palestine
Belgique/België P.P. Bruxelles X 1/1624
BULLETIN DE L’ASSOCIATION BELGO-PALESTINIENNE / WALLONIE-BRUXELLES ASBL TRIMESTRIEL N°53 – JUILLET/AOÛT/SEPTEMBRE 2012 – DÉPÔT BRUXELLES X – AGRÉATION P401130
SOMMAIRE
© Fredo Bahd
Dossier BDS, quoi de neuf ? > 3 – 8 L’été en prison > 10 Colonisation tous azimuts > 12 Situation d’urgence dans la vallée du Jourdain > 14 Racisme ordinaire > 17
Tous les matins des centaines et des centaines de travailleurs s’écrasent contre les grilles du check-point de Bethlehem. Pour arriver à l’heure au travail, ils n’ont d’autres choix que d’arriver très tôt. Ainsi, certains commencent à faire la queue vers 3h du matin…
palestine 02 ÉDITO
VOUS AVEZ DIT
État de Palestine? par Pierre Galand, Président
Au Proche-Orient, la paix et la coexistence pacifique dans le respect des normes internationales, des droits des gens et du droit international ont de toute évidence été rangées au placard des bonnes intentions pour faire place aux confrontations musclées et aux déclarations belliqueuses. Pendant que les pétromonarchies du Golfe, en particulier l’Arabie saoudite et le Qatar, financent et arment « l’armée de libération syrienne » et des mercenaires de tout genre censés débarrasser la Syrie du Dr Folamour-Assad, les Occidentaux, du haut du siège d’arbitre qu’ils se sont attribué, condamnent un régime certes fortement critiquable mais jusqu’il y a peu régulièrement fréquenté. Dans le même temps, c’est l’œil en coin qu’ils autorisent M. Netanyahou et son très populiste gouvernement à menacer l’Iran d’une intervention préparée de longue date. D’aucuns pourraient croire qu’il s’agit là d’une sorte de dysfonctionnement ou de désordre dans la communauté internationale. Or, cela fait maintenant des années que le plan du « Greater Middle East » avait été présenté par l’administration de M. G.-W. Bush. Ce plan voulait clairement mettre un terme aux atermoiements des Européens jugés incapables de gérer les rapports entre les 27 pays du pourtour méditerranéen. C’est en novembre 1995 à Barcelone que les 27 avaient élaboré les accords euro-méditerranéens de Barcelone, dits Euromed. La nouvelle configuration made in USA entend reposer sur un modèle qui s’éloigne une fois pour toutes de la vision nassérienne ou panarabe conçue après les indépendances des années 60. Le « Greater Middle East » entend pacifier le Proche et MoyenOrient à l’aune des intérêts stratégiques des États-Unis. Les pétromonarchies, Israël et la Turquie se sont vu attribuer un rôle déterminant dans cette configuration. Ceux qui ne peuvent accepter ces modèles, déjà qualifiés de « modérés » en Occident, devront céder la place comme ce fut le cas en Irak et depuis dans bien d’autres pays.
L’assassinat de Yasser Arafat, récemment évoqué par la presse, ne s’inscrit-il pas dans ce même plan ? Ces politiques, tant celle des Européens au sein de l’Euromed que le « Greater Middle East » américain, n’ont fait que marginaliser la cause palestinienne sur la scène internationale. Cette marginalisation est mise chaque jour à profit par Israël et ses gouvernants successifs pour étendre son emprise sur les territoires palestiniens par les interventions et l’occupation militaires, la colonisation, la répression, l’enfermement sans cesse croissant des Palestiniens par un processus de bantoustanisation et le démantèlement de tous les actifs palestiniens qui pouvaient concourir à la création d’un hypothétique État de Palestine. Seuls un appui à la résistance palestinienne, une action constante pour rappeler aux responsables politiques des États européens et des Nations Unies leurs obligations au regard du droit international et du droit humanitaire, des actions de solidarité – notamment le mouvement Boycott, Désinvestissement & Sanctions mais aussi les missions en Palestine – et le soutien direct aux populations victimes de la répression permettront de combattre le sociocide qui est aujourd’hui en cours en Palestine.
palestine no 53 Comité de rédaction Marianne Blume, Ouardia Derriche, Nadia Farkh, Pierre Galand, Katarzyna Lemanska, Julien Masri, Christiane Schomblond, Gabrielle Lefèvre, Hocine Ouazraf, Nathalie Janne d’Othée. Association belgo-palestnienne / Wallonie-Bruxelles asbl Siège social rue Stévin, 115 à 1000 Bruxelles Secrétariat quai du Commerce 9 à 1000 Bruxelles tél. 02 223 07 56 / fax 02 250 12 63 / abp.eccp@skynet.be www.association-belgo-palestinienne.be IBAN BE30 0012 6039 9711 / BIC GE BABE BB Graphisme Dominique Hambye & Élise Debouny
palestine 03 DOSSIER BDS
DOSSIER
BDS
quoi de neuf ?
L’actualité liée à la reconnaissance du cercle BDS à l’ULB remet à l’ordre du jour la question du boycott. À cette occasion, le présent dossier explore les arguments pour le boycott académique, de la labellisation des produits des colonies, et passe également en revue les récentes victoires du mouvement Boycott, Désinvestissement et Sanctions dans le monde.
palestine 04 DOSSIER BDS
Le boycott
DES INSTITUTIONS ACADÉMIQUES ISRAÉLIENNES par Katarzyna Lemanska
La polémique autour de la reconnaissance du cercle BDS de l’ULB a relancé le débat sur le boycott académique. Il était donc opportun de refaire le point.
La première initiative de la société civile en faveur du boycott des institutions académiques israéliennes est apparue face à la violence de la répression lors de la deuxième Intifada. Lancé en Angleterre, l’appel fut publié dans le Guardian le 6 avril 2002 et signé par 120 membres de corps académiques européens et israéliens. Dans le but d’unifier et de renforcer les initiatives de boycott académique mais aussi culturel, des professeurs et intellectuels palestiniens lancent en 2004 la Palestinian Campaign for the Academic and Cultural Boycott of Israel (PACBI). Ses lignes directrices servent aujourd’hui encore de fil rouge aux campagnes de boycott académique d’Israël. Ainsi, l’appel BDS, publié l’année suivante, prend pour modèle l’appel de la PACBI.
QUELLES SONT LES REQUÊTES DE LA PACBI ? Les universitaires et intellectuels palestiniens appellent leurs collègues de la communauté internationale à boycotter toutes les institutions universitaires et culturelles israéliennes en raison de leur complicité durable et de leur contribution directe au maintien, à la défense et à la justification de l’oppression coloniale exercée sur le peuple palestinien : déni d’Israël de sa responsabilité dans la Nakba et refus de reconnaître le droit au retour des réfugiés, occupation militaire et colonisation du territoire palestinien depuis 1967, mise en place d’un système légal de discrimination raciale et de ségrégation à l’égard des Palestiniens d’Israël. L’appel PACBI, tout comme l’appel BDS par la suite, définissent toujours clairement des limites dans le temps au boycott : les mesures de sanction non violente doivent être maintenues jusqu’à ce qu’Israël se conforme à son obligation de reconnaître le droit inaliénable des Palestiniens à l’autodétermination et respecte entièrement les prescrits du droit international, et pas au-delà.
mettre des violations des droits de l’Homme et du droit international. Il n’est pas rare que des membres du corps académique occupent des postes à responsabilité au sein de l’armée ou d’entreprises d’armement. Et/ou – discriminent les étudiants palestiniens en octroyant un traitement privilégié aux étudiants qui ont effectué ou qui effectuent leur service militaire. Il s’agit, par exemple, de bourses d’études, de rétributions pour avoir participé à une action militaire, d’aménagement d’horaire ou de programme et/ou d’accès au logement. La discrimination s’exerce également au travers de la répression des activités politiques des unions des étudiants palestiniens et des restrictions qui sont imposées à leur liberté d’association. Et/ou – enseignent, sans aucun travail critique, l’histoire « officielle » israélienne, ignorant de ce fait sciemment la vérité historique et la mémoire des Palestiniens. En diffusant ainsi ce qui sert à justifier la politique israélienne d’occupation, de colonisation et de répression, ces institutions participent à la propagande gouvernementale. Il faut cependant rendre ici hommage aux très rares universitaires israéliens qui se sont opposés à la politique israélienne et qui ont remis en cause le discours narratif officiel.
QUI EST VISÉ PAR LE BOYCOTT ACADÉMIQUE ? Le boycott académique ne vise pas les individus du fait de leur nationalité mais les institutions israéliennes du fait de leur implication dans l’occupation. Comme le souligne PACBI, « une simple affiliation à une institution académique israélienne n’est pas une condition suffisante pour appliquer le boycott ».
POURQUOI UN BOYCOTT GÉNÉRAL ? Parce qu’il n’est jamais arrivé qu’une institution académique israélienne dénonce ou s’oppose à l’occupation, la colonisation et l’apartheid israéliens. Toutes, sans exception, bien qu’à des degrés divers, – coopèrent avec l’appareil militaire et sécuritaire israélien et l’assistent dans le développement des outils et technologies utilisés pour com-
LE BOYCOTT : UNE ARME ANTISÉMITE ? Le boycott académique s’inscrit dans la campagne BDS et rejette donc fermement toute forme de racisme et donc l’antisémitisme. Il ne vise en aucun cas les Juifs, ni les Israéliens en tant que Juifs mais l’État d’Israël et les organismes/institutions complices de sa politique coloniale et répressive envers les Palestiniens.
LE BOYCOTT : UNE ENTRAVE AUX LIBERTÉS ACADÉMIQUES ? Certains rejettent le boycott académique en ce qu’il enfreindrait les libertés académiques. Ils semblent évacuer la question des libertés académiques des institutions et des professeurs palestiniens. Si l’on part de la prémisse que la liberté académique des Israéliens et celle des Palestiniens se valent, n’est-il pas justifié de limiter momentanément les libertés des uns afin que ces mêmes libertés soient rétablies pour les autres ? Par ailleurs, les libertés académiques constituent un sousensemble dans l’ensemble des droits et des libertés fondamentales. N’est-il pas défendable de limiter momentanément ce sous-ensemble si cela doit contribuer au rétablissement de l’ensemble lui-même ?
EXEMPLES PATENTS D’IMPLICATION DES UNIVERSITÉS – Une partie des campus universitaires de l’université hébraïque de Jérusalem est située à Jérusalem-Est et ce, en violation du droit international. – L’institut Technion et Elbit Systems (la plus importante entreprise israélienne privée d’armement) ont inauguré, en 2008, un centre de recherche conjoint. En janvier 2011, Technion a signé avec Israel Aerospace Industries (la plus grosse société publique d’armement) un accord sur 5 ans qui définit les modalités de participation de celleci dans un programme consacré au génie informatique lancé par Technion. Les ingénieurs de Technion ont également travaillé avec Rafael Advanced Defense System (qui complète le podium) sur le projet de « Dôme de fer », un système de défense aérienne qui intercepte les roquettes de courte portée. – L’université de Tel Aviv est à la fois impliquée dans le développement matériel de l’infrastructure technologique utilisée par l’armée israélienne et dans l’élaboration théorique de la doctrine que celle-ci met en œuvre. Son Institut d’études pour la sécurité nationale a notamment contribué à l’élaboration de la doctrine sur l’usage disproportionné de la force et le ciblage des infrastructures civiles appliquée à Gaza. MAFAT, le centre de recherche de l’armée, a financé, en 2008, 55 projets conjoints avec l’université.
– L’université de Haïfa s’enorgueillit d’avoir mis en place un partenariat privilégié avec l’armée israélienne par le biais du programme « Havatzalot » destiné à former le futur leadership de l’armée et du renseignement au travers d’un programme de 3 ans qui allie entraînement militaire intensif, bachelier en études sur le Moyen-Orient et cours sur le renseignement et le commandement militaires. – L’université Ben-Gourion octroie des avantages spéciaux non seulement aux étudiants réservistes mais aussi (sous certaines conditions) à leur conjoint: possibilité de reporter des examens ou des travaux, bourses, cours d’été, tutorats. Durant l’opération « Plomb durci », au cours de laquelle 1 400 Palestiniens, en majorité des civils, ont perdu la vie, les étudiants réservistes de l’université se sont vu octroyer une bourse journalière additionnelle. Ces exemples ne sont pas exhaustifs. Ils illustrent néanmoins le fait que les institutions académiques israéliennes ne sont pas des acteurs neutres ou apolitiques. Bien au contraire, ils fonctionnent comme rouages indispensables d’un système complexe où les discriminations ethniques sont institutionnalisées, l’histoire est un instrument de propagande, la société est militarisée et les appareils militaire et sécuritaire dépendent étroitement des innovations technologiques des centres de recherche des institutions académiques et des entreprises. L’État, l’enseignement, l’armée, l’industrie militaire et sécuritaire sont autant de pièces d’un puzzle, profondément imbriquées et interconnectées. Il est indéniable que les universités israéliennes sont à la pointe de la recherche dans de nombreux secteurs qui relèvent aussi du domaine civil mais sommes-nous prêts à fermer les yeux sur le rôle crucial que jouent par ailleurs ces institutions dans l’oppression d’un peuple afin de bénéficier de la recherche qu’elles produisent ? Choisir c’est renoncer disait Gide... C’est le prix de l’engagement.
palestine 06 DOSSIER BDS
Universités israéliennes
FABRIQUES DE PROPAGANDE (HASBARA) ? par Marianne Blume
Deux universités israéliennes offrent un programme de hasbara (littéralement explication et non information). L’université de Haïfa propose des cours, « Ambassadors online », destinés aux étudiants israéliens tandis que ceux de l’université de Tel Aviv, « Ambassadors’ Club », s’adressent aux étudiants étrangers.
ÉTUDIER LA PROPAGANDE OU EN FABRIQUER ? Qu’on étudie la propagande à l’université est une bonne idée. Ainsi, à l’ULB, Anne Morelli analysait avec ses étudiants les « Principes élémentaires de propagande de guerre » pour déconstruire avec eux la propagande et aiguiser leur esprit critique. Dans les universités israéliennes, l’optique est différente. Ainsi, le syllabus de « Ambassador online » (http://shagririm.haifa.ac.il/) recense les informations données par les médias internationaux sur le conflit israélo-palestinien pour identifier celles jugées « hostiles ou non objectives ». Par la suite, il s’agit de donner aux étudiants des outils pour les contrer (arguments, utilisation de vidéos, participation active aux forums de discussion ou à Wikipedia, etc.). Les cours ne sont pas politiques, dit le directeur du programme, mais « nous mettons en valeur la narration sioniste ». Néanmoins s’il croit bon d’ajouter qu’il n’est pas « Im Tirzu » (une organisation d’extrême droite sioniste qui a notamment préconisé de renvoyer tous les professeurs qui avaient un discours post-sioniste), on est en droit de s’interroger.
ACADÉMIQUE OU POLITIQUE ? C’est ce que fait Yossi Gurvitz sur +972 Magasine. Et ses remarques sont pertinentes. D’abord, il passe en revue les orateurs invités. Outre des porte-parole du Premier ministre ou de l’armée, outre des colonels, on retrouve dans les deux programmes un certain Neil Lazarus. Présenté comme conseiller externe du ministre des Affaires étrangères, c’est le gars qui a posté une vidéo, au moment de la flottille pour Gaza, dans laquelle il prétendait avoir été rejeté par les organisateurs du fait de son homosexualité. Un modèle d’honnêteté intellectuelle donc. Il a fait de la hasbara sa profession et va donner des cours
aux USA et au Canada pour soutenir les étudiants dans la défense d’Israël. On y retrouve aussi Itamar Marcus, un colon extrémiste, manager de « Palestinian Media Watch », ex-vice-président du « Central Fund for Israel », une ONG américaine qui finance la colonisation, « Im Tirzu » et « Honenu » (une autre ONG d’extrême droite). C’est lui qui avait mené la campagne mensongère contre les manuels scolaires palestiniens. Ensuite, il épingle les sponsors et soutiens de ces programmes. Le programme de l’université de Haïfa est soutenu par le ministère de la Propagande et de la Diaspora (Yuli Edelstein, Likoud, colon activiste de Neve Daniel) et celui de l’université de Tel Aviv est appuyé par le ministère des Affaires étrangères (Avigdor Lieberman, Israel Beitenou, extrême droite). Le ton est donné. Si on ajoute la collaboration de l’université de Tel Aviv avec « Stand with Us », une organisation de droite américaine, pro-israélienne, on peut se figurer la ligne politique des cours. Quant à l’université de Haïfa, elle bénéficie du soutien de l’Union des étudiants, qui offre 2 000$ à des étudiants pour faire, depuis leur chambre, de la hasbara online et qui, avec l’Agence juive, forme et envoie des « missionnaires » de par le monde pour combattre la « délégitimation » d’Israël (voir Electronic Intifada).
ÉDUCATION OU DRESSAGE ? Que ce soit dans les écoles primaires ou secondaires, les enfants et les jeunes Israéliens sont soumis à un endoctrinement quotidien. Le livre de Nurit Peled (Palestine in Israeli School Books: Ideology and Propaganda in Education, 2012) en donne des exemples éclairants. Rien d’étonnant dès lors à ce que des universités proposent ouvertement des cours en propagande. Au risque de rappeler de mauvais souvenirs.
POUR QUE CESSE L’IMPUNITÉ CAMPAGNE EN FAVEUR D’UN EMBARGO MILITAIRE CONTRE ISRAËL Comment un pays qui occupe illégalement un territoire depuis plus de quarante ans, ne respecte pas les décisions des Nations Unies, qui est accusé en 2009 de crimes de guerre par l’ONU, comment cet État peut-il aujourd’hui être l’un des principaux acteurs du marché mondial des armes ? Israël est un des principaux producteurs, exportateurs et importateurs d’armes de la planète. Parce qu’il entretient des relations privilégiées avec l’Union européenne et l’OTAN, son accès à des armes de destruction massive, parfois illégales, et à l’arme atomique ne suscite aucune inquiétude chez ses alliés américains, européens et belges. Un dossier de Vrede vzw, Vredesactie et Intal servira de matériau au lancement d’une campagne en faveur d’un embargo militaire contre Israël. Alors qu’un tel embargo est décrété par l’Union européenne contre plus de 20 pays, nous proposons de l’élargir à Israël pour mettre un terme au laxisme et à l’impunité dont ce dernier jouit en matière d’armement. Cette campagne exigera la cessation du commerce des armes entre la Belgique et Israël et la cessation de la collaboration scientifique entre les universités belges et les entreprises d’armement et de sécurité israéliennes. Contactez-nous pour rejoindre la campagne : joaquim.dafonseca@intal.be
BOYCOTT, DÉSINVESTISSEMENT, SANCTIONS :
victoires!
Alice Walker
Je boycotte, tu boycottes, il boycotte… Mais cela a-t-il vraiment un impact ? Y a-t-il des institutions ou des États qui désinvestissent ? Et les sanctions, c’est pour quand ? Petit tour des avancées du mouvement BDS ces derniers mois…
BOYCOTT Alice Walker, USA L’auteur, qui a connu la ségrégation aux États-Unis et est membre du Tribunal Russell sur la Palestine, a refusé la réédition de son livre « La Couleur Pourpre » en Israël. Elle s’en est expliquée dans une lettre : « Il ne m’est pas possible de vous y autoriser (à publier mon livre « La Couleur Pourpre » en Israël) en ce moment pour la raison suivante : comme vous le savez sans doute, l’automne dernier, le Tribunal Russell sur la Palestine s’est réuni en Afrique du Sud et a jugé qu’Israël se rendait coupable d’apartheid et de persécution du peuple palestinien, tant à l’intérieur d’Israël que dans les Territoires occupés. Les témoignages que nous avons entendus, d’Israéliens et de Palestiniens (j’y étais en tant que juriste), étaient accablants. » (courrier publié sur le site Palestinian Campaign for the Academic and Cultural Boycott of Israël, et dont la véracité a été confirmée par l’agent littéraire d’Alice Walker). Maires et conseillers municipaux, Afrique du Sud Invités par la SA-Israel Forum, le groupe d’élus de la province de KwaZulu-Natal a renoncé au voyage, sur base des informations du mouvement BDS sud-africain. Celui-ci avait alerté l’opinion publique sur les véritables activités de leurs hôtes israéliens, à savoir fournir du matériel de construction pour le Mur de l’annexion, ainsi que des équipements pour les check-points dans les Territoires palestiniens occupés. Par ailleurs, Ebrahim Ebrahim, le ministre adjoint aux Relations internationales et à la Coopération d’Afrique du Sud, a fermement déclaré:« Étant donné la politique israélienne à l’égard des Palestiniens, nous déconseillons aux Sud-Africains de se rendre en Israël».
BOYCOTT DES PRODUITS DES COLONIES Co-Op, Londres Une des plus grandes chaînes britanniques de supermarchés, Co-Op, qui n’achetait plus de produits des colonies depuis 2009, a élargi le boycott en rompant ses liens avec quatre sociétés qui s’approvisionnaient dans les colonies, ce qui représente un volume de ventes de 430000 euros. Par ailleurs, la chaîne déclare que ce n’est pas un boycott d’Israël et qu’elle achètera à d’autres sociétés, non compromises avec les colonies. Universités, Grande-Bretagne Les universités de Glasgow et Dundee en Écosse ont réussi à mettre fin au contrat de fourniture d’eau de la marque Eden sur leurs campus. Eden Springs UK appartient et est dirigée entièrement par Mayanot Eden qui vole l’eau du Golan occupé et la met en bouteilles dans la colonie illégale de Katzrin.
LABELLISATION Migros, Suisse Migros, une des plus grandes chaînes suisses de supermarchés va informer ses clients si des produits proviennent de colonies israéliennes. La porte-parole du groupe précise qu’il ne s’agit pas de boycott mais de respect du choix des consommateurs. Migros
travaille avec quelque 580 supermarchés en Suisse et des grandes surfaces en Autriche et en France. Danemark Le ministre des Affaires étrangères, Villy Soevndal, a décidé de mettre en place un système de labellisation spécial pour les produits provenant des colonies qui, ajoute-t-il, sont illégales au regard du droit international. « C’est une démarche qui montre clairement aux consommateurs que ces biens-là sont produits dans des conditions que le gouvernement danois, ainsi que d’autres gouvernements européens, refusent. Et il appartient ainsi aux consommateurs de décider s’ils veulent ou non acheter ces biens ». Cette labellisation sera obligatoire pour les fruits et légumes mais facultative pour les autres produits. Afrique du Sud Le ministre du Commerce et de l’Industrie, le Dr Rob Davies, a publié, le 10 mai 2012, un avis dans la Gazette du Gouvernement dans lequel il déclare : « J’ai l’intention de notifier un avis relatif à(...) la loi sur la Protection des consommateurs(...) pour exiger des commerçants en Afrique du Sud qu’ils ne marquent pas incorrectement les produits provenant des Territoires palestiniens occupés (TPO), comme étant des produits venant d’Israël ». (GG No.35328 Notice 379 of 2012) Le ministre a expliqué « vouloir permettre aux Sud-Africains qui ne soutiennent pas Israël, mais soutiennent les Palestiniens, d’identifier ces produits ».
DESINVESTISSEMENT Norvège Le ministre des Finances norvégien a sorti du Fonds global des pensions du gouvernement (GPFG, un des fonds de pensions les plus importants en Europe) l’entreprise Shikun & Binui pour la raison qu’elle construit des colonies illégales à JérusalemEst. Ce même gouvernement avait déjà désinvesti d’Elbit, d’Africa Israel Investments, de Danya Cebus et de deux autres compagnies de construction israéliennes. Disney, USA Abigail Disney, descendante d’un des fondateurs de la compagnie Disney, se défait de ses parts des investissements familiaux dans la compagnie Ahava. Elle a justifié sa décision en déclarant qu’Ahava opérait dans les Territoires occupés dont elle exploitait les ressources naturelles. Elle a ajouté qu’elle accorderait un montant équivalent à des organisations qui oeuvrent à mettre fin à l’occupation illégale. TIAA-CREFF, USA TIAA-CREF (Teachers Insurance and Annuity Association – College Retirement Equities Fund) est une entreprise américaine d’assurances et de fonds de placements. L’entreprise assure plus de 3 millions de personnes et 15000 institutions éducatives, médicales, laboratoires de recherches, écoles privées, associations à but non lucratif, ... Elle a décidé de retirer de son portefeuille les actions Caterpillar, Inc. d’un montant de 72 943 861 dollars.
palestine 08 DOSSIER BDS
LE BOYCOTT DES COLONIES
est justifié
par Gideon Levy (Haaretz 24 mai 2012) – traduction M.B.
Labelliser les produits en provenance des colonies : il y a longtemps qu’une telle démarche aurait dû apparaître comme évidente pour montrer le chemin au consommateur engagé. Je n’achète pas les marchandises qui proviennent des colonies et je ne le ferai jamais. Selon moi, ce sont des biens volés, et comme pour tous les biens volés, j’essaye de ne pas en acheter. Dorénavant, peutêtre que les Sud-Africains et les Danois ne les achèteront pas non plus. En ce moment, leurs gouvernements ont demandé que les produits des colonies soient signalés comme tels, pour ne pas tromper les consommateurs. De même que, par le passé, on n’éprouvait pas le besoin d’étiqueter les marchandises des colonies britanniques comme étant des produits britanniques, de même, il n’est nul besoin d’indiquer Israël sur les produits des colonies israéliennes. Celui qui veut soutenir l’entreprise coloniale israélienne peut en acheter. Celui qui est contre peut les boycotter. C’est aussi simple et aussi nécessaire que cela. Israël, qui boycotte les plages de Turquie et le Hamas, aurait dû être le premier à comprendre cela. Au lieu de quoi, on a entendu des hurlements déchirants et des reproches indignés. Jusqu’ici, pas contre les Danois, qui sont sympathiques, mais contre les SudAfricains, qui le sont moins à nos yeux. La décision a été qualifiée de « mesure à caractère raciste » par le porte-parole du ministère des Affaires étrangères et cela, en se référant au pays qui a mené la guerre contre le racisme la plus courageuse de l’histoire de l’humanité. Oui, la nouvelle Afrique du Sud peut donner à Israël une leçon de guerre contre le racisme. Et, oui, Israël peut donner au monde une leçon de racisme. Israël a une fois de plus prouvé que son arrogance (chutzpah) ne connaît aucune limite: de tous les pays, c’est Israël qui accuse, de tous les pays, l’Afrique du Sud d’être raciste ! Y a-t-il rien de plus ridicule ? (…) De toute évidence, il y a longtemps qu’on aurait dû prendre une telle mesure afin de permettre au consommateur intelligent et engagé de s’y retrouver. Il y a longtemps également qu’un boycott des produits des colonies aurait dû intervenir pour montrer la voie aux citoyens respectueux du droit. Pour nous, ce n’est pas uniquement une prise de position politique ou morale : il s’agit d’une question de respect du droit international. Un produit fabriqué dans les colonies est un produit illégal, comme le sont les colonies elles-mêmes. De la même manière qu’il y a de plus en plus de consommateurs dans le monde qui n’achèteront pas de produits fabriqués dans des ateliers clandestins en Asie du Sud, pas plus que les « diamants du sang »
d’Afrique en raison de leur origine et des conditions dans lesquelles ils sont produits, de la même manière, on peut prévoir qu’il y aura des consommateurs pour boycotter les produits fabriqués dans les territoires occupés, par l’exploitation d’une main-d’œuvre palestinienne bon marché, dont les seules possibilités d’emploi se trouvent dans les colonies. Les propriétaires d’usines et les agriculteurs israéliens dans les territoires occupés se disent concernés par leurs travailleurs palestiniens et font valoir qu’un boycott pourrait porter atteinte à la source de revenus de leurs employés. Leurs protestations bien-pensantes et moralisatrices ne sont qu’une tentative cynique de tromper l’opinion publique. Si les colonies et les forces d’occupation avaient été retirées et si les terres sur lesquelles ces entreprises ont surgi avaient été rendues à leurs propriétaires, les travailleurs palestiniens auraient eu des sources de revenus bien plus respectables. Le boycott des produits des colonies est justifié, il n’y a pas d’autre qualificatif. Au titre de service à ses citoyens, chaque gouvernement dans le monde devrait au minimum demander la labellisation de ces produits. Par ailleurs, c’est en fait l’absence d’une telle labellisation qui peut conduire à un boycott global de tous les produits bleu et blanc. Après tout, comment un consommateur danois ou sud-africain peut-il savoir si l’avocat qu’il achète n’a pas été cultivé sur le sol palestinien? Ceux qui veulent acheter des produits illégaux devraient acheter des articles Bagel & Bagel, des toilettes faites par Lipsky, des cosmétiques fabriqués par Ahava, des champignons de Tekoa ou du vin de Psagot voire des Hauteurs du Golan. Ceux qui veulent consolider et renforcer l’entreprise de colonisation n’ont qu’à acheter ces produits et en profiter. Mais ceux qui veulent faire un petit geste de protestation contre cette entreprise inique sont invités à la boycotter et à s’abstenir d’en acheter les produits. Pour ma part, je continuerai à lire les petits caractères sur chaque produit. Les citoyens du monde ont aussi ce droit.
Ce droit ? Non, ce devoir.
palestine 09 PRISONNIERS PALESTINIENS
L’INTERNATIONALISATION DE LA QUESTION
des prisonniers palestiniens par Hocine Ouazraf
Des noms tels que Khader Adnan, Hana Shalabi et Mahmoud Sarsak ont permis à des milliers de détenus de «sortir» de l’ombre et, comme le souligne Ameer Makhloul : « il devient impossible que le système international continue d’esquiver ses responsabilités ou d’être de connivence avec le parti dominant pour usurper les droits d’une victime plus faible », rejoint sur ce point par Mohammad Barakeh, député à la Knesset, pour qui « il est insensé que la communauté internationale parle de la paix sans aborder la question des militants palestiniens qui croupissent dans les prisons israéliennes ».
LA QUESTION DU STATUT JURIDIQUE DES PRISONNIERS PALESTINIENS Devant le refus persistant des autorités israéliennes de reconnaitre aux prisonniers palestiniens le statut de prisonniers de guerre, le Comité pour l’exercice des droits inaliénables du peuple palestinien soutient que l’Assemblée générale des Nations Unies devrait soumettre à la Cour internationale de Justice une demande d’avis consultatif visant à clarifier le statut juridique des prisonniers palestiniens. Israël a toujours soutenu que les principes du droit international humanitaire ne s’appliquaient pas aux Territoires palestiniens – en particulier la IVe Convention de Genève « relative à la protection des personnes civiles en temps de guerre », adoptée le 12 août 1949 – arguant du fait que la Palestine ne serait pas un État. Or, cette position ne résiste pas à l’analyse des articles portant sur le champ d’application des principes consacrés dans la IVe Convention. En effet, l’article 4 de ladite Convention fait des Palestiniens des bénéficiaires de la protection consacrée par ce texte conventionnel. Il dispose que : « Sont protégées par la Convention les personnes qui, à un moment quelconque et de quelque manière que ce soit, se trouvent, en cas de conflit ou d’occupation, au pouvoir d’une partie au conflit ou d’une puissance occupante dont elles ne sont pas ressortissantes ». Ce qui
Ces derniers mois, le mouvement des grévistes de la faim palestiniens dans les geôles israéliennes a enfin permis d’attirer l’attention de l’opinion publique internationale sur leur situation. D’aucuns parlent aujourd’hui d’une « internationalisation » de la question.
fait dire à John Dugard, ancien Rapporteur spécial des Nations Unies sur la situation des droits de l’Homme dans les Territoires palestiniens depuis 1967 « qu’Israël ne reconnaît pas ceux qui se livrent à des actes de résistance ni comme combattants, ni comme protestataires car leur conférer le statut de prisonniers politiques reviendrait à donner de la légitimité à la cause qui les motive. Ils sont donc désignés comme criminels de droit commun ou détenus pour des raisons de sécurité ou, plus souvent, comme « terroristes ». Israël n’est pas disposé à autoriser que les prisonniers politiques qui répondent à la définition du combattant soient considérés comme des prisonniers de guerre car conférer ce statut reviendrait à admettre qu’il existe un conflit entre l’État d’Israël et un peuple qui exerce son droit à disposer de luimême et à la création d’un État ».
PORTER LA QUESTION DEVANT LES INSTANCES ONUSIENNES Les conditions de détention des prisonniers palestiniens, en particulier des mineurs, et les privations imposées à ces derniers ont amené la Ligue arabe, l’Autorité palestinienne et Khaled Mechaal, le leader du Hamas, à appeler à la tenue d’une réunion d’urgence de l’Assemblée générale des Nations Unies sur ce dossier. Dans un rapport datant de juillet 2012, Richard Falk, Rapporteur spécial sur la situation des droits de l’Homme, invite le Conseil des droits de l’Homme des Nations Unies à mettre sur pied une commission d’enquête sur les conditions de détention des prisonniers palestiniens dans les prisons israéliennes, à l’instar de celle créée par le Conseil des droits de l’Homme des Nations Unies en vue d’enquêter sur les colonies de peuplement israéliennes. Par ailleurs, s’agissant des détenus mineurs, Richard Falk s’inquiète du recours de plus en plus fréquent à leur isolement cellulaire par les autorités carcérales israéliennes comme méthode de pression.
palestine 10 L’ÉTÉ EN PRISON
L’ÉTÉ
en prison par Julien Masri
L’été, pas de répit pour les Palestiniens. L’occupant ne part jamais en vacances ; chaque semaine apporte son lot d’agressions, d’incarcérations, de destructions. Malgré la libération négociée d’un millier de prisonniers politiques palestiniens contre celle d’un soldat israélien l’an dernier, la politique constante d’arrestations de civils palestiniens n’a pas cessé, loin de là.
« Sherut Batei Sohar » [SBS] : service de gestion des prisons
Le 6 mai dernier, alors qu’il rentrait vers 2 h du matin chez lui dans le camp de réfugiés de Aida, près de Bethléem, Mohammed Al Azzeh, que tout le monde surnomme Musa, croise une patrouille israélienne qui l’arrête aussitôt. Incarcéré au centre de détention militaire d’Ofer, il est accusé par les soldats de la patrouille de leur avoir jeté des pierres, accusation démentie par les caméras de vidéosurveillance du Lajee Center. Musa anime l’unité médias dans ce centre qui propose des activités culturelles à la jeunesse du camp de réfugiés. C’est là qu’il a réalisé plusieurs courts-métrages illustrant, au travers de témoignages concrets, le quotidien sous occupation israélienne. Il a été libéré le 13 mai suivant.
Le 6 juin, un peu après trois heures du matin, l’armée israélienne investit le domicile de Nabil Al-Raee. Son épouse, Micaela Miranda témoigne : « J’ai vu des soldats qui sautaient par-dessus la barrière et entraient dans le jardin de la maison. Ils ont demandé mon mari et je leur ai demandé pourquoi; c’est mon droit de savoir et c’est chez moi. Les soldats ont répondu qu’ils n’allaient pas me le dire. Puis ils ont pris Nabil, l’ont mis dans une jeep de l’armée, ont démarré et sont partis. Nous sommes très inquiets parce que nous ne savons ni où ni pourquoi ils l’ont emmené». Il a été conduit au centre d’interrogatoire de Jalameh, en Israël et ce, en violation du droit international qui interdit l’incarcération d’un résident d’un territoire occupé en dehors de celui-ci.
Ces faits traduisent une volonté délibérée de destruction du tissu social palestinien. LE THÉÂTRE DE LA LIBERTÉ Nabil est le directeur artistique du Freedom Theatre, un théâtre fondé à la mémoire d’Arna Mer et de son travail auprès des enfants du camp de réfugiés de Jénine. L’un des co-fondateurs du théâtre, le fils d’Arna, Juliano Mer-Khamis, a été assassiné le 4 avril 2011 non loin de là. Bien que prise en charge conjointement par la police et par les renseignements israéliens, l’enquête n’a jamais abouti. En revanche, plus de la moitié des employés du théâtre, dont Nabil lui-même, ont été convoqués pour interrogatoire. Lors de descentes, des soldats ont brisé les fenêtres du théâtre et dégradé des équipements. Pour Jonatan Stanczak, directeur du théâtre, « ils savent qu’ils auraient pu simplement appeler au téléphone Nabil qui serait venu répondre à toutes leurs questions ou préoccupations. Cela s’est déjà produit tant de fois par le passé que je ne vois qu’une seule explication : un harcèlement continu exercé par l’armée israélienne sur les employés du Freedom Theatre et leurs familles. » Le 29 juillet, suite aux négociations avec le tribunal devant lequel il a été déféré, Nabil a dû plaider coupable pour des accusations fantaisistes d’achat de cigarettes et de promenades en voiture en 2010 avec Zakaria Zubeidi, l’un des co-fondateurs du théâtre, ainsi que d’avoir répondu à l’une de ses questions sur la présence de l’armée israélienne dans le camp de réfugiés. Or ce dernier, recherché par Israël pour ses activités politiques, avait bénéficié d’une amnistie en 2007. Nabil a donc été condamné pour avoir aidé quelqu’un qui était déjà amnistié ! Zakaria Zubeidi, quant à lui, a été arrêté le 13 mai par l’Autorité palestinienne et détenu à Jéricho, dans le cadre des suites de l’agression du gouverneur de Jenine, Kadura Mousa. Arrestations arbitraires et actes de vandalisme ciblent également d’autres organisations palestiniennes du territoire occupé qui travaillent, elles aussi, avec une jeunesse privée de tout espace de loisirs, d’exploration culturelle ou de liberté comme le Madaa creative center, à Silwan. Mais les autorités israéliennes ne visent pas uniquement le démantèlement de ces structures ; les enfants eux-mêmes font l’objet d’arrestations et d’incarcérations, au mépris non seulement de tout sentiment humain mais aussi de leurs droits fondamentaux. À Silwan précisément, les enfants, parfois très jeunes, sont la cible privilégiée des attaques de colons mais aussi des soldats israéliens. Le 10 juin, des agents israéliens camouflés ont kidnappé Mohammed Ashour, un enfant de 11 ans, originaire de Ras El Amoud. Lorsque sa famille a demandé les raisons de ce kidnapping, la police leur a répondu que l’enfant était détenu « pour enquête ». Le 28 juillet, Mohammed Zidani, 14 ans, est sommé de se présenter au centre d’interrogatoire de la prison Maskubiye. Il avait déjà été arrêté lors d’une descente de police au domicile familial, en compagnie de son frère aîné Amer, 17 ans, avant d’être relâché dans l’après-midi, son frère ne l’ayant été que quatre jours plus tard. Les arrestations d’enfants, dès l’âge de 10 ans, sont très fréquentes à Silwan et dans les quartiers environnants (Ras el Amoud, At Tur,...)
le plus souvent pour un interrogatoire de plusieurs heures, parfois pour une incarcération de quelques jours. Les enfants sont enlevés dans la rue par les forces spéciales ou arrêtés au domicile familial, créant ainsi un climat permanent d’insécurité totale.
BEIT OMMAR, RECORD D’ARRESTATIONS DE MINEURS Sont en première ligne aussi les enfants du village palestinien de Beit Ommar, près d’Hébron. En 2011, 370 mineurs d’âge de ce village ont été arrêtés, ce qui correspond approximativement à la moitié des arrestations de mineurs pour tout le territoire occupé. Mohammed Ahmed Abu Hashem avait 15 ans lorsqu’il a été arrêté en avril 2012 sans aucune charge contre lui. Un dispositif de 14 véhicules militaires et trois véhicules des services de renseignement débarquent en pleine nuit pour une fouille du domicile familial. La famille a l’habitude: le père de Mohammed ainsi que quatre de ses frères (dont un plus jeune que lui) ont déjà été arrêtés. Lui-même avait déjà été arrêté précédemment; sa famille a dû débourser 2 000 shekels pour le libérer après quatre mois d’incarcération. La nuit de son arrestation, deux autres mineurs, Tareq Jamal Khalil Abu Maria, 17 ans et Badran Jalal Badran Abu Ayash, 15 ans, ont aussi été arrêtés. De janvier à août 2012, 60 adolescents du village sont déjà passés par les prisons israéliennes, dont Hamouda Jamal Abu Hashim, 13 ans, Malik Jawad Za’aqiq, 15 ans, arrêtés le 11 juin et Jehad Halawe, 14 ans, arrêté le 10 juillet à trois heures du matin. Les forces d’occupation ou la police israélienne harcèlent de la même manière les jeunes mineurs de la vieille ville d’Hébron, des villages de Bil’in ou Ni’lin à l’ouest de Ramallah. Ces arrestations quasi quotidiennes créent un climat particulièrement pernicieux pour le développement de jeunes adolescents vivant déjà sous occupation. Les amendes que doivent payer leurs familles afin de les faire libérer représentent souvent une charge très lourde dans un contexte économique déjà difficile. Ces arrestations servent parfois à faire pression sur un membre de la famille qui se livre à des activités politiques ou culturelles qui déplaisent à l’occupant. Certains mineurs ont fait état de pressions afin de les faire travailler pour les renseignements israéliens. Loin d’être des cas isolés, des dérapages inévitables, ces faits traduisent une volonté délibérée de destruction du tissu social palestinien, politique qui se projette dans l’avenir puisqu’elle s’attaque aux jeunes générations palestiniennes. Ce n’est donc pas un hasard si, très souvent, les mineurs sont arrêtés sans qu’aucune charge ne pèse contre eux. Quant aux autres, les accusations sont invariablement les mêmes : jets de pierres contre les soldats, les colons, le Mur. C’est contre cette politique délibérée de destruction de l’enfance que des adultes ont lutté et luttent encore, malgré le harcèlement et les agressions de l’occupant, dans des centres et des organisations qui, d’Hébron à Jénine, en passant par Jérusalem, sont soutenus par des individus et des organisations du monde entier. Ce sont le Freedom theatre, le Madaa creative center, le Lagee center et beaucoup d’autres que chacun d’entre nous peut soutenir via leurs partenaires belges.
palestine 12 COLONISATION TOUS AZIMUTS Après un conflit de plusieurs semaines avec le Premier ministre israélien Netanyahou, trente familles de colons installées dans la colonie de Bet El, au nord de Ramallah, ont déclaré, le 20 juin 2012, avoir décidé de s’en aller. Une victoire des mouvements contre la colonisation? C’est malheureusement loin d’être le cas : en contrepartie, en effet, Netanyahou a promis de construire 300 unités de logement dans d’autres colonies de Cisjordanie, selon les termes de sa proposition faite le 6 juin 2012. Il en va ainsi en Cisjordanie occupée. Le mouvement de colonisation ne cesse de s’accélérer.
Colonisation
TOUS AZIMUTS
© Fredo Bahd
par Julien Masri
Pour la première fois depuis les années 90, de nouvelles colonies sont créées ex nihilo.
EXTENSIONS ET LÉGALISATIONS DE COLONIES VONT BON TRAIN… Si un quartier de la colonie de Bet El, construit sur un terrain palestinien privé, va probablement être bientôt évacué, de nombreuses autres colonies poursuivent leur extension. De la création d’un vaste complexe touristique colonial à Silwan à la construction de 130 unités de logement sur la colline de Gilo (annoncée en décembre 2011), en passant par la publication d’un appel d’offres pour plus de 800 unités de logement dans la colonie de Har Homa, entre Jérusalem et Bethléem, en avril 2012, le gouvernement israélien ne cesse de construire dans le territoire palestinien occupé. En échange du déplacement de caravanes installées par des colons sur une colline, le gouvernement israélien a légalisé l’avant-poste de Ramad-Gilad, au sud de Naplouse. Le 24 avril 2012, ce sont les colonies de Bruchin et Rechelim, toujours près de Naplouse, et celle de Sansana, dans l’extrême Sud de la Cisjordanie, qui ont été légalisées. Cette décision est apparue comme le résultat d’un marchandage suite à l’évacuation d’une maison palestinienne occupée par des colons à Hébron. Un changement de statut qui n’a aucune valeur au regard du droit international, celui-ci considérant toutes les colonies israéliennes comme illégales, indépendamment de la façon dont elles sont considérées par le gouvernement israélien. À chaque fois, ce qui est présenté comme une concession des colons sert en fait à dynamiser davantage encore l’emprise coloniale sur la Cisjordanie.
CRÉATION DE NOUVELLES COLONIES AU CŒUR DES QUARTIERS PALESTINIENS Mais il y a plus. Récemment, les extensions de colonies se sont doublées d’un phénomène nouveau depuis les années 90 : la création de nouveaux points de colonisation. Pour la première fois depuis les années 90, de nouvelles colonies sont créées ex nihilo. Le 2 avril 2012, le maire israélien de Jérusalem annonce la création de la colonie de Kidmat Zion dans le quartier palestinien d’Abou Dis. Le 18 avril, un bâtiment a été confisqué au profit de colons israéliens dans le quartier palestinien de Beit Hanina. Avec l’extension de la colonie de Shimon HaTsadik dans le quartier de Sheikh Jarrah, le plan des autorités israéliennes est clair : déstructurer les quartiers palestiniens de l’intérieur en y imposant la présence de colons.
AUTORITÉ DES PARCS NATIONAUX ET DROIT DE PROPRIÉTÉ D’AVANT 1948 À LA RESCOUSSE À Jérusalem encore, un autre aspect de l’entreprise coloniale est à l’œuvre. Des terrains non construits sont progressivement confiés par les autorités municipales à l’Autorité des parcs nationaux. Ce phénomène, qui ne touche que la partie orientale de la ville (situés majoritairement autour de la vieille ville et à Sheikh Jarrah, ces parcs nationaux forment une boucle qui coupe totalement la vieille ville des autres quartiers palestiniens), représente une menace puisqu’il bloque toute possibilité de développement urbain palestinien à Jérusalem-Est, qu’il interdit aux propriétaires palestiniens l’usage de leurs terres (tout en évitant leur expropriation), et qu’il les consacre au profit des citoyens israéliens, une minorité dans la partie orientale de la ville, qui jouit
pourtant de droits supérieurs à ceux de la majorité palestinienne. Loin de sa vocation première de préservation d’un espace, le parc naturel devient instrument de l’emprise coloniale d’Israël sur Jérusalem-Est et de l’exacerbation du conflit. À Beit Hanina comme dans d’autres colonies (à Hébron par exemple), les colons font valoir un droit de propriété datant d’avant 1948 : leur présence serait légitime puisque ces terrains ou ces maisons appartenaient à des Juifs avant la création d’Israël. Cet argument représente pourtant une menace pour l’un des piliers de la politique israélienne depuis le nettoyage ethnique de 1947-1948 : le refus catégorique du droit au retour des réfugiés palestiniens dans leurs propriétés. Cette contradiction est résolue dans les faits grâce à la discrimination pratiquée sur une base ethnico-religieuse, un système qu’on ne peut appeler autrement qu’apartheid.
RENDRE IMPOSSIBLE LA SOLUTION À DEUX ÉTATS Le but de la politique de colonisation du gouvernement israélien le plus à droite de l’histoire de ce pays est clair : annihiler toute possibilité de fonder un État palestinien entre le Jourdain et la Méditerranée et confiner autant que possible la population palestinienne dans des réserves. Le harcèlement des villageois et des Bédouins par les colons participe de cette politique de confinement. Dans la vallée du Jourdain, dans les villages autour de Naplouse ou dans la région d’Hébron, les villageois font face aux agressions régulières des colons israéliens : vol de matériel agricole ou d’animaux, incendies de cultures, de mosquées et de véhicules, passages à tabac, tirs d’armes à feu. La ceinture de colonies qui coupe Jérusalem du reste de la Cisjordanie ne cesse de s’élargir, comme à Har Homa ou à Gilo. Dans la ville qui doit devenir, en cas d’accord de paix sur la base de deux États, la capitale palestinienne, avait été posé au cours des dernières négociations le principe de laisser les colonies sous souveraineté israélienne, les quartiers palestiniens devant être remis aux Palestiniens. Même cette option, pourtant contraire au droit international (selon lequel Israël ne dispose d’aucun droit sur le territoire palestinien occupé et qui ne reconnaît pas l’annexion de la partie orientale de la ville) est combattue avec virulence par le gouvernement de Netanyahou. Car en plus de créer de nouveaux points de frictions dans des quartiers tranquilles, le développement de ces nouvelles colonies, plantées au cœur des quartiers palestiniens, rendrait impossible l’application de ce principe minimal à Jérusalem. Alors que les démêlés des USA et des Européens avec l’Iran ou la Syrie occupent le devant de la scène médiatique, le gouvernement israélien appuie sérieusement sur l’accélérateur de la colonisation : régulièrement, des déclarations relatives à la construction de centaines d’unités de logement ou à la création de nouveaux points de colonisation, surtout autour et dans Jérusalem, montrent la volonté manifeste d’un gouvernement de colons d’imposer comme priorité nationale non la paix avec les Palestiniens mais l’anéantissement délibéré de tout terrain d’entente avec eux.
palestine 14 VALLÉE DU JOURDAIN
Ce mois de juillet, Oxfam International a rendu public un nouveau rapport intitulé « Au bord du gouffre. Les colonies israéliennes et leur impact sur les Palestiniens dans la vallée du Jourdain ». Si l’ONG analyse de manière approfondie la situation de la région, c’est que la situation des Palestiniens y est catastrophique et ne fait qu’empirer de jour en jour. Récemment, un rapport des chefs de missions de l’UE à Jérusalem avait déjà attiré l’attention sur le délaissement des territoires de la Zone C. Le rapport d’Oxfam ne fait qu’en confirmer les conclusions tout en mettant le focus en particulier sur la vallée du Jourdain.
SITUATION D’URGENCE
dans la vallée
du Jourdain par Nathalie Janne d’Othée
UNE POPULATION SOUS PRESSION La vallée du Jourdain a été occupée par Israël en 1967. Auparavant, elle comptait quelque 300 000 habitants. Aujourd’hui, elle n’en compte plus que 53 000 (Rapport Maan Development Center, To exist is to resist. Save the Jordan Valley, 2010). La population est constamment mise sous pression ; elle voit son accès à la terre et à l’eau se réduire jour après jour. Or, composée essentiellement d’agriculteurs et d’éleveurs, ces restrictions sont pour elle d’autant plus désastreuses. Le rapport d’Oxfam fait état du fait que quelque 86 % des terres de la vallée du Jourdain tombent sous la juridiction des conseils régionaux des colonies. Si l’on y ajoute l’impact d’autres types de restrictions frappant les Palestiniens, ceux-ci ne peuvent plus exploiter sans entraves que seulement 6% des terres de la vallée.
de nouvelles infrastructures palestiniennes. Ces dernières années, 94 % des demandes de permis de construire introduites ont été rejetées. Cela ne laisse d’autre choix aux Palestiniens que de construire sans permis. Et, comme le relève Oxfam, les Israéliens procèdent à la destruction de toute infrastructure, même « vitale », dont ils découvrent qu’elle a été édifiée sans permis. En outre, Israël impose des restrictions à la circulation des populations de la vallée du Jourdain. Toujours selon Oxfam, la région est particulièrement isolée du fait des nombreux check-points, en plus des zones militaires, des réserves naturelles, des barrages routiers, des tranchées et des murs de terre, imposés aux Palestiniens.
… ET RÉDUITE À LA PROLÉTARISATION FORCÉE En ce qui concerne l’accès à l’eau, l’accord intérimaire d’Oslo allouait une part quatre fois plus grande de l’aquifère montagneux aux Israéliens. Ce déséquilibre permit le développement de l’agriculture israélienne tandis que celui de l’agriculture palestinienne en fut d’autant freiné. Selon l’ONG israélienne B’tselem, 69 % de l’eau en provenance de Cisjordanie commercialisée par la compagnie israélienne des eaux, Mekorot, est extraite de puits israéliens forés dans la vallée du Jourdain. Souvent construits en amont des sources palestiniennes, ces puits ont pour conséquence de les tarir. Ne bénéficiant pas de l’accès à l’eau courante – même si les tuyaux des réseaux de fourniture des colonies traversent leurs terres – les paysans palestiniens de la vallée sont obligés, pour approvisionner leurs citernes, d’acheter de l’eau à la compagnie, à un prix parfois cinq fois plus élevé que celui de l’eau du réseau. Située à 90 % en Zone C, la vallée du Jourdain est donc en grande partie sous administration civile et militaire complète des Israéliens. Abusant de son pouvoir, Israël restreint drastiquement la construction
Face aux petites exploitations familiales palestiniennes, les colonies de la vallée du Jourdain pratiquent une agriculture intensive qui bénéficie de subventions du gouvernement israélien ainsi que d’un accès facilité aux marchés nationaux et internationaux. Le gouvernement israélien a mis en place un réseau routier séparé permettant aux colons de rejoindre aisément Israël. Le rapport d’Oxfam relève en outre que les colons bénéficient d’un accès gratuit aux ports et aux aéroports israéliens. Limités dans leur accès à la terre, à l’eau et aux marchés, de nombreux Palestiniens n’ont plus de moyens de subsistance. Ils sont alors obligés de quitter leur famille et leur exploitation pour chercher de l’emploi ailleurs en Cisjordanie ou de travailler comme main-d’œuvre dans les colonies. Parfois, ils se retrouvent à travailler la terre même qu’on leur a confisquée. De plus, leurs conditions de travail dans les colonies sont déplorables, bien en dessous du minimum requis en Israël. L’Autorité palestinienne a appelé les Palestiniens à éviter de travailler dans les colonies mais n’a, selon Oxfam, trouvé aucune autre alternative à proposer.
UTILISATION DES TERRES > Seuls 6 % de la surface de la vallée du Jourdain peuvent être développés par des Palestiniens. Les colons israéliens ne représentent que 13% de la population – vivant dans des colonies en violation du droit. Source : Oxfam
LA PROBLÉMATIQUE DES TERRITOIRES DE LA ZONE C
13 %
Les problèmes de la vallée du Jourdain sont caractéristiques des territoires de la Zone C en général. Selon les accords d’Oslo, l’autonomie de la Zone C était prévue pour 1999, date prévue pour la conclusion de l’accord final. La Cisjordanie devait passer progressivement sous le contrôle de l’Autorité palestinienne. Mais les développements politiques ont paralysé la dynamique d’Oslo et laissé les choses en l’état, avec tout pouvoir aux Israéliens sur les territoires de la Zone C, soit 60 % des territoires palestiniens. Le rapport des chefs de mission de l’UE à Jérusalem fin 2011 soulignait déjà l’importance de cette zone pour la viabilité du futur État palestinien. Riche en ressources aquifères et en terres arables, et peu peuplée, cette zone est en effet essentielle pour le développement économique et démographique de la Palestine. C’est pour les mêmes raisons qu’Israël a entrepris de coloniser intensivement cette zone, l’objectif central de l’occupation étant d’accaparer le maximum de terres avec le minimum de Palestiniens. Outre les effets de la mainmise d’Israël, le rapport des chefs de mission de l’UE à Jérusalem dénonçait un manque cruel d’investissement de l’Autorité palestinienne mais aussi des donateurs internationaux dans la Zone C. Le rapport encourageait ces acteurs à s’impliquer davantage dans la Zone C, répondant ainsi à l’objectif final d’Oslo. L’invitation semble avoir été entendue par l’Autorité palestinienne qui met en place des programmes de développement dans certains villages. L’UE a laissé entendre qu’elle soutiendrait ces initiatives. Amira Hass, dans un article, met en lumière ce qu’elle analyse comme une « Intifada de zone » et se demande jusqu’où l’AP et l’UE seront prêtes à aller face à Israël (A zoning Intifada, Haaretz, 13 août 2012). Pour Israël, se retirer de la vallée du Jourdain ne semble en effet pas à l’ordre du jour. Au contraire, le rapport d’Oxfam montre qu’en mai 2011, l’État israélien a entrepris de gonfler le volume de terres arables et d’eau disponible pour les colons afin d’augmenter la population israélienne dans la région. Les colonies de la vallée du Jourdain ont ceci de particulier qu’elles exploitent les terres non à des fins de peuplement mais dans un but de rentabilité agricole. Le gouvernement israélien vise donc désormais à consolider sa présence dans la région en en favorisant le peuplement. Un autre fait marquant souligné par le rapport d’Oxfam est que 64% des Israéliens ignorent que la vallée du Jourdain fait partie des territoires palestiniens occupés et non d’Israël. Sachant que, pour relier Jéricho à Jérusalem, il faut à peine une demiheure par la route des colons, des incitations à s’y installer peuvent rapidement faire mouche auprès de la population israélienne.
L’IMPLICATION DE L’UE Les derniers développements mettant en avant un investissement de l’Autorité palestinienne dans les territoires de la Zone C sont encourageants. Un bras de fer va plus que probablement s’engager làdessus entre Israël et l’Autorité palestinienne. Le soutien de l’UE sera dès lors essentiel. Au-delà des déclarations vides, l’UE et ses États membres doivent non seulement exercer de réelles pressions sur l’État d’Israël afin qu’il stoppe l’expansion de ses colonies en Cisjordanie, mais aussi soutenir et promouvoir le développement de la population et des infrastructures palestiniennes dans la Zone C. Sinon, il est peu probable que les choses évoluent positivement.
87 %
palestine 16 BRÈVES Honenu s’occupe de la défense en justice d’activistes de l’extrême droite radicale qui ont maille à partir avec la justice et aide leurs familles. À titre d’exemple, elle a défendu Jack Tytell, un colon extrémiste qui a tué de sang-froid deux Palestiniens et a posé des bombes, notamment contre l’historien Ze’ev Sternhell. Honenu a aussi aidé financièrement la famille de l’assassin de Rabin, Yigal Amir. L’organisation porte systématiquement secours à tous les colons qui s’en prennent aux Palestiniens et à leurs biens. C’est elle aussi qui a permis la libération des rabbins de Yitzhar qui ont déclaré licite le fait de tuer les bébés et les enfants des « ennemis d’Israël car il est clair qu’ils nous porteront préjudice lorsqu’ils auront grandi ». Son président, un colon de la colonie de Kyriat Arba, s’oppose au système judiciaire car, déclaret-il, les institutions israéliennes persécutent les Juifs vu le lobby « d’organisations antisémites financées à l’extérieur, principalement en Europe. »
« PORTRAIT D’UNE ORGANISATION »
HONENU
Quant à son représentant auprès des prisonniers, un colon de la colonie de Yitzhar, il est considéré par le Shin Bet lui- même comme un danger pour la sécurité de l’État. Placé en détention administrative –ce qui est exceptionnel pour un Juif –, il lui a été à plusieurs reprises interdit de se déplacer et même d’entrer en Cisjordanie.
par Marianne Blume – Fondation > 2001 – Statut > ONG d’éducation et de défense légale – Sponsor principal > Central Fund of Israel, une ONG américaine pro-colons – But annoncé 1. fournir une assistance économique et légale « aux Juifs en détresse et/ou détenus et/ou arrêtés et/ou incarcérés et/ou faits prisonniers vu la situation sécuritaire et/ou leur intention de travailler au bien d’Israël ». 2. Assistance, aide sociale et économique, réhabilitation spirituelle et psychologique des prisonniers et de leurs familles. – Fondateur et président > Schmuel Medad – Représentant auprès des prisonniers > Ariel Gruner
Malgré cela, Honenu est exemptée d’impôts, un privilège dont jouissent seulement 3 800 ONG sur les 15 000 ONG israéliennes.
TOURISME EN ISRAËL : STAGES DE TIR SUR CIBLES TERRORISTES par Christiane Schomblond Depuis 2007, des centaines de touristes, surtout des Juifs américains, reçoivent chaque été une brève initiation théorique au maniement des armes à feu, suivie d’une séance de tirs encadrée par des instructeurs du camp d’entraînement Caliber 3. Ce camp de tir est situé en Cisjordanie, près de la colonie d’Efrat, dans le bloc des colonies de Gush Etzion qui s’étendent au sud de Jérusalem jusqu’aux faubourgs nord de Hébron. Le calme relatif qui prévaut en Cisjordanie ces dernières années a permis à ces stages privés de devenir une des principales attractions touristiques de la région. D’ailleurs, des familles entières, femmes et enfants compris, y participent. Le Conseil régional du Gush Etzion soutient Caliber 3 en reprenant ses coordonnées dans ses brochures touristiques. Tel que décrit sur son site internet, le programme que Caliber 3 offre aux touristes « allie les valeurs du sionisme à l’excitation et au plaisir de tirer »: les touristes pratiquent le tir sur des cibles en carton dites «terroristes». « L’essentiel ici n’est pas de tirer sur des cibles mais d’apprendre comment nous luttons au quotidien pour protéger l’État juif », explique cet ancien soldat. Le contact avec de vrais soldats de la lutte antiterroriste confère un label d’authenticité à tout le programme. Le guide du camp, qui fait la démonstration de la meilleure façon de capturer un assaillant et présente une grande variété de fusils et de ceintures d’explosifs, aurait fait partie du commando de l’opération d’Entebbe en 1976. Effet garanti sur l’auditoire !
palestine 17 RACISME
RACISME ORDINAIRE ET IDÉOLOGIE SIONISTE
“ La chasse aux nègres est ouverte“
Le racisme, la xénophobie ou le traitement inhumain des réfugiés ne sont pas des phénomènes propres à Israël. Loin de là. Cependant, en Israël, le racisme a ses justifications idéologiques propres.
par Marianne Blume
POGROM À TEL AVIV Le 23 mai, organisée par le Likoud dans un quartier défavorisé du sud de Tel Aviv, une manifestation anti-demandeurs d’asile africains dégénère en pogrom (ce sont notamment les mots de Yair Lapid, ancien journaliste vedette et fondateur d’un nouveau parti centriste). Aux cris de « Nous voulons l’expulsion des Soudanais » ou « Infiltrés, sortez de notre pays », la foule s’en est prise violemment à tout Africain qui passait par-là; elle a attaqué des conducteurs et a vandalisé des magasins appartenant à des Africains. Ces démonstrations de racisme ne sont pas nouvelles : jets de cocktails Molotov, incendies volontaires, insultes et attaques physiques, refus de louer sont et restent le quotidien des quelque 60 000 demandeurs d’asile que compte Israël (34 000 viennent d’Erythrée, 16 000 du Soudan et 2 000 du Sud-Soudan).
LES RESPONSABLES POLITIQUES ALIMENTENT LE FEU Les demandeurs d’asile trouvent surtout refuge dans les quartiers pauvres de Tel Aviv ou d’Eilat. Dans ces quartiers, vivent une majorité de Juifs issus des pays arabes, eux-mêmes soumis au « racisme inter-juif » (Askhenazes/Sépharades). Aussi ceux-ci sont-ils la proie facile de la droite et de l’extrême droite, comme partout ailleurs. Le discours des responsables politiques est édifiant. Pour Miri Regev, Likoud, ex-porte-parole de l’armée, les Soudanais sont « un cancer dans notre corps ». Ronit Tirosh, membre de Kadima, affirme, quant à lui, que tous les « infiltrés africains » doivent être déportés. Danny Danon (Likoud), lui, parle ouvertement d’expulsion des « infiltrés » car « Ils ont établi un État ennemi avec Tel Aviv pour capitale ». Mofaz n’est pas en reste ; pour lui, les migrants ne sont pas des réfugiés : « Ils viennent illégalement pour travailler et font du tort à Israël. » At least but not last, le ministre de l’Intérieur en charge de l’immigration, Eli Yishaï (président du Shass) demande l’expulsion de tous les « infiltrés » et proclame qu’Israël, qui est un État juif, ne peut se suicider au nom de la démocratie ou des résolutions de l’ONU. Ce n’est pas la première fois que Yishai exprime en public des sentiments racistes à l’encontre des Africains. D’après lui, ceux-ci devraient s’abstenir d’avoir des enfants et sinon devraient être renvoyés dans leur pays. Il joue aussi sur les peurs : la plupart des réfugiés africains en Israël
se livreraient à des actes criminels dont des viols, insinuant que beaucoup de femmes violées n’osent pas porter plainte parce qu’elles auraient contracté le Sida… Et pour la bonne (?) bouche, le Premier ministre Benyamin Netanyahou lui-même a déclaré qu’il devait choisir « entre humanitarisme et sionisme ». Et dès lors, il se prononce pour l’expulsion mais « de façon humaine et juive ». Bien sûr.
LES « INFILTRÉS » : RETOUR DES VIEUX DÉMONS D’ISRAËL Le terme « infiltré » remonte à la guerre de 47-49. Interdisant le retour de tous les Palestiniens chassés de leur terre, Israël a désigné ainsi principalement ceux d’entre eux qui tentaient de revenir chez eux. La Loi pour la prévention de l’infiltration (1954) permet ainsi l’emprisonnement et l’expulsion des « infiltrés » qui, dans le meilleur des cas, sont déférés devant un tribunal militaire (!). Appliquer aujourd’hui ce terme aux réfugiés, aux clandestins arrivés en Israël met en évidence le lien entre le racisme anti-africain et l’idéologie de l’État d’Israël. Ce que les déclarations de Netanyahou et Eli Yishaï confirment pleinement. Avant même la manifestation, Netanyahou avait déclaré : « Le phénomène de l’infiltration illégale à partir de l’Afrique est extrêmement grave et menace les fondements de la société israélienne, la sécurité nationale et l’identité nationale ». Et que sont les fondements de la société israélienne et de l’identité nationale si ce n’est la prétention à être un État juif pour les seuls Juifs ? Le rejet du non-juif est une composante essentielle d’Israël : il n’y a qu’à observer le sort réservé aux Palestiniens citoyens israéliens, dont les Bédouins. Ou encore celui réservé à la main-d’œuvre étrangère appelée par Israël. Quant à Elie Yishaï, il explique que les opérations de ratissages pour attraper les illégaux ne sont pas à proprement parler menées contre les « infiltrés » mais destinées à « préserver la nature juive et sioniste de l’État d’Israël ».
CONCLUSION Qu’on le veuille ou non, l’État d’Israël est un État raciste. Non parce qu’il y a des racistes notoires en son sein, non parce que des partis racistes y participent au gouvernement mais parce que le racisme est le corollaire de sa définition sioniste d’État juif pour les seuls Juifs.
palestine 18 LIVRES/FILM UN ÉTAT COMMUN
livres
ENTRE LE JOURDAIN ET LA MER Éric Hazan et Eyal Sivan, La Fabrique, 2012 / « État commun. Conversation potentielle », film réalisé par Eyal Sivan
PALESTINE IN ISRAELI SCHOOL BOOKS : IDEOLOGY AND PROPAGANDA IN EDUCATION Nurit Peled-Elhanan, I.B. Tauris, 2012, 268 pages
On n’y parle pas de « Palestiniens » sauf pour évoquer les menaces (démographique et sécuritaire) qu’ils représentent. On les appelle « les Arabes » ; ce sont des êtres vils, criminels, incapables de progrès. « Les seules représentations sont celles de réfugié, paysan primitif et terroriste. Pas de Palestinien médecin, enseignant, ingénieur ou exploitant agricole moderne».
Nurit Peled-Elhanan est professeure de langue et de pédagogie à l’Université hébraïque de Jérusalem. Elle est membre d’une association qui réunit des familles israéliennes et palestiniennes endeuillées par le conflit : en 1997, sa fille de 13 ans a été tuée lors d’un attentat suicide palestinien. Lauréate du Prix Sakharov 2001, elle est membre fondatrice du Tribunal Russell sur la Palestine. Nurit Peled-Elhanan a examiné les principaux livres scolaires israéliens d’histoire, de géographie et d’éducation civique – tous autorisés par le ministère de l’Éducation – pour y découvrir les figures de représentation des Palestiniens. Son analyse fine et extrêmement fouillée fait l’objet du livre ; sa conclusion est que les manuels scolaires incitent à la haine et préparent les jeunes Israéliens, à la veille de leur service militaire obligatoire, à devenir violents envers les Palestiniens, cruels et indifférents à leur souffrance.
Une place particulière est faite à la narration des événements historiques de 1948. Le meurtre de Palestiniens est présenté comme nécessaire à la survie de l’État juif. Il faut en voir le côté positif, à long terme : ainsi, le massacre de Deir Yassin a provoqué une fuite massive d’Arabes d’Israël mais c’est ce qui a permis l’installation d’un État juif, avec une majorité juive. Les manuels tentent de pérenniser la domination d’Israël sur la Cisjordanie. Les cartes géographiques « oublient » les frontières entre Israël et les Territoires palestiniens occupés ; la Cisjordanie y porte les noms bibliques de Judée et Samarie. Une carte de Jérusalem, titrée « la capitale historique du peuple juif » ne reprend aucun site palestinien. D’autres cartes omettent des villes arabes clés comme Nazareth ou des villes mixtes arabes et juives comme Acre-Akka-Akko. Les manuels scolaires avancent enfin nombre d’arguments pour justifier l’état de citoyens de seconde zone des Arabes israéliens (1/5 de la population). C. S.
« Un État commun entre le Jourdain et la mer » : ce livre court (60 pages) est un essai engagé pour « en finir avec l’idée de la partition [de la Palestine-Israël] et la remplacer par celle du partage de ce pays ». Les auteurs y défendent la théorie que l’option à deux États n’est pas une solution réaliste mais un discours qui vise en fait à maintenir le statu quo. Celui-ci profiterait non seulement aux dirigeants israéliens et occidentaux, mais aussi à l’Autorité palestinienne et aux dirigeants des États arabes. Hazan et Sivan prônent l’idée que la naissance d’un véritable État palestinien n’est pas réalisable et qu’à long terme, un État juif viable n’est pas envisageable non plus. Pour eux, l’État commun, dont ils rappellent qu’il s’agit d’ailleurs d’un projet très ancien, est « la seule solution réaliste et réalisable car elle correspond à la situation actuelle dans le pays ». Le lecteur ne sera peut-être pas entièrement convaincu par le raisonnement des auteurs. Mais leur argumentation est solide et étayée par de nombreux faits. Ce qui fait de ce petit livre un outil de réflexion précieux pour tous ceux qui sont attachés à la cause d’une paix juste entre Palestiniens et Israéliens. Un document filmé (DVD) de plus de deux heures, réalisé par Eyal Sivan, est joint à ce livre. Il réunit, en les croisant, les réflexions sur ce projet d’État commun. de femmes et d’hommes palestiniens et israéliens engagés. Ces réflexions nous incitent à approfondir encore notre questionnement sur l’avenir de la Palestine-Israël. M.S.
VIVRE SOUS OCCUPATION QUOTIDIENS PALESTINIENS Véronique Bontemps-Aude Signoles, Ginkgo éditeur, 2012, 125 pages (Collection de près, de loin)
film LE FILS DE L’AUTRE Réalisé par Lorraine Levy, 2012
APPEL
à volontariat Aborder le conflit israélo-palestinien sous un angle inédit, voilà le défi auquel se sont livrées Véronique Bontemps et Aude Signoles, respectivement anthropologue vivant entre Palestine et Jordanie et politologue spécialiste de la question israélo-palestinienne, enseignante-chercheuse à l’université de Galatasaray en Turquie. L’approche retenue, en ce qu’elle articule une réflexion sur les vécus des Palestiniens sous occupation, permet en quelque sorte de dépasser les limites de la littérature existante sur le conflit israélo-palestinien. En effet, pour les deux auteures, il ne s’agit pas ici de discuter des tenants et aboutissants de ce conflit dans sa dimension géopolitique internationale, mais d’envisager un questionnement, à la fois plus large et plus circonstancié, sur les effets de cette guerre sur le quotidien des Palestiniens. Au travers de plusieurs portraits (un ingénieur, un chauffeur, un conseiller municipal,…), Aude Signoles et Véronique Bontemps analysent les conséquences néfastes de l’occupation sur la mobilité des Palestiniens et leur économie. Le tout agrémenté de textes retraçant l’évolution du contexte politique palestinien, apportant ainsi au lecteur l’éclairage nécessaire à la compréhension des entretiens personnels proposés au travers des portraits. Le livre offre aussi plusieurs encadrés définissant de manière didactique les termes (Intifada, Mur de séparation, check-points, routes de contournement,…) relatifs au conflit israélo-palestinien. H.O.
Joseph a 18 ans et vit à Tel Aviv. Il doit faire son service militaire. Les examens médicaux qu’il doit subir dans ce but révèlent un groupe sanguin différent de celui de ses parents. L’énigme est rapidement résolue : il y a eu un échange de bébés à la naissance. Orit, la mère de Joseph, est partie avec l’enfant de Leila. Leila, elle, a élevé Yacine, l’enfant d’Orit. La révélation de la judaïté de Yacine changera-t-elle ses relations avec son entourage ? De son côté, Joseph se retrouve dans un vide identitaire : non juif, il est rejeté par sa communauté mais ne se sent pas Arabe pour autant. Joseph et Yacine semblent chacun avancer à tâtons dans une trame digne d’une tragédie grecque, à la recherche de leur identité. Mais au-delà des enfants échangés euxmêmes, les familles doivent également tisser de nouveaux liens, trouver chacune un nouveau modus vivendi. Le drame prend d’autant plus de profondeur dans le contexte du conflit israélo-palestinien et pose également des questions sur les stigmatisations respectives et réciproques des deux communautés. On peut se réjouir du fait que, contrairement à certains films qui abordent le conflit, Lorraine Levy fait évoluer ses personnages dans un décor où la réalité de l’occupation n’est pas occultée, même si elle n’est pas spécifiquement exposée pour elle-même. Ce film permet en outre au public de découvrir un nouveau talent du cinéma belge en la personne de Mehdi Dehbi. N.J.O.
Vous désirez aider des étudiants palestiniens ? Vous comprenez et parlez un peu l’anglais ? Vous avez une expérience en gestion financière ? Vous vous débrouillez en informatique (Word, mail) ? Vous avez un peu de temps ? Si vous répondez oui à l’une ou plusieurs de ces questions, l’asbl HOPE vous fait signe ! Ayant pour mission d’octroyer des bourses de parrainage à des étudiant(e)s palestinien(ne)s en difficulté financière, Hope leur permet de poursuivre avec succès leurs études universitaires. En cinq années d’existence, HOPE a ainsi fourni 130 subventions semestrielles, et aide actuellement 24 étudiant(e)s dans les Universités Al Quds à Jérusalem-Est et AAUJ à Jénine. Si vous impliquer dans HOPE vous intéresse, contactez avant le 15 octobre : A. RIHOUX hope.espoir.hoop@gmail.com 081 81 33 40 ou F. JADOUL franjadoul@gmail.com 0497 45 41 85 Merci
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