquences pour la vie quotidienne des Palestiniens, ni à propos de la responsabilité des gouvernements israéliens successifs dans cette affaire. De quoi laisser croire aux lecteurs que la colonisation de la Cisjordanie n’a été que l’affaire de « partis radicaux », en particulier religieux et que les gouvernements israéliens successifs ont fait tout ce qu’ils ont pu pour la limiter. (…) Outre le fait qu’il n’est pas vrai que la majorité des centaines de milliers de colons sont «orthodoxes ou ultra-orthodoxes» malgré «leur croissance démographique largement supérieure à celle d’Israël » (tiens, un autre « péril démographique »), les travaux des historiens ont démontré à quel point, depuis 1967, tous les gouvernements israéliens ont été activement impliqués dans cette colonisation. Et plus de dix ans après l’intervention musclée dont témoigne la photo, la colonie « non autorisée » d’Yitzhar existe toujours et continue à se développer.
LA « BARRIÈRE DE SÉCURITÉ » Dans le paragraphe introductif au dossier documentaire il est fait mention, entre guillemets, d’une «clôture de sécurité», sans mentionner qu’il s’agit d’une appellation utilisée par les officiels israéliens. (…) La phrase suivante donne un bilan officiel israélien qui tend à démontrer le bien-fondé de l’édification de cette «barrière de sécurité»: « Selon un rapport du ministère des Affaires étrangères israélien, ce mur serait efficace, puisque le nombre d’attentats-suicides serait passé de 60 en 2002 à 5 en 2006 ». Nulle trace, ni d’un point de vue critique sur cette « analyse », ni même du fait que cette barrière a été érigée dans les territoires occupés et non en territoire israélien et que sa construction a, pour cette raison, été condamnée en octobre 2003 par une résolution de l’Assemblée générale de l’O.N.U. par 144 voix pour et 4 contre ; que, constatant que les dirigeants israéliens ne tenaient aucun compte de cette résolution, l’Assemblée générale a saisi la Cour internationale de justice de la Haye; que, dans son ju-
T’y comprends quelques chose, toi ?
gement, celle-ci a exigé le démantèlement de cette «barrière» et que ce jugement a été appuyé par une nouvelle résolution de l’Assemblée générale de l’O.N.U. votée massivement le 20 juillet 2004. (…)
LE HAMAS On ne trouve dans ce manuel qu’un seul texte émanant d’une source palestinienne. Il s’agit d’extraits de la Charte du Hamas, datant de 1988. Il n’est accompagné d’aucun commentaire susceptible de le replacer dans son contexte historique (naissance du Hamas alors qu’éclatait ce qu’on appellera la « première Intifada »). Ce texte dont personne ne niera qu’il contient des passages virulemment antisémites, même s’il n’a pas été officiellement renié par les dirigeants actuels de ce mouvement, est largement obsolète si on en juge par d’importantes prises de position politiques ultérieures du Hamas telles que son programme électoral (2005), son projet de « programme de gouvernement d’union nationale » (mars 2006) et la plateforme gouvernementale présentée par le Premier ministre Ismaïl Haniyeh au nouveau parlement le 27 mars 2006. Dans ces deux derniers textes, rédigés après la surprenante et nette victoire électorale du Hamas aux élections législatives palestiniennes de janvier 2006, il apparait clairement que le Hamas était prêt à accepter une « trêve de longue durée » en cas de création d’un État palestinien sur les territoires palestiniens conquis par Israël en 1967. En 2010, Khaled Mechaal, le leader du Hamas, déclarait d’ailleurs que la Charte est « un document historique qui n’est plus pertinent mais qui ne peut pas être changé pour des raisons internes ». Le choix de ce seul document d’origine palestinienne, présenté sans mise en contexte, n’est évidemment pas innocent : il permet de diaboliser le Hamas (et indirectement les nombreux électeurs palestiniens qui ont voté pour ses candidats en janvier 2006), de continuer à suggérer qu’il s’agit d’un « mouvement terroriste » avec lequel aucun dialogue n’est possible et de lui attribuer une responsabilité majeure dans le « blocage du processus de paix ». Dans le document qui suit dans Construire l’Histoire, le Hamas et le Djihad islamique sont présentés comme les principaux obstacles à un règlement négocié du conflit, pourtant souhaité par le Président de l’Autorité palestinienne, Mahmoud Abbas.
POUR CONCLURE L’analyse détaillée qui précède prouve à suffisance, me semble-t-il, le manque de rigueur intellectuelle et la partialité des auteurs
Mais oui ! Ils disent que tout est de la faute des Palestiniens.
des pages consacrées au conflit israélo-palestinien dans ces deux manuels scolaires. Mais de quel parti pris s’agit-il exactement ? Les mots « sionisme » et « sioniste » sont complètement absents. Sous couvert d’une présentation objective des évènements par les auteurs et à travers un choix de documents qui pourrait paraître à première vue «équilibré» (parce que des avis divergents s’y côtoient), c’est pourtant un point de vue clairement sioniste qui se manifeste. En voici la preuve. Le fait de considérer l’ensemble des Juifs du monde, y compris ceux qui étaient établis en Palestine avant le début de l’arrivée des sionistes, comme faisant partie d’un même peuple, unanimement désireux de créer un État juif en Palestine (voir ci-avant « Qui a fondé l’État d’Israël ? ») relève sans aucun doute d’une conception sioniste selon laquelle le sionisme serait le « mouvement de libération nationale du peuple juif ». Il en est de même de l’obsession démographique dont il a été question dans le paragraphe que j’ai intitulé « le péril démographique » : convaincus que l’antisémitisme ne peut être éradiqué, les sionistes pensent que le meilleur moyen de s’en préserver efficacement est la création d’un État-refuge destiné à accueillir tous les Juifs du monde qui le souhaiteraient, et tout particulièrement ceux qui seraient victimes de persécutions antisémites. Pour ceux des sionistes qui se veulent démocrates (c’est le cas de la majorité d’entre eux), pour que soit préservé le « caractère juif » de cet État, il faut à tout prix que les Juifs y restent majoritaires. Cette peur de l’Autre, qui débouche sur la volonté de s’en séparer, leur a fait accepter et même défendre la construction de la « barrière de sécurité » considérée comme un moyen efficace « d’empêcher les infiltrations palestiniennes » ; ce que le texte des auteurs avalise sans aucun recul, comme on l’a vu. (…) Ce point de vue d’un sioniste « de gauche » semble bien partagé par les auteurs de nos deux manuels puisque dans leurs textes, ils décrivent la multiplication des colonies juives en Cisjordanie, qu’ils attribuent aux « partis radicaux » et, en particulier, aux colons « orthodoxes » ou « ultra-orthodoxes », comme le principal obstacle à la paix. (…) * Cet article se trouve dans son intégralité sur le site de l’ABP. Voir sur http://bit.ly/1GhBe6C où vous pouvez également consulter l’ensemble des notes de bas de page.
palestine 18 ARMEMENT
Armée
COMMERCE DES ARMES ET POLITIQUE par Marianne Blume
Le ministre de la Défense a proposé le général de réserve, Gal Hirsch, au poste de chef de la Police israélienne. Avec l’approbation bruyante de Netanyahou. Cette désignation a soulevé une controverse qui lève un pan du voile sur le commerce des armes en Israël.
UN GÉNÉRAL RECONVERTI Le pedigree de Gal Hirsch est impressionnant : de l’attaque contre la Cisjordanie (Bouclier défensif) en 2002 qu’il a lui-même conçue, planifiée et dirigée à la 2e guerre du Liban (2006), de son rôle dans le Depth Corps, où il est responsable des forces spéciales en territoire ennemi (2012) en passant par les routes de contournement de l’apartheid et son soutien au commandant de brigade Israel Shomer, qui a tiré sur et tué un Palestinien sans que sa vie ait été en danger, il représente ce que l’armée israélienne appelle « un bon soldat ». Et comme tout bon militaire, une fois mis sur la touche, il s’est reconverti dans la sécurité et le commerce des armes. Avec fierté sans doute, il a baptisé sa société Defensive Shield (Bouclier défensif). C’est là que son étoile va pâlir.
LE FBI S’EN MÊLE La société de Gal Hirsch, qui a reçu un permis d’exportation du ministère de la Défense, se définit comme fournisseur de solutions stratégiques, opérationnelles et tactiques pour la sécurité et les secteurs de la sécurité intérieure et de défense du monde entier. Elle a des représentants en Europe, en Australie et en Amérique latine. Des liens sont avérés aussi avec le Congo et des entraînements ont été conduits en Asie centrale. Or, à peine est-il désigné que le FBI publie un rapport d’enquête à son sujet, dont apparemment le ministre de la Défense n’avait pas connaissance. La société de Hirsch fait l’objet d’une enquête pour corruption de fonctionnaires étrangers et blanchiment d’argent, à la suite de transactions effectuées en 2008 en Géorgie et au Kazakhstan. Au final, vu l’enquête en cours et les récriminations de la police qui voyait d’un mauvais œil l’arrivée d’un militaire dans ses rangs, Gal Hirsch ne sera pas nommé chef de la Police.
ARMÉE, MARCHANDS D’ARMES, SOCIÉTÉS DE SÉCURITÉ ET MONDE POLITIQUE Cette anecdote est révélatrice de la puissance de l’armée. Non seulement la majorité des militaires de haut rang ont été ou sont ministres voire Premiers ministres (Rabin, Barak) mais encore la plupart d’entre eux se recyclent dans le commerce des armes et la sécurité (voir dans ce bulletin la revue des films p. 23 « The Lab »). Ils ont en effet acquis sur le terrain les compétences requises et ont en plus des contacts privilégiés dans les milieux politiques. Les sociétés comme celle de Gal Hirsch recrutent habituellement des officiers et militaires du rang des unités d’élite à la veille de leur démobilisation, leur offrant des emplois à l’étranger comme instructeurs, avec des salaires de plusieurs milliers de dollars par mois. En dehors des firmes d’État comme Rafael, il y a en Israël plus de 1000 compagnies et plus de 300 individus autorisés à vendre des armes avec l’accord du ministère de la Défense. Or le staff de l’Agence de contrôle de l’exportation des armes est lui-même composé d’anciens officiers de l’armée, d’employés du ministère de la Défense ou d’ex-politiciens si bien que les intérêts de la corporation sont bien gardés. Le ministère de la Défense dénombre jusqu’à 160 violations des règles imposées à l’exportation. Néanmoins, les amendes encourues sont minimes, il n’y a pas de sanctions pénales et les permis ne sont pas retirés (Ayelett SHANI, Israel would be embarassed if it were known it’s selling arms to these countries, Haaretz, 7 août 2015). D’après le spécialiste interviewé dans le Haaretz, même quand un pays est soumis à un embargo sur les armes, un général ou un politicien retraité se rend dans ce pays et promet d’arranger le contrat d’armement avec une firme privée grâce à ses relations.
Amérique du Nord
724
millions
937
Europe
millions
2.96 milliards
Asie & Pacifique
Amérique du Sud
716
millions
318
millions
Afrique
VALEUR DES EXPORTATIONS D’ARMES D’ISRAËL EN 2014, EN $, PAR DESTINATION. TOTAL : 5,6 MILLIARDS DE $ Source Haaretz
COPINAGE ET CORRUPTION Alors que l’Autorité palestinienne est sans cesse accusée de corruption, celle-ci se porte plutôt bien dans le monde politique et économique israélien (voir Olmert, Arieh Deri, Netanhayou, Sharon et bien d’autres). Et, d’après Amos Harel (A rare look into the dark world of Israeli arms traders, Haaretz, 2 sept. 2015), elle est monnaie courante dans le domaine de la vente d’armes. Les marchands et intermédiaires arguent que, pour avoir des autorisations dans le tiers monde, il faut toujours graisser la patte aux officiels. Aussi, de peur d’être accusées de corruption, la plupart des compagnies emploient-elles des intermédiaires qui font le sale travail à leur place. Comme Israël est le 5e exportateur d’armes mondial, que les acteurs dans ce domaine sont des industries étatiques (Rafael, Israel Military Industries et Israel Aerospace Industries), la société Elbit liée à l’État et des hommes d’affaires avec un passé militaire notoire et si l’on considère le montant des bénéfices, on comprend pourquoi les autorités israéliennes laissent courir. Finalement, le monde politique et le monde des affaires, tous deux liés à l’armée, pratiquent copinage et corruption.
UN TRANSFERT DE COMPÉTENCES La société de Gal Hirsch n’est pas unique en son genre mais peut servir d’exemple pour illustrer le transfert de l’armement, des doctrines de combat, de l’entraînement de milices et des techniques de contrôle des populations. Il est de notoriété publique qu’Israël arme par exemple l’Azerbaïdjan, le Soudan du Sud et le Rwanda, qu’il entraîne des gardes présidentielles en Afrique ou des milices voire des polices en Amérique du Sud. Des intermédiaires israéliens se chargent aussi d’acheter des armes pour le compte de pays sous embargo, comme le Nigéria. La plupart de ces pays font confiance au savoir-faire d’Israël tiré de son expérience de l’administration des territoires occupés et de la lutte contre les organisations palestiniennes. L’opération Plomb durci a boosté la vente de
l’armement israélien, vanté comme ayant directement fait ses preuves sur le terrain. Le général de réserve Yoav Galant (actuel ministre du Logement) déclarait cyniquement devant l’afflux d’étrangers venus acheter des armes et se former aux stratégies de combat : « Ils sont venus pour voir comment nous transformons le sang en argent ». Très clairement, les marchands d’armes et les théoriciens des stratégies de combat ne font qu’un avec l’État d’Israël. À titre d’exemple, au Soudan du Sud, Israël a vendu des armes durant la guerre civile, il entraîne les forces soudanaises sur le terrain et en Israël, de même qu’il coopère avec les services secrets locaux (Ayelett SHANI, Israel would be embarassed if it were known it’s selling arms to these countries, Haaretz, 7 août 2015). Que l’entreprise de Gal Hirsch ait donc opéré en Géorgie et au Kazakhstan et soit accusée de blanchiment d’argent et de corruption n’a rien d’étonnant : business as usual.
LE CHOIX DU CANDIDAT Que dit alors le choix du général Gal Hirsch comme candidat au poste de chef de la Police ? Il est clair qu’en dehors d’une réorganisation de la police, éclaboussée par de nombreux scandales, le but est d’en entreprendre la militarisation. Du point de vue des Palestiniens, on peut voir dans cette désignation (avortée) d’un militaire à la tête de la police la volonté politique de renforcer encore plus le contrôle sur les Palestiniens, que ce soit en Israël ou en Cisjordanie. On sait en effet qu’en Cisjordanie occupée, la police seconde l’armée qui, elle-même, fait la police.
palestine 20 POINT JURIDIQUE
LA POLITIQUE DE COLONISATION
La Cour suprême israélienne vient de donner son blanc-seing à l’application de la loi sur la propriété des absents pour Jérusalem-Est. Retour sur une décision qui ne sera pas sans conséquences.
renforcée par la Cour suprême par Karim Sheikh Hassan avocat au barreau de Bruxelles
Adoptée en 1950, la loi sur la propriété des absents autorise l’État israélien à s’approprier des biens détenus par des Palestiniens considérés comme «absents». Est considéré comme tel tout Palestinien propriétaire d’un bien situé aujourd’hui en Israël mais qui réside soit dans un pays «hostile» à Israël soit dans le territoire de la «terre d’Israël» qui n’est pas contrôlé par l’État hébreu (Cisjordanie et Gaza).
UNE LOI CONTROVERSÉE L’applicabilité de cette loi à Jérusalem-Est a toujours fait l’objet de vives controverses et a connu un certain nombre de rebondissements. Ainsi, au lendemain de la guerre des Six-jours, l’annexion de Jérusalem-Est et l’extension du territoire sous contrôle israélien ont été préjudiciables à un grand nombre de Palestiniens soudainement considérés comme « propriétaires absents ». Les nouvelles limites de Jérusalem tracées par Israël ont permis à l’État hébreu d’exproprier un grand nombre de personnes résidant dans les faubourgs de Jérusalem et détenant une propriété dans ce qui était subitement devenu territoire israélien. Néanmoins, dès 1968, devant le nombre sans cesse croissant de contestations, il fut mis fin à l’application de cette loi. Cependant, celle-ci étant un instrument de colonisation, elle avait de ce fait la faveur de la droite israélienne. Elle fut donc réappliquée en 1977 par le Likoud puis réactivée en 2004 par Ariel Sharon après la nouvelle interruption temporaire dont elle avait fait l’objet en 1992 à l’initiative d’Yitzhak Rabin. Après sa réactivation et dans un premier temps, le maintien de l’application de la loi a fait l’objet de réticences dans la doctrine et la jurisprudence israéliennes. Ainsi, en 2005, le procureur général, aujourd’hui juge auprès de la Cour suprême, Menachem Mazuz, écrivait : « la mise en œuvre des pouvoirs du Gardien des Biens des Absents à des biens immobiliers situés à Jérusalem-Est soulève de nombreuses difficultés juridiques graves concernant l’application de la loi et concernant les obligations de l’État d’Israël envers les principes traditionnels du droit international ». S’inscrivant dans la continuité de cet avis, le juge de district de Jérusalem a ordonné de ne pas appliquer la loi à Jérusalem-Est. Néanmoins, à la suite de cette décision, le gouvernement a interjeté appel avant qu’en 2013, le procureur général, Yehuda Weinstein, ne se prononce dans un arrêt stipulant que la
loi devait continuer à être appliquée aux maisons palestiniennes à Jérusalem-Est.
LA COUR SUPRÊME ISRAÉLIENNE VIENT DE TRANCHER C’est dans ce contexte que l’arrêt de la Cour suprême de ce 16 avril 2015 était attendu. Il devait trancher définitivement le débat quant à l’applicabilité de la loi. L’arrêt a malheureusement approuvé son application, ce qui a pour effet immédiat de permettre à l’État israélien de réquisitionner des maisons dont les propriétaires résideraient à Gaza ou en Cisjordanie. Pourtant, la Cour souligne l’absurdité d’une telle législation qui, si elle est lue de manière littérale, pourrait même justifier la réquisition d’un immeuble appartenant à un soldat israélien servant dans le territoire palestinien ou dans un territoire ennemi. La Cour a également souligné les problèmes que pose la loi face aux principes généraux de droit international. Elle a enfin conseillé d’en user de manière exceptionnelle et de requérir au préalable l’accord explicite du procureur général. Malgré ces réserves, la Cour maintient ainsi l’application d’une loi que le Centre légal pour les droits de la minorité arabe en Israël (Adalah) qualifie d’« une des lois les plus racistes et arbitraires jamais édictées en Israël ». À n’en pas douter, cette décision aura de fortes répercussions chez les colons israéliens et les groupes d’extrême-droite israélienne cherchant à renforcer leur présence à Jérusalem-Est et qui n’hésiteront pas à exiger l’expropriation de Palestiniens qui résident en Cisjordanie. Cet arrêt est d’autant plus alarmant qu’il intervient au lendemain d’un autre arrêt extrêmement controversé lui aussi. Ce dernier approuve la loi sanctionnant pénalement tout appel au boycott de produits fabriqués en Israël, colonies comprises. Il devient aujourd’hui évident que la Cour, en prenant une telle décision, adopte une position politique très inquiétante dans la mesure où elle conforte la politique de colonisation forcenée qui est devenue une des marques de fabrique des différents gouvernements Netanyahou. Et les espoirs de voir enfin le pouvoir judiciaire israélien pleinement jouer son rôle de gardien du respect des principes fondamentaux du droit international face au caractère éminemment problématique de certaines normes israéliennes s’amenuisent encore un peu plus.
palestine 21 NEWS DU BDS
News du BDS
par Simon Moutquin
Depuis l’arrivée au pouvoir du gouvernement israélien d’extrême droite débridée, les négociations sont au point mort. Si les puissances internationales, dont l’Union européenne, abandonnent les Palestiniens à leur sort, le mouvement BDS poursuit son chemin et des victoires importantes continuent à nourrir l’espoir de freiner les ambitions coloniales d’Israël.
Palestine
LA COLONISATION AVANCE, L’ÉCONOMIE ISRAÉLIENNE RECULE Si le boycott se propage à travers le monde de produit en produit, c’est bien dans les territoires palestiniens occupés qu’il a le plus d’impact. En effet, vu le contrôle des frontières extérieures palestiniennes et la mise en place de la taxe censée être reversée, Israël asphyxie l’économie palestinienne, mais surtout assure l’écoulement de ses marchandises dans le territoire occupé. Des marchandises israéliennes sont ainsi vendues chaque année aux Palestiniens pour un montant de 3,4 milliards de dollars US. Grâce à la campagne de boycott, initiée l’an passé en Palestine, la Banque mondiale estime les pertes pour l’économie israélienne à 24 %, soit des centaines de millions d’euros !
Belgique 160 ARTISTES BELGES REJOIGNENT LE BACBI L’appel BACBI, Belgian Academic & Cultural Boycott, continue de récolter de nouveaux soutiens importants. Après 600 académiciens, 160 artistes se joignent à l’appel, dont Marie-France Collard, réalisatrice, Philippe Dumoulin, directeur du Théâtre du Public, Fabrice Murgia, acteur, Michel Olyff, peintre et illustrateur, membre de l’Académie royale de Belgique, Henri Roanne-Rosenblatt, cinéaste, et Luc Schuiten, architecte et dessinateur. Ces artistes souhaitent ainsi « exprimer (leur) opposition à la politique d’occupation, de colonisation et d’apartheid du gouvernement israélien. Les institutions culturelles israéliennes constituent une composante essentielle de l’infrastructure idéologique et institutionnelle de la puissance d’occupation israélienne ».
Israël SHLOMO SAND REJOINT BDS ! L’écrivain israélien rejoint la campagne BDS. « Je ne crois pas qu’il y ait une autre politique pour résoudre ce conflit, qui est le plus long conflit de la modernité : 50 ans d’occupation !… » a-t-il déclaré lors d’un entretien avec Dominique Vidal. Shlomo Sand vient donc s’ajouter à la liste des Israéliens en faveur du boycott de leur propre pays. Bravo !
France
VEOLIA QUITTE ISRAËL Après Orange, c’est un autre groupe français qui annonce son retrait de projets commerciaux avec Israël. Veolia, impliqué dans la construction et la gestion du tramway entourant Jérusalem, y a liquidé toutes ses activités commerciales. La construction ferroviaire illégale, maintenue malgré le retrait de Veolia, a pour but d’ancrer le rêve israélien d’un « Jérusalem indivisible » en reliant le centre historique aux colonies de l’ouest de la Cisjordanie. Le coordinateur général du Comité national BDS palestinien (BNC), Mahmoud Nawajaa, se réjouit : « Le retrait d’Israël de Veolia sert d’exemple à toutes les entreprises qui sont complices des violations des Droits de l’Homme commises par Israël. C’est une victoire pour le mouvement BDS et tous nos partenaires d’autres mouvements pour les Droits de l’Homme qui ont aidé à faire pression sur l’entreprise. »
Islande
REYKJAVIK BOYCOTTE LES PRODUITS DES COLONIES Le 15 septembre 2015, le conseil communal de Reykjavik a voté le boycott des entreprises et des produits israéliens. Dès le lendemain, la réaction israélienne s’est montrée à la hauteur du ridicule attendu, en lançant un appel « aux Juifs de par le monde à ne plus aller marcher en Islande», en dénonçant un «volcan de haine antisémite» et en proférant les habituelles accusations à l’égard des militants BDS. Sous la pression, le conseil communal a modifié sa motion pour finalement la limiter aux produits des territoires occupés. Cela reste une importante avancée dans le développement institutionnel du boycott, favorisé en Islande par la prise en compte des questions environnementales et du respect du droit international dans les pratiques commerciales.
palestine 22 LIVRES / FILMS
GAZA UNSILENCED par Refaat Alareer et Laila El-Haddad, Éditeurs, Virginia : Just World Books, 2015 (en anglais)
livres
LES ARABES, LEUR DESTIN ET LE NÔTRE
HISTOIRE D’UNE LIBÉRATION par Jean-Pierre Filiu, Paris, Éditions La Découverte, 2015
Jean-Pierre Filiu est professeur d’histoire du Moyen-Orient contemporain à Sciences Po (Paris).
Comme toutes les crises dans la région, la guerre civile syrienne renvoie à l’histoire coloniale. J.-P. Filiu fait ici le récit de 200 ans de relations entre les puissances occidentales et les pays arabes. En premier, figure la trahison commise par les puissances mandataires au lendemain de la 1e Guerre mondiale, lorsque Britanniques et Français se sont partagé le Moyen-Orient (cf. les accords Sykes-Picot 1916) au lieu de donner l’indépendance promise. Cette « guerre pour les autres », conclue par une « paix sans les Arabes » en 1920, reste la grande blessure mémorielle qui nourrit aujourd’hui la haine de l’Occident de Daech. L’autre grande infamie, c’est la Déclaration Balfour de novembre 1917, qui promet au mouvement sioniste l’installation d’un foyer national juif en Palestine. Et puis, il y a la violence : Filiu rappelle comment ont été réprimés les soulèvements arabes de 1920 en Irak et de 1936 en Palestine. Dans un dernier chapitre, Filiu analyse les révolutions et les contre-révolutions arabes de ces dernières années dans lesquelles dictateurs et djihadistes sont indissociables. L’historien fait le pari que les dictatures comme le totalitarisme de Daech finiront par tomber, si les populations qui les combattent sont aidées. C’est aussi notre combat. C.S.
Refaat Alareer est écrivain et éducateur. Laila El-Haddad est journaliste. Elle est correspondante d’Al Jazeera English à Gaza de 2003 à 2007. Elle travaille régulièrement pour la BBC et The Guardian. L’assaut israélien de l’été 2014 contre Gaza et ses effets dévastateurs sur la population gazaouie, depuis longtemps sous blocus, ont suscité de nombreux témoignages: des voix se sont levées de l’intérieur et de l’extérieur de Gaza. Des éditeurs/auteurs palestiniens ont rassemblé des réflexions, des analyses et des images – les leurs et celles d’autres auteurs – qui rendent compte de la souffrance et de la résilience des Palestiniens de Gaza mais aussi de la solidarité témoignée par des Palestiniens et d’autres amis du monde entier. Ont contribué, entre autres, Ali Abunimah, Ramzi Baroud, Diana Buttu, Jonathan Cook, Richard Falk et Rashid Khalidi. On ne peut qu’être ému devant la belle photo de couverture, faite par Mohammed Asad, d’une adolescente, le visage couvert de blessures et essayant d’ébaucher un sourire. Une particularité: les noms des morts y sont cités – la liste s’en étend sur 20 pages. C.S.
PALESTINE : LA CASE PRISON
films
Documentaire réalisé par Franck Salomé et produit par la Plateforme des ONG françaises pour la Palestine, à l’initiative de son groupe de travail Droits de l’Homme et avec le soutien d’Amnesty International, DVD, 2014, 15 euros (particuliers)
THE LAB
Documentaire réalisé par le journaliste israélien Yotam Feldman, 2013. Peut-être visionné sur youtube et dailymotion Ce documentaire excellent montre comment Israël teste ses armes sur la population palestinienne et se sert de ces essais comme argument de vente dans les salons d’armement. Le journaliste interviewe des fabricants d’armes, visite un salon de vente d’armes, va dans un camp d’entraînement et montre l’implication directe d’anciens militaires dans ce commerce. On peut y voir la reconstitution d’une ville palestinienne et les méthodes de contrôle de la population ainsi que des membres d’armées étrangères venus « apprendre » les techniques israéliennes de la guerre urbaine. On y apprend également qu’Ehoud Barak, ancien ministre de la Défense, devint ministre de l’Industrie et fut donc directement impliqué dans le commerce des armes : il explique au journaliste que la demande internationale est grande parce que les armes israéliennes sont testées sur le terrain et que cela rapporte des milliards à l’État d’Israël. Le journaliste se fait évidemment expulser du salon. Il poursuit alors son enquête dans les milieux de la consultance. On voit un consultant recevoir chez lui généraux, ministres et ambassadeurs étrangers. Le documentaire est sidérant : on passe de l’enthousiasme d’un stratège de la guerre urbaine à une présentation très féminine au salon de l’armement; du festin organisé par le consultant à la jubilation d’un instructeur qui explique comment on tire d’abord dans la tête du «terroriste», puis dans sa poitrine; du professeur à l’Université de Tel Aviv (général lui aussi) qui, à l’aide de formules mathématiques, soutient finalement les assassinats extra-légaux à cet Israélien qui entraîne les forces spéciales au Brésil sans état d’âme. M.B.
Le film est très pédagogique tout en étant très bien documenté. Traitant de la situation des prisonniers politiques et d’opinion palestiniens au regard du droit international, il aborde plusieurs aspects du problème: les arrestations, la torture et les mauvais traitements, les conditions de vie dans les prisons, la détention administrative et le cas particulier des mineurs arrêtés et emprisonnés. La Plateforme des ONG françaises le décrit comme suit : « À travers des interviews d’anciens détenus et de leurs familles, ainsi que de juristes palestiniens, israéliens et internationaux et d’anciens soldats israéliens, le documentaire montre l’utilisation systématique par l’armée israélienne de la prison comme arme de répression contre la lutte des Palestiniens pour leurs droits et pour la création d’un État palestinien viable et indépendant. Les Palestiniens emprisonnés le sont pour des motifs politiques. » Le film peut être commandé via Internet à l’adresse suivante : http://bit.ly/1ODwZFp. M.B.
éditeur responsable Pierre Galand – rue Stévin 115 à 1000 Bruxelles
ABP
5 7 19 015 2
15 h – PAROLES DE MILITANTS Pierre Galand, Jack Houssa, Marianne Blume, Renée Mousset, Nathalie Janne d’Othée, …
17 h – VIVRE SOUS OCCUPATION Sahar Francis avocate, directrice de l’ONG Addameer Les prisonniers politiques palestiniens
Samah Jabr psychiatre, directrice du centre communautaire de santé mentale Conséquences de la vie sous occupation sur la santé mentale Sireen Khudairi coordinatrice de la Jordan Valley Solidarity Campaign Naitre, grandir, vivre, militer dans la vallée du Jourdain 19h – UN NOUVEL AMBASSADEUR POUR LA PALESTINE Rencontre avec Monsieur Abdel Rahim Al Fara 21 h – CONCERT Aehem el Ahmad, le pianiste de Yarmouk
+ EXPOSITIONS du talentueux photographe de Gaza Mahmoud Al-kurd et de l’ABP (40 ans aux côtés du peuple palestinien) Boire, manger, festoyer, … et stands associatifs
40 anslidarité de so le peuple avec stinien paleedi
015 2 sam e r b m e v o n 28 22 h > 14 h 30 e LaVallélphe Lavallée
Ado 39 rue ek olenbe ng 1080 M / parki 56 e t i u t gra 223 07 e 2 é 0 r t – n .be e e nienne p-wb.b i t b s a e l @ a o inf tion-p ssocia www.a