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Finalités et approche
• Objectifs de l’étude
Rappelons d’abord que nous nous sommes fixés, comme équipe de recherche, en concertation avec nos partenaires, deux objectifs primordiaux à atteindre à travers cette étude principalement qualitative :
• Contribuer à prioriser les politiques publiques en lien avec les ICC au Maroc
• Fournir aux acteurs institutionnels une feuille de route utile pour effectuer des arbitrages en lien avec la coopération internationale dans ce domaine
Par souci d’efficacité, cette étude s’appuie bien évidemment sur les rapports et bilans récents2 qui ont largement couvert l’état des lieux des carences, manques à combler. Du coup, le propos ici n’est pas tant de détailler ces constats, disponibles et accessibles par ailleurs. Ceci n’est donc ni un diagnostic exhaustif ni une cartographie quantitative des filières et marchés des ICC au Maroc, même si plusieurs éléments pertinents ayant trait à ces aspects y sont pris en compte.
L’étude a ainsi impliqué un triple travail, complémentaire, attentif d’abord à un corpus normatif, constitué de rapports, projets et autres termes de référence établis au niveau national et international. Cela a nécessité ensuite une série d’entretiens approfondis et de focus groupes, thématiques, régionaux et transversaux pour saisir au mieux le gap entre les normes et les pratiques et surtout identifier les solutions envisageables. Afin de produire une analyse la plus globale possible, nous avons adopté une approche itérative visant à tenir compte des points de vue des artistescréateurs, des entrepreneurs et des opérateurs la société civile, mais également des institutionnels (central et collectivités) et de certains bailleurs de fonds internationaux actifs dans l’accompagnement des artistes et des structures culturelles au Maroc et dans la région. Enfin, ce travail s’appuie sur le savoir et l’expertise accumulés par les auteurs de ce rapport, que ce soit en termes de recherche ou de pratique en lien avec les ICC.
2. CESE, Economie de la Culture (2016), CESE, Media (2018) MedCulture - Morocco Country Report (2018) Le compte rendu des Assises de la Fédération des Industries Culturelles et Créatives (2019) Les rapports des États Généraux de la Culture au Maroc (2014 et 2016) notamment, “Les politiques culturelles en régions” (2018)
Il est d’abord important pour nous de déterminer à quel stade se trouvent les ICC au Maroc, pour veiller en même temps à ce que toute initiative prise permette de les développer au rythme approprié. Pour ce, le cadre d’analyse adopté pour contextualiser le concept mais aussi les filières étudiées s’inspire du schéma adopté par le théoricien britannique John Hartley, selon lequel l’économie créative a évolué d’une phase linéaire, simple, où le point de départ était l’art, le talent individuel et la subvention comme unique mode de financement, à une phase plus complexe, systémique, basée sur la co-production et les réseaux numériques et physiques.
Évolution de l’économie créative d’après John Hartley (2008)
Phases
Modernité
Industrialisation
Industries créatives 1(1995-2005)
Industries créatives 2 (aujourd’hui)
Industries créatives 3(émergent) Forme Valeur ajoutée Politiques
Art Talent individuel Subventions
Distribution Media Industries culturelles Économies d’échelle Concurrence
Industrie Propriété intellectuelle
De l’industrie au marché Propriété intellectuelle Économie de la connaissance Services créatifs
Clusters Quartiers culturels
Co-production Social-network market Consom-acteur Réseaux sociaux et numériques Numérique Capital humain
Source : Liefooghe Christine. Économie créative et développement des territoires Innovations n° 31, 2010.
Ce cadre, soucieux des paliers de développement des ICC, selon le contexte, nous a permis d’analyser avec justesse les filières, de calibrer le poids des acteurs et d’apprécier la nature des “catalyseurs-intermédiaires”, susceptibles d’aider les acteurs à mieux s’intégrer sur le circuit international. Car ces “big players” ont un impact considérable sur la structure des marchés et sur les dynamiques concurrentielles en présence. Aussi, au-delà des impacts économiques, cela nous permettra de rester attentifs aux effets d’uniformisation de l’offre culturelle, et ainsi veiller aux critères fortement favorisés aussi bien par la CNUCED et l’UNESCO dans leurs études sur les ICC, relatifs à la diversité culturelle.
Expression Culturelle centrale
Arts du spectacle Arts visuels Littérature Musique
Industries associées Architecture Design Mode Publicité Expression Culturelle centrale Industries culturelles élargies A ut res Industries créatives centra les
Industries associées Autres Industries créatives centrales Cinéma Musées, galeries Bibliothèques Photographie
Industries culturelles élargies Édiition et médias imprimés Enregistrement sonore Jeux vidéo et sur ordinateur Services du patrimoine Télévision et Radio
Source : Rapport sur l’économie créative 2013, Nations Unies/PNUD/UNESCO, 2013. P. 6.
L’ensemble de ces considérants encadre notre analyse des dynamiques, endogènes et exogènes, en cours. Nous retenons pour cela deux grilles de lecture complémentaires :
• La caractérisation (raisonnée) de la chaîne de valeur.
• L’identification des éléments qui freinent le développement du secteur et ceux qui le favorisent actuellement. (= freins / catalyseurs)
• Caractérisation de la chaîne de valeur
Les approches nationales des industries créatives sont variées selon les pays, et certains ont même multiplié les approches au fil des ans3. Il faut savoir, d’ailleurs, que parmi les limites de l’approche globale de la chaîne des valeurs, l’existence de filières dont les niveaux de développement sont disparates. Ajoutez à cela le fait que de nombreuses organisations marocaines travaillent à cheval sur différents maillons de la chaîne de valeur, ce qui complique leur classement et l’analyse de l’activité économique de l’ensemble du secteur. Aussi, pour apporter une vision concise et amorcer une conversation simple sur la façon dont la valeur est créée au sein des filières créatives marocaines, nous optons pour la prise en considération de (2) modèles :
3. Cf. KEA European Affairs, l’économie de la culture en Europe, commission européenne, octobre 2006.
• MODÈLE 1 : linéaire
1.CRÉATION > 2. PRODUCTION > 3. DISTRIBUTION/DIFFUSION 4. UTILISATION / PARTICIPATION4
= Fonctions premières
5.ARCHIVAGE-DOCUMENTATION 6. ÉDUCATION-FORMATION
= Fonctions supports
SUPPLY DEMAND
CREATION
(Content origination xxx, ideas) MAKING
(One-off production, mass production, tools/ infrastructure) DISSEMINATION
(Distribution, wholesale, retail) EXHIBITION RECEPTION
(Site of exchange of rights to consume) PARTCIPATION
ARCHIVING/PRESERVING
EDUCATION/TRAINING EDUCATION/CRITIQUE
Source: Burns Owens Partnership, Pratt, A.C., Taylor, C., 2006. A framework for the cultural sector: A report for UIS/UNESCO, Paris.
FIG 1 - Source : A framework for the cultural sector : A report for UIS/UNESCO, Paris.
Ainsi, la chaîne va de la mise en idée du produit ou service culturel jusqu’à sa consommation. Les grands maillons sont la création, la production, la diffusion/ distribution, la commercialisation et la consommation. Les noms peuvent varier d’une filière à l’autre mais le processus demeure le même. À cette chaîne de production directe, s’ajoutent d’autres éléments indispensables à la survie du produit ou de ses structures : la formation et l’archivage. D’autres fonctions périphériques à la chaîne créent les conditions de son fonctionnement: il s’agit de la réglementation, du financement et des droits d’auteur et des droits voisins.
4. Nous privilégions l’usage des termes « utilisation » ou « participation » plutôt que celui de « consommation », à propos du concept de la demande culturelle.
• MODÈLE 2 : circulaire
Utilisation Création
Diffusion Production
FIG 2 - Source : La fi gure 2 est adaptée du modèle de chaîne du création décrit dans le Cadre de l’UNESCO pour les statistiques culturelles (UNESCO-ISU, 2009, p. 20). 5
5. Ce modèle illustre la nature circulaire de la chaîne de création et démontre les corrélations entre l’offre et la demande plus clairement que le modèle linéaire. Dans ce modèle, la chaîne de création mesure non seulement les corrélations économiques, mais aussi les processus de rétroaction en tout temps dans la chaîne.