Palestine n°52

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Belgique/België P.P. Bruxelles X 1/1624

BULLETIN DE L’ASSOCIATION BELGO-PALESTINIENNE / WALLONIE-BRUXELLES ASBL TRIMESTRIEL N°52 – AVRIL/MAI/JUIN 2012 – DÉPÔT BRUXELLES X – AGRÉATION P401130

SOMMAIRE

© Fredo Bahd

DOSSIER Judaïsation de la terre > 3 – 11 La déportation des prisonniers > 12 Blackout à Gaza > 14 Un médicament TEVA ? Non merci ! > 18 Action TEVA > 23

Les manifestations pour les droits des prisonniers palestiniens

se sont succédées tout au long des mois d’avril et de mai. Voir édito en page 2 et article sur la déportation des prisonniers en page 12.


palestine 02 ÉDITO DANS LE SILENCE ASSOURDISSANT DES MÉDIAS, 2000 PRISONNIERS PALESTINIENS FONT

la grève de la faim par Pierre Galand, Président

Depuis le 17 avril, 2000 prisonniers ont entamé une grève de la faim au finish pour la fin de l’isolement et du confinement solitaire, la fin de la détention administrative, le droit aux visites familiales pour tous les prisonniers, y compris ceux de Gaza et l’accès à l’éducation et à l’information.

Quant à nos médias, ils restent terriblement muets là-dessus. Comme le souligne Alain Gresh, si les 2000 prisonniers étaient russes ou chinois, cela ferait les gros titres de la presse. Mais ici, pour pasticher une chanson de Jean Ferrat, on voit les prisonniers « crier dans un monde immobile ».

Deux prisonniers, Bilal Diab (27 ans) et Taer Halaleh (33 ans), en grève de la faim au finish depuis le 29 février pour protester contre leur détention administrative abusive, sont dans un état critique. Six autres sont également dans un état alarmant au jour d’aujourd’hui (11 mai 2012) : Hassan Safadi, Omar Abu Shalal, Mohammad Taj, Jaafar Azzedine, Mahmoud Sarsak, Abdullah Barghouti. Pourtant, la Haute Cour a rejeté l’appel de Bilal et Taer jugeant que « les grèves de la faim n’étaient pas un moyen pertinent pour décider de la longueur de la détention administrative ». En réponse, l’administration des prisons a décidé de sanctionner les grévistes. Certains sont transférés, d’autres sont mis en isolement, d’autres encore se sont vu infliger des amendes par jour de grève, quelques-uns se sont vu confisquer leurs effets personnels (dont les couvertures) et d’autres enfin ont été enfermés dans des containers dans le Néguev où l’écart des températures entre le jour et la nuit est extrême. Dans beaucoup de lieux de détention, le sel nécessaire contre la déshydratation a été purement et simplement confisqué. La visite de médecins indépendants est interdite et – comble du cynisme – les grévistes qui ne peuvent plus se lever ne peuvent rencontrer leur avocat !

Cette grève de la faim est une grève de la dignité; c’est une forme de résistance ultime qui ressoude la solidarité entre Palestiniens. Les prisonniers combattent l’occupant israélien sur le terrain des droits de l’Homme : où passent donc les défenseurs acharnés de ces droits dès lors qu’il s’agit de la Palestine ? N’hésitez donc pas à interpeller tant notre ministre des Affaires étrangères que les parlementaires belges et européens pour qu’ils et elles interviennent afin que cessent les détentions arbitraires et que les droits des prisonniers, les Conventions de Genève et les prescrits du CICR soient enfin respectés.

Si Richard Falk, rapporteur spécial de l’ONU pour les droits de l’Homme dans les Territoires palestiniens occupés, s’est dit écœuré par les violations continuelles des droits de l’Homme dans les prisons israéliennes, ce n’est que tout dernièrement que l’UE s’est fendue d’un communiqué qui n’a rien de téméraire et qui n’est assorti, bien entendu, d’aucune mesure concrète.

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Comité de rédaction Marianne Blume, Ouardia Derriche, Nadia Farkh, Pierre Galand, Katarzyna Lemanska, Julien Masri, Christiane Schomblond, Gabrielle Lefèvre, Hocine Ouazraf, Nathalie Janne d’Othée. Association belgo-palestnienne / Wallonie-Bruxelles asbl Siège social rue Stévin, 115 à 1000 Bruxelles Secrétariat quai du Commerce 9 à 1000 Bruxelles tél. 02 223 07 56 / fax 02 250 12 63 / abp.eccp@skynet.be www.association-belgo-palestinienne.be IBAN BE30 0012 6039 9711 / BIC GE BABE BB Graphisme Dominique Hambye & Élise Debouny


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DOSSIER JUDAÏSATION DE LA TERRE

LA POLITIQUE FONCIÈRE DISCRIMINATOIRE

d’Israël

Ce dossier consacré à la politique foncière d’Israël montre au travers de trois exemples en quoi cette dernière est discriminatoire. Elle a pour objectif ultime de vider la terre de ses habitants « non-juifs » et cela à travers d’instruments aussi divers que le Plan Prawer de relocalisation des Bédouins du Néguev (pages 3 à 6), le Fonds National Juif actif depuis les premiers temps de la colonisation juive en Palestine (pages 7-9) ou encore au nom de la défense de l’environnement comme à Issawiya (pages 10 et 11). Cette politique d’accaparement de la terre est menée indistinctement des deux côtés de la Ligne verte.


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Le Plan Prawer

POUR LE DÉRACINEMENT DE 30 000 BÉDOUINS par Neve Gordon – traduction NJO

Les plans de déplacement de communautés rurales entières dans des cantons semi-urbains les priveraient de leurs moyens traditionnels de subsistance et de leurs droits à la terre.

Ehud Prawer est le directeur de la Division des politiques de la planification au cabinet du Premier ministre Benjamin Netanyahu. Prawer a assumé cette fonction après avoir servi comme directeur adjoint du Conseil national de sécurité d’Israël. Son mandat consiste à mettre en œuvre les décisions de la Commission Goldberg pour l’organisation de la population arabe dans le Néguev, en offrant une « solution concrète » au problème des 45 villages bédouins non reconnus de la région. Environ 70 000 personnes vivent actuellement dans ces villages auxquels il est interdit, de par la loi, de connecter n’importe laquelle de leurs maisons aux réseaux d’électricité, à l’eau courante ou aux systèmes d’égouts. Les règlements sur la construction sont aussi durement appliqués et cette dernière année seulement, environ 1000 maisons bédouines et enclos d’animaux – généralement désignés par le gouvernement comme de simples « structures » – ont été démolis. Il n’y a pas de routes pavées dans ces villages et il est illégal de placer à proximité des autoroutes des panneaux indiquant la localisation du village. Consulter une carte ne servira pas plus puisque aucun de ces villages n’est référencé. Géographiquement, du moins, ces citoyens d’Israël n’existent pas.

HISTOIRE La relation entre l’État et les Bédouins est problématique depuis toujours. Avant la création de l’État d’Israël, environ 70 000 Bédouins vivaient dans le Néguev. Dès après la guerre de 1948, cependant, seuls plus ou moins 12 000 d’entre eux y sont demeurés, tandis que les autres fuyaient ou étaient expulsés vers la Jordanie et l’Égypte. Sur les instructions du premier Premier ministre d’Israël, David BenGourion, un grand nombre des Bédouins restants ont été arrachés des terres qu’ils avaient habitées pendant des générations et ont été regroupés dans la région, en grande partie stérile, située au nord-est du Néguev et connue sous le nom de zone Siyag (clôture). Cette zone comprend un million de dunums [un dunum = 1 000 m2] ou un peu moins de dix pour cent du territoire du Néguev. Grâce à ce processus de réinstallation forcée, la majeure part des terres les plus fertiles du Néguev ont été débarrassées de leurs résidents arabes et remises à de nouveaux kibboutzim et moshavim, des communautés juives agricoles, qui profitèrent pleinement de la richesse des sols.

Après leur transfert et jusqu’en 1966, les citoyens bédouins d’Israël ont été soumis à une règlementation militaire sévère; leur liberté de mouvements était limitée et ils se sont vu refuser tous les droits politiques, sociaux et économiques fondamentaux. Mais, même après cela, à la fin des années 1960, de nombreux décideurs israéliens continuaient à considérer les Bédouins vivant dans le Siyag comme toujours menaçants et occupant trop de terres; de ce fait, malgré la délocalisation réalisée dans les années 1950, l’État a décidé de chercher une meilleure solution au « problème bédouin ». L’objectif était de concentrer la population bédouine dans des espaces semi-urbains qui finiraient par ne comprendre qu’un infime pourcentage de leurs terres tribales d’origine. Plusieurs années durant, les responsables gouvernementaux se sont réunis avec les chefs bédouins et ont conclu des accords avec plusieurs d’entre eux. Par un processus graduel, s’étendant sur environ 20 ans, sept villes ont été créées – Tel-Sheva, Rahat, Segev Shalom, Kusaife, Lqya, Hura et Ar’ara. Dans certains cas, les Bédouins vivaient déjà là où la ville a été construite, mais la grande majorité des Bédouins a été à nouveau transférée et installée dans ces villes exclusivement bédouines. Certains l’ont fait de leur propre gré, tandis que d’autres y ont été forcés. Le prix que la plupart des familles ont dû payer pour leur propre déplacement était lourd : renoncer à leur droit à de larges portions de leurs terres et abandonner leur mode de vie rural. Durant plusieurs années après l’édification de chacune de ces villes, les Bédouins n’ont pas été autorisés à procéder à des élections démocratiques et leurs municipalités étaient dirigées par des fonctionnaires juifs du ministère de l’Intérieur. Les villes se sont aussi rapidement transformées en « townships » surpeuplés, avec des infrastructures délabrées et guère d’opportunités d’emploi. Aujourd’hui, les sept townships, qui sont le foyer d’environ 135 000 personnes, sont classés « un » sur l’échelle socio-économique israélienne de un (le plus faible) à dix (le plus élevé) et sont caractérisés par un taux de chômage élevé, un taux de natalité élevé et des établissements d’enseignement de troisième ordre.


L’algorithme de Prawer prend appui sur l’hypothèse centrale que les Bédouins n’ont pas de droits fonciers.

ALGORITHME DE L’EXPROPRIATION Après des années d’indécision, le gouvernement a nommé Prawer pour essayer, encore une fois, de résoudre le « problème bédouin » une fois pour toutes. Son mandat consiste à déplacer les Bédouins qui avaient été réticents à céder légalement leurs droits de propriété et qui étaient restés dans les villages non reconnus. La justification du gouvernement pour ne pas reconnaître ces villages, c’est qu’ils sont relativement petits (allant de quelques centaines à plusieurs milliers de personnes) et sont dispersés sur une vaste zone, tout ce qui rend difficile, de l’avis du gouvernement, de leur fournir des infrastructures satisfaisantes. Au nom de la modernisation, enfin, le gouvernement veut concentrer les Bédouins dans un petit nombre de villes.

Curieusement, le plan Prawer rédigé et le projet de loi fondé sur le plan n’ont pas vraiment résolu les problèmes de ces villages.

LES BÉDOUINS COMME UNE MENACE

« Au lieu de cela, le plan, qui aura bientôt force de loi, se concentre sur la création d’un algorithme pour diviser la propriété privée chez les Bédouins, tout en discutant en quelques phrases ambiguës de la solution réelle pour les villages non reconnus. N’est-il pas étrange que le plan de relocalisation des Bédouins ne comprenne pas une carte indiquant où ils seront déplacés ? »

Alors qu’il élaborait son plan, Ehud Prawer a rencontré de nombreux Bédouins afin de comprendre les problèmes complexes qui se posent lorsqu’on essaie de fournir une solution aux villages non reconnus. Des années de service au sein de l’institution pour la sécurité d’Israël l’ont cependant amené à considérer les Bédouins moins comme porteurs individuels de droits que comme un risque national qui doit être endigué. Travaillent en étroite collaboration avec Prawer quelques personnes qui, comme lui, faisaient partie, de nombreuses années durant, d’un des piliers de la sécurité d’Israël. Son bras droit, Doron Almog, est un général militaire à la retraite tandis que Yehuda Bachar, président de la Direction de la coordination des activités du gouvernement et des Bédouins dans le Néguev, était un officier supérieur de la police d’Israël. Ce n’est pas un hasard si, avant de soumettre le plan au gouvernement, Prawer a demandé à Yaakov Amidror, le directeur du Conseil national de sécurité, son approbation. Le fait que le vécu de la quasi-totalité des personnes chargées de trouver une solution pour les Bédouins non reconnus tourne autour des questions de sécurité n’est pas une question mineure car pour eux, les Bédouins sont d’abord et avant tout une menace interne. Le « problème des Bédouins » n’a, en conséquence, que peu à voir avec la question des droits mais beaucoup plus avec la gestion des risques.

« Si l’État est si formel dans sa décision de ne pas reconnaître les villages à leur emplacement actuel, j’aurais du moins attendu que Prawer établisse clairement que le gouvernement construira un certain nombre de villages et de villes pour les Bédouins, qu’il précise exactement où ils seront situés et qu’il promette qu’ils seront planifiés de manière à prendre en compte le style de vie rural des Bédouins », explique dans une interview Hia Noach, la directrice du Negev Co-existence Forum.

L’algorithme de Prawer est un mécanisme extrêmement complexe d’expropriation qui prend appui sur l’hypothèse centrale que les Bédouins n’ont pas de droits fonciers. Il est conscient que, dans les années 1970, alors qu’Israël relocalisait des Bédouins dans des « townships », environ 3 200 Bédouins ont déposé des plaintes auprès du ministère de la Justice, revendiquant des droits sur des biens qui avaient appartenu à leur famille depuis des générations. Prises toutes ensemble, leurs plaintes portent sur plus d’un million et demi de dunums, dont 971 000 se rapportent à des déclararations concernant des biens appartenant à des particuliers et le demi-million de dunums restant à des terres utilisées par les communautés pour le pâturage. Au fil des ans, le ministère de la Justice a rejeté les déclarations relatives aux deux tiers de la terre, ce qui signifie qu’aujourd’hui, des plaintes en matière de propriété se rapportant à environ 550 000 dunums, soit quatre pour cent des terres du Néguev, sont toujours pendantes. Le plan de Prawer envisage de régler toutes ces plaintes d’un seul coup. Curieusement, cependant, son hypothèse sous-jacente est que


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Tout leur prendre, obligeant les Bédouins à être reconnaissants pour le moindre morceau rendu. VERS OÙ ? ces réclamations sont toutes non fondées. À la fin de la décision du gouvernement approuvant le Plan Prawer (Décision 3707, Septembre 11, 2011), on lit : « L’hypothèse de base de l’État au cours des années... c’est qu’à tout le moins, la grande majorité des demandeurs n’a pas de droit reconnu selon les lois de propriété israéliennes sur les terres pour lesquelles ils ont porté plainte... En guise de conclusion, ni la décision du gouvernement ni le projet de loi qui viendra dans son sillage ne reconnaissent la légitimité des revendications de propriété mais plutôt le contraire – une solution dont l’essence est entièrement gratuite et se fonde sur l’hypothèse de l’absence de droits de propriété ». La stratégie est claire : tout leur prendre, obligeant les Bédouins à être reconnaissants pour le moindre morceau rendu. Et c’est ainsi, en effet, que l’algorithme Prawer d’expropriation fonctionne. Premièrement, seule la terre pour laquelle il y a contestation (ce qui signifie les terres pour lesquelles les familles ont intenté un procès depuis 35 ans) et sur laquelle la famille a à la fois vécu et qu’elle a utilisée (par opposition aux zones de pâturage qui ont été utilisées collectivement) sera compensée par de la terre, mais à un taux de 50 pourcent seulement. Ainsi, si quelqu’un dispose de 100 dunums, vivait dessus et y cultivait du blé au cours des trois dernières décennies et demie, on lui donnera 50 dunums de terres agricoles. La majeure part de ces nouvelles « terres reconnues » ne sera pas située sur les terres ancestrales, mais à un endroit décidé par l’État. Deuxièmement, l’indemnisation en espèces pour les terres qui avaient fait l’objet d’une plainte, mais qui étaient détenues par l’État et n’étaient donc pas utilisées par les Bédouins, sera uniforme, indépendamment de leur emplacement et de leur fertilité, leur distance ou leur attrait. Troisièmement, le taux d’indemnité sera d’environ 5 000 shekels (1 300 $) par dunum, une maigre somme étant donné que la moitié d’un dunum dans un « township » comme Rahat vaut environ 150 000 shekels. Le coût d’une parcelle est important, puisque les familles devront acheter des parcelles dans les villes. Si un propriétaire foncier bédouin a cinq ou six enfants, au moment où il achète des parcelles pour sa famille, il sera laissé avec peu, voire aucune terre à usage agricole. Enfin, les Bédouins qui ont déposé des plaintes en matière de foncier et ne s’arrangent pas avec l’État dans les cinq ans perdront tous leurs droits de propriété.

Hia Noach estime que sur les 550 000 dunums existants à la base de réclamations foncières non réglées, environ 100 000, soit moins d’un pour cent des terres du Néguev, restera aux mains des Bédouins après la mise en œuvre du plan Prawer. Mais, souligne-t-elle, cela n’est qu’une partie du problème. Une autre question centrale a trait à la relocalisation effective. Vers où les Bédouins seront-ils déplacés et vers quel genre d’implantation ? Ce sont précisément les questions auxquelles Ehud Prawer doit encore répondre. Un détail, devenu de notoriété publique, est que les Bédouins non reconnus seront relocalisés à l’est de la route 40, qui est la région la plus aride du Néguev, située à proximité de la pointe sud de la Cisjordanie occupée. Bien que cette partie du plan Prawer fasse penser à la stratégie de Ben Gourion qui consiste à concentrer les Bédouins à l’intérieur de certains paramètres, afin de libérer des terres pour les Juifs, il y a quelque chose de plus sinistre qui est peut être en jeu. Si jamais il y a un échange de terres, sur la base de un pour un, avec les Palestiniens de Cisjordanie, qu’est-ce qui serait plus commode pour l’État juif que de remettre une terre aride du Néguev, où se trouvent un grand nombre de Bédouins ? Indépendamment de ce que les Bédouins pensent de ce schéma, le gouvernement avance avec le plan et a décidé d’allouer 2 milliards de dollars pour la relocalisation de 70.000 Bédouins. Il s’agit d’ailleurs d’un montant plus ou moins équivalent à celui qui a été alloué pour reloger les 8000 colons juifs de la bande de Gaza en 2005. Le gouvernement a également déclaré qu’environ 300 milliards de dollars seront attribués aux « townships » existants, ce qui indique qu’au moins certains de ces Bédouins seront déplacés vers ces municipalités délabrées. On ne sait pas comment des gens habitués à vivre de l’agriculture et de l’élevage de moutons joindront les deux bouts une fois qu’ils seront déplacés de force. Ce n’est pas seulement une préoccupation théorique, étant donné que la majorité des Bédouins qui ont déménagé dans les sept premières villes n’ont jamais réussi à s’habituer à une vie plus urbaine. On dit que trois villes supplémentaires seront créées, mais si l’histoire a valeur indicative, il est peu probable qu’elles seront mieux adaptées à la forme rurale de vie des Bédouins. Cet article est premièrement paru sur Al-Jazira. Une version abrégée de l’article est également parue dans la London Review of Books. Il a été raccourci dans le présent Bulletin, mais se trouve en version intégrale sur le site de l’ABP.


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LE FONDS NATIONAL JUIF

L’ÉCOBLANCHIMENT QUI CACHE

colonisation,

dépossession et discriminations par Katarzyna Lemanska

Le Fonds national juif (FNJ) est connu du grand public comme étant une organisation caritative, environnementale ou d’utilité publique, ce qui lui vaut de jouir d’une excellente réputation. Peu savent que c’est en réalité un organisme para-étatique dont la mission est avant tout politique: agent historique de colonisation de la Palestine, le FNJ a joué et joue encore un rôle déterminant dans la forme que prend la politique foncière – discriminatoire – israélienne. Le FNJ excelle dans le « greenwashing »: arbres plantés, parcs récréatifs et centres touristiques sont autant d’outils qui lui servent à « blanchir » par l’écologie les activités coloniales dans lesquelles il est impliqué.


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AUX AVANT-POSTES DE LA COLONISATION, GARANT DU SYSTÈME DE DISCRIMINATION Fondé en 1901 à Bâle lors du 5ème Congrès sioniste, le Fonds national juif ou Keren Kayemeth LeIsrael (KKL) – « fonds pour la création d’Israël » en hébreu – est l’outil principal de la colonisation de la Palestine. Administré par l’Organisation sioniste mondiale, il va initialement permettre de récolter de l’argent pour acheter des terres sur lesquelles seront installés les immigrants juifs. Ces terres achetées deviennent, selon ses statuts, « propriété perpétuelle du peuple juif ». À partir des années 20, l’achat de terres s’accélère mais à la fin du mandat britannique, la communauté juive ne possède que 5,8% de la Palestine historique. Trop peu pour Yosef Weitz, en charge du service « colonisation » du FNJ. Avec l’aide des services de renseignement de la Haganah, il se lance dans la réalisation d’un inventaire de chaque village de Palestine (situation topographique, état des routes, qualité de la terre, composition socio-politique,...) afin d’en systématiser le processus d’accaparement et de dépossession de leurs habitants. L’adoption du Plan Dalet, en mars 1948, « plan global d’expulsion » selon les termes d’Ilan Pappé, répondra aux attentes de Weitz. Après 1949, le FNJ se concentre sur la construction de l’État : plans de développement, plantation de forêts, absorption des immigrants, revendication de terres pour l’agriculture, construction d’infrastructures. Parallèlement, il influence la politique foncière israélienne. Lorsque les autorités israéliennes adoptent la « Loi sur la propriété des absents », qui permet de saisir les propriétés de toute personne absente, une partie des terres ainsi saisies est directement revendue au FNJ. Il possède alors 13% des terres de la Palestine historique. En 1960, un organisme public chargé de l’Administration des Terres d’Israël (ILA) est créé : 93% de ces terres, y compris les 13% du FNJ, tombent sous sa responsabilité. Comme c’est le FNJ qui désigne la moitié des membres du Conseil d’administration d’ILA, il joue un rôle majeur dans la gestion foncière israélienne. Le FNJ signe d’ailleurs,

l’année suivante, une convention avec le gouvernement en vertu de laquelle les « terres d’État » seront administrées selon ses principes, à savoir à l’usage exclusif des Juifs. Ce n’est qu’en 2005 que la Cour suprême rend un jugement qui interdit la discrimination dans le chef de l’autorité publique mais aussi du FNJ. Ce dernier va alors réduire sa participation au Conseil d’administration d’ILA afin d’être dorénavant considéré comme un organisme privé et que le jugement de la Cour suprême ne lui soit plus opposable. Et lorsque le gouvernement décide de s’assurer de la présence juive dans une zone, par exemple en Galilée et dans le Néguev, il en transfère la propriété au FNJ qui l’administre alors selon ses principes racistes.

L’« ÉCO-BLANCHIMENT » : DES ARBRES PLANTÉS, LES HABITANTS DE VILLES ET VILLAGES DÉRACINÉS Une des plus grandes forêts d’Israël, la forêt Eshta’ol, située à 40 km à l’ouest de Jérusalem, est devenue un lieu de détente populaire pour ses parcs récréatifs. Ses arbres ont été plantés grâce à l’argent récolté dans les « boîtes bleues » (voir photo page 9), que l’on retrouve chez de nombreuses familles juives. Combien de ces familles et de ceux qui visitent cette forêt savent qu’elle s’étend sur les ruines des villages détruits d’Islin, Ishwa, Beit Mashir et Beit Susin ? Les habitants des deux premiers ont été expulsés le 18 juillet 1948 par les brigades du Palmah. Les 2 600 villageois de Beit Mashir et les 230 habitants de Beit Susin furent, quant à eux, expulsés en mai et avril 1948. Vidés de leurs habitants palestiniens réduits à l’exil, les ruines de ces villages détruits voire rasés, ont été ensevelies. Chaque arbre planté là dérobe leur histoire, leur culture et efface leur mémoire. Là où il y avait de la végétation, le FNJ remplace les cultures traditionnelles faites d’oliviers, manguiers, figuiers, grenadiers,... par une culture non productive de conifères afin de « marquer » le territoire nouvellement occupé. Ce changement va non seulement bouleverser la flore locale mais également rendre le sol, acidifié par les aiguilles, inapte au pâturage.


En 48, les arbres ont servi à camoufler le nettoyage ethnique. Par la suite, ils ont été et sont encore utilisés comme outil de dépossession, par exemple dans le village bédouin d’al-Araqib. Sous prétexte d’y planter une forêt, le village a été démoli plus d’une trentaine de fois. Le projet gouvernemental dans lequel les destructions s’inscrivent et dans lequel le FNJ a investi 600 millions de dollars, vise à « transférer » de force quelque 30 000 Bédouins du désert du Néguev, à les parquer dans 7 « bantoustans » et ainsi judaïser le Néguev.

en Amérique latine et 13 en Europe. Enregistré en tant qu’organisation caritative, environnementale ou d’intérêt général, il jouit souvent d’un régime fiscal avantageux. En Grande-Bretagne, les trois derniers chefs d’État, Tony Blair, Gordon Brown et James Cameron, ont été consacrés « bienfaiteurs honoraires » du FNJ. Cameron a dû finalement renoncer à cette « distinction » suite à une campagne menée par des militants britanniques. Tony Blair, l’actuel représentant du Quartet porte toujours ce titre.

AU-DELÀ DE LA LIGNE VERTE, HIMNUTA PREND LE RELAIS

En Belgique, le FNJ est enregistré depuis 1938 en tant qu’ASBL. Il subventionne à la fois des projets qui font partie des activités habituelles du FNJ : plantations de bosquets, construction de réservoirs d’eau,.. et des projets spécifiques : la maison mère, située à Jérusalem, propose une liste de projets parmi lesquels les filiales font leur choix et pour lesquels elles récoltent des fonds. Le FNJ a ainsi choisi de subventionner un projet de serres dans le désert du Néguev – infrastructures et recherche agricole. D’autres initiatives, destinées à renforcer les liens entre la Belgique et Israël, ont également été mises en œuvre: c’est ainsi que les rois Albert 1er, Albert II et Baudouin et la reine Élizabeth ont vu chacun leur nom donné à une forêt. En 2005, Didier Reynders a planté un olivier dans la forêt du FNJ située à Neve Ilan, au pied du monument érigé en mémoire de Jean Gol. Plus récemment, en visite officielle en Israël, l’ancien premier ministre Yves Leterme a, à la demande du Fonds national juif, planté un arbre sur le Mont Herzl à Jérusalem et a déclaré que le travail de celui-ci était un modèle à suivre pour les organisations environnementales belges.

Les activités du FNJ ne s’arrêtent pas à la Ligne verte : il opère en Cisjordanie grâce à sa filiale Himnuta. Il y utilise ses deux techniques de prédilection, d’une part, planter des arbres : c’est ainsi que le Canada Park, administré par le FNJ Canada, a été créé sur les terres et ruines de villages où vivaient 10 000 Palestiniens chassés en 1967; d’autre part, acheter des terres situées dans des zones stratégiques – près de la Ligne verte par exemple, pour pouvoir procéder ensuite facilement à leur annexion. Le cas de la famille Sumerin, à Silwan, est à ce titre emblématique et permet de comprendre le mode opératoire du FNJ. Lorsque Musa Sumarin décède en 1983, ses trois fils sont à l’étranger. La maison est décrétée « propriété des absents ». Les autorités israéliennes en transfèrent la propriété à Himnuta en 1991. Himnuta sous-loue la maison, dans laquelle la famille habitait pourtant avant 1967 et dans laquelle elle vit toujours, à ELAD, puissante organisation de colons qui veut désarabiser/judaïser Silwan. Le gouvernement, le FNJ et ELAD coopèrent donc afin de s’assurer que la maison passera et restera aux mains des colons juifs.

LE FNJ DANS LE MONDE Les fonds du FNJ proviennent en grande partie de dons récoltés par des antennes situées à l’étranger. La première fut créée dès 1926 aux États-Unis. Depuis, le FNJ a ouvert des bureaux dans 42 pays dont 16

Il y a donc un grand travail de sensibilisation à réaliser, tant en direction des citoyens que des responsables politiques, afin de déconstruire le mythe qui entoure le Fonds national juif et mettre au jour sa face cachée. C’est dans ce but qu’a été lancée la campagne « stop the JFN ». Toutes les informations relatives à cette campagne se trouvent sur le site www.stoptheJNF.org.


Issawiya

ISSAWIYA LOCALISATION 3 km au N-E de JérusalemEst, près de l’Université hébraïque, à cheval sur la frontière municipale de Jérusalem, entre le Mont Scopus, des colonies juives, le ring et deux camps militaires. POPULATION 12 000 habitants en 2006 ANNEXION ET CONFISCATION DE TERRES APRÈS 1967 Le village est divisé en deux : – 3 000 dunums des terres du village sont englobés à la municipalité de Jérusalem; – 7 000 dunums sont en dehors de la municipalité, en Cisjordanie occupée : si le plan E1 est réalisé, les terres seront presque toutes confisquées. Sur les 3 000 dunums, 400 dunums sont confisqués pour construire la colonie de « French Hill » (Giv’at Shapira) et relier l’Université hébraïque et l’hôpital Hadassa à Jérusalem-Ouest, et 2 000 dunums sont déclarés « zone verte », interdite de construction. Seuls 600 dunums restent pour les constructions des habitants. DESTRUCTIONS des exploitations agricoles, des arbres et des bâtiments ont été détruits. ENFERMEMENT Il ne reste plus que deux routes d’accès dont la principale est barrée par un checkpoint tenu par des soldats israéliens.

Issawiya

La ligne verte en trait noir.

LA DÉFENSE DE L’ENVIRONNEMENT AU SERVICE DE LA JUDAÏSATION par Marianne Blume


palestine 11 DOSSIER JUDAÏSATION DE LA TERRE

En déclarant ces zones vertes, l’INPA se donne la possibilité d’exproprier des terres palestiniennes. ISSAWIYA ET LE PLAN DE JUDAÏSATION DE JÉRUSALEM De par sa localisation, le village d’Issawiya, et surtout ses habitants palestiniens, constitue une épine dans le pied de la judaïsation de Jérusalem-Est. Il ne s’agit pas seulement pour les autorités israéliennes, d’empêcher le développement du village (aucun plan de développement depuis 1967) et donc l’accroissement de sa population; il s’agit aussi de rendre impossible toute division de Jérusalem lors d’un futur accord en créant un continuum entre les colonies et Jérusalem-Est. Depuis longtemps, le gouvernement israélien a dans ses cartons l’extension de la ville dans la zone dénommée E1, en pleine Cisjordanie occupée. Les USA, sur ce point, s’étaient montrés, avec le président Bush, très fermes dans leur refus. En conséquence, les projets ont été officiellement gelés mais ils n’ont pas été pour autant abandonnés. C’est là que l’INPA (Israel Nature and Parks Authority) entre en action : en déclarant des zones vertes, cette institution gouvernementale se donne la possibilité d’exproprier (sans aucun dédommagement) des terres palestiniennes tout en évitant les critiques internationales. L’INPA a donc décidé de la construction d’un parc national sur les versants du Mont Scopus et du Mont des Oliviers, c’est-à-dire sur les terres d’Issawiya et d’A-Tur. En réalité, rien ne justifie la création d’un parc à cet endroit, ni l’archéologie (voir http://www.alt-arch.org/nationalparks.php), ni l’écologie. Comme l’a déclaré Meir Margalit, membre du Meretz au Conseil municipal : « Ce parc national est une farce. Il n’y a là que pierres et épines, certainement rien qui justifie un parc national. La seule raison d’un tel plan, c’est de prendre des terres et de les garder en réserve pour une future colonie, tout en étranglant le voisinage palestinien. ». Ce qui est vrai. Mais il y a aussi une autre raison : relier la colonie de Maale Adumim à Jérusalem-Est et ainsi achever l’encerclement de Jérusalem-Est qui – faut-il le rappeler – est, en droit international, toujours territoire occupé et illégalement annexé. Le projet de parc n’a pas encore été définitivement approuvé; néanmoins, les bulldozers, les tracteurs et les camions sont déjà à l’œuvre et une route menant au village a été détruite (voir vidéo sur youtube : issawiyya 100112).

ISSAWIYA EN LUTTE Les habitants d’Issawiya ont créé un comité de défense et sont décidés à défendre leurs droits. Déjà en 1989, ils avaient, avec la médiation d’une organisation israélienne (Bimkom), proposé à la municipalité un plan de développement mais celui-ci n’a été ni refusé ni approuvé. En attendant, les routes ne sont pas entretenues par la municipalité (dont fait partie l’Issawiya annexée); la majorité des habitants n’ont pas de raccordement à l’égout et faute d’un permis que les autorités israé-

liennes n’accordent pour ainsi dire jamais, on ne peut que bâtir « illégalement » sur ses propres terres. Dès lors, au moins 16 maisons ont été démolies, 12 exploitations agricoles et des centaines d’arbres ont été déracinés. En 2010, un habitant témoignait : « Nous avions creusé un puits, ils l’ont détruit. Nous avions planté des arbres, ils les ont arrachés. Nous avions posé des barbelés autour de la zone afin que les animaux errants ne puissent entrer, ils les ont ôtés aussi. (…) Avec tout cela, nous ne pouvons même plus nous trouver un endroit juste pour nous asseoir et respirer. Cette terre appartient aux familles d’ici à Issawiya : Darwish, Mustafa, Alayyan, Abu Hommos et à bien d’autres. » (J. Kestler-D’Amours, Les Palestiniens de Jérusalem, défiant Israël, clament : « Nous resterons ici. ») Par ailleurs, le village souffre d’un haut taux de chômage et la présence constante de soldats et de policiers y entretient la violence : arrestations de jeunes, affrontements lors des manifestations, mort d’un bébé à cause des gaz lacrymogènes, etc. Régulièrement et depuis 2010, des manifestations ont lieu auxquelles participent des Israéliens et des internationaux, souvent déjà mobilisés pour Silwan et Sheikh Jarrah (http://www.en.justjlm.org/).

SILWAN, SHEIKH JARRAH, ISSAWIYA, A-TUR, RAS AL AMOUD, JABEL MOUKABBER, MÊME COMBAT Il suffit de regarder la carte pour comprendre le plan israélien pour Jérusalem. Il est impératif, pour les autorités israéliennes, de réduire au maximum la zone habitée par des Palestiniens à l’intérieur des frontières municipales de Jérusalem, faute de quoi, la démographie de la ville risque de tourner à l’avantage des Palestiniens. Or, le but officiel est bien d’avoir au moins 60% (si pas 70%) de population juive dans la « capitale unifiée », selon le vocabulaire officiel. Pour arriver à ce ratio, plusieurs mesures sont prises dont la poursuite de la colonisation et l’implantation de colons dans les quartiers de la vieille ville en en expulsant les Palestiniens. C’est ce qui est déjà à l’œuvre à Silwan, Sheikh Jarrah et bientôt à Issawiya. Le mouvement des colons est le fer de lance de cette politique municipale. À Silwan, c’est le mouvement ELAD. À Sheikh Jarrah, c’est l’organisation de colons Nahalat Shimon International. Et pour Issawiya, qui est derrière l’INPA ? L’INPA est dirigé par nombre de colons connus : Saul Goldstein, ex-dirigeant du conseil régional du Gush Etzion et Evyatar Cohen, en charge de la région de Jérusalem pour INPA et ex-employé d’ELAD, la même organisation qui gère la « cité de David » à Silwan. La boucle est bouclée.


palestine 12 LA DÉPORTATION DES PRISONNIERS

La déportation

DES PRISONNIERS

par Hocine Ouazraf

La déportation de Hana Shalabi vers la bande de Gaza permet de revenir sur une pratique utilisée de longue date par les autorités militaires israéliennes : la déportation. Libérée dans le cadre de l’échange de prisonniers palestiniens et du soldat israélien Gilad Shalit, intervenu en octobre 2011, Hana Shalabi est à nouveau arrêtée en février 2012 à Jénine et maintenue en détention administrative. Après une grève de la faim de près de quarante jours, les autorités israéliennes, effrayées par son état, lui proposent d’être libérée mais déportée vers la bande de Gaza pour une durée de 3 ans. Ce qu’elle accepte.


Des mesures qui visent à influer drastiquement sur les données démographiques palestiniennes.

LA PRATIQUE DE LA DÉPORTATION La détention administrative est largement pratiquée par les autorités militaires israéliennes à l’encontre des Palestiniens. Elle permet de maintenir une personne en prison sans aucune charge retenue contre elle, sans aucun acte d’accusation précis et sans procès. Cette législation israélienne qui s’appuie sur une loi d’urgence datant du mandat britannique permet, en outre, de prolonger indéfiniment la période de détention. Certains prisonniers palestiniens détenus dans le cadre d’une détention administrative se voient alors « offrir » la liberté par la puissance occupante en échange d’une déportation. C’est ainsi que lors de l’échange de prisonniers d’octobre 2011, 18 prisonniers originaires de Cisjordanie et de Jérusalem-Est étaient déportés vers Gaza, tandis que 41 autres étaient tout simplement expulsés en dehors des Territoires palestiniens occupés vers des pays comme la Syrie, le Qatar, la Jordanie, ... En mai 2002, lors du siège de l’église de la Nativité à Bethléem durant l’opération « Rempart », opération qui devait aboutir à la réoccupation de l’ensemble des territoires palestiniens, Israël avait déporté 39 combattants palestiniens, qui s’étaient retranchés dans l’édifice, vers la bande de Gaza et des capitales européennes. Si certaines déportations sont définitives, d’autres sont, en revanche, assorties d’un terme – en général de trois ans – très souvent peu respecté par la hiérarchie militaire. Les autorités israéliennes ne semblent pas s’embarrasser de considérations politiques lorsqu’elles décident de procéder à des transferts de personnes. C’est ainsi que trois membres du Conseil législatif palestinien, originaires de Jérusalem-Est, élus sur les listes du Hamas en 2006, s’étaient réfugiés dans les locaux de la Croix-Rouge à Jérusalem-Est par peur d’être arrêtés et déportés. Finalement arrêtés, ils se sont vu retirer leur droit de résidence à Jérusalem et deux d’entre eux ont été déportés en Cisjordanie. En octobre 2011, l’Union interparlementaire a condamné sans appel ces agissements et a prié « instamment une fois de plus les autorités israéliennes d’annuler les ordonnances d’expulsion et de délivrer aux personnes concernées les titres de séjour auxquels elles ont droit ».

LES INFILTRÉS La question de la déportation des prisonniers palestiniens renvoie à une autre réglementation militaire mise en place en 2010. C’est un ordre militaire israélien qui complique davantage les conditions de séjour des habitants de la Cisjordanie et permet, à différents titres, l’expulsion de Palestiniens de Cisjordanie. Cette législation étend la notion « d’agent infiltré ». Née en 1969, la notion « d’infiltré » permettait d’expulser toute personne entrée illégalement sur le territoire israélien lorsque celle-ci provenait d’un État frontalier officiellement en guerre avec Israël (Jordanie, Égypte, Syrie, et le Liban). Ainsi, tout Palestinien sera dorénavant considéré comme « agent infiltré » s’il ne dispose pas d’un permis – délivré par les autorités militaires israéliennes – justifiant sa présence en Cisjordanie. Sont tout particulièrement visés par cette disposition les Gazaouïs se trouvant en Cisjordanie. Entrée en vigueur le 13 avril 2010 sous le numéro de décret 1650, cette mesure a permis à Israël de procéder à des arrestations de Palestiniens séjournant en Cisjordanie dans des lieux

publics (rue, hôpitaux, universités, …) ou bien encore à leur domicile avant d’être bannis et expulsés vers la bande de Gaza. L’Afrique du Sud a fermement condamné ces expulsions de citoyens de Palestine et a souligné que ces pratiques rappelaient les lois en vigueur sous l’apartheid.

DÉPORTATION ET DÉTENTION ADMINISTRATIVE : DES MESURES CONTRAIRES AU DROIT INTERNATIONAL La pratique de la déportation en cas de conflit armé et en situation d’occupation est formellement prohibée par le droit international humanitaire. Bien qu’Israël conteste l’application des principes du droit international humanitaire aux territoires palestiniens, il ne fait aucun doute aujourd’hui que la IVème Convention de Genève « relative à la protection des personnes civiles en temps de guerre », adoptée le 12 août 1949, soit applicable aux territoires palestiniens occupés. Et en vertu de l’article 49 (par.1) de la IVème Convention, les déportations sont illégales. Elles contreviennent aux principes énoncés dans cet article qui stipule que : « Les transferts forcés, en masse ou individuels, ainsi que les déportations de personnes protégées hors du territoire occupé dans le territoire de la Puissance occupante ou dans celui de tout autre État, occupé ou non, sont interdits, quel qu’en soit le motif.» Ces pratiques qui visent à influer drastiquement sur les données démographiques de la population palestinienne ont été condamnées à plusieurs reprises par le Conseil de sécurité des Nations Unies. Rien que pour la période 1980-1992, pas moins de douze résolutions relatives à cette question ont été adoptées par celui-ci. Ainsi, dans sa résolution 726 du 6 janvier 1992, le Conseil de sécurité « demande à Israël, Puissance occupante, de s’abstenir d’expulser des civils palestiniens des territoires occupés » et appelle Israël à « assurer le retour immédiat en toute sécurité dans les territoires occupés de toutes les personnes expulsées ». Par ailleurs, les instruments relatifs au droit international des droits de l’Homme s’appliquent également – en particulier les Pactes de 1966 – aux Territoires palestiniens occupés. L’État d’Israël semble vouloir écarter leur application aux territoires palestiniens au motif que ces instruments internationaux ne protègent qu’en temps de paix et pas en temps de guerre. Argument balayé par la Cour international de justice dans son avis consultatif sur le Mur qui conclut de manière claire à l’application des conventions relatives aux droits de l’Homme et ce, de manière complémentaire au droit international humanitaire. L’État d’Israël est donc tenu de s’acquitter des obligations qui lui incombent en matière de droits de l’Homme dans les Territoires palestiniens occupés en vertu des instruments conventionnels qu’il a, par ailleurs, ratifiés. Position qui sera reprise par le Comité des droits de l’Homme des Nations Unies qui rappelle que les dispositions des deux Pactes de 1966 s’appliquent aux habitants des territoires palestiniens. Or, l’article 9 du Pacte relatif aux droits civils et politiques de 1966 prohibe formellement la détention administrative.


Blackout à Gaza À QUI LA FAUTE ?

© Asmaa Waguih/IRIN

palestine 14 BLACKOUT À GAZA

par François Sarramagnan

Les pénuries de carburant ont des conséquences énormes sur la vie des habitants de la bande de Gaza. Suite à une mission de Solidarité Socialiste sur place, François Sarramagnan dévoile la façon dont la population gazaouïe est prise en otage entre le blocus imposé par Israël, les taxes mirobolantes imposées par le Hamas, l’Égypte qui cesse de délivrer du carburant et l’unité palestinienne annoncée qui tarde à venir.

De février à début avril, la bande de Gaza a connu des coupures générales d’électricité à un niveau jamais vu auparavant. L’Égypte a décidé de fermer les vannes et il n’y a plus de carburant. Les générateurs de l’unique centrale électrique de Gaza sont éteints pour une durée indéterminée et l’étroite bande de territoire est forcée de retourner à l’âge de pierre : 18h d’obscurité par jour pour plus de la moitié des Gazaouïs. Les pompes à eau sont à l’arrêt et les robinets sont à sec. Le secteur agricole n’est pas en reste et des milliers de tonnes de pommes de terre sont jetées dans un territoire où, rappelons-le, 80% de la population dépend de l’aide alimentaire internationale. Les cas de décès se multiplient : des incendies se déclarent à cause des générateurs qui surchauffent; les hôpitaux fonctionnent à 20% de leur capacité et des dizaines d’ambulances sont hors service. Les rares usines sont obligées de fermer, de même

que les boulangeries et les gens font la file aux stations d’essence, dans le meilleur des cas pendant près de 4h, pour obtenir quelques litres de carburant à un prix prohibitif. Alors, on tente de s’organiser : certains essayent l’huile alimentaire pour faire tourner le moteur de leur voiture, d’autres font du « covoiturage » avec leurs ânes et les plus chanceux utilisent des batteries pour disposer de quelques lampes dans leurs foyers. Le Hamas lui-même ordonne à ses fonctionnaires véhiculés de prendre des autostoppeurs au bord des routes. Mais les gens sont à bout. L’exaspération peut difficilement être contenue. D’ailleurs, les visages traduisent cette tension, perceptible à chaque coin de rue. Et cette question qui me brûle les lèvres : à qui la faute ?


Avec le blocus du territoire, rester humain à Gaza relève d’un combat quotidien.

RESPONSABILITÉS PARTAGÉES Bien sûr, il y a d’abord ce blocus inhumain qui étrangle les vies des 1,7 million d’habitants depuis la prise de contrôle du Hamas en 2007. Alors qu’Israël avait annoncé un « assouplissement » de son siège après l’assaut contre la première flottille en mai 2010, rien n’a changé sur le terrain. Ils ne sont toujours que quelques-uns à pouvoir entrer et sortir du territoire et Gaza est officiellement devenue la plus grande prison à ciel ouvert au monde. Les importations sont plafonnées à un niveau plus de trois fois inférieur à celui de 2005 et des milliers de produits de base figurent toujours sur la liste noire. Parmi ceux-ci, on trouve le ciment, certains produits alimentaires, mais aussi tous les types de carburants. Cette situation a favorisé le développement d’une économie clandestine à travers une forêt de tunnels dits « de contrebande » entre l’Égypte et Rafah, au sud du territoire. Mais il s’agit bien là de tunnels de survie, sans lesquels la crise humanitaire actuelle à Gaza serait bien plus aiguë. Quand ce n’est pas l’Égypte qui les dynamite ou Israël qui les bombarde, on y fait passer tout ce qui est possible et imaginable : des ordinateurs, des voitures même et bien sûr, du carburant. Seulement voilà, l’Égypte subventionne officieusement ce carburant pour le rendre plus accessible aux Palestiniens et ces derniers mois, le Hamas taxe de plus en plus lourdement tous les produits provenant des tunnels. Il vise essentiellement à assurer, seul, le fonctionnement de son administration, tout en accordant une bonne part du gâteau à ses dirigeants… On parle d’un niveau d’imposition, parfois supérieur à 100% ! Alors que l’Égypte fait elle-même face à de fréquentes pénuries, elle n’accepte plus de voir les responsables du mouvement palestinien s’enrichir grâce à la vente de son carburant. Certains disent aussi qu’elle veut pousser les autorités du Hamas à s’engager une fois pour toutes dans un accord de réconciliation avec le Fatah et l’Autorité palestinienne de Ramallah. Quoi qu’il en soit, ses livraisons sont interrompues. Officiellement, elle souhaite voir Israël assumer ses responsabilités en tant que puissance occupante et propose de livrer son carburant par le passage de Kerem Shalom, frontière la plus méridionale entre l’État hébreu et Gaza. Le Hamas s’y oppose. Il ne veut pas donner à Israël l’opportunité de bloquer l’approvisionnement en période de tensions et privilégie des relations commerciales directes avec l’Égypte, ce qui réduirait notamment sa dépendance vis-à-vis de la Cisjordanie, tout en renforçant l’économie de Gaza, la popularité du Hamas…et les bourses de ses cadres !

QUERELLES INTRA-PALESTINIENNES On est dans l’impasse. Le Hamas veut s’en tenir à sa ligne et commence à s’en prendre à l’Autorité palestinienne. Les vieux démons des divisions intra-palestiniennes refont surface : c’est l’Autorité de Ramallah, et ses soutiens étrangers, qui seraient à l’origine de cette crise. D’ailleurs, n’est-ce pas de sa faute si près de 70 000 fonctionnaires sont payés à ne rien faire depuis 5 ans ? Car, malgré la prise du pouvoir du Hamas à Gaza, l’Autorité continue de lui transférer plus de 100 millions de dollars par mois pour couvrir les salaires et les

pensions de ses fonctionnaires. L’objectif est de montrer au monde qu’en dépit des divisions politiques, les Palestiniens restent unis à travers un seul et unique système administratif. Mais dans la pratique, les fonctionnaires payés par l’Autorité ont reçu la consigne de rester chez eux. Par conséquent, le Hamas a dû recruter son propre personnel, environ 30000 fonctionnaires, pour faire tourner son administration. Sans surprise, le gouvernement Abbas a également des griefs à l’égard du gouvernement gazaoui. Tandis que ce dernier devrait récolter des taxes de douanes au profit de l’Autorité de Ramallah, il sous-évalue très souvent ses importations – certains estiment la fuite fiscale à près de 400 millions de dollars depuis 2007 – et refuse encore de transférer 95 millions de dollars de recettes sans avoir la garantie que cet argent lui reviendra. Par ailleurs, alors qu’elle devra faire face à un déficit de plus d’un milliard de dollars en 2012, l’Autorité paye plus de 50 millions de dollars par mois à une compagnie israélienne pour des transferts de carburant vers Gaza. Le gouvernement du Hamas est censé régler la note grâce aux factures d’électricité, mais il s’est souvent montré, ces derniers temps, réticent à rembourser ses dettes. Bref, il s’agit là d’une situation d’une complexité sans nom et malheureusement, cet imbroglio nous montre bien que l’unité palestinienne reste encore un mirage lointain. Un accord avait pourtant été signé au Caire en mai 2010 : un gouvernement de technocrates devait assumer le pouvoir pendant une phase de transition avant que des élections nationales soient organisées au mois de mai 2012. À défaut, les responsables égyptiens et palestiniens se sont mis d’accord, du moins provisoirement, sur la question des pénuries d’essence : actuellement, 500 000 litres d’essence sont livrés quotidiennement par le passage de Kerem Shalom. Le mois prochain, la centrale sera réhabilitée et sa capacité, augmentée et bientôt, inch’Allah, le réseau électrique de Gaza sera relié à celui de l’Égypte.

RESTER HUMAIN À GAZA Dès lors, que reste-il de cette affaire ? D’abord, une population au bord du gouffre. Avec le blocus du territoire, rester humain à Gaza relève d’un combat quotidien. Les habitants ont besoin de tout, sauf d’une querelle interne qui les pousse tous les jours dans leurs derniers retranchements. Car le blackout de Gaza n’est que la partie visible de l’iceberg. En fonction de leur appartenance politique, les Gazaouïs doivent aussi faire face aux discriminations à l’emploi, au favoritisme dans les distributions d’aide alimentaire, à un coût de la vie de plus en plus élevé, à un repli sécuritaire du Hamas… Mais ne croyons pas que ce phénomène n’est à imputer qu’à un parti. Tous ont contribué à cet état de fait et en tout premier lieu, Israël, qui se satisfait fort bien d’un front palestinien divisé. Alors que faire ? Changer de politique ? Certainement. Les partis traditionnels ont perdu leur crédibilité et ils ont besoin de se rénover pour retrouver une vraie légitimité. Mais pour la plupart des Palestiniens, qui voient leurs besoins élémentaires relégués au second plan dans cette lutte fratricide, seule l’unité nationale viendra à bout des crises.


palestine 16 COUR PÉNALE INTERNATIONALE

LE REFUS D’ENQUÊTER SUR

les crimes israéliens par Hocine Ouazraf

Suite à l’opération « Plomb durci » (décembre 2008/janvier 2009), qui a ensanglanté la bande de Gaza, le Ministre de la justice palestinien a saisi en janvier 2009 la Cour pénale internationale (CPI) en vue de reconnaître la compétence de cette dernière et de l’amener à enquêter sur les crimes commis par Israël lors de cette opération. Or, le 4 avril 2012, Luis Moreno-Ocampo, Procureur général de la CPI, annonçait son intention de ne pas enquêter sur les crimes allégués lors de l’opération « Plomb durci » prétextant d’une part, que la Palestine n’était pas un État et, d’autre part, que le Conseil de sécurité des Nations Unies n’avait pas saisi la CPI pour de tels faits, alors qu’il en a la prérogative. C’est moins l’existence de crimes commis lors de ce conflit que des questions procédurales qui ont motivé la décision du Procureur. Rappelons en effet que des allégations de crimes ont été établies par le Rapport Goldstone, rapport commandité par le Conseil des droits de l’Homme des Nations Unies et dont les conclusions ont par ailleurs été entérinées par l’Assemblée générale des Nations Unies le 5 novembre 2009.

Dans le contexte de leur longue lutte pour remettre le droit au cœur de la résolution du conflit israélo-palestinien, les Palestiniens viennent d’essuyer un nouveau revers cuisant à la Cour pénale internationale.

« les effets de la reconnaissance par la Palestine de la compétence de la Cour pénale internationale » note que : « la déclaration palestinienne du 21 janvier 2009 acceptant la compétence de la CPI (…), peut déployer ses effets conformément aux dispositions de l’article 12 du Statut et, en particulier, que toutes les conditions sont réunies pour que la Cour exerce sa compétence en application de l’article 13 ».

DÉFÉRER LA QUESTION AU CONSEIL DE SÉCURITÉ DES NATIONS UNIES

LA PALESTINE N’EST PAS UN ÉTAT

L’Assemblée générale des Nations Unies, dans sa résolution du 5 novembre 2009 qui entérine les conclusions du Rapport Goldstone, « recommande que le Conseil de sécurité se saisisse de la question et intime aux parties l’ouverture d’enquêtes, à défaut de quoi, dans les six mois, le Conseil devrait référer la situation à la Cour pénale internationale (CPI) ». Or, à ce jour, le Conseil de sécurité ne s’est toujours pas saisi de cette question, malgré l’absence d’investigations sérieuses. De plus, l’Assemblée générale, en se prononçant en ce sens, confère de facto la possibilité à l’Autorité palestinienne de saisir la CPI, ce qui semble donc contredire la position du Procureur.

Dans un communiqué, le Procureur de la CPI souligne que « le Bureau prend acte du fait que la Palestine a été reconnue comme un État dans le cadre de relations bilatérales par plus de 130 gouvernements et par certaines organisations internationales, dont des organes onusiens. Il n’en reste pas moins que le statut qui lui est actuellement conféré par l’Assemblée générale des Nations Unies est celui d’« observateur » et non pas d’« État non membre ». Avant d’ajouter : « Le Bureau n’exclut pas la possibilité d’examiner à l’avenir les allégations de crimes commis en Palestine si les organes compétents de l’ONU, voire l’Assemblée des États parties, élucident le point de droit en cause (…) ». Or, en 2010, un collectif de juristes internationaux de renom, au terme d’une étude sérieuse intitulée

Il est à craindre que la position du Procureur de la CPI soit davantage guidée par des considérations politiques. C’est en tout cas ce qui ressort clairement de la déclaration de Kenneth Roth, directeur exécutif de l’ONG Human Rights Watch (HRW) qui, dans un communiqué, note que « la décision d’aujourd’hui semble fermer la porte pour le moment à un accès à la CPI pour les victimes des crimes internationaux commis dans les territoires palestiniens ». Quant à Marek Marczynski, chargé de la justice internationale pour Amnesty international, il déplore que « cette décision dangereuse expose la CPI à des accusations de parti-pris politique et est en contradiction avec l’indépendance de la CPI ».


palestine 17 POINT EUROPÉEN Vous avez été nombreux à répondre à cette campagne qui demande aux membres du Parlement européen de rejeter cet accord entre l’Union européenne et Israël. Pour rappel, l’ACAA (Agreement on Conformity Assessment and Acceptance of industrial products) facilitera le commerce des produits industriels entre les deux entités en allégeant la procédure de certification qui prévaut actuellement : dès qu’un produit sera certifié par l’UE, il pourra entrer sur le territoire d’Israël sans devoir passer par une deuxième procédure de certification et vice-versa.

LA CAMPAGNE CONTRE L’ACAA

entre l’UE et Israël par Katarzyna Lemanska

Voici les dernières informations sur ACAA et des éléments de réponse aux questions fréquemment posées.

maceutiques, ce qui n’empêche pas que des annexes portant sur d’autres produits puissent y être ajoutées, sans que l’accord ne doive être pour autant renégocié.

CALENDRIER Le comité « commerce international » (INTA), en charge de la préparation du rapport qui sera voté en plénière, a demandé au comité « affaires étrangères » (AFET) de produire un avis sur le contexte politique qui entoure la ratification d’ACAA. Lors de la rédaction de l’avis, AFET a mis en évidence des problèmes d’ordre juridique. Lorsque la Commission européenne y aura répondu, la procédure pourra reprendre. Le vote en AFET et en INTA devrait avoir lieu début juin, celui en plénière, en juillet. Quel est le lien entre l’ACAA et les colonies ? La mise en œuvre de l’ACAA sera assurée par une « une autorité responsable » : la Commission du côté européen et un ministère du côté israélien. Israël, contrairement à l’UE, considère que les colonies font partie de son territoire et qu’elles tombent sous la responsabilité de ses ministères. Le problème juridique porte sur cette « autorité responsable » israélienne car il y a un risque qu’elle étende son autorité sur les Territoires occupés, ce qui serait contraire aux obligations de l’UE au regard du droit international. À ce problème, s’ajoute celui de l’origine des produits. Selon l’ACAA, un produit certifié par les autorités israéliennes, quelle que soit son origine territoriale, peut entrer sur le territoire européen. Israël a donc le droit de certifier un produit venant de Cisjordanie. Cependant, comme dans le cas des produits agricoles, il y a un risque qu’Israël labellise « made in Israel » ce qui a, en réalité, été fabriqué dans les colonies. L’ACAA porte-t-il seulement sur les produits pharmaceutiques ? L’ACAA est un accord qui porte sur les produits industriels en général. La seule annexe à l’accord porte en effet sur les produits phar-

L’ACAA est-il avantageux économiquement pour l’UE ? Le fait qu’une procédure de certification unique soit désormais nécessaire va réduire, bien que faiblement, le coût unitaire des produits échangés. L’avantage économique provient du volume de produits échangés. Cependant, – Cet accord profitera surtout à la très compétitive industrie pharmaceutique israélienne, qui pourra accéder encore plus facilement au marché intérieur européen. – L’argent versé annuellement par l’UE à l’Autorité palestinienne et à l’UNRWA dépasse largement ce que peut rapporter l’ACAA. Refuser de ratifier l’ACAA ne va certes pas régler le conflit. Néanmoins, il s’agit d’un pas dans la bonne direction, à savoir faire pression sur Israël, mettre fin à l’impunité dont il jouit et rétablir la justice. Du point de vue purement économique, participer à l’avènement d’un État palestinien viable et à la résolution de la question des réfugiés et mettre fin à la catastrophe humanitaire qui frappe la Bande de Gaza est, sur le long terme, plus profitable pour l’UE que d’adopter un accord de libre-échange avec Israël. Comment agir ? – En signant les pétitions mises en ligne par l’ABP et/ou Palestina Solidariteit sur change.org (cherchez « acaa ») et en les diffusant autour de vous. – En écrivant à vos parlementaires, en ciblant MR, Open-VLD, N.V-A, CDH et CD&V, dont les membres se sont prononcés en faveur de cet accord. Il est crucial d’écrire à tous. Le vote en plénière aura lieu bientôt, il faut donc sensibiliser et convaincre tous nos parlementaires et pas seulement ceux qui sont membres des commissions INTA et AFET.


palestine 18 BOYCOTT TEVA

UN MÉDICAMENT TEVA ?

Non, merci!

par Nathalie Janne d’Othée

L’Association belgo-palestinienne vous invite à vous joindre à une action de boycott des médicaments de la firme pharmaceuthique TEVA en allant le 16 juin prochain chez votre pharmacien pour lui remettre la carte à découper qui se trouver en page 23 et qui explique pourquoi vous ne lui achèterez plus de médicaments TEVA et pourquoi lui-même devrait refuser d’en vendre. UN SUCCESS STORY À L’ISRAÉLIENNE… En 1976, les petites compagnies pharmaceutiques SLE, Assia et Zori fusionnent pour devenir TEVA, une entreprise qui prit de l’ampleur sous l’égide d’Eli Hurvitz. CEO de la compagnie jusqu’en 2002 et décédé au début de cette année, ce dernier fit de TEVA la première entreprise pharmaceutique israélienne mais surtout le leader mondial en matière de médicaments génériques, qui pèse aujourd’hui 28,1 milliards de dollars. Se focalisant sur les médicaments génériques, l’entreprise concurrence aujourd’hui les géants mondiaux du secteur pharmaceutique. Aux États-Unis, en 2009, les médicaments de la compagnie ont fait l’objet de quelque 630 millions de prescriptions, en faisant un fournisseur national plus important que les poids-lourds pharmaceutiques que sont Pfizer, Novartis et Merck pris ensemble (New York Times, 9 mai 2010). TEVA exporte 60% de sa production sur le marché

nord-américain et 25% sur le marché européen (Annual report 2010, United States, Securities & Exchange Commission).

…QUI SERT D’OUTIL DE PROPAGANDE En novembre 2010, l’Association belgo-palestinienne avait attiré l’attention des lecteurs de la Libre Belgique sur deux publireportages insérés dans le quotidien. Un était consacré à la culture, l’autre – intitulé Israël, du rêve à la réalité – aux prouesses technologiques israéliennes dans la production de voitures électriques, le dessalement de l’eau de mer ou les avancées en matière de biotechnologies, en mettant en exergue le succès de l’entreprise pharmaceutique TEVA. Ces publireportages sont un exemple type de la campagne de propagande « Brand Israel » dont l’objectif est d’imposer une image positive d’Israël sur la scène internationale. Cette campagne observe


L’image de réussite de TEVA occulte la détérioration constante de l’accès des Palestiniens aux soins de santé. évidemment un silence total sur tout ce qui concerne le conflit israélopalestinien. Une entreprise comme TEVA est le parfait outil de propagande dans le gout de « Brand Israel » : médicaments de qualité, à prix compétitifs, succès d’une entreprise israélienne sur la scène mondiale. Une très belle image qui fait oublier que cette entreprise est développée dans un pays qui en occupe un autre. Dans son ouvrage The Political Economy of the Occupation (Pluto Press, 2010), Shir Hever souligne les avantages que les entreprises israéliennes retirent de l’exploitation d’un marché palestinien « captif ». Dans les informations sur les différents marchés qui nourrissent une entreprise comme TEVA, la distinction n’est jamais faite entre Israël et les Territoires palestiniens occupés. Une information laissée volontairement dans l’opacité pour éviter les pressions nationales et internationales, que celles-ci soient en faveur de la colonisation ou condamnent la violation du droit international qu’elle constitue. L’image de réussite de TEVA occulte par ailleurs la détérioration constante, du fait de l’occupation, de l’accès des Palestiniens aux soins de santé.

ACCÈS DES PALESTINIENS AUX SOINS DE SANTÉ Les principaux hôpitaux desservant la Cisjordanie sont situés à Jérusalem-Est. Les cas des hôpitaux Makassed et Augusta Victoria illustrent bien les difficultés d’accès aux soins de santé dues à l’occupation. Ces hôpitaux, situés à Jérusalem-Est, étaient en grande partie fréquentés par des Palestiniens résidant en Cisjordanie. Or, la construction du Mur autour de Jérusalem-Est a privé le premier de 60% et le deuxième de 25% de leurs patients, menaçant de ce fait leur rentabilité (rapport OCHA Février 2006). Les patients devront en outre parcourir dorénavant de longues distances pour trouver des soins équivalents, voire pour certains soins particuliers uniquement fournis à JérusalemEst, tenter d’obtenir un permis de passage pour y accéder. En ce qui concerne la bande de Gaza, la situation est encore pire. L’ONG israélienne de défense des droits de l’Homme, B’tselem explique : « Le siège imposé par Israël à la bande de Gaza depuis que le Hamas y a pris le pouvoir de l’appareil sécuritaire en juin 2007 a grandement endommagé le système de santé de Gaza, qui ne fonctionnait déjà pas très bien avant. Beaucoup de services, de spécialistes et de traitements vitaux ne sont pas disponibles aux Palesti-

niens à Gaza et, depuis que le siège a commencé, l’accès aux soins médicaux dans les hôpitaux en dehors de Gaza a diminué. De plus, lorsque les affrontements entre l’armée et les Palestiniens armés augmentent, le traitement des patients souffrant de maladies chroniques, dont les patients cancéreux ou cardiaques, est postposé, et la fourniture de médicaments et d’équipements médicaux à Gaza est retardée » (voir site btselem.org – section « Gaza strip »). Mises à part les limitations d’accès du fait du siège, les coupures d’électricité que doivent subir les habitants de Gaza ces derniers temps ont également un impact négatif énorme sur le fonctionnement des hôpitaux (voir article pages 14-15). Or, les attaques inhumaines de l’armée israélienne sur la bande de Gaza font régulièrement des victimes, dont certaines décèdent alors qu’elles auraient pu être soignées si les hôpitaux fonctionnaient correctement.

« SOUTENIR TEVA POUR SOUTENIR ISRAËL »… En 2009, l’Union des Patrons Juifs de France (UPJF) menait une campagne auprès du corps médical française pour les inciter à prescrire des médicaments TEVA. « Aidez Israël en achetant des médicaments génériques. TEVA est un laboratoire pharmaceutique basé à Tel Aviv. Si vous souhaitez prescrire (ou vous faire prescrire) et faire connaître autour de vous ces excellents médicaments (…), vous pourrez consulter la liste des génériques et des médicaments correspondants » (reprise sur le site Europalestine, dans une vidéo mars 2009). Or, il est interdit en France – comme en Belgique – de faire de la publicité pour des médicaments remboursés par la Sécurité sociale, comme le rappelait la vidéo. Par ailleurs, cette campagne de l’UPJF montre bien que le succès de l’entreprise est important pour l’État israélien. Face à cette campagne, c’est l’argument inverse qui nous vient à l’esprit : vous voulez marquer votre désaccord avec la politique d’occupation d’Israël dans les Territoires palestiniens, une politique qui prive de nombreux Palestiniens d’un accès normal aux soins de santé ? Refusez d’acheter TEVA et partagez votre engagement avec votre pharmacien. Le 16 juin, rendez-vous donc chez votre pharmacien avec la carte à découper (p. 23). Note : L’organisation israélienne Who Profits publiera bientôt un rapport sur l’industrie pharmaceutique israélienne et l’occupation.


palestine 20 BRÈVES Le lieutenant-colonel Shalom Eisner, commandant adjoint de la brigade de la Vallée du Jourdain, s’est fait remarquer par la brutalité avec laquelle il a frappé de son arme un jeune manifestant danois qui, avec d’autres – militants internationaux et Palestiniens –, voulait faire une balade à vélo dans la Vallée du Jourdain, sur la route 90, réservée aux seuls colons israéliens (voir vidéo sur Youtube). Shalom Eisner commande les troupes qui occupent la Vallée. C’est un haut gradé. Il porte la kippa. Comme beaucoup de soldats et de gradés. En effet, depuis des décennies, le mouvement nationaliste-religieux a infiltré méthodiquement le corps des officiers des forces armées avec pour objectif que l’un des leurs devienne chef d’état-major de l’armée. Il n’est pas anodin de noter que le père de Shalom Eisner était un rabbin important de la yeshiva Merkaz Harav (« l’étendard » des écoles nationales religieuses juives) et que, lors de l’évacuation des colons de la bande de Gaza, Shalom faisait partie des protestataires. L’an dernier, sur la même route 90, on l’a vu fraterniser avec des manifestants d’extrême droite. En soi, pour l’acte qu’il a commis, on ne peut le blâmer plus que tous les autres militaires israéliens – religieux ou non – pour lesquels ce genre de brutalité est la routine. Les Palestiniens en savent quelque chose. Néanmoins, parce qu’une caméra était présente, le lieutenant-colonel a été démis de ses fonctions, interdit de tout poste de commandement pour deux ans et exclu d’avancement. Mais, comme le souligne Amira Hass, Israël continuera néanmoins, à l’abri des caméras, à nettoyer la Vallée du Jourdain de ses Palestiniens (« IDF will go on keeping the Jordan Valley Palestinian-free », Haaretz, 18 avril 2012).

« LE PORTRAIT DU MOIS »

LE LIEUTENANT COLONEL SHALOM EISNER par Marianne Blume

« Loin d’être une exception, il semble être le prototype de l’officier de l’armée et même le prototype de l’Israélien. » Uri Avneri, Stupide, sadique et brutal, AFPS, 22 avril 2012

BETHLÉEM PROVINCE DU HAINAUT

UN ACCORD COMME POINT D’ORGUE D’UNE COOPÉRATION FRUCTUEUSE par Nathalie Janne d’Othée

Le 2 mars dernier, le gouverneur et le maire de Bethléem étaient présents à Mons pour la signature d’un accord de coopération entre la province de Hainaut et le gouvernorat de Bethléem. Deux jours avant, la ville de Tournai avait annoncé son jumelage avec la ville de Bethléem. Ces accords sont les signes de liens forts qui unissent les deux régions depuis déjà quelques années. En effet, depuis cinq ans, les étudiants de la section paramédicale de la Haute École provinciale Condorcet ont l’occasion de faire un stage, reconnu par la Communauté française, dans l’Hopital B.A.S.R. à Bethléem. L’année passée ensuite, les députés hennuyers Annie Taulet et Serge Hustache signaient un accord de jumelage entre Bethléem et la province de Hainaut. Ces accords permettent à une ville comme Bethléem de faire entendre sa voix par-delà le mur qui encercle toute cette région. Ville touristique par excellence, elle sert de pont depuis la Palestine vers le monde. Pourvu, dès lors, que de tels accords se multiplient et qu’ils servent surtout à changer les mentalités ainsi que les politiques en faveur de la Palestine.


palestine 21 MANIFESTATIONS

«

La grève de la faim pour la dignité

© Kimpossible

De nombreuses manifestations ont été organisées en Palestine, en Israël et dans le reste du monde en solidarité avec la grève de la faim entreprise par les prisonniers palestiniens, qui protestent contre la pratique israélienne de la détention administrative ainsi que contre leurs conditions de détention.


palestine 22 LIVRES/FILM UN AUTRE ISRAËL EST POSSIBLE. 20 PORTEURS D’ALTERNATIVES

Dominique Vidal & Michel Warschawski, Èditions de l’Atelier, 2012

livres

PALESTINE/ ISRAËL : UN ÉTAT, DEUX ÉTATS ? Dominique Vidal, Actes Sud, 2011

Israël et la Palestine doivent-ils former un, ou deux États ? Soulevé dès le début du XXe siècle, ce vieux débat revient au premier plan de l’actualité. Et pour cause : plus de six décennies après le plan de partage de la Palestine (1947), plus de quatre après l’occupation de la Cisjordanie et de Gaza (1967), et près de vingt ans après les accords d’Oslo (1993), Israël continue de coloniser la Palestine mandataire.

Et quand bien même l’Organisation des Nations unies, en cet automne 2011, accueillerait enfin l’État de la Palestine en son sein, la question de l’avenir institutionnel des deux peuples se trouvera au centre des futures négociations. Clarifier les enjeux de ce débat, voilà le but de cet ouvrage collectif qui en approfondit toutes les dimensions : juridiques, démographiques, économiques, politiques et diplomatiques.

Autrement dit, ni la lutte armée ni le combat politico-diplomatique n’ont réussi à réaliser l’autodétermination du peuple palestinien. Face à l’intransigeance du gouvernement israélien et à la pusillanimité de la « communauté internationale », comment réussir demain ce qui a échoué hier ? Cette question, née de l’échec même du prétendu « processus de paix », de nombreux Palestiniens se la posent, et avec eux beaucoup de leurs amis à travers le monde.

Pour peser atouts et faiblesses des différentes solutions, neuf spécialistes, choisis à la fois pour leur compétence reconnue et la diversité de leurs sensibilités, font le point : Gadi Algazi, Isabelle Avran, Monique Chemillier-Gendreau, Youssef Courbage, Leila Farsakh, Farouk Mardam Bey, Julien Salingue, Dominique Vidal et Raef Zreik.

Commentaire decitre.fr

Dans ce livre, les deux auteurs, historiens et journalistes, dressent le portrait de vingt personnalités israéliennes qui, à l’été 2011, ont porté, chacune à sa manière, le mouvement des Indignés israéliens; bien que leurs revendications aient essentiellement porté sur les besoins en matière de logement, d’enseignement, de santé, la question des budgets alloués à la Défense et la colonisation était bien présente en arrière plan. On y croise, entre autres, Daphnee Leef, la « passionaria des Indignés », Yehuda Shaul, fondateur de « Breaking The Silence », Haneen Zoabi, la députée arabe du parti Balad, Hassan Jabareen, le directeur général du Centre Adalah, l’avocate Lea Tsemel, l’historien Zeev Sternhell, ainsi que le politologue Ilan Greilsammer, militant de La Paix maintenant, Gadi Algazi, historien et animateur de Tarabut. Avraham Burg, l’ancien président de la Knesset, y plaide pour un État avec des « droits constitutionnels, civiques et humains égaux pour tous et Nurit Peled, professeure de littérature et militante pacifiste, analyse le mouvement social des Indignés et s’interroge sur le sens d’une « justice sociale sans justice pour les Palestiniens ». Le dernier portrait est celui de Daniel Boyarin, un ultrareligieux, professeur de culture talmudique à l’université de Berkeley, qui dit son hostilité à la colonisation. Avec humour, il résume son point de vue : « Dieu n’existe pas, mais il nous a donné la Terre d’Israël ». C.S.


UN MÉDICAMENT

TEVA ?

THE PALESTINE NAKBA

Nur Masalha, UK. ZED books, 2012

film

VERS OÙ ISRAËL ? Webdoc de Camille Clavel pour le Courrier International, 2012

L’année 2012 marque le 64e anniversaire de ce que les Palestiniens nomment la « Nakba », la plus grande catastrophe qu’ils aient eu à connaître. Pour mémoire, entre décembre 1947 et les cinq premiers mois de 1948, des centaines de villages ont été détruits et près d’un million de personnes se sont trouvées sans logement. Mais dans le même temps, le traumatisme partagé a rapproché les Palestiniens et favorisé l’émergence d’une identité collective. Ce livre fait une grande place à la mémoire des victimes et à l’histoire orale. L’auteur se donne la mission de faire connaître la vérité sur la Nakba de 1948 et de dénoncer la souffrance qui, aujourd’hui encore, affecte la vie de la population palestinienne; il s’agit, pour lui, de répondre à un impératif moral mais surtout de rappeler les droits des réfugiés et de les aider à garder vivants leurs espoirs de paix et de justice. Aussi longtemps que l’histoire, les droits et besoins des réfugiés seront exclus des négociations de paix au Moyen Orient et qu’Israël et la communauté internationale refuseront de voir dans la Nakba la volonté de nettoyage ethnique, il n’y aura pas d’avancée dans le conflit israélo-palestinien. Nur Masalha en fait ici la démonstration.

Nur Masalha est professeur de Religion et de Politique, et directrice du Centre for Religion and History du St. Mary’s University College. C.S.

Juste avant la demande annoncée de reconnaissance de l’État de Palestine devant les Nations Unies, Camille Clavel part à la découverte de la société israélienne et de sa façon de percevoir et de traiter ses voisins palestiniens. Son constat n’est pas brillant : la société juive israélienne semble se développer au détriment de ses voisins arabes, qu’ils soient citoyens israéliens ou qu’ils résident en Territoire occupé. Dans une série de 7 épisodes d’une quinzaine de minutes chacun, Camille Clavel aborde différents thèmes qui touchent aux perceptions partagées dans la société israélienne telle, par exemple, la mémoire israélienne qui cultive le souvenir de la Shoah mais rejette violemment celui de la Nakba. Les témoins interviewés sont de qualité : Shlomo Sand, Meir Margalit, Gadi Algazi, Sahar Vardi,… autant de figures progressistes israéliennes pour lesquelles le développement de leur pays ne va pas sans celui d’une Palestine libre et indépendante. L’auteur ne néglige pas non plus les points de vue opposés, dans le but de rendre compte pleinement de la réalité décrite. Un reproche qui pourrait être adressé au reportage, c’est d’être principalement alimenté de points de vue juifs israéliens, bien que ce choix puisse se justifier puisque le sujet principal en est la dérive morale de l’État d’Israël et de sa société. N.J.O

Non merci ! Madame, Monsieur, Client(e) de votre pharmacie, je tenais à vous faire part de mon refus d’acheter des médicaments de la firme pharmaceutique israélienne TEVA. Le succès de cette société est en effet utilisé par le gouvernement israélien afin de « blanchir » la réputation du pays, ternie par sa politique d’occupation et de colonisation du Territoire Palestinien Occupé. Cette politique implique en outre des souffrances physiques et psychiques pour les Palestiniens, et les restrictions imposées à leur liberté de circulation les empêchent d’accéder aux soins de santé adéquats. Le fait d’acheter un médicament TEVA revient dès lors indirectement à cautionner une telle politique. Je n’achèterai donc plus de médicaments TEVA et vous encourage à cesser d’en vendre. Merci d’avance pour l’attention portée à cette information. Signature

À découper et à donner à votre pharmacien



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