palestine
Belgique/België P.P. Bruxelles X 1/1624
BULLETIN DE L’ASSOCIATION BELGO-PALESTINIENNE / WALLONIE-BRUXELLES ASBL TRIMESTRIEL N°63 – JANVIER/FÉVRIER/MARS 2015 – DÉPÔT BRUXELLES X – AGRÉATION P401130
SOMMAIRE DOSSIER ÉLECTIONS EN ISRAËL > 3 Acharnement contre Gaza > 10 Cafouillages de l’UE > 16 Adhésion à la CPI > 18 Festival Eye on Palestine > 22
« Je n’ai jamais pensé voir ma vie en dehors de la réalité, terne, sombre, sombre et si incertaine. C’était jusqu’à l’achat de mon appareil photo... À partir de ce moment, j’ai pu créer ma propre réalité à travers une lentille. Tout d’un coup, cette vie était pleine de couleurs nouvelles... La vie avait un sens différent. Mon nom est Mahmoud Jamal Elkourd. Aujourd’hui, je vois un tout nouveau monde avec mon appareil photo. Un monde où je suis libre d’exprimer mon être, où l’espoir se trouve dans des endroits sans espoir, où la beauté existe partout et en tout. J’ai une vision ; un objectif. Une personne avec une vision ne tombe jamais dans la vie, parce qu’elle voit au-delà des obstacles, elle voit son but… »
palestine 02 ÉDITO
Leila, Nurit
DEUX LANCEUSES D’ALERTES par Pierre Galand, Président
Ce sont des militants des droits de l’Homme qui nous alertent le plus souvent sur les violations graves des droits humains des civils palestiniens, perpétrées par Israël dans les territoires occupés. Qu’il s’agisse de l’arrestation d’enfants ou de leur kidnapping, de leur mise à la torture via notamment leur enfermement dans des cages, qu’il s’agisse de nouvelles confiscations de terre comme ce fut le cas récemment à Hébron ou des conséquences dramatiques du blocus permanent contre la population de Gaza, il est rare que les grands médias occidentaux y fassent écho. Pour s’en justifier, les rédactions invoquent à la fois leur caractère répétitif et leur manque d’intérêt aux yeux de leur lectorat. Il en va tout autrement lorsque des Palestiniens ripostent par des actes de résistance individuels ou collectifs. L’écho ne se fait alors pas attendre : les gouvernements occidentaux réagissent immédiatement par la condamnation et il se trouve toujours des médias pour y réserver largement leurs colonnes. Et gare à ceux qui témoigneraient d’une quelconque forme de compréhension voire d’empathie à l’égard des auteurs de ces actes aussitôt qualifiés de terroristes par la partie israélienne occupante : ils seront illico taxés d’antisémites. Et c’est ainsi que Mr Netanyahou et ses ministres peuvent venir parader en toute quiétude aux côtés du président français et dénoncer en France ce qu’ils permettent à leur armée, à leur police et à leurs colons dans les territoires occupés de Palestine. Parmi ces militants courageux, je veux rendre particulièrement hommage à la professeure Nurit Peled-Elhanan, semeuse infatigable d’alertes à la conscience tant de ses concitoyens que de nombreux réseaux de par le monde. Leila Shahid et elle s’associèrent à feu Ken Coats, président de la Fondation Russell pour lancer le premier appel en faveur du Tribunal Russell sur la Palestine et dénoncer les responsables politiques et économiques complices de la souffrance infligée par Israël aux Palestiniens. Notre association tout entière tient à les remercier pour leur engagement sans faille et hors norme dans la défense des droits inaliénables du peuple de Palestine.
Pour nous, au moment où Leila quitte la Belgique, c’est non seulement l’ambassadeur de Palestine qui s’en va mais aussi une amie proche. Leila n’est pas seulement une combattante palestinienne, c’est également une femme de grand talent sur laquelle nous avons pu compter pour la défense de cette cause qui nous est chère. Mais par-dessus tout, ce qui aura marqué son passage en Belgique, c’est sa détermination et son énergie déployées à faire sans relâche découvrir la richesse culturelle, la créativité et l’intelligence du peuple palestinien en résistance depuis plus de soixante ans contre son envahisseur, l’État d’Israël. Elle nous a aidés à comprendre, notamment grâce au festival Masarat, que sa culture était la sève et la force qui permettent au peuple palestinien de rester debout, digne et toujours capable d’assumer son Histoire tragique. C’est sa culture vivante qui constitue le levier grâce auquel le peuple palestinien peut affirmer en permanence son exigence de respect de ses droits fondamentaux. Au revoir, Leila, et merci.
palestine no 63
Comité de rédaction Marianne Blume, Ouardia Derriche, Nadia Farkh, Pierre Galand, Katarzyna Lemanska, Julien Masri, Christiane Schomblond, Gabrielle Lefèvre, Hocine Ouazraf et Nathalie Janne d’Othée / A contribué Henri Wajnblum / Relecture Ouardia Derriche Association belgo-palestinienne Wallonie-Bruxelles asbl Siège social rue Stévin 115 à 1000 Bruxelles Secrétariat quai du Commerce 9 à 1000 Bruxelles tél. 02 223 07 56 / fax 02 250 12 63 / abp.eccp@skynet.be www.association-belgo-palestinienne.be IBAN BE30 0012 6039 9711 / Tout don de plus de 40 euros vous donnera droit à une exonération fiscale. Graphisme Dominique Hambye & Élise Debouny Avec le soutien de la Fédération Wallonie-Bruxelles
palestine 03 DOSSIER ÉLECTIONS EN ISRAËL
DOSSIER
Les élections du 17 mars prochain en Israël s’annoncent sous haute tension. La coalition gouvernementale précédente est tombée notamment sur sa politique d’intensification de la colonisation et son projet de loi sur le caractère juif de l’État. Si le scrutin se profile très serré entre l’ultra-droite et la coalition prétendument de centre-gauche (menée par Tzipi Livni, ex-membre du Likoud), la campagne, focalisée sur la défense du sionisme, ne présage rien de bon pour les Palestiniens (pages 4 et 5). Entre pied-de-nez à la politique iranienne d’Obama et appels répétés à l’aliyah des Juifs européens, les échos de la campagne de Netanyahou débordent par ailleurs la scène moyenorientale (pages 6 et 7). En outre, après les attentats de Paris, Netanyahou se pose en défenseur de la liberté d’expression, posture des plus hypocrites dénoncée dans notre article page 8.
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Élections en Israël
palestine 04 DOSSIER ÉLECTIONS EN ISRAËL
Élections israéliennes…
C’EST À QUI SERA LE PLUS « SIONISTE » par Henri Wajnblum
C’est le 17 mars prochain que les Israéliens seront invités à se rendre aux urnes pour élire les 120 députés de la Knesset. La campagne bat actuellement son plein et les sondages vont et viennent. Le dernier en date publié le 9 février et commandité par la chaine de télévision Aroutz 10 donne 23 sièges au Likoud de Benjamin Netanyahou ainsi qu’au Camp sioniste issu de l’alliance entre le parti travailliste de Yitzhak Herzog et Hatnoua, le mouvement de Tzipi Livni. Je reviendrai plus loin sur cette nouvelle alliance. Ce n’est d’ailleurs pas la seule… Étant donné qu’aucun des partis arabes représentés à la Knesset n’avait obtenu 3,25% aux élections de 2013, le parti d’Avigdor Lieberman, Israel Beiteinu (Israël notre maison), avait fait passer une loi remontant le seuil de représentation à ce niveau. Le but de la manœuvre était limpide : évincer les Arabes de toute représentation dans la prochaine Knesset ! Résultat des courses, les partis arabes qui n’ont pourtant pas grandchose en commun sur le plan idéologique ont dû se résigner à faire une liste commune incluant Balad, Raam Taal et le mouvement islamique auxquels est venu s’ajouter le parti d’extrême gauche judéo-arabe Hadash qui vient d’enregistrer l’adhésion d’Avraham Burg, ancien président de la Knesset et auteur de Vaincre Hitler. Cette alliance est aujourd’hui créditée de 13 sièges, un de moins que HaBayt HaYehudi, le parti d’extrême droite de Naftali Bennett. Mais les sondages laissent entendre que la prévision pourrait être revue à la hausse. L’offensive contre les partis arabes n’est cependant pas près de cesser… HaBayt HaYehudi, le Likoud et le Shas (parti ultra-orthodoxe) ont en effet signé une pétition visant à rendre inéligible la députée de Balad Haneen Zoabi «qui passe son temps à s’exprimer contre l’armée et Israël, et qui soutient les plus grands ennemis de l’État d’Israël » ! Haneen Zoabi, une opposante radicale à la politique coloniale israélienne et à la prétention d’Israël d’être l’Étatnation exclusif du peuple juif, s’était attirée une première fois les foudres de la Knesset en 2010 après avoir participé à la flottille pour Gaza à bord du Mavi Marmara. Plus récemment, elle s’était vue interdite de parole à la Knesset pendant six mois en raison de ses attaques contre l’offensive israélienne à Gaza. Mais il y a mieux… Le Camp sioniste de Herzog et Livni vient également d’annoncer qu’il se joignait à la pétition visant à exclure Zoabi,
ce qui lui a valu cette réplique du Meretz, parti de centre gauche crédité de 5 sièges aux prochaines élections : « À notre grand regret, le Camp sioniste a rejoint le chœur strident des politiciens de droite voulant exclure Zoabi. Haneen Zoabi repousse les limites de la liberté d’expression avec des positions problématiques, et pourtant, le procureur général a conclu que de telles déclarations ne constituent pas un soutien au terrorisme et qu’il ne peut par conséquent soutenir sa disqualification ». Cela n’a pas empêché la Commission électorale, composée de parlementaires de tous les partis, une commission exclusivement politique donc, de voter son exclusion par 27 voix contre 6 en raison de ses prises de position pro-palestiniennes. Le seul recours possible pour Haneen Zoabi est l’appel devant la Cour suprême qui malheureusement a renoncé depuis longtemps à la neutralité qui la caractérisait auparavant. Exclusion donc de Zoabi pour délit d’opinion… Mais n’était-ce pas le triumvirat Netanyahou-Lieberman-Bennett qui était venu défendre la liberté d’expression le 11 janvier dernier à Paris ? Fais ce que je te dis, pas ce que je fais… Ils en sont heureusement pour leurs frais, la Cour suprême israélienne a finalement invalidé cette décision, et Haneen Zoabi sera bien présente aux prochaines élections.
QUEL SIONISME ? Mais revenons-en au fameux Camp sioniste que la presse, tant israélienne qu’occidentale, persiste à qualifier de centre gauche alors que c’est – au mieux – une alliance de centre droit. De quel sionisme s’agit-il donc là ? D’un sionisme de gauche qui serait favorable à la création d’un État palestinien sur les frontières de 1967 ? Certainement pas puisque Livni était au gouvernement durant l’été 2014 et que personne ne l’a entendue s’élever contre l’agression et le massacre à Gaza, pas plus qu’elle ne s’est élevée contre la colonisation de la Cisjordanie. Peut-être la composante travailliste de la nouvelle alliance alors ? Jugez-en plutôt… la seule
© 2015 Ranbar
chose qu’elle ait trouvé à dire durant sa campagne, c’est que « (…) dans l’état d’isolement diplomatique dans lequel il se trouve, Netanyahou ne pourra pas défendre efficacement les soldats israéliens, après la demande d’adhésion à la Cour pénale internationale (CPI) de l’Autorité palestinienne » ! Ce n’est donc pas l’agression contre Gaza qui lui pose problème mais la défense des soldats israéliens qui l’ont commise… et celle des responsables politiques qui la leur on fait commettre, pas plus que ne lui pose problème la colonisation que les travaillistes ont été les premiers à mettre en œuvre dès après la guerre de juin 1967. Si c’est cela être sioniste aujourd’hui, alors l’antisionisme revendiqué par un certain nombre d’Israéliens et de Juifs de la diaspora ne peut plus être assimilé à un terme obscène puisque cela reviendrait à dire que la revendication de la fin de l’occupation et de la colonisation, ainsi que la volonté de voir Israël être l’État de tous ses citoyens relèveraient elles aussi de l’obscénité… État de tous ses citoyens ? Par sa seule appellation, la nouvelle alliance exclut de facto les citoyens palestino-israéliens car, comme le dit très lucidement Uri Avnery, « pour les Arabes, le sionisme est partout le synonyme du mal. Le sionisme leur a enlevé leur pays, le sionisme a expulsé les Palestiniens arabes et a produit la Nakba, le sionisme pratique aujourd’hui une discrimination à l’égard des citoyens arabes d’Israël dans toutes les sphères de la vie ». Dans le sondage dont je parlais plus haut, Yesh Atid (Il y a un avenir) de Yair Lapid et Kulanu (Nous tous) de Moshe Kahlon sont crédités respectivement de 11 (contre 19 dans l’actuelle Knesset) et de 10 sièges. Kulanu est un nouveau venu sur la scène politique, fondé très récemment par l’ancien ministre des Télécommunications, Moshé Kahlon.
Moshé Kahlon est un ancien proche de Benjamin Netanyahou. Cela ne l’a pas empêché de qualifier la situation d’Israël de « blocus politique », ajoutant que « le vrai Likoud savait comment faire la paix, comment renoncer à des territoires ». Évoquant le traité de paix entre l’Égypte et Israël signé par le fondateur du Likoud, Menahem Begin, Moshé Kahlon insiste : « Lorsque nous avons dû faire la paix avec le plus grand des pays arabes, nous l’avons faite. Lorsque nous avons dû faire des concessions, nous les avons faites ». Moshé Kahlon serait-il devenu antisioniste ? Au contraire, nous ditil, « je suis un pur produit du Likoud ». C’est donc Netanyahou qui serait un imposteur et un traître au sionisme… C’est à n’y plus rien comprendre. En 1998, Denis Charbit publiait un ouvrage monumental intitulé Sionismes, au pluriel. Je crains fort qu’il ne doive y ajouter un chapitre. Si je pouvais donner un conseil aux électeurs israéliens qui sont engagés contre l’occupation et la colonisation ainsi que contre les lois liberticides qui fleurissent aujourd’hui en Israël comme des figues de Barbarie, ce serait de voter sans états d’âme pour la liste arabe unie… Ce serait le seul vote qui aurait un sens dans cette perspective. Une dernière chose… au cours d’une soirée électorale à Jérusalem devant quelques centaines de francophones, Netanyahou n’a pas hésité à lancer : « De même que je suis allé à Paris, j’irai partout où je serai invité à présenter la position d’Israël face à ceux qui veulent nous détruire. Je le ferai non pas en tant que Premier ministre de l’État d’Israël mais comme représentant du peuple juif dans son ensemble ». Là, je nage en pleine confusion… Moi qui pensais sincèrement faire partie du peuple juif, voilà que Netanyahou m’en exclut sans autre forme de procès.
palestine 06 DOSSIER ÉLECTIONS EN ISRAËL
La chutzpah de Netanyahou
LES ÉCHOS Pendant que la campagne bat son plein en Israël, ses échos parviennent jusqu’en INTERNATIONAUX Europe et aux États-Unis. Profitant de ses prérogatives de Premier ministre, Benjamin D’UNE Netanyahou s’adresse régulièrement à un auditoire international afin de renforcer sa position électorale interne. CAMPAGNE par Nathalie Janne d’Othée
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Mais la teneur de ses propos commence à dépasser les limites de l’acceptable et cela, pour de plus en plus de monde. Il existe en hébreu un mot qui résume bien son attitude, chutzpah, qui comme le mentionne Wikipédia désigne «quelqu’un qui a dépassé outrageusement et sans vergogne les bornes du comportement acceptable ».
EN EUROPE : SUR FOND D’ATTENTATS, DES APPELS À L’ALIYAH Les attentats perpétrés à Paris contre Charlie Hebdo et contre un supermarché casher ont été la première occasion saisie par Benjamin Netanyahou pour adresser un message à son électorat en instrumentant la situation internationale. Sans y avoir été invité, le Premier ministre israélien annonce tout d’abord sa venue à la manifestation du 10 janvier. Les autorités françaises lui avaient pourtant signifié qu’il serait préférable qu’il ne vienne pas afin de ne pas altérer le message de la manifestation. Faisant fi de leur opposition, Netanyahou s’est non seulement invité à Paris mais s’est également fendu d’un tweet adressé aux Juifs de France : « À tous les Juifs de France, tous les Juifs d’Europe, je vous dis: Israël n’est pas seulement le lieu vers lequel vous vous tournez pour prier, l’État d’Israël est votre foyer ». Un appel clair à l’aliyah – émigration vers Israël – des Juifs de France, auquel Manuel Valls, pourtant favorable à Israël, a répondu en insistant sur le fait que la France ne serait plus ce qu’elle est sans les Juifs de France. Un mois plus tard, Copenhague est le théâtre de nouveaux attentats et voilà que, sans aucune gêne, Netanyahou en remet une couche en s’adressant aux Juifs d’Europe en ces termes : « Israël est votre maison. Nous nous préparons et appelons à l’absorption d’une immigration massive venant d’Europe ». Ce à quoi un représentant de la communauté juive danoise lui a – très justement – répondu : « Nous sommes très reconnaissants de la sollicitude de Benjamin Netanyahou mais, cela étant dit, nous sommes danois, nous sommes des juifs danois mais nous sommes danois, et ce n’est pas la terreur qui nous fera partir pour Israël ».
Ces adresses récurrentes du Premier ministre israélien aux Juifs d’Europe ne passent donc pas inaperçues et ont tendance à provoquer des réactions quelque peu indignées. Lorsque Netanyahou a encore lancé un deuxième appel aux Juifs de France après la profanation d’un cimetière juif le 19 février, Manuel Valls cible bien la justification fondamentale de ces appels en déclarant : « Une campagne électorale ne veut pas dire s’autoriser à n’importe quelle déclaration ». Outre ces appels à l’aliyah des Juifs d’Europe qui se multiplient, c’est tout un budget que le gouvernement de Netanyahou a alloué à sa promotion : 180 millions de shekels (40,7 millions d’euros) sont ainsi destinés à favoriser « l’absorption des immigrants venant de France, de Belgique et d’Ukraine ». Les premiers signes de cet investissement se font déjà sentir, avec un salon de l’aliyah organisé pour la première fois le 1er mars à Bruxelles ou encore la vidéo montrant un Juif qui se promène et se fait insulter dans les rues de Paris. À propos de cette vidéo, les Inrocks ont révélé que Zvika Klein, le journaliste israélien qui a réalisé l’expérience, travaille pour des organes de presse de Sheldon Adelson, le principal bailleur de fonds du parti républicain… et de Benjamin Netanyahou (« Qui est derrière “10 hours walking in Paris as a Jew” », les Inrocks, 17 février). En appelant à l’aliyah des Juifs européens, Netanyahou montre de manière concrète comment il entend préserver le caractère juif de l’État d’Israël. Une stratégie qui peut s’avérer payante dans une campagne qui met le sionisme et sa défense au cœur du débat électoral, mais qui peut coûter cher à Israël en matière de soutien international.
ISRAËL ET LES ÉTATS-UNIS : INGÉRENCES RÉCIPROQUES Les États-Unis ne sont pas non plus exempts des retombées de la campagne électorale israélienne. Ces derniers mois, les relations entre la Maison Blanche et le gouvernement israélien ne sont plus
© Le soir, 17 février 2015
au beau fixe. Les efforts engagés par John Kerry pour relancer le processus de paix ont été mis à mal par la poursuite de la colonisation du gouvernement israélien. Par ailleurs Netanyahou entretient des liens naturellement meilleurs avec le parti républicain. Il a apporté ouvertement son soutien au candidat républicain Mitt Romney lors des dernières présidentielles américaines. Or le parti républicain vient de gagner les élections législatives de mi-mandat en novembre dernier, atteignant des scores inédits depuis les élections de 1929. À l’annonce de la tenue d’élections anticipées en Israël, un mot d’ordre très clair a été lancé par la Maison Blanche pour qu’il n’y ait pas de préférence exprimée pour l’un ou l’autre camp. Et voilà que sans consulter la Maison Blanche, Netanyahou accepte pour sa part une invitation des républicains à venir s’exprimer devant le Congrès le 3 mars à propos de la politique étrangère américaine. Comme le souligne le journal Haaretz, il s’agit en effet d’une manœuvre gagnant-gagnant à la fois pour les républicains et pour le Premier ministre israélien. Les premiers feront entendre un plaidoyer contre la politique de négociation d’Obama avec l’Iran. Le second bénéficie d’une tribune d’une demi-heure dans le Parlement de la première puissance mondiale, une opportunité en or pour convaincre les électeurs israéliens qu’il est l’homme de la situation. La démarche a été fort critiquée par le camp démocrate. La Maison Blanche a déclaré qu’elle ne recevrait pas Mr Netanyahou lors de son passage à Washington, chose assez rare lorsqu’un dirigeant se déplace jusque-là. Netanyahou aurait-il donc joué une mauvaise carte ? D’après un sondage mené par CNN, 63% des Américains désapprouvent l’initiative du dirigeant israélien (Haaretz, 18 février). Mais plus inquiétant encore pour Netanyahou, il semble également s’être mis à dos l’opinion juive américaine. Comme le souligne Benjy Cannon dans Haaretz (« American Jews, speak out against Netanyahu’s policies » dans Haaretz, 18 février), les Juifs américains ont toujours été majoritairement démocrates. Le fait que Netanyahou s’affiche ouvertement pro-républicain en dérange donc plus
d’un. Plus fondamentalement, la majorité des Juifs américains privilégient une solution à deux États au Moyen-Orient. Pour cela, ils s’opposent à la politique de colonisation menée par le gouvernement de Benjamin Netanyahou. Nombreux sont également ceux qui soutiennent la politique iranienne d’Obama. Jusqu’à présent, rares étaient donc ceux qui osaient s’opposer publiquement à la politique israélienne. Mais la manœuvre de Netanyahou pour s’imposer devant le Congrès, et cela en méprisant ouvertement la volonté de l’administration d’Obama, peut changer la donne. Cette attitude peut donc lui coûter le soutien – ou en tous cas la neutralité – d’une grande partie de la communauté juive américaine.
LES ÉTATS-UNIS RESTENT NÉANMOINS UN ALLIÉ Netanyahou peut donc se faire du souci quant au soutien des ÉtatsUnis au futur gouvernement israélien s’il remporte les élections. Néanmoins rien d’inquiétant dans un avenir proche pour les relations entre Israël et les États-Unis, au vu du climat des relations entre les États-Unis et l’Autorité palestinienne. Premièrement, l’Autorité palestinienne a déposé une résolution devant le Conseil de sécurité de l’ONU contre la volonté américaine (voir article en pages 18-19 ). Deuxièmement, Mahmoud Abbas a ratifié le Statut de Rome et cela, à nouveau sans tenir compte des mises en garde américaines. Les États-Unis menacent désormais de cesser le versement de 400 millions de dollars d’aide annuelle à l’AP, ce qui représente une grande part du budget nécessaire à son fonctionnement. Les États-Unis restent donc fondamentalement des alliés d’Israël, mais il faudra que Netanyahou les ménage davantage s’il veut préserver le caractère inconditionnel de leur soutien. Netanyahou s’invite donc sans aucune gêne dans l’actualité européenne et américaine. Sa chutzpah frôle souvent l’inacceptable et il risque ainsi de se mettre à dos des alliés importants. Ces risques, il les connait pourtant très certainement. C’est dire l’enjeu que représente pour lui le scrutin du 17 mars.
palestine 08 DOSSIER ÉLECTIONS EN ISRAËL
L’image était pathétique : Benjamin Netanyahou, Premier ministre d’Israël, s’imposant dans la manifestation gigantesque pour la liberté d’expression organisée à Paris.
Israël
CHANTRE DE LA LIBERTÉ DE PRESSE ET D’EXPRESSION ? par Gabrielle Lefèvre
UNE LOI « ANTI-WOLINSKI » Image également choquante car Israël est un des États les plus répressifs en matière d’expression citoyenne et de liberté de la presse dès lors qu’il s’agit de Palestine ou de sécurité de l’État. La presse palestinienne a payé un lourd tribut lors des bombardements israéliens meurtriers de l’été 2014 sur Gaza : en effet, 17 journalistes palestiniens y ont perdu la vie. Les reportages diffusés sur les plus grandes chaînes de radio et de télévision et dans les meilleurs journaux n’ont pu empêcher l’hécatombe : 2300 morts. Mais ce travail de témoin a rempli sa mission journalistique: informer les opinions publiques. En plus des 17 journalistes tués, des 19 blessés, de la douzaine d’entre eux qui ont perdu leurs logements, 11 médias palestiniens ont été directement visés par les bombes : « Un crime horrible et la preuve irréfutable que le gouvernement israélien a délibérément voulu viser les médias et les journalistes palestiniens », c’est le constat des membres d’une délégation de la Fédération internationale des journalistes (FIJ), du Syndicat des journalistes palestiniens (PJS) et de quelques journalistes égyptiens réputés lors d’une mission organisée par la Fédération des journalistes arabes (FAJ) juste après le cessez-le-feu du 26 août 2014. « Il est temps de rendre Israël responsable de ses actes car il a été démontré que le pays a violé la loi internationale et la résolution du Conseil de sécurité sur la protection des journalistes en zones de conflit », ont-ils fermement rappelé. Des journalistes palestiniens, israéliens et d’autres nationalités ont partagé les mêmes conditions de vie, de pénurie, de risque que la population de la bande de Gaza. Ils ont publié leurs témoignages dans leurs médias respectifs et ont poursuivi leur travail d’information devant le Tribunal Russell sur la Palestine (TRP) qui a tenu une session extraordinaire sur Gaza, le 24 septembre 2014 à Bruxelles.
En Israël, la liberté d’expression est muselée par quelques lois liberticides. Ainsi, une loi punit « l’offense aux sensibilités religieuses». Résultat, un magazine comme Charlie Hebdo ne pourrait pas voir le jour dans notre pays, écrit le dessinateur israélien Ido Amin (voir Courrier international du 13 janvier 2015). « Mais si Wolinski (dont la mère était juive) était venu en Israël et avait publié un Charlie Hebdo ici, il aurait eu un problème », écrit Ido Amin dans Haaretz. « En France, la liberté d'expression est considérée comme un droit universel. Mais en Israël, un hebdomadaire (comme Charlie Hebdo) ne pourrait pas exister, parce qu'une loi interdit d'offenser les sensibilités religieuses ». Il ne s’agit pas ici de loi contre la diffamation, l'obscénité ou le racisme, précise le dessinateur. « Il s'agit d'une loi bien précise, draconienne, une vraie loi antiWolinski. Elle interdit de représenter Moïse, Jésus ou Mahomet d'une façon qui risque de heurter les croyants. » Rappelons aussi qu’en 2011, le parlement israélien a voté la législation anti-boycott qui cible toute personne ou organisation appelant publiquement au boycott contre Israël ou contre toute région sous son contrôle. À ce propos, dans un éditorial, Haaretz a affirmé que la législation anti-boycott était « une loi politiquement opportuniste et antidémocratique, la dernière d’une série outrageusement discriminatoire et poussant à l’exclusion adoptée au cours de la dernière année, et qu’elle accélérait le processus de transformation du code juridique d’Israël en un document dictatorial inquiétant. Elle jette l’ombre menaçante du délit sur chaque boycott, pétition et même opinion exprimée dans la presse. Très vite, tout débat politique va être réduit au silence ». Quant au boycott international d’Israël, le professeur François Dubuisson, de l’ULB, rappelle le principe de base : « On peut penser ce qu’on veut du mouvement BDS, mais sur le plan du principe, cela relève de la liberté d’expression. Cela ne devrait pas être condamné sur le plan pénal. Sur le plan moral et éthique, chacun peut en penser ce qu’il veut ».
LIENS ENTRE LA BELGIQUE ET L’OCCUPATION ISRAÉLIENNE :
pistes d’action par Nathalie Janne d’Othée
Les nombreux liens de la Belgique avec l’occupation israélienne sont exposés en détail et au grand jour par la chercheuse Katarzyna Lemanska dans son rapport commandité par onze organisations 1. Il a été présenté le 28 janvier dernier à l’UPJB. C’est un rapport très fouillé qui suggère en outre de nombreuses pistes d’action. La Belgique et l’UE ont l’obligation de ne pas porter assistance aux violations du droit international commises par Israël. Le rapport se centre sur les domaines de compétences dans lesquels les autorités publiques belges ont un pouvoir d’initiative : les relations diplomatiques, commerciales, militaires et la politique de recherche scientifique ou encore le tourisme. Les possibilités de liens s’avèrent multiples et les pistes d’actions pour les dénouer le sont tout autant. Quelques mesures prises récemment par l’UE montrent une réelle volonté de ne plus porter aide ou assistance à la colonisation israélienne. Elles vont dans le bon sens mais restent trop peu nombreuses et sont souvent insuffisantes. Dans la même veine, les Conclusions du Conseil des Affaires étrangères de l’UE en décembre 2012 ont pour la première fois décidé d’insérer dans tous les futurs accords conclus avec Israël une clause territoriale qui stipulerait que l’accord n’aurait de validité qu’à l’intérieur des frontières de 1967. Rien de tel n’est par contre mentionné pour ce qui concerne les accords passés antérieurement. Quelques mois plus tard, en juillet 2013, les Lignes directrices poussent la même logique un peu plus loin en excluant de tout financement, subventions ou prêts européens les projets situés dans les colonies. Par contre, elles ne visent que la localisation du projet en question et non l’éventuelle implication de l’organisme dans la colonisation ou l’occupation. Les Messages communs de juillet 2014 mettent bien en garde, quant à eux, les entreprises belges désireuses d’investir dans les colonies mais manquent de précision sur les risques encourus et ne sont guère contraignants. Il faudra donc analyser la manière dont les agences de promotion du commerce extérieur intégreront ultérieurement ces mesures. Sans doute «à l’insu de leur plein gré», il arrive que des universités aient collaboré ou collaborent à des projets avec des sociétés israéliennes fortement impliquées dans le maintien de l’occupation comme Elbit Systems ou Israel Aerospace Industries. Plaider pour l’intégration d’une charte éthique commune qui puisse encadrer la participation des universités à des projets de recherche internationaux paraît une bonne piste.
En ce qui concerne l’importation de produits des colonies sur le marché belge, l’Union européenne a émis une directive pour que les États membres mettent en place un étiquetage distinctif de ces produits. Premièrement, une telle mesure rencontre une difficulté, celle de la traçabilité des produits, en particulier des produits agricoles. La plupart des responsables de supermarchés qui souhaitent exclure les produits des colonies de leurs rayons sont, dans la situation actuelle, obligés de faire confiance à leurs fournisseurs israéliens. Une solution à cette difficulté est d’exclure de leurs fournisseurs toute entreprise qui serait d’une manière ou d’une autre impliquée dans la poursuite de l’occupation et non uniquement les seuls produits de ces mêmes entreprises qui proviendraient des colonies. Par ailleurs, un étiquetage distinctif n’est pas la démarche qui répond valablement aux obligations de la Belgique en matière de droit international. En effet, dans un rapport établi par le professeur François Dubuisson, il est souligné que le droit international impose d’interdire purement et simplement la commercialisation de ces produits sur le sol belge. La mesure est par ailleurs facilement applicable puisque l’UE l’a mise en place cet été pour la Crimée : elle n’importe plus dorénavant de Crimée que les produits certifiés par les autorités ukrainiennes. Nous n’avons fait qu’ébaucher quelques pistes d’action, par ailleurs dûment développées dans le rapport. Celui-ci constitue une ressource unique pour chaque association, chaque militant de la cause palestinienne : c’est en effet un outil précieux pour pouvoir efficacement faire pression sur nos autorités afin qu’elles mettent enfin en œuvre les mesures concrètes qui permettront que la situation des Palestiniens s’améliore. Le rapport est disponible sur le site de l’ABP : http://www.association-belgo-palestinienne.be/infos/breves/publication-dun-rapportsur-les-liens-de-la-belgique-avec-loccupation-israelienne/ 1/ Les organisations suivantes ont financé le rapport : 11.11.11, Association belgopalestinienne Wallonie-Bruxelles, ABVV-FGTB, ABVV Algemene Centrale-FGTB Centrale Générale, CGSP Wallonie, CNCD-11.11.11, Broederlijk Delen, FOS, Pax Christi Vlaanderen, Solidarité Socialiste, Tribunal Russell sur la Palestine.
palestine 10 ACHARNEMENT CONTRE GAZA
ACHARNEMENT
contre la bande de Gaza » par Marianne Blume
Depuis le cessez-le-feu qui a suivi la sanglante agression contre Gaza durant l’été 2014, la situation de la population va en empirant au point que l’UNRWA a déclaré que Gaza était au bord de l’effondrement.
ISRAËL ET GAZA L’accord de cessez-le-feu signé en août 2014 stipulait l’allègement immédiat du blocus qui frappe Gaza depuis 2007 : ouverture des points de passages pour l’aide humanitaire et d’urgence, élargissement de la zone de pêche à 6 milles marins, réduction de la zone tampon à 100 mètres. Dans les faits, comme le dénonce Human Rights Watch, Israël n’a en rien changé ses procédures ni supprimé les restrictions au mouvement des biens et des personnes. Rien que l’approbation de projets humanitaires prend au moins 9 mois quand il n’y a pas tout simplement renvoi des projets aux calendes grecques. Par ailleurs, Israël ne permet l’importation des biens que par un seul point de passage qui est mal équipé (Kerem Shalom) contrairement à ceux qui étaient en fonction avant le blocus : dès lors, selon l’ONU, même si Israël permettait à ce point de passage commercial de fonctionner au maximum, il faudrait vingt ans pour pourvoir aux besoins de reconstruction de la population (Gaza : Donors, UN should press Israel blockade, 12/11/2014, Human Rights Watch). Et ceci ne concerne que la reconstruction ! Par ailleurs, sur mer, la marine israélienne continue à restreindre la zone de pêche (5 milles maximum). Depuis la signature de la trêve, on dénombre: deux pêcheurs blessés, quarante pêcheurs kidnappés et relâchés sauf trois toujours en prison, cinq bateaux de pêche détruits et vingt autres confisqués. Pour ce qui est de la zone tampon et donc des terres en bordure de frontière, l’armée continue de tirer sur les fermiers qui y vivent et même à y faire des incursions pour détruire des champs. Depuis août 2014, un civil a été tué et une vingtaine d’autres ont été blessés. D’août à décembre 2014, on comptait déjà 94 violations du cessezle-feu par Israël (94 Israeli Ceasefire Violations Since August, http://www.imemc.org/article/70072). Comme l’analyse Noam Chomsky, Israël a l’habitude de promettre la levée du blocus de Gaza (voir en 2005, Accord sur la circulation et l’accès) et de ne jamais tenir parole : cela lui permet de gagner du temps et de poursuivre tranquillement sa politique coloniale
(N. Chomsky, Ceasefires in which violations never cease. What’s next for Israel, Hamas, Gaza ?, 09/09/2014). Le problème réside dans l’inaction de l’Europe, des USA et des pays arabes : si toutes les « bonnes âmes » pleurent sur le désastre « made in Israël » dans la bande de Gaza, aucune sanction ni aucune pression sérieuse ne sont exercées pour y remédier.
L’ÉGYPTE ET GAZA Après un mois de respect de la trêve, des discussions devaient avoir lieu entre les négociateurs israéliens et palestiniens sur l’ouverture des points de passage aux biens et aux personnes, l’élargissement de la zone de pêche à 12 milles marins, la suppression de la zone tampon, la libération des prisonniers, la construction éventuelle d’un port et d’un aéroport et ce, sous le contrôle des forces de police de l’Autorité palestinienne (et non du Hamas donc). Théoriquement, l’Égypte, qui avait accueilli les pourparlers en vue d’un cessez-le-feu, devait organiser la réunion. Or il est évident, depuis la prise de pouvoir par Sissi, que l’Égypte procède elle aussi à un blocus de Gaza, accusant – sans preuve – le Hamas d’être à l’origine des troubles et des attentats dans le Sinaï. Dès lors, après une réunion en septembre destinée à établir un calendrier et après des incidents dans le Sinaï, l’Égypte a remis à une date ultérieure la poursuite des discussions. Rien n’a avancé depuis sauf que Netanyahou a déclaré que les discussions porteraient uniquement sur la sécurité et que l’Autorité palestinienne ne semble pas avoir fait pression pour finaliser l’accord de cessez-le-feu. Mais l’Égypte ne se contente pas de traîner les pieds, elle prend des mesures concrètes contre la bande de Gaza et sa population. Tout d’abord, contrairement à ses promesses, la frontière avec Gaza (Rafah) est fermée de manière aléatoire et pour de longues périodes : ouverte 30 jours en septembre 2014, 19 jours en octobre, 3 jours en novembre, 4 jours en décembre. Sur toute l’année 2014, le passage a été fermé 207 jours. Vu la quasi-impossibilité de passer par Israël, des malades, des étudiants, des familles sont bloqués
© 2015 Boris Niehaus
dans Gaza ou hors de Gaza, risquant leur santé et perdant parfois leur emploi ou leur bourse d’études. Par ailleurs, le gouvernement de Sissi a décidé, à l’instar d’Israël, de détruire la partie égyptienne de Rafah pour créer une zone tampon qui aurait jusqu’à 6,4 km de profondeur. Cela signifie la destruction de milliers de maisons et l’évacuation de près de 75000 habitants dont beaucoup sont des réfugiés palestiniens. (H. Sallon, «L’armée égyptienne va raser Rafah pour isoler Gaza», Le Monde, 10/01/2015) Israël a dû donner son feu vert au déploiement de troupes dans le Sinaï et à la frontière si bien qu’en Égypte comme en Palestine, on parle de collusion entre les deux gouvernements. Cette zone tampon vise bien sûr à isoler Gaza et à consolider le blocus imposé par Israël : les rares tunnels encore en activité ne pourront plus fonctionner du tout. Ce qui a deux conséquences : pénurie de biens –y compris de médicaments– pour la population et manque à gagner pour le gouvernement du Hamas qui percevait des impôts sur les tunnels. Enfin, en février, le gouvernement égyptien a placé la branche armée du Hamas sur la liste des organisations terroristes, contribuant ainsi encore un peu plus à la diabolisation du Hamas et donc à sa disqualification. Cette attitude de l’Égypte remet profondément en question sa qualité de médiateur. Il n’en reste pas moins qu’Israël, les USA et, dans une certaine mesure, le Fatah privilégient cet intermédiaire.
LES PARTIS PALESTINIENS ET GAZA Le cessez-le-feu avait été négocié via les Égyptiens entre Israël et une représentation palestinienne composée de membres du Fatah, du Hamas et d’autres partis. La levée totale du blocus devait se faire sous les auspices des forces de police de l’Autorité palestinienne, les Israéliens (tout comme les Égyptiens) exigeant leur présence aux points de passage. Les Israéliens mettaient l’accent sur la démilitarisation de la bande de Gaza et le contrôle strict du matériel entrant et des aides financières afin que le Hamas n’en soit pas le
destinataire. Or, depuis juin 2014, un gouvernement d’union nationale palestinien, composé de technocrates et d’aucun membre du Hamas, a été mis sur pied. Et rejeté aussitôt par Israël. Néanmoins, sa mise en place à Gaza est loin d’être effective. Pour différentes raisons dont un différend sur le payement des salaires des fonctionnaires. En effet, alors que le Hamas demande que les fonctionnaires qu’il a engagés depuis 2007 soient dorénavant payés par le nouveau gouvernement, le Fatah, lui, exige la réintégration des anciens fonctionnaires dont l’Autorité palestinienne a versé et continue à verser les salaires alors qu’elle leur avait interdit de travailler avec le Hamas. Jusqu’à présent, les salaires des fonctionnaires engagés après 2007 n’ont pas été payés. La situation est plus que tendue et les grèves se sont succédé dans les hôpitaux comme dans les écoles ou les ministères. Il semble actuellement qu’une solution soit en vue. L’autre point de discorde est le sort des forces de sécurité. Le Hamas n’est pas prêt à s’en remettre sans condition aux forces d’Abbas qui n’est pas décidé à faire des concessions dans ce domaine. Bref, une union mal unie qui complique encore la vie des Gazaouis. Car c’est toujours à Ramallah que les fonds d’aide sont versés (en dehors des agences de l’ONU) et c’est donc Ramallah qui décide de leur attribution. Or le Hamas prétend de manière récurrente que la bande de Gaza n’en bénéficie pas comme elle le devrait. Par ailleurs, maintenant que la Palestine a demandé son adhésion à la Cour pénale internationale, Israël a riposté en retenant le montant des taxes dues à l’Autorité palestinienne. La mauvaise situation financière du gouvernement palestinien est donc aggravée et le payement des salaires retardé.
EN BREF… Nous assistons à Gaza à un génocide, lent, comme le décrivait Ilan Pappé. Dans l’inaction générale. Même les promesses d’aides financières humanitaires n’ont pas été tenues…(voir article page 12 sur la reconstruction de Gaza).
palestine 12 RECONSTRUCTION DE GAZA
Reconstruction de Gaza :
L’ARGENT PROMIS N’EST PAS ARRIVÉ 30 janvier 2015 | par René Backmann Cinq mois après la fin des combats de l’opération Bordure protectrice lancée par Israël contre la bande de Gaza, la quasi-totalité des fonds promis par les donateurs de la communauté internationale pour reconstruire les habitations détruites n’a toujours pas été versée. Directeur de l’Agence des Nations Unies pour l’aide aux réfugiés palestiniens (UNRWA), Robert Turner a indiqué mardi qu’il avait été contraint de suspendre le versement à des dizaines de milliers de Palestiniens sans abri des fonds destinés aux réparations des quelque 100 000 immeubles endommagés ou détruits par les frappes israéliennes. Près de 66 000 familles sinistrées recevaient jusque-là l’aide de l’UNRWA. Elle leur avait permis de réparer leur habitation ou de louer un logement provisoire. Mais 12 000 autres Palestiniens déplacés sont toujours hébergés dans des écoles ou des locaux de l’ONU et plusieurs milliers sont retournés vivre dans les immeubles bombardés en utilisant des bâches en plastique pour se protéger du froid et de la pluie. (…) Dans un territoire ravagé par 4 opérations militaires en six ans, où l’activité économique est pratiquement réduite à néant par le blocus israélien – et les mesures sécuritaires égyptiennes – et où 45% de la population active sont au chômage, les économies de la plupart des familles sont taries depuis longtemps. Et l’aide des agences de l’ONU est vitale. Sur les 635 millions d’euros requis pour cette mission, 120 millions seulement ont été versés. Alors que des crédits sont encore disponibles pour financer la reconstruction des bâtiments totalement détruits, l’UNRWA a déjà dépensé tout le budget affecté au financement des réparations ou au paiement des loyers des Palestiniens provisoirement relogés. « À ce jour, 68 millions d’euros ont été distribués pour payer les réparations et les loyers des logements provisoires, a indiqué Robert Turner. C’est un résultat remarquable. C’est aussi très nettement insuffisant. Nous ne devons pas perdre de vue que ce sont plusieurs milliers de familles qui continuent à affronter l’hiver dans des abris précaires. Ces gens dorment dans les décombres, des enfants sont morts d’hypothermie. Sur les 5, 4 milliards de dollars promis lors de la conférence des donateurs, en octobre, au Caire,
pratiquement rien n’est arrivé à Gaza. C’est lamentable et inacceptable ». Apprenant l’arrêt de l’aide versée par l’UNRWA, plusieurs centaines de Palestiniens se sont réunis pour manifester leur colère, mercredi devant les locaux des Nations Unies à Gaza, avant d’être dispersés par la police du Hamas. En vue de la conférence des donateurs, l’ONU avait préparé un plan d’urgence de 15 pages intitulé « Réponse stratégique aux hostilités à Gaza » qui préconisait de donner la priorité à la reconstruction des logements et des locaux de l’UNRWA détruits ou endommagés par les bombardements. Il se prononçait aussi pour une amélioration rapide des conditions médicales et sanitaires, notamment pour une remise en état du réseau de distribution d’eau potable. L’Autorité palestinienne, de son côté, avait présenté un document de 75 pages, évaluant à 4 milliards de dollars le montant de l’aide attendue. La majeure partie de cette somme devait être affectée à la reconstruction ou construction de logements. La remise en état de l’unique centrale thermique du territoire était également prévue. Faute de carburant, elle ne fournit actuellement que 6 heures d’électricité par jour. Lire la suite sur le site de : http://blogs.mediapart.fr/blog/rene-backmann/300115/reconstruction-de-gaza-l-argent-promis-n-est-pas-arrive
LA CRISE À GAZA CONTINUE – 177000 Palestiniens sur la liste d’attente pour sortir de Gaza, dont des malades – 100 000 Palestiniens environ toujours déplacés – Plus de 300 000 Palestiniens sans ou avec accès réduit à l’approvisionnement en eau et aux services d’assainissement de l’eau – 95% de l’eau du robinet impropre à la consommation humaine – 1 800 000 personnes souffrent de coupures d’électricité allant jusqu’à 18 heures par jour
palestine 13 TÉMOIGNAGES DE GAZA
Ils témoignent Hossam Al-Madhoun, Gaza, 09/01/2015 Mohammed Musallam, Gaza, 30/01/2015 Rien ne se passe à Gaza, rien Notre vie à Gaza : “ brève” « Cher Jonathan, que dire ? Les choses en sont arrivées à un tel point que nous sentons qu’en parler est inutile. Ils nous mènent au désespoir. Rien ne se passe, rien du tout. Rien de bon, rien de mauvais. Rien ne bouge, rien ne s’arrête, rien ne s’améliore, rien n’empire, rien. La seule chose qui arrive c’est... rien. Ce « rien » est tuant. Moins d’électricité, c’est un détail. Pas de reconstruction, c’est un détail. Les enfants qui meurent brûlés à cause d’une bougie, c’est un détail. Plus de 10 000 personnes qui vivent toujours dans des écoles qui leur servent d’abri, c’est un détail. Le Conseil de sécurité de l’ONU qui rejette la proposition palestinienne d’un État, c’est un détail. Des centaines de milliers de gens sans travail, c’est un détail. Peine de mort pour un vol, c’est un détail. Le Hamas qui refuse de rendre le pouvoir au gouvernement d’unité nationale, c’est un détail. Le Fatah qui refuse de payer les salaires des fonctionnaires des services publics, c’est un détail. Les malades qui meurent faute d’avoir pu voyager pour se faire soigner, c’est un détail. Les étudiants qui perdent leur chance de continuer leurs études vu la fermeture de Rafah, c’est un détail. Les gens qui meurent noyés dans la mer alors qu’ils cherchent à avoir une vie hors de Gaza, c’est un détail. Ma fille, Salma, qui passe deux semaines de vacances scolaires à la maison puisqu’il n’y a nulle part où aller et passer ses loisirs, c’est un détail. Les maisons qui sombrent dans la tempête, c’est un détail. Rien ne se passe, rien. Et ce « rien » nous tue. Gaza n’est pas une prison. Comme quelqu’un l’a dit, dans une prison, la nourriture est assurée. En prison, la sécurité est au moins garantie. En prison, l’éclairage est assuré. En prison, les visites de la famille qui vient de l’extérieur sont assurées. À Gaza, nous vivons la guerre, et entre des guerres. Rien ne se passe, on attend la prochaine guerre. Tu sais ce qui est pire dans ce « rien » ??? Dans le rien tu ne peux t’attendre à rien et peut-on vivre sans perspectives ?! Ils nous mettent dans la position d’attendre la venue de la mort, de vivre sans espoir, de perdre le sens d’être vivant, dans quel but ??? Les gens ont même perdu la capacité de se révolter, même de se plaindre ou de s’exprimer. Si tu es à Gaza, aujourd’hui, 90% des gens parlent de: électricité ou pas d’électricité ; 6 heures, non 8 heures, non moins que 5 heures. Quel sujet de conversation!!! Rien, mon cher, rien ne se passe. »
EAU : 2 heures par semaine, non potable GAZ : une demi-bonbonne tous les deux mois ÉLÉCTRICITÉ : 6 heures par jour FRONTIÈRE : tous les deux mois, ouverte « seulement pour les malades, les étudiants et les étrangers » ESPOIR : chaque seconde, chaque minute, chaque heure
Ayman Abu El Tarabish, Gaza, 07/01/2015
Lieu : rue Al Jalaa Un homme jeune, dans les 40 ans. Il met ses chaussures et sa veste dans un sac. Il crie de toutes ses forces : « À vendre, à vendre ! ». Il n’a pas assez d’argent pour lui et ses enfants. Les gens se sont rassemblés… je le jure… Il marchait pieds nus.
Marwa Abou Labn, Gaza, 30/01/2015 L’avenir de la jeunesse à Gaza (écrit en français)
Nous sommes des jeunes, nous sommes palestiniens et nous bâtirons les rêves dont nous sommes remplis, des plus concrets aux plus incroyables ou aux plus simples : continuer ses études, avoir un emploi en Palestine ou ailleurs et vivre en sécurité sont nos priorités actuelles. Si nous ne trouvons pas une façon de canaliser cette dynamique et cette énergie qui grandit en nous quotidiennement en quelque chose d’utile afin de nous donner l’espoir sur cette terre, il est sûr que l’impatience nous détruira. Nous sommes très attachés à la vie et nous voulons vivre comme tout individu qui peut aspirer au minimum où qu’il soit dans le respect de sa dignité et de ses droits humains.
palestine 14 RECONNAISSANCE DE LA PALESTINE
LA RECONNAISSANCE DE LA PALESTINE PAR L’UE :
qu’en attendre de bon?
Interview de Raji Sourani
LA RECONSTRUCTION Il remarque que la résolution finale du Parlement européen ne reprend pas le terme « blocus » à propos de Gaza. Selon lui, le « blocus » ou « siège » israélien doit être assoupli pour permettre la reconstruction d’après-guerre et la reprise économique. Cinq mois après la fin de la guerre, la reconstruction n’a pas encore démarré. « Malheureusement, dit-il, la reconstruction est un mirage, elle ne se fait pas ». Il analyse le « désastre économique » comme une création entièrement « politique » ; il fait remarquer qu’il y a 10 ans déjà, Gaza avait découvert en mer des champs gaziers qui lui auraient permis de devenir autonome sur le plan énergétique, si Israël lui en avait laissé la moindre chance. Il met aussi en garde contre le fait que l’ONU est en train de devenir l’exécuteur des ordres de la puissance occupante. C’est Robert Serry, le coordinateur spécial des Nations Unies pour le MoyenOrient, qui a négocié les termes du mécanisme international de reconstruction de Gaza. L’accord dit « de Serry » a scellé dans le marbre le rôle de l’ONU dans la « course au ciment » – contrôlant, dans Gaza, qui reçoit quoi en matière de matériaux de construction, recherchant les articles susceptibles de « double emploi » [civil ET militaire], en collaboration avec Cogat, l’institution israélienne qui contrôle les mouvements de biens à l’entrée et à la sortie du territoire. L’institutionnalisation de l’accords Serry, dit Sourani, risque de faire trainer la reconstruction de Gaza pendant 40 ans.
LA LIBERTÉ DE MOUVEMENT Selon lui, l’impossibilité pour les Palestiniens d’exercer leur droit à la liberté de mouvement est aussi au centre du conflit. « Jusqu’à quand devrons-nous être les « bonnes victimes » privées de dignité ? » demande-t-il. D’anciens projets de résolution du Parlement européen font mention de la possibilité de « réactiver et étendre » la portée de deux missions européennes – Eubam Rafah (qui contrôle le mouvement des personnes) et Eupol Copps (qui contrôle l’état de droit). Cependant, comme en ce qui concerne le blocus, l’idée a été élimi-
née du texte final afin de parvenir à un compromis entre groupes politiques. Les personnes n’ont que deux voies de sortie de Gaza : le point de passage d’Eretz vers Israël et celui de Rafah, à la frontière avec l’Égypte. Mais Sourani remarque que, depuis la fin de la guerre, ces passages sont pour l’essentiel non fonctionnels. Eretz n’a jamais vu passer qu’un petit nombre de personnes et Rafah a été fermé la plupart du temps depuis le cessez-le-feu du mois d’août – il s’agit de la plus longue période de fermeture enregistrée.
LE GOUVERNEMENT La résolution finale de l’UE mentionne « le soutien au gouvernement palestinien de consensus » et souligne l’importance de « consolider son autorité dans la bande de Gaza ». Le langage témoigne du fait que les deux principales factions politiques – le Hamas, qui gouverne Gaza, et le Fatah, qui contrôle la Cisjordanie – se sont efforcées, depuis son lancement en avril, de faire fonctionner leur gouvernement d’union. Mais, pour Sourani, la prudence de langage de l’UE montre une faible compréhension de la rupture politique sur le terrain. Là où pour les députés européens, il est question de « consolider l’autorité », pour Sourani, il s’agit de fawda ce qui signifie « chaos total » en arabe. Il observe qu’Israël a encore fait empirer la situation avec son dernier assaut en encourageant le soutien populaire aux groupes radicaux. Il ajoute que le « chaos » sert les faucons israéliens en affaiblissant le Hamas et le Fatah en Palestine et sur la scène internationale. « Alors que de nombreux Palestiniens se sentaient déjà abandonnés par les deux factions politiques, le conflit offre une nouvelle vie aux groupes et partis les plus radicaux », dit-il.
LES FRONTIÈRES « Dites-moi, où sont vos frontières ? » demande-t-il en s’adressant conjointement à l’UE et à Israël. La résolution du Parlement européen parle des « frontières de 1967, avec Jérusalem comme capitale des
Le 5 février, le Parlement belge a adopté une résolution très insatisfaisante sur la reconnaissance de l’État palestinien et cela, malgré le vote négatif de l’opposition et les nombreuses interventions de la société civile. Le 17 décembre dernier, le Parlement européen avait lui aussi voté une résolution tout aussi insatisfaisante sur la reconnaissance de l’État palestinien. Dans une entrevue avec le EU Observer, Raji Sourani, co-fondateur et directeur du Palestinian Center for Human Rights (PCHR) basé à Gaza, analyse le texte adopté au prisme de cinq problématiques qu’il estime indispensable de prendre en considération pour avancer vers la paix. Selon lui, la résolution du Parlement européen ne s’attaque pas aux véritables obstacles à la paix et court le risque de perpétuer le statu quo.
LES PROCÉDURES ABUSIVES deux États, un État d’Israël en sécurité et un État palestinien indépendant, démocratique, continu et viable, coexistant côte à côte dans la paix et la sécurité ». Pour Sourani, cette déclaration avait un sens en 1967 ou, au plus tard, en 1994, quand les accords dits d’Oslo essayaient de mettre en route le processus de paix. Mais il observe que l’accélération actuelle de l’expansion des colonies signifie qu’Israël est de facto en train de redessiner les frontières « plus vite que [le temps qu’il faut] à l’encre des déclarations internationales pour sécher ». Selon lui, les communiqués de l’UE qui ne fixent pas de frontières précises et réalistes font pis que mieux en créant un cadre fictif pour la résolution du conflit. « L’Europe a des responsabilités : personne ne veut d’un État « palestinien » virtuel ».
Sourani observe que les procédures israéliennes sont conçues pour empêcher les Palestiniens d’accéder à la justice. Il cite en exemple le fait que les Palestiniens, parmi les plus pauvres du Moyen-Orient, doivent verser une « taxe de garantie » pour déposer un dossier devant les tribunaux israéliens. Dans le cas « Soumani » remontant à Plomb durci, les forces israéliennes ont tué 27 personnes d’une même famille ; Israël a exigé que ce cas soit traité comme 27 plaintes séparées, augmentant ainsi le montant de la taxe jusqu’à plus de 100 000 $. Les avocats du PCHR, les plaignants et les témoins sont souvent empêchés de se rendre aux audiences à cause des restrictions à la liberté de mouvement ; ainsi, les délais imposés pour le dépôt de plaintes ont pour résultat que 95% des plaignants sont dans l’incapacité de respecter les dates limites.
LES DROITS HUMAINS L’avocat sexagénaire réserve sa critique la plus acerbe à ce qu’il appelle le mépris israélien pour l’état de droit. Selon lui, si ce conflit doit connaître une fin un jour, il doit être gouverné par le droit et non par la loi de la jungle. L’ONG de Sourani, le PCHR, a déposé 225 dossiers auprès de l’avocat général de l’armée israélienne sur des allégations de crimes de guerre pendant la dernière année du conflit à Gaza. Il a déposé 1060 dossiers de demande de réparation/compensation auprès du ministre israélien de la défense. Mais, au vu du bilan israélien, Sourani n’est pas très optimiste pour la suite. Considérant la précédente incursion israélienne – l’opération Plomb durci de 2008/2009, qui a coûté 1 400 vies – il constate que seulement 5 des 492 cas soumis ont rencontré une issue positive. Les 5 « condamnations » prononcées à l’encontre de soldats des forces israéliennes de défense – qui ont tué une Palestinienne désarmée et sa fille agitant toutes deux un drapeau blanc – ont consisté à les suspendre pour 6 mois.
Sourani met aussi en garde contre le nouvel amendement législatif israélien, connu sous l’appellation d’« amendement numéro 8 », susceptible de créer un nouvel obstacle. Cet amendement stipule que « si Israël déclare l’état de guerre, personne n’a le droit de tenir son armée ou ses gouvernants pour légalement responsables de leurs actes ». L’avocat remarque que si l’UE critique régulièrement Israël pour ses meurtres de civils, elle ne prend pas en considération son mépris quotidien du droit des personnes. « Ceci est aussi un encouragement à l’extrémisme. Les gens sont désespérés. Ils ne voient pas de justice. Ils ne voient pas d’espoir. Il n’est pas nécessaire de sacrifier l’état de droit pour assurer la sécurité d’Israël ».
Source : Interview de Raji Sourani par Gaja Pellegrini-Bettoli dans EU Observer, Bruxelles, 6 janvier 2015. Le chapeau a été rédigé par la rédaction du Palestine.
palestine 16 CAFOUILLAGES DE L’UE
L’UE cafouille
ISRAËL CONSTRUIT, DÉTRUIT, BOMBARDE par Katarzyna Lemanska
L’ADOPTION DE MESURES POUR RIPOSTER À LA COLONISATION ? Les 28 États membres de l’Union européenne ont à nouveau manifesté leur incapacité à s’accorder sur des mesures qui pourraient contrecarrer les violations des droits de l’Homme qui découlent de la politique israélienne. La presse israélienne très (voire trop) bien informée a publié, en marge du Conseil des ministres européen de novembre 2014, un document confidentiel, préparé par le groupe de travail chargé du Moyen Orient, reprenant des sanctions ciblées. On y retrouve notamment des « actions vis-à-vis des entreprises opérant dans les colonies » ou encore vis-à-vis des colons (comme refuser les contacts avec des organisations de colons ou des colons, y compris des officiels). Pour être adoptées, ces sanctions doivent être entérinées au niveau ministériel, à l’unanimité. Or ce consensus, en ce qui concerne Israël, n’a jamais été rencontré. Certains États ont d’ailleurs émis l’idée d’avancer par « blocs » afin de contourner l’immobilisme qui nait de la difficulté à obtenir l’aval des 28. Reste à voir si cette réflexion aboutira à des initiatives concrètes. Même des mesures qui ne devraient pas soulever d’opposition peinent à être prises : l’UE n’a par exemple pas encore réussi à s’accorder sur la conduite à tenir en cas de destruction par Israël de projets financés en Cisjordanie par l’argent du contribuable européen. Jusqu’à présent, en cas de destruction, il n’y a pas de procédure établie pour demander des compensations. En somme, l’UE paie, Israël détruit, l’UE paie encore. Il est incompréhensible que la Commission européenne, saisie de la question depuis au moins 3 ans, n’ait pas encore finalisé de proposition là-dessus. Enfin, l’observation de la politique de l’UE initiée en réponse à l’annexion de la Crimée par la Russie illustre parfaitement les doubles standards dans l’appréciation politique dont font preuve les 28. Le
Conseil européen a en effet adopté une position ferme sur la nonreconnaissance de l’annexion de la Crimée et a chargé la Commission de se pencher sur l’élaboration d’une politique exhaustive de non-reconnaissance. C’est ainsi que l’UE a interdit l’importation des produits originaires de Crimée (sauf s’ils sont accompagnés d’un certificat d’exportation émis par les autorités ukrainiennes) et des investissements dans des secteurs spécifiques. Or des juristes ont établi depuis longtemps que l’UE et ses États membres sont soumis à l’obligation de non-reconnaissance de la colonisation israélienne et de l’annexion de Jérusalem-Est et du Golan. Le parallèle avec la situation de la Palestine et l’écart entre les réponses apportées dans les deux cas est flagrant. En ce qui concerne les produits des colonies, les 28 « menacent » Israël de proposer une labellisation (facultative) aux détaillants nationaux. Une mesure non seulement insuffisante pour s’assurer de la mise en conformité de l’UE et de ses États membres avec le droit international (comme le met en évidence la campagne Made in illegality à laquelle l’ABP participe) mais de plus indécente au regard de la gravité des conséquences de la colonisation.
GAZA À propos de Gaza, le silence de l’UE est assourdissant : pas de condamnation ferme de l’opération Bordure protectrice. Les Européens se sont par ailleurs abstenus lors du vote, le 23 juillet dernier, de la résolution qui a mandaté la mission d’établissement des faits chargée d’enquêter sur l’opération militaire israélienne Bordure protectrice, jugeant le texte de la résolution déséquilibré. Parallèlement, l’UE paie pour une reconstruction probablement vouée à la destruction au vu de la constance et de la fréquence des attaques israéliennes et soutient le redéploiement de l’Autorité palestinienne dans la bande de Gaza. L’organisation d’élections est reportée aux calendes grecques. Les appels à lever le blocus lancés en direction
d’Israël sont devenus, à force d’être réitérés, une musique de fond à laquelle les dirigeants israéliens ne prêtent plus aucune attention.
NOUVEAU ROUND DE NÉGOCIATIONS ? Par ailleurs, si l’UE met autant de temps à prendre des décisions opérationnelles, alors que la colonisation continue à un rythme soutenu, et s’abstient de hausser le ton lorsqu’Israël déploie toute sa puissance de feu contre Gaza, il n’y a aucune chance que les mesures en demi-teinte discutées aient une quelconque portée pour renverser le cours de la politique israélienne. De plus, il semble que cette initiative de sanctions soit reportée après les prochaines élections israéliennes et soumise à l’engagement de la future coalition à entamer des négociations avec les Palestiniens, ce qui peut demander des mois. Il n’est pas à exclure que le nouveau gouvernement israélien accepte d’entrer dans une nouvelle phase de négociations-mascarade. Il faut également garder à l’esprit que le mandat d’Obama arrive à son terme l’année prochaine, les cartes seront alors redistribuées. Enfin, lors de la récente visite de Mahmoud Abbas à Bruxelles, l’UE a déclaré que des négociations directes devaient reprendre le plus rapidement possible et qu’elle était prête à jouer un rôle actif dans le processus. Au vu des élections israéliennes telles qu’elles se profilent, et alors que John Kerry a échoué à y parvenir, une telle déclaration, venant de surcroît d’un poids plume diplomatique sur la question, est au mieux fantaisiste. Pour une Union européenne dominée par la droite, toutes les occasions de temporiser sont bonnes à prendre.
MOGHERINI, UN SOUFFLE NOUVEAU ? Catherine Ashton avait la charge difficile d’enfiler pour la première fois le costume de Haute représentante de l’UE pour les affaires étrangères et la politique de sécurité. La tâche n’était pas facile, les États membres étant peu enclins à partager leurs prérogatives en
matière de politique étrangère. Peu expérimentée, la Britannique a eu du mal à donner le ton, se cantonnant à suivre le rythme donné par les Américains. Coordonner ses interventions avec Hilary Clinton n’était certainement pas la meilleure méthode pour insuffler une dynamique européenne dans des négociations avortées depuis. La Haute représentante a également oublié qu’elle avait aussi une casquette de vice-présidente de la Commission, ce qui lui donnait la possibilité non seulement d’intervenir dans des dossiers comme celui sur la participation d’Israël dans le programme de recherche européen ou la labellisation, mais également de prendre des initiatives concrètes et peser réellement dans ces domaines. Elle n’a donc pas su tirer profit du volet technique de sa double fonction, s’enlisant dans le volet politique. La sociale-démocrate Federica Mogherini, qui a brièvement occupé le poste de ministre des Affaires étrangères en Italie, lui succède. Choisie précisément car peu expérimentée, elle affiche des positions prudentes. Aucune évolution constatée, par rapport à Ashton, en ce qui concerne l’ancrage de ces déclarations dans le droit international. Cependant, le fait que son premier voyage hors de l’UE l’ait conduite en Israël/Palestine n’est pas anodin. Et lorsqu’elle a déclaré : « l’important, pour moi, n’est pas que d’autres États, européens ou non, reconnaissent la Palestine. Je serais heureuse si, au terme de mon mandat, l’État palestinien existait », on peut espérer qu’elle sous-entend que reconnaitre des bantoustans n’a d’autre valeur que symbolique et que l’avènement réel de l’État palestinien exige la fin de l’occupation. Seul l’avenir nous dira ce qu’il en est réellement. Ceux et celles qui travaillent ou militent sur cette question sont (et se doivent d’être) d’éternels optimistes.
palestine 18 ADHÉSION DE LA PALESTINE À LA CPI
Ils l’ont fait !
par Nathalie Janne d’Othée
Ils menaçaient de le faire depuis longtemps, sans jamais oser franchir le pas. Et ça y est, ils l’ont fait : les Palestiniens ont adhéré au Statut de Rome et sont donc désormais partie à la Cour pénale internationale. Dans quelles circonstances cela s’est-il produit ? Quelles en sont aujourd’hui les conséquences pour les Palestiniens ? Quelles sont les suites prévisibles de leur stratégie ? Tentons ensemble de déchiffrer les tenants et aboutissants de cette initiative.
Le 30 décembre dernier, la Jordanie déposait une proposition de résolution devant le Conseil de sécurité au nom de l’Autorité palestinienne, demandant la fin de l’occupation pour 2017. La proposition n’a pas obtenu les neufs votes nécessaires à la suite d’un revirement de dernière minute du Nigéria. Ce dernier aurait subi de fortes pressions des États-Unis, portant notamment sur l’aide américaine dans son combat contre la secte de Boko Haram et cela, jusque peu avant le vote. Le vote négatif des États-Unis n’est donc pas apparu pour une fois comme un véto. La France avait quant à elle décidé de voter en faveur de la résolution et cela, en dépit des pressions des Américains.
exercées sur elle par les États-Unis ainsi que par l’Union européenne. Un tel refus d’une résolution dont la légitimité parait si peu contestable lui offrait le prétexte idéal pour franchir le pas. Mahmoud Abbas savait très bien que la résolution avait peu de chances de passer au Conseil de sécurité. Selon Kattan, il était en outre dans l’intérêt de l’Autorité palestinienne que le véto des États-Unis n’apparaisse pas comme l’unique justification du rejet. En effet, s’il avait voulu isoler les États-Unis, il lui suffisait d’attendre le 1er janvier 2015 et le remplacement de l’Australie, de la Corée du Sud et du Rwanda par le Venezuela, la Malaisie et l’Angola, plus favorables aux initiatives palestiniennes.
Dès le lendemain du vote, la Palestine annonçait qu’elle allait adhérer à la CPI ainsi qu’à 13 autres traités internationaux, ce qu’elle a fait le 2 janvier. Le 6 janvier, Ban Ki Moon confirmait que le Statut de Rome entrerait en vigueur à l’égard de la Palestine au 1er avril.
ISRAËL AU-DESSUS DES LOIS
La Palestine avait par ailleurs déposé une déclaration de reconnaissance de compétence de la Cour remontant au 13 juin 2014. Il semble donc que le gouvernement palestinien vise en priorité à traduire devant la Cour les responsables de l’opération militaire israélienne contre Gaza, dont le bilan humain s’élève à quelque 2 200 Palestiniens tués. Et le 16 janvier, sur la base de la reconnaissance de la Palestine de la juridiction de la Cour, le bureau du Procureur a décidé l’ouverture d’un examen préliminaire. Cet examen préliminaire vise à vérifier que toutes les conditions de compétence et de recevabilité sont réunies.
STRATÉGIE PALESTINIENNE Le juriste Victor Kattan identifie, derrière l’échec enregistré par la Palestine au Conseil de sécurité des Nations Unies, une stratégie délibérée et réfléchie chez Mahmoud Abbas pour disposer ainsi d’un motif légitime à sa demande d’adhésion à la CPI (Palestine and the ICC: what's next ? in Juris.org, 14 janvier). L’Autorité palestinienne avait déjà maintes fois menacé de ratifier le Statut de Rome, mais ne s’y était pas encore résolue du fait des lourdes pressions
Les représailles israéliennes à l’adhésion de la Palestine à la CPI ne se sont pas fait attendre. Comme il l’avait déjà fait après le vote de 2012 à l’Assemblée générale des Nations Unies reconnaissant la Palestine comme État observateur non-membre, Israël a aussitôt décidé de ne pas rétrocéder les taxes dues à l’Autorité palestinienne et cela, en violation totale des dispositions du Protocole de Paris, l’accord économique parallèle aux accords d’Oslo. Israël a donc gelé le versement de 123 millions de dollars, ce qui représente les deux tiers du budget de l’Autorité palestinienne. Et de ce budget dépend notamment le paiement des salaires de quelque 150 000 fonctionnaires. La mesure est donc lourde de conséquences pour une grande partie de la population palestinienne. Dans ce qui ressemble plus à une tentative de contrecarrer d’éventuelles poursuites au niveau supranational, divers incidents intervenus lors de l’opération militaire contre Gaza ont fait l’objet de poursuites en Israël. Selon le principe de complémentarité, ne peuvent en effet être poursuivis devant la CPI que des crimes internationaux qui ne l’ont pas été devant les juridictions nationales. Néanmoins, s’il s’avérait que ces enquêtes judiciaires israéliennes étaient essentiellement destinées à faire échapper les auteurs de crimes à toute forme de responsabilité, la Cour pourrait y trouver un motif d’exercer malgré tout sa compétence.
QUELLES SUITES ? Il va également de soi que les Israéliens ne feront rien pour faciliter – mais plutôt feront tout pour compliquer – le travail d’enquête de la CPI. Celle-ci devra donc trouver les moyens de contourner ces difficultés afin de rassembler des preuves, ce qui sera loin d’être simple. Et si elle finit par lancer un mandat d’arrêt contre un responsable israélien, il semble peu probable que celui-ci se présentera devant elle. Le gouvernement israélien fait en outre pression sur la Cour pénale internationale elle-même. Israël a ainsi tenté de jeter le discrédit sur elle. Le ministre israélien des Affaires étrangères Avigdor Lieberman a déclaré sur les ondes d’une radio israélienne que la CPI ne représentait personne, n’était qu’une institution politique et que l’existence de cet organe n’avait aucune justification. Dans la foulée, il a demandé à ses alliés canadiens, australiens et allemands de ne plus financer la CPI, ce à quoi aucun d’entre eux n’a heureusement consenti à obéir. Et sans aucune crainte du ridicule, le même Lieberman a encore confié à un quotidien russe qu’Israël allait tenter d’obtenir la dissolution de la Cour ! Et chose inhabituelle chez ces alliés indéfectibles d’Israël, un responsable allemand a été jusqu’à déclarer que cette campagne israélienne de délégitimation de la CPI était contre-productive (Middle East Monitor, 21 janvier). Les États-Unis semblent davantage perméables aux pressions de leur allié israélien. Ils ont en effet déclaré qu’ils mettraient fin au versement annuel de 400 millions de dollars à l’Autorité palestinienne si cette dernière déposait une plainte auprès de la CPI. En tant que membre du Conseil de sécurité, les États-Unis pourraient également introduire une résolution en vue de suspendre d’éventuelles poursuites de responsables israéliens devant la CPI. Cette mesure est en effet possible si elle est justifiée par des intérêts supérieurs, autrement dit des négociations de paix. L’Autorité palestinienne devrait alors s’assurer qu’une telle proposition ne recueillerait pas la majorité des voix nécessaires, ou qu’un autre membre permanent serait prêt à y opposer son véto.
En mars prochain, les yeux seront rivés sur les résultats de la Commission d’enquête des Nations Unies sur l’assaut d’Israël de 2014 contre Gaza. Ceux-ci nourriront certainement les travaux de la CPI. Son président, le Canadien William Schabas, a récemment été contraint de démissionner pour cause d’un possible conflit d’intérêt, puisqu’il est apparu qu’il avait effectué un travail de consultance pour le compte de l’OLP. Il a donc été remplacé par l’Américaine Mary Mc Gowan-Davis. Espérons que ce changement ne portera pas préjudice au travail d’enquête de la Commission. En tous cas, les rapports des organisations telles que Human Rights Watch, Amnesty et B’tselem vont tous dans le même sens et concluent que des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité ont été commis par Israël cet été à Gaza. Leur travail d’enquête étant rigoureusement et minutieusement mené, il pourrait également apporter les preuves nécessaires à la constitution de dossiers de la CPI. En sus des événements meurtriers de Gaza, la question de la colonisation pourrait également faire l’objet d’investigations de la part de la CPI puisqu’elle relève elle aussi du crime de guerre. De récentes déclarations d’officiels palestiniens confirmeraient cette hypothèse. Espérons donc que les pressions politiques ne finiront pas par avoir raison du travail indispensable de la CPI. Cela aurait en effet des conséquences très néfastes tant sur la position de l’Autorité palestinienne que sur le statut de la CPI. La première pourrait en effet alors être tentée de remettre son tablier, de mettre fin à sa coopération sécuritaire avec Israël, pour lui laisser l’entière responsabilité de l’occupation. Quant à la CPI, elle y perdrait encore de sa crédibilité puisqu’elle se révélerait n’être qu’une Cour au service des intérêts des grandes puissances.
palestine 20 NEWS DU BDS
News du BDS
Si 2014 fut une année riche en victoires pour le mouvement BDS, celles de 2015 s’annoncent déjà nombreuses.
Belgique
LA PLATEFORME BDS S’ÉLARGIT Depuis l’opération Bordure protectrice lancée par Israël contre Gaza cet été, le soutien au mouvement Boycott Désinvestissement Sanctions s’intensifie en Belgique! La plateforme BDS Belgium compte aujourd’hui près de 60 associations, mouvements de jeunesse et ONG. Parmi les signataires francophones : la CNAPD, la Fédération des étudiants francophones, Ecolo J, les Jeunesses socialistes, le Comac, l’ABP et bien d’autres encore. Pour les 10 ans du mouvement, la plateforme organisera prochainement une conférence sur les opportunités du boycott. À suivre. http://bds-campaign.be
France
STOP AU PARTENARIAT ENTRE SODASTREAM ET LE FESTIVAL D’ANGOULÊME Le festival international de la bande dessinée d’Angoulême est le rassemblement incontournable des passionnés de la BD du monde francophone. Depuis quelques années, son principal sponsor n’était autre que la célèbre marque d’appareils à faire des bulles israélienne, Sodastream. Cette année, 110 dessinateurs, parmi lesquels Tardi, Willem (rescapé de la tuerie de Charlie Hebdo), Schuiten ou encore Baeken ont demandé la suppression du partenariat entre le festival et Sodastream. « Ces horribles actes de violence (Charlie Hebdo) nous incitent à agir encore plus urgemment pour un monde où la dignité, la liberté et l’égalité de toutes les personnes sont respectées et promues. Nous réaffirmons que le mouvement de boycott palestinien est une étape importante de cette vision, et nous espérons que vous continuerez à nos côtés dans ce mouvement. »
Royaume-Uni
PRÈS D’UN MILLIER D’ARTISTES BRITANNIQUES APPELLENT AU BOYCOTT CULTUREL D’ISRAËL
À l’initiative d’Artists for Palestine UK, près de 1000 artistes britanniques, dont Brian Eno, Mike Leigh et Ken Loach, déclarent vouloir mettre un terme à leurs relations culturelles et professionnelles avec Israël. Les artistes rappellent leur détermination à « soutenir le combat mené par le peuple palestinien pour la liberté, la justice et l’égalité ». L’association britannique présente son action comme un « geste non violent » pour apporter son « soutien aux Palestiniens piégés à Gaza ».
Et aussi… BRÉSIL
L’État brésilien du Rio Grande do Sul met fin à son contrat de collaboration avec Elbit Systems, société d’armement israélienne, à la suite des protestations contre l’implication de la firme dans l’oppression des Palestiniens.
USA – Les travailleurs étudiants de l’Université de Californie ont voté à une majorité écrasante le soutien à la campagne BDS, devenant ainsi le premier syndicat américain à soutenir la campagne BDS. – 29 professeurs de l’université californienne de Stanford ont signé une lettre demandant de « stopper les investissements de l’université dans des compagnies qui profitent de l’occupation israélienne des territoires palestiniens ». – Durham (Caroline du Nord) est devenue la première municipalité américaine à boycotter G4S, une entreprise de service de sécurité, en raison de son implication dans l’occupation et la colonisation. Elle a mis fin à un contrat d’un montant d’un million de dollars avec la firme.
EUROPE Les États-Unis conditionnent l’accord de libre échange avec l’Union européenne (TTIP ou TAFTA) au rejet des campagnes BDS en Europe… À ce rythme-là, nous pourrons peut-être bientôt voter pour les prochaines présidentielles américaines. Si vous cherchiez encore une raison supplémentaire de vous opposer au TTIP, en voilà une ! https://stop-ttip.org/fr/
palestine 21 LIVRES
livres LA PALESTINE D’OSLO
Julien Salingue, Éditions L’Harmattan, 2014
Julien Salingue est docteur en science politique, enseignant à l’université Paris Ouest Nanterre, spécialiste de la question palestinienne. Il est l’auteur de plusieurs livres sur le sujet. Le 13 septembre 1993, les représentants de l’Organisation de libération de la Palestine (OLP) et le gouvernement israélien signent, sur la pelouse de la Maison Blanche, une Déclaration de principes, mieux connue sous le nom d’accords d’Oslo, qui aurait dû aboutir à la création d’un État palestinien viable et indépendant, avant 5 ans. Vingt et un ans plus tard, le constat est amer : il n’y a pas d’État palestinien, il n’y a même jamais eu de processus de paix. La domination israélienne sur les territoires occupés n’a jamais été aussi forte, la colonisation se poursuit à grande vitesse et les Palestiniens continuent à être spoliés de leurs biens et mis en prison. Et que dire de Gaza ? Dans ce nouveau livre, Julien Salingue analyse de façon critique les raisons de l’échec des accords d’Oslo. C.S.
UNE HISTOIRE POPULAIRE DE LA RÉSISTANCE PALESTINIENNE
Mazin Qumsiyeh, traduit de l’anglais par Jean-Marie Flémal, préface de Michel Warschawski, Éditions Demi-Lune, 2013
Mazin Qumsiyeh est chercheur en génétique, professeur aux universités de Bethléem et de Birzeit après avoir enseigné aux USA. Il prend une part active dans l’organisation de la résistance populaire. Trop souvent, les médias occidentaux décrivent la résistance palestinienne contre l’occupation israélienne comme exclusivement violente : résistance armée, attentats suicides, tirs de roquettes, prises d’otages, etc. Or dans la réalité, affirme l’auteur, si ces formes de résistance existent aussi, elles sont l’exception au sein d’un vaste mouvement de résistance pacifique et non violente, voire innovante. Dans ce livre, étude et synthèse la plus complète sur le sujet, Mazin Qumsiyeh donne des centaines d’exemples de la créativité de la résistance civile depuis plus d’un siècle. L’auteur analyse également les réussites, les échecs, les occasions manquées et les défis que doivent surmonter les Palestiniens ordinaires dans leur lutte pour la liberté dans des conditions extrêmement difficiles. Les histoires humaines racontées ici pourraient utilement inspirer tous ceux qui recherchent une voix mieux informée pour un avenir de paix et de justice. C.S.
PALESTINE : THE LEGITIMACY OF HOPE
PALESTINE : LA LÉGITIMITÉ DE L’ESPOIR Richard Falk, Édition Just World Books, Charlottesville, Virginia, octobre 2014
Richard Falk est professeur émérite de droit international de l’université de Princeton ; pendant 6 ans, jusqu’en avril 2014, il a été le Rapporteur spécial des Nations Unies pour les Droits de l’Homme en Palestine occupée. Ce livre présente une extraordinaire collection de notes, regroupées par thèmes, que l’auteur a confiées à son blog entre 2010 et 2013, en préparation de ses rapports semestriels. Pour Phyllis Bennis, elle aussi grande spécialiste du Moyen Orient, [ces notes] « fournissent tous les outils pour se frayer un chemin dans un fatras de mensonges, de propagande et de cruauté qui masquent les fondements des droits des Palestiniens, c’est-à-dire le droit international, les droits humains et l’égalité pour tous. » La société civile globale apporte un soutien croissant aux Palestiniens dans leurs luttes pour la reconnaissance et l’exercice de leurs droits et pour plus de justice; elle exprime sa solidarité au travers de mouvements comme le BDS; le remarquable travail de Richard Falk met au défi les gouvernements de faire aussi bien. C.S.
palestine 22 EYE ON PALESTINE
FESTIVAL
Eye on Palestine
Durant 7 jours, Eye on Palestine met à l’honneur des films, concerts et autres créations scéniques passionnantes en lien avec la Palestine. Le festival permet à des artistes, jeunes ou expérimentés de partager avec le public leurs regards personnels sur la réalité palestinienne.
28 mars
THE DO-GOODERS Chloé Ruthven 17:00 – Théâtre Marni / Film, 52’ Le film explore l’impact de décennies d’aide internationale apportée aux Palestiniens. Cet altruisme occidental ne contribue-t-il pas plutôt au maintien du statu quo et de l’occupation ? Dans un style road movie à la Thelma et Louise, c’est un voyage du côté sombre de l’aide internationale. Chloé Ruthven enquête sur la question. Après la projection, débat organisé par l’ABP sur l’aide et la présence internationales en Palestine. Qu’apportent ces nouveaux acteurs à la lutte pour l’autodétermination du peuple palestinien ? Ne participent-ils pas plutôt à la mise sous perfusion d’un système économique déjà à l’agonie du fait de l’occupation israélienne ?
47 SOUL 20:30 – Théâtre Marni / Concert 47 Soul, un groupe palestinien créé en 2013 autour de 4 jeunes artistes solo originaires de différentes régions de Palestine et de Jordanie. Carrefour entre musique moderne et traditionnelle, leur univers musical mélange des influences arabes, du reggae, du hiphop derrière des sons empruntés au raï, à la dabkeh et à l’Afrobeat Groove, à travers des textes aux messages forts.
29 mars
20:00 – CC Jacques Frank NATION ESTATE Larissa Sansour Court métrage, sous-titrage FR
Nation Estate est un court film de science-fiction. Il présente avec humour une solution verticale pour l’État palestinien, sous la forme d’un gratte-ciel dans lequel chaque ville palestinienne occuperait son propre étage.
OPEN BETHLEHEM Leila Sansour Film, 75’, sous-titrage FR Le film suit la cinéaste dans Bethléem pendant 10 ans. Armée d’une caméra et d’une voiture familiale, qui tombe régulièrement en panne, Leila Sansour dresse un portrait intime d’une ville historique réduite à la misère. Basé sur près de 700 heures de tournage et quelques rares images d’archives, le film dresse le portrait d’une petite ville à travers le regard d’une des plus anciennes familles chrétiennes.
30 mars
THE WANTED 18 Amer Shomali et Paul Cowan 20:00 – KVS BOL / Documentaire, 75′ anglais & arabe, sous-titrage FR-NL C’est l’histoire du quartier palestinien Beit Sahour durant la première Intifada. Un groupe de militants, d’intellectuels et d’étudiants déci-
dent de s’affranchir de la dépendance d’Israël en produisant leurs propres produits laitiers. Avec 18 superbes vaches, sans expérience mais avec enthousiasme, ils arrivent à produire du lait pour toute la communauté, ce qui n’est pas du goût de l’armée israélienne.
THE PRISONER Remah Jabr 22:00 – KVS TOP Dans The Prisoner, l’écrivaine et metteure en scène Remah Jabr se met dans la peau d’un prisonnier palestinien qui, dans une cellule d’isolement, raconte son histoire à un magnétophone. L’auteur s’éloigne peu à peu de la réalité, jusqu’au moment où la seule certitude est que rien n’est certain.
31 mars
THIS IS MY LAND Tamara Erde 20:00 – KVS BOL / Documentaire, 90′, sous-titrage FR Comment les systèmes d’enseignement palestinien et israélien abordent-ils chacun l’histoire de leur nation ? Le film suit, pendant toute une année scolaire, des enseignants palestiniens et israéliens, conscients du rôle que joue l’histoire dans la construction de l’identité individuelle et nationale.
L’IMPOSSIBLE NEUTRALITE Raven Ruëll 22:00 – KVS TOP / Conférence/performance, 60′ Pour L’Impossible Neutralité, l’élément déclencheur pour Raven Ruëll a été la photo d’une famille israélienne heureuse qui, tout en piqueniquant, regarde une famille palestinienne se faire expulser de sa maison. Il n’arrive pas à s’en détacher, dévore des montagnes de documentation, se traine de Tribunal Russell en d’autres lectures et perd en chemin sa capacité à rester neutre.
1er avril
POETIC PILGRIMAGE KVS TOP / Slam après la projection La soirée sera animée par deux rappeuses du collectif Poetic Pilgrimage Rashida aka Muneera et Noor Sukina Abdul. Toutes deux originaires de Bristol, elles sont MCs et poètes, prêtes à conquérir le monde avec leur musique, leurs textes et leur charisme.
CONCERNING VIOLENCE Göran Olsson 20:00 – KVS BOL / Documentaire, 85′, en anglais Basé sur des archives, Concerning Violence est un documentaire sur les moments les plus audacieux des luttes de libération dans le
Plus d’informations sur wwww.eyeonpalestine.be
tiers monde. En s’inspirant de l’œuvre de Frantz Fanon Les Damnés de la terre (1961), il développe les mécanismes de la décolonisation. Cette ouvrage reste toujours d’actualité pour comprendre le processus néocolonial et les (violentes) réactions qu’il entraîne. Après la projection, débat avec deux spécialistes, Nadia Fadil et Koen Bogaert sur les sens et non-sens de la violence et de son usage (il)légitime en Palestine/Israël, ainsi que des doubles standards dans les discours tenus sur le conflit.
2 avril
ON REPRESENTATION OF THE CONFLICT IN CINEMA François Dubuisson 20:00 – KVS BOL / Conférence, en français, 90′ Professeur de droit international à l’Université libre de Bruxelles (ULB), François Dubuisson a publié de nombreux articles sur les aspects juridiques du conflit israélo-palestinien. Également passionné de cinéma, dans le cadre d’un colloque « droit international & cinéma », il a étudié la manière dont le conflit israélo-palestinien est représenté à l’écran. Il tachera d’expliquer le contexte de production des films et leur portée politique et idéologique. La conférence sera illustrée par la projection de nombreuses séquences.
EMPTY HEAD Solo de Yazan Eweidat 22:00 – KVS TOP / Danse, 15′
3 avril
doctorat dans les années 60, puis abandonne sa carrière académique pour retourner à Beyrouth et rejoindre l’OLP clandestine. Il y militera jusqu’en 1983, année où il part à Damas où il survit comme exilé dans une ville ravagée par la guerre.
4 avril
DÉCRIS-RAVAGE Adeline Rosenstein 14:00 – KVS BOl / Théâtre, en français, 150′ (4 parties de 30′, entrée libre pendant la pause) Dans Décris-Ravage, Adeline Rosenstein mobilise toutes ses forces pour expliquer, en six chapitres, la naissance de la situation Israël/ Palestine. Rosenstein et ses cinq comparses cherchent constamment comment nous entraîner dans leur recherche d’une vérité évanescente. Quatre chapitres ont été réalisés jusqu’à présent, chacun d’une demi-heure, séparés chaque fois par 10 minutes de pause. Ils peuvent être vus chacun séparément, mais il est préférable de les voir tous.
QUEL REGARD SUR LA PALESTINE ? avec Remah Jabr, Bashar Murkus, Adeline Rosenstein, Raven Ruëll 17:00 – KVS BOL / Débat, en anglais La représentation de la Palestine et du conflit israélo-palestinien est une zone de guerre en soi et pour soi. Les créateurs des performances et des films présentés dans le cadre du festival Eye on Palestine, dans ou à travers leur travail, sont tous en butte à la difficulté de représenter le conflit.
NEW MIDDLE EAST
Khashabi Ensemble & Oyoun Theatre 20:30 – KVS BOX / Théâtre, en arabe, surtitré en néerlandais et en français, 60′
NEW MIDDLE EAST Khashabi Ensemble & Oyoun Theatre / 20:30 – KVS BOX (voir 3 avril)
New Middle East est le produit d’une collaboration entre Bashar Murkus, jeune metteur en scène palestinien de Haifa et le Théâtre Oyoun, du Golan, partie de la Syrie occupée depuis 1967 par Israël. La pièce, créée en 2013, est une image de la guerre (civile) en Syrie qui s’étend aussi sur le Golan.
5 avril
TRIP ALONG EXODUS Hind Shoufani 22:00 – KVS BOL / Documentaire, sous-tirage EN, 120′
Le film revient sur 70 ans de politique palestinienne à travers la vie du Docteur Elias Shoufani, l’un des leaders de l’OLP, universitaire et intellectuel de gauche. Le film retrace son histoire depuis l’occupation en 1948, son départ pour les USA (Princeton), où il obtient son
ON THE BRIDE’S SIDE Antonio Augluliaro 20:00 – CC Jacques Franck Quand Del Grande et El Nassiry rencontrent à Milan un groupe de Syriens et de Palestiniens qui ont fui la guerre en Syrie par Lampedusa, il leur vient l’idée de les accompagner jusqu’en Suède… sous le prétexte d’un mariage. Avec une amie palestinienne en robe de mariée et une dizaine d’amis italiens et syriens jouant les invités, ils entreprennent ce voyage de plus de 3000 kilomètres. Au cours du périple, on découvre l’histoire et l’errance de chacun d’entre eux ainsi que les cadenas et les brèches de la forteresse Europe.
éditeur responsable Pierre Galand – rue Stévin 115 à 1000 Bruxelles