palestine
Belgique/België P.P. Bruxelles X 1/1624
BULLETIN DE L’ASSOCIATION BELGO-PALESTINIENNE / WALLONIE-BRUXELLES ASBL TRIMESTRIEL N°61 – JUILLET/AOÛT/SEPTEMBRE 2014 – DÉPÔT BRUXELLES X – AGRÉATION P401130
SOMMAIRE DOSSIER SPÉCIAL GAZA > 3-23 Lettre de Nurit Peled-Elhanan > 14 Exigences palestiniennes > 18 Nouvelles de l’ABP > 24 Produits à boycotter > 25
© Anne Paq/Activestills
Des femmes palestiniennes pleurent aux funérailles des trois enfants de la famille Shuhaibar, tués peu auparavant le 17 juillet dans un raid aérien israélien dans le quartier de Sabra à Gaza. Parmi les trois enfants tués, il y avait deux frères : Jihad Issam Shuhaibar (8 ans) et Wasim Issam Shuhaibar (7 ans) ainsi que leur cousine Afnán Tariq Shuhaibar (10 ans). Les frappes aériennes ont repris immédiatement après la fin d'un cessez-le-feu humanitaire de cinq heures conclu entre le Hamas et Israël.
L’offensive israélienne Barrière protectrice a provoqué la mort de plus de 500 enfants.
palestine 02 ÉDITO
Israël
A PERDU SUR TOUS LES FRONTS par Pierre Galand, Président
Une fois de plus, le gouvernement israélien a lancé son armée contre le peuple de Palestine à Gaza. Avec cynisme et sans retenue aucune, l’armée a ciblé les civils afin de les punir pour leur résistance contre le blocus imposé par Israël sans réaction efficace des Nations Unies. Les chancelleries occidentales ont unanimement soutenu l’argument de la « légitime défense » avancé par l’agresseur. Le président américain, quant à lui, n’a pas hésité à livrer les munitions assassines. Sans l’intervention de plusieurs journalistes courageux, le drame vécu par les Gazaouis aurait subi en outre le poids des mensonges diffusés par la propagande israélienne. Grâce aux appels téléphoniques, aux SMS, aux e-mails lancés par la population, par quelques ONG et des Israéliens courageux, la mobilisation des opinions publiques et de la solidarité internationale a été immédiate. Aujourd’hui, Israël a perdu sur quatre fronts. Le premier, celui de la légitimité. Israël apparaît désormais comme un État hors-la-loi, « a rogue state », qui viole l’ensemble des résolutions des Nations Unies mais également les règles du droit international et du droit humanitaire. Le second, le front militaire. Cet État vient d’essuyer une défaite manifeste face à la résistance palestinienne. Le troisième, celui de l’opinion publique internationale. Israël a provoqué au sein même de sa propre population et parmi les Juifs dans le monde entier un sentiment aigu d’écœurement devant la disproportion et la violence des moyens de répression utilisés à Gaza contre une population civile sans défense. Le quatrième, celui de la propagande. Même si celle-ci est puissante et très bien organisée, elle ne convainc plus grand monde, hormis ceux qui ne cesseront de manipuler cet État avec d’autres objectifs qui, loin de répondre à ses vrais besoins et de constituer une protection pour leur allié israélien, ne visent que leurs propres intérêts stratégiques dans la région. Pour le gouvernement Netanyahou, transformer Gaza en une prison à ciel ouvert pour plus de 1,8 million de Palestiniens ne constitue pas une punition collective suffisante. Il y a ajouté des actes d’une barbarie inqualifiable car proches du génocide et cela, sous les yeux du monde entier. Il s’agit d’un véritable massacre commis par des responsables politiques qui, tout comme nous, prétendent appartenir à une authentique démocratie. Une session extraordinaire du Tribunal Russell sur la Palestine va se réunir en urgence à Bruxelles ce 24 septembre. Sur la base de preuves et témoignages, on y requalifiera les crimes qui ont
été commis par l’armée la plus puissante du Proche-Orient. On y dénoncera les complicités de certains États en Amérique du Nord, en Europe et dans le monde arabe. La tâche du jury sera aussi d’identifier et d’inciter à entreprendre les démarches juridiques et politiques qui permettront de dénoncer et de poursuivre les coupables et leurs complices devant les instances internationales. Oui, aujourd’hui, beaucoup d’entre nous se sont mobilisés et ont accompli leur devoir de solidarité politique et humaine. Oui, aujourd’hui, le boycott est plus que jamais à l’ordre du jour car, comme ce fut hier le cas en Afrique du Sud pour les combattants sud-africains contre l’apartheid, il est et sera l’arme pacifique de la solidarité la plus efficace pour accompagner dans la dignité les combattants palestiniens contre l’agression, l’occupation, la colonisation et l’apartheid israéliens. Ils sont nombreux et héroïques, les combattants de la liberté en Palestine. Ils sont courageux ceux et celles qui, du côté israélien, dénoncent l’agression, la colonisation, la répression et les massacres. Ils vont dans le sens de l’histoire, tous ceux et toutes celles qui, dans le monde, ont compris et agissent pour que le droit du peuple palestinien à choisir lui-même son avenir et son État constitue un passage obligé pour une coexistence pacifique entre Israël et la Palestine.
palestine no 61
Comité de rédaction Marianne Blume, Ouardia Derriche, Nadia Farkh, Pierre Galand, Katarzyna Lemanska, Julien Masri, Christiane Schomblond, Gabrielle Lefèvre, Rabab Khairy, Hocine Ouazraf et Nathalie Janne d’Othée / Ont contribué Monique ChemillierGendreau et Olivier Corten / Relecture Ouardia Derriche Association belgo-palestinienne Wallonie-Bruxelles asbl Siège social rue Stévin 115 à 1000 Bruxelles Secrétariat quai du Commerce 9 à 1000 Bruxelles tél. 02 223 07 56 / fax 02 250 12 63 / abp.eccp@skynet.be www.association-belgo-palestinienne.be IBAN BE30 0012 6039 9711 / Tout don de plus de 40 euros vous donnera droit à une exonération fiscale Graphisme Dominique Hambye & Élise Debouny Avec le soutien de la Fédération Wallonie-Bruxelles
© Anne Paq/Activestills/Activestills
palestine 03 DOSSIER GAZA
DOSSIER
Spécial Gaza L’été a été meurtrier en Palestine. L’opération Bordure protectrice a fait quelques 2200 morts et plus de 11000 blessés, a détruit plus de 10000 maisons ainsi que des dizaines d’infrastructures sanitaires, éducatives et religieuses. Ce dossier spécial Gaza essaye de rendre compte de la réalité derrière ces chiffres. Il tente aussi d’analyser quelles ont été les enjeux de cette opération, ainsi que de l’opération Gardien de nos Frères qui l’a précédée, et quelles en seront les conséquences. Grâce à des contributions externes de spécialistes reconnus, il apporte un éclairage juridique sur les concepts souvent entendus de droit à la résistance, de légitime défense, de recours devant la Cour pénale internationale. Il replace enfin les événements de cet été à Gaza dans le cadre plus large de l’occupation israélienne de la Palestine.
palestine 04 LES FAITS
OPÉRATION BORDURE PROTECTRICE
Ètapes d’une guerre annoncée par Hocine Ouazraf
L’engrenage qui a conduit au déclenchement de l’opération militaire Bordure protectrice et à l’explosion de violence est la conjonction de plusieurs éléments, bien plus complexe que ce que la propagande israélienne donne à entendre. Tour d’horizon de ces différents éléments factuels bruts et retour sur les faits saillants de cinquante jours de conflit à Gaza (8 juillet – 26 août 2014). Dès l’annonce de la constitution d’un nouveau gouvernement d’union nationale en juin 2014 et bien que l’initiative ait été saluée par les États-Unis et l’Union européenne, Israël décide de le boycotter et annonce, en signe de représailles, la construction de nouvelles colonies en Cisjordanie. Pour Israël, avec cette unité retrouvée, Mahmoud Abbas fait le lit du terrorisme. Quelques jours plus tard, l’enlèvement de trois jeunes colons près du bloc des colonies du Gush Etzion en Cisjordanie offre à Israël un nouveau prétexte pour porter un coup à cette nouvelle entente nationale palestinienne. Rappelons que l’enlèvement a eu lieu en zone C, zone sous contrôle exclusif de l’armée israélienne. Tout en en accusant le Hamas, sans pourtant en détenir la moindre preuve tangible, Benjamin Netanyahou lance l’opération Gardien de nos frères pour retrouver les trois jeunes colons. Plusieurs membres du Hamas sont arrêtés au cours de l’opération. L’Autorité palestinienne dénonce ces arrestations et condamne par la même occasion l’enlèvement des trois adolescents. Les signes d’une confrontation imminente entre Israël et le Hamas commencent à se faire sentir et la trêve conclue en novembre 2012 entre Israël et le Hamas après l’opération Pilier de défense vole en éclats. Aux tirs de roquettes en provenance de Gaza succèdent les raids aériens de l’armée israélienne, selon un scénario déjà bien rodé par le passé. L’annonce de la mort des trois jeunes colons dans des circonstances troubles met le feu aux poudres et accélère le processus de détérioration sur le terrain. Israël n’en démord pas et entend toujours faire
porter la responsabilité de l’enlèvement et du meurtre au Hamas qui persiste à rejeter toute implication dans l’affaire. L’assassinat d’un jeune Palestinien de Jérusalem dans des conditions atroces par des extrémistes juifs qui entendaient venger la mort des trois colons attise davantage la tension. Les signes avant-coureurs d’une future conflagration sont de plus en plus visibles. Ainsi, le 7 juillet, des raids aériens israéliens tuent huit militants du Hamas ; pour ce dernier, il s’agit en l’occurrence d’une nouvelle violation du cessez-le-feu qui ne peut rester sans réponse. Près de 85 roquettes sont envoyées sur le territoire israélien. Pour le Hamas, il s’agit là d’un point de non-retour. C’est dans ces conditions qu’Israël lance officiellement le 8 juillet à l’aube l’opération militaire israélienne d’envergure Bordure protectrice . Opération militaire qui présente un air de déjà-vu et ressemble à s’y méprendre aux précédentes opérations militaires sur Gaza, Plomb durci en décembre 2008 – janvier 2009 et Pilier de défense en novembre 2009. Des bombardements aériens et navals vont rythmer le quotidien des habitants de Gaza auxquels répondront des attaques à la roquette sur les villes israéliennes. Les morts civiles palestiniennes se comptent par centaines. Devant l’aggravation de la situation, la diplomatie internationale tente de trouver une issue. Le Conseil de sécurité des Nations Unies est convoqué à la demande de l’Autorité palestinienne, sans succès. Sur le terrain, les combats font rage. Des familles entières sont décimées et des milliers de Palestiniens fuient leurs habitations et trouvent refuge dans les
en chiffres 2 145 MORTS 581 ENFANTS 261 FEMMES 101 PERSONNES AGÉES 94 FAMILLES
SITES RELIGIEUX 73 mosquées entièrement détruites 197 partiellement détruites 2 églises partiellement détruites 13 cimetières musulmans endommagés 1 cimetière chrétien endommagé
11 232 BLESSÉS 3 084 ENFANTS 2 112 FEMMES
DESTRUCTIONS DE MAISONS 10 800 maisons 8 000 partiellement détruites 46 000 endommagées 450 000 réfugiés dont 58 000 dans 41 écoles de l’unrwa
SECTEUR DE LA SANTÉ 17 hôpitaux détruits 50 centres de santé 49 services de santé fermés 16 ambulances détruites
SECTEUR ÉDUCATIF 174 écoles gouvernementales endommagées 136 écoles de l’UNRWA endommagées
DONNÉES IMPORTANTES SUR GAZA Superficie 365 km2 Population 1, 8 millions
installations officielles des Nations Unies. Les écoles de l’UNRWA, censées être protégées, constituent elles aussi des cibles militaires de l’armée israélienne. C’est ainsi que le 16 juillet, une école de l’UNRWA située à Beit Hanoun subit des bombardements qui entrainent la mort de 16 personnes. Dans le même temps, Israël lance à la mi-juillet une opération terrestre officiellement destinée à détruire les tunnels reliant Gaza au territoire israélien. C’est dans ce contexte que de violents combats éclatent le 20 juillet dans le quartier de Shejaya à l’est de Gaza, faisant plus de 70 morts côté palestinien ; 15 soldats israéliens y perdront aussi la vie, faisant de cette journée l’une des plus meurtrières de l’opération. La Ligue des États arabes qualifie cette véritable tuerie de « crime de guerre » ; pour l’Autorité palestinienne, il s’agit d’un « massacre atroce ». Sur fond de combats, des tractations diplomatiques ont lieu au Caire sous l’égide du Président égyptien al-Sissi. Réunissant l’Autorité palestinienne, le Hamas, différentes factions palestiniennes et Israël, elles ont pour but d’instaurer une trêve durable entre les belligérants. Des négociations ardues s’ensuivent. Israël exige la démilitarisation totale de la bande de Gaza ; quant au Hamas, ses revendications portent principalement sur la levée du blocus qui asphyxie l’enclave palestinienne depuis 2006. Plusieurs trêves humanitaires seront décrétées. Aussitôt annoncées, elles seront rompues, chacun des deux camps se renvoyant la responsabilité de la rupture. Ainsi, à titre d’exemple, le 1er août, alors
qu’une trêve humanitaire de trois jours avait été arrachée aux belligérants, à l’annonce de la capture d’un soldat israélien, l’armée israélienne met en branle le Protocole d’Hannibal et procède au bombardement intensif de la bande de Gaza avec pour conséquence la mort de plus de 130 Palestiniens. Cette guerre la plus longue que les Palestiniens aient dû subir s’achève le 26 août sur un bilan douloureux. Après cinquante jours de conflit intense, les belligérants sont arrivés à un accord de cessez-le-feu illimité dont les principaux contours sont les suivants : – levée partielle du blocus de la bande de Gaza, – extension des zones de pêche de 3 miles à 6 miles dans un premier temps, puis à 12 miles dans le futur, – reprise des négociations dans un délai d’un mois pour aborder les questions de fond laissées en suspens : levée totale du blocus, reconstruction de l’aéroport de Gaza, libération des prisonniers, démilitarisation de la bande de Gaza,… Si chacun des deux camps crie victoire, ce conflit n’aura hélas pas pour autant permis de traiter de manière durable la question de fond épineuse qui a présidé à l’éclatement de la violence entre Israéliens et Palestiniens, à savoir le blocus inhumain infligé à la population de Gaza. Les termes flous de l’accord de cessez-le-feu entre les deux parties ne laissent pas présager d’un règlement rapide et juste de la question dans un avenir proche.
palestine 06 ANALYSE
DEUX OPÉRATIONS MILITAIRES, UN MÊME BUT :
détruire la Palestine par Marianne Blume
En réaction à la disparition/à l’enlèvement de 3 adolescents israéliens, Israël enclenche une vaste opération de ratissage en Cisjordanie, Gardien de nos frères. Sans la moindre preuve, Netanyahou en accuse le Hamas et fait bombarder la bande de Gaza. Commence alors le 8 juillet l’opération Bordure protectrice… UNE PRIORITÉ POUR ISRAËL : SORTIR DE L’IMPASSE
GARDIEN DE NOS FRÈRES : REPRENDRE L’INITIATIVE
Fin mars, alors que le médiateur américain John Kerry tente toujours d’aboutir à un accord entre Israël et l’Autorité palestinienne, Israël refuse de libérer le troisième contingent de prisonniers palestiniens et en avril, se retire des négociations. La patience de John Kerry est à bout : il impute l’échec des négociations à Israël (8 avril) et fustige la poursuite de la colonisation. Il ira même plus loin en déclarant qu’Israël pourrait devenir un État d’apartheid si aucune solution n’est trouvée. Bien sûr, les réactions en Israël ne se sont pas fait attendre mais le fait est là : Israël est pointé du doigt par son allié indéfectible, les USA. Par ailleurs, l’Union européenne (UE), par la voix de M me Ashton, réitère sa condamnation de la politique de colonisation et une vingtaine de pays européens mettent en garde leurs ressortissants contre toute activité économique avec les colonies israéliennes. Du côté palestinien, l’Autorité palestinienne (AP) introduit des demandes d’adhésion à plusieurs agences de l’ONU et Hamas, Fatah, OLP s’entendent pour former ensemble un gouvernement d’union (2 juin), événement aussitôt bien accueilli par l’UE, par les USA et l’ONU et par la suite, par la Chine, l’Inde et la Turquie. Au grand dam d’Israël qui tempête et le disqualifie d’emblée. L’intense activité diplomatique déployée par Israël à ce moment-là montre à quel point la perspective de l’unité palestinienne effraye le gouvernement israélien qui a toujours tablé et joué sur la division palestinienne.
Dès l’annonce de la disparition des trois jeunes Israéliens 1, le gouvernement israélien lance l’opération Gardien de nos frères, une opération de ratissage menée du 12 au 30 juin 2, par 2 000 à 3 000 soldats. Puis, sans preuve aucune, Netanyahou déclare que le Hamas est responsable de l’enlèvement et qu’il en paiera le prix. Venant en renfort, le porte-parole de l’armée Peter Lerner précise que l’opération n’a pas seulement pour but de mettre fin à l’enlèvement mais aussi d’affaiblir les capacités terroristes du Hamas, son infrastructure et ses institutions. Israël n’hésite donc pas à bombarder la bande de Gaza. On apprendra par la suite que la mort des trois adolescents était connue dès le début de l’opération mais qu’elle a été tenue secrète pour en permettre l’extension. Mieux encore, un officier en poste à Jénine a affirmé dans un journal ultra-orthodoxe que l’opération avait été en partie planifiée avant l’enlèvement. Enfin, deux mois après, des responsables israéliens déclarent ouvertement que le Hamas ne l’a pas commandité…
Toujours du côté palestinien, le mouvement pour la libération des prisonniers mobilise la société civile et dépasse les frontières pour atteindre une dimension internationale. Quant au mouvement BDS, il s’intensifie : de nombreuses entreprises européennes retirent leurs investissements du pays, de crainte d’être associées à la politique israélienne d’occupation des territoires palestiniens et à la poursuite de la colonisation. Les entrepreneurs israéliens eux-mêmes commencent à se plaindre des effets du boycott. Au niveau européen, les choses bougent aussi : l'initiative de la Haute Représentante de l'UE pour les Affaires étrangères visant l’étiquetage des produits issus des colonies israéliennes fait son chemin. En résumé, Israël est en mauvaise posture. Le meurtre des trois jeunes Israéliens va donner à Netanyahou l’occasion rêvée de renverser la vapeur.
Avec cette opération, le gouvernement israélien réussit à mobiliser toute sa population derrière lui : on va assister à de véritables pogroms contre les Palestiniens dont le cas particulièrement atroce de Mohammed Abu-Khdeir, brûlé vif. Et les colons vont se livrer partout à des représailles contre les biens et les personnes des Palestiniens. Le gouvernement israélien réussit aussi à mobiliser aussi la communauté internationale en remettant au centre du problème le Hamas, désigné comme organisation terroriste. Le but était clairement de faire voler en éclats le gouvernement d’union nationale. Netanyahou ne s’en cache d’ailleurs pas puisqu’il en demande par ailleurs la dissolution. En accusant le Hamas d’être responsable de l’enlèvement, Netanyahou pensait sans doute éveiller un écho auprès de Ramallah. Dans un premier temps, par la bouche de son président, l’AP non seulement condamne l’enlèvement mais encore déclare que la coordination sécuritaire avec Israël est dans l’intérêt de la Palestine. Le Hamas qui nie toute implication réagit en affirmant que cette déclaration nuit à l'intérêt national et est contraire à l'accord du Caire. L’opération se poursuivant, l’AP va changer de discours : Mahmoud Abbas assurera que l’accusation contre le Hamas est sans fondement et il dénoncera les violences, les destructions et les meurtres perpétrés au cours de l’opération. Les plus ardents pourfendeurs du Hamas feront eux aussi une courbe rentrante.
Il n’est pas sûr que l’opération ne se retourne pas en définitive contre Israël.
Mais au final, l’AP a perdu de son crédit et un nombre croissant de Palestiniens vont jusqu’à l’accuser de trahison. Quant au Hamas, il est sans doute affaibli mais la répression qui le vise en particulier le désigne comme le héros de la lutte. L’autre but était certainement de casser la résistance à l’occupation : les arrestations massives, de leaders mais aussi de citoyens ordinaires, visent évidemment à terroriser et à casser les reins aux organisations civiles et politiques en lutte.
BORDURE PROTECTRICE : ANNIHILER TOUTE RÉSISTANCE L’opération commence le 8 juillet et prétend avoir pour objectif de stopper les tirs de roquettes sur Israël 3. Peter Lerner, porte-parole de l’armée, reprend à peu près le même discours que pour l’opération en Cisjordanie : porter un coup dur au Hamas mais cette fois pour la paix des habitants du sud d’Israël. Dans la narration officielle, reprise par la plupart des médias, si les tirs de roquettes sont mis en avant, on passe sous silence, par contre, les violations de la trêve de 2012 : en effet, du 19 janvier 2012 au 7 juillet 2014, les exécutions extrajudiciaires et les tirs mortels dans la zone frontière ou sur la mer ont tué 486 Palestiniens. Or le Hamas, pendant ce temps, lui, avait respecté la trêve. C’est à la suite de l’assassinat, le 8 juillet à Khan Younis, de sept membres de la famille Al-Kaware, que le Hamas reprend ses tirs de roquettes. À la septième semaine de l’agression israélienne, au vu du bilan des morts, majoritairement des civils (2 127 actuellement) et des destructions des infrastructures de vie, y compris celles qui transportent l’eau et l’électricité, il apparaît clairement que Bordure protectrice est un massacre sinon un génocide. En attaquant Gaza, Israël a certainement cherché à éliminer toute résistance mais aussi à diviser les Palestiniens. Or, même si la police de l’AP réprime des manifestations de solidarité avec Gaza en Cisjordanie et emprisonne des opposants, même si Mahmoud Abbas a fait une sortie contre les roquettes, il a été poussé à prendre parti et a fini par louer le combat du Hamas. En effet, même si le désastre est incommensurable dans la bande de Gaza, tous les Palestiniens y ont retrouvé leur dignité et, dans un élan comparable à celui de la Première Intifada, le peuple a retrouvé son unité dans la résistance à Israël. Les roquettes qui atteignent
Tel Aviv, Jérusalem, Haïfa et d’autres villes sont acclamées car elles portent comme message : « Nous ne sommes pas des victimes consentantes et nous continuons à lutter contre l’occupation ». Finalement, même matériellement affaibli, le Hamas en sort moralement renforcé car c’est lui qui incarne la résistance face au Fatah qui semble incapable de combattre l’occupation. Ses exigences pour un cessez-le-feu de longue durée sont réalistes : levée du blocus, ouverture des points de passage, des port et aéroport et libération de prisonniers. Le refus d’arrêter la lutte, même au prix de plus de morts et de davantage de destructions, a démontré qu’on peut faire face à Israël. C’est ce qui explique sans doute le soutien massif à sa stratégie, sans oublier le fait que, vu les pertes humaines et les destructions immenses, la population ne pouvait accepter une reddition sans condition. Par ailleurs, pour discuter avec Israël, c’est le gouvernement d’union qui est présent et d’une certaine manière, le Hamas a poussé l’AP à endosser le combat. La question de l’entrée du Hamas et du Jihad islamique dans l’OLP va se reposer avec insistance. De la même manière, une véritable pression s’exerce maintenant sur le président pour que la Palestine adhère au statut de Rome et porte plainte à la CPI : en effet, toutes les factions ont récemment donné leur accord sur ce point. Du côté israélien, malheureusement, la majorité a soutenu l’agression contre Gaza malgré les pertes infligées, anormalement élevées (60 soldats et 5 civils tués). D’ailleurs, depuis l’annonce d’un cessez-lefeu de longue durée, la popularité de Netanyahou est en chute libre. D’un autre côté, les manifestants anti-guerre ont été vilipendés, menacés et agressés physiquement au point que Michel Warschawski parle de fascisation de la société israélienne... Néanmoins, vu la violence des attaques israéliennes, il n’est pas sûr que l’opération ne se retourne pas en définitive – et ce, malgré l’apathie de l’UE et la complicité des USA – contre Israël. 1/ Tout le monde a bien entendu oublié les deux jeunes Palestiniens tués de sang froid le jour de la commémoration de la Nakba. 2/ Résultat : 6 Palestiniens tués, 2 200 perquisitions, 422 arrestations (566 d’après Palestine Prisoners Society) dont 355 membres du Hamas et 56 prisonniers libérés lors du deal Shalit. La ville d’Hébron est encerclée et l’armée se déploie largement, entrant à Bethléem, Naplouse et Jénine notamment. Les universités elles-mêmes sont investies. 3/ Tirs de roquettes en réaction aux événements en Cisjordanie et tirés par des groupes non-Hamas.
palestine 08 TÉMOIGNAGES
Elles et ils témoignent
Rana al-Jamal
« Je vais vous vous dire ce qui est plus difficile que de mourir à Gaza par une roquette: ce qui est plus dur, c’est quand vous recevez un appel téléphonique de l’armée israélienne vous demandant d’évacuer votre maison parce qu’elle va être bombardée dans les prochaines 10 minutes. Imaginez, 10 minutes seulement et tout votre passé et vie sur la terre vont être effacés. Les cadeaux qu’on vous a offerts, des photos de vos proches et des enfants (morts ou vivants), des affaires auxquelles vous tenez, votre chaise préférée, vos livres, votre dernière collection de poèmes que vous avez lus, une lettre d’une sœur émigrée, des souvenirs de ceux et celles que vous aimez, l’odeur de votre lit, les branches de jasmin accrochées à votre fenêtre, la barrette de votre fille, vos vieux habits, votre tapis de prière, les bijoux de votre femme, vos économies… Imaginez : le tout s’envole devant vos yeux en 10 minutes, toute cette douleur passe pendant que vous êtes frappé par la surprise… Puis vous prenez vos papiers administratifs (passeport, extrait de naissance, etc.) qui se trouvent dans une vieille boite de chocolat métallique. Et vous quittez votre maison pour mourir des milliers de fois, ou vous refusez de partir et vous mourez une seule fois. »
Eslam Olwan
« Le silence international bombarde Gaza maintenant. »
Ghada Alraee
« S’il vous plaît, gardez à l’esprit qu’ici, nous ne sommes pas des terroristes mais que nous sommes une population qui est privée des besoins essentiels de la vie et destinée à un avenir sombre. Nous sommes comme un poulet dans une cage, c’est pourquoi nous nous révoltons... Nous ne voulons pas mourir lentement... Nous voulons juste être comme les autres peuples : avoir le droit à la liberté et à l’autodétermination, etc. Nous voulons vivre dans la dignité. »
Nida’a Abulatta
« Pour ceux qui croient que nous sommes divisés en deux parties à Gaza, je dis : “Nous sommes tous la résistance, nous sommes tous des résistants...” »
Ayman Hanoush
« Quand ma petite fille a entendu de lourdes explosions, elle a pris ses poupées et elle m’a dit : “Papa, je les serre dans mes bras pour que quand je meurs, je meurs avec elles...” »
Nida’a Abulatta
« À tous ceux qui attendent les massacres à Gaza pour répondre et réagir, je dis : « Nous n’avons pas besoin de vos aides merdiques. Allez au diable, tous les Arabes et les leaders arabes ! Vous avez donné le feu vert à Israël pour qu’il commette ses crimes contre nos enfants et notre population désarmée et puis vous venez soulager votre conscience en envoyant des aides inutiles. Vos aides ne vont pas nous rendre nos maisons pleines de vie et de souvenirs d’enfance. Elles ne nous rendront pas nos frères disparus. Ni la tranquillité ni la paix de l’esprit. Allez au diable, vous qui regardez notre sang couler dans les rues, nos maisons démolies à ras de terre et nos vies devenues misère… Nous résisterons jusqu’au dernier souffle à cette inhumanité et cette injustice. Nous sommes un peuple libre à la volonté libre… »
Heba Basheer
« Aux dernières heures de ce jour (13/07), les habitants du nord de Gaza quittent leurs maisons pour un endroit plus sûr. Est-ce une évacuation ou une seconde émigration comme en 1948 ? Il n’y a nul endroit où aller. C’est la fin et nous allons mourir sur cette terre de Palestine, à Gaza. »
© Anne Paq/Activestills/Activestills
Ahmed Nigim (médecin) Wissam
« C’est dans cette mosquée que mes profs avaient reconstitué des groupes d’élèves quand l’armée israélienne avait “fermé” notre école pendant six mois en 1990. Elle est à 400 mètres de chez ma famille. Bombardée cette nuit avec une autre mosquée et quelques maisons. Je m’excuse pour l’expression "quelques" mais j’avoue ne plus avoir l’énergie pour calculer et donner des statistiques. Quel chiffre pourra expliquer les souvenirs du nombre de fois où je me suis sauvé des devoirs à la maison en disant que j’allais faire la prière du midi dans cette mosquée. ? Ou qui pourra remplacer mes souvenirs de l’odeur de son mur extérieur quand je me souviens des romans d’Ernest Hemingway ? »
Ibrahim Sourani
« Détruire des mosquées, viser des banques, l’infrastructure !! Je n’ai pas entendu parler d’un seul objectif militaire! Ce que vise Israël, c’est détruire Gaza ! Sans doute faut-il mentionner qu’Israël est sous le feu d’après ce que disent les médias... Quand j’entends ça, cela me fait penser que la Palestine est un pays si, si puissant au niveau militaire qu’il est même plus puissant qu’Israël, qui est classée 11e puissance militaire mondiale et la 1e au Moyen-Orient... »
Danya Amro
« Ce que je crains, ce n’est pas le prolongement des combats mais ce qui va advenir de Gaza après tous les changements subis: plusieurs de ses familles ont disparu, son infrastructure a été anéantie, les stations de production d’électricité ont été détruites. Il ne nous reste plus qu’à parier sur la volonté de notre peuple et sur sa cohésion. »
« Le tableau ici aux urgences est indescriptible… En quelques mots : un sol couvert de sang, des parties de corps partout, des femmes hurlant, des enfants en état de choc et une équipe médicale qui ne dort pas, essayant d’aider en dépit du peu d’équipement à disposition. Nous sommes soumis à un stress intense à cause des explosions tout autour chaque minute. Deux de mes collègues ont été tués par la machine de guerre terroriste d’Israël alors qu’ils aidaient des civils sous les décombres. Ils étaient allés dans une zone touchée après avoir reçu la permission d’aller sur les lieux en sécurité de la part des tyranniques forces israéliennes. Mais ces forces de mensonge ont bombardé l’ambulance et les ont tués de sang froid. »
Ibrahim Sourani
« Aujourd’hui, Israël a accepté une trêve (28/07) ; ça semble super… Plus de tueries aujourd’hui… À la fin de la journée, les équipes médicales ont ramené 147 corps trouvés sous les décombres des maisons à Shijaiya, Beit Hanoun et Khouza’a !!! Des endroits qui ont été témoins de génocides, de terribles génocides ! “C’est la faute du Hamas!” “C’est parce que le Hamas continue à tirer !” Je dois partager mon idée sur ces commentaires ! Excusez-moi !! Hamas… Qu’est-ce que le Hamas ? Pour la majorité, Hamas est juste la métaphore de “combattants de la liberté !” »
Sama Hassan
« Hier (19/07), Netanyahou a déclaré qu’il allait renvoyer Gaza au Moyen Âge. Qui vous a dit que vous ne l’avez pas déjà fait ? Cela fait 7 ans que l’électricité va et vient ; pour l’eau, c’est la même chose : nous devons acheter l’eau d’un camion-citerne. La mobilité est limitée et nos frontières fermées…Nous ne pouvons pêcher en pleine mer… Il fait chaud et humide et rien pour nous soulager… Et dernièrement, les bénédictions nous viennent sous forme de bombes tirées du ciel, de la terre, de la mer. Les puits sont démolis. Notre terre et notre eau sont polluées (…) »
palestine 10 CISJORDANIE
RÉPRESSION, EXACTIONS ET AVANCÉE DE LA COLONISATION
en Cisjordanie par Julien Masri
Depuis qu’une trêve a été conclue entre Israël et la Palestine, la population de Gaza peut enfin respirer après avoir vécu plusieurs semaines d’horreur. C'est le moment de faire le bilan de ce qui s’est passé en Cisjordanie avant et pendant l‘opération Bordure protectrice, pendant que les regards étaient tournés vers Gaza. Commençons d’abord par planter le cadre chronologique. La situation était déjà tendue depuis les commémorations de la Nakba le 15 mai au cours desquelles Nadem Syam Nawara, 17 ans et Mohammad Mahmoud Odeh, 16 ans, avaient été abattus par un sniper israélien. Le 9 juin, le rapport d’autopsie des deux adolescents est publié. Le 12 juin, trois jeunes colons disparaissent dans le sud de la Cisjordanie. Le gouvernement israélien saisit l’occasion pour accuser le Hamas de leur enlèvement et déclenche l’opération Gardien de nos frères, avec pour but explicite de libérer les jeunes colons. Il s’agissait en fait d’une vaste opération de rafles dans les villes et villages de Cisjordanie. Pourtant, très peu de temps après l’annonce de la disparition, le gouvernement israélien savait déjà que les trois jeunes colons avaient été tués. Plus encore, le correspondant de la BBC, Jon Donnison, a déclaré que la police lui avait affirmé que les responsables de l’enlèvement faisaient partie d’une cellule dissidente du Hamas et que celui-ci n’avait donc pas commandité l’enlèvement. L’Autorité palestinienne a apporté sa collaboration dans la recherche des jeunes colons. Néanmoins, le Premier ministre israélien n’a eu de cesse de la vilipender pour avoir accepté la constitution d’un gouvernement d’union nationale avec le Hamas, affaiblissant ainsi sa position dans l’opinion palestinienne. Jusqu’à la découverte des corps des trois jeunes colons, le 30 juin suivant. Alors, les autorités israéliennes ont ouvert la boîte de Pandore : le Premier ministre Netanyahou n’a cessé d’appeler à la vengeance du sang des colons, promettant que le Hamas en paierait le prix fort. Dans ce contexte d’incitation à la vengeance, trois jeunes colons racistes enlèvent Mohamed Abou Khdeir, le 2 juillet. Ils ont enlevé cet adolescent de 16 ans avant de le tabasser violemment puis de le brûler vif ! Après leur arrestation, ils ont explicitement reconnu avoir agi dans un but de vengeance. Trois jours plus tard, une énorme manifestation raciste traversait les rues de la vieille ville de Jérusalem aux cris de Mort aux Arabes, mort aux gauchistes ! Plusieurs Palesti-
niens furent passés à tabac par des groupes racistes, deux enfants palestiniens ont été victimes de tentatives d’enlèvement par des colons, le cousin de Mohamed Abou Khdeir, Tariq Abu Khdeir, 15 ans, a été violemment tabassé par la police. Ronnie Barkan, militant israélien de Boycott from within, évoque une vidéo dans laquelle on voit un gang de jeunes Israéliens arrêtant des voitures près de Jérusalem pour repérer des conducteurs palestiniens. Il parle de groupes qui utilisent les réseaux sociaux pour appeler à d’autres actions similaires en Cisjordanie. Dans le même temps, les colons ont profité du climat de violence généralisée pour se livrer à leurs activités habituelles : jets de pierres sur les véhicules ou les habitations des Palestiniens, interdiction d’accès de ces derniers aux terres agricoles, agressions à l’arme à feu. Tous ces actes ouvertement racistes sont la conséquence directe de l’incitation à la haine raciale lancée par le Premier ministre Netanyahou. Le village de Azzun, enclavé entre plusieurs colonies, s’est retrouvé isolé du reste de la Cisjordanie, transformé en prison. Dans la nuit du 21 juillet, lors d’une rafle, l’armée israélienne a utilisé le véhicule dans lequel se trouvait la petite Layan (3 ans), son frère Omar (2 ans) et leur mère comme boucliers humains pour tirer des fumigènes en direction des manifestants. De nombreux autres villages ont subi la même punition collective. Les raids policiers ont concerné environ 1300 propriétés privées, 800 personnes ont été arrêtées dont la plupart des dirigeants du Hamas, cinq adultes et un mineur ont été assassinés, du matériel informatique a été pillé et les fonds de certaines associations confisqués. Jaafar Farah, directeur du centre Moussawa (pour les droits des Palestiniens citoyens d’Israël) a rapporté que le nombre de mineurs déférés devant les juges était tellement important qu’ils étaient présentés en groupes et non au cas par cas. La population de Cisjordanie est spontanément descendue dans la rue en solidarité avec les habitants de la bande de Gaza. Ces mani-
© Mohammed Al Baba/Oxfam
festations ont systématiquement été réprimées avec la plus grande violence. Entre début juillet et fin août, plus de 2000 personnes ont été blessées. Parmi les morts, Hashem Khader Abou Maria, coordonnateur de l’association Defence of Children International-Palestine, assassiné le 25 juillet à Beit Ummar. Il était en charge des violations des droits des mineurs dans la région de Hébron. La veille, plusieurs milliers de personnes s’étaient rassemblées à Ramallah pour se diriger vers Jérusalem dans ce que les observateurs ont décrit comme « la plus grande manifestation en Cisjordanie depuis des décennies ». Les heurts au barrage de Qalandia ont fait un mort et 287 blessés. Jérusalem n’a pas été épargnée : la ville a connu un pic de violence lors de la répression des manifestations organisées en hommage à Mohamed Abou Khdeir. À de nombreuses reprises, l’armée israélienne a fait usage de balles réelles, en violation flagrante du droit international mais aussi de ses propres règles d’engagement qui précisent que cela n’est permis qu’en cas de danger mortel. Le jeune Diego Filiu a laissé une description saisissante d’une manifestation sur son blog du site Rue 89.
UNE STRATÉGIE HISTORIQUE DE COLONISATION La répression en Cisjordanie a largement dépassé le cadre de la chasse au seul Hamas. Le 20 août, les forces d’occupation font intrusion dans la maison de la députée du Front populaire de libération de la Palestine Khalida Jarrar, vers 1h 30 du matin, pour lui signifier son ordre de déportation vers Jéricho. Elle refusera de s’y plier. Six jours plus tard, ce seront 12 dirigeants de ce parti politique qui seront arrêtés par les forces d’occupation. Manifestement, le pouvoir israélien ne veut aucune voix en Cisjordanie qui pourrait porter la contestation radicale d’un retour au statu quo ante. Un statu quo pour le moins illusoire : pendant que l’attention des médias était focalisée sur l’effroyable massacre en cours à Gaza, pendant que la population était terrorisée par les forces d’occupation et par les
agressions des colons, ces derniers, avec l’accord du gouvernement, ont donné un nouveau coup d’accélérateur à la colonisation. S’il faudra attendre les rapports chiffrés des ONG pour se rendre compte de l’ampleur du mouvement, les observateurs ont déjà noté une augmentation des constructions dans trois gros blocs de colonies : le Gush Etzion, Maaleh Adumim et Ariel. Près de Naplouse et dans la région de Salfit, des terres agricoles ont été volées. Le 19 août, Abou Fakhr, d’un village près de Naplouse, n’a rien pu faire pour empêcher la destruction par les bulldozers israéliens de deux anciennes maisons de pierres, récemment restaurées. Le 28 juillet, le ministre de la Défense Ya’alon a proposé au conseil régional colonial du Gush Etzion de reconnaître un avant-poste, d’approuver la construction de 24 unités de logement et d’une ferme en échange de l’abandon d’un avant-poste créé au mois de juillet. Le gouvernement le plus colonialiste d’Israël ne pouvait pas laisser passer une telle occasion. Comme lors de chaque agression contre Gaza, les colons, sur le terrain comme au gouvernement, se livrent à ce jeu cynique pour donner un petit tour de vis supplémentaire à l’israélisation du territoire palestinien occupé. Il semblerait que le Netanyahou de 2014 n’ait rien oublié du Netanyahou de 1997 lorsqu’il présentait sa propre version du plan Allon, celui-ci remontant à 1967. Comme il le déclarait le 11 juillet dernier : « Je pense que le peuple israélien comprend maintenant ce que j’ai toujours dit : qu’il ne peut pas y avoir de situation, en vertu d’un accord, dans laquelle nous abandonnerions le contrôle de la sécurité du territoire à l’ouest du Jourdain. » Le gouvernement israélien a définitivement enterré la solution à deux États. Il n’est plus question du principe de « la terre contre la paix » mais de l’imposition, par la force la plus brutale, du même plan concocté par les généraux israéliens au lendemain de la guerre de 1967 : une autonomie palestinienne relative dans le cadre d’une souveraineté israélienne sans partage.
palestine 12 RÉACTIONS GAZA ET L’OPÉRATION
bordure protrectrice
UNE INDIGNATION MONDIALE SANS PRÉCÉDENT par Hocine Ouazraf
Le déclenchement de l’opération militaire israélienne Bordure protectrice le 8 juillet contre la bande de Gaza a suscité une vague de réactions sans précédent dans le monde. Comme à l’accoutumée, nombre de chancelleries occidentales se sont montrées peu enclines à dénoncer clairement l’agression contre l’enclave palestinienne. Leurs sociétés civiles ont en revanche fait preuve de davantage d’audace politique en témoignant aussitôt leur solidarité avec la population de Gaza soumise au déluge de feu de l’armée israélienne. L’Amérique latine a adopté une position politique en rupture totale avec le soutien affiché par les États-Unis d’Amérique. Les états arabes, quant à eux, se sont montrés très en retrait, quand ils n’ont pas tout simplement, pour certains d’entre eux, soutenu l’effort de guerre de l’armée israélienne. Panorama de quelques réactions.
L’UNION EUROPÉENNE ET SES ÉTATS MEMBRES : DU SILENCE COMPLICE AU BLANC-SEING À L’AGRESSION ISRAÉLIENNE L’Union européenne a, une fois de plus, brillé par son absence dans la gestion diplomatique de cette énième « crise au Proche-Orient ». Les responsables politiques européens se sont fendus de quelques déclarations sans effet réel sur le terrain. Ainsi, le 3 août 2014, Herman Van Rompuy, Président du Conseil européen et Manuel Barroso, Président de la Commission européenne, en appellent, dans un communiqué commun au nom des 28 États membres, à « l’arrêt immédiat du bain de sang à Gaza » tout en reconnaissant à Israël un droit à la légitime défense en réponse aux tirs de roquettes sur le territoire israélien. Une position plus nuancée que celle de certains pays européens, dont la France, la Grande-Bretagne et l’Allemagne qui, dès le début des hostilités, ont soutenu sans équivoque l’équipée guerrière d’Israël dans la bande de Gaza, ce qui démontre, s’il en était encore besoin, l’absence de politique étrangère commune de l’Union européenne. L’alignement précipité – dès le début de l’opération – du Président français sur la position officielle israélienne était d’autant plus choquant qu’il n’a semblé prendre en considération ni les nombreuses victimes civiles palestiniennes ni le maintien d’un blocus inhumain sur le territoire de Gaza. Le chef de l’État français s’est contenté de reprendre à son compte la narration israélienne des événements qui fait porter l’entière responsabilité de la situation au Hamas. Le Premier ministre israélien Benyamin Netanyahou a déclaré sans ambages à la presse internationale : « Le Président français François Hollande m’a donné raison et a même publié un communiqué condamnant les tirs de roquettes. » Devant la contestation grandissante de la société civile et de certains membres de la classe
politique française, la diplomatie française a opéré un net recul dans son jugement de la situation, Laurent Fabius allant jusqu’à parler de « carnage de Gaza » tout en reconnaissant à Israël un droit de légitime défense. En Grande Bretagne, Sayeeda Warsi, Secrétaire d’État aux affaires religieuses, a démissionné en signe de protestation devant le positionnement de son gouvernement sur les événements à Gaza, un positionnement qu’elle juge « moralement indéfendable ». En l’absence de réactions politiques fermes devant la désolation des images en provenance de la bande de Gaza et la brutalité de l’intervention militaire israélienne sur l’enclave palestinienne, les pays européens ont connu une mobilisation citoyenne sans précédent. Des manifestations de grande ampleur appelant à la fin du conflit et à la levée du blocus sur Gaza se sont multipliées dans plusieurs grandes capitales européennes (Paris, Londres, Bruxelles, Rome, Madrid,…). L’exemple anglais illustre à merveille le fossé entre les sociétés civiles et leurs responsables politiques sur la question israélo-palestinienne. En effet, près de 150 000 personnes ont manifesté dans les rues de Londres, alors que leur Premier ministre David Cameron avait d’emblée soutenu l’action militaire israélienne.
LE CONTINENT AMÉRICAIN ET LE COURAGE DE L’AMÉRIQUE LATINE Certains considèrent que les États-Unis, habituellement prompts à soutenir l’État d’Israël dans ses actions militaires, ont fait preuve de modération dans leur jugement de la situation. Dans un communiqué officiel, le Président Obama exprime « sa crainte d’une escalade et souligne la nécessité pour toutes les parties de faire leur possible pour protéger les civils et restaurer l’apaisement. ». Un communiqué qui sera repris dans le journal israélien Haaretz. Ce qui n’empêchera pas les États-Unis d’apporter une aide matérielle et financière substantielle à l’armée israélienne lors de l’opération Bordure protectrice. Plusieurs manifestations imposantes de soutien au peuple palestinien se sont déroulées dans les grandes métropoles des États-Unis (New-York, Las-Vegas, Washington, Chicago, Los Angeles, Seattle, ...). C’est du continent sud-américain que des déclarations de responsables politiques en faveur de la solidarité à l’égard du peuple palestinien se feront entendre. Quasi unanimement, tous les pays latino-américains ont réagi fortement devant les attaques israéliennes contre la bande
de Gaza et ont dénoncé leur caractère indiscriminé et disproportionné. Le Président bolivien Evo Morales ira jusqu’à placer Israël sur une liste d’États terroristes et instaurer un visa à l’entrée des citoyens israéliens sur le territoire bolivien. D’autres gouvernements ont rappelé leurs ambassadeurs pour consultation. Le Mercosur, organisation économique sud-américaine, a adopté pour sa part une déclaration commune condamnant l’agression israélienne. Les initiatives populaires ne sont pas en reste non plus, ces pays ont connu plusieurs grandes manifestations de soutien à la population assiégée de Gaza.
LE MONDE ARABE : L’ÉGYPTE ET L’ARABIE SAOUDITE À L’ARRIÈRE DANS LE MASSACRE DE GAZA ? Hormis quelques gesticulations diplomatiques notamment celles de la Ligue des États arabes, les États arabes ont fait une fois de plus preuve d’inefficacité voire pour certains d’entre eux d’une complicité honteuse avec l’agresseur israélien dans cette offensive militaire d’envergure. L’Égypte a, d’une certaine façon, appuyé l’offensive militaire israélienne contre Gaza. Il suffit pour s’en convaincre d’analyser le contenu des médias égyptiens qui n’hésitent pas à tirer à boulets rouges sur le Hamas rendu ouvertement responsable de la situation sur le terrain. Certains responsables politiques égyptiens, à l’image du ministre des Affaires étrangères Sameh Shoukry, n’hésitent pas à affirmer que le Hamas porte l’unique et entière responsabilité des morts civiles à Gaza. Le poste frontière de Rafah est resté fermé pendant la durée des opérations militaires, les autorités égyptiennes ne laissant transiter qu’exceptionnellement les grands blessés. Il ne fait plus aucun doute aujourd’hui que l’Égypte verrait avec satisfaction l’élimination de la scène politique palestinienne du Hamas considéré comme le pendant idéologique des Frères musulmans égyptiens. Tzipi Livni, actuelle ministre israélienne de la Justice, rendue tristement célèbre pour son rôle actif dans le déclenchement de l’opération Plomb durci, a déclaré en août 2014 sur une chaine de télévision israélienne : « Il y a un accord entre les Égyptiens et nous pour étrangler le Hamas, et nous avons convenu que ce sera le résultat de toute négociation au sujet d’un cessez-le-feu permanent entre Israël et la bande de Gaza. ». Une déclaration qui permet de mesurer l’étendue de la collaboration politique entre les deux États. Enfin, le régime saoudien est lui aussi accusé par certains observateurs de complicité avec Israël dans le supplice des habitants de Gaza. Comble du cynisme, les autorités religieuses du pays iront jusqu’à considérer les manifestations de soutien comme contraires aux principes de l’islam. C’est ainsi que le Président des grands oulémas du royaume saoudien, Abdelaziz al Cheikh, considère que les manifestations ne sont que « du chahut et du bruit dont il ne sort rien de bon ». Ces arguties pseudo-religieuses n’auront pas entamé la détermination des populations arabes et musulmanes à qui elles étaient adressées car cette partie du monde a connu elle aussi un grand mouvement de solidarité et une grande mobilisation aux côtés du peuple de Gaza !
appels à l’aide
LISTE DES ORGANISATIONS QUI FONT UN APPEL FINANCIER POUR GAZA EN BELGIQUE ABP WALLONIE PICARDE Urgence Gaza BE94 0682 3040 2814 pour le Canaan Institute. Contact : ABP : jacques@varrasse.net CARITAS INTERNATIONAL BELGIQUE asbl Caritas Jérusalem offre une aide médicale à Gaza. Compte BE88 0000 0000 4141 avec la mention « Gaza » COMMUNAUTÉ PALESTINIENNE EN BELGIQUE ET AU LUXEMBOURG asbl Compte BE15068895096930 pour l’Association Hanan du camp de Nuseirat, l’hôpital Al-Awda à Jabalia, le Centre éducatif de Beit Lahyia. BROEDERLIJK DELEN vzw Les dons peuvent être versés sur le compte BE12 0000 0000 9292 avec la mention « Gaza » HANDICAP INTERNATIONAL http://donate.handicapinternational.be/fr/ projet/soutenez-les-victimes-de-gaza MÉDECINS DU MONDE BE26 0000 0000 2929 avec la mention « Gaza » MÉDECINE POUR LE TIERS MONDE (M3M) Pour l’hôpital Al-Awda, au Nord de la bande de Gaza. Compte BE15 0010 4517 8030 avec la mention « Fonds d’urgence Gaza » MÉDECINS SANS FRONTIÈRES MSF est présent depuis 14 ans dans la bande de Gaza et appuie l’hôpital Al Shifa dans la ville de Gaza. Compte BE73 0000 0000 6060 avec la mention « Fond d’urgence Gaza » OXFAM-SOLIDARITÉ BE37 0000 0000 2828 avec la mention « Gaza » PALESTINA SOLIDARITEIT asbl Travaille avec l’organisation palestienne Palestinian Women Society for Development (PWWSD). Les dons peuvent être versés sur le compte BE64 5230 8014 8852 avec la mention « Aide à Gaza » SOLIDARITÉ SOCIALISTE Soutient l’association Ma’an BE42-0000-0000-5454 avec la mention « Urgence Gaza » UNICEF Belgique Compte BE31 0000 0000 5555 PALESTINIAN MEDICAL RELIEF SOCIETY (PMRS) Banque Arab Bank, compte 49-857-9090-667667 (branche : Ramallah # 49-857 / adresse : Ramallah, West Bank)
palestine 14 UNE VOIX ISRAÉLIENNE
Lettre
AU PARLEMENT EUROPÉEN Nurit Peled-Elhanan, professeure de littérature comparée à l'université hébraïque de Jérusalem, est connue comme militante pacifiste en Israël. Née en 1949, c'est la fille de Matti Peled, un général de l'armée israélienne qui, après la guerre des Six Jours, s’est élevé contre la politique de colonisation. Suite à la perte de sa fille de 14 ans dans un attentat kamikaze palestinien, elle fonde l'association israélienne et palestinienne des Familles endeuillées pour la paix. En 2001, elle reçoit le prix Sakharov. Elle est une des trois promoteurs du Tribunal Russell sur la Palestine dont les travaux ont commencé le 4 mars 2009. Nurit Peled- Elhanan, dimanche 27 juillet 2014 Chers amis et militants de la paix, Je vous écris depuis la bouche de l’enfer. Génocide à Gaza, pogroms et massacres en Cisjordanie et panique des roquettes sur Israël. Trois colons israéliens enlevés et tués, et la police qui en a été informée immédiatement n’a rien fait. Leur mort a été utilisée comme prétexte pour mener l’assaut planifié à l’avance sur la Cisjordanie et Gaza. Un garçon palestinien de Jérusalem enlevé et brûlé vif et la police, immédiatement informée, ne fait rien. Plus de 200 victimes dans le raid sur Gaza. Des familles entières tuées par les pilotes israéliens, et pour résultat, des bombardements de roquettes sur tout Israël. Le racisme dangereux et violent contre des citoyens israéliens arabes, encouragé avec enthousiasme par les ministres israéliens et des membres du Parlement, conduit à des émeutes dans les rues, engendre l’agressivité et de graves discriminations à l’égard des Palestiniens, avec une violence renouvelée qui éclate contre les militants juifs de la paix. Malgré les accords, les résolutions internationales et les promesses israéliennes, les colonies se développent – tandis que les maisons palestiniennes à Jérusalem-Est et en Cisjordanie sont régulièrement détruites. L’eau coule sans limitation dans les piscines des colonies, tandis que les enfants palestiniens sont assoiffés et que des villages et des villes entières vivent sous un régime cruel de distribution d’eau, comme cela a été récemment souligné par le président Schultz. Des routes de ségrégation réservées aux Juifs seulement et de nombreux
points de contrôle rendent la vie et les déplacements des Palestiniens impossibles. Le caractère non démocratique de l’État d’Israël est de plus en plus en train de se transformer en un État d’apartheid dangereux. Toutes ces atrocités ont été conçues par le même esprit diabolique et criminel – l’esprit de l’occupant raciste et impitoyable de la Palestine. Par conséquent, la responsabilité de tous ces crimes contre l’humanité doit être imputé à qui de droit: les dirigeants politiques racistes d’Israël, les généraux, les soldats et les pilotes, les hooligans de la rue et les membres de la Knesset. Tous sont coupables de l’effusion de sang et devraient être traduits devant la Cour pénale internationale de justice. Jusqu’à ce jour, la communauté internationale n’a pas fait assez pour arrêter le régime d’occupation israélien. Les pays européens l’ont sévèrement critiqué alors que dans le même temps, ils continuaient à coopérer pleinement avec Israël, économiquement, politiquement et militairement. En conséquence, Israël ne paie pas le prix de ses graves violations du droit international et des valeurs humaines. Au contraire, c’est l’Europe qui paie pour la plupart des dommages humanitaires de l’occupation, ce qui rend encore plus facile pour Israël de la maintenir. Bien que des directives aient été émises inter-
© Shareef Sarhan/UN
Israël est la plus grande et la plus dangereuse organisation terroriste existant aujourd’hui. disant aux institutions de l’UE de sponsoriser ou de financer les organismes de recherche et les activités dans les colonies et que 20 pays européens aient publié des avertissements officiels à leurs citoyens et à leurs entreprises contre les relations commerciales et financières avec les colonies, ce n’est pas suffisant. Ces mesures ne remettent pas sérieusement en cause la politique israélienne en Palestine occupée. L’Europe pourrait faire beaucoup mieux, ainsi que l’illustre sa réponse dure à l’annexion de la Crimée par la Russie. En quelques semaines, l’Union européenne a imposé des sanctions ciblées sur les responsables russes et ukrainiens et les entreprises commerciales en activité en Crimée. L’UE est allée encore plus loin et a élargi les sanctions en interdisant l’importation de marchandises de Crimée. Nous, les citoyens d’Israël et les apatrides de la Palestine, ne pouvons pas réaliser la fin de l’occupation et arrêter le bain de sang par nousmêmes. Nous avons besoin de l’aide de la communauté internationale en général et de l’UE en particulier. Nous avons besoin de vous pour poursuivre en justice le gouvernement et l’armée israélienne, nous avons besoin de vous pour boycotter l’économie et la culture israélienne, nous avons besoin de vous pour exhorter votre gouvernement à cesser de tirer profit de l’occupation et nous avons besoin
d’appeler à un embargo des armes contre Israël et à la levée du siège de Gaza. Israël est la plus grande et la plus dangereuse organisation terroriste existant aujourd’hui. Toutes ses munitions sont utilisées pour tuer des civils innocents, femmes et enfants. Ce n’est rien de moins qu’un génocide. En tant que lauréate du Prix Sakharov du Parlement européen pour les Droits de l’Homme, en tant que mère et en tant qu’être humain, je demande à l’UE d’utiliser tous les outils diplomatiques et économiques à sa disposition pour aider à sauver mon pays de cet abîme de mort et de désespoir dans lequel nous vivons. S’il vous plaît, il faut mettre Israël au ban de la communauté internationale jusqu’à ce qu’il devienne un véritable État démocratique, et il faut boycotter et sanctionner quiconque fait des affaires avec cet État d’apartheid et nous aider à nous débarrasser de ce gouvernement raciste et sanguinaire pour restaurer la vie des Palestiniens et celle des Juifs eux-mêmes.
palestine 16 DROIT INTERNATIONAL
L’opération Bordure protectrice
LE DROIT INTERNATIONAL ET LA COUR PÉNALE INTERNATIONALE par Olivier Corten, Professeur à l’Université libre de Bruxelles, Centre de droit international
Lancée au début du mois de juillet 2014, l’opération Bordure protectrice menée par Israël a consisté en un pilonnage intensif et en diverses incursions terrestres sur la bande de Gaza, officiellement pour répondre aux tirs de roquettes lancés par le Hamas à partir de ce territoire.
À la fin du mois d’août, après la conclusion d’un cessez-le-feu supposé régler le conflit de manière durable, le bilan était, outre les destructions massives de bâtiments et de biens, de plus de 2100 morts (dont 70% de civils) du côté palestinien, et d’environ 70 (dont 10% de civils) du côté israélien. L’opération a aussi été marquée par l’attaque d’écoles, de crèches ou d’hôpitaux, soupçonnés d’abriter des armes du Hamas. Dans l’ensemble, les réactions internationales ont été franchement négatives. De nombreux États, organisations ou acteurs de la société civile ont critiqué Israël en pointant tout spécialement les graves violations du droit international qui ont caractérisé son comportement. La possibilité de transmettre l’affaire à la Cour pénale internationale a même été évoquée,… sans il est vrai être suivie d’effets. Mais, au-delà des obstacles politiques et diplomatiques bien réels, existerait-il des obstacles juridiques à ce que la CPI, supposée incarner le mieux la voix de la communauté internationale, se prononce? Pour répondre à cette question, il n’est pas inutile de se pencher d’abord sur le fond de l’affaire, avant d’aborder le problème spécifique de la compétence de la Cour.
L’ABSENCE DE LÉGITIME DÉFENSE AU REGARD DE LA CHARTE DES NATIONS UNIES Comme son nom l’indique, l’opération Bordure protectrice est présentée par les autorités israéliennes comme une simple légitime défense en riposte aux agissements du Hamas. On se souviendra pourtant que, dans le cadre de l’avis rendu dans l’affaire du Mur, dix ans presque jour pour jour avant le lancement de l’opération Bordure protectrice, cet argument a été expressément rejeté par la Cour internationale de Justice (CIJ, Recueil 2004, p. 194, par. 139). La légitime défense avait été écartée en raison du statut de la Palestine, qu’Israël ne reconnaît pas comme État : la légitime défense n’étant applicable que dans les
relations entre États, Israël ne peut valablement l’invoquer pour mener une action en territoire palestinien occupé. On peut toutefois se demander si le raisonnement de la Cour ne doit pas été actualisé aujourd’hui, au vu des évolutions qui ont marqué le statut de la Palestine depuis plusieurs années. On sait en particulier que, le 29 novembre 2012, la Palestine a été reconnue comme un État observateur au sein des Nations Unies et ce, avec le vote favorable de 138 États (9 contre, 41 abstentions). Dans ces conditions, la Palestine peut certainement être qualifiée d’État au sens du droit international public. Si l’on accepte ce raisonnement, l’article 51 de la Charte devient bel et bien applicable pour régir les relations entre Israël et la Palestine. Pourrait-on, dès lors, faire droit à l’argument israélien présentant son action comme une riposte aux tirs de roquettes effectués depuis le territoire palestinien ? Assurément pas, si l’on se rappelle que, en application de la définition de l’agression énoncée dans la résolution 3314 (XXIX) de l’Assemblée générale, doit être considérée comme telle, non seulement toute occupation militaire, même temporaire […] ou toute annexion par l’emploi de la force du territoire ou d’une partie du territoire d’un autre État mais aussi le blocus des ports ou des côtes d’un État. Ainsi, en occupant de manière continue le territoire d’un autre État, et en le soumettant à un blocus, Israël se rend coupable d’une agression. Et un agresseur ne peut par définition se prévaloir de la légitime défense. En revanche, l’État palestinien, en tant qu’État occupé, peut se prévaloir de l’article 51 de la Charte pour résister, y compris par la force, à l’occupation. Cela ne signifie pas, comme on le constatera bientôt, que cette résistance peut prendre n’importe quelle forme. Mais, sur le principe, c’est bien la Palestine, et non Israël, qui est en légitime défense. Il en résulte d’ailleurs que, à supposer même que l’opération Bordure protectrice n’ait fait aucune victime civile, elle n’aurait pas, pour autant, été conforme au droit internatio-
Si la Cour maintient sa position attentiste dans ce dossier, ce n’est pas en raison d’un obstacle juridique, mais plutôt d’un choix de politique judiciaire.
nal. Tout acte d’occupation ou plus généralement de présence en territoire palestinien doit en effet être considéré comme contraire à la Charte des Nations Unies, et l’argument selon lequel il s’agit d’empêcher le Hamas de mener des actes de résistance armée est, en tant que tel, manifestement non fondé.
centaines de victimes civiles à Gaza. En bref, les deux parties semblent bien avoir violé le droit de la guerre, l’un n’excusant en rien l’autre. C’est sans doute en ce sens que devrait juger la CPI, … si toutefois elle se prononce un jour sur la question.
UNE RÉACTION LÉGITIME AUX TECHNIQUES DE GUERRE ILLICITES DU HAMAS ?
LA COMPÉTENCE DE LA COUR PÉNALE INTERNATIONALE : OBSTACLE JURIDIQUE OU VOLONTÉ POLITIQUE ?
Selon Israël, si des écoles ou autres bâtiments civils ont été visés, c’est parce que le Hamas les utilisait pour lancer des attaques. Il est assez difficile d’évaluer la véracité de ces affirmations mais, en tout état de cause, un tel argument ne résiste pas à toute la rigueur du droit de la guerre. Ce dernier prévoit en effet que la présence au sein de la population civile de personnes isolés ne répondant pas à la définition de personne civile ne prive pas cette population de sa qualité (art. 50 § 3 du premier protocole aux conventions de Genève, exprimant le droit coutumier). Les écoles, crèches et hôpitaux restent donc des biens civils, quand bien même des combattants du Hamas s’y seraient réfugiés. Plus généralement, le droit international humanitaire prescrit à l’attaquant de prendre toutes les précautions pour limiter les pertes civiles. Au vu des chiffres évoqués plus haut, et plus généralement des méthodes de combat utilisées par l’armée israélienne (spécialement le pilonnage intensif de zones densément peuplées), il est difficile de penser que ces précautions aient été prises. Enfin, et ce principe n’est là encore contesté par personne, il est strictement interdit de mener des représailles contre la population civile. Le fait que les tirs de roquette du Hamas, qui ne font pas non plus suffisamment la distinction entre objectifs civils et militaires, soient eux aussi illicites, ne constitue donc en rien une justification des bombardements et attaques indiscriminées qui ont causé les
Ni Israël ni la Palestine ne sont actuellement parties au Statut de la CPI. Cependant, aux termes de l’art. 12§3 de son Statut, cette dernière peut se baser sur une déclaration expresse d’un État non membre pour exercer sa compétence sur le territoire de cet État. Le 22 janvier 2009, la Palestine a transmis une telle déclaration à la Cour. Le 3 avril 2012, le Procureur a refusé de poursuivre la procédure parce que, à ce moment-là, la Palestine n’avait été reconnue que comme observateur, et non comme État non membre des Nations Unies, par l’Assemblée générale. Or, comme on l’a signalé, la situation a changé depuis le 29 novembre 2012, date de la résolution consacrant la reconnaissance de la Palestine comme État non membre. La CPI pourrait donc parfaitement se saisir de cette question, et juger les crimes de guerre commis par toute personne impliquée dans le conflit. Et il n’est nullement nécessaire que l’État palestinien adhère formellement à son Statut. Si la Cour maintient sa position attentiste dans ce dossier, ce n’est donc pas en raison d’un obstacle juridique, mais plutôt d’un choix de politique judiciaire, choix qu’elle devra bientôt assumer sans détours. À vrai dire, et si sa passivité perdure, il lui sera de plus en plus difficile de prétendre être autre chose qu’une juridiction politiquement orientée, préservant dans les faits l’impunité de certains acteurs d’une communauté internationale qu’elle ne pourra plus prétendre représenter...
palestine 18 EXIGENCES PALESTINIENNES
POURQUOI
un cessez-le-feu EST-IL INSUFFISANT À GAZA ? par Raji Sourani, Directeur du Centre palestinien des droits humains (PCHR) à Gaza
La mort et les destructions infligées à la bande de Gaza sont impossibles à décrire. Même sur place à Gaza, il est difficile de comprendre ce qui se passe.
La semaine passée, nous avons assisté à une nouvelle attaque contre un complexe de l’ONU où s’abritaient des civils. Elle a fait 17 morts et 120 blessés. Pendant des heures qui étaient supposées couvertes par un cessez-le-feu, une attaque contre le marché de Shujaiya a fait 18 morts et près de 200 blessés.
destruction de Shujaiya est difficilement justifiable. Même la centrale électrique a été détruite. Comment nos hôpitaux pourront-ils fonctionner ? Et les centres de traitement des ordures ? Comment auronsnous encore accès à l’eau potable ?
CE QUE NOUS DEMANDONS Aujourd’hui, 3 août, Israël a bombardé à Rafah une autre école de l’UNRWA, l’Agence des Nations Unies pour les réfugiés palestiniens, où des milliers de gens avaient trouvé refuge. Exceptionnellement, le département d’État Américain a condamné Israël, qualifiant cette attaque « d’effroyable et honteuse ». Tout cela est un cauchemar, mais un cauchemar dont nous savons que nous ne pourrons pas nous réveiller. Ce qu’on a appelé la doctrine de Gaza, élaborée par Israël, consiste à cibler, en toute illégalité, des zones d’habitation densément peuplées en y répandant une terreur indicible, dans l’espoir que les habitants feront pression sur leurs autorités. Israël punit donc délibérément les civils afin d’exercer une pression politique sur le Hamas. Il s’agit d’une punition collective exercée contre les 1 800 000 citoyens de la bande de Gaza. Sinon, comment expliquer autrement les statistiques ? Les chiffres les plus récents, récoltés par le Centre palestinien des droits humains (PCHR), indiquent que 1 817 Palestiniens ont été tués dont 1 545 soit une incroyable proportion de 85%, étaient des civils, c’est-à-dire des personnes prétendûment protégées par le droit international humanitaire. Des centaines de milliers de civils ont été déplacés, obligés de fuir, mais sans nulle part où aller. La bande de Gaza est en ruines. La
Avant tout, nous voulons la fin de la violence. Nous voulons la fin de ces horreurs et de ces souffrances. Trop d’enfants sont morts. Les crimes de guerre sont devenus notre quotidien. Mais un cessez-le-feu ne suffit pas. Nous réclamons justice et nous réclamons des comptes. Nous voulons être traités comme des êtres humains. Nous voulons que notre dignité soit reconnue. Nous demandons la fin du blocus de Gaza. Durant les sept dernières années, Israël a soumis Gaza à un blocus strict. En fermant les frontières, Israël a lentement étouffé Gaza, nous soumettant délibérément à un processus de ‘dé-développement’. Avant la dernière offensive, 65% de la population n’avait ni salaire ni emploi, 85% dépendaient de l’aide alimentaire distribuée par les organisations internationales. Les patients, dont les vies dépendaient de soins médicaux inaccessibles à Gaza, se voyaient refuser la permission de sortir du territoire et mouraient. La vie sous blocus n’en est pas une. Nous ne pouvons pas y revenir. On ne peut pas imaginer sept années de plus sous blocus. Le blocus signifie l’absence de tout espoir. Il signifie que la jeunesse de Gaza n’a pas d’avenir. Pas de travail. Aucune chance de s’évader. Même en cas de guerre, on ne peut pas fuir.
© Iyad Al Baba/Oxfam
Mais le blocus, ce n’est pas que cela. C’est aussi l’absence d’état de droit. Des crimes de guerre sont commis en toute impunité. En soi, le blocus constitue déjà un crime de guerre même si c’est la politique officielle du gouvernement israélien. À cela s’ajoutent les perpétuelles attaques et les offensives. Depuis le début du blocus, c’est la troisième offensive majeure que nous subissons. Des milliers de civils ont été tués. Des milliers de foyers et d’emplois ont été détruits.
UNE IMPUNITÉ COMPLÈTE Ces crimes de guerre sont commis en toute impunité. Après l’opération Plomb durci, qui dura du 27 décembre 2008 au 18 janvier 2009, le PCHR (Centre palestinien des droits humains) a déposé 490 plaintes au nom de 1046 victimes. Au cours des cinq années suivantes, nous n’avons reçu que 44 réponses. Les autorités israéliennes ont jugé que 446 des plaintes déposées ne valaient même pas une réponse. Les résultats de ces plaintes furent les suivants. – Un soldat fut condamné à une peine de sept mois pour le vol d’une carte de crédit. – Deux soldats étaient poursuivis pour avoir utilisé un garçon de neuf ans comme bouclier humain. Chacun d’entre eux fut condamné à une peine de trois mois avec sursis. – Enfin, un soldat fut poursuivi pour un ‘usage impropre d’une arme à feu’ après avoir tiré sur un groupe de civils qui brandissait un drapeau blanc. Deux femmes avaient été tuées. Le soldat fut condamné à 45 jours de prison. Tout cela n’est pas, à proprement parler, de la justice. L’impunité accordée à ces crimes de guerre nous dénie notre qualité d’êtres
humains, dit clairement que nos vies ne sont pas sacrées et que nous ne comptons pas. Confrontés à une telle existence, nos demandes ne sont ni excessives, ni irréalistes. Nous voulons être traités en égaux. Nous voulons que nos droits soient respectés et garantis. Nous demandons que le droit international soit appliqué de manière égalitaire en Israël et en Palestine, aux Israéliens et aux Palestiniens. Les règles du droit international doivent être respectées et ceux qui les violent doivent en rendre compte. Nous demandons que ceux qui sont suspectés de crimes de guerre soient mis en examen et que ceux qui s’en sont rendus coupables soient poursuivis. Est-ce déraisonnable ? Nous exigeons la fin du blocus dont le caractère illégal ne fait aucun doute. Le Comité international de la Croix-Rouge, dans un de ses rares communiqués officiels, a explicitement affirmé que le blocus appliqué par Israël constituait un châtiment collectif qui violait le droit international. Les conséquences de cette politique apparaissent clairement dans la réalité du terrain. Nous demandons donc que le blocus soit levé et que nous puissions vivre dignement. Est-ce déraisonnable? Ce ne sont pas des demandes politiques que nous formulons. Il s’agit simplement d’être traités comme des êtres humains. Un ‘cessez-le-feu’ n’est donc pas suffisant. Il ne mettrait pas fin à nos souffrances. Il ne ferait que remplacer l’horreur d’une mort sous les bombardements par celle d’une mort par étouffement. Nous ne pouvons, ni ne voulons retourner à notre sort de prisonniers. Prisonniers dans une cage qu’Israël secoue et ravage chaque fois qu’il lui en prend l’envie. Source : The Electronic Intifada, 3 août 2014
palestine 20 RECONSTRUCTION
LA RECONSTRUCTION DE GAZA
“Made in Israël” par Arthur Neslen, traduit de l'anglais Pascal Hansens
Israël bloquerait l'aide destinée à la reconstruction de la bande de Gaza et ne laisserait passer que les matériaux de construction d'origine israélienne, favorisant ainsi son économie.
Alors que le cessez-le-feu entre Israël et la bande de Gaza est entrée en vigueur le 26 août dernier, la gestion des fonds alloués à la reconstruction du territoire occupé est entièrement aux mains d’Israël, ce qui soulève de sérieuses interrogations. À l’heure actuelle, au moins 65 000 Palestiniens sont sans domicile à la suite du raid israélien qui a duré sept semaines. Les infrastructures de la région, allant des usines de dessalement aux centrales électriques, sont en ruines. Certes, il n’existe aucune interdiction formelle d’Israël pesant sur l’importation de matériaux de reconstruction non israéliens. Mais une source de l’Union européenne, qui a préféré garder l’anonymat, a expliqué à EurActiv que dans les faits, la sécurité israélienne bloque les matériaux provenant de pays tiers. « Si vous voulez que du matériel d’aide reçoive l’autorisation d’accès [pour entrer en territoire palestinien], il faudra inévitablement qu’il soit d’origine israélienne » a expliqué un fonctionnaire européen. « Je ne pense pas que vous allez trouver une trace écrite à ce sujet dans la politique officielle [d’Israël], mais c’est ce à quoi vous êtes confronté quand il faut négocier avec les autorités israéliennes. Ceci a pour conséquence d’augmenter les coûts de construction et de transaction, et c’est un problème politique qui doit être réglé », a-t-il ajouté. « Ce sera très difficile d’exporter du matériel vers Gaza, » selon la même source. « Un grand nombre de nos matériaux destinés à des projets de reconstruction du secteur privé gazaouite ont été bloqués au port d’Ashdod sur des périodes particulièrement longues – des mois pour ne pas dire des années – à un tel point qu’il n’y avait aucune autre option si ce n’est utiliser du matériel d’origine israélienne ». La même personne a ajouté que cette politique profite à l’économie d’Israël et représente un marché de plusieurs millions d’euros. Selon elle, il s’agit d’une stratégie absolument intentionnelle. La Commission européenne consacré quelque 300 millions d’euros chaque année à l’aide au développement pour Gaza et la Cisjordanie, et près de 200 millions d’euros à l’aide humanitaire.
Les allégations faites par le fonctionnaire européen ont été confirmées par d’autres organisations internationales contactées par EurActiv. En outre, un rapport publié par l’ONU le 3 septembre dernier vient corroborer globalement ces affirmations. L’étude présentée par la Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement affirme que la moitié de l’aide destinée aux Palestiniens de Cisjordanie et de la bande de Gaza – des marchés captifs selon l’organisme onusien – est en fait utilisée pour combler le déficit commercial d’Israël.
DES BIENS À DOUBLE USAGE Tel-Aviv impose un blocus complet sur la bande de Gaza depuis 2007, suite à l’accès au pouvoir du Hamas, un mouvement islamique, à l’origine d’attentats suicides et de tirs de rockettes contre l’occupant israélien, qui ont provoqué la mort de centaines de civils. Néanmoins, l’ONU et certaines ONG protestent contre l’embargo imposé par Israël qui pèse sur la libre circulation des personnes et sur le libre-échange et qui frappe la grande majorité de la population de Gaza, ce qui peut être vu comme une condamnation collective. Les matériaux de construction, tels que l’acier et le ciment, nécessaires à la reconstruction de Gaza, ont été déclarés par Israël comme étant des biens qui pourraient faire « double usage » – par exemple pour produire des munitions – et qui ne devraient par conséquent n’être importés dans Gaza que par des agences humanitaires et onusiennes sous supervision israélienne. Mark Regev, le porte-parole du bureau du premier ministre israélien, Benyamin Netanyahou, a démenti ces allégations quant à sa politique restrictive d’accès à Gaza qui pèserait sur les matériaux de reconstruction. « Je sais que [...] ce n’est pas vrai », a-t-il dit à EurActiv lors d’une conversation téléphonique de son bureau de Jérusalem. Mark Regev n’a pas été en mesure toutefois de donner des exemples de matériaux de reconstruction non israéliens autorisés dans la bande de Gaza, en faisant référence à des enquêtes sur le Cogat, l’organisation qui coordonne les activités de l’armée dans les territoires palestiniens.
© Shareef Sarhan/UN
UN FUTUR SOMBRE Cet organisme israélien, qui est chargé de coordonner l’entrée des aides sur le territoire gazaoui, n’a pas souhaité répondre aux sollicitations d’EurActiv.
Avant même les récents combats, le taux de chômage à Gaza s’élevait à 36 % et le taux de pauvreté était plus élevé que dans les années 90, à l’époque où le processus de paix d’Oslo commençait.
Mais, Amir Rotem, le responsable des relations publiques auprès de Gisha, une ONG israélienne, a expliqué à EurActiv « qu’il n’y avait pas beaucoup d’autres choix possibles ». « Le marché israélien a le monopole du ciment, que détient par ailleurs une seule et unique cimenterie, et il n’y a pas à ma connaissance de ciment d’origine palestinienne en Cisjordanie. Par conséquent, l’éventail de choix est plutôt réduit ».
Reconstruire la bande de Gaza devrait prendre une vingtaine d’années sous le régime actuel de restriction israélien, selon un autre rapport rendu public par Shelter Cluster, une ONG sous la présidence du Conseil norvégien pour les réfugiés, et à laquelle prennent part également le Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés et la Croix-Rouge.
« CHUTZPAH »
Une reconstruction qui sera bien trop tardive pour les Gazaouis. L’Office de secours et de travaux des Nations unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient (UNRWA) a pour sa part annoncé que Gaza sera « un endroit invivable » d’ici 2020, d’une part, à cause de l’accroissement démographique et d’autre part, à cause des pénuries d’eau potable qui devraient sévir dès 2016.
Les réactions internationales ont été très vives à la suite des déclarations du fonctionnaire européen. « Il est scandaleux qu’un pays, qui vient juste de détruire 25 000 maisons gazaoui, demande maintenant à ce que son industrie du secteur du bâtiment tire profit de la reconstruction [de la bande de Gaza] au détriment de la communauté internationale », s’indigné un diplomate occidental à EurActiv. « C’est un véritable “chutzpah” ! [mot d’origine yiddish qui signifie audace, culot] », a-t-il ajouté. Mahmoud el-Khafif, coordinateur spécial pour l’aide au peuple palestinien auprès de la CNUCED, a déclaré pour sa part à EurActiv que les allégations du fonctionnaire européen étaient fondées.« Si nous nous jetions un œil sur l’origine de l’acier et du ciment [dans la bande de Gaza], Israël en serait la seule provenance », a-t-il suggéré.« Selon moi, en tant qu’économiste, ceci pose de sérieux problèmes. Ce qui arrive à Gaza et ce qui se passe actuellement en Cisjordanie dans la zone de contrôle C est un processus dont l’objectif est de diminuer les capacités de l’économie palestinienne à produire des biens, et la seule option restante est alors d’importer la production israélienne ». Le 3 septembre, la CNUCED a publié un rapport qui montre que le PIB des territoires palestiniens occupés s’est rétracté, passant d’une croissance économique de 11 % en 2011 à seulement 1,5 % l’année dernière, ce qui est bien en dessous de la croissance démographique de la population palestinienne.
« S’il était prévu que Gaza devienne un endroit invivable d’ici 2020 avant même que le récent conflit éclate, on peut estimer que la région le sera maintenant bien plus tôt », a déclaré à EurActiv Christopher Gunness, porte-parole de l’UNRWA, et qui se trouve actuellement dans la bande de Gaza. « Avec au moins 20 000 bâtiments résidentiels endommagés, voire détruits, avec des kilomètres d’infrastructures hydrauliques dévastées, avec les millions de litres d’eau usagée rejetée dans la mer quotidiennement, les jours de Gaza sont comptés », a-t-il assuré. Plus de 2 100 Palestiniens, la plupart des civiles, ont été tués lors de la récente opération israélienne. Tel-Aviv a déploré de son côté la perte de 73 Israéliens, principalement des soldats. La reconstruction de Gaza pourrait coûter plus de six milliards de dollars, selon le vice-premier ministre palestinien. Source : http://www.euractiv.fr/, titre original, L’aide internationale à Gaza serait entravée par Israël
palestine 22 CHANGEMENT DE L’OPINION
En 2008-2009, l’opération Plomb durci et ses 1400 victimes palestiniennes avait déjà fortement ébranlé l’opinion publique mondiale. Nombreux ont été ceux qui ont alors appelé à la levée du blocus sur la bande de Gaza. Le mouvement BDS avait parallèlement connu un pic de succès après cette première attaque meurtrière sur ce petit bout de Palestine. Aujourd’hui, l’opération Bordure protectrice semble susciter de la même manière de nombreuses réactions de personnalités dont les médias se sont fait l’écho.
CHANGEMENT DE CAP DE L’OPINION PUBLIQUE,
enfin?
par Nathalie Janne d’Othée
Une des réactions les plus remarquables est sans nul doute la carte blanche de 327 survivants juifs du génocide nazi publiée fin août dans le New York Times. Ces derniers y condamnent le massacre des Palestiniens à Gaza et appellent à la levée immédiate du blocus mais également au boycott total d’Israël. Ils soulignent que « les génocides commencent avec le silence du monde » et ajoutent que, lorsqu’on dit « plus jamais ça », cela signifie « plus jamais ça pour personne ». Des réalisateurs et acteurs espagnols tels que Pedro Almodovar, Penelope Cruz et Javier Bardem ont également lancé un appel à la fin du mois de juillet dernier. Ils n’ont pas hésité à utiliser le terme de « génocide » pour dénoncer l’attaque israélienne contre Gaza. En tant que citoyens européens, ils en appellent avant tout à l’Union européenne pour qu’elle agisse afin de faire cesser le massacre. Cette sortie dans les médias leur a d’ailleurs valu des critiques acerbes dans le milieu hollywoodien. En France aussi, on a vu des personnalités inattendues s’exprimer en faveur de sanctions contre l’État israélien. L’ancien Premier ministre Dominique de Villepin s’est exprimé dans une Tribune du quotidien Le Figaro (édition en ligne du 1er août) dans laquelle il prône des sanctions économiques ciblées et graduées pour des activités directement liées à l’attaque sur Gaza ou aux activités économiques dans les colonies. Dans une autre tribune au titre évocateur – « Trop, c’est trop» – publiée fin août, une quinzaine d’intellectuels français appellent quant à eux à des sanctions telles qu’un embargo militaire contre Israël, la suspension de l’accord d’association ou un étiquetage adéquat des produits issus des colonies. Tous demandent l’application de la justice internationale et l’interposition d’une force des Nations Unies non seulement à Gaza mais aussi en Cisjordanie et à Jérusalem-Est.
La Belgique n’est pas en reste avec de nombreuses réactions inédites devant les violences dans la bande de Gaza. Fin juillet, cent vingt médecins flamands ont ainsi lancé un appel aux responsables politiques belges pour qu’ils prennent des sanctions contre Israël. Quelques jours plus tard, c’était à l’ancien ministre belge Willy Claes (Sp.a) de s’exprimer dans le Vif et de souligner que « Israël ne doit pas perdre de vue que le gigantesque crédit historique construit après la Deuxième Guerre mondiale est presque épuisé. » À l’appel de la styliste flamande Rachida Aziz, une centaine d’artistes, d’intellectuels, de représentants du monde associatif et d’hommes et femmes politiques belges de l’opposition ont appelé le gouvernement fédéral à agir pour mettre fin à l’attaque israélienne contre Gaza. Ils mentionnent parmi les moyens d’action à mettre en œuvre l’interdiction des produits des colonies sur le marché belge ou encore l’adhésion au boycott culturel, académique et sportif. Le chanteur flamand Daan enfin a appelé les Diables Rouges à ne pas disputer leur match contre Israël le 9 septembre prochain. Les personnalités francophones restent un peu en retrait. Une hypothèse pour expliquer le fait serait peut-être l’absence dans le monde francophone du phénomène typique chez nos voisins des « Bekende Vlamingen ». Toutes ces réactions nous disent en tous cas une chose : Israël perd chaque jour en crédibilité et en sympathie. Cela ne suffit cependant pas encore à enclencher un changement des politiques gouvernementales sur la question. Cela ne peut qu’augurer cependant des changements dans un futur plus ou moins proche car les gouvernements ne peuvent indéfiniment ignorer les appels de leurs sociétés civiles. Espérons néanmoins qu’on ne doive pas pour cela attendre que des milliers de morts viennent s’ajouter avant que la communauté internationale ne change enfin son attitude vis-à-vis d’Israël.
palestine 23 DROIT À LA RÉSISTANCE
LES HABITANTS DE GAZA DISPOSENT-ILS D’UN
droit de résistance
QUELS FONDEMENTS ? par Monique Chemillier-Gendreau
Devons-nous, devant le martyre qui est infligé aux habitants de Gaza, prendre acte de la fin des solidarités entre les humains et de la mort du droit international ? Tout ce qu’ils subissent depuis des décennies relève des pires violations des règles de ce droit laborieusement élaborées. Ils sont privés des droits pourtant garantis à tous par la Déclaration universelle des droits de l’homme et par les Pactes internationaux (droit à la vie, à la santé, à l’éducation, à des ressources minimales, etc.) et du droit légitime des peuples à disposer d’eux-mêmes. Et appartenant à un peuple soumis à la domination et à l’occupation étrangères, ils sont privés des droits spécialement formulés pour cette situation par le droit humanitaire en cas de conflit armé 1. L’état chronique de la situation d’enfermement de Gaza depuis 2006 et de surcroît le nombre de civils tués dans la récente opération menée par Israël, les destructions, les difficultés d’approvisionnement, les restrictions à la pêche, mettent les habitants dans une situation inhumaine dont nous devenons responsables si nous y sommes indifférents. Tous ceux dont la conscience répugne à laisser cette situation sans issue sont davantage tournés actuellement vers une activation des possibilités de sanctions contre l’auteur de ces violations du droit, lesquelles, pour la plupart peuvent être qualifiées de crimes. Mais s’il faut chercher comment arrêter le bras de l’agresseur, il est nécessaire aussi de mettre en lumière quelles sont les possibilités légales de se défendre dont dispose l’agressé. Dès lors que la communauté internationale ne se décide pas à envoyer sur place une force d’interposition qui permettrait d’arrêter les massacres et de gérer la protection des populations et leur retour à la vie normale, nous pouvons proclamer fortement que les habitants de Gaza disposent d’un droit de résistance par tous les moyens et d’un appui de tous à cette résistance. Ce n’est pas là une posture morale, mais l’exigence de l’application du droit lui-même. En effet,
les règles primaires que j’ai citées plus haut peuvent, par leur inapplication ou leur violation éhontée, laisser se produire des mises en danger extrême des populations. C’est bien ce qui se produit à Gaza. Or le droit de résistance est alors prévu en droit international. Il a été admis lorsque se sont levées les luttes de libération nationale contre le colonialisme, que celui-ci ayant été déclaré illégitime, les peuples opprimés par une puissance étrangère avaient le droit de réagir et de résister, éventuellement par des moyens armés 2. Ce droit a été reprécisé le 30 novembre 1970. Il est aujourd’hui d’une pleine actualité. Par ce texte, l’organe plénier de l’ONU « 1. Affirme la légitimité de la lutte que mènent les peuples assujettis à une domination coloniale et étrangère et auxquels on a reconnu le droit à disposer d’eux-mêmes pour recouvrer ce droit par tous les moyens dont ils disposent ; 2. Reconnaît le droit qu’ont les peuples assujettis à une domination coloniale et étrangère, dans l’exercice légitime de leur droit à l’autodétermination, de solliciter et de recevoir tous types d’assistance morale et matérielle, conformément aux résolutions de l’Organisation des Nations Unies et à l’esprit de la Charte des Nations Unies ;…. » 3. La feuille de route a ainsi été tracée il y a plus de 4 décennies. Le droit de résistance des Palestiniens de Gaza est légitime et notre devoir est de les aider.
1/ Comment ne pas rappeler au moins la première phrase de l’article 55, par. 1 de la 4e Convention de Genève : « Dans toute la mesure de ses moyens, la Puissance occupante a le devoir d’assurer l’approvisionnement de la population en vivres et produits médicaux… » 2/ AGNU, résolution 2621 (XXV) du 12 octobre 1970 et résolution 2625 (XXV) du 24 octobre 1970. 3/ AGNU, résolution 2649 (XXV) du 30 novembre 1970.
palestine 24 NOUVELLES DE L’ABP Une fois n’est pas coutume, nous allons vous parler de nos activités. Sans doute certains d’entre vous les connaissent-ils et les suivent-ils de près mais il en est d’autres pour qui cela reste sans doute plus flou. Or cette saison a été plus que mouvementée, tant avec l’organisation de Yalla Palestina ! que des multiples manifestations et autres actions de solidarité avec Gaza qui ont rythmé tout l’été.
UNE SAISON MOUVEMENTÉE
à l’ABP
par Nathalie Janne d’Othée
L’événement Yalla Palestina ! s’est déployé au Cinquantenaire le 24 mai dernier. Après des mois de préparation, cette journée tant attendue se profilait enfin et cela, sous un soleil timide mais heureusement bien présent ! Une trentaine d’organisations se sont associées à l’événement destiné à mettre en avant les différentes formes de solidarité avec la Palestine. S’y trouvaient ainsi des organisations travaillant sur des thématiques aussi diverses que l’embargo militaire contre Israël, le boycott des produits agricoles, G4S et les enfants prisonniers, le volontariat en Palestine, la Nakba et la diaspora palestinienne, les femmes palestiniennes, les résistances populaires contre l'occupation, les travailleurs palestiniens, la campagne Made in Illegality contre la colonisation, les réfugiés de Palestine et bien d’autres encore. À la vue des nombreux stands, on pouvait affirmer avec certitude qu’en Belgique, la solidarité avec la Palestine est aussi multiple que diversifiée ! Outre les militants des diverses organisations, le public était venu en nombre au rendez-vous à la fois pour écouter les concerts mais aussi pour s’informer sur les thématiques mises à l’honneur dans les différents stands. Deux partenaires nous ont également fait l’honneur de leur présence : la poétesse et militante Rafeef Ziadah et Ronnie Barkan,le fondateur du groupe israélien Boycott from within. Rythmée par les concerts des Fanfoireux, de Chicos y Mendez et de HK et les Saltimbanks, la journée fut donc un réel et plein succès !
L’équipe de l’ABP s’apprêtait alors à vivre un long été, période de calme permettant une mise à jour et une mise en ordre studieuses et tranquilles. Mais Israël devait en décider autrement…
L’année (scolaire) s’est terminée avec l’assemblée générale de l’ABP durant laquelle le professeur de droit international François Dubuisson a informé nos membres sur les fondements juridiques de la campagne Made in Illegality, une campagne à laquelle participe l’ABP et qui vise en priorité à interdire l’importation et la vente des produits des colonies sur les marchés belge et européen.
Un cessez-le-feu à durée illimitée a été conclu ce 27 août, mais tant que le blocus n’est pas levé et tant que l’occupation de la Palestine se poursuit, la mobilisation, votre mobilisation reste essentielle ! Nous comptons donc sur vous pour continuer à concrétiser la solidarité avec le peuple palestinien, que ce soit par votre présence aux manifestations, par le boycott des produits israéliens, par des interpellations de nos responsables politiques et bien d’autres manières encore, dont nous vous parlons par ailleurs dans ce bulletin. La Palestine a besoin de vous !
Après avoir retourné toute la Cisjordanie « à la recherche » des trois jeunes colons enlevés, Israël décide d’une offensive massive à l’annonce de leur assassinat. La bande de Gaza se retrouve quotidiennement pilonnée par les bombardements israéliens, alignant jour après jour ses morts et ses blessés. Devant la violence et le déni flagrant des règles de base du droit humanitaire international, la société civile belge a aussitôt réagi. Coordonnée par l’ABP, la plateforme Urgence Gaza, qui s’était déjà activée lors des deux dernières offensives israéliennes sur le territoire palestinien, s’est reformée et réactivée. De multiples manifestations ont été organisées durant tout l’été devant l’ambassade d’Israël le 11 juillet, devant le ministère des Affaires étrangères le 16 juillet, dans les rues de Bruxelles avec quelque 10 000 personnes le 27 juillet. Un millier de personnes se sont de nouveau rassemblées devant le ministère des Affaires étrangères le 6 août et 5 000 personnes ont battu le pavé bruxellois le 17 août. À l’heure de l’écriture de cet article, deux manifestations sont encore prévues pour les 5 et 12 septembre. Et malgré toutes ces mobilisations, le gouvernement belge reste silencieux.
palestine 25 BOYCOTT
Un moyen d’action
le boycott! À l’injustice et à la violence de l’agression israélienne sur la bande de Gaza, répond le silence incompréhensible des gouvernements européens et américain. La Cour pénale internationale s’est elle aussi déclarée incompétente pour statuer sur les crimes commis à Gaza, la Palestine n’ayant pas encore ratifié le Statut de Rome. L’inaction de la communauté internationale et les lacunes de la justice internationale permettent ainsi pendant ce temps à Israël de poursuivre tranquillement et en toute impunité son agression sur la bande de Gaza, ainsi que l’occupation de la Palestine ! Depuis 9 ans déjà, c’est le constat de l’impunité constante d’Israël qui a incité un grand nombre d’organisations palestiniennes à appeler les citoyens du monde entier à appliquer des boycotts des produits israéliens, des artistes, des sportifs et des académiques que l’État d’Israël met en avant pour redorer l’image ternie du pays, à encourager les entreprises à retirer leurs investissements d’Israël et les gouvernements à imposer des sanctions vis-à-vis de l’État occupant. L’appel Boycott, Désinvestissement, Sanctions (BDS) vise par ces moyens trois buts très clairs qui sont la fin de l’occupation et de la colonisation des terres palestiniennes, la reconnaissance du droit des citoyens palestiniens d’Israël à une égalité entière et enfin, le respect, la protection et la promotion du droit au retour des réfugiés palestiniens tels que prescrits par la Résolution 194 des Nations Unies. Le mouvement BDS a depuis lors engrangé une série de succès et prend chaque année davantage d’ampleur. Selon les analystes, il évolue bien plus vite que son modèle historique, c’est-à-dire le mouvement de boycott contre l’apartheid en Afrique du Sud. L’année passée, le journaliste israélien Gidéon Levy appelait lui aussi au boycott, devenu selon lui une nécessité patriotique pour sauver l’État d’Israël de lui-même. « Israël s’engageant dans une nouvelle phase de paralysie profonde tant diplomatique qu’idéologique, l’appel au boycott est une exigence, dernier refuge d’un patriote ». Il identifie d’ailleurs parfaitement le fond du problème : « Tant que les Israéliens ne paient pas le prix de l’occupation, ou tout du moins ne font pas le lien entre la cause et l’effet, ils n’ont aucune raison d’y mettre fin ». Le boycott est donc un moyen destiné à secouer l’opinion publique israélienne, voire les entreprises, afin qu’elles poussent le gouvernement à la négociation d’une paix juste, c’est-à-dire la fin de l’agression, de l’occupation et de la colonisation.
Et ce moyen de pression est à la disposition de tout citoyen en tant que consommateur, c’est-à-dire de tout le monde ! Si vous désirez vous aussi faire pression pour une paix juste au Proche-Orient, vous pouvez commencer dès aujourd’hui (si vous ne l’avez pas déjà fait), en boycottant les produits israéliens.
LISTE NON EXHAUSTIVE DES PRODUITS À BOYCOTTER Certaines marques sont facilement reconnaissables mais cela se complique un peu pour les produits agricoles (fruits, légumes, herbes aromatiques, fleurs). Le mieux, en cas de doute, est de vérifier l’origine du produit. Alimentaire – Salades (humus, purée d’aubergines, etc) SABRA – Plats préparés Garden Gourmet TIVALL – Pretzels Super Sticks BEIGEL & BEIGEL – Snacks HALVA et OSEM – Soupes et bouillons TELMA – Confitures AUNT BERTA’S Fleurs coupées Roses, tulipes, iris, etc Cosmétiques Produits de beauté AHAVA et KEDEM Boissons – Vins GALIL, GOLAN, YARDEN, GAMLA – Gazéificateurs et autres produits dérivés SODASTREAM Fruits et Légumes – Agrumes (oranges, citrons, pamplemousses, pomelos, etc.), pommes de terre, avocats, kakis, mangues, raisins, dattes, lychees, grenades, carottes, poivrons et tomates MEHADRIN – Agrumes (oranges, pomelos, pamplemousses, etc.) JAFFA (Agrexco) – Avocats, maïs doux, kumquats CARMEL (Agrexco) – Avocats KEDEM – Poivrons, tomates, épices ADAFRESH – Plantes aromatiques (coriandre, thym, menthe, sauge, basilic, etc.) – Poivrons, tomates, épices ARAVA – Mix de poivrons BIOTIME COLRUYT et DELHAIZE BIO – Patates douces – Tomates cerises – Kakis (Sharon) – Dattes HADIKLAIM, JORDAN RIVER et KING SOLOMON Médicaments Produits de la firme pharmaceutique TEVA
palestine 26 LIVRES
livres
LE PAPILLON DE PALESTINE Burhan AMER, Herstal, éditions Azimuths asbl, 2014.
« THE BATTLE FOR JUSTICE IN PALESTINE »
Ali Abunimah, éditions Haymarket Books Chicago, 2014.
Le roman raconte l’histoire de Rabir, un jeune Palestinien engagé dans l’OLP. Traumatisé par son expérience de la guerre au Liban, il est d’abord pris en charge dans un service psychiatrique d’où l’organisation palestinienne l’envoie ensuite étudier en Chine. La description de la Chine vue par un étudiant palestinien promène le lecteur dans les incohérences et les contradictions du régime communiste tout en illustrant le sens de la vie des Chinois. Dans ce pays où il n’a pas choisi d’aller, Rabir étudie et tâche de soigner sa déprime en buvant, en traficotant et en rencontrant des femmes. Il a l’impression que la mort tourne toujours autour de lui. Un jour, il reçoit un télégramme qui lui enjoint de revenir au Liban : Israël a attaqué. Le récit prend alors un tournant plus politique : les luttes entre factions, la critique de la politique d’Arafat, tout s’y retrouve et Rabir n’appartient manifestement pas au clan dominant. Enfin, il est exfiltré et retourne en Chine pour se retrouver en Syrie après avoir été refusé en Angleterre… Une histoire intéressante, écrite dans un style très simple. MB
Ali Abunimah est l’un des fondateurs du site Electronic Intifada qui reprend nombre de ses articles. Il est l’auteur du livre One Country : a bold proposal to end the Israeli-Palestinian impasse. Il est clair que, malgré les efforts déployés par John Kerry, cet énième projet de solution à deux États est un échec. Nombreux sont ceux qui s’interrogent sur ce que sera l’après. Dans ce livre, Abunimah ouvre des pistes de réflexion sur des questions polémiques dont il fait au préalable une analyse détaillée ; il nous donne à voir avec une grande lucidité l’image d’une réalité complexe et dure faite de racisme, d’oppression raciale et de résistance créative. Parmi les points abordés, il y a le droit d’Israël à exister en tant qu’État juif et l’attitude vraisemblable des Juifs israéliens dans un État unique et démocratique, dans lequel seraient abolis leurs privilèges
coloniaux, ethniques et religieux. C’est en partie dans l’histoire de l’Afrique du Sud et de l’Irlande que l’auteur puise des éléments de réponse, positifs et négatifs. Mais c’est davantage aux États-Unis qu’il trouve ample matière à comparaison : il constate que certaines grandes villes américaines usent des mêmes pratiques discriminatoires, policières et carcérales, que celles du système israélien d’occupation et d’apartheid ; il y perçoit les mêmes peurs démographiques à l’origine des mêmes politiques d’immigration. Il expose par ailleurs comment Israël s’emploie à saboter le mouvement BDS, organise des bagarres sur les campus universitaires et tente de se forger un profil propre et vert via une propagande acharnée destinée aux communautés LBGT et écologistes du monde occidental. Il consacre le dernier chapitre de son livre à la question, cruciale pour lui, de l’autodétermination. C.S.
Session extraordinaire, Bruxelles
24-25 Sept 2014 La guerre de Gaza (2014) à la lumière du droit international : investigation sur les crimes d’Israël, sa responsabilitéet la réponse de la communauté internationale
JURY
8:30 Ouverture des portes 9: 30 Ouverture de la session par Pierre Galand 9 : 45 John Dugard sur le cadre légal du conflit 10: 20 Paul Behrens sur les conditions nécessaires au crime de génocide 10: 50 Desmond Travers sur les munitions utilisées durant l’opération Bordure Protectrice
11: 20 Pause 11: 35 David Sheen sur les incitations au génocide dans le discours public israélien 12: 00 Eran Efrati sur le cas Salem Shamaly. Assassinat d’un Palestinien par un sniper de l’armée israélienne 12: 20 Mohammed Omer sur les exécutions extra-judiciaires (le cas de Mohammed Tawfiq Qudeh)
12 : 40 Lunch
© Anne Paq/Activestills
John Dugard, Miguel Angel Estrella, Christiane Hessel, Richard Falk, Ronnie Kasrils, Paul Laverty, Ken Loach, Michael Mansfield, Radhia Nasraoui, Vandana Shiva, Ahdaf Soueif et Roger Waters
14 : 00 Mads Gilbert sur le fait de cibler les infrastructures sanitaires 14 : 20 Mohammed Abou Arab sur le fait de cibler les travailleurs de la santé 14 : 40 Paul Mason sur le fait de cibler des écoles des Nations Unies et son experience de reporter à Gaza
15: 05 Pause 15 : 20 Martin Lejeune sur le fait de cibler des zones industrielles et les usines 15 : 40 Ashraf Mashharawi sur la destruction des infrastructures civiles dont la centrale électrique et les infrastructures de traitement des eaux usées. 16 : 00 Raji Sourani sur le fait de cibler des civils 16 : 30 Ivan Karakashian sur l’utilisation des enfants comme boucliers humains 16 : 50 Max Blumenthal sur les crimes de guerre 17 : 15 Agnes Bertrand sur les complicités des États tiers 17 : 40 Michael Deas sur les possibilités d’actions 17 : 55 Discours de clôture
Session extraordinaire, Bruxelles
24-25 Sept 2014 Les crimes d’Israël dans la bande de Gaza selon le droit international
24 septembre 9 avenue Eudore Pirmez à 1040 Bruxelles Inscription (gratuite) rtpgaza@gmail.com
TÉMOIGNAGES ET EXPERTISES Mohammed Abou-Arab, Paul Behrens, Agnes Bertrand, Max Blumenthal, Michael Deas, Eran Efrati, Mads Gilbert, Ivan Karakashia, Martin Lejeune, Ashraf Mashharawi, Paul Mason, Mohammed Omer, David Sheen, Raji Sourani et Desmond Travers.
JURY John Dugard, Miguel Angel Estrella, Christiane Hessel, Richard Falk, Ronnie Kasrils, Paul Laverty, Ken Loach, Michael Mansfield, Radhia Nasraoui, Vandana Shiva, Ahdaf Soueif et Roger Waters.
25 septembre PRÉSENTATION DES CONCLUSIONS (EN ANGLAIS) Press Conference at the International Press Center Résidence Palace de 10 à 12 h Free/no registration required. Priority to journalists
European Parliament Altierro Spinelli buidling de 14 à 16 h 60 rue Wiertz à 1047 Brussels, room A5G3 Inscription (gratuite) eccp.brussels@gmail.com
éditeur responsable Pierre Galand – rue Stévin 115 à 1000 Bruxelles / © Anne Paq/Activestills
Albert Hall de 9 à 18 h