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palestine

BULLETIN DE L’ASSOCIATION BELGO-PALESTINIENNE / WALLONIE-BRUXELLES ASBL TRIMESTRIEL N°67 – JANVIER/FÉVRIER/MARS 2016 – DÉPÔT BRUXELLES X – AGRÉATION P401130

SOMMAIRE DOSSIER RÉFUGIÉS, UNE FOIS DE PLUS > 03 Violence d’État > 08 Interview du Dr Samah Jabr > 10 Démocratie en sursis > 12-14

Iyad Sabbah est un artiste palestinien de Gaza.

Ci-dessus, une œuvre majeure qu’il a réalisée en 2014, après l’attaque israélienne contre Gaza. Il y rend hommage aux habitants de Gaza qui, tout en montrant une apparence de force, sont en réalité cassés de l’intérieur. Iyad Sabbah travaille à une nouvelle exposition qui se tiendra à Namur au mois d’avril. Ses toiles seront également exposées dans le cadre du Parcours d’artistes d’Anderlecht (via Présence et action culturelles) (articles page 7). www.isabbah.com


palestine 02 ÉDITO

LA DÉSHUMANISATION

des Palestiniens par Pierre Galand

La politique israélienne d’occupation de la Palestine s’apparente à une politique d’apartheid qui va bien au-delà de la seule discrimination. C’est celle du mépris pour tout un peuple dont le tort, aux yeux d’une majorité d’Israéliens, est de continuer d’exister et de résister contre l’occupation.

son territoire. En 2015, ce poste n’a été ouvert que 21 jours et ce, de manière totalement aléatoire. Et ce sont à peine 10 000 Palestiniens (malades, pèlerins, étudiants) qui furent autorisés à transiter par ce passage. Tout cela contribue fortement à une véritable déshumanisation des Palestiniens

En 2016, cela fera 10 ans que toute la population de Gaza est victime d’un blocus proprement inhumain. Ce sont 1,6 million d’habitants qui sont confinés dans un espace équivalent à celui d’un grand camp de concentration, ce que d’aucuns appellent une prison à ciel ouvert. Toute velléité des Gazaouites de forcer le blocus ou de faire entendre leur voix est régulièrement réprimée dans le sang. En 10 ans, on compte déjà trois guerres meurtrières contre des populations qui ne peuvent trouver aucun refuge ailleurs puisqu’elles sont littéralement emmurées. Les dénonciations des violations des Conventions de Genève et des crimes de guerre et contre l’humanité, qu’elles proviennent des grandes associations des droits humains ou de la presse, sont jusqu’ici restées lettre morte.

Déshumanisation encore lorsqu’Israël opère des arrestations arbitraires et violentes d’enfants en Cisjordanie et à Jérusalem. Durant les deux derniers mois de 2015, plus de 1000 enfants ont en effet été kidnappés par les forces d’occupation israéliennes et 400 d’entre eux sont encore maintenus en prison. Toujours en 2015, 291 Palestiniennes ont été arrêtées, principalement à Jérusalem.

Pas étonnant alors, comme le souligne Serge Dumont, correspondant du Soir à Tel-Aviv, que ce soit « dans l’indifférence générale que Makarim Wilbisono, Rapporteur spécial des Nations Unies sur la situation des droits de l’Homme dans les Territoires palestiniens occupés, a présenté ce lundi (4 janvier 2016) sa démission ». Jugé « pro-palestinien » par le gouvernement Netanyahou, il s’est vu de ce fait empêché de se rendre en Cisjordanie. « L’État hébreu craignait que son rapport sur la situation des droits de l’Homme dans les Territoires soit encore plus accablant pour eux que ceux de ses prédécesseurs et qu’il débouche sur de nouvelles condamnations onusiennes », poursuit Serge Dumont. On sait pourtant quelles suites furent réservées par le Conseil de sécurité au rapport Goldstone après la première agression militaire contre Gaza en 2009 et 2010 et la manière dont fut traité Richard Falk, ex-Rapporteur spécial des Nations Unies. Nous devons donc appeler le Secrétaire général des NU Ban Ki-moon à envoyer un signal fort au gouvernement israélien, avant la fin de son mandat, sous peine de laisser décrédibiliser un peu plus son institution.Nous devons appeler également l’Égypte à cesser sa honteuse complicité avec Israël et à rouvrir le poste frontière de Rafah entre Gaza et

Elles illustrent elles aussi l’usage abusif qui est fait par Israël des détentions arbitraires.Sans attendre et en l’absence du Rapporteur spécial des Nations Unies, nous devons sans relâche exiger de l’UE et de ses États membres qu’ils interviennent enfin pour la levée du blocus de Gaza, la libération des prisonniers et la cessation des arrestations arbitraires.

palestine no 67

Comité de rédaction Marianne Blume, Ouardia Derriche, Nadia Farkh, Sophie Feyder, Pierre Galand, Katarzyna Lemanska, Julien Masri, Christiane Schomblond, Gabrielle Lefèvre, Simon Moutquin et Nathalie Janne d’Othée |Ont contribué Michèle Hicorne, Gideon Levy, Dominique Waroquier Relecture Ouardia Derriche Association belgo-palestinienne Wallonie-Bruxelles asbl Siège social : rue Stévin 115 à 1000 Bruxelles Tél. 02 223 07 56 | info@abp-wb.be www.association-belgo-palestinienne.be IBAN BE30 0012 6039 9711 | Tout don de plus de 40 euros vous donne droit à une exonération fiscale. Graphisme Dominique Hambye & Élise Debouny Avec le soutien de la Fédération Wallonie-Bruxelles


palestine 03 DOSSIER RÉFUGIÉS

DOSSIER

Réfugiés,

ENCORE UNE FOIS Des milliers de Palestiniens sont devenus réfugiés au lendemain de la Nakba en 1948, puis de la guerre de 1967. Toute une génération de Palestiniens a grandi dans des camps de réfugiés, en attendant de pouvoir rentrer en Palestine. Certains de ces camps se sont au fil du temps mutés en cités permanentes, comme Yarmouk, en Syrie. Mais depuis que la guerre civile y a éclaté, ces Palestiniens se retrouvent à nouveau sur la route de l’exil. Avec en prime la difficulté de ne pas pouvoir bénéficier des traitements « privilégiés » réservés aux réfugiés syriens, car n’étant pas en possession de la nationalité syrienne. Voici quelques témoignages de réfugiés palestiniens en Belgique et en Europe.


palestine 04 DOSSIER RÉFUGIÉS

Palestiniens

RÉFUGIÉS EN BELGIQUE par Marianne Blume

Les Palestiniens n’ont toujours pas d’État, la majorité d’entre eux sont déjà des réfugiés depuis 1948 et 1967, le droit au retour a fait l’objet d’une résolution de l’ONU (194) et a été confirmé à plusieurs reprises par notamment les résolutions 394 ou 513, on peut alors à juste titre se demander pourquoi les réfugiés palestiniens d’Irak et de Syrie doivent s’exiler encore et cette fois en Europe. Ces Palestiniens devraient pouvoir rentrer en Palestine, rentrer chez eux. Peut-être ne le feraient-ils pas tous en pratique mais ce droit devrait leur être reconnu et les pays européens si réticents à recevoir les réfugiés devraient en exiger l’application de la part d’Israël.

TÉMOIGNAGE DE B* B* est un réfugié palestinien de Gaza, il a aujourd’hui 22 ans. Sa famille est originaire de la bande de Gaza. Quand il a eu 12 ans, son père a été victime d’un accident vasculaire cérébral. Alors que celui-ci travaillait en Israël et gagnait « bien » sa vie, il s’est retrouvé handicapé et en incapacité permanente de travailler. B* a donc dû quitter l’école et chercher un boulot. Bien que sa famille n’appartienne pas au Hamas, ce sont des œuvres de charité du Hamas qui l’ont employé. Enfant, il a donc transporté des bonbonnes de gaz. À certaines périodes, il avait deux emplois… Il travaillait dans un élevage de poissons le jour et, la nuit, était gardien du lieu. Quand la situation a Gaza s’est détériorée et que le Hamas a essayé de contrer le blocus, on lui a demandé de travailler dans les tunnels. Il a d’abord refusé. Puis devant la peur de perdre son emploi, il est allé au turbin. Un jour, un ami est mort sous ses yeux dans le tunnel après un effondrement. Il a alors décidé d’arrêter. Ce que ses employeurs n’ont pas accepté et il a été alors mis en prison. Puis relâché. Il a alors décidé de partir : outre qu’il ne voyait pas d’avenir à Gaza, il avait peur que sa famille ne subisse les conséquences de son refus. Il a donc demandé un visa d’étudiant pour la Turquie. Et il est parti durant l’attaque israélienne contre Gaza en 2014. « Je n’oublierai jamais les morts et les destructions. Ces images me hantent », dit-il d’une voix faible. « La maison voisine a été bombardée, il y avait des morts partout… ». Arrivé en Turquie, il a cherché un travail à la fois pour nourrir sa famille et épargner de quoi partir en Europe. À la question de savoir pourquoi il n’est pas resté en Turquie puisqu’il parle le turc, il répond simplement qu’il n’y a pas de droit de résidence en Turquie. Il a donc travaillé pendant huit mois « au noir », dans des restaurants principalement. Il a logé dans des arrière-cours, des réserves de magasins, parfois dans un petit appartement. Surexploité, travaillant parfois 14 heures par jour, il a fini par avoir assez d’argent pour partir. « Je suis allé sur une place connue en Turquie. Là, se réunissent tous les passeurs. On discute les prix et on demande aux amis ou

connaissances lequel des passeurs est le plus fiable. Le gouvernement est au courant… » Objectif : Cos. On part de nuit. On attend cachés. On monte sur le bateau pneumatique qui, prévu pour 20 personnes, en entasse 40 et plus : femmes, enfants, hommes. Serrés comme des sardines, cherchant à équilibrer la charge. B* dit n’avoir pas payé trop cher : 150 euros. La mer, l’obscurité, l’embarcation qui tangue dangereusement, les trafiquants qui menacent, les sacs que l’on jette à la mer pour alléger le bateau… La peur et l’espoir. « Je suis arrivé à Cos. De là, je devais encore arriver sur le continent. Au milieu de l’eau, la police nous a attrapés et emmenés sur l’île de Lesbos, à Mytilène où il y a un camp de regroupement. Nous avons marché jusqu’au camp de regroupement. Là, nous avons dormi. Dehors, à même le sol. Puis, ils nous ont conduits à la frontière macédonienne. Et on a encore marché. » Jusqu’à la frontière serbe. « Là, c’était un peu plus difficile. La police était présente. On nous disait « allez par là » et on suivait la route, grâce à nos GSM. J’ai dormi dans des fossés, dans des bois, sous la pluie, dans la chaleur. J’ai vu des enfants affamés, des gens qui demandaient à boire. Je suis parti la peur au ventre dans un village pour y trouver de l’eau et heureusement il y avait là des fontaines publiques. C’était effrayant. J’ai aidé des familles. Le long des routes, il y avait des gens qui nous donnaient à manger ou des couvertures. Parfois, des voitures prenaient des gens pour les conduire plus loin. À un endroit (Belgrade ?), des bus nous ont conduits vers la Hongrie… » La Hongrie : une frontière étroitement surveillée, des policiers très stricts et violents. « Après un ou deux jours d’arrêt, on a réussi à passer. On a marché encore jusqu’à Budapest. Pour prendre le train vers l’Autriche et l’Allemagne. À la gare, c’était le chaos intégral. D’abord, on ne pouvait pas acheter de billet. Puis nous avons pu mais il n’y avait pas assez de trains. Des bagarres. La police… Mais, Dieu soit loué, je suis monté avec deux compagnons de route dans un train vers l’Autriche et puis je suis arrivé en Allemagne. Là, la police nous a arrêtés pour qu’on aille se faire enregistrer et donner nos empreintes. Je ne voulais pas rester en Allemagne, je me suis échappé. Mes amis ont été pris. » En Allemagne, un dame solidaire l’a pris en voiture jusqu’à la frontière belge. Après ce périple de plus


© Freedom House

Une réfugiée dort avec ses enfants sur la navette entre Lesbos et Athène, septembre 2015

d’un mois, B* est arrivé épuisé au Parc Maximilien. Où la solidarité a joué. Il a pu rapidement faire sa demande d’asile, a eu un premier entretien et attend depuis maintenant 5 mois d’être régularisé. « Le plus dur pour moi, c’est moins l’attente que cette inactivité forcée. Je finis comme tout le monde par dormir pour faire passer le temps. Pourtant, je suis jeune, j’ai deux bras et je suis prêt à travailler. Je n’imaginais pas l’Europe comme ça. Je suis parti de chez moi pour enfin vivre en sécurité, pour avoir un futur. Vous savez ce que c’est, Gaza…Je suis inquiet pour ma famille : je voudrais pouvoir l’aider. » B* est un jeune homme raisonnable et donc il prend patience mais psychologiquement, c’est dur. Néanmoins, il rêve : avoir un travail, se marier, vivre sans occupation, sans bombes, sans tunnels, en paix tout simplement.

TÉMOIGNAGE DE A* A* est aussi de Gaza mais c’était déjà un réfugié, il habitait dans un camp dans la région centrale de la bande de Gaza. Sa famille avait été chassée en 1948 et lui, fils et petit-fils de réfugié, demande aujourd’hui un statut de réfugié à la Belgique. A* a fait des études d’infirmier, il parle anglais et a un vrai don pour les langues. Dès son arrivée en Belgique au Parc Maximilien, il a voulu faire sa part et s’est porté volontaire, comme traducteur, auprès de Médecins du Monde. Malheureusement, depuis que l’administration a décidé de le transférer dans un centre éloigné de Bruxelles et peu desservi par les transports en commun, il se morfond. Il a bien le droit de sortir du centre 15 jours par mois (avec ticket de train) mais comment faire quand on ne reçoit que 7,40 euros par semaine ? Son périple est à peu de choses près le même que celui de B*. Il va aussi en Turquie, y travaille, réunit le montant nécessaire et se lance sur un bateau pneumatique au péril de sa vie. Pourquoi doitil quitter sa terre alors qu’il est diplômé et que sa famille n’a pas besoin de son aide financière ? C’est simple. Il et diplômé mais ne trouve pas de travail. Le chômage à Gaza avoisine les 45%. Et de plus, il faut être du bon parti pour obtenir un emploi quand il y en a. Un de ses frères a été emprisonné par le gouvernement actuel du

Hamas. La famille a peur. Difficile dans ces conditions de trouver un emploi. « J’ai fait des études que j’aime pour pouvoir travailler. C’était un peu mourir que de rester à la maison à ne rien faire ou de faire des petits boulots sans intérêt. Je ne voulais pas m’affilier au parti qui gouverne. Je n’ai vu qu’une solution : partir. » Partir mais la seule issue, le passage de Rafah, est fermé par l’Égypte et par Israël, c’est impossible. Alors commence l’attente. Les bagages sont faits. La guerre menée par Israël contre Gaza gronde. Et là encore, le jeune homme décrit des scènes d’apocalypse. Un jour, il entend à la radio que le passage est ouvert. Au risque de mourir sur la route, un de ses frères le conduit jusqu’à Rafah. Il soudoie un officier égyptien et le voilà dans un bus pour l’aéroport du Caire. Comme B*, il est enfermé avec d’autres Palestiniens dans une salle de transit où il restera une semaine avant de pouvoir prendre l’avion. Son récit recoupe celui de B*. « Il faut payer le garde pour aller aux toilettes, un sandwich coûte les yeux de la tête, une bouteille d’eau aussi. Pas de couverture. On dort par terre. Il y a là des familles entières. Tout ça parce qu’on est Palestiniens. Nous sommes opprimés par Israël, par l’Egypte et par notre propre gouvernement. » Arrivé en Turquie, il cherche un boulot, un logement. Et comme B*, il épargne pour aller en Europe. Et commence alors le long périple : bateau pneumatique, passeurs, police, marches, violence policière, faim et soif, froid et chaleur, misère humaine… Il sait qu’il ne doit pas laisser prendre ses empreintes s’il veut arriver en Allemagne ou en Belgique. Il évite soigneusement de le faire. L’Allemagne ne lui plaît pas. Et il arrive en Belgique où il demande l’asile. Il attend maintenant dans son centre pour réfugiés-que nous avons baptisé « camp de la forêt » – son deuxième entretien et son statut de réfugié. Il était invité par Médecins du Monde à une fête pour les bénévoles mais comme il n’y a pas de bus le samedi pour le mener à la gare et qu’aucun employé n’a voulu l’y conduire, il est resté a se morfondre dans le centre…


Johannes-Wasmuth Gesellshaft/Niraz Saled

palestine 06 DOSSIER RÉFUGIÉS

Aeham Ahmad,

UNE ÉTOILE MONTANTE PARMI LES RÉFUGIÉS par Sophie Feyder L’OISEAU CHANTEUR DE YARMOUK L’image fit sensation sur les réseaux sociaux en 2014 : planté au beau milieu d’un paysage apocalyptique de destruction totale, un pianiste jouant à son piano, défiant la folie d’une guerre civile avec sa musique et ses chansons. Le pianiste, compositeur et chanteur palestinien Aeham Ahmad, 28 ans, devint une icône internationale incarnant l’espoir pour avoir joué dans les rues de Yarmouk, un camp de réfugiés palestiniens à la périphérie de Damas. Établi en 1957 pour accueillir les Palestiniens fuyant la guerre en Israël, Yarmouk abritait la plus grande communauté palestinienne de la Syrie, avant que la guerre civile ne réduise sa population à néant. Sur les vidéos d’amateurs qui ont fait le tour du web, on voit Ahmad pousser son piano, peint aux couleurs du drapeau palestinien et monté sur un petit chariot, se frayer un passage dans les ruines et les décombres, accompagné d’une chorale improbable composée de personnes de tous âges. Ahmad commença l’étude du piano à l’âge de 6 ans. Il étudia au conservatoire de Damas, puis à celui de Homs, le berceau de la révolte anti-al Assad. La guerre civile l’obligea à interrompre ses études de musique et à rentrer à Yarmouk en 2012. Ahmad trouva dans la musique une voie pour résister aux pressions à rejoindre une milice. « Nos choix sont limités et glauques dans Yarmouk – nous devons soit rejoindre une des parties du conflit soit attendre la mort. Je dis qu’il vaut mieux chanter en attendant la mort. » En 2014, Ahmad commença ses récitals en plein air, offrant ses chansons aux habitants de Yarmouk, ceux qui n’avaient pas les moyens de fuir le siège imposé depuis juillet 2013 par les forces gouvernementales. Ses chansons devinrent vite populaires, car leurs paroles décrivaient les difficultés que les habitants de Yarmouk rencontraient au quotidien : le manque de nourriture, d’eau et de médicaments, la propagation de maladies (notamment la typhoïde et la jaunisse), le poids de l’absence des milliers d’habitants qui avaient pris la route. Ses chansons imploraient d’ailleurs ses pairs de rester à Yarmouk et de résister aux appels à la violence. Surnommé l’oiseau chanteur de Yarmouk, Aeham Ahmad insufflait un vent d’espoir et de joie grâce à la musique qu’il répandait autour de lui.

Mais tout s’arrête brutalement en avril 2015 lorsque les forces de l’État islamique prennent le contrôle du camp. Hostiles à tout art et donc à toute musique, ses milices finissent par brûler son instrument. «Ils l’ont brûlé en avril, le jour de mon anniversaire. C’était l’objet que je chérissais le plus au monde. C’était pour moi comme la mort d’un ami.» Pendant un temps, il s’entête à jouer sur un clavier électronique. Mais après trois ans de siège, de famine et de bombardements, Aeham se sent las. Il quitte Yarmouk avec sa femme et ses deux fils, et se prépare au périple qu’il refusait d’envisager jusqu’alors: rejoindre l’Europe à pied, comme des milliers d’autres Syriens.

DES TRAFIQUANTS DE CHAIR HUMAINE Son voyage commence fin août à Damas, « sous une pluie de roquettes ». Il rejoint Homs, Hama et Idleb et parvient jusqu’à la frontière turque. À chaque étape, il rencontre « des trafiquants de chair humaine ». Pour éviter les contrôles, il emprunte une route montagneuse risquée, se cachant trois nuits de suite dans une forêt avec un groupe d’hommes, de femmes et d’enfants. « Il nous est arrivé de rester 24 heures presque sans nourriture. Les enfants pleuraient tant ils avaient faim. C’était horrible. » Arrivé en Turquie, il est logé dans un appartement « plein de rats et d’insectes» par un trafiquant qui l’emmène ensuite dans un mini-bus entassé presque jusqu’à l’étouffement vers un lieu où ils doivent embarquer pour l’île grecque de Lesbos. Il paie 1250 dollars pour rejoindre la Grèce sur un canot pneumatique. Il continue son périple en passant par la Macédoine, la Serbie, la Bosnie puis la Croatie. Le parcours est difficile, sautant d’un bus à l’autre, marchant parfois des dizaines de kilomètres, et s’arrêtant quand il le peut dans des camps de réfugiés pour prendre quelques jours de repos. Le 23 septembre, il traverse à pied la frontière autrichienne et arrive enfin en Allemagne. Le 18 décembre, Aeham Ahmad reçoit à Bonn le Prix international Beethoven pour les droits de l’Homme, la paix, l’intégration et le combat contre la pauvreté. Ahmad vit à présent dans un centre de réfugiés à Munich et attend que sa famille puisse le rejoindre.


Avec la permission de Iyad Sabbah

Iyad Sabbah,

L’artiste Iyad Sabbah (gauche) en train d’installer sa statue près de Gaza City.

L’ARTISTE QUI EFFACE LES BARREAUX DE SA CAGE par Michèle Hicorne Un numéro. Un numéro pour l’Office des étrangers et au camp de Belgrade. Iyad Sabbah est un demandeur d’asile parmi tant d’autres. Mais c’est aussi un Palestinien, un Gazaoui! Et cela complique les choses ! Nous proclamons haut et fort notre détermination à protéger des civils fuyant leur pays en guerre par l’octroi du statut de réfugiés. Mais lorsqu’il s’agit d’un Palestinien, la frilosité est grande. À croire que nous sommes sourds et aveugles au sociocide organisé d’un peuple ! Déjà réfugié sur sa propre terre, encore marqué par beaucoup du sceau de l’apatride, Iyad attend sa deuxième convocation au Commissariat général aux réfugiés et aux apatrides (CGRA). Sa femme et ses filles sont encore à Gaza et sont – comme tous les habitants– confrontées quotidiennement aux dures réalités du blocus israélien et de l’après-bordure protectrice. Iyad attend quelque chose. Il veut un avenir. Pour lui et pour sa famille. Pour le peuple palestinien. Mais il ne sait pas ce que sera demain. Ce professeur d’arts plastiques de l’université AL-Aqsa de Gaza est un artiste renommé. Bachelier en beaux-arts des universités du Caire et de Tripoli, il a exposé en France, en Belgique, en Égypte, aux USA,… Mais aujourd’hui, son visa a expiré. Il ne peut rentrer chez lui, il ne peut voyager, alors qu’il reçoit des invitations à exposer dans plusieurs pays. Impossible évidemment d’y répondre. Alors, parce qu’il n’est pas question pour lui de se recroqueviller, Iyad peint, sculpte, dessine. Des scènes de là-bas mais aussi des sujets d’ici, légers ou graves. Et surtout, le clou d’une exposition qui doit se tenir en avril à Namur: une fresque de 10 mètres inspirée par les récits bouleversants de tous ces êtres entassés dans les tentes du camp, déracinés, abîmés par la guerre, en quête, comme lui, d’un avenir.

Je demande à Iyad de me parler de sa dernière œuvre réalisée à Gaza, quand il était encore au milieu des siens. Une œuvre tellement forte, tellement réaliste qu’elle n’a pas plu à tous et qu’elle a été enlevée de la plage… Des sculptures de personnages, grandeur nature, installées dans le quartier dévasté de Shuja’iyya après le massacre perpétré par l’armée israélienne l’été 2014. Au milieu des gravats, des maisons éventrées, des hommes et des femmes, un enfant et un bébé, les vêtements tachés de sang, un grand trou dans le dos, semblent aller vers la mer, fuir vers un ailleurs. Sont-ils vivants? Sont-ils morts? Sont-ce des fantômes, sortes de témoins, qui reviennent pour nous dire – à nous qui les traitons de «problème» – que la Palestine est leur pays et que nous, les Occidentaux, avons laissé s’accomplir leurs massacres et leurs expulsions. Attendentils un regard ? Espèrent-ils qu’on bouge enfin ? Iyad ne me parle pas de l’inflexible cruauté du gouvernement israélien et de notre incapacité, à nous Occidentaux, à faire respecter le droit international et la justice. Avec toute sa pudeur, presque en s’excusant de laisser affleurer sa souffrance, comme s’il risquait de déranger, il me dit simplement « Regarde-les. Ils sont comme moi. Ils attendent quelque chose. C’est sûr. Mais quoi ? Je ne sais ». Sans papiers, sans certitude quant à l’avenir, Iyad observe le monde et le recrée. En grand artiste, il tente d’effacer les barreaux de la cage dans laquelle l’envahisseur a enfermé tout un peuple. Il veut un Avenir. Iyad est un demandeur d’asile et, de sa situation, peuton vraiment se sentir non responsables ?


palestine 08 VIOLENCE D’ÉTAT

EN ISRAËL ET DANS LES TERRITOIRES OCCUPÉS,

le plus grand danger est la routine Gideon Levy, Middle East Eye, mercredi 13 janvier 2016

Il n’y a pas d’autre façon de décrire la politique d’Israël vis-à-vis des agresseurs présumés que comme des exécutions sommaires extrajudiciaires. Le plus grand ennemi de la lutte contre l’occupation israélienne est la routine. Ce danger de la routine n’apparaît que rétrospectivement, en regardant l’occupation dans le rétroviseur au fil du temps. Ce qui était inacceptable hier, et même inimaginable, devient la routine d’aujourd’hui et la norme de demain. Ainsi, l’occupation roule d’une phase à l’autre, mais une chose ne change jamais: l’occupation reste l’occupation et ses multiples aspects sont cachés à la vue de tous.

Dans le même temps, la réponse israélienne à ces incidents est également devenue routinière. Dans la plupart des cas, ces réponses finissent par une exécution sommaire sans possibilité de procès. Il n’y a pas d’autre façon de décrire précisément la réponse israélienne à ces attaques au couteau et à la voiture. Les soldats, policiers et citoyens ordinaires ont reçu un permis de tuer, ou ils l’ont pris, dans chaque cas en premier recours, presque invariablement.

La résistance à l’occupation, également présente et ne changeant que par son apparence et les moyens employés pour l’exprimer, montre depuis environ trois mois un nouveau visage, celui d’une « Intifada des couteaux » ou d’une « Rébellion des loups solitaires », ou tout autre nom qu’on veuille bien lui attribuer. Sans personne pour l’organiser, sans infrastructure ni main paternelle, sans organisations militantes ni quartier général militaire et presque sans armes ni explosifs, une nouvelle forme de résistance violente a émergé. Des Palestiniens, principalement des jeunes mais pas seulement, principalement des hommes mais pas seulement, se lèvent un matin et décident d’agir. Leur instrument est généralement un couteau ou une paire de ciseaux, ou encore une voiture privée.

Les jeunes Palestiniens, hommes et femmes, garçons et filles, qui brandissaient simplement une paire de ciseaux, ont été condamnés à mort sur place. Les Palestiniens dont la conduite était suspecte ont été condamnés à mort par des tirs à balles réelles. Seul un petit nombre de personnes exécutées ont été tuées alors qu’elles mettaient réellement en danger la vie de soldats ou de civils israéliens. Une majorité écrasante d’entre elles auraient pu être neutralisées sans être tuées. Mais toutes ont subi la même sentence: la mort.

Ils savent que leurs chances de survie sont minces et comprennent que l’impact sera négligeable le cas échéant; pourtant, ils décident de prendre leur destin en main et d’exprimer leur résistance, violemment, en poignardant ou en renversant des Juifs, principalement des soldats, mais aussi des civils, en général dans les Territoires occupés. Au cours des trois derniers mois, 27 Israéliens et 135 Palestiniens ont été tués dans près de 100 incidents de cette nature. Quelquesuns de ces Palestiniens ont été tués lors de manifestations, mais la plupart ont perdu la vie dans des tentatives d’attaques terroristes, ou ce que les autorités israéliennes ont désigné comme étant des tentatives d’attaques terroristes. Rares sont les jours sans qu’un de ces incidents ne se passe. Ils sont devenus routiniers.

Les caméras de sécurité n’ont cessé de montrer que le simple fait de transporter un couteau ou une paire de ciseaux était suffisant pour que tout le monde aux alentours tire pour tuer. Dans les cas les plus extrêmes, il aurait également été possible de tirer pour blesser plutôt que pour tuer ; cependant, toutes les réglementations existantes en matière d’emploi d’armes à feu ont été oubliées, comme si elles n’avaient jamais existé. Le permis consiste à tirer pour tuer. En réalité, les autorités ont encouragé ce comportement du côté des forces armées en uniforme et des civils et ont complimenté ceux qui ont répondu de cette manière. Un tel comportement est devenu non seulement légitime, mais aussi normatif, comme si aucune autre réponse n’était possible. Cette version soudainement transformée des règles est déjà devenue la nouvelle routine, dont personne ne remet en cause la légitimité actuellement en Israël. Les Israéliens n’ont jamais eu la gâchette aussi facile tandis que l’indifférence du public israélien n’a jamais


© Tal King

été aussi totale. Et dans bien des cas, comme cela arrive inévitablement lorsque le doigt caresse ainsi la gâchette, il y a eu des erreurs : des personnes n’ayant aucune intention de blesser quiconque ont été abattues lors d’assassinats criminels devenus banals. Il est difficile de croire que Mahdiyya Hammad, 40 ans, mère de quatre enfants, avait l’intention de renverser des policiers postés sur la route de son village, à Silwad. Elle rentrait chez elle pour allaiter son nourrisson. Ils ont tiré plusieurs dizaines de coups et ont continué de tirer, alors même qu’elle était déjà morte. La police a également tiré par erreur sur une voiture de la famille Abdallah, originaire d’Amuriya, un village reculé de Cisjordanie, et tué Samah Abdallah, une étudiante en cosmétologie de 18 ans ; son père était venu spécialement la chercher à l’école afin qu’elle puisse éviter le trajet risqué en transports en commun jusqu’à chez elle en ces jours dangereux sur les routes. Les soldats ont reconnu l’avoir abattue « par erreur ». Peut-être que les soldats ont également abattu « par erreur » Nashat Asfour, 35 ans, père de trois enfants, originaire du village de Sinjil. Ils ont tiré sur lui d’une distance de 150 mètres, alors qu’il rentrait d’un mariage. Ashraqat Qatanani ne devait pas non plus être tuée. Cette jeune fille âgée de 16 ans a sorti de sa poche une paire de ciseaux. Est-ce que tuer était le seul moyen de contrôler une fille de 16 ans en uniforme scolaire ? Avec des balles réelles, en tirant dans le but de tuer ? Sans avertissement ? Le groupe de soldats autour d’elle n’aurait-il pas pu la retenir et l’empêcher d’agir ? Ou du moins lui tirer dans les jambes ? Mais non, ils l’ont tuée, elle aussi, comme tant d’autres, comme si c’était leur réponse préférée et leur seul choix. Comme je l’ai indiqué, ces choses sont désormais devenues routinières. Lorsque le ministre suédois des Affaires étrangères a qualifié cela d’exécutions sommaires, Israël était furieux. Mais il n’y

a pas d’autre façon de désigner ces pratiques que comme des « exécutions sommaires extrajudiciaires ». En Israël, on n’a pas encore commencé à discuter les implications de ces comportements dangereux pour la société israélienne ellemême. Aujourd’hui dans les Territoires occupés, demain à Tel-Aviv. Aujourd’hui contre les Palestiniens brandissant une paire de ciseaux, demain contre les contrevenants à la circulation. Officiellement, Israël n’a pas de texte sur la peine de mort, sauf pour les nazis et ceux qui leur viennent en aide. Aujourd’hui, Israël a fait un pas en avant, ou peut-être en arrière : celui de la peine de mort sans procès. Quand un permis de tuer est accordé et ce, d’une manière aussi générale, et quand la vie a si peu de valeur, cette détérioration progressive est difficile à arrêter. En réalité, elle est déjà devenue routinière.

Gideon Levy est chroniqueur et membre du comité de rédaction du journal Haaretz. Il a rejoint Haaretz en 1982 et a passé quatre ans au poste de rédacteur en chef adjoint du journal. Lauréat du prix Olof Palme en 2015, il a obtenu le prix Euro-Méditerranée des Journalistes en 2008, le prix de la presse pour la liberté de Leipzig en 2001, le prix de l’Union des journalistes israéliens en 1997 et le prix de l’Association des droits de l’homme en Israël en 1996. Son nouveau livre, The Punishment of Gaza, vient d’être publié par Verso. Traduction de l’anglais (original) par VECTranslation.Informations


palestine 10 INTERVIEW

La solidarité internationale,

UN REMPART CONTRE LA DÉSESPÉRANCE MORALE ET POLITIQUE Entretien avec Samah Jabr, psychiatre palestinienne Propos recueillis par Katarzyna Lemanska

Le Dr Samah Jabr est intervenue le 28 novembre dans le cadre des 40 ans de l’Association belgo-palestinienne dans le panel « vivre sous occupation ». Nous l’avons rencontrée pour aborder avec elle son travail et son engagement. POURQUOI LA PSYCHIATRIE ?

DES CONDITIONS D’OPPRESSION TOTALE

Née à Jérusalem, Samah Jabr sort d’une des premières promotions de la faculté de médecine de l’Université d’Al Quds. Durant ses études, elle prend conscience que la souffrance psychologique envoie de nombreux Palestiniens chez des médecins généralistes qui se focalisent sur une description physique de problèmes dont la cause est souvent psychique : « J’ai vu par exemple une femme qui a complètement perdu la vue quand, à l’hôpital, elle a vu que son fils avait été touché à l’œil. J’ai constaté que les médecins qui ne sont pas psychiatres ne peuvent pas aider ces gens. Ils n’ont pas la formation adéquate. Mais nous n’avions personne d’autre vers qui les rediriger. Tout cela a influencé mon choix d’étudier la psychiatrie ». Samah part donc compléter ses études de psychiatrie à Paris, elle enchaine avec une formation en thérapie cognitive comportementale à Londres et termine avec trois années d’études à l’Institut israélien de psychothérapie psychanalytique.

Les Palestiniens vivent dans ce que Samah Jabr appelle des conditions d’oppression totale : occupation par la force militaire, déstructuration de la cellule familiale, réduction à l’état de souscontractants pour faire le sale boulot pour les Israéliens, réponse systématiquement violente aux actions de résistance non violentes, asphyxie de l’économie palestinienne et enfin, dé-développement. Samah Jabr insiste particulièrement sur ce dernier aspect en rappelant que, lors de la dernière attaque contre Gaza, les entreprises, les hôpitaux et les écoles ont été clairement ciblés. Elle pointe la responsabilité de la communauté internationale, qui reste sans réactions face aux violations répétées des droits de l’Homme commises par Israël. Elle pointe également les financements occidentaux octroyés à l’Autorité palestinienne, qui créent « une réalité pour les Palestiniens dans laquelle des personnes qui sont moins performantes et moins capables atteignent le haut de la hiérarchie. »

PRATIQUER LA PSYCHIATRIE EN PALESTINE

Cela a détruit le système de valeurs des Palestiniens. La réalité de terrain leur a en effet appris que pour survivre professionnellement, il faut appartenir à un certain parti politique, il ne faut pas protester contre la corruption, il faut accepter le fait qu’un ministre ramène les membres de sa famille dans son ministère. Ceux qui protestent risquent leur place. » Selon Samah Jabr, « cela diminue l’estime de soi, les aspirations, l’ambition, ce qui s’ajoute au phénomène d’intériorisation de l’oppression. »

Forte de cette formation, Samah est rapidement confrontée à la nécessité de pratiquer sa discipline dans le contexte propre à la Palestine. Selon elle, « on ne peut pas appliquer des méthodes, des interventions ou des diagnostics développés dans un contexte occidental aux Palestiniens qui vivent dans un contexte d’occupation où l’élément pathogène le plus important, ce sont les conditions politiques ». Le fait de donner des noms tels que « syndrome de stress post-traumatique » à des pathologies en Palestine n’est selon elle pas approprié. En Palestine, le trauma est continu, constant, répétitif. On ne peut donc pas parler de post-trauma. Ainsi, le terme arabe sumud est mieux adapté au contexte palestinien que le terme « résilience » utilisé depuis une vingtaine d’années dans la psychologie positive occidentale. « Le mot sumud est utilisé depuis le mandat britannique. Il ressemble à la résilience mais ce n’est pas que ça. La résilience est la capacité de faire face au stress et aux difficultés. C’est un état d’être. Le sumud va plus loin et renvoie au fait d’agir contre les difficultés, le stress et l’oppression. Il ne s’agit pas seulement de survivre aux difficultés mais de s’y opposer, d’y résister ».

INTÉRIORISATION DE L’OPPRESSION Samah Jabr explique que ce phénomène d’intériorisation de l’oppression a un impact sur les relations intra-palestiniennes : « pour corriger l’image de vaincus qu’ils ont d’eux-mêmes, certains cherchent une victime plus faible. » Les cas de violence domestique ou de comportements agressifs au volant augmentent. Lorsque les Palestiniens mettent leur résistance de côté et acceptent les conditions d’oppression totale dans lesquelles ils vivent, la violence intra-palestinienne s’accentue. Le manque d’opportunités met les Palestiniens en concurrence les uns avec les autres, les rend envieux les uns des autres. Samah Jabr observe ces phénomènes et


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essaie de rendre les Palestiniens conscients des moyens utilisés par l’occupation israélienne pour casser leur volonté.

SE RÉVOLTER CONTRE L’OCCUPATION, UN SIGNE DE SANTÉ MENTALE Depuis septembre 2015, les actions violentes contre des Israéliens se multiplient, ce qui amène de nombreux observateurs à déclarer qu’une nouvelle Intifada a débuté. Samah Jabr attribue cela non seulement à l’oppression exercée par les Israéliens mais aussi au rejet des positions de l’Autorité palestinienne : « L’inaction et la complicité de l’Autorité poussent les jeunes à prendre leurs responsabilités, à refuser de vivre à genoux, et à tenir tête à l’occupant lorsque la direction politique se soumet. Ce n’est que si cette dernière propose un plan efficace pour sortir de l’occupation que le phénomène auquel nous assistons s’arrêtera ». Le soulèvement était inévitable : « C’est accepter l’occupation qui est pathologique. Se révolter contre elle est un signe de santé mentale. » Selon elle en revanche, ce soulèvement nécessite une direction politique si l’on veut qu’il aboutisse à des résultats. Le soulèvement actuel est particulier en ce qu’il implique de nombreux enfants et jeunes adolescents dans les affrontements avec les soldats. Samah Jabr explique comment l’occupation israélienne empêche les jeunes Palestiniens de vivre pleinement leur enfance et leur adolescence, et analyse les actes de ceux qui affrontent l’armée au péril de leur vie. « C’est la promesse d’une vie meilleure qui enseigne généralement aux adolescents l’aptitude à postposer leurs pulsions mais quand l’avenir se rétrécit à un point tel que le présent est la seule mesure, alors il n’y a plus de report envisageable et ils sont poussés dans l’immédiateté de l’agir. » Les enfants assistent à de nombreuses scènes violentes ; comme ils ont un autre rapport à la parole que les adultes, le jeu post-traumatique leur permet d’assimiler autrement la réalité. Les adultes ont, quant à eux, besoin de parler, de partager les expériences vécues. Or les autorités israéliennes limitent les possibilités d’expression, les assimilant souvent à des appels à la haine. « Le processus de traitement de la réalité est maintenant entravé. Lorsque les Palestiniens sont empêchés de monter des pièces de théâtre autour du conflit entre Israéliens et Palestiniens à l’école, lorsqu’ils sont empêchés d’écrire sur cette situation sur Facebook, les gens passent alors à l’acte. C’est ce que les Israéliens n’avaient

pas anticipé. Opprimer les Palestiniens et les empêcher d’exprimer leurs expériences immédiates, les empêcher d’en parler, de mettre ces expériences en scène, en poésie,... cela contribue à libérer la violence. » Les adolescents, plus instables au niveau émotionnel et plus impulsifs, confondent quant à eux fantasme et réalité : « Ils ne croient pas qu’ils peuvent mourir. Les tout jeunes, quand ils suivent un soldat avec un couteau, se projettent plus dans un jeu. Ils n’ont pas conscience de poser un acte réel. » Enfin, les enfants sont affectés plus durement par la déstructuration de la cellule familiale, ce qui les laisse sans repères. C’est ce qui se passe lorsqu’un membre de la famille est arrêté. « La torture, fréquente, laisse les détenus avec des cicatrices psychologiques et transforme certaines personnes en ombres de ce qu’elles étaient. Parfois, le petit enfant que le père a laissé derrière lui, remplit le vide et devient le chef de famille en l’absence du père. Lorsque le père sort de prison, il réalise que son rôle lui a été confisqué par son enfant. Ces expériences de torture et d’arrestation déstructurent les familles de manière subtile, mais systématique », souligne Samah.

LA SOLIDARITÉ INTERNATIONALE CRUCIALE Pour le Dr Samah Jabr, la solidarité internationale a un effet thérapeutique. Elle permet de valider l’expérience douloureuse de la victime. Sans cette validation, par la communauté ou la solidarité internationales, le risque de radicalisation est grand : « Imaginez quelqu’un qui est passé par des expériences horribles et répétées, et dont personne ne reconnaît la souffrance. Ce manque de reconnaissance peut très profondément affecter son système de valeurs et de croyances fondamentales. Il peut perdre la foi dans le fait qu’il y ait du bien dans le monde. Et c’est ce qui se passe quand les personnes se radicalisent. » Pour le Dr Samah Jabr, il est donc très important de cultiver la solidarité internationale afin que les Palestiniens ne perdent pas leur croyance dans le fait qu’il y a du bien dans le monde et leur éviter ainsi de basculer dans la radicalisation.

Samah Jabr a co-rédigé l’appel pour l’engagement des professionnels de la santé mentale pour la Palestine, disponible sur le site du UK Palestine Mental Health Network : http://ukpalmhn.com/campaigns/mental-health-workers-pledgefor-palestine-french-version/


palestine 12 DÉMOCRATIE EN SURSIS

Chasse aux sorcières

EN ISRAËL par Nathalie Janne d’Othée

Le moins qu’on puisse dire, c’est qu’il ne fait pas bon vivre en Israël pour ceux qui osent critiquer la politique gouvernementale. Rassemblant la droite extrême et l’extrême droite israéliennes, le gouvernement Netanyahou IV ne laissait rien présager de bon. Et les mauvais augures se confirment : lois liberticides, climat général d’impunité pour les actes racistes, attaques contre les organisations de droits de l’Homme israéliennes, abandon total du processus de paix, relance de plus belle de la colonisation, répression violente du soulèvement palestinien,… Pour les Palestiniens, rien de neuf sous le soleil. Mais à l’ouest de la Ligne verte, le déni de démocratie et la violation des droits humains prennent une ampleur inédite. En 2011, la Knesset avait approuvé une loi anti-boycott interdisant à toute personne ou organisation d’appeler au boycott d’Israël sous peine de poursuites civiles pour dommages et intérêts, voire de retrait de subsides ou de suppression de l’exemption de taxes publiques. Cette loi avait été largement critiquée par la communauté internationale ainsi que par les organisations de droits humains israéliennes. Même s’ils n’affichent pas tous ouvertement leur soutien au mouvement BDS, certains de nos partenaires israéliens se sont ainsi retrouvés ostracisés par la société israélienne. Ces organisations ont pour particularité, étant très peu soutenues par la population israélienne, qu’elles dépendent pour la plupart de financements étrangers. Le gouvernement israélien considère le financement de ces organisations, pourtant créées et gérées par des Israéliens, comme de l’ingérence étrangère. Mais pour les Israéliens néanmoins, les libertés d’expression et d’information restent toujours respectées.

ONG « DE GAUCHE » DANS LE COLLIMATEUR DU GOUVERNEMENT Le gouvernement israélien a durci les mesures contre les organisations de droits humains ou plus généralement dites « de gauche ». La Knesset a récemment approuvé un projet de loi proposé par la ministre de la Justice, Ayelet Shaked. Issue du parti ultranationaliste Le Foyer Juif (Habayit Hayehudi en hébreu), celle-ci avait annoncé la mesure dès son entrée en fonction (cf. Palestine n°64). Si la loi passe, elle contraindra les organisations recevant plus de 50% de leur financement de l’étranger à rendre publiques toutes leurs sources de financement. Les représentants de ces organisations devront également porter un badge spécifique lors de leurs interpellations à la Knesset ou d’autres institutions du pouvoir !

Ayelet Shaked donne pour exemples les organisations comme Adalah, B’tselem et Breaking the silence qui ont apporté des éléments de preuves lors de l’enquête diligentée par les Nations Unies à la suite de l’attaque israélienne contre Gaza durant l’été 2014 (Voir « Israël : taxé de traître, car il dénonce l'absurdité de l'occupation des Territoires palestiniens » sur LeVif.be, 7/1/2016). Selon elle, ces organisations « érodent la légitimité d’Israël à exister comme un État juif et démocratique » (« Israeli NGOs feel the heat from Netanyahu's new government » sur Reuters.com, 10/6/2015). Or si les Nations Unies récoltent des éléments de preuve auprès de ces organisations, c’est parce qu’Israël refuse systématiquement aux enquêteurs mandatés l’entrée sur son territoire ou celui de la bande de Gaza. L’acharnement contre l’organisation d’anciens soldats Breaking the silence est également assez nouveau. Jusqu’ici, cette organisation bénéficiait d’un certain crédit de par le fait qu’elle ne prend pas d’autre position politique que la dénonciation de l’occupation israélienne des Territoires palestiniens. Ses membres ne sont pas non plus des refuzniks (soldats israéliens refusant de servir dans les Territoires palestiniens) mais des Israéliens ayant accompli leur service militaire et voulant en dénoncer les abus. Or même la critique de Breaking the silence ne passe plus en Israël. L’organisation s’est ainsi vue interdite d’accès dans les écoles et à l’armée, ce qui restreint drastiquement son travail de sensibilisation.

LE GOUVERNEMENT EST PARTIE LIÉE AVEC LES ORGANISATIONS ULTRA-NATIONALISTES Ces derniers temps, le climat tourne de plus en plus à la chasse aux sorcières contre tous ceux qui délégitiment Israël ou son gou-


Ces derniers temps, le climat tourne de plus en plus à la chasse aux sorcières contre tous ceux qui délégitiment Israël ou son gouvernement. vernement. Et les attaques contre ces organisations ne proviennent pas seulement du monde politique. En décembre, l’organisation sioniste d’extrême-droite Im Tirtzu a diffusé un clip dénonçant ces organisations « implantées » dans la société israélienne au profit d’intérêts étrangers. La vidéo visait à renforcer le soutien au projet de loi de Shaked à la Knesset. Outre sa mise en scène violente, cette vidéo est odieuse parce qu’elle identifie nommément et avec photos à l’appui quatre personnes, une par organisation visée : Yishaï Menuhin du Comité public contre la torture, Avner Gvaryahu de Breaking The Silence, Hagaï Elad de B'Tselem et Sigi Ben Ari de Hamoked, le Centre pour la défense des droits de l'individu. Chacune de ces personnes est reliée à une puissance étrangère, que ce soient les Pays-Bas, l’Allemagne, la Suède ou encore l’Union européenne. Im Tirtzu les accuse de défendre les intérêts des terroristes et d’être des agents de l’étranger. La vidéo renvoie également à une proposition de loi d’un député du Likoud qui viserait à renforcer le projet de loi d’Ayelet Shaked en imposant une amende de 100 000 shekels (24 000 euros) à toute organisation qui enfreindrait le texte de la loi («Israël : ces “nouveaux traîtres” à la tête des ONG de gauche » sur LePoint.fr, 20/12/2016).

CHASSE AUX SORCIÈRES Sale temps donc pour les défenseurs des droits humains en Israël, comme le confirme une émission de télévision très regardée sur la chaine israélienne Channel 2. On y suit un groupe d’extrême droite nommé Ad Kan qui infiltre l’organisation pacifiste israélienne Ta’ayush. Son but est de capter des faits ou des paroles qui peuvent jeter l’opprobre sur cette organisation de gauche… et il semble y parvenir. La vidéo montre en effet Ezra Nawi, une figure très connue du mouvement s’adonner à un double jeu, attirant des Palestiniens qui veulent vendre leur terre aux colons et les dénonçant ensuite auprès des autorités palestiniennes, lesquelles, suivant la vidéo, n’allaient pas manquer de les torturer et les exécuter. La nouvelle a agité la presse et la classe politique israéliennes. Benjamin Netanyahou s’est montré soudainement très soucieux du sort de Palestiniens et de la torture qu’ils pourraient subir dans les geôles de l’Autorité palestinienne. Une attitude on ne peut plus hypocrite quand on sait que la plupart des Palestiniens emprisonnés dans les prisons israéliennes y subissent la torture. De plus, les res-

Supplice de Anneken Hendriks, brûlée à Amsterdam en 1571, 1685

ponsables politiques israéliens ont eu tôt fait de récupérer l’histoire pour chercher les liens avec le mouvement BDS ou d’autres organisations « de gauche » comme B’tselem. Sans détenir la moindre preuve de tels liens, Naftali Bennett s’est en effet empressé d’appeler l’ambassadeur britannique à Tel Aviv pour l’inciter à mettre un terme à leur soutien à B’tselem (« Human rights groups smeared over actions of one man » sur 972mag.com, 8/1/2016). L’histoire a en tous cas tous les aspects d’un piège tendu au militant israélien. Ezra Nawi ainsi qu’un Palestinien travaillant sur le terrain pour B’tselem ont été arrêtés dans les jours qui ont suivi l’émission. La presse n’en a pas parlé au moment même à cause d’une ordonnance de non-publication imposée à l’affaire. Ce n’est que quelques jours plus tard que l’information a fuité et que la mobilisation a commencé aux États-Unis et ailleurs pour dénoncer ces arrestations (« Israel arrests human rights campaigner Ezra Nawi and puts gag order on case as part of growing ‘witch hunt’ against activists » sur Mondoweiss, 20/1/2016).

DES RÉACTIONS INTERNATIONALES ? La situation des droits humains se détériore donc sérieusement et cela, à l’intérieur des frontières d’Israël. Les rares Israéliens qui osent s’opposer à la politique d’occupation et de colonisation du gouvernement se retrouvent mis sous pression extrême. Celle-ci vient d’organisations nationalistes d’extrême droite agissant main dans la main avec le gouvernement. La situation est à ce point préoccupante que la très sioniste AntiDefamation League elle-même a critiqué les mesures anti-démocratiques prises par le gouvernement israélien (« American Jews' Concern for Israeli Democracy Ends at '67 Borders» sur Haaretz.com, 14/1/2016). Et pourtant, du côté de la communauté internationale, aucune réaction ne se fait publiquement entendre. On a même assisté à la démission du Rapporteur spécial des Nations Unies sur la situation des droits de l’homme dans les territoires palestiniens occupés. Et pour cause : Israël ne l’a jamais laissé entrer sur son territoire ni sur la bande de Gaza… Jusqu’à quand va-t-on encore laisser faire Israël ? On peut en effet toujours attendre que cela empire encore. On ne sera jamais déçu.


palestine 14 DÉMOCRATIE EN SURSIS

La future “loi de suspension” s’inscrit dans la ligne d’un projet plus global, celui de marginaliser et exclure systématiquement les citoyens palestiniens d’Israël—qui constituent pourtant un cinquième de la population du pays. QUAND ISRAËL VEUT SE DÉBARRASSER DE

ses députés arabes par Sophie Feyder

De nouvelles mesures risquent de marginaliser encore davantage les parlementaires arabes du parlement israélien. La nouvelle «loi sur la suspension», approuvée le 29 février en première lecture en commission parlementaire, prévoit en effet de suspendre tout parlementaire accusé d’avoir un « comportement inapproprié », indigne du statut de parlementaire. Ce nouveau projet de loi a été personnellement lancé par Netanyahou, dans la trombe médiatique qui s’est abattue sur la tête de trois députés arabes israéliens membres de la Liste arabe unifiée, accusés « d’être allés réconforter les familles des meurtriers ». Selon les députés eux-mêmes, ils avaient simplement assisté à une réunion d’un comité de soutien qui réclamait la remise des corps des défunts, afin que les familles puissent leur organiser des funérailles décentes. En effet, la politique du gouvernement israélien vis-à-vis des familles palestiniennes endeuillées est de systématiquement leur infliger des punitions collectives et d’accroître leur détresse et leur douleur, notamment en ne leur rendant pas le corps des défunts. S’ensuivit une condamnation générale par une grande partie de la classe politique et des médias et l’intervention personnelle de Netanyahou auprès du procureur général d’Israël. Il n’a fallu que quelques jours pour présenter ce nouveau projet de loi au comité juridique israélien. Le texte devra être adopté par une majorité spéciale de 90 députés sur 120 – les trois quarts des législateurs – puis présenté devant une commission parlementaire en trois lectures, avant d’entrer en vigueur. Mais le comité d’éthique de la Knesset a d’ores et déjà décidé de suspendre les trois députés arabes israéliens, leur interdisant de participer aux débats en séance plénière et aux différentes commissions parlementaires, Haneen Zoabi et Basel Ghattas pour quatre mois et Jamal Zahalka pour deux mois. Le président israélien Reuven Rivlin, qui n’a que des pouvoirs symboliques, s’est prononcé contre le projet de loi. « Nous ne pouvons pas permettre que la Knesset, dont les représentants sont choisis par le peuple, remette en cause à sa guise le choix des électeurs », a-t-il affirmé. Le groupe israélien Gush Shalom (Le Bloc de la Paix) a également condamné « la campagne démagogique [de Netanyahou] contre les membres arabes de la Knesset ».

La future « loi de suspension » s’inscrit dans la ligne d’un projet plus global, celui de marginaliser et exclure systématiquement les citoyens palestiniens d’Israël –qui constituent pourtant un cinquième de la population du pays. Rappelons ainsi la déclaration tonitruante de Netanyahou à la veille des dernières élections législatives : alors que les sondages prévoyaient un taux d’abstention élevé, il avait jugé habile d’effrayer son électorat pour le pousser à voter en affirmant « les Arabes se ruent massivement vers les urnes ». Cette manœuvre avait fortement contribué à ce que Netanyahou remporte sa quatrième victoire électorale en vingt ans et ait pu en mai 2015 former la coalition la plus à droite de l’histoire d’Israël, sans trublions centristes ou travaillistes en son sein. En novembre 2015, profitant du choc créé par les attentats de Paris, le gouvernement de Netanyahou a décrété le principal mouvement islamique du pays « organisation illégale ». Cette décision poussa à la clandestinité un mouvement religieux, politique et social représentant d’une partie non négligeable des 1,6 million de citoyens palestiniens d’Israël. Les représentants palestiniens en Israël ont averti : l’interdiction de la branche nord du « Mouvement islamique » marque un tournant dangereux dans les relations d’Israël avec son importante minorité palestinienne.

Sources Jack Khoury, Haaretz, 01.03.2016 Luc Delval, Plateforme Charleroi-Palestine, 03.03.2016 Maman News, 09.02.2016


palestine 15 ÉCHO DES RÉGIONS

la régionale liégeoise

DE L’ASSOCIATION BELGO-PALESTINIENNE UN RÉFÉRENT DANS LE PAYSAGE ASSOCIATIF LIÉGEOIS Créée il y plus de 30 ans, l’ABP-Liège peut s’enorgueillir d’être devenu le référent incontournable sur la Palestine dans la région. Elle propose de très nombreuses activités et rassemble pour ce faire, en plus de ses membres actifs, de nombreux bénévoles, dont les compétences sont très variées. Ainsi, c’est un sympathisant qui gère notre site Internet. Notre équipe a organisé elle-même ou est invitée à participer à plusieurs événements locaux et régionaux. Elle travaille en collaboration avec les autres groupes actifs dans le mouvement associatif citoyen de la région liégeoise (le Centre culturel arabe en Pays de Liège, l'Union liégeoise pour la défense de la paix, la FGTB de Liège, la Communauté palestinienne de Belgique et Luxembourg,…) et, bien évidemment, avec l’ABP-WB. Rassemblements de solidarité (solidarité avec Gaza, soutien aux prisonniers en grève de la faim…), exposés et débats avec ou sans film, stands d'information, de vente d'artisanat et de plats palestiniens (par exemple au Premier Mai organisé par la FGTB-Liège sur la Place Cathédrale ou encore à Blégny au Solidaris Day de Solidaris, au Festival Cent Visages dans le quartier populaire de St Léonard…), nos activités se présentent sous plusieurs formes et s’échelonnent tout au long de l’année.

DES PARTENARIATS AVEC LA VILLE DE LIÈGE ET RAMALLAH Ainsi, dans le cadre de notre partenariat avec la Ville de Liège, nous avons organisé, à l’Auberge Simenon, une journée culturelle palestinienne haute en couleur et pleine de convivialité déclinée en un atelier de cuisine palestinienne, dont les réalisations furent ensuite dégustées sur place tout au long d'un repas, un défilé de robes traditionnelles et une lecture de poèmes palestiniens. Le défilé fut ensuite à l’honneur à Maastricht dans le cadre de l’Euro-région. L'année 2016 a déjà débuté avec Quatre Heures de Solidarité avec les 7000 prisonniers politiques palestiniens, une conférence co-organisée avec la Coalition européenne de soutien aux prisonniers palestiniens et le Comité de vigilance pour la démocratie en Tunisie. La manifestation a été rehaussée par la présence et la participation très active du nouvel ambassadeur de Palestine, S.E. Mr Abdelrahim Alfarra. En collaboration avec l'Union liégeoise de défense de la paix, nous entamerons un nouveau cycle de formations sur la question

israélo-palestinienne avec des spécialistes. On y traitera notamment de l’histoire du sionisme, des partis politiques en Palestine, des « accords de paix », de la solidarité internationale, … La Ville de Liège a établi un partenariat avec Ramallah en avril 2013, avec comme pistes d’actions prioritaires la jeunesse, la culture et l'éducation Nous participons à la commission LiègeRamallah mise sur pied à cet effet et c’est dans ce cadre que nous avons préparé une quinzaine culturelle palestinienne en partenariat avec la Ville qui se tient au mois de mars.

PROGRAMME DE LA QUINZAINE CULTURELLE PALESTINIENNE SAMEDI 19 MARS – de 11 à 12 h Contes et légendes de Palestine Ecole de coiffure et de bio-esthétique, rue Pitteurs 16 à 4020 Liège SAMEDI 19 MARS – 18 h Soirée d’inauguration « Quinzaine culturelle palestinienne » CITÉ MIROIR, place Xavier Neujean 22 à 4000 Liège DIMANCHE 20 MARS – de 10 à 12 h Atelier de cuisine palestinienne et dégustation CCAPL, rue Henri Orban 1, 4030 Liège – PAF 10 € JEUDI 24 MARS – 20 h Ciné-débat « Les 18 fugitives » d’Amer Shomali et Paul Cowan CCAPL, rue Henri Orban 1 à 4030 Liège VENDREDI 25 MARS – 20 h Théâtre « Terres Promises » et exposition « Regards du monde sur la Palestine » Théâtre le Moderne, rue Sainte-Walburge 1 à 4000 Liège SAMEDI 26 MARS – 18 h « À la croisée des cultures » Souper-découverte à la Maison de la Laïcité d’Angleur place Andréa Jadoulle 14 à 4031 Angleur MERCREDI 30 MARS – à 20 h Conférence « La culture palestinienne et son rôle dans l’édification d’un État palestinien indépendant » CITÉ MIROIR, place Xavier Neujean 22 à 4000 Liège DU 19 AU 30 MARS Exposition du peintre Michel Najjar Musée Curtius, Rue Féronstrée, 136 à 4000 Liège Auditorium Exposition « Vie quotidienne en Palestine » CITÉ MIROIR, place Xavier Neujean 22 à 4000 Liège Info : liege@abp-wb.be


palestine 16 NEWS DU BDS

News du BDS

par Simon Moutquin

La stratégie israélienne se précise : de Tel-Aviv à New York, en passant par Paris, la lutte contre l’appel BDS s’organise, grâce notamment à de généreux donateurs étrangers. Une stratégie dont l’agressivité ne fera qu’amplifier en retour le mouvement BDS. Un seul mot d’ordre : « Cachez cette politique que je ne saurais voir ».

LA CHASSE AUX SORCIÈRES EST LANCÉE ! Nous vous en parlions dans nos précédents numéros; cette fois-ci, la stratégie se met en place : 23 millions de $, voilà la première enveloppe débloquée par des entreprises israéliennes pour lutter contre le « cyberboycott » de leur pays. Ce montant s’ajoutera à une autre enveloppe bien plus élevéee discutée le 28 mars en Israël lors d’une journée stratégique de lutte contre le boycott. Le Mossad sera de la partie dans cette grande stratégie, les interdictions d’entrée sur le territoire israélien, et de facto palestinien, se multiplieront à l’aide d’une blacklist gouvernementale de militants pro-boycott. « Nous voulons créer une communauté de combattants du BDS » a récemment déclaré Sima Vakni-Gil, le directeur général du ministère israélien de la stratégie diplomatique. Ailleurs dans le monde, les alliés du gouvernement Netanyahou tentent de profiter du climat ambiant de peur pour imposer des mesures politiques sous couvert de sécurité. En France, où le gouvernement Valls ne cache plus sa chasse aux sorcières lancée contre les militants propalestiniens : criminalisation du boycott, interdiction de manifester et même interdiction d’appeler au boycott lors de rassemblements. À New York, des personnalités politiques tentent de mettre en place des listes noires de militants pro-BDS alors qu’en Californie, des appels à boycotter… les « boycotteurs » (sic !) se mettent en place, un doux rappel des années maccartistes. Récemment, au Canada, une majorité de députés ont voté une motion demandant de « tout mettre en place pour interdire de délégitimer Israël, donc l’interdiction du BDS ». En Belgique aussi, la critique de la politique israélienne se fait non sans rencontrer de multiples entraves : réglementation des tractages, censure à Charleroi, interdiction de manifester à Bruxelles, etc.

Alors que, depuis l’élection d’un gouvernement israélien de droite radicale, les ONGs progressistes israéliennes sont menacées, la presse étrangère est contrôlée en Israël et que l’occupation s’intensifie dans tous ses aspetcs (colonisation, destruction de maisons, arrestations, blocus, etc.), les dirigeants des grandes puissances continuent de fermer les yeux sur la situation sans répondre à la pression populaire qui, elle, ne cesse de grandir, notamment celle en faveur du boycott.

LE BOYCOTT, UNE ARME HISTORIQUE Aujourd’hui, le gouvernement israélien aimerait donner à croire qu’il s’agit là d’un exemple unique de militants proboycott obsessionnellement antisémites, en omettant une analyse historique appropriée. Dans le passé récent, le boycott a souvent été promu et imposé par les gouvernements eux-mêmes: Nicolas Sarkozy l’a fait en 2011 contre le Mexique, l’Union européenne et la États-Unis contre la Russie lors des JO de 1980 ou encore lors de la révolution américaine au XVIIIe siècle contre l’Empire britannique. L’arme du boycott a donc servi des cadres politiques, des populations et des intérêts divers. Le boycott n’est ni un objectif ni une idéologie, mais bien un moyen pour arriver à une fin. Et cette fin, le mouvement BDS lancé en 2005 le conçoit tout simplement : c’est la fin de l’occupation des territoires occupés, des droits égaux pour tous et le droit au retour des réfugiés. En d’autres termes… la simple application du droit international. Or, aujourd’hui, le gouvernement israélien et ses alliés s’obstinent à combattre le mouvement BDS sans même réfléchir aux raisons de sa propagation: une politique coloniale aventuriste et raciste, défiant toutes les institutions juridiques internationales depuis des décennies.


Belgique SODASTREAM La campagne SodaStream continue sa tournée belge : après Bruxelles, Namur, Tournai et Marche, c’est à Liège que des militants ont dénoncé l’implication de la marque de machines à soda dans la politique de nettoyage ethnique des Bédouins du désert du Neguev. Parallèlement aux actions, l’Association belgo-palestinienne a entamé un dialogue avec la RTBf qui diffuse des spots publicitaires de la marque malgré le défaut d’éthique de l’entreprise. Au fait, 1 an plus tard, SodaStream vient d’avouer avoir quitté la colonie de Maleh Adumim pour le désert du Neguev par crainte du boycott. Ils n’y échapperont pas: on continue !

SALON DES VACANCES

Il y a plus de 30 ans, un autre mouvement de boycott suivait la même trajectoire : après le moment de la disqualification de l’appel est venu celui de l’acceptation puis de la confrontation… la fin de l’histoire, tout le monde la connaît ; Nelson Mandela fut libéré, et l’apartheid imposé par une clique raciste blanche fut enfin levé en Afrique du Sud….

QUELLE RÉACTION FACE À CETTE NOUVELLE STRATÉGIE ? De quoi être pessimistes pour les prochaines années ? Au contraire ! Nous ne pouvons que nous réjouir que le mouvement BDS soit si vite passé dans la seconde phase, celle de la confrontation. Toutes les ressources humaines et financières que le sionisme actuel, entendu comme un projet colonial, dépense dans cette lutte acharnée, sont des moyens indirectement prélevés sur ceux alloués à la poursuite de la colonisation et de la militarisation de la société israélienne. La contre-attaque israélienne oblige aujourd’hui les militants à encore mieux s’organiser, à amplifier les actions et les alliances dans les universités, les syndicats, les partis politiques et les mouvements citoyens. En France, des pétitions en faveur du boycott récoltent des milliers de signatures, des personnalités publiques se prononcent aujourd’hui ouvertement en faveur du mouvement BDS. Dans le monde, face à cette tentative d’intimidation et à l’échec de la diplomatie, les activistes sont chaque jour plus nombreux à choisir le moyen du boycott pour faire, enfin, advenir une paix juste et durable au Proche-Orient.

Cette année, à l’appel de l’ABP, une quinzaine de militants se sont rendus au Salon des vacances afin de rendre visite au stand de l’ambassade d’Israël. Après avoir interrogé naïvement les gérants du stand, les militants se sont vu proposer des voyages en « JudéeSamarie ». Malgré la colonisation pourtant notoire et incontestable au regard du droit international, le Salon des vacances offre donc un espace de diffusion à la propagande israélienne coloniale. Entre un séjour à l’ile Maurice et un voyage à Las Vegas, découvrez la Palestine occupée ! Les militants ont par la suite bloqué le stand afin de dénoncer cette propagande et ont offert un voyage en Palestine avec 70 %... de territoires en moins.

FOIRE DU LIVRE Et quelques jours après le Salon de vacances, voilà que la culture israélienne était promue à la Foire du livre sous le joli nom de « Lettres d’Israël ». Alors qu’en Israël, des livres racontant une histoire d’amour entre un Palestinien et une Israélienne sont bannis des écoles, à Bruxelles, l’ambassade se cache derrière le stand pour promouvoir une culture bien souvent issue de la spoliation. Ainsi, le saviez-vous ? Le Houmous serait israélien… Au vol des terres et des ressources matérielles palestiniennes s’ajoute l’appropriation éhontée de sa culture. Tout en déclamant des textes du poète palestinien Mahmoud Darwish, les militants réunis ont bloqué l’entrée du stand en arborant un message simple « Israël occupe la Palestine, je boycotte ».

USA

CECI N’EST PAS UNE COMÉDIE Et l’Oscar de la meilleure comédie tragique est attribué à… Israël ! On a d’abord pensé à une blague, mais il n’en est rien, le ministère israélien de la Culture a annoncé qu’il offrirait à tous les nominés un séjour en Israël de 55 000 $ par personne s’il vous plaît!. Israël « essaie de combattre son isolement international croissant avec des pots-de-vin », juge Omar Barghouti, le porte-parole de BDS avant d’ajouter « Il n’y a pas de Hunger Games à Gaza… Mais la faim pour de vrai. »


palestine 18 LIVRES / FILMS / SITES

LA PALESTINE DES ONG ENTRE RÉSISTANCE ET COLLABORATION par Julien Salingue, Éditions La Fabrique, 2015

livres

LE HAMAS ET LE MONDE

par Leila Seurat, CNRS Éditions, 2015 344 pages dont 100 pages de notes, biographies et bibliographie

Leila Seurat est docteure en science politique (Sciences Po - Paris) et chercheure au CERI (Centre de recherches internationales). Le présent ouvrage est issu de sa thèse soutenue le 27 juin 2014 à Paris ; il est préfacé par Bertrand Badie qui fut son directeur de thèse.

Le Mouvement de la Résistance Islamique (dont « Hamas » est l’acronyme) reste peu connu de la communauté scientifique et du grand public. L’étude de la politique étrangère du Hamas présentée par Leila Seurat offre un triple intérêt : 1) mieux connaître l’acteur le plus mystérieux du conflit israélo-palestinien : 2) enrichir la connaissance des mouvements des Frères musulmans : 3) comprendre la diplomatie d’une organisation controversée, située au croisement de la force et du droit, perçue par certains comme mouvement de libération nationale, et par d’autres comme « terroriste ». La victoire du Hamas aux élections de janvier 2006 a embarrassé nombre de puissances occidentales qui, après avoir encouragé un processus électoral incluant tous les groupes politiques palestiniens, ont refusé de reconnaître la légitimité des résultats du scrutin. Près de 10 ans après l’instauration du blocus par le Quartette (USA, Russie, UE et ONU), le Hamas reste un acteur central de la scène politique palestinienne et continue d’exercer sa domination sur la bande de Gaza.

Julien Salingue est docteur en science politique. Ses recherches portent sur les dynamiques économiques, sociales et politiques dans les Territoires palestiniens. Il a notamment publié À la recherche de la Palestine (2011), La Palestine d’Oslo (2014) et codirigé Israël : un État d’apartheid ?(2013). Le rôle des ONG palestiniennes est ambigu. D’un côté, elles ont tenu une place notable dans le développement de la résistance populaire et elles continuent aujourd’hui à pallier les manques dans des domaines allant de la santé à l’agriculture, de la culture aux droits des femmes. D’un autre côté, elles contribuent, depuis l’entrée dans le « processus de paix » en 1993, à transformer en question humanitaire un problème politique. Pour nombre de leurs cadres, comme d’ailleurs pour ceux de l’Autorité palestinienne, l’heure n’est plus à la lutte contre l’occupation mais à la professionnalisation, à la «bonne gouvernance» et aux micro-projets de « développement » économique. L’objectif n’est plus la libération collective mais l’amélioration des conditions de vie de la population. Dans la Palestine des ONG, on apprend à vivre malgré et avec la colonisation. Ce livre décrypte les mécanismes de ce glissement et ses impasses. Il incite à recentrer la réflexion et l’action sur les droits du peuple palestinien et la lutte contre l’occupation et la colonisation. (D’après la 4e de couverture)


film

MARS AT SUNRISE de Jessica Habie, 2014

DE-COLONIZER http://www.de-colonizer.org

sites

PALESTINE REMIX palestineremix.com

Jessica Habie s’inspire de l’histoire de l’artiste palestinien Hani Zurob pour aborder le thème de l’art sous l’occupation. L’imagination et l’art donnent le pouvoir à Khaled (Ali Suleiman) d’échapper à l’enfermement et aux limites imposées par l’occupation. L’imagination se transforme en moyen de résistance par excellence, parce qu’insaisissable et inatteignable. Face à Khaled, Eyal, son bourreau et geôlier, vit dans la frustration de ne pas pouvoir s’abandonner à son art. Une lutte intense se joue entre eux. Jessica Habie signe un film prenant, envoûtant même, qui parle autrement de l’occupation, de l’emprisonnement, de la torture.

Mars at Sunrise a été produit par Nirah Shirazipour et Baher Agbariya (Man Without a Cell Phone, Omar), édité par Luis Carballar (Amores Perros), Osnat Michaeli et Erez Galonska. La bande son est en outre signée par Martin Hernandez (Amores Perros, Babel, Into the Wild, The Loneliest Planet, On the Road). Un film à voir. NJO

Vous devez faire une présentation quelconque sur la Palestine, sur son histoire, sur le Mur, sur Jérusalem ou un autre thème spécifique ? Palestine Remix représente une véritable mine d’or. Vous aimeriez parfois pouvoir vous-même monter une vidéo pour expliquer quelque chose mais vous n’êtes pas un as de l’informatique ? Palestine Remix est le site qu’il vous faut. Il permet en effet à toute personne qui le souhaite d’utiliser, monter, mixer des images, des cartes, des vues du ciel, des interviews sur la Palestine. Le projet a été mis en place par la chaîne Al Jazeera. On peut donc espérer que la base de données de vidéos sera mise à jour avec les archives de la chaîne. Seul bémol, le site est décliné en anglais, en arabe, en turc, en bosniaque… mais pas en francais… NJO

Eitan Bronstein Aparicio, ancien directeur de l’ONG israélienne Zochrot qui travaille sur la mémoire de la Nakba, et sa compagne Eléonore Merza Bronstein sont les initiateurs du projet De-colonizer. Sous la forme d’un blog, De-colonizer rassemble ainsi des travaux d’artistes, des programmes d’activités, des recherches anthropologiques, des articles qui se rejoignent tous dans l’objectif et la volonté de « décoloniser » les esprits et ce, en cultivant la mémoire de la Nakba et en défendant le droit au retour des réfugiés palestiniens. Un de leurs projets les plus ambitieux est la réalisation d’une carte de tous les villages et lieux palestiniens détruits par les guerres, de 1948 à la dernière guerre de Gaza. De-colonizer cible deux publics différents : les Israéliens dont ils souhaitent ouvrir les yeux sur les dérives et le potentiel critique de leur propre société et également l’opinion internationale pour l’informer sur la réalité de l’occupation et de la colonisation israélienne. Un blog en anglais à découvrir pour garder espoir dans un avenir meilleur pour la société israélienne dans son ancrage dans le Moyen-Orient et pour les sociétés arabes qui l’entourent dont, prioritairement la société palestinienne voisine.


éditeur responsable Pierre Galand – rue Stévin 115 à 1000 Bruxelles


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