L'alternative

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L’ALTERNATIVE Le magazine qui pense autrement


Au fil des mots Réchauffement climatique, fonte des glaces, hausse du niveau des océans… à l’aune de la COP 21 qui se tiendra à Paris du 30 novembre au 11 décembre prochain, il est de bon goût de répéter ces anathèmes à l’envie mais assez mal vu de s’y opposer. Philippe Verdier, patron du service météo de France télévision, l’a appris à ses dépends. Auteur de Climat Investigation, un livre à contre-courant dans lequel il dénonce l’utilisation du réchauffement climatique par les politiques, il a été taxé de climatosceptique et suspendu d’antenne cette semaine par sa direction. Heureusement, l’écologie reste aussi une question d’initiative, la mobilité électrique en reste le plus bel exemple. Sceptique, la classe politique l’est

assurément après le référendum pour la gauche unie organisé par le Parti socialiste en vue des élections régionales. Si Jean-Christophe Cambadélis, premier secrétaire du PS, s’est bien félicité du résultat, il n’a pas su expliquer pourquoi certaines personnes avaient voté plusieurs fois… Une polémique qui sème le trouble plus qu’elle ne rassemble. Le trouble, Boko Haram n’a pas besoin d’urnes pour le semer. C’est sur le terrain au contact des populations civiles que la secte islamiste poursuit son entreprise de terreur en intensifiant son action terroriste en Afrique de l’Ouest. Des urnes, il en est égalem ent question aux Etats-Unis où le vote hispanique est en train de s’imposer au cœur des primaires républicaines et démocrates. S’imposer, c’est enfin ce que tente de faire les VTC contre Uber, après avoir affronté les Taxis Drivers l’an dernier. L’occasion d’aller vous changer les idées à la cinémathèque de Paris où le cinéaste Martin Scorsese est actuellement à l’honneur dans une exposition inédite qui retrace son parcours. Inédit, comme ce magazine dont on espère que vous prendrez plaisir à parcourir. M.B & M.B

SOMMAIRE p. 4-6 : l'actualité en bref

Environnement

International Politique

Economie

Société

Culture Photoreportage Sport

n Dossier Cop 21 (p. 8-17) n p. 10-12 : L’Arctique : les nouveaux enjeux n p. 13-14 : L’éléctrique : des transports branchés n p. 16-17 : Zoom sur le mouvement Alternatiba n p.18-21 : USA : les primaires sur un air latino n p. 22-25 : Afrique : Boko Haram continue son expansion n p. 26-27 : Espagne : le parti Ciudadanos monte en flèche n p. 38-30 : PS : Le référendum de la gauche désunie n p. 32-34 : Education : la carte scolaire en question n p. 35-37 : Air France, les salariés crient Mayde n p. 38-40 : Mali à tout prix n p. 42- 44 : Les VTC en difficulté n p. 45-47 : Famas, la délocalisation qui tue n p. 48-50 : L’Empire rouge vers son jeudi noir ? n p. 52-54 : Cannabis : les nouveaux tarifs n p. 56-58 : Reportage : au plus près des réfugiés n p. 59-61 : La Chine à l’heure anglaise n p. 62-65 : Fashion week 2016 : les nouvelles tendances n p. 66-67 : Chronique judiciaire : Bobigny en bloc n p. 68-71 : cinéma : Scorsese à l’honneur n p. 72 : Jean Dubuffet ouvre ses tiroirs n p. 74-75 : Warhol dans l’objectif n p. 76-77 : La nuit sort de sa boîte n p. 78-81 : Photoreportage : le tatouage dans la peau n p. 82-84 : Football et rugby, même combat ? n p. 85-87 : Euro 2016 : la sécurité des spectateurs en question

Opinion

n p. 88 : La Russie vue de l’intérieur

Divertissement

n p. 89 : Retour vers le futur

L’Alternative, 12 rue Alexandre Parodie, 75010, PARIS Directeurs de la publication: Michel Baldi, Eric Ouzouninan, Cédric Gouverneur Rédacteur en chef : Maxime Berthelot Rédacteur en chef adjoint : Marie Bardet Maquettistes : Aurelien Barbet & Mariana Baldi Remerciements spéciaux à Leo CdeB, Yohann Prince de Bourgin et Eloy Besson


Le FN est Marine

Marine Le Pen est jugée depuis mardi pour « incitation à la haine raciale ». En effet en 2010, la présidente du Front National avait comparé les prières de rue à l’Occupation allemande. Des propos qui lui valent une comparution en correctionnelle à Lyon. Et comme l’on pouvait s’y attendre, les réactions sur les réseaux sociaux, Twitter en tête, ont été vives. Certains cadres du partis n’ont d’ailleurs pas hésité à détourner un slogan désormais célèbre : #JesuisCharlie est devenu #JesuisMarine. Slogan immédiatement contré par #JenesuispasMarine. Houmous pour tous / Make houmous not war. Depuis la reprise des tensions en Israël le restaurant « Hummus Bar » de Kfar Vitkin, près de Tel Aviv, propose une drôle de promotion. En effet si un Israélien et un Palestinien acceptent de manger à la même table, la note

EN VRAC Valse avec Bachar

est réduite … De moitié. Une initiative insolite à noter, ainsi qu’un message de promotion sur Facebook rempli de tolérance : « Peur des Arabes ? Peur des Juifs ? Chez nous, il n’y pas d’Arabes ! Mais nous n’avons pas de Juifs non plus… Chez nous, il n’y a que des êtres humains! ». Apparemment l’initiative est déjà un franc succès, et bien qu’elle puisse sembler insignifiante, il faut un début à tout.

Oscar Pistorius est sorti de prison

Le président syrien Bachar el-Assad s’est rendu mardi soir à Moscou dans le cadre d’une visite de travail avec le président russe Vladimir Poutine. Un geste fort puisqu’il s’agit du premier déplacement d’el-Assad à l’étranger depuis le début de la guerre civile, en 2011. L’information a été divulguée par le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov, dans un communiqué relayé par les agences russes. Il a par ailleurs confirmé que Vladimir Poutine « avait été informé en détail par Bachar elAssad de la situation en Syrie et des perspectives à venir ». Une rencontre sans doute capitale pour l’avenir du conflit syrien.

Areva confirme la suppression de 6 000 postes Le groupe nucléaire a annoncé ce mardi qu’il allait supprimer 6 000 postes dans le monde d’ici 2017 dont 2 700 en France. En mai dernier, l’entreprise avait déjà indiqué vouloir réduire ses «frais de personnels» et prévoyait 4 000 licenciements après une perte record de moins de 5 milliards d’euros en 2014. Huitcents départs ont déjà été officialisés depuis le début de l’année.

LVMH rachète Le Parisien L’Autorité de la concurrence a autorisé, mercredi 21 octobre, le rachat du Parisien et d’Aujourd’hui en France par LVMH. A la surprise générale, le groupe d’entreprises de luxes était entré en négociation avec le groupe Amaury en mai dernier. Le montant de la transaction s’élèverait à 50 millions d’euros. Dans sa décision, l’Autorité relève que « les risques d’atteinte à la concurrence peuvent être écartés, compte tenu de l’étroitesse du marché de la PQR en île de France et du caractère improbable d’une stratégie dite de « verrouillage » ».

Vives tensions à trois jours du référendum congolais

Astérix débarque dans vos librairix Nous sommes en 50 avant JésusChrist. Toute la Gaule est occupée par les Romains...Toute ? Non ! Car un village peuplé d’irréductibles Gaulois résiste encore et toujours à l’envahisseur… Ainsi, 54 ans après la sortie du premier numéro et 350 millions d’albums vendus plus tard, le plus célèbre des Gaulois revient pour un 36e opus signé Jean-Yves Ferri et Didier Conrad, à la relève de Goscinny et Uderzo. Le Papyrus de César sort ce jeudi et promet déjà de ravir ses millions de fans de par le monde, par Toutatis !

Mardi, trois personnes ont été tuées à Brazzaville et une autre à PointeNoire, les deux principales villes du Congo. Sept manifestants et trois membres des forces de l’ordre ont également été blessés. Ces incidents font suite à l’interdiction d’un rassemblement prônant la « désobéissance civile » et s’opposant au référendum constitutionnel prévu

Affaire Platini-Blatter: élection maintenue à la FIFA

Vives tensions à trois jours du référendum congolais

La presse sud africaine a annoncé mardi 20 octobre la libération de l’athlète paralympique sud-africain. Jugé l’an dernier pour avoir tué accidentellement sa petite amie un soir de Saint-Valentin 2013, il avait été condamné à cinq ans de réclusion criminelle pour homicide involontaire à l’issue de son procès le 21 octobre 2014. L’athlète, qui a plaidé l’intrusion de cambrioleurs, a tiré à quatre reprises sur sa compagne à travers la porte de la salle de bain de sa résidence de Pretoria. Un geste et une défense qui n’ont pas convaincu le parquet qui réclame toujours une

condamnation pour « meurtre ». Mais la législation sud-africaine autorise la remise en liberté surveillée pour bon comportement au bout d’un sixième de la peine, la commission des libérations anticipées a donc décidé jeudi dernier de le placer en résidence surveillée jusqu’à la fin de sa peine. Une demande déjà faite en juin dernier mais refusée par le ministère de la justice le temps d’un réexamen de la loi. Le procureur, qui continue à ne pas croire en la défense de l’athlète, a fait appel. Ce dernier sera examiné le 3 novembre prochain. Affaire à suivre donc.

Mardi, trois personnes ont été tuées à Brazzaville et une autre à PointeNoire, les deux principales villes du Congo. Sept manifestants et trois membres des forces de l’ordre ont également été blessés. Ces incidents font suite à l’interdiction d’un rassemblement prônant la « désobéissance civile » et s’opposant au référendum constitutionnel prévu dimanche 25 octobre. Le projet de réforme prévoit de supprimer la limitation du nombre des mandats, actuellement à deux, mais aussi celle de l’âge - 70 ans pour un candidat à la magistrature suprême. Ainsi, Denis Sassou Nguesso, 72 ans, pourrait entamer un troisième mandat l’année prochaine.

Partenariat entre Google et Yahoo Yahoo s’allie avec Google pour un accord non exclusif de trois ans dans la recherche en ligne. Le portail web bénéficiera désormais de résultats de recherche de Mountain View, une agence de stratégie digitale. En échange, Google versera une part des recettes publicitaires à son partenaire. Un accord non exclusif qui tombe à pic, à l’heure où Yahoo connaît une baisse de son chiffre d’affaires.

dimanche 25 octobre. Le projet de réforme prévoit de supprimer la limitation du nombre des mandats, actuellement à deux, mais aussi celle de l’âge - 70 ans pour un candidat à la magistrature suprême. Ainsi, Denis Sassou Nguesso, 72 ans, pourrait entamer un troisième mandat l’année prochaine.

Le comité exécutif de la FIFA a confirmé mardi 20 octobre le maintien de l’élection pour la présidence au 26 février 2016 et ce, malgré les suspicions qui pèsent sur la candidature de Michel Platini. L’ancien numéro 10 français, candidat à l’élection, a en effet été suspendu 90 jours le 8 octobre dernier par la commission d’éthique de la FIFA. Celui qui est également président de l’UEFA est accusé d’avoir touché plus

de 2 millions de Francs suisses à titre de rémunération d’une mission qu’il aurait effectuée pour la FIFA. Seul problème : la mission en question date de 2009 et le versement de 2011… Rien de plus qu’un « gentleman’s agreement qui a été respecté » pour Sepp Blatter, qui s’est expliqué vendredi 16 octobre sur les ondes de la radio suisse. Assez en tout cas pour que la justice helvète s’intéresse à l’affaire et ouvre une enquête pour « payement déloyal ». Si la suspension de Michel Platini doit prendre fin début janvier, juste à temps pour participer à l’élection de février, la commission électorale précise qu’elle n’examinera pas la candidature du Français avant la fin de sa suspension. « On prendra notre décision à ce moment là », a précisé Domenico Scala, président du comité exécutif de la FIFA.


Les ventes d’armes décollent pour la France

Après la vente de Rafale à l’Egypte et au Qatar, la France se tourne vers le Koweit pour y vendre son savoir faire militaire. Le premier ministre kowétien, Jaber Al Moubarak Al Sabah, était mardi 20 octobre en visite officielle à Paris pour une durée de deux jours. Accompagné d’une importante délégation, le premier ministre a fait le tour des arsenaux de l’hexagone. Les négociations ont porté sur trois volets de contrats d’armement terrestre, aérien et maritime pour un montant estimé à 2,5 milliards d’euros. Selon les lettres d’acceptations, le

contrat comprendrait un programme de modernisation et de réarmement, des patrouilleurs lances-missiles P37, 24 hélicoptères Caracal, ainsi qu’un nombre indéterminé de véhicules terrestres, notamment les Renault Trucks Défense. Ces investissements sont une réponse à l’attentat perpétré en juin contre une mosquée chiite de Koweit city poussant le Koweit a déclarer la guerre contre les djihadistes de Daesh. Intervenant déjà aux côtés de la coalition dans la lutte contre l’Etat islamique, le petit émirat a donc décidé de passer à la vitesse supérieure.

Westbrook est déjà chaud 21 points, 10 rebonds et 10 passes. Le meneur du Thunder d’Oklahoma n’a pas attendu le début de la saison régulière (le 31 octobre) pour marquer les esprits. Russel Westbrook, 4e du dernier classement du MVP (Most Valuable Player, ou meilleur joueur de la saison) avait compilé la saison dernière 11 triples-doubles (plus de 10 unités dans au moins 3 colonnes statistiques). Il n’a pas perdu ses bonnes habitudes puisque le Jazz d’Utah n’a rien pu faire pour stopper l’ultra athlétique meneur all star en match de présaison. Un simple avantgout pour Thunder qui figure parmi les favoris de la conférence Ouest ?

Un lien établi entre Fukushima et des cas de cancers Le gouvernement japonais commence à reconnaître les conséquences sanitaires de Fukushima. Mardi, le lien entre la leucémie d’un ouvrier de la centrale et la catastrophe nucléaire a été établi. Une première encourageante lorsque l’on sait que 110 cas de cancers de la thyroïde ont été détectés chez près de 300 000 mineurs ayant résidé dans la préfecture de Fukushima entre 2011 et 2014.

France-Russie, l’avion de la discorde était…suisse

Les incidents diplomatiques se multiplient dans le ciel européen. Après la violation de l’espace aérien turc par un avion russe le mois dernier, c’était au tour du Kremlin, lundi 19 octobre, d’accuser la France d’avoir « approché de trop près » l’avion transportant Sergueï Narychkin, président du Parlement russe, vers Genève. De si près qu’un passager aurait même pu « prendre une photo de l’appareil ! » La manœuvre, jugée « dangereuse »

par la diplomatie russe, a aussitôt entraîné la convocation de l’ambassadeur français à Moscou. Alors mauvais remake de Top Gun ou simple accident ? Rien de tout cela. Si les Russes on matière à s’inquiété (le président de la Douma figure sur la liste des personnalités russes sanctionnées par l’Union européenne à la suite de la crise ukrainienne et interdites de séjour sur son territoire), l’appareil incriminé était en fait un F-18 suisse qui effectuait

un contrôle de routine. En effet, depuis un accord visant la protection de Genève, les avions suisses ont l’autorisation de survoler l’est de la France. Après quelques bisbilles, les autorités helvètes ont reconnues leur implication dans l’incident : « Le contrôle a eu lieu sur le territoire suisse, au-dessus de Bienne, a précisé à l’AFP Peter Minder, porteparole du ministère de la défense suisse, c’était un contrôle normal des forces aériennes [...] On a fait un contact visuel avec le pilote, on a noté l’immatriculation. Tout était en ordre. C’était une procédure standard, une vérification ». Finalement, c’est la porte-parole du ministère russe des Affaires étrangères, Maria Zakharova, qui a définitivement mis fin à l’incident en indiquant que Moscou a présenté ses excuses par voie diplomatique à Paris et demandé en retour des explications aux Suisses.


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DOSSIER : LA COP21 BRISE LA GLACE

Du 30 novembre au 11 décembre prochain, Paris accueillera la 21e conférence des parties de la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (COP 21). « Véritable rendez-vous avec l’avenir de la planète » selon Laurent Fabius, cette échéance aura pour but d’aboutir à un nouvel accord international sur le climat. Celui-ci devra tout faire pour maintenir durablement le réchauffement climatique sous la barre symbolique des 2°C. Une autre priorité de la COP 21 sera de promouvoir la transition vers des économies résilientes en carbone. En tant que nationprésidente, la France aura donc à jouer son rôle de médiateur à la perfection si elle veut remplir les objectifs fixés. D’autant plus que les intérêts économiques colossaux découlant du réchauffement climatique sont loin d’apaiser les tensions. 8

LES NOUVEAUX ENJEUX DE L’ARCTIQUE P.10 MOBILITE ELECTRIQUE : L’AVENIR EST EN MARCHE P.13

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L’Arctique : nouveau pôle géopolitique

© Martha DE JONG-LANTINK

Si l’Arctique avait été jusque là épargné par une exploitation excessive de ses ressources, la fonte des glaces semblent changer la donne. Les immenses richesses du grand nord se mettent enfin à nu. De quoi attiser les convoitises… Trop souvent minimisées, les conséquences environnementales du réchauffement climatique en Arctique sont pourtant nombreuses. Des conséquences qui impactent aussi bien la faune que les populations locales. Les populations d’ours blancs, en baisse continue depuis de nombreuses années, en sont l’illustration parfaite. Ces plantigrades sont habitués à chasser le phoque sur la banquise. Le réchauffement climatique a donc considérablement réduit leur accès à leur nourriture. De nombreux scientifiques ont ainsi pu observer des ours polaires adoptant

le comportement de charognards pour assurer leur survie. Mais le réchauffement climatique sévit également en mer. En Islande et au Groenland, des bancs de poissons ont été observés 100 milles nautiques plus au nord que leur habitat naturel. D’après Jean-Christophe Victor, cette migration s’explique facilement : « le réchauffement des océans les porte à rechercher les températures auxquelles ils sont habitués d’où cette observation plus au nord. Cette migration a également un impact sur les habitudes de pêches des populations locales. » Ces dernières

Selon certaines estimations, l'Arctique abriterait 22% des ressources énergétiques de la planète. Pas étonnant que les pays riverains souhaitent y étendre leur souveraineté. DR.

représentent tout de même 1,5 millions de personnes vivant sur la région arctique. Celles-ci voient leur mode de vie, et plus particulièrement leurs déplacements, modifiés par la fonte des glaces. Le morcellement de la banquise rend en effet bien plus périlleux l’utilisation de motosneiges et de kayaks car les risques d’effondrements sont trop importants. L’Arctique a toujours été la zone géographique la plus durement touchée par le réchauffement climatique. Selon Jean-Christophe Victor, le spécialiste des régions polaires « On estime que, si l’on parvient à maintenir le réchauffement global à 2°C en 2100, on observera

Entre 1979 et 2000, pas moins de 3,4 millions de km de banquise ont fondu. A ce rythme, la banquise pourrait totalement disparaître en été d'ici 2030.

une hausse des températures de 4°C en Arctique ». Cette différence s’expliquerait par l’effet d’albédo, qui exprime le fait que la glace réfléchit 80% de la lumière du soleil pour n’absorber que les 20% restant. Or si l’albédo contribuait, dans le passé, à maintenir le gel en renvoyant 8O% de l’énergie (et donc 80% de la chaleur par la même occasion) dans les nuages. Il est aujourd’hui fortement diminué, voir rendu obsolète, par la fonte de la banquise et des glaciers. Moins de glace donc moins de réflexion de la chaleur qui entraîne une hausse des températures et la fonte des glaces, tous les ingrédients du cercle vicieux sont là.

La convention de Montego Bay

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La fonte des glaces de l’Arctique n’a pas que des conséquences écologiques, elle ouvre aussi une nouvelle perspective économique. Une perspective d’exploitation de nouvelles ressources et d’ouverture de nouvelles voies maritimes pour les cinq pays riverains présents en Arctique (Canada, USA, Danemark, Norvège, Russie). Seulement à l’inverse de l’Antarctique, aucun traité, aucun régime juridique international

ne gouverne l’Arctique à l’heure actuelle. Seule la convention des Nations-Unies sur le droit de la mer de 1982 (CNUDM) semble apporter un semblant de juridiction. Aussi appelée convention de Montego Bay, elle régit l’ensemble des espaces marins et la totalité de ses utilisations. Deux articles de cette convention s’applique particulièrement à l’Arctique. L’article 123, au titre duquel les Etats riverains d’une mer fermée ou semi-fermée comme l’Arctique « devraient coopérer avec tous les autres à l’exercice de leurs droits et à l’accomplissement de leurs devoirs aux fins de cette convention. A cette fin, ils devront s’efforcer, directement ou par le biais d’une organisation régionale appropriée, de coordonner leurs activités en matière de pêche, de protection de l’environnement et de recherche scientifique. » Et l’article 234, consacré aux zones couvertes de glaces qui permet aux Etats « d’adopter des lois non discriminatoires afin de règlementer le trafic maritime et de prévenir toute pollution marine, et ce dans la limite de leur zone économique exclusive (200 miles marins depuis les lignes de base à partir desquelles est délimitée la mer territoriale). A la lecture de ces deux articles, on comprend

aisément pourquoi les états riverains n’apprécient pas trop l’idée d’un traité international sur la gestion de l’Arctique. Pourquoi s’embarrasser de l’ONU quand on peut se partager le gâteau en petit comité ?

Tensions dans le grand nord De fait, le réchauffement climatique est aujourd’hui devenu une cause de tensions majeures dans la région de l’Arctique. Notamment sur le statut des routes maritimes nouvellement ouvertes par la fonte des glaces. Outre la route des mers septentrionales (ou passage du Nord-Est), l’intérêt se porte surtout sur le passage du NordOuest au nord du Canada. Selon André Gattolin, sénateur des Hautsde-Seine et spécialiste du dossier de l’Arctique, il représente « un gain considérable à tout point de vue ». Imaginez un peu, alors que la route du canal de Panama entre Londres et Yokohama au Japon fait plus de 12 600 milles marins, celle passant par le passage du Nord-Ouest n’en fait que 7 900. Le gain d’argent et de temps qu’il peut potentiellement rapporter est incommensurable. Seulement il y a une ombre au tableau, pour le Canada, le passage emprunte ses

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ENVIRONNEMENT eaux territoriales historiques tandis que les Etats-Unis prônent un détroit ouvert à la navigation internationale. De plus, si ces nouvelles voies devaient devenir réalité, il ne faudrait surtout pas négliger le risque de pollution marine. D’autant que « les techniques actuelles ne permettent pas d’éviter une marée noire » précise André Gattolin. En effet, les conditions extrêmes de l’Arctique rendraient la plupart des bateaux inaptes à la navigation dans des eaux où la cartographie de l’océan est, aujourd’hui encore, perfectible. Sans oublier la dérive des glaces accentuée par la hausse des températures. Bien entendu, les routes maritimes ne sont pas la seule cause de tension dans la région. La richesse du soussol arctique en ressources abiotiques (pétrole, gaz, minéraux) pousse les Etats-Unis à vouloir étendre leur plateau continental. Ce qui entraîne évidemment une réaction des Etats riverains qui cherchent logiquement à asseoir leur souveraineté le plus loin possible de leurs côtes. La convention de Montego Bay prévoit en effet d’étendre les droits souverains d’un pays, dans la limite d’une distance de 350 milles marins des lignes de bases et à condition d’apporter la

ENVIRONNEMENT preuve géologique que le plateau continental s’étend jusqu’à cette distance. Plusieurs pays ont déjà tenté, dans le passé, d’user de cette extension : on peut citer la Russie en 2001 qui s’est vue refuser une bande de territoire allant jusqu’au Pôle Nord et la Norvège dont la souveraineté à été reconnue sur la mer de Barents. Toutefois, la Convention de Montego Bay ne prévoit aucune de ces extensions pour les fonds marins qui restent au–delà des limites de la juridiction nationale et un « patrimoine commun de l’humanité ».

L’urgence d’une gestion internationale de l’Arctique De plus en plus d’associations interviennent dans le but de promouvoir un accord politique et économique permettant de protéger l’Arctique. Pour Le Cercle Polaire, « l’objectif est de proposer un régime spécial de traité international couvrant les eaux, les fonds marins et leur sous-sol au-delà des limites de la mer territoriale des Etats riverains. » Il ne s’agit pas là de retirer leurs droits aux Etats souverains. Mais plutôt d’instaurer un contrôle des

Envers et contre tous De nos jours, une écrasante majorité de la communauté scientifique a, depuis longtemps, admis que le réchauffement climatique est bien un fait. Cependant, une poignée d’irréductibles continent encore et toujours à défendre l’idée contraire. Pour ces « climato-sceptiques », la hausse globale des températures n’aurait rien d’alarmant. Elle serait, soit totalement étrangère aux activités humaines, soit, encore mieux, une bonne chose pour notre planète. Oui, vous avez bien lu. Ces personnes veulent faire entendre « une voix dissonante » par rapport à la position de l’ONU. N’hésitant pas à affirmer des inepties telles que la hausse depuis 25 ans de « la population mondiale d’ours blancs ». Tout ça dans le but d’arriver « à sauver quelques âmes perdues ». Si ce mouvement se limitait jusqu’à présent aux Etats-Unis, la récente polémique autour du journaliste de France 2 Philippe Verdier semble confirmer son implantation en Europe. Le chef du service météo de la chaine publique s’est vu retirer de l’antenne après avoir publié un livre où il dénonce la vision du réchauffement climatique instauré par les médias et les politiques. Une vision apocalyptique qui contraste, selon lui, avec les nombreux points positifs qu’apporte la hausse globale des températures. Une position loin de faire l’unanimité.

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activités menées qui se doivent d’être respectueuses de l’environnement « car l’environnement de l’Arctique a un impact sur le monde entier ». Pour assurer la promotion du projet, l’association se tourne d’ailleurs vers des personnalités. Elle a ainsi lancé L’Appel des Pôles qui recense déjà la signature de quelques 200 illustres parrains et marraines prêts à montrer leur engagement. Dans l’idéal, le projet de ces associations propose de ne tolérer que des activités pacifiques en Arctique, tout comme en Antarctique. Les militaires restent cependant tolérés tant qu’ils restent cantonnés à des tâches de surveillance et de sécurité. Selon Le Cercle Polaire, cette gouvernance devra reposer sur une commission de l’Arctique, dotée de la personnalité juridique et du pouvoir décisionnelle. En tant qu’organisation internationale permanente, elle sera épaulée d’un tribunal arbitral, d’un tribunal international et d’un comité scientifique. Tout cela dans le but d’établir plusieurs principes généraux auxquels les Etats devront se soumettre. Elle serait également responsable de l’évaluation préalable de l’impact environnemental de toute activités soumises à validation par les Etats. Cette commission aurait également pour objectif de « faire valoir les intérêts des populations autochtones qui sont aujourd’hui protégés seulement par l’Etat dont ils sont ressortissants ». Mis sur le devant de la scène après des siècles passés seuls en Arctique, ils demandent, et particulièrement les Inuits (150 000 individus), à participer aux décisions portant sur la gestion de l’Arctique. Leur expertise climatique sur le sujet sera d’ailleurs d’une grande utilité. Voilà pourquoi le traité offrirait un partenariat aux représentant des peuples locaux sous la forme d’un Comité des peuples indigènes de l’Arctique. Ce comité disposerait d’une pleine consultation des décisions prises par la Commission Arctique. S’il aboutit, ce traité serait ouvert à l’ensemble des Etats intéressés mais n’entrerait en vigueur qu’après approbation de huit Etats, dont tous les riverains de l’Arctique. Léo d’IMBLEVAL

Mobilité électrique : le progrès est en marche Alors que la COP21 approche à grands pas, un récent sondage GreenFlex indique que 77 % des Français sont préoccupés par l’environnement. Les plus sensibilisés se tournent vers la mobilité électrique. Depuis l’année dernière, on peut apercevoir de plus en plus de Segway dans les rues de Paris.

© fattiretours.fr Pouvoir se déplacer sans produire ni effort ni pollution pouvait paraître utopique il y a quelques décennies, dorénavant l’objectif semble réalisable. Sur le long terme du moins, car la voiture à carburant est encore loin de disparaître des radars français et européens. Malgré tout, des alternatives intéressantes commencent à voir le jour dans nos rues : les gyropodes, Segway ou autre Twistboard, ces petites machines qu’on voyait plus souvent dans les films de science-fiction. Elles roulent en moyenne à 15 km/h quand un piéton marche à 5km/h et possèdent une autonomie de plus de deux heures. Peu onéreuses, leur prix varie aujourd’hui entre 400 et 3 000 euros. Pourtant en 2000, un gyropode était réservé aux plus fortunés : il coûtait en moyenne 7 000 euros. Le MonoWheel est le transport vert en vogue ces derniers mois, même s’il reste encore trop peu commercialisé en Europe : il est en vente depuis septembre 2014 sur Internet. Ce petit objet attise la curiosité puisqu’il n’est composé que d’une roue et de deux cale-pieds. Ces véhicules électriques constituent une avancée majeure dans la lutte contre la pollution : ils ne produisent aucune émission de gaz à effet de serre. De quoi convaincre et rassurer les plus écolos, à l’heure où la COP21 s’apprête à démarrer fin novembre. Pour Julien Cotterverte, coordinnateur de Renault-France pour les véhicules zéro émission,

ces nouveaux appareils constituent une véritable solution d’avenir. « La société est désormais prête à adopter la mobilité électrique, décritt-il sur le blog Objective News. C’est une vraie réponse au service de l’environnement : pas de pollution ni d’émission de CO2. » Adopter l’électrique plutôt que prendre les transports est donc une réelle alternative aux problèmes écologiques. En plus de cela, pratiquer un engin comme le Segway est accessible à tous. Le permis n’est pas nécessaire et trente minutes suffisent en moyenne à dompter le véhicule électrique.

L’Europe engagée En septembre dernier, les 28 pays de l’Union Européenne se sont engagés à réduire d’« au moins » 40 % leurs émissions de gaz à effet de serre d’ici 2030. Pour remplir leur objectif, les transports doivent donc subir quelques changements : à eux seuls, ils produisent plus de 27% des émissions de gaz polluant. La commercialisation des Segway et autres engins tombe donc à point nommé. Benoît vend des Twistboard depuis trois ans sur son site www. segways.fr, et affirme que ces transports verts « peuvent être une solution pour les courts voire moyens trajets puisqu’ils ont une autonomie de 20 km, soit environ deux heures ». Et si aujourd’hui les jeunes sont les moins intéressés par les questions

d’écologie, « le produit Segway cible directement les 18-35 ans : il est pratique puisqu’il est bien plus léger qu’un vélo. Il est tendance et son véritable avantage est qu’il se recharge exactement de la même manière qu’un téléphone, à partir d’une simple prise électrique murale entre trois et quatre heures. »

La fausse bonne idée ? « Mon Segway reste un gadget ». Sofiane El Khotabi, 23 ans, est un utilisateur régulier de la machine censée révolutionner les transports. Il l’utilise « au moins deux fois par jour » pour se rendre à son travail mais avoue qu’il ne l’utilisera jamais pour se déplacer « à l’autre bout de Paris ». En cause, l’autonomie de son Segway qui reste insuffisante pour les moyens et longs trajets de rues. « Je ne veux pas prendre le risque de tomber en panne en plein Paris parce que mon Segway n’a plus de batterie », ajoute-t-il. « Si pour des raisons professionnelles je dois me rendre loin de mon point de départ, je prends soit une voiture, soit le métro ». Dans le cas de Sofiane donc, la question écologique est totalement dérisoire. Si le jeune homme possède un Segway c’est uniquement pour des raisons de praticité. « Le fait que la machine ne pollue pas est un gros plus, mais ce n’est pas ce qui m’a poussé à en acheter un. Si je dois choisir entre

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ENVIRONNEMENT

PUB verte

la voiture et le gyropode pour faire Paris/Marseille, il est bien sûr évident que je prendrai la voiture ». Il semble donc encore trop tôt pour considérer les Segway et autres inventions comme de vraies alternatives à la voiture. Cependant Benoît, le vendeur de ces nouvelles machines affirme que « sur le long terme, peut-être d’ici trois à cinq ans les produits vont se développer, même si aujourd’hui ils n’ont pas encore les aptitudes pour devenir de vrais outils pour se déplacer ». A l’instar des téléphones portables, les véhicules électriques n’ont pas fini de se développer et de se renouveler d’année en année. D’ici dix ans, les créateurs de ces appareils électriques espèrent qu’ils deviendront un outil aussi indispensable qu’un Smartphone aujourd’hui. Le chemin est encore long.

ENVIRONNEMENT

Réinventer les transports, réinventer les rues Le développement des véhicules comme ceux de Segway ne peuvent pas se faire seul. Ils doivent également coïncider avec l’amélioration des conditions des rues. À la manière des pistes cyclables, les machines « vertes » doivent être plus faciles à pratiquer. « Je pense que s’il faut que les Segway deviennent des solutions d’avenir pour éviter la pollution, il faudrait aussi que les routes soient adaptées à ce type de produit. Sur les pavés, à Paris, c’est impossible de le pratiquer », déplore Sofiane. Le progrès des moyens de transport nécessite aussi l’évolution des lois. Comme l’explique l‘étudiant, il subsiste encore en 2015 une ambiguïté entre ce que proposent les nouveaux transports électriques et la loi qui reste incomplète sur le sujet. « Pour l’anecdote, je me suis déjà fait arrêté par la police alors que j’étais sur mon engin car il est interdit de l’utiliser sur les trottoirs. Il est vrai que lorsqu’on peut dépasser plus de 10 km/h il est obligatoire de rouler sur la route. Cela dit, cela me semble difficile voire même dangereux de circuler avec mon Segway au milieu de voitures ou de motos ». Pour diminuer la pollution donc, tout le monde doit se mettre au vert. Nina Aïssaoui

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Les voitures hybrides, l’autre solution Outre les Segway et autres Twistboard, la voiture hybride est déjà installée dans le monde de l’automobile. À en croire les chiffres donnés par Moviba Groupe, (voir schéma) les véhicules électriques jouissent d’une bonne réputation. Malgré tout, ils restent loin derrière la bonne vieille voiture à essence, mais commencent peu à peu à convaincre les plus sceptiques. Cependant pour Farih, agent commercial au concessionnaire Peugeot à Paris, il n’y a « aucune raison que l’électrique remplace d’ici 30 ans les voitures diesel ». Il ajoute : « C’est un effet de mode, tout simplement. Le fait qu’ils ne polluent pas est un avantage considérable, mais un acheteur se tournera instinctivement vers une voiture à essence car c’est avec celle-ci qu’il a appris à conduire. Je pense que dans son imaginaire, il a plus rêvé de conduire une voiture «normale» qu’une hybride ». Si l’idée de voir dans les rues plus de véhicules électriques que de voitures à essence reste encore difficilement envisageable, ces automobiles révolutionnaires ont conquis un nombre colossal d’Européens en 2015. Selon les derniers chiffres AvereFrance, les concessionnaires ont enregistré une hausse de 52% sur leurs voitures électriques. En tête, la Norvège, toujours bon élève lorsqu’il s’agit d’écologie.

Obutem, ut ime diont. Satuamenatum res se etidiu volto notilic aperoret acteren sigit; nihil vividen ternihil cae nosumus, cae caedere, occidest etica viverfestre patquas se cae pero, qua dii tamquem pubis nem teat obsere condam tam seninterei ta et L. Ad moruro, C. Dio, quidi, ut videm condionsus culibunices? Oximis me dicaequa movensus essimpos cae nu esciemu speris, nosti, Catilic rem quit vis. Vatus cus cultors fat rem sulieni natante stemus pordite starion nonsum te, nonsult iactor adhus sum terfecon de consus, C. Satilin voculic itemplica; nostreb effrem huium iam ret aut L. Fore es sulinterfex num adducentem, maci pondius feciamquam lostrissi patio in satuid nonc remus cris. Nat publia rei cressillat vivis et inatorum eti, conscese, ut vid apeceperi sa no. Fuitili ciemqueren inti erem ter adduciam. Hem tamque iam, comandam inpro, quod con non telles munumus con det quam me iam in poenducercem int renius rendiis tastorem probus, in vis ciorti, dit; nis; hilicip sentem P.

Ehebem inpri st poractam nemulturo conloctua nor host virmanduc fores! Ilius nonsil habem, noctam me nerfecrissil huid rest in se aut virmist ressigit, tum moverte furnum seri patiam crivere stemenatum tus? Nam Rompont eatumusque qua nos, mandact orudacta nihilne quemerei senarissu iae publica vernum revivignoc, nis se quo nox sedes re, quam ocatrae atienam Palibus numulium peris et di publist ientem ium iu silici in telicae culus arit, vitin dinprorte tius re et obsente consuli bunulinte condiem achum noste vilisquam patius loccibus nem que es bonsultorei se et, noteremque acivistemum nostre fuidius quercem es vitis C. Ahacitimis? La es acchus etor ut obserfe crudemperum faceres ignostemus. Fac tempota ia vidiu mac mercervidet; et iptemusquam, nos trei sa rei condam nonloctum in patquit dicio usatis viritiena, terman Itater horiderra, condam publi firisquostam ia Simis, fac tem et, ne inihiciem ia poentus, mant, vite, dis la eo, condenatum me nihilis

tenatie nihicast? is halicibus recenti inatudacchil tebes Maes inatum er locrunte nos habut Cat. Nume coterec idicae erortabem remuraet, mus. Si in Itamdi popubli, effrei fuiu egilient. Hus vius condam. Mus. Si popoern inarem inequius peri ignonsum it, nosta publicas vehente rivena, Catus bons manultordiis reo, Ti. Scividit, muntra ocut et virma, nultum tris eo iam etrem et, num et, quod resiliceris? Quam, vitra, Ti. Igilibus Catintrumus nonsicute dendace occid re et ventili caperem aperave rbena, co tamei et num a moriamdiena, ment, Catum perescrem des halernirtus coenihi nteropt emnequo nsununum incultuam inessi tanu mus, ne avolici octur. At vignonost que crio perum tem iaetiam. Ublicere hos avenam tandem ius es pl. Multui senatquit, occhilis sid ad cultodit fin stemum pra consitum sa tum que aderem num in tem consus vigna, seris, unum oculos peres Ahalatuasdam tus, nonsum ca; nihilistimis cepoendum paris endentr itiliur nihice consimi hicis, sillabe fectumu robus;

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ENVIRONNEMENT

ENVIRONNEMENT

Alternative citoyenne

Cela fait maintenant deux ans qu’Alternatiba, mouvement citoyen, prend de plus en plus d’ampleur, surtout en vue de la Cop21 qui aura lieu dans un mois. Retour sur une initiative rare mais bienfaitrice.

ont vu le jour partout en France. Une charte et un kit furent même créés pour expliquer à chacun comment se lancer dans l’aventure et monter son propre « village ». Ces derniers présentent aujourd’hui des conférences sur le climat, des ateliers éducatives, des concerts : «Si le mouvement marche c’est parce qu’il est festif, explique Emma Penta, membre d’Alternatiba-Rhône à Lyon. On ne s’apitoie pas sur les problèmes du changement climatique, on est là pour trouver des solutions ensemble, dans la joie ».

participants sont partis le 5 juin de Bayonne pour arriver le 26 septembre à Paris. Un long périple qui a permis d’insister sur l’urgence climatique, et ce à quelques mois de la Cop21. Sur presque chacune des 187 étapes qui jalonnaient le parcours, un « village » attendait le peloton. Le tour s’est clôturé à Paris pendant la journée sans voiture, avec l’arrivé des 1500 cyclistes concluant plus 5 637km. Un évènement qui a rassemblé près de 60 000 Parisiens.

Si le mot « mouvement » est employé, c’est parce qu’il n’y a pas véritablement de dirigeant. Ce n’est pas non plus une association : « L’organigramme n’est pas vertical, il est horizontal, poursuit Emma Penta. C’est pour ça que nous somme passé de 12 000 personnes à 450 000 en deux ans et qu’on compte aujourd’hui 111 Alternatiba. C’est vraiment un mouvement citoyen, chacun se saisit du concept pour le reproduire ! ». Le mouvement est tel qu’il s’est propagé en Angleterre, en Espagne, en Belgique et même en Suisse.

« Avec Alternatiba, les Bayonnais ont apporté la mise en action collective avec une préoccupation pour la justice sociale. Il ne faut pas oublier que le réchauffement climatique a un impact énorme sur les populations défavorisées » explique Guillaume Durin, qui s’occupe de la coordination européenne d’Alternatiba en vue du grand événement. On ne demande pas au gens de mettre des ampoules basse consommation, on veux juste une solidarité, on est inapte à gérer nos biens communs ensemble et la Terre en est un ».

La « velorution »

La conférence de Paris sur les changements climatiques aura lieu dans près d’un mois et doit être décisive pour les générations à venir. Les États devraient y ratifier un traité limitant le réchauffement mondial

Pour avoir une certaine visibilité et sensibiliser un maximum de personnes, Alternatiba a organisé cet été un tour de France à vélo. Les

Vers la Cop21, et au delà !

à 2°C : « On se dirige vers quelque chose d’horrible pour l’avenir, car si l’on continue comme ça, le climat aura pris 3°C en 2100, précise Guillaume Durin. Mais si on dépasse les 1,5°C cela aura l’effet d’un cercle vicieux de catastrophe naturelle. Aujourd’hui, nous sommes déjà à 0,8°C de plus que la normale. ». Le mouvement sera présent pendant toute la conférence avec son « quartier génial » et ses 200 « Alternatibistes » établis a l’île St Denis. Le 29 novembre, une journée avant le début de la Cop21, sera organisée une grande marche pour le climat où citoyens et associations seront présents pour apporter des solutions ensemble. Puis les 5 et 6 décembre se tiendra le village mondial des alternatives à Montreuil : « En accord avec la municipalité, on aura plusieurs espaces pour faire venir des porteurs et porteuses de beaux projets, de solutions pour organiser des débats, des concerts ou encore des animations. Le lieu sera festif » conclut Guillaume Durin. Le futur d’Alternatiba sera décidé à Bordeaux en février. En attendant, le mouvement concentre toute son énergie sur la Cop21 et les solutions à y apporter pour éteindre ce qui n’est, pour l’instant, qu’un départ de feu. Baptiste ARTRU

Les objectifs d’Alternatiba

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Resteriez-vous dans une maison qui prend feu ? Bien sûr que non. Cette métaphore, plus que jamais d’actualité lorsque l’on parle de climat, signifie que le temps presse, qu’il ne nous reste que quelque années pour sauver la planète et essayer d’éteindre les flammes. Et c’est justement ce que tente de faire depuis maintenant deux ans le mouvement Alternatiba (« alternative » en bayonnais). Son but ? Essayer de nous faire comprendre que le climat est important, qu’il ne faut pas prendre le réchauffement planétaire pour un simple « phénomène » mais vraiment comme une catastrophe qui grandit de jour en jour. Et, le plus important, changer nos habitudes.

La volonté de changement et les solutions viendraient donc d’en bas, du local, des citoyens, beaucoup plus enclins à faire changer les choses que les Hommes politiques. Le mouvement, originaire du pays basque, a donc la velléité de trouver des alternatives qui vont permettre de réduire et stopper les problèmes climatiques à petite ou grande échelle. Son slogan : « Il faut changer le système, pas le climat ». En 2009, la conférence de Copenhague fut un échec et une désillusion pour beaucoup des chefs d’Etat comme des populations. Une désillusion qui donna son élan au mouvement avec, au mois de

septembre 2010, l’annonce d’un projet de village écologique lors de la journée d’appel international contre le réchauffement climatique. L’idée se concrétisera finalement le week-end du 5 et 6 octobre 2013 sous l’impulsion de l’organisation écologiste basque « Bizi ! » et avec le soutien de Stéphane Hessel. Le premier « Alternatiba, village des alternatives » prit place à Bayonne et attira 12 000 personnes avant de se clôturer par l’appel de Christiane Hessel a créer « 10, 100, 1000 Alternatiba ».

Une volonté d’unité Une fois cette première pierre posée à l’édifice, d’autres « Alternatiba »

- Diffuser le message de l’urgence climatique, sensibiliser le grand public et les élus à la nécessité de baisser rapidement et radicalement nos émissions de gaz à effet de serre, interpeller sur les conséquences dramatiques de l’absence d’accord international ambitieux, efficace, contraignant et juste sur le climat. - Combattre l’effet possible de sidération, le sentiment d’impuissance et donc la démobilisation que peuvent provoquer la gravité et l’importance du défi climatique, en montrant que les solutions existent et qu’elles sont à notre portée, créatrices d’emploi, porteuses d’un monde plus humain, convivial et solidaire. - Appeler à mettre en route sans plus attendre la transition sociale, énergétique et écologique nécessaire pour éviter le dérèglement profond et irréversible des mécanismes du climat.

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INTERNATIONAL

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Primaires américaines : le vote latino plus décisif que jamais Avec 52 millions d’individus, soit plus de 17% de la population américaine, les hispaniques se poseront en arbitre des élections de 2016. À n’en pas douter, le candidat qui l’emportera sera celui qui aura le mieux senti la transition démographique à venir au pays de l’Oncle Sam. © Vanessa A. Alvarez

Leader d’une manifestation d’opposition au durcissement du discours anti-immigration, le collectif latino-américain « Un jour sans Trump » (Un dia sin Trump) entend bien recentrer le débat des primaires républicaines.

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« Quand le Mexique nous envoie ses gens, il n’envoit pas les meilleurs éléments. Il envoit ceux qui posent problèmes. Ils apportent avec eux la drogue. Ils apportent le crime. Ce sont des violeurs ». Cette phrase serait probablement passée inaperçue au pays de la liberté d’expression sans concession si elle n’avait pas été tenue par le candidat le plus électoralement à même de l’emporter à ce jour. Donald Trump, l’homme d’affaire candidat aux primaires républicaines, ne retient pas ses coups contre la minorité hispanique. Et jusqu’ici, ça marche. Caracolant en tête des sondages depuis plusieurs mois, le milliardaire a fait de sa ligne anti-immigration son cheval de bataille. Et quand bien même les sondages actuels dénotent une nette perte de vitesse des intentions de vote en sa faveur depuis le second débat télévisés des Républicain, (il a récemment perdu près de 8 points), Trump reste loin devant les adversaires de son camp,

du haut de ses 24% contre les 15% âprement acquis de Carly Fiorina, ancienne patronne de Hewlett-Packard. Des attaques volontairement stigmatisantes qui ne relèvent en aucun du dérapage mais bien de la stratégie politique purement comptable visant à lui assurer l’investiture du parti. Celles-ci visent particulièrement les immigrés mexicains, largement majoritaires dont la part des hispano-américains, représentant 32 millions d’individus sur les 55 millions de latinos (la deuxième plus grande population hispanique du pays étant composée de Portoricains, puis de Cubains). Ces statistiques ethniques, légales aux Etats-Unis, sont fournies par le très officiel Bureau de recensement américain. Chiffres auxquels on peut par ailleurs ajouter 11 millions de travailleurs illégaux, eux aussi, en grande partie mexicains. Une immigration bien spécifique liée bien sûr à la proximité géographique des

de la culture hispanique, notamment via l’usage de l’espagnol comme langue principale et qui s’étalerait du Mexique jusqu’aux Etats du Sud et de la côte Est des Etats-Unis. Cette domination culturelle non-inscrite serait, selon l’auteur, de nature à révéler l’incongruité de frontières artificielles sans aucune réalité factuelle face aux liens économiques préférentiels qui seraient tissés au sein d’une même nation, quand bien même celle-ci se dessinerait à cheval entre le Mexique et les Etats-Unis. Nombreux sont les idéologues à avoir depuis, repris à leur compte le principe de Mexamerica pour le détourner de sa vocation première, à savoir l’étude sociologique, pour en faire un argument d’autorité : une « invasion » hispanique menacerait l’unité fédérale des Etats-Unis. Un vocabulaire martial qui entraîne des mesures non moins martiales quant à la crainte du phénomène de la porte grande ouverte (Wide open gate), théorie qui veut qu’un afflux d’immigrés réussissant leur installation fera appel d’air et incitera encore davantage d’immigrés à tenter de franchir la frontière. Cette dernière, tracée avec le Mexique et partiellement poreuse, se veut à terme infranchissable. Grillages, barbelés, mira-

dors, patrouilles des deux côtés du mur et même appel à la mobilisation citoyenne qui incite les internautes à surveiller par webcam certains tronçons afin d’alerter les autorités dans le cas où ils seraient témoins d’une tentative de franchissement. Au total, 3 200 kilomètres de frontière que Donald Trump, candidat numéro 1 pour les républicains, entend bien renforcer en construisant une véritable muraille entre les États-Unis et le Mexique. Quant au financement de ce mur, le milliardaire se veut intraitable : « Ce sont les Mexicains euxmêmes qui le paieront ! » Les élans populistes d’un Trump qui délaisse de plus en plus les sujets de politique pure au profit d’un discours centré sur des idées de la droite dure américaine : l’immigré, quand il n’est pas criminel, vole le travail du citoyen honnête. Suite au durcissement du discours pré-électoral anti-immigration des Républicains, Barack Obama a tenté de disqualifier le candidat Trump en affirmant que « ces propos ne sont pas ceux qui ont fondé l’Amérique ». Une tentative de rappeler que les États-Unis se sont construits par l’immigration mais qui souffre néanmoins des comparaisons historiques avec les précédentes vagues d’arrivée d’étrangers sur le territoire

américain, qui se sont toujours accompagnées d’un fort rejet politique et populaire.

L’intégration dans la douleur Pour Bénédicte Deschamps, professeure d’Histoire de l’immigration américaine à l’université Diderot Paris 7 et auteure de « l’Immigration aux États-Unis de 1607 à nos jours », l’immigration des hispaniques d’Amérique centrale et du Sud s’inscrit dans un schéma identique que celui qui a accompagné la venue d’immigrés aux Etats-Unis ces deux derniers siècles: « Hollandais, Allemands, Irlandais, Italiens, juifs d’Europe de l’Est, Chinois, Coréens, Japonais et depuis quelques années hispaniques, toutes ces vagues d’immigration ont été d’une manière ou d’une autre stigmatisées à leur arrivée par la vague précédente qui avait fini par se faire accepter de la majorité Wasp (White anglo-saxon protestant). Il faut voir les caricatures de l’époque, notamment sur les Irlandais au milieu du XIXème siècle, qui les représentaient en singes, cela rappelle des choses! Il faut dire aussi que les Irlandais cumulaient les torts, ils n’étaient pas seulement étrangers, ils étaient catholiques. »

deux pays qui partagent une frontière commune sur plusieurs milliers de kilomètres, mais aussi une histoire commune, entre attraction mutuelle et relations conflictuelles. Les hispaniques représentent aujourd’hui un électorat toujours en croissance, à l’importance capitale pour les différents candidats aux primaires républicaines comme démocrates qui usent de la carotte et du bâton, entre stigmatisation et séduction clientéliste ravivant ainsi un certain effet d’ethnicisassions de la société américaine. L’enjeu : un mandat à la Maison Blanche.

Vers une Mexamerica élargie ? En 1981, dans son livre Les Neuf nations d’Amérique du Nord (The Nine Nations of North America), Joel Garreau, politologue américain, théorisait déjà la notion de Mexamerica, une région fictive dont le tracé correspond à une domination supposée

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INTERNATIONAL Des discriminations qui ne se limitent pas seulement à une crainte populaire dont certains médias, (aujourd’hui représentés par la très conservatrice Fox-News) se font le relai, mais à une législation spécialement adaptée pour chacune des vagues d’immigration successives : « L’immigration mexicaine est certainement celle qui s’est le plus étendue dans le temps aux États-Unis, mais c’est avec le Bracero Program, mis en place entre 1942 et 1964, que ses conséquences sont devenues les plus visibles pour l’opinion publique. » À cette époque, une série de lois en partenariat avec le gouvernement mexicain favorisant la venue de travailleurs mexicains, temporaires et permanents, ont incité l’installation de milliers de foyers étrangers dans le Sud. Après la carotte, le bâton : « une nouvelle série de lois en 1986, 1994 en Californie et 1996 au niveau fédéral sont venus replacer un cadre à cette immigration légale en limitant les droits des immigrés auparavant « invités » par le gouvernement américain ». Ces dernières mesures leur interdisaient l’accès à la plupart des services publics du Welfare Sate (État providence), en en faisant, de

INTERNATIONAL fait, des travailleurs de seconde zone sans aucun acquis social.

Un catholicisme qui fait grincer des dents Comme pour l’immigration irlandaise en son temps, les immigrés hispaniques et les générations qui les ont suivis ont emmené avec eux un catholicisme bien souvent vu d’un mauvais œil aux États-Unis, pays qui s’est fondé en partie contre les oppressions religieuses que subissaient certains cultes par rapport à d’autres jugés dominateurs et prompts à s’imposer par la force. Cette religion « de l’austère » est encore aujourd’hui source de crainte pour une partie des Américains dont le sentiment d’appartenance nationale s’est bâtie sur des préceptes quasi-religieux d’indifférenciation volontaire de l’Église et de l’État où se mélangent la rhétorique protestante et les symboles républicains. Le Protestantisme et l’État fédéral Américain s’étant par nature soudés grâce à la prépondérance de la notion de liberté qu’ils ont en commun et qui a fini par se muer en justification quasi-divine du Libéralisme. On peut ainsi expliquer la défiance

de certains Wasp américains (blancs) pour l’autorité papale qui ne prêche pas seulement pour sa paroisse mais bien souvent contre l’idée d’enrichissement personnel. Ainsi, c’est bien à reculons que le Pape François a effectué le mois dernier sa première visite aux États-Unis. En effet, ce dernier est relativement prompt à entrer sur le terrain politique en enjoignant à devenir écologiquement responsable ou en mettant en garde contre les dangers de la société de surconsommation, du libéralisme et de l’écart qui se creusent entre les plus riches et les plus pauvres. C’est précisément cet aspect qui aurait risqué de causer des crispations entre le Saint-Père et ses interlocuteurs politiques américains qui jugent ses idées trop « socialistes » pour avoir une quelconque application pratique aux Etats-Unis. Ainsi, le succès populaire de la visite du Pape aura une importance capitale lors des prochaines élections américaines. Il apparait clair que pendant son excursion outre-Atlantique, l’audience de François était principalement composée d’Hispaniques. Lui-même Argentin, il s’est adressé 14 fois dans sa langue maternelle, l’espagnol, sur

Manifestation anti-immigration en marge des débats politiques des primaires américaines.

© Lucy Nicholson

les 18 discours qu’il a tenu. Et n’a pas hésité à faire part de ses craintes quant aux discriminations « contre les vagues successives de nouveaux Américains ». Une manière de rappeler à l’ordre le camp républicain de plus en plus vigoureux contre les immigrés, clandestins comme légaux. Les candidats du Parti Démocrate pourraient y voir aussi, lors de leurs primaires comme lors de la présidentielle à venir, une opportunité de capter un électorat important en adaptant certaines mesures de leur programme pour faire écho aux directions données par le souverain pontife lors de ses différentes interventions. C’est ainsi que la semaine dernière, à Las Vegas, Hilary Clinton donnait un coup de barre à gauche lors de son premier grand meeting depuis plusieurs mois en se voulant rassurante vis-à-vis de la population hispanique : « Nous sommes une nation d’immigrants, construite par des immigrants. Les Républicains font beaucoup de tort à notre nation avec leurs insultes et leurs attaques », avant d’ajouter qu’elle s’inscrirait dans la droite ligne de Barack Obama pour ce qui est de la politique d’immigration en continuant de travailler sur un assouplissement de la réglementation des reconduites à la frontière.

Un électorat communautaire

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Les efforts de Barack Obama quant à la mise en place de ces réformes

de l’immigration se sont pourtant vus contrarier par les rapports de force au sein du Congrès au grand dam des nombreux latinos qui se sont spécifiquement mobilisés pour élire le premier président américain issu d’une « minorité visible », comme en témoigne Frédérick Douzet, maître de conférences à l’Institut français de géopolitique de l’université de Paris 8 : « En 2008 déjà, lors de son élection, plus de 70% des votes latinos lui étaient revenus. Même ordre de grandeur en 2012 contre Romney. A eux seuls, ils avaient sauvé trois postes de sénateurs démocrates et fait remporter trois états clés au parti. La difficulté pour Obama a été de ne pas décevoir son électorat le plus fidèle et le plus mobilisé : les hispaniques ont été touchés de plein fouet par la crise et en subissent encore les conséquences collatérales. » Restent des chiffres particulièrement parlants : si les Hispaniques ne représentent que 17% de la population américaine, ils représentent 26% des naissances de la population totale. Une croissance rapide qui n’est pas près de baisser et qui sera une nouvelle fois au centre des calculs électoraux, les deux élections d’Obama ayant prouvé que les latinos semblent voter de concert, accordant pour une grande majorité, leurs voix au même candidat : celui jugé le plus à même de servir leurs intérêts en tant que minorité. « Le décalage entre la

virulence des débats autour de l’immigration et la diversité croissante de la population illustre bien le fait que les États-Unis se sont construits par des vagues d’immigrés finalement intégrés après avoir subi résistances xénophobes et conflits, explique Frédérick Douzet, la question raciale conserve toute sa pertinence pour comprendre une société qui, tout en prenant en compte les défis de la diversités, est encore loin de les avoir dépassés ». Cet été, le bureau de recensement américain révélait que les latinos étaient maintenant plus nombreux en Californie que les « blancs ». Une réalité qui est appelée à se répéter dans les États du Sud et de l’Ouest des États-Unis et de peser ainsi encore davantage dans chacune des élections à venir. Si pour l’instant, la stratégie anti-immigrationniste semble payer et maintenir Donald Trump au sommet des sondages des Républicains, il est fort probable que démographiquement parlant, il devienne de plus en plus compliqué de surfer politiquement sur « la menace immigrée ». Et qui sait… Les Républicains se verront donc peut-être contraints d’aborder des sujets politiques et non plus seulement ethniques et moraux pour séduire leurs électeurs… Yohann Bourgin

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INTERNATIONAL

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Boko Haram, des terroristes comme les autres Face aux différents succès militaires remportés par l’armée nigériane et ses alliés, Boko Haram a modifié son mode opératoire. La secte a basculé dans l’action asymétrique. Un changement qui appelle une réaction rapide des autorités. riposte qui se voit rapidement contrée par les combattants de la secte, mieux renseignés sur le terrain, mieux organisés et bénéficiant d’arrières postes et de dépôts de munitions. C’est dans le cadre de ces batailles de territoire qu’a lieu le rapt des 276 lycéennes dans la ville de Chibok, dans l’état du Borno le 14 avril 2014.

Un impact politique important Ce rapt, couplé à l’avancée régulière des troupes de Boko Haram ont eu un impact profond sur la vie politique nigériane. Porteur de nombreux espoirs, Muhamadu Buhari est ainsi élu le 29 mai 2015 sur un programme axé sur une riposte intransigeante à Boko Haram. Ancien militaire putschiste réputé pour sa dureté, Buhari promettait de traiter Boko Haram comme un groupe terroriste, mais aussi de faire le ménage parmi les cadres de l’armée et de l’administration corrompus. A l’époque, le dispositif militaire était considéré comme largement insuffisant par les experts. Ainsi, Samuel Nguembock parlait de « limites et de failles importantes ». A ses yeux, on assistait alors à une « mobilisation au coup par coup des pays concernés plus qu’à une vraie coopération internationale ». Plus encore, il pointait du doigt l’égoïsme de pays avides de « défendre leurs intérêts puisque de nombreux axes d’approvisionnement pour le Tchad,

Boko Haram est une secte islamiste fondée en 2002 à Maiduguri dans l’Etat du Borno, au Nord-Est du Nigéria. Mohammed Yusuf, fondateur de la secte y enseignait un Islam radical, refusant le mode de vie occidental. Le nom de la secte signifie « l’éducation occidentale est un péché » signifiant ainsi le rejet total d’un mode de vie issu de l’occident. Cet enseignement induit une lecture littérale de l’Islam, et qui semble s’inscrire dans la tradition d’un islamisme subsaharien qui revendique la purification de la religion musulmane. Une revendication qui explique notamment que la secte n’épargne pas les musulmans, qui représenteraient 80% des victimes de Boko Haram

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le Niger ou le Bénin étaient menacés par la présence de Boko Haram ». Conclusion, « les états-majors ne coordonnaient pas les efforts de leurs troupes. Boko Haram profitait ainsi des failles du dispositif pour accroitre sa mobilité ». Muhamadu Buhari tient cependant parole. Dans les mois qui suivent son accession au pouvoir, il entreprend de combler les manques constatés sous le mandat de Goodluck Jonathan. Des manques au premier rang desquels l’absence de discussions et d’entente entre le Nigéria anglophone et ses voisins francophones. Un écueil considérable dans la mise en place de la Multinational Joint Task Force (MNJTF), la Force Multinationale Conjointe. Le Tchad et le Niger s’en étaient retirés face à l’incapacité du Nigéria (à la tête de la MNJTF) à assumer son rôle. C’est donc seul que le Tchad a fait face à la secte islamiste en Février 2015 sur le territoire nigérian, notamment aux abords du lac Tchad. Les victoires alors remportées vont servir de déclencheur. Assumant enfin ses responsabilités, l’armée nigériane se heurte de nouveau aux islamistes le long de la frontière avec le Cameroun. Face aux tentatives des djihadistes de s’emparer des villes de Diffa et Bosso, les armées tchadiennes et nigérianes repoussent leurs assauts. Des victoires à l’époque fêtées par le porte-parole du ministère de la Défense, le colonel Didier Badjeck : « Nos actions ont concouru à diminuer significativement leur potentiel. […] Je pense que c’est une secte désorganisée, à l’agonie. Il faut ajouter que grâce à la coopérations de l’armée Tchadienne, nous sommes aujourd’hui à la mesure des missions qui incombent aux forces de l’ordre ».

La force multinationale se fait toujours attendre En parallèle de ces collaborations armées ponctuelles, multipliant les déplacements au Tchad, Niger,

nigérian Abbah. Pourtant, le besoin de mettre en place une coopération efficace transfrontalière se fait plus que jamais sentir. Face à la perte de terrain, mais aussi et surtout à l’éparpillement de ses combattants (retranchés dans des zones difficiles d’accès), Boko Haram a basculé © Alifazal,creative commons

Boko Haram, secte islamiste fondée en 2002 à Maiduguri dans l’état du Borno (Nigéria) est longtemps apparue comme comparable à l’Etat Islamique de par sa propension à conquérir, à partir de 2010 et au prix de sanglantes échauffourées avec les armées régionales, des régions entières du Nigéria. Le pays le plus peuplé d’Afrique peinait alors à faire face à l’avancée d’une secte dont les nombreuses arrières bases dans le Nord leur permettaient d’assurer une conquête territoriale de plus en plus significative. En 2011, Goodluck Jonathan était d’ailleurs élu président de la République sur un programme qui prônait une réponse armée cinglante. Des promesses dès le début inconsistantes, Boko Haram ayant décidé de profiter de l’élection présidentielle pour « marquer le coup » et multiplier les attentats. Peu de temps après l’arrivée au pouvoir de G. Jonathan, c’est même le bureau des Nations Unies à Abuja (capitale fédérale du Nigéria) qui était visé (18 morts). Deux ans après son élection, et alors qu’il était revenu sur ses promesses de campagnes en déclarant vouloir privilégier la voie diplomatique avec Boko Haram, le président nigérian décrétait l’état d’urgence dans trois régions du Nord-Est particulièrement touchées par l’avancée de la secte, Borno, Yome et Adawaba. C’est le point de départ d’une réelle riposte armée organisée par le Nigéria. Une

Cameroun et Bénin, Muhamadu Buhari renoue le dialogue avec les chefs d’état des pays voisins dans le but de relancer le processus de mise en place de la MNJTF. Une mise en place initialement prévue pour l’été dernier, mais qui finalement a été sans cesse repoussée en dépit

Muhammadu Buhari, président de la République du Nigéria.

du fait que les décideurs soient conscients de l’urgence, comme l’a exprimé Mull Sebujja Katena, le Président du Conseil de Paix et de Sécurité de l’Union Africaine « Nous nous félicitions particulièrement du partenariat entre le Nigéria et ses pays voisins. Il est très important que le Nigéria continue ainsi car cette lutte est difficile. ». L’objectif de ce dispositif est d’aboutir à une force armée de près de 8 700 militaires, policiers et gendarmes, dont l’étatmajor sera placé à N’Djamena au Tchad, sous la direction du général

le conflit asymétrique, comme le reconnaissait début juillet Hassoumi Massaoudou, ministre de l’Intérieur nigérien : « Ils ne peuvent plus tenir de territoires et sont obligés de pratiquer une guerre asymétrique ». Dernier écueil dans la mise en place de cette force, déterminer sa zone d’action. Supposée lutter contre un groupe terroriste dont la connaissance du terrain, les ramifications et l’implantation dans certaines régions lui permettent de frapper d’un jour à l’autre deux cibles séparées de plusieurs centaines

de kilomètres, cette problématique dérange. Certains suggèrent en effet que des pays, et notamment le Tchad, verraient d’un mauvais œil la violation possible de leur souveraineté nationale. Des appréhensions certes compréhensibles, mais que les récentes actions menées par la secte islamiste doivent faire passer au second plan. Depuis le début de l’été en effet, les attentats se multiplient (voir carte). Au Nigéria d’abord (338 morts pendant la première quinzaine de juillet selon les estimations de Jeune Afrique), puis au Tchad, au Niger et au Cameroun, les attaques kamikazes portées par des civiles, souvent des femmes, des enfants ou des handicapés grèvent l’économie locale (les marchés sont souvent visés) et terrorisent les populations. Pourtant, aux yeux de certains, la MNJTF n’est pas une réponse adaptée au nouveau mode opératoire de Boko Haram. Cette force de 8700 soldats correspond à un conflit de type plus traditionnel, et non à un conflit asymétrique, comme l’explique Samuel Nguembock, professeur de géopolitique, lors d’une interview donnée à l’IRIS : « Cette mobilisation avait eu lieu au moment où Boko Haram occupait plus de trentesix localités dans trois des Etats du Nigéria au Nord-Est du pays et où l’armée nigériane se montrait incapable de reprendre le contrôle de ces territoires. […] Le fait de mobiliser des soldats aux frontières des différents pays ne permettra certainement pas d’endiguer Boko Haram dans sa stratégie actuelle qui lui permet d’alterner remarquablement offensives éclaires contre des villages et attentats-suicides à l’intérieur des pays. ».

Les populations civiles concernées Les pays les plus touchés souhaitent désormais développer un réseau local d’information en s’appuyant sur la population civile afin de faire face à une menace terroriste accrue et dont les cibles sont désormais civiles et non militaires : « Il y a une atmosphère de solidarité nationale parce que la menace Boko Haram est une menace globale. Le caractère asymétrique de cette guerre contre cette nébuleuse appelle l’ensemble de notre population à la vigilance,

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Attentat à la bombe de Boko Haram à Abuja

Un appel à l’aide

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mais ce qu’il y a de nouveau c’est une prise de conscience aigüe de nos populations face à certains éléments nouveaux, très importants. » (Issa Tchiroma Bakary, ministre de la communication du Nigéria). Ainsi les différents gouvernements comptent sur les Comités Populaires, formés de civils supposés collaborer étroitement avec la police. Des comités qui seraient, selon les chiffres communiqués par les différents porteparoles gouvernementaux, à l’origine de près de 80% des arrestations d’insurgés. Pourtant, ces comités ne font pas l’unanimité auprès de la population. Les autorités ont beau multiplier les déclarations rassurantes, promettant par exemple que chaque comité est enregistré dans les sous-préfectures, le fait est que l’Etat arme des comités dont l’action est parfois compliquée à canaliser. Aux yeux de la population, l’état arme des bataillons voyous qui seront les prochains à poser des problèmes quand le pouvoir en place n’aura plus besoin d’eux. Preuve de ces problèmes, ces comités ont déjà nécessité l’intervention du Bataillon

d’Intervention Rapide du Cameroun.

L’Afrique de l’Ouest isolée L’objectif de Boko Haram est clair : maintenir la région dans une situation d’insécurité et d’instabilité propice à la déstabilisation des régimes en place. Aux yeux de Mathias Owona Nguini, interrogé au micro d’Africa24, « Ce groupe entend maintenir la pression sur les états du bassin du lac Tchad. Il s’agit pour les dirigeants de Boko Haram de montrer que l’accession au pouvoir du président Muhamadu Buhari n’a pas fondamentalement modifié la situation. Dans cette perspective, le groupe doit rester une menace permanente. Le groupe avait été affaibli, et il lui a fallu un peu de temps pour reconstituer son potentiel de nuisance pour montrer qu’il n’avait pas été anéanti. ». Une situation qui pousse les puissances occidentales à se pencher sur le problème. Les Etats-Unis notamment se sentent particulièrement concernés par le sujet. Le Nigéria est en effet le premier producteur de pétrole

brut en Afrique. Une production dont 40% est consommée aux USA, ce qui représente près de 10% des importations pétrolière. Par conséquent, et dans le cadre d’une réduction de la dépendance américaine au Moyen-Orient, les troubles sur le territoire Nigérian figurent au premier plan de leurs préoccupations. L’aide a tardé à venir, car dans un premier temps, Boko Haram ne visait pas les sites stratégiques comme les barrages ou les puits de pétrole. Pourtant les observateurs ont toujours estimé possible voir probable une évolution du mode opératoire de Boko Haram, comme l’affirmait déjà Samuel Nguembock en Mars 2014 : « Face à la menace terroriste, la première protection va aux sites stratégiques, et Boko Haram le sait. Pourtant si les moyens de la coalition armée deviennent supérieurs au dispositif mis en place par Boko Haram pour occuper les régions du Nord, alors le groupe sera susceptible d’avoir recours à une guerre asymétrique qui verra des opérations viser les sites stratégiques. »

Une évolution qui désormais adoptée. Bien que les sites stratégiques précédemment cités n’aient pas encore été attaqués, les Américains n’ont pas attendu pour agir. Outre la mise à prix de la tête d’Abubakar Shekau, le chef de Boko Haram pour 7 millions de dollars, Barack Obama a récemment informé le Congrès que 300 militaires allaient être déployés au Cameroun pour des missions de renseignement, de surveillance et de reconnaissance aérienne. Alors que 90 soldats américains sont d’ores et déjà sur place, on a depuis appris que l’armée allait déployer des drones audessus de l’Afrique de l’Ouest dans le

cadre de ces missions de surveillance et de reconnaissance. Un soutien bienvenu, mais insuffisant aux yeux de l’Union Africaine qui souhaite désormais voir la communauté internationale, et notamment l’ONU, agir, comme le demande Mull Sebujja Katenda, Président du Conseil de Paix et de Sécurité de l’Union Africaine : « Le Conseil de paix et de sécurité des Nations-Unies ont la possibilité d’assurer la paix n’importe où dans le monde donc là où nous africains nous faisons des efforts, nous espérons aussi que la communauté internationale nous supportera. » . Une demande légitime, mais dont les chances d’aboutir sont peu

concluantes tant que les pays africains en charge du problème ne développeront pas une collaboration efficace. En attendant, Boko Haram multiplie les tueries. Des tueries dont il est parfois compliqué de chiffrer précisément le nombre de victimes tant les actions de la secte sont éparses. Plus encore, les bilans officiels semblent occulter les victimes de kidnappings et les victimes collatérales causées notamment par l’action des Comités Populaires. Des bilans qui risquent, dans un futur proche, d’être beaucoup plus lourds que prévus. Charles de Jouvenel

L’économie nigériane inquiète La présence de Boko Haram sur le territoire Nigérian depuis le début des années 2000 a des conséquences terribles sur l’économie locale. Il existe de gros écarts de développement entre le Nord, uniquement agricole, et le Sud dont le potentiel économique est sans commune mesure. Le pétrole et le gaz y sont présents en masse, amenant de nombreux investisseurs étrangers. Par ailleurs, l’état nigérian a mis en place un principe de dérivation qui accorde un revenu supplémentaire aux états producteurs de pétrole, ce qui creuse les inégalités. Les exactions de Boko Haram dans le Nord du pays accentuent ces disparités. Ainsi l’état du Kano est révélateur de la situation. Cet état produit l’essentiel du blé, du maïs et du riz du pays, mais les mouvements de population qui voient les habitants fuir une région sinistrée, abandonnant ainsi de nombreuses terres arables. Par ailleurs, la nouvelle stratégie de Boko Haram qui vise de plus en plus souvent les populations civiles, et notamment les marchés, contribue la aussi à grever l’économie locale. Pour combler le manque, le Nigéria va devoir accroitre ses importations, au risque d’un déséquilibre important dans sa balance commerciale.

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Espagne : le phénomène Ciudadanos À deux mois des élections générales en Espagne, le parti libéral Ciudadanos caracole dans les sondages et menace de rompre le bipartisme en vigueur depuis la transition démocratique. L’occasion de faire les présentations. La conversation est sereine, posée, aucun éclat de voix ne se fait entendre. Autour d’un café en ce dimanche d’octobre, les deux hommes débattant des solutions à mettre en œuvre pour construire l’Espagne de demain dissertent économie, privations ou référendum catalan. Arbitré par Jordi Evole, présentateur du programme « Salvados », l’émission phare de La Sexta (sixième chaîne de la télévision espagnole), el debate met aux prises les deux têtes de gondole du renouveau politique outre-Pyrénées : Pablo Iglesias, le leader de Podemos (Nous pouvons), et Albert Rivera, le représentant ultra-médiatique de Ciudadanos (Ciutadans en catalan, Parti de la citoyenneté). Si tous les journaux TV ont disséqué cette rencontre au sommet les jours suivant, sondages de la meilleure impression à l’appui, c’est que

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l’un des deux duellistes pourrait bien se retrouver propulsé chef du gouvernement à l’issue des élections générales prévues le 20 décembre prochain. Depuis la mort du Général Franco et la transition démocratique opérée par le Roi Juan Carlos en 1975, seuls le Partido Popular (PP, droite conservatrice) et le Partido Socialista (PSOE, centre-gauche) se sont partagé le pouvoir étatique, dans une alternance linéaire. L’émergence d’une « troisième voie » serait historique et inscrirait l’Espagne dans l’ère du renouvellement politique. Nombreuses sont les raisons qui expliquent ce virage sur le point d’être opéré : la crise économique désastreuse pour les classes moyennes et populaires, le chômage de masse (50% des moins de 25 ans n’avaient pas d’emploi en 2012), les expropriations à tour de bras,

la droitisation de la société sous le gouvernement du PP (modification de la loi sur l’avortement, encadrement liberticide des manifestations, etc…) ou encore les fastes et affaires de corruption touchant une famille royale à bout de souffle. Alors que Podemos, plate-forme citoyenne issue de la société civile et née du mouvement des Indignés (des manifestants avaient occupé la Puerta del Sol à Madrid le 15 mai 2011 pour dénoncer les cures d’austérité) connaît depuis plusieurs semaines un coup de mou dans les sondages, le parti Ciudadanos rencontre lui une montée en flèche que rien ne semble pouvoir endiguer.

Une rupture dans la continuité Mathieu Petihomme est maître de conférences en science politique

à l’IUT de Besançon et spécialiste de l’Espagne. Pour lui, l’essor de Ciudadanos n’a rien d’illogique : « Nous assistons depuis plusieurs années à un affaiblissement des partis dits traditionnels, le PP et le PSOE. Leur image est ternie par les 25% de chômage chez les jeunes et les politiques successives qui ont été menées dans ce pays. Il y a besoin de renouveau. Ciudadanos, comme Podemos, est incarné par des trentenaires à l’image dynamique qui inspirent confiance à la nouvelle génération d’électeurs ». Il est en effet impossible de dissocier le succès de Ciudadanos de son leader Albert Rivera, 35 ans, avocat de formation et député au Parlement autonome de Catalogne. Tout comme Pablo Iglesias, il réussit à générer une sympathie médiatique et populaire par son style décontracté, bien loin du terne Mariano Rajoy, l’actuel Premier ministre. Ce n’est qu’à l’heure d’aborder les questions de fond, à savoir les propositions politiques concrètes, que l’on s’aperçoit que Ciudadanos, bien plus que Podemos, pourrait marquer un changement dans la continuité. Sorte de Modem espagnol, jusque dans l’utilisation de la couleur orange, le parti centriste Ciudadanos, plutôt libéral économiquement et très européiste, propose un programme qui s’apparente davantage à celui d’un PSOE rajeuni qu’à celui d’un Podemos, avide de ruptures et de changements institutionnels radicaux. Gérard Giménez Mateo a 22 ans et étudie l’ingénierie mécanique à l’Université de Barcelone. Très intéressé par le débat politique, il a voté pour la liste Barcelona en Comun (Barcelone en commun, soutenu par Podemos) et sa candidate désormais premier édile Ada Colau aux dernières municipales. Il a un avis très acéré sur l’émergence de Ciudadanos : « Ce parti est un copier-coller du PP en plus jeune. Ce sont des libéraux promonarchie, des défenseurs ardents de la Constitution de 1978 qu’ils ne souhaitent absolument pas modifier, et pour finir des anti-catalanistes. Je ne suis pas indépendantiste, mais si Ciudadanos prend le pouvoir au mois de décembre, je le deviendrai peut-être ». L’indépendantisme catalan est un autre des sujets brûlants qui clive chaque jour un peu plus les différentes formations

politiques. Ciudadanos, bien que né en Catalogne (Rivera est originaire de Barcelone), défend l’unité de l’Espagne et combat le séparatisme. À la différence d’un Podemos partisan du « derecho a decidir » (le droit de décider) et favorable à un référendum sur la question de l’indépendance de la Catalogne, Ciudadanos se montre hostile à toute consultation populaire, se voulant garant de l’intégrité de la Constitution de 1978 votée durant la transition démocratique. « Ce texte est dépassé. Nous voulons plus d’autonomie ou, du moins,

un récent sondage réalisé par le quotidien généraliste El Pais au début du mois, Ciudadanos talonnerait, avec 21,5 des intentions de vote, le PSOE (23,5%) et le PP (23,4%) si les élections générales avaient lieu demain. À noter qu’il distancerait très largement Podemos (14,1% des intentions de vote selon ce même sondage). Mathieu Petithomme : « Aux dernières élections municipales, Ciudadanos a joué un rôle d’arbitre pour gagner des municipalités. Dans certaines villes, il s’est allié avec le PSOE pour battre le PP qui

le droit de décider de notre futur. C’est comme la monarchie. Une majorité d’Espagnols, surtout la nouvelle génération, souhaite une troisième République et l’abolition de ce système de privilèges. Mais si Ciudadanoss se retrouve au pouvoir, il appliquera les mêmes méthodes que le PP : un mouchoir sur la bouche du peuple pour l’empêcher de s’exprimer et de changer ce modèle institutionnel vérolé ». Malgré ces critiques en cascade, Ciudadanos n’a jamais paru aussi près de peser politiquement. Aux dernières élections catalanes, la liste conduite par Inés Arrimadasa a obtenu 18% des suffrages et 16 sièges au Parlement régional. Selon

arrivait pourtant en tête au nombre de voix. Et c’est ainsi que ces villes sont dorénavant gouvernées par une alliance inédite PSOE-Ciudadanos ». Le même cas pourrait-il se produire en décembre ? « Tout dépendra de ce que décidera Rivera. Même si le PP remporte la majorité relative à la chambre des députés, il pourrait être battu en cas d’alliance. Et va savoir si Rivera ne deviendrait par conséquent pas le nouveau chef du gouvernement ». Réponse le 20 décembre. Anthony Denay

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Référendum de la gauche unie : un vote qui divise Organisé par le PS pour unir la gauche, le vote du week-end dernier fait polémique. Le Front de gauche dénonce une campagne de communication inutile et nocive. Le manque d’encadrement du vote sème le doute sur la véracité des résultats.

Le week-end du 16 octobre, le PS a organisé un référendum, ouvert à tous les sympathisants, pour « une gauche unie ». Cette démarche a été initiée le 19 septembre par JeanChristophe Cambadélis en réponse à l’alliance des écologistes du NordPas-de-Calais et de Picardie avec le Parti de gauche. Des postes de votes tenus par des militants ont été ouverts dans toute la France pour accueillir les intéressés. Un site web pour voter en ligne a également été affrété pour l’occasion. Il posait la question : « Êtes-vous pour ou contre l’unité de la gauche ? ». Si la proposition

paraît simple, son exécution même avec un soutien populaire de 251 327 personne dont plus de 90% ont voté oui, parait compliqué.

« C’est le top, pas le flop ! » La gauche à la veille des élections régionales est divisée entre plusieurs factions. Le Front de gauche comprenant le PCF, le Parti de gauche, le NPA et plusieurs autres partis représente l’aile dure de la gauche française. De l’autre côté du ring, le PS et le gouvernement de François Hollande. Cette fracture a fini

par coûter l’unité d’Europe Ecologie les Verts qui, lors de l’université d’été du PS, s’est divisé en deux camps. Les premiers déserteurs, François de Rugy et Jean-Vincent Placé, se sont placés sous l’aile de François Hollande, espérant représenter l’écologie au sein de PS et obtenir des portefeuilles ministériels. Ce schisme a permis de « verdir » le PS à la veille de la COP21, tout en élargissant le fossé entre le Front de gauche et le gouvernement. C’est dans ces circonstances que Julien Dray, député PS en Essonne, et Jean-Christophe Cambadélis,

secrétaire général du PS. Ce système de vote a provoqué un tollé dans la gauche française. Le secrétaire général du PS était quant à lui très satisfait du résultat. Plus de 250 000 personnes auraient voté à ce référendum, 90 % des votants auraient répondu oui pour une coalition des gauches contre la droite, il a commenté ces chiffres : « C’est le top, pas le flop ! ». Des personnalités de gauche sont par contre moins enthousiastes. C’est le cas de Emmanuelle Cosse, secrétaire nationale d’EELV : « Donc je viens de recevoir un mail de « référendum Unité » me remerciant pour mon vote ?!?? Bourrage des urnes… Je le crains, » a-t-elle déclaré sur son compte Tweeter.

Des militants PS moins convaincus que les élus

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« Pour l’unité, c’est mal parti », commente Mme Hyaumet militante socialiste de l’Ain, « mais c’est un bon début pour une ouverture. C’est une bonne approche pour lutter contre le FN ». Michel Pouzol, député PS dans l’Essonne, soutient aussi ce vote public : « Ce pas vers l’union des gauches est une bonne initiative,

surtout avec la montée du FN ». Il modère cependant l’impact du référendum : « C’est une démarche utile, mais elle ne change pas grandchose. Nous aurions plus de succès si nous travaillions sur le fond plutôt que la forme : l’union commence par des choix politiques. Nous faisons des politiques locales de gauche notamment sur le logement et la fonction publique. » « Ce référendum est bidon, c’est un cache-misère de la politique du PS. C’est un coup de communication pour faire croire à l’union », s’insurge Victor Vauquois, Le secrétaire fédéral des Jeunes Ecologistes. « C’est un prétexte pour justifier leur politique, il est absurde de lancer un référendum dans le vent comme ça. » Les craintes viennent surtout des régionales à venir : « Ce type d’action ne fait que diviser, pour les régionales les citoyens choisissent selon un contexte local ». L’impopularité à gauche de ce sondage se fait clairement ressentir. Des opposants du PS ont fait leur propre référendum. La question était, « est-ce que vous dites oui à une politique de gauche ? ». La réponse a été rapide et ferme : plus de 10 000 votants ont répondu oui. Les organisateurs, Caroline de

Haas, Jullien Bayou et Elliot Lepers dénoncent « le chantage au FN » de François Hollande qui leur mettrait sur le dos le score du FN.

Soupçon de votes truqués Pour voter, il suffisait de donner une adresse e-mail, son nom et le département de vote. N’importe qui pouvait donc créer un courriel pour ajouter un vote. Des journalistes de France TV Info et de Metronews ont confirmé cette possibilité en votant avec de fausses adresses e-mails et sous de faux noms. Des personnes voulant orienter le scrutin pouvait créer à la chaîne des adresses e-mail pour voter à volonté. Quant à la possibilité d’un bourrage d’urne : « Pour les personnes ayant reçu les mails de remerciement, les votes ont été scriptés ou automatisés pour qu’ils n’aient plus qu’à appuyer sur le lien pour dire « oui ». C’est un peu comme s’ils leur filaient une enveloppe avec le oui à l’intérieur et qu’ils tenaient la main juste audessus de l‘urne pour que la personne n’ait plus qu’à lâcher l’enveloppe, » explique Richard Koehl, ingénieur informatique.

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POLITIQUE Une initiative néfaste Ce référendum aurait donc fait plus de mal que de bien. Il met en évidence la fracture entre les gauches sans pour autant vraiment rassembler. La fraude possible lors de ce référendum cause encore des dégâts à la réputation du PS déjà entachée par la politique nationale de François Hollande considérée par le Front de gauche comme une « politique de droite ». Cette démarche retourne le couteau dans la plaie pour les Verts. Après l’explosion du parti, l’avenir d’EELV est sérieusement compromis. L’écologie politique aura donc tendance à devenir un module s’attachant à des partis selon le contexte politique. Cette division du seul vrai parti écologique français paraît absurde à la veille de la COP21 à Paris qui devrait mettre en valeur ce genre d’idées. Pire encore, l’initiative de Cambadélis rend service à la droite. La désunion

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évidente fait paraître Les Républicains comme la seule alternative au FN. Ce coup de publicité ayant coûté 200 000 euros au PS a donc nuit à la gauche en général. L’unité quant à elle, paraît impossible. Emmanuelle Macron est au centre de toute les critiques du Front de gauche : « Je n’aime pas ces personnages, ce qu’ils disent, ce qu’ils font. J’exprime une révolte : comme moi, des milliers d’hommes et femmes de gauche sont humiliés d’être représentés par des gens pareils, qui n’ont rien à voir avec nous, » a déclaré JeanLuc Mélenchon sur Canal+. François Hollande ne peut pas se séparer de son ministre de l’Economie car c’est le seul assez populaire pour effectuer de grandes mesures qui pourraient le faire réélire. La fracture semble irréparable, en tout cas, pas avant les régionales. Le prix de la dissension se fera sentir dans les urnes en décembre 2015. Nicolas Brouste

Jean-Christophe Cambadélis À 64 ans, Jean-Christophe Cambadélis est un des anciens du Parti Socialiste. Il commence sa carrière politique à l’Unef, il adhère en 1971 à un parti trotskiste. Il arrive au PS en 1986. Ce vétéran de la politique a son lot de casserole : il est poursuivi en 2000 pour recel d’abus de biens sociaux dans une société gestionnaire de foyers de travailleurs immigrés. Il est alors condamné à cinq mois de prison avec sursis et 100 000 francs d’amende. Il a aussi été soupçonné dans l’affaire Mnef pour avoir bénéficié d’un emploi fictif entre 1991 et 1995. Après trois essais infructueux pour arriver à la tête du PS, il finie par y arriver après la débâcle électorale des socialistes aux élections municipales de 2014.


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Mixité sociale à la carte

Lundi, Libération dévoilait le projet de redéfinition de la carte scolaire de Najat Vallaud-Belkacem. L’objectif ? Favoriser la mixité sociale et éradiquer les « collèges ghettos ». Dix départements serviront de cobayes dès septembre 2016.

© infojeunes.eu

Début novembre, le gouvernement devrait annoncer une modification de la carte scolaire. Mais pour l’instant, chut ! La réforme du collège a déjà fait beaucoup de bruit alors Najat Vallaud-Belkacen préfère avancer à pas de loups. S’attaquer de nouveau à ce qu’elle appelle « le maillon faible » de l’éducation nationale semble délicat. Si aujourd’hui l’affectation d’un élève dans un collège se fait en fonction de son lieu de résidence, il devrait en être bientôt autrement. Du moins pour les petits Héraultais et Dionysiens (habitants de Seine SaintDenis). L’équation « un secteur = un collège » deviendrait « un secteur = plusieurs collèges ». Ainsi, les parents d’élèves dresseront une liste de vœux d’établissements et l’affectation sera décidée le Conseil départemental. « Ce système de souhaits rappelle le procédé employé pour le lycée » lance Annie Partouche, directrice académique de l’Yonne. « La décision finale se fera en fonction du temps de trajet collège-maison mais surtout du milieu de l’élève afin de respecter la mixité sociale sur l’ensemble du département » ajoute-t-elle.

La carte scolaire actuelle favorise les phénomènes de «collèges ghettos» et de «collèges élitistes».

Ainsi, contourner le système de la carte scolaire sera plus difficile. Cette pratique s’est largement répandue depuis 2007, année où Nicolas Sarkozy a mis en place un système de dérogation au nom de l’égalité des

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D’autres familles choisissent même de se tourner vers le privé. En 2013, un rapport du ministère de l’éducation nationale révélait une augmentation

La mixité sociale : une chance Des proches de Najat VallaudBelkacem insistent : « des études le prouvent: la mixité sociale a des effets positifs sur les résultats scolaires ». Pour Nathalie Hervé : « la mixité sociale permet d’avoir des têtes de classe qui poussent ceux qui ont plus de mal vers le haut. Mais à une condition : qu’il y ait un tiers de très bons élèves, un autre tiers d’élèves moyens et un dernier tiers d’enfants avec des difficultés sinon ces derniers sont découragés et ne se sentent pas encadrés ». Ainsi, les élèves apprennent à accepter les différences et à côtoyer des gens qui ne leur ressemblent pas forcément socialement. Ils veulent s’élever au même rang que les premiers de

la classe et travaillent davantage que s’ils étaient dans une classe homogène en termes de milieux sociaux et de réussite scolaire. Car oui, les résultats scolaires sont liés au milieu social et culturel dans la majeure partie des cas. C’est ce qu’indiquait Pierre Bourdieu dans un article intitulé « L’école conservatrice. Les inégalités devant l’école et devant la culture », publié dans la Revue française de sociologie (RFS) en 1966 : « l’héritage culturel qui diffère selon les classes sociales, est responsable de l’inégalité initiale des enfants devant l’épreuve scolaire et, par-là, des taux inégaux de réussite ». Dans un rapport de l’Insee (Institut national de la statistique et des études économiques) de 2009, on observe que le taux de retard scolaire varie très sensiblement selon le niveau de compétence des parents. Si presque la moitié des enfants sont en situation de retard scolaire lorsqu’ils sont issus d’une famille d’ouvriers ou d’artisans, ce n’est que le cas que d’un enfant sur cinq dont les parents sont parmi les plus compétents. Des inégalités de base que l’école se doit de combattre en favorisant la mixité sociale. Ce principe de mixité est d’ailleurs évoqué dans la loi de refondation de l’école de Vincent Peillon, adoptée en 2013. L’article 1 stipule que : « le service public de l’éducation veille à la mixité sociale des publics scolarisés au sein des établissements d’enseignement ». Or, la première carte scolaire élaborée en 1963 par Christian Fouchet, à l’époque ministre de l’éducation, n’est en

aucun cas liée à des préoccupations de mixité sociale ou scolaire. Ainsi, des disparités ont pu se mettre en place au fil des années et continuent aujourd’hui. En cause ? Le regroupement des enfants issus d’une même famille dans un même collège ou encore le choix d’une section, d’une option spécifique inhérente à tel ou tel établissement. Pour Choukri Ben Ayed, professeur en sociologie à l’université de Limoges et auteur de La Mixité sociale à l’école, « la France n’est pas une république différencialiste entre communautés, elle a pour visée de rassembler les individus. La mixité sociale devrait donc aller de soi mais ce n’est pas le cas et les élèves, les professeurs mais aussi les parents le vivent mal ».

Les enjeux de la nouvelle carte scolaire Réaménagée, maintenue, supprimée puis rétablie, la carte scolaire en a vu de toutes les couleurs. Et apparemment ce n’est pas fini. Pour Nathalie Hervé, « le projet de Najat Vallaud-Belkacen semble parfait en théorie. Par contre, dans les faits, ça risque de poser des problèmes de trajets pour ceux qui seront affectés dans un collège un peu plus loin de leur habitation que l’ancien. Et puis, ceux qui ont les moyens de mettre leurs enfants dans le privé pourront toujours le faire, pas ceux issus d’un milieu social défavorisé. Le problème est que la mise en place de la mixité sociale dans le privé est difficilement envisageable au vu du coût de l’enseignement ». Voilà qui créé des

© lexpress.fr

La mixité sociale favorise la réussite scolaire de tous. © enseignons.be

chances et du libre choix. Les cas de handicap, de problèmes médicaux ou encore de droit à la bourse en profitent. Mais également les parents soucieux de placer leur enfant dans ce qu’ils estiment être le meilleur établissement qui soit. D’après la DGESCO (Direction générale de l’enseignement scolaire), chaque année, 10 % des entrants en 6ème et en 2nde demandent une dérogation à la carte scolaire. « Seulement » 64 % d’entre eux reçoivent une réponse favorable. Alors en cas de refus, certains n’hésitent pas à déménager ou bien à fournir une fausse domiciliation. D’autres choisissent des langues ou des spécialités rares. C’est ce que déplore Nathalie Hervé, docteur enseignante contractuelle de français en collèges et lycées : « parfois, les parents choisissent par défaut et à la place de leur enfant, le russe ou le chinois en 3ème langue uniquement pour que leur cher chérubin ne se retrouvent pas dans tel ou tel établissement dont ils n’ont pas eu de bons retours ».

du nombre d’inscriptions dans le secteur. Une hausse notable depuis l’assouplissement de la carte scolaire en 2007. Frédéric Charreau, électricien résidant à Joigny (Yonne) avec sa fille Ilana, a choisi de délaisser le public. « J’avais eu de mauvais échos sur le collège Marie-Noël, récemment classé REP (Réseau d’Education Prioritaire) où elle était affectée selon les critères de la carte scolaire. L’enseignement et les élèves n’étaient pas brillants. Les gendarmes venaient souvent pour du trafic de drogue. Je ne voyais pas la mettre là-bas alors j’ai envisagé le privé. Lorsque la fiche d’affectation est arrivée, je l’ai laissée de côté et j’ai constitué le dossier pour le collège Saint-Jacques. Je paye 128 euros par mois, cantine, enseignement catholique et activités diverses compris. Les élèves sont bien suivis, ils peuvent interagir avec les professeurs qui n’ont pas besoin de faire la police toutes les deux minutes » raconte le père de famille. Cette valorisation du privé devrait être accentuée à la rentrée avec la suppression des classes de latin et bilingues pour les élèves qui entreront en 6ème à la rentrée 2016. Or, ce genre de tendances favorise le regroupement d’élèves issus d’un même milieu social, aisés et à l’inverse modestes, dans des établissements différents. Une ségrégation sociale qui prend de l’ampleur : 10 % des collèges français concentrent plus de 60 % des élèves socialement défavorisés.

Les «collèges ghettos» se sont multipliés depuis l’assouplissement de la carte scolaire en 2007.

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POLITIQUE établissements coupés du monde et de sa réalité pluriculturelle ou encore sociale. « Collèges ghettos », « collèges élites » : deux tendances à bannir pour éviter la disparition des élèves dits moyens ou encore du brassage socio-culturel. Une chose est sûre, les inégalités se creusent. Malika Zarouala, professeur de lettres modernes et coordinatrice de classes de 5ème, 4ème et 3ème au collège Jacques-Prévert de Migennes (Yonne) raconte : « l’établissement dans lequel je travaille se décompose en deux bâtiments : le collège du haut composé d’élèves aux origines sociales diverses et celui du bas où ce n’est pas vraiment le cas. Pour le second, il y a eu plus de mentions au brevet que pour le premier mais moins d’élèves ont eu le fameux diplôme ». Elle ajoute : « la plupart des élèves concernés par le décrochage scolaire sont dans une situation sociale inconfortable avec une famille monoparentale, des parents ouvriers, etc ». Il faut donc favoriser la mixité sociale pour développer la réussite de tous et éviter une sectorisation, mais, à cette réforme, Malika Zarouala n’y crois pas : « ceux qui auront les moyens d’aller dans le privé pourront toujours le faire. Sans encadrer le secteur, le brassage social me parait difficile ».

POLITIQUE Les dispositifs étrangers pour plus de mixité Beaucoup de pays étrangers ont depuis longtemps laissé tomber le principe de la carte solaire. La Suède a mis en place un système de chèque éducation qui permet aux familles une totale liberté quant au choix du collège de leur enfant. Autrement dit, l’inverse de ce que prévoit le projet d’expérimentation de Najat Vallaud-Belkacem avec la décision d’affectation prise par l’Etat français. Pour Choukri Ben Ayed, « cela permettrait de limiter les dispositions qui augmentent les ségrégations comme l’assouplissement de la carte scolaire en 2007 ». Il ajoute qu’il faudrait « réaliser des contrôles quant au respect de la mixité sociale, surtout dans le privé ». Des contrôles en place dans plusieurs pays. Dans quelques établissements londoniens, l’accueil des élèves fonctionne par quotas. Ils doivent accueillir un tiers d’élèves aux bons résultats, un tiers d’élèves aux résultats moyens, et un tiers d’élèves en difficulté. S’ils respectent les objectifs fixés par l’Etat, ce dernier leur laisse la liberté de s’autogérer. Aux Etats-Unis, ce sont des quotas ethniques qui sont mis en place ou encore une aide financière pour les

élèves résidant en zones difficile et qui aspirent à intégrer un établissement réputé. En Norvège, les options les plus demandées par les parents, telles que le latin ou l’allemand, sont proposées par des lycées de banlieue. Ainsi, des familles aisées y inscrivent leurs enfants qui côtoient diverses cultures (somalienne, kurde, etc.). Un modèle de vivre ensemble dont la France devrait s’inspirer au vue des résultats des étudiants, de l’absence de violence et de trafic. Enfin en Belgique, les collèges de certaines régions ont pour obligation de conserver un équilibre entre leurs établissements. Alors pourquoi pas des quotas sociaux en France ? Pourquoi ne pas diminuer l’effet de concurrence entre les différents collèges en uniformisant les propositions de langues ou de spécialités ? Pour le moment, la nouvelle carte scolaire de la ministre de l’éducation n’est qu’à l’état de future expérimentation sur un simple échantillon de départements. C’est toute une réforme et sur l’ensemble de l’hexagone qui serait nécessaire pour espérer plus de mixité sociale à l’école. Marion Bordier

Plus le milieu social d’un élève est défavorisé, plus le risque de décrochage scolaire est accru

Explosion en plein vol pour Air France Les négociations entre la direction d’Air France et le personnel sont au point mort. Mais les événements survenus le 5 octobre dernier et l’arrivée d’un plan de restructuration risque de changer le cours des choses. Les tensions se sont brutalement renforcées le 5 octobre dernier chez Air France. Xavier Broseta (DRH) et Pierre Plissonnier (directeur d’Air France à Orly et responsable des activités long-courrier) se sont retrouvés encerclés et bousculés. L’un a dû s’enfuir en escaladant les barrières de sécurité, manquant de se faire lyncher. L’autre s’en est tiré avec une chemise arrachée. Alors que le comité central d’entreprise se réunissait pour mettre au point un nouveau plan économique et budgétaire, la compagnie aérienne a finalement annoncé un nouveau plan de réduction d’emplois. Les réactions engendrées traduisent la dégradation sociale au sein de l’entreprise depuis un an. Particulièrement entre les pilotes -ces derniers ont longtemps cogéré l’entreprise- et la direction d’air France-KLM. Pourtant, le conflit qui subsiste depuis un an face aux attentes de la direction reste flou, tout comme les revendications des salariés.

Défense de contrat

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Du 15 au 28 septembre 2014, les pilotes d’Air France sont en grève. C’est la plus longue que la compagnie n’ait jamais connue. Les aviateurs soutenus par le syndicat national des pilotes de lignes (SNPL), demandent un contrat unique aux conditions d’Air France chez Transavia. Une filiale à bas coût. On leur demande de faire plus d’heures en gagnant moins. La direction acceptera de faire un compromis un mois et demi après le début des négociations et de la grève. Ce qui coûtera à Air France 500 millions d’euros. « On n’a pas très bien compris leurs motivations. Mais à l’heure d’aujourd’hui, tout le monde défend ses acquis. Leur demande était justifiée » s’exprime Clémentine*, hôtesse de l’air chez Air France depuis 18 ans. Bataille juridique Seulement, le 15 juin 2015, Air France engage une procédure juridique en référé à l’encontre des pilotes. La

guerre est lancée. La compagnie leur reproche de ne pas avoir respecté leurs engagements du plan Transform 2015. Un plan d’économie qui prévoyait en 2012, 20% d’effort de compétitivité. Pourtant, trois ans plus tard, alors que les hôtesses de l’air et le personnel au sol atteignent 100% de leurs objectifs, les pilotes quant à eux, atteignent seulement 67%. Deux mois plus tard l’affaire ne sera pas traitée. Le juge des référés du tribunal de grande instance de Bobigny estimera qu’elle était hors de sa juridiction.

Plan de restructuration 2900 postes et une réduction de 10% de l’activité long-courrier. C’est le plan B de la direction face à l’absence d’entente. Ce sont ces nouvelles mesures qui ont provoqué le 5 octobre dernier, les violences au comité central de l’entreprise. Faisant sept blessés, dont un grave. Les réactions survenues en chaîne se sont révélées tout aussi importantes, puisque 11 salariés de la branche cargo d’Air France ont vu la police les arrêter chez eux, à 6 heures du matin. Six d’entre eux seront mis à pied

par l’entreprise le même jour. Des comportements intenses et incompris, qui mèneront une fois de plus les négociations l’échec. Le 30 septembre 2015 était la date butoir qu’avait donnée l’entreprise pour obtenir les signatures des organisations des pilotes, le SNPL et le syndicat des pilotes d’Air France (SPAF). Ces signatures auraient permis de donner suite au plan économique Transform 2015. Mais cette fois-ci c’est un plan de productivité appelé Perform 2020. La compagnie aérienne demande 17% d’effort de productivité en plus à ses navigants. Seulement une fois encore, les pilotes ne veulent pas aller au-delà des 4% d’effort de productivité. Les hommes politiques ont aussi réagi. Le premier ministre Manuel Valls affirme soutenir la politique et le plan d’Air France. Une posture en totale contradiction avec le président de la République. François Hollande prend position, « Je propose que la direction, avec les organisations syndicales, fasse les efforts nécessaires pour arriver à la compétitivité de la France, et en même temps, permettent qu’il n’y ait pas de suppression d’emploi à Air France ».

Air France va supprimer 14 appareils d’ici fin 2016. DR.

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POLITIQUE © Kenzo Tribouillard / AFP

Dégradation sociale

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Que se passe-t-il au sein d’Air France depuis un an maintenant ? Ces violences apparues au grand jour sont-elles des cas isolés ou tout simplement une traduction de la dégradation sociale et économique au sein de l’entreprise depuis plusieurs mois ? Selon Clémentine*, une hôtesse de l’air présente sur place le 5 octobre dernier, les actes ont certes étés violents mais auraient pu être évités si le service d’ordre et de sécurité avait réagi. « Oui, j’ai été choquée par cette violence. Mais en même temps la violence sociale est presque plus terrible que de se faire arracher une chemise. Après, c’est un acte isolé. A la base c’était une manifestation pacifique. Le service d’ordre était quasi inexistant et les locaux d’Air France n’étaient pas beaucoup protégés. Quand il y a eu le mouvement de foule, la sécurité n’a pas bougé ». La sécurité est primordiale. Spécialement pour une compagnie comme Air France, qui connaît des tensions depuis plusieurs mois et qui est en réunion pour décider du futur de ses salariés dans l’entreprise. Une compagnie sait qu’il peut y avoir de tel débordement. Quant au manque de réaction des hommes de la sécurité, reste à savoir s’ils étaient surpris et s’ils se sont sentis dépassés. Ou s’ils ont simplement laissé les événements suivre leur cours. Mais ce n’est pas la seule énigme à résoudre

POLITIQUE Pierre Plissonnier, directeur d’air France à Orly, s’échappe durant le comité central de la compagnie.

dans cette lourde équation. Alors que Xavier Broseta (directeur des ressources humaines d’Air France) et Frédéric Gagey (PDG) prônent la communication et le dialogue au sein de l’entreprise, il semble que cela ne soit qu’une image. « On a appris qu’il y allait avoir des licenciements et des plans de départs et surtout combien, par les journaux. Ça nous a fait peur. En communication interne on nous le dit une fois que c’est paru dans la presse. Je trouve que la communication est pire que moyenne (...) en ce moment c’est statut quo, on attend et on ne sait pas », confesse Clémentine*. Un manque de diplomatie et de tact de la part des dirigeants d’Air France qui font mine de ne rien avoir à se reprocher, tout en prônant une communication ouverte au sein de leur entreprise. Julie*, qui travaille à la direction financière essaye d’expliquer les mouvements de foule qui ont eu lieu le 5 octobre qui, selon elle, sont dus à une communication ratée. « Frédéric Gagey et Alexandre De Juniac ont mal agit et mal communiqué. Le plan de licenciement n’a pas été expliqué ni annoncé de la bonne façon. Les salariés ont forcément réagit à l’annonce de cette nouvelle ».

Plan Perform 2020 « On a déjà fait beaucoup d’efforts et on se demande si on va tenir. En plus des 100 heures annuelles supplémentaires non payées, ils

vont réduire nos repos consécutifs par mois. On passerait de 7 jours à 4 jours. Cela permettait de vraiment nous reposer et d’avoir un weekend », explique Clémentine*, le regard vide. Avant de renchérir, « Pour Transform 2015 on a rempli le contrat. Et avec Perform 2020, en plus des 100 heures gratuites et de réduire nos jours de repos pour qu’on soit plus productif, on ferait plus de rotation. Au lieu de partir 4 jours on partirait 3 jours. Si on devait partir 5 jours on ne resterait plus que 4 jours. Tout va être raccourci. Nos billets dits « gratuits » ont augmenté et ça va continuer dans ce sens », conclue l’hôtesse de l’air. Et la peur et la colère des salariés n’en reste pas là. Le plan Perform 2020 prône un retour à la croissance et à la compétitivité. Renforçant ainsi les acquisitions de l’entreprise et son partenariat avec les compagnies asiatiques -premier concurrent d’Air France-. Pour réaliser ce plan, la compagnie souhaite résorber les écarts de coûts avec ses principaux concurrents. Mais l’échec des négociations a poussé la direction à se rediriger vers un autre plan. Celui de la restructuration. Pour atteindre ses objectifs, la société doit se séparer de 2900 personnes dès 2016. À savoir 1700 personnels au sol, 900 personnels navigants et commerciaux et 300 pilotes. Air France-KLM va subir d’autres mesures. 5 lignes seront fermées et 35 fréquences hebdomadaires long-courrier vont être supprimées. La compagnie aérienne va aussi se séparer de 14 avions et baissé ses coûts fixes et unitaire de 1,5% par an. Les personnels navigants devront faire 100 heures de vols supplémentaires non rémunérées et les avantages obtenus par la compagnie risquent d’être plus contrôlés. Des avantages qui ne seront plus et un rythme drastique. C’est à ça que doivent s’attendre et se préparer les salariés de la première compagnie aérienne française.

Un pas en arrière ? En plus de rajouter des heures de travail et de supprimer des avantages, la compagnie risque d’enlever un certain nombre de jours de vacances. Mais la compagnie Air France oserat-elle toucher aux vacances des employés ?

300 pilotes seront licenciés par la compagnie d’ici la fin de l’année prochaine. DR.

Pour l’heure les hôtesses de l’air sont protégées jusqu’en 2016 grâce à leur convention collective. Selon Julie*, « On a eu beaucoup de privilèges comme les billets gratuits, le nombre élevé de jours de repos et d’escales, et personne ne veut les abandonner. C’est démesuré comparé à d’autres compagnies ». Une affirmation justifiée par les propos de Clémentine*, qui, en comparant le rythme de ses débuts dans l’entreprise et celui aujourd’hui en vigueur précise : « Je faisais mes 100 heures supplémentaires annuelles et j’avais moins de jours de repos derrière les vols. En fait ça serait un peu comme revenir à mes débuts. En plus drastique ». Le personnel navigant ayant de l’ancienneté a déjà connu ce rythme. Mais cette fois-ci les heures de vols supplémentaires ne seront pas rémunérées. Pour Hanna*, aujourd’hui hôtesse de l’air chez Transavia et précédemment chez Cathay Pacific, les 100 heures annuelles « devraient être payées. Pour le reste, c’est un rythme que j’ai toujours connu et ça me convient. Par contre je faisais toujours le

même pays et le décalage horaire est plus facilement surmontable que ce que font les autres hôtesses. En enlevant des jours de repos après les vols, surtout s’il n’y en a que trois en long courrier, je ne sais pas si tout le monde arrivera à tenir. » Si le rythme se densifie, ce sera tout de même un retour en arrière pour le personnel ayant de l’ancienneté et pour les jeunes qui ont connu d’autres compagnies aériennes.

Air France, une compagnie cosy Effectivement, le salaire du personnel navigant d’Air France est 25% plus élevé que ses concurrents européens, par exemple British Airways. Et la compagnie aérienne française est la deuxième compagnie aérienne derrière Iberia (compagnie espagnole) à être la plus endettée. Soit 5,41 milliards de dette nette au 31 décembre 2014. Une démarche logique de la part de la direction de vouloir revenir à un rythme de travail moins couteux et plus dense. Aux yeux des salariés, rien ne justifie

ces licenciements. Pour Hanna*, « la compagnie peut trouver des solutions alternatives au licenciement. À bord des avions les produits sont extrêmement chers, et ils misent aussi beaucoup sur la publicité et le marketing. Qui au final est faussée (…) Air France devrait mettre plus d’argent dans leur formation et mieux choisir le nouveau personnel ». Effectivement, comparé aux compagnies aériennes asiatiques et quelques autres compagnies aériennes européennes, le personnel est plus jeune, plus dynamique et plus agréable. Quant à la nourriture à bord de l’avion et aux publicités, les compagnies ne dépensent pas dans des produits de marques. La compagnie Cathay Pacific basée sur ce mode de fonctionnement avait d’ailleurs été élue meilleure compagnie aérienne au monde en 2014 par Skytrax. *Les prénoms ont été changés Cloé Arrault

Salaires chez Air France

Salaires chez Transavia

Pilote : 10 000 euros par mois Commandant de bord : 15/20 000 euros par mois Hôtesse de l’air : autour de 2 000 euros par mois Hôtesse de l’air avec ancienneté : autour de 3 000 euros par mois

Pilote : 6 250 euros par mois Commandant de bord : entre 11 500 et 13 300 euros par mois selon son ancienneté Hôtesse de l’air : entre 1 700 et 2 200 euros par mois

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ECONOMIE

ECONOMIE

Le sauvetage du Mali, mission de longue haleine

Les combats continuent toujours dans le Nord du Mali. Une situation que les forces armées de l’opération Barkhane n’arrivent toujours pas à enrôler, malgré l’accord de cessez-lefeu trouvé le 15 mai dernier. François Hollande et Ibrahim Boubacar Keïta se réunissent aujourd’hui pour une conférence sur « Bâtir le Mali émergent ». Les différents acteurs internationaux tenteront de trouver une solution à long terme pour sortir le Mali de la menace djihadiste qui pèse sur ses épaules. « La situation économique et politique du Mali était relativement stable jusqu’en 2012, la politique au niveau étatique n’allait pas dans le sens de l’industrialisation », décrypte André Bourgeot, directeur de recherche CNRS. Le pays a longtemps été considéré comme exemplaire en matière de démocratie, un système politique cependant « tout au plus illusoire » dans le pays, continue M. Bourgeot. « Après 2012, il s’est avéré

que cette démocratie consensuelle n’était qu’une stratégie de pouvoir qui entretenait le népotisme, le clientélisme et la corruption ». 2012 est l’année d’un chamboulement structurel. Les groupements armés narco-djihadistes et salafistes sont démantelés par l’armée algérienne. Ils fuient donc le pays et s’installent dans le Nord du Mali. En plus de cette donnée religieuse, s’ajoute une donnée politico-économique : « Cette zone est depuis les années 2009-2010 une zone de non-droit, dans laquelle l’autorité étatique ne s’applique plus », explique André Bourgeot. En plus du problème salafiste, se joint le problème du trafic de drogue, et notamment du trafic de cocaïne. L’état n’est plus présent dans cette région et cède le pas à des pratiques de corruption qui se généralisent. L’activité économique de cette région du Mali est plus fondée sur des activités criminelles, comme la fraude alimentaire, les

produits énergétiques, le trafic de drogue, d’êtres humains, etc... C’est dans ces circonstances qu’apparait la rébellion touareg. « Une rébellion qui résulte de l’intervention militaire franco-britannique en Libye », continue M. Bourgeot. « Après l’assassinat du colonel Khadafi, le système politique s’est totalement effondré. La Libye n’est plus un état, n’a plus d’autorité centrale, et c’est la porte ouverte à tous les extrémise djihadistes d’Al-Quaida et de Daesch ». C’est à ce moment que s’est fait la partition territoriale du Mali, contrôlée par les groupes armés narco-djihadistes et la rébellion touareg, dans le mouvement national de la libération de l’Azawad. Ce front touareg veut un détachement et une autonomie de l’Azawad, encore accéléré par le coup d’état du général Sanogo, en 2012. « À ce moment là, on peut faire la différenciation entre la zone septentrionale, où l’économie est à grande majorité criminelle et le © Wikimédia

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Pays faisant partie de la région du Sahel, en prise avec les groupes dijhadistes

© L’express.

Le Mali est dans une situation sécuritaire, économique et politique instable. Aujourd’hui, sous l’égide de l’OCDE, les chefs d’Etats français et malien, ainsi que des acteurs internationaux se réunissent à Paris pour trouver une solution.

Ibrahim Boubacar Keïta se rend en France pour rencontrer François Hollande et de nombreux acteurs internationaux lors d’une conférence pour le retour du Mali à une situation stable.

reste du pays où l’économie est basée sur l’agriculture ». Le pays est coupé en deux, et les rebelles font route toujours plus au Sud, jusqu’à être au point de prendre Bamako, la capitale du Mali. Leur avancée est rapide, face à une armée malienne en déroute et un gouvernement incapable de faire face. Le président par intérim Dioncounda Traoré adresse une lettre à François Hollande, un véritable appel au secours pour sauver le pays de la menace djihadiste. Vendredi 11 janvier 2013, François Hollande annonce lors d’une intervention télévisée le début de l’engagement des troupes françaises au Mali. Une première contreoffensive est lancée pour repousser les islamistes vers le Nord. Deux semaines plus tard, 3700 militaires français ainsi qu’une soixantaine de véhicules blindés sont déployés. L’armée française réussit à reprendre les grandes villes au Nord du pays, tenues pas les forces djihadistes. Une victoire très soutenue par la population locale, les habitants de Tombouctou, ville reprise aux groupes islamistes, qui ont accueilli en grande pompe François Hollande le 2 février 2014. Le 13 février 2014, la grande

majorité des groupes armés ont été repoussés, et même si des combats agitent encore le pays, le président français met fin à l’opération Serval. « Il n’y a plus de sanctuaire pour les groupes terroristes, 200 tonnes de munitions ont été reprises. C’est donc une mission parfaitement accomplie », déclarait François Hollande ce jourlà. Les forces militaires ne se retirent cependant pas totalement du Mali. Serval est remplacée par l’opération Barkhane, qui réunie les cinq pays de la zone sahélo-saharienne, soit à peu près 3 000 militaires. Leur objectif est de « veiller à ce qu’il n’y ait pas de recrudescence » du terrorisme, car « il y a toujours des risques majeurs de développement de djihadistes dans la zone qui va de la Corne de l’Afrique à la Guinée-Bissau », expliquait Jean-Yves Le Drian, ministre de la Défense. La violence des combats ne s’affaiblit cependant pas, même après des mois d’opérations militaires et les nombreux processus de paix lancés par les différents acteurs internationaux. Les discussions à Alger devant déboucher sur un accord de paix paraissent compliquées par les différences d’intérêts, au sein même des groupes touaregs. Il est finalement signé le 15

mai et impose un cessez-le-feu entre les différents partis. « Le cessez-lefeu est pourtant régulièrement brisé, et fait régner sur le Mali un contexte politique, sécuritaire et militaire malsain », décode M. Bourgeot. Une situation qui est donc encore loin d’être revenue à la normale.

Des intérêts français à sauvegarder Historiquement, la France et le Mali ont beaucoup en commun. Le pays africain a été une colonie française de 1895 à 1960. Des relations commerciales privilégiées et anciennes sont donc encore d’actualité entre les deux pays. Mais ces relations ne sont ni très importantes, ni égales. En 2013, Le Mali était le 87e client de la France et son 165e fournisseur, selon les chiffres du ministère des Affaires étrangères. En 2014, « 125 filiales et sociétés à capitaux français ont été recensées, employant un effectif de l’ordre de 4 000 salariés », selon France Diplomatie. Des chiffres peu importants, quand on sait que plus de 3 600 filiales d’entreprises françaises sont implantées aux Etats-Unis et y génèrent plus de 560 000 emplois,

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ECONOMIE d’après l’INSEE. « Le Mali est un pays francophone, membre de la zone Franc et ayant des accords militaire avec la France. De plus, la coopération décentralisée mise en place entre les deux pays a créé des intérêts économiques pour la France dans la région », tempère Philippe Hugon, directeur de recherche à l’IRIS pour Le Monde. Les sols du Mali représentent eux un intérêt plus important. Avec quelques exploitations d’or, le pays est le troisième producteur de ce métal précieux du continent africain. Un peu d’uranium est aussi extrait, ainsi que du minerais de fer, du bauxite, du phosphate et du marbre. La majorité de la production malienne reste cependant de l’agriculture, et notamment du coton. Le Mali en a produit 440 000 tonnes en 20132014. Les sols maliens sont cependant très peu exploités, et la question du pétrole ou de l’eau reste entière. « Il y aurait des traces de pétrole et d’eau

dans le Nord du Mali, mais aucune goutte n’en a jamais été extraite », explique André Bourgeot, directeur de recherche du CNRS. Et au-delà du seul territoire du Mali, la région du Sahel toute entière représente de nombreux intérêts économiques. Le Niger, voisin à l’Est du Mali possède une réserve en uranium très importante. Un voisin dans lequel est implanté l’entreprise française Areva, qui y tire plus d’un tiers de sa production mondiale. Cette exploitation d’uranium est directement liée aux foyers français, puisqu’il alimente plus d’un tiers des centrales nucléaires d’EDF. La France est encore loin de la transition énergétique et va encore avoir besoin de ses centrales nucléaires pendant de nombreuses années. Outre le Niger, de nombreux voisins du Mali présentent aussi un intérêt économique majeur. La Mauritanie, située à l’Ouest du Mali est un pays riche en pétrole. L’entreprise française Total s’y est d’ailleurs installée depuis

2005. La Côte d’Ivoire, au Sud du pays est un pilier de la zone Franc. Pour terminer, l’Algérie, premier partenaire commercial de la France en Afrique et troisième débouché pour les exportations françaises hors OCDE représente un intérêt majeur. L’intervention militaire française a permis d’empêcher la contagion du conflit aux pays voisins du Mali. Le pays fait cependant encore aujourd’hui face à de nombreux problèmes, liés à la mise en œuvre de l’Accord de paix, au développement économique du pays, au retour et à l’insertion socioprofessionnelle des réfugiés et à la gouvernance. Des défis pour lesquelles l’OCDE et la France se disent prêt à apporter leur aide financière. Marie-lou Akeroyd

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Les Touaregs situés dans le Nord du Mali veulent l’indépendance de l’Azawad. Le cessez le feu est régulièrement brisé dans cette région

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ECONOMIE

ECONOMIE

Quand les chauffeurs Uber se rebiffent

Après plusieurs mois de conflit avec les taxis, voilà Uber confronté à ses propres chauffeurs. Jugeant les contraintes excessives de la part du géant américain, une association de chauffeurs VTC compte concurrencer Uber. « La nouvelle grille tarifaire correspond à une baisse moyenne de 20% des tarifs sur le réseau uberX. Cette baisse des tarifs va stimuler la demande et augmenter votre activité sur le réseau Uber». Cette phrase a été la phrase de trop pour les chauffeurs de VTC Uber. L’application américaine a envoyé un email à l’ensemble de ses chauffeurs, le 8 octobre dernier, en plein milieu de la nuit, afin de leur faire part de nombreux changements et ce à compter du 9 octobre. La réaction a été immédiate. Et pour cause, Uber prend 20% de commission lors de chaque course, une somme jugée excessive pour les chauffeurs de VTC. Ajouter à cela une baisse de 20% des tarifs d’Uber afin de concurrencer toujours plus les taxis, c’en est devenu insoutenable pour les chauffeurs de VTC « Uber annonce une baisse des tarifs de 20% mais en fait selon les courses c’est plutôt 40% ! Vous imaginez, nous avons du faire des prêts bancaires, acheter une licence, calculés nos revenus pour l’année, et du jour au lendemain Uber nous annonce une baisse tarifaire !» s’exclame Yann, ancien chauffeur de VTC Uber qui travaille désormais dans une entreprise concurrente. Pour contrer les exigences toujours plus élevées d’Uber qui fait la sourde oreille, l’association VTC de France a mis au point une nouvelle application

créée pour et par les chauffeurs Vtc. L’application « VTC Cab », testée depuis plusieurs mois à Paris, devrait voir le jour dans les prochaines semaines. Pour y parvenir, 30 chauffeurs de l’association VTC de France ont rassemblé près de 130 000 euros. « C’est à la base une idée associative, cela fait très longtemps qu’on y travaille mais il y a désormais trop de risques pour nous pour l’avenir à cause d’Uber » explique Mohammed Radi, fondateur du projet « VTC Cab » et secrétaire général de l’association des VTC de France. Contrairement à Uber, VTC Cab se targue de ne pas gagner de l’argent grâce aux chauffeurs « on est à but non lucratif et je tiens à le souligner, on compte répartir l’argent sans commission. Le coût de l’application sera subventionné par les adhérents, plus les adhérents seront nombreux moins le prix sera élevé. Le coût de fonctionnement de l’application est en fait divisé au prorata des abonnés » précise Mohammed Radi. Avec VTC Cab, les bases d’Uber restent les mêmes : tout comme avec l’application américaine, l’utilisateur devra se géolocaliser avant de commander une voiture disponible. « Vous pourrez même commander plusieurs jours à l’avance votre chauffeur pour tel et tel trajet et ce 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7. Une

Uber, la jeune entreprise qui valait 50 milliards 2009 : création d’Uber à San Francisco par Garrett Camp, Travis Kalanick et Oscar Salazar 2011 : Uber débarque en France 2013 : lancement d’Uber x, la filière low cost, qui propose les mêmes services que les Vtc octobre 2014 : Uber est condamné à 100000 euros d’amendes par le tribunal correctionnel de Paris pour pratiques commerciales trompeuses. Novembre 2014 : la loi Thévenoud entre au journal officiel après des mois de polémiques. Juillet 2015 : entrée en vigueur de la loi Thévenoud, les chauffeurs sont désormais dans l’obligation de justifier d’une assurance pour le transport de personnes à titre onéreux. Septembre 2015 : Uber Pop est désormais interdit.

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ligne téléphonique sera aussi mise à la disposition des chauffeurs comme des clients pour toutes questions ou quelconque problème. Nous voulons assurer une qualité de service qui vise l’excellence là où Uber se contente du stricte minimum » assure Mohammed Radi. En effet, hormis les notes que les clients attribuent aux chauffeurs et réciproquement, il n’existe pas une ligne directe en cas de problème. « Les notes des clients sont arbitraires. 90% des chauffeurs Uber sont d’origine maghrébine et j’ai de nombreux collègues qui voient leur note baisser sans aucune raison. Lorsque l’on sait que si un chauffeur n’a pas un minimum de 4 étoiles il peut être exclu cela pose problème et ce n’est pas vivable » s’exclame Yann. Pour supprimer le compte d’un chauffeur, un simple mail d’un client suffit « nous avons une revendication simple, mais vitale pour de nombreux chauffeurs : ne plus désactiver un chauffeur sur un simple mail d’un client mais avoir une commission de discipline à laquelle siègerait des chauffeurs, pendant laquelle le chauffeur pourrait s’exprimer ! » s’indigne Helmi Mamlouk, porte parole de l’association CAPA-VTC. Ce qui change tout, c’est en fait surtout la commission prélevée par l’application. Pourtant, il est difficile de concurrencer Uber qui revendique 10.000 chauffeurs rien qu’en région parisienne. « Pour le moment nous sommes environ 400 chauffeurs VTC mais nous allons très vite être de plus en plus nombreux » espère Mohammed Radi. D’ailleurs, VTC Cab souhaite s’attaquer aussi à la province où le géant américain reste pour le moment quasi absent « on veut se développer partout, rendre le service accessible à tous et ce même dans les petite villes ».

Après les promesses, la réalité Le temps où Uber était salué de part et d’autre est-il révolu ? En 2011, lorsque l’application débarque

en France, cette nouvelle manière de transporter les passagers est applaudie par tous, ou presque : les taxis y voient très vite une concurrence déloyale de part les tarifs qu’Uber propose. Mais c’est seulement en 2014 avec le lancement d’Uber pop que la polémique commence : des particuliers sont désormais libres de proposer leur service de chauffeur sans licence à titre occasionnel. La grogne des taxis prend de l’ampleur et la loi Thévenoud arrive pour réguler ce nouveau marché. Mais les chauffeurs de VTC accrédités voient à leur tour une concurrence déloyale et crient au scandale face à la multiplication des particuliers qui parfois font office de chauffeurs à plein temps. « Les chauffeurs larbins sont devenus des chauffeurs professionnels désormais » soupire Yann. Le manque de concertation, c’est ce que reprochent les chauffeurs Uber. « Nos revendications sont de rééquilibrer la relation de partenariat entre Uber et «ses» chauffeurs. Prendre une décision aussi forte de baisser unilatéralement de plus de 37% le tarif de base ainsi que le tarif kilométrique sans absolument aucune concertation est un signe flagrant de manque de considération » raconte Hemli Mamlouk. « Nous estimons, et cela depuis 6 mois, qu’une réévaluation des tarifs à la hausse serait bénéfique, et pour

l’entreprise en terme de qualité de service, et pour les chauffeurs en terme de rentabilité. » rajoute-t-il. La qualité de service, c’est l’arme revendiquée par Uber afin de fidéliser sa clientèle. Avant, une course de 30 kilomètres me rapportait 55 euros, aujourd’hui la même course me rapporte seulement 30 euros, c’est pas possible ! » s’écrie Yann. Mais il ne faut pas oublier qu’Uber n’a jamais eu pour vocation d’être une entreprise pour les chauffeurs de Vtc. Son rôle principal a toujours été de mettre en relation des clients et des chauffeurs, rapprochement qui vaut à Uber une commission sur chaque course. C’est uniquement au bout de chaque semaine qu’Uber reverse à ses chauffeurs la somme qui leur est due. Un manque à gagner considérable pour certain chauffeurs « le bras de fer ne fait que commencer, nos avocats étudient actuellement toutes les possibilités juridiques afin de faire condamner Uber sur leurs pratiques douteuses : clauses abusives, liens de subordination, dépendance économique, salariat déguisé, vente à perte… » déplore Helmi Mamlouk.

Les chauffeurs de VTC contre-attaquent Parmi leurs revendications, les chauffeurs VTC réclament une hausse du prix minimum de la course

selon le type de voiture : de 15 euros pour un véhicule standard à 25 euros pour une berline. En outre, l’option « pools » qui permet de partager un véhicule Uber à plusieurs ainsi la note. « Pools, c’est 3.75 euros minimum la course et nous n’avons pas le choix que de l’accepter lorsqu’un client le demande sur notre smartphone, c’est pas rentable pour nous» explique Yann. Une baisse des commissions de 10% est également demandée. Dans le même sens, les chauffeurs de Vtc demandent qu’Uber prennent en charge les contraventions pour « maraude électronique » ou toute autre charge qui pourrait s’ajouter aux frais du chauffeur. C’est pour cela que mardi 13 octobre, les chauffeurs de Vtc ont manifesté pendant 3 jours devant le siège d’Uber France à Paris pour faire part de leur mécontentement. Contacté par nos soins, Uber ne souhaite faire aucun commentaire. Elle explique juste que cette baisse de tarif sera en finalité bénéfique à ses chauffeurs à travers l’augmentation de l’activité globale sur la plateforme. Elle va même plus loin en garantissant à ses chauffeurs le maintien de leur chiffre d’affaires pendant les six prochaines semaines si les baisses tarifaires engendrent de lourdes pertes. Uber précise même que la baisse des tarifs d’Uberpool, passant de -25% de 20 heures à 6 heures du matin, aurait engendré

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ECONOMIE une hausse de 40%. Mais selon les chauffeurs, ces chiffres sont biaisés et seraient seulement une incitation pour qu’ils rejoignent Uberpool qui est très décrié.

Un effet d’annonce Est-il réellement possible comme l’indique Mohammed Radi de créer une application concurrente à Uber sans commission ? Pour Sam, fondateur de l’Association solidaire de chauffeur indépendant VTC, le modèle n’est pas viable économiquement « Uber a aujourd’hui le monopole. Ils revendiquent 10 000 chauffeurs à Paris mais en réalité ils sont au nombre des taxis si ce n’est plus sauf qu’ils ne peuvent pas le dire » dit-il. Uber emploie non seulement des chauffeurs de Vtc mais également des capacitaires pour faire du transport collectif. Ces derniers se contentent juste d’une formation d’un mois alors que les chauffeurs Vtc bénéficient d’une

ECONOMIE formation poussée selon Sam « Uber emploie des capacitaires pour faire du collectif comme avec Uberpool ce qui est une réelle concurrence pour nous lorsque l’on sait que même des stagiaires sont autorisés à rouler pour Uber ». Dès lors, VTC Cab n’a-t-il pas juste profité du vent de colère qui souffle sur la planète des transporteurs de personnes pour faire parler de leur projet ? Pour Sam, la réponse est claire « c’est un effet d’annonce sans commune mesure. Leur syndicat n’existait pas avant la crise avec Uber et Mohammed Radi est un opportuniste qui a su profiter de l’attention des médias pour faire parler de lui. Le projet n’est pas viable économiquement ». Pour qu’une application telle que Uber fonctionne, cela demande à prendre en compte plusieurs aspects comme le coût de l’application, sa maintenance ou sa promotion à travers de la publicité. Uber, pour être rentable, prélève donc une commission à hauteur de 20% sur chaque trajet effectué là où VTC

Cab ne souhaite prélever aucune commission et vivre uniquement des cotisations de chaque adhérent en espérant que plus le nombre d’adhérents est élevé, plus le coût par adhérents sera faible. Mais cela fonctionne uniquement s’il y a un très grand nombre d’adhérents et que les chauffeurs sont assurés, malgré le coût d’utilisation de l’application, de s’y retrouver dans leur calcul à la fin du mois. « Vtc Cab n’est qu’un concurrent de plus, tout le monde peut faire des applications aujourd’hui mais juste avec les cotisations on ne va pas loin » précise Sam. D’ailleurs, lui aussi compte créer sa propre application où « tous les chauffeurs seront propriétaires de leurs véhicules mais où la commission serait de 5 à 7% grand maximum » confie-t-il. Dans cette guerre contre Uber, tout le monde semble décidemment vouloir sortir son épingle du jeu. Ines Aloui

La fin du made in France pour nos soldats L’armée française a lancé un appel d’offres pour trouver le successeur du Famas. Certains, comme les députés Jean-Jacques Candelier (PCF) ou Philippe Meunier (LR), reprochent au gouvernement de prévoir sa fabrication à l’étranger. Un adieu au clairon ! En service depuis près de 40 ans, le fusil automatique de la Manufacture de Saint Etienne (FAMAS) modèle F1 fut conçu autour de la cartouche d’origine américaine de 5,56 x 45 mm (M-16). Malgré des qualités certaines, le FAMAS est arrivé aujourd’hui en fin d’évolution et de développement. Une étude fut lancée dès 2009 pour la création d’une Arme Individuelle Future (AIF) à culasse calée capable de tirer l’ensemble des munitions de 5,56 mm OTAN et de recevoir le système FELIN. Une étude suivie, en 2014, par l’appel d’offres lancé par le ministère de la Défense pour renouveler le parc des FAMAS en dotation dans l’armée française. Un marché majeur qui porte sur la production de 90 000 fusils d’assaut dont 21 340 à livrer entre 2017 et 2019, 38 millions de cartouches et 92 000 grenades. Le tout pour un montant global évalué à 400 millions d’euros.

« L’Elysée est obligé de se plier aux exigences de Bruxelles »

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À l’origine c’est une perspective plus qu’alléchante pour le marché français. Le problème, est que, depuis 2009, l’Europe interdit tout protectionnisme pour les marchés de ce genre et impose à tous les Etats membres de lancer leur appel d’offres à l’échelle européenne ; ouvrant le marché « AIF » (arme individuelle future) à des cadors du domaine, tel que l’Allemand H&K ou le Belge FN Herstal. C’est ce que confirme une source à la Direction générale de l’armement (DGA) : « Le problème n’est pas que le gouvernement ne veuille pas acheter français. L’Elysée est obligé de se plier aux exigences de Bruxelles, ici, le gouvernement n’a fait que se mettre aux « normes » européennes pour l’appel d’offres. » Pour sa part, le gouvernement se défend, en affirmant que cette action a pour but de promouvoir le marché de défense européen. Il est inutile d’espérer que la France réagira comme les Etats-Unis avec Airbus en 2011, sur l’affaire des ravitailleurs

Soldat français équipé d’un Famas, Afghanistan. © maisonducombattant.over-blog.com

de vol pour l’US air force. La maison blanche avait d’abord choisi Airbus comme partenaire, pour finalement changer d’avis et prendre l’américain Boeing. Dans ce cas, il s’agit d’un cadre supranationale, la France doit faire face à Bruxelles. Selon le lieutenant-colonel de la Légion étrangère, Thierry Fusalba : « Seules les armes stratégiques, comme les hélicoptères, les chars ou encore le nucléaire, ne sont pas astreintes par Bruxelles ». En effet l’article 2 de la Directive 2009/43/CE du Parlement européen et du conseil du 6 mai 2009 considère que : « Les dispositions du traité établissant le marché intérieur s’appliquent à l’ensemble des biens et des services fournis contre rémunération, y compris les produits liés à la défense, mais n’empêchent pas les Etats membres, sous certaines conditions, de prendre d’autres mesures dans des cas particuliers lorsqu’ils l’estiment nécessaire à la protection des intérêts essentiels de leur sécurité. ».

Consommer français Deux députés ont tenté de tirer la sonnet d’alarme sur ce sujet sensible. Jean-Jacques Candelier (PCF) député dans le Nord et Philippe Meunier (LR) deputé dans le Rhônes-Alpes ont rédigé une lettre

adressée au ministre de la Défense, Jean-Yves le Drian, dans laquelle, ils lui demandent de tout mettre en œuvre afin que le nouveau fusil des forces françaises soit manufacturé en France. « Monsieur le ministre, Vous avez pris la décision « d’acheter sur étagère le prochain d’assaut de notre armée française. Tout a été mis en œuvre dans la procédure d’appel d’offres pour exclure, de fait, toute solution nationale. Cela n’est pas acceptable aussi loin que remonte l’histoire de nos armées, le fantassin français a toujours été équipé d’une armée fabriquée sur notre sol. Dans les années 70, certains ont déjà essayé de forcer la main du gouvernement afin que le successeur du fusil équipant l’armée française soit « acheté sur étagère » à l’international. Seules, la volonté et la détermination des responsables politique de la Défense de l’époque, ont permis d’imposer une solution nationale avec la fabrication et la dotation de cet excellent fusil d’assaut, le Famas. ».

« Les Français sont les dindons de la farce » En effet, le contraignant cahier des charges imposé à la seule entreprise française ayant postulé, VerneyCarron, se révèle être un obstacle

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Repartition par région des gens employés dans l’industrie de l’armement.© defense.gouv.fr

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insurmontable. Chaque postulant doit afficher des revenus supérieurs à 80 millions d’euros au cours des trois dernières années fiscales, malheureusement Verney-Carron n’en affiche que 12 millions. Ce sont des contraintes techniques qui imposent ce critère financier, car il est impératif que le fournisseur puisse être en mesure d’assurer la modernisation et l’entretien du matériel pendant les trente prochaines années, mais surtout, il doit être capable de faire face à toute commande imprévue. Pour le directeur et propriétaire de l’entreprise Verney-Carron, Guillaume Verney-Carron : « L’Etat se cache derrière les contraintes européennes. Sur un point, je partage son avis, il est tout à fait normal de la part du gouvernement de vouloir travailler avec un partenaire de taille, capable d’assurer une telle commande. En revanche, les Français sont les dindons de la farce. Tout les autres pays européens qui possèdent une industrie d’arme légère font de la préférence nationale. Les Allemands, les Belges, les Italiens etc, ils utilisent

tous leurs propres fusils. C’est une perte d’indépendance. Je tiens à préciser une chose, lorsque, par exemple, la France vend des Rafales à l’étranger, il y a un transfert de technologie. C’est-à-dire que le pays vendeur fournis, au pays receveur, un certain pourcentage de la technologie utilisée par l’appareil. Mais lorsque que l’on achète sur l’étagère il n’y a pas de transfert de technologie. ». Au-delà de l’aspect économique, nombreux sont ceux, comme Guillaume Verney-Carron à s’inquiéter d’un point de vue stratégique, craignant qu’en cas de conflit, la France ne soit trop dépendante de son fournisseur étranger. Un discours temporisé par Le Lt-Colonel Fusalba : « Je comprends tout à fait que des voix se lèvent pour s’opposer à ça, d’un point de vue économique il est évident que c’est une perte. C’est d’autant plus attristant qu’il y a, en France, un réel savoir faire dans la conception d’armes légères En revanche, je ne vois pas en quoi c’est choquant que les soldats français utilisent des armes étrangères. Cela

s’est déjà fait dans le passé, avant que le Famas n’arrive, les soldats qui partaient en opération extérieure étaient équipés du FAL belge. Nous utilisons déjà des armes produites à l’étranger et que nous ne produisons pas chez nous, les drones par exemples. » . En revanche en cas de litiges avec le pays fournisseur, la France pourrait se retrouver dans une situation délicate et similaire à celle qu’elle connait déjà avec certains de ses produits militaires. L’Allemagne a déjà réussi à bloquer plusieurs contrats français destinés à l’exportation en refusant de livrer les pièces manufacturées sur son sol fin 2012 par exemple, (blindés en Arabie Saoudite, missile Milan au Qatar ou bien le VAB au Liban). De part cet appel d’offres la France devient, de fait, le premier pays producteur d’armes équipant ses troupes d’un fusil étranger. Sous prétexte de promouvoir un marché commun de défense en Europe, la France s’est lancée dans une aventure plus que douteuse. Pierre-Yves BAILLET

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L’Empire du Milieu baisse la garde

« Peu importe que le chat soit gris ou noir pourvu qu’il attrape la souris »

Le ralentissement de la croissance chinoise se poursuit toujours depuis 2009. La baisse des demandes sur le marché occidental liées à la crise mondiale ne font qu’encourager la Chine à changer de modèle économique.

Selon les estimations du FMI, depuis 2014, la Chine est devenue le premier pays au monde pour le PIB à parité de pouvoir d’achat (PPA). Le Yuan est aujourd’hui la cinquième devise mondiale. Mais pour retrouver sa place dans l’ordre international, la Chine a dû user de réformes.

exportations du Brésil.

« On se retrouve dans un monde “surcapacitaire” où l’offre dépasse la demande », nous explique l’économiste Bertrand Chockrane. La croissance économique de la Chine plafonne à 7% en rythme annuel. C’est ce qu’annonce le Bureau national des statistiques chinois. La production industrielle du pays est à 5,7% et elle était à 6,1% en août dernier. En cause, la baisse de la demande des marchés européen et américain. Excédentaires, les capacités de production ont exercé

des fortes pressions déflationnistes avec des baisses de prix persistantes. Aussi, les coûts salariaux trop élevés dégradent la compétitivité. Ainsi les euros investis rapportent moins et les exportations baissent. La tentation : user du «quantitative easing » c’està-dire la planche à billets pour faire baisser la valeur du yuan. Et cela entraine par la suite une montée des investissements directs étrangers (IDE). D’autant que le pays bénéficie d’une grande réserve de change : 3 500 milliards de dollars de fonds,

Chronologie : Repères d’une montée en puissance 1978 1980

Début des années Deng Xiaoping. Création des 4es zones économiques spéciales. La Chine est la 11e économie mondiale (en PIB nominal). 1992 Deng Xiaping relance les réformes 1993-1994 Réforme du système bancaire 1997 Mort de Deng et début de la réforme du secteur d’Etat. 1997-2002 Jiang Zemin succède à Deng Xiaoping. 2001 La Chine entre à l’OMC 2004 La Chine est la 5e économie mondiale derrière la France 2002-2012 Présidence d’Hu Jintao 2010 La Chine devient la seconde puissance économique du monde. 2011 Début du 12e plan quinquennal 2012 Début de la présidence de Xi Jinping.

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soit 30 % de la réserve de la FED. Une politique monétaire pas toujours approuvée : « la Chine va être poussée à suivre les « Quantative easing » de l’Europe, alors que l’économie de la Chine n’en a pas besoin et ne peut pas se le permettre » affirme Tan Yalin, doyenne du China Foreign Investment Research.

Pas de répercussions sur les particuliers puisque la bourse reste une forme d’épargne marginale : « moins de 10% des ménages chinois détiennent des actions et les placements en bourses comptent pour 15.5% des actifs financiers et seulement 5% du total des actifs des ménages » déclare Françoise Lemoine. La chute de la bourse de Shanghai ne devrait donc pas avoir d’incidence sur l’économie réelle du pays. La Chine a pris un virage économique en misant sur la consommation interne et l’industrie innovante plutôt que d’exporter des produits manufacturés. Pékin veut

faire basculer la croissance de son industrie vers les services. L’année dernière, la croissance de la valeur ajoutée des services (8,1 %) a dépassé celle du secteur de l’industrie et construction (7,3 %). Un plan de 24 milliards de dollars a été lancé par le gouvernement chinois pour relancer l’investissement et la consommation interne. Le 12e plan quinquennal (2011-2015) avait la même ambition de transformer le modèle économique chinois en investissant dans la République de Chine. Il y a pas des « inquiétudes sur l’état actuel mais sur les perspectives de croissance » précise Françoise Lemoine. Ainsi les Chinois investissent davantage à l’étranger.

La révolution économique initiée par Deng Xiao Ping en 1979 a porté ses fruits. Entre 1978 et 2008, le PIB en volume a progressé de plus de 9% par an en moyenne, selon les chiffres officiels. Dans la même période, les flux de commerce extérieur ont été multipliés par 120 en USD (dollar américain). De même que la part des échanges extérieurs dans le PIB est passé e de moins de 10% en 1978 à 48% en 2002 et 75% en 2008. (Bruno Cabriola, Economie de la Chine). Les investissements étrangers sont vite arrivés, et de plus en plus massivement à partir de la décennie 1990. « Dès 1993, la Chine est devenue la première destination de l’investissement étranger parmi les pays émergents et, depuis 2002, le premier récipiendaire dans le monde », explique Bruno Cabriola. En 1994, la monnaie chinoise devient partiellement convertible. Et l’entrée

Mauvaise nouvelle pour les BRICS L’Europe ne serait pas directement affectée, rassure Françoise Lemoine, économiste et spécialiste de l’économie chinoise au CPII (Centre de recherche français dans le domaine de l’économie internationale). « Les pays exportateurs de matières premières seront les plus touchés comme l’Australie, la Venezuela ou le Brésil » poursuit-elle. En effet, leur croissance est « dépendante de la demande chinoise ». Il faut savoir que 35 % des exportations totales de l’Australie – principalement du minerai de fer– sont destinées à la Chine. De même qu’un quart des exportations chiliennes et 20 % des

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de la Chine à l’OMC en 2001 lui donne accès au plus grand marché du monde, même si elle a dû se plier aux législations du droit commercial interne. Mais la crise globale qui a éclaté en 2008, suivie de la baisse de croissance des économies développées, ont mis un frein à cette dynamique. Ce qui place la Chine comme économie plus ouverte que la moyenne mondiale (58% en 2008).

heures de travail hebdomadaire. Le 12e plan quinquennal, achevé en 2015, imposait aux provinces de réévaluer le salaire de base à minima tous les deux ans, avec pour objectif : dépasser cette année 40 % du revenu urbain moyen local. Selon Patrick Artus, directeur de la recherche économique de Natixis, le coût salarial unitaire chinois devrait même rejoindre celui de la zone euro. Il ne sera alors plus intéressant de délocaliser en Chine.

Un contrat social et des problèmes environnementaux

Autre problème : les inégalités. Plus de 82 millions de chinois vivent avec seulement un dollar par jour. Le gouvernement chinois espère sortir d’ici six ans les personnes qui vivent sous le seuil de pauvreté. Un vrai challenge, chiffré à un million de personnes par mois.

Pour pallier les soulèvements des travailleurs, le parti unique de Chine a décidé d’augmenter les salaires. Un équilibre difficile à trouver pour rester compétitif sur le marché. A Shanghaï, par exemple, l’ouvrier doit être rémunéré au minimum 1 650 yuans par mois (200 euros), pour quarante

La Chine constitue l’un des plus grands marchés mondiaux avec une population de 1,4 milliards d’habitants. Sur 7,2 milliards d’hommes, 1,39 milliards ont comme langue maternelle le Chinois. L’Anglais représente 527 millions, l’Espagnol 389 millions et le Français 118 millions.

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Le modèle économique basé sur la sous-traitance internationale avec les bas-salaires a sérieusement dégradé l’environnement. La Chine est aujourd’hui confrontée à une dégradation de l’environnement de grande ampleur. Sa large production de charbon (70% de son énergie) conjuguée à l’urbanisation excessive font de la Chine le premier émetteur de gaz à effets de serre (25% du total mondial). Un tiers des fleuves est pollué. Ce sont 10 millions de tonnes de déchets toxiques qui ont été déversés dans la mer de Chine. La gestion des déchets laisse tout autant à désirer :

600 millions de tonnes sont en attente de traitement. Et le coût de cette pollution représente 8 à 10% du PIB. A en croire l’économiste Bertrand Chockrane, le pire scénario reste à venir : « l’économie du monde présente tous les facteurs similaires à la crise de 1929 » avance-t-il. « Il y a une mondialisation des échanges commerciaux, une grande quantité de monnaie en circulation (quantitative easing), un protectionnisme des états, l’incompréhension entre le politique et la Banque Centrale et des conflits armés dans le monde ». Tess Barbier


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Cannabis : donne moi du cash ! Procédures fluidifiées, sanctions efficaces, hypocrisie étatique ou encore avancée vers la légalisation pour justifier le décret publié au Journal Officiel ce vendredi 15 octobre. Les consommateurs de marijuana devront désormais payer une amende.

plein gré au commissariat. Encore des procédures, donc... Laurence Mayer, avocat, confie : « Il faut désengorger les tribunaux, c’est inévitable, Il faut faire quelque chose et soumettre les petits délits à des amendes est une solution efficace qui reste dissuasive pour les consommateurs. À condition que ce ne soit pas trop laxiste car après il suffit de payer. Ça reste un délit donc, en cas de récidive il faut quand même que ça aille plus loin, et la loi le prévoit ». Les policiers sont également favorables à cette mesure car elle pourrait diminuer le cumul des dossiers. Un bon moyen donc de soulager la surcharge de « paperasses ».

Remplir les caisses de l’Etat rapidement « C’est une répression contraire à notre esprit ! », s’étonne Laurence Mayer. La politique française concernant la consommation de cannabis était jusque là peu laxiste. Les forces de police et les consommateurs jouant sans cesse au chat et à la souris dans les rues. Depuis la publication de ce décret, la politique révèle une tout autre face qui frôle la tolérance. Une simple amende pour avoir fumé un joint dehors.

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« Sanctionner plus vite et mieux », c’est l’objectif donné par Dominique Raimbourg, député PS. Si un individu est contrôlé pour la première fois en possession de cannabis, il devra payer une simple amende et échappera ainsi au tribunal. À condition bien sûr que ce dernier reconnaisse les faits et qu’il puisse payer immédiatement. Une amende comprise entre 100 et 150 euros soit un trentième d’une contravention ordinaire, qui elle, s’élève à 3500 euros. Cette mesure s’inscrit dans la réforme pénale, votée en août 2014, de la Garde des Sceaux Christiane Taubira, et concerne toutes les infractions punies par des contraventions de 5ème catégorie comme les auteurs de vol simple inférieurs à 300 euros. Il ne s’agit en aucun cas d’une dépénalisation et le trafic de stupéfiants n’est pas concerné (10 ans de prison et jusqu’à 20 ans pour la production).

Elle est déjà pratiquée dans certaines zones de sécurité prioritaires (ZSP) : à Amiens, à Marseille et en Seine Saint-Denis. Cela ne sera en revanche pas appliqué aux délits concernant la consommation de cannabis au volant, ni aux personnes placées en garde à vue, qui, elles devront automatiquement passer devant un tribunal.

Des jugements trois ans après les faits l’Etat souhaite ainsi désengorger les tribunaux, débordés par les procédures judiciaires qui n’en finissent pas. « Fluidifier » les procédures qui concernent les « petits délits » semble donc être une bonne piste de reflexion. «

L’embouteillage fait que le prévenu a tourné la page depuis longtemps. Il y aussi une forme de clémence du tribunal car on ne condamne pas de la même manière quelqu’un qui a commis des faits il y a trois mois ou il y a trois ans », commente l’avocat Rémy Josseaume au micro de RTL. Cependant, la contravention sera quand même soumise à l’autorisation du procureur de la République puis devra être validée par un juge. Le tribunal pratiquera alors le « cas par cas ». Néanmoins, en cas de refus, les poursuites judiciaires seront toujours envisageables. Si il y a le moindre soupçon de trafic, le décret n’entrera pas en compte. Autre bémol : l’application peut se révéler difficile car cette transaction pénale ne pourra être proposée qu’à l’issue d’une garde à vue et concernera uniquement les personnes qui se rendront de leur

Sanctionner, oui, mais dans quel but si ce n’est pas pour lutter contre la consommation en elle-même ? La réponse est évidente : l’Etat vient toucher du doigt une nouvelle « machine à cash », frapper directement dans le portefeuille des français. Après la mise en application de la loi interdisant de jeter son mégot de cigarette, et qui prévoit une amende de 68 euros, le gouvernement de Manuel Valls ne lésine pas sur les mesures incisives et déploie toute une palette de sanctions permettant de remplir les caisses de l’Etat rapidement. Rien d’étonnant puisque la dette publique française bondit à 97,5% du PIB au premier trimestre 2015, soit une augmentation de 51, 6 milliards d’euros. Alors que la moyenne dans l’Union Européenne est de 91,9%. L’État se devait donc de trouver un moyen efficace pour lutter contre cette tendance et il tente

désormais de ramasser les pots cassés. Alors que certains y voient un pas de plus vers la légalisation, d’autres observent une hypocrisie déconcertante et ont l’impression de subir sans cesse les répercussions d’un état de panique des politiques. « Je fume quotidiennement chez moi et lorsque je sors dehors avec des amis. On fait toujours attention, on regarde s’il y a la police de temps à autre. Mais je trouve que c’est hypocrite de la part des politiques d’utiliser ce prétexte sans même avoir soulevé la véritable question qui est : aider les consommateurs grâce aux soins », confie Lisa, 23 ans, étudiante en psychologie. En effet, selon l’Observatoire français des drogues et des toxicomanies (Ofdt), une large majorité approuve le dispositif des stages de sensibilisation aux dangers de l’usage des produits stupéfiants (68 %), prévus pour les usagers occasionnels de stupéfiants non dépendants dans le but de les dissuader de récidiver. Avant que ce décret n’ait été publié, la possibilité

d’une amende financière divisait l’opinion en deux parts égales (50 %) et par ailleurs 36% adhère à l’idée de peines de prison.

Aider les fumeurs Alors que la légalisation demeure un sujet tabou en France, l’Ofdt ne dénombre pas moins de 4,6 millions de consommateurs occasionnels et environ 700 000 consommateurs quotidiens. Selon Guillaume Abesse, responsable du pôle communication de l’observatoire : « Le cannabis est de loin la drogue la plus consommée en France. Parmi les 18-64 ans, 42 % l’ont déjà expérimenté (50 % parmi les hommes et 33 % parmi les femmes) et 11 % disent en avoir consommé au cours de l’année (15 % parmi les hommes, 7 % parmi les femmes). » Cette hausse va de pair avec l’accroissement de l’offre du cannabis en France, et notamment de l’auto culture, de la production locale d’herbe et du trafic. Comme

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l’opération réalisée ce 18 octobre dans le 16ème arrondissement de Paris : 7 tonnes de cannabis ont été saisies.

devant un tribunal correctionnel ?

« Concernant les alternatives pénales pour l’usage et la détention de cannabis, les Français adhèrent davantage (86 %) à celles qui orientent vers les soins (obligations de soins) ou qui se limitent à un rappel à la loi. » En effet, cette sanction va-t-elle toucher les plus précaires ? Les personnes susceptibles de se faire arrêter en possession de cannabis sont plutôt les jeunes qui doivent fumer dehors. Ils seront alors certainement les plus contrôlés et soumis à cette nouvelle mesure. « C’est une question délicate, est-ce que ça va fonctionner ? Je n’en suis pas sûre. Cela va désengorger les tribunaux, oui, mais ça ne règle pas le problème de fond. Ce serait plus utile d’être aidé par l’État », nuance Laurence Mayer. Une amende que certains jeunes n’auront pas les moyens de payer. Mais est-ce mieux de les envoyer

Dans une vingtaine d’États américains, l’usage du cannabis qu’il soit médical ou récréatif est autorisé. Selon l’Associated Press, au Colorado, premier pays à l’avoir légalisé il y a un an, le cannabis rapporte 30 millions de dollars de trop-perçu à l’Etat tel point qu’il se doit de redistribuer ces revenus. La marijuana taxée à 30% représente une véritable aubaine pour le pays. Mais il faut tout de même se souvenir que depuis 1992, la Constitution du Colorado plafonne le montant des taxes et impôts que peut percevoir l’État. Un modèle bien loin de celui de la France. Cette dernière voit sa politique qui tangue, elle dit blanc et fait noir. À travers toutes ces réformes, qu’elles soient sanitaires, pénales ou scolaires, le gouvernement de Manuel Valls ne sait plus sur quel pied danser et tente de mettre en place toutes sortes de mesures peu utile, et parfois même contradictoires.

La légalisation rapporte

Lorsque Bernard Cazneuve, ministre de l’Intérieur avait détaillé, cette année, les mesures mises en place dans la ville de Saint-Ouen, pour sortir de la spirale de la violence liée aux trafics de drogue : 15 personnes sont mortes pour un règlement de compte en 2014, selon l’AFP. Le ministre de l’intérieur entendait ne pas cibler seulement les dealers. « L’ensemble des acteurs, acheteurs, rabatteurs, guetteurs, vendeurs et organisateurs, qui contribuent à la prospérité de ce trafic local feront systématiquement l’objet d’un traitement pénal dissuasif », a-t-il affirmé. Cette méthode sera-t-elle efficace ? Maître Caballero, avocat et auteur du livre « Legalize it ! » s’était exprimé à l’antenne de BFMTV ce jour là : « C’est une guerre perdue d’avance ! La prohibition n’a jamais marché ! » Selon le rapport de l’ONU publié en 2011 : « La guerre mondiale contre la drogue s’est soldé par un échec ! » Lucie Armel

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Depuis le 31 juillet dernier, environ 700 réfugiés sont hébergés au lycée désaffecté Jean-Quarré dans le 19ème arrondissement de Paris. Dans des conditions déplorables, de nombreux bénévoles viennent quotidiennement apporter leur aide. Lundi 19 octobre, 19ème arrondissement de Paris, lycée JeanQuarré. Devant ni policiers ni CRS, juste quelques personnes en train de discuter. Un jeune homme souriant d’une vingtaine d’années s’apprête à rentrer lui aussi dans le lycée. Rien ne prédestinait Abdel à quitter Kaboul. Gérant de son propre business il est contraint de partir à cause de la guerre. Pour arriver jusqu’ici le chemin fût très long : Iran, Turquie, Bulgarie, Hongrie, Slovénie, Italie puis enfin la France. Mais selon lui, ça en valait la peine. « Même si les conditions de vies sont horribles ici, je préfère être là qu’en Afghanistan ». Des hommes comme Abdel fuyant la guerre, ils sont entre 100 et 200 au lycée. Avec seul objectif : rester en France. Mais pour l’instant beaucoup d’entre eux attendent leur statut de réfugié de la part de l’OFPRA « Office Français de Protection des Réfugiés et Apatrides ». Quand Abdel croise des amis et décide de les suivre. Il rejoint sa chambre où vivent également 14 autres Afghans. Pour rejoindre son dortoir, il longe la cour de récréation où plus d’une cinquantaine de réfugiés sont réunis, dont quelques enfants. Beaucoup jouent au basket,

certains au football. D’autres sont simplement assis sur les bancs à regarder. Le rebond des ballons, le chahutement des enfants, les paroles de certaines conversations... des sons qui rappellent immédiatement une cours de récréation « normale ». Au loin les musiques du moment se font entendre. Autour d’eux, des murs pleins de graffitis et de slogans comme « Refugees are survivor » ; « On a une gauche qui mérite une droite ». Au fond de la cour des campements sont installés, séparés par de grands rideaux. Un peu plus loin se trouve l’infirmerie et la cantine.

« Les hommes essayent de forcer les portes des dortoirs des femmes » Abdel, lui, vit au quatrième étage au fond d’un couloir mal éclairé. L’ancienne salle de classe pleine de graffitis a été spécialement aménagée en dortoir. Dedans une dizaine de matelas sont disposés avec des couvertures. Le deuxième lit à gauche est occupé par Mustafa, réveillé en pleine sieste par Abdel. Lui aussi vient d’Afghanistan, et n’est pas arrivé du jour au lendemain ici. Il explique être passé par l’Iran, la Turquie, la Bulgarie, la Serbie, la

Hongrie, l’Autriche et l’Italie avant d’arriver enfin en France. Quand on lui demande si la France traite bien ses réfugiés en comparaison avec les autres pays, sa réponse est claire. « De tous les pays où je suis resté, la France n’est pas le pire en terme d’accueil. La Turquie m’a bien traité également mais au vue de mon expérience je dirais que le mieux c’est l’Italie ». Pourtant au départ Mustafa avoue qu’il voulait rejoindre l’Allemagne, mais il change vite d’avis. « Des amis à moi m’avaient recommandé d’aller en Allemagne mais j’estime que le peuple français était plus ouvert que le peuple allemand ». Réfugié, certes, mais pas langue de bois pour autant quand il s’agit de parler de la politique en France « Même si je préfère le peuple français au peuple allemand, question politique j’avoue que c’est le contraire ». Selon lui le gouvernement français avec les ressources qu’il possède pourrait mieux gérer la situation, notamment en terme de sécurité. Car le lycée n’est protégé par aucun policier et des bagarres éclatent très souvent, comme il y a deux semaines. «Il y a encore quelques jours on jouait au basket et un Africain s’est pris un ballon, il s’est énervé, a pris un couteau et c’est parti

©Guillaume Blaison.

Lycée Jean-Quarré : nouvelle étape des réfugiés

Florent en plein cours de Français avec des jeunes Afghans

en bagarre », confesse Mustafa. Mais rien d’étonnant selon lui « quand on vit sans arrêt avec des gens qu’on ne connaît pas. On est fatigués de vivre ensemble ».

©Guillaume Blaison.

Selon Nadia, une Marocaine venant de Libye, « Le lycée est clairement confronté aux problèmes d’insécurité. Il y a souvent eu des disputes entre les Soudanais et les Afghans pour la nourriture mais heureusement ça s’est calmé depuis quelques jours. Je pense qu’ils ont compris que ça ne servait à rien ». Pour cette dernière, l’insécurité est encore plus importante pour les femmes. « Moi j’ai de la chance personne ne m’embête, on me respecte car je suis plus âgée. Mais pour les autres c’est une toute autre histoire. Je sais que la nuit il est déjà arrivé que des hommes essayent de forcer les portes des dortoirs des femmes. Mais heureusement il y en a toujours certains pour les défendre ». Quand ces conflits éclatent, personne ne compte sur l’aide des policiers. « Parfois ils sont postés devant le lycée et les regardent se battre, mais ils n’agissent pas. Je pense que dans le fond ça les amuse. »

Des cours de français et d’anglais pour aider les réfugiés Malgré les problèmes d’insécurité les réfugiés s’occupent de manière ludique. Certains s’adonnent à la peinture, au sport ou encore à l’apprentissage des langues. Car beaucoup d’entre eux ne parlent que très peu français ou anglais. C’est pourquoi de nombreux bénévoles,

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Un couloir du quatrième étage pour rejoindre leur dortoir.

souvent indépendants, viennent régulièrement leur donner des cours. C’est le cas de Florent qui vient quotidiennement donner des cours de français à Abdel, Mustafa et leurs amis. « Je viens pendant une heure tous les jours. Étant donné que je suis au chômage en ce moment, j’ai du temps à leur consacrer ». Le but n’est pas de leur faire parler couramment français mais plus « leur apprendre un langage pratique », explique Florent. Le cours d’aujourd’hui a lieu au fond de la chambre, Florent et ses élèves Afghans sont simplement posés sur des matelas. Sur le mur on aperçoit un tableau où sont écrits des chiffres en français. Durant le cours, Florent leur apprend comment demander leur route, le chemin pour rejoindre le métro ou encore comment se rendre dans une discothèque. Abdel au même moment décide de préparer du thé pour tout le monde. Une odeur légère se dégage alors dans la chambre. Mustafa, lui, s’occupe sur son téléphone, quand on l’interroge sur sa famille restée en Afghanistan, il reste évasif. « J’ai laissé ma famille là-bas, dont mes trois enfants. J’ai très peu de contact avec eux. Notre dernière conversation remonte à trois mois ». En Afghanistan, Mustafa était apiculteur, peut-être le deviendra-t-il aussi en France. Mais pour l’instant il essaye de « mieux parler le français ». En plus des profs, d’autres bénévoles apportent leur aide aux réfugiés. C’est le cas notamment de Shaïsta, une jeune femme de 25 ans, qui depuis plus de deux mois donne de son temps aux réfugiés. Au départ elle donnait elle aussi des cours de

français mais a vite arrêté pour se consacrer à une autre mission toute aussi importante. « Depuis environ un mois je m’occupe essentiellement de la paperasse. Ils sont très nombreux à ne pas avoir de notions en français et tous les papiers qu’on leur demande de remplir sont en français. ». Shaïsta accompagne également les malades à l’hôpital. « Beaucoup d’entre eux arrivent déjà malades en France, d’autres tombent malades à causes du manque d’hygiène au lycée. Par conséquent tous les jours je dois en emmener minimum deux se faire soigner », explique t-elle. Se faire soigner alors qu’on est en attente de papiers, cela peut s’avérer compliqué. « La plupart des médecins refusent de les soigner car c’est interdit. Ils ont l’impression de faire dans le ‘social’ », avoue-t-elle, un peu amère. « Au début Médecins du Monde venait presque tous les jours, mais aujourd’hui ce n’est plus le cas. De toute façon ils délivrent surtout des médicaments sans ordonnance », ajoute-t-elle. Mais il semblerait pour l’instant que leur plus gros problème ne soit pas l’hygiène. En effet, depuis quelques jours les réfugiés sont menacés d’expulsion du lycée par le tribunal administratif de Paris. Une question se pose alors : où vont-ils être logés ? Personne ne le sait. Même si la mairie de Paris a promis de les reloger quelle que soit leur situation administrative, les bénévoles présents sur place dénoncent le fait que ces promesses « n’aient été données autrement qu’oralement ». Seul l’avenir nous le dira. Laura Bisgambiglia

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Des réfugiés dans la rue… pour ne pas y retourner Sous la menace d’une expulsion, les occupants du lycée Jean Quarré dans le XIXe arrondissement de Paris et les riverains s’organisent. Mardi 20 octobre, ils manifestaient dans les rues pour négocier les conditions de relogement. Sous une pluie fine, dans la cour du lycée Jean Quarré un petit groupe de personnes termine de préparer des banderoles. Il est 17h30. Inlassablement, ils repassent au feutre ce que le crachin a effacé. Ce sont des habitants du quartier pour la plupart. Ils sont venus prêter main forte aux quelques cinq cents réfugiés installés depuis plusieurs mois dans le lycée désaffecté du XIXe arrondissement de Paris. Sur les banderoles on peut lire “Welcome Refugees”, “Solidarité Avec Les SansPapiers”, “Logement Pour Tous » ou encore “Respectez Notre Humanité”. Jusque-là tolérés par la mairie, cette dernière souhaite transformer les locaux en « centre d’hébergement adapté à l’accueil de réfugiés avant le début de la période hivernale », le 1er novembre. Elle veut y réaliser des travaux, chose impossible tant que les lieux sont occupés. Ainsi, le tribunal administratif a tranché : à partir de dimanche 25 octobre, les migrants pourront être expulsés des lieux.

Des contreparties exigées Pour autant, la mairie assure que

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les occupants éligibles à l’asile seront hébergés pendant un mois, le temps d’effectuer leurs démarches. Seulement, cette garantie n’est pas jugée crédible pour des migrants qui craignent de se retrouver une nouvelle fois à la rue. En plus de demander une véritable application de la promesse de relogement, ils souhaitent l’être à Paris et en proche banlieue pour leur faciliter leurs démarches administratives. Ils souhaitent également qu’il n’y ait pas d’expulsion hors de France et militent pour l’abolition du règlement Dublin II, obligeant les personnes ayant donné leurs empreintes dans un autre pays à y retourner ou à attendre six mois ou plus avant de pouvoir faire leur demande d’asile en France. Le cortège se met en marche pour rejoindre la station de métro voisine afin de rejoindre la place de la République. Il fait sombre. Heureusement la pluie a cessé. Les manifestants, équipés de mégaphones entonnent leurs chants revendicatifs. Beaucoup ne pratiquent pas la langue de Molière mais tous se forcent à chanter en français pour se faire comprendre du plus grand nombre.

Quelques personnes attendaient l’arrivée des manifestants pour grossir les rangs. D’autres s’arrêtent par curiosité, discutent, puis repartent. Beaucoup partagent leurs inquiétudes comme Philipe qui estime qu’ils « ont raison de réclamer un toit ».

Vivre une vie normale Tarik et Redouane, deux jeunes Soudanais arrivés récemment au lycée participent à la manifestation. « Il faut que les gens nous entendent, qu’ils nous comprennent. On veut juste un endroit où dormir en attendant d’obtenir notre droit d’asile. Ensuite on pourra travailler pour vivre une vie normale. C’est tout ce qu’on demande », confie Tarik. « On ne peut pas attendre sans rien faire, on doit mettre la pression », explique de son côté un bénévole. « Il n’y a eu que des promesses faites à l’oral, on ne sait jamais ce qui peut se passer, on ne peut pas renvoyer ces personnes dans leurs pays en guerre ». Le cortège repart, direction Chatelet, le cœur de Paris, pour réclamer un peu plus d’humanité. Ils souhaitent qu’une personne en particulier les entendent : François Hollande, le président normal à qui ils réclament une vie… normale. Guillaume Blaison

Visite de Xi Jinping à Londres : entre enjeux économiques et indignation Le président chinois sera en visite d’état au Royaume-Uni jusqu’à vendredi. L’enjeu pour le pays : devenir le premier partenaire de la Chine en Occident dix ans après la dernière visite d’un président chinois à Londres. Promenade en carrosse jusqu’à Buckingham Palace, banquet officiel à Guidhall, ou encore dîner au manoir de Chequers, le Royaume-Uni a sorti le grand jeu pour la visite d’état du président chinois Xi Jinping. Et pour cause, ce voyage est censé se conclure par la signature d’accords commerciaux et d’investissements représentant plus de 40 milliards d’euros ainsi que la création de 3900 emplois au Royaume-Uni. L’espoir d’ouvrir une « ère dorée » des relations entre les deux pays, selon les services du Premier Ministre. Aujourd’hui, Londres est le premier bénéficiaire des investissements chinois en Europe, à la fois dans l’industrie mais également dans

la finance. D’après un rapport de l’OCDE, les Chinois auraient financé 70 milliards de dollars de fusion et d’acquisition depuis 2008. Un rapport du Centre for Economics and Business Research de Londres estime, quant à lui, que la Chine pourrait investir au Royaume-Uni près de 141 milliards d’euros d’ici 2025. Selon Jean-Joseph Boillot, conseiller au CEPII et spécialiste des grandes économies émergentes, les enjeux de cette visite pour la Chine sont multiples. D’abord, « le but est de mettre fin aux rumeurs sur la crise chinoise. » On a en effet pu remarquer une croissance chinoise en déclin, due à la baisse de la demande dans les marchés européens et américains, ainsi qu’à un changement du modèle économique. Jean Joseph Boillot explique « L’économie chinoise est dans un défi d’ajustement structurel. Elle n’est plus dans ce super cycle chinois des années 80 à 2010 d’être l’usine du monde très passive dans la réception des délocalisations ce qui était le modèle chinois du décollage.

Elle est maintenant dans une autre phase où elle se globalise de façon active et non plus passive. Je crois que ressortira de cette visite le fait que la Chine n’est pas en crise mais qu’elle est en phase d’adaptation et qu’elle a manifestement encore des atouts pour séduire. » Le renforcement de la base industrielle et financière établie au Royaume-Uni par la Chine sera également mis à l’honneur. L’idée étant d’établir une forte base de la présence chinoise en Europe. « Il est évident que cette idée d’internationaliser les yuan est au coeur de cette visite. La place financière de Londres achètera ou n’achètera pas ce défi de l’internationalisation du yuan. Par ailleurs, rappelons que le RoyaumeUni est le premier pays à avoir adhéré à la nouvelle banque asiatique des financements des infrastructures, l’AIIB, et qu’elle a précipité dans son sillage la France et l’Allemagne » affirme Jean Joseph Boillot.

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SOCIETE Les secteurs concernés par ces accords se concentrent sur trois points : « Ce que cible clairement la Chine aujourd’hui ce sont des investissements dans les grandes infrastructures de transport, d’énergie et de type portuaire. C’est dans ce domaine là que la partie chinoise met l’accent. Il faut être très vigilant quant à ce que la partie anglaise acceptera finalement dans ces domaines. » Du côté du Royaume-Uni, le pays souhaite poursuivre sa stratégie, et devenir une base globale pour le reste du monde : « réussir à tisser des liens très étroits avec la première force économique du monde c’est évidemment quelque chose qui a un effet sur le prestige et la reconnaissance du pays comme une grande puissance européenne ». Le but est de propulser une économie anglaise qui ne se porte pas si mal, grâce à ce genre d’investissement. Jean Joseph Boillot conclut : « Ce que la Grande-Bretagne a fait avec les États-Unis dans les années 80, elle est en train de le reproduire avec la Chine aujourd’hui. »

SOCIETE Malgré les accords de plus de 30 milliards de livres à la clé, des zones d’ombre subsistent dans ce partenariat : pour certains, la question des droits de l’homme en Chine est un frein à l’alliance économique entre les deux pays. Nouvel empereur rouge depuis 2012, Xi Jinping ne tolère plus la moindre voix dissonante. L’organisation d’une censure drastique et l’emprisonnement de tous les dissidents du régime alarme les organisations internationales des droits de l’homme. Des centaines d’avocats défenseurs des droits de l’homme sont traités comme des criminels depuis la vague répressive de juillet 2015. Kidnappée par les autorités chinoises en juillet dernier, Wang Yu est devenue le symbole de la lutte contre le gouvernement chinois. Harriet Garland, porte parole de Amnesty International au Royaume Uni sur les questions asiatiques explique « La disparition de Wang Yu en Chine, a marqué le début de la répression des avocats des droits de l’homme par

les autorités chinoises. Plus de 230 avocats et activistes ont été ciblés, qualifiés de criminels, portés disparus ou détenus par la police. La plupart des personnes arrêtées travaillaient sur des dossiers susceptibles d’incriminer le gouvernement chinois de bafouer les droits de l’homme. Au moins 25 avocats sont encore introuvables ou détenus par la police». Selon la porte parole de l’ONG, la visite du président chinois au Royaume-Uni doit permettre de tirer la sonnette d’alarme « On a beaucoup parlé des progrès économiques de la Chine, de l’amélioration des conditions de vie, ainsi que de l’apparition d’une classe moyenne. C’est un point positif, certes, mais en matière de droits de l’homme Amnesty International a remarqué une détérioration significative depuis l’arrivée au pouvoir de Xi Jinping en 2012 ». Les dirigeants étrangers ont été priés par Pékin de ne pas évoquer la question des droits de l’homme avec le président chinois mais selon Harriet Garland, il est impératif d’aborder le sujet « David Cameron doit garder en tête que la Chine est le pays qui a le plus exercé

Le président chinois Xi Jinping.

la peine de mort en 2014, à la suite de procès qui n’honoraient pas les normes internationales. Le premier ministre doit absolument parler au président chinois de l’opération de capture et de détention des avocats et des activistes pour les droits de l’homme ».

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Plusieurs ONG vont manifester cette semaine pour montrer leur mécontentement. Parmi elles, Free Tibet. L’attaché de presse de l’organisation, Alistair Currie s’exprime : « Depuis qu’il a accédé au pouvoir en 2012, le président chinois a organisé une répression au Tibet et un contrôle absolu des vies des tibétains. Il est aussi à l’origine d’une des dégradations les plus significatives des droits de l’homme en Chine ces dernières années. Et malgré cela, sa présence est honorée à Londres cette semaine. Nous manifesterons notre colère contre Xi Jinping pour montrer à quel point nous soutenons le Tibet, mais également pour envoyer un message au gouvernement. Le peuple anglais ne voit pas d’un bon oeil ce rapprochement économique

avec la Chine: c’est une mauvaise politique et c’est injustifiable sur le plan éthique. Nous protesterons lors de la cérémonie devant Buckingham Palace, ainsi que lors de la rencontre officielle entre Xi Jinping et David Cameron ». Alistair Currie rappelle : « Depuis qu’il est arrivé au pouvoir, il y a eu une montée en puissance de l’usage de la force pour supprimer toute sorte d’opposition. Le gouvernement chinois n’a montré aucune volonté de régler le problème tibétain autrement que par l’oppression. La situation s’est largement détériorée. Il est important que tout le monde se souvienne que la Chine est un gouvernement autoritaire qui piétine les droits de l’homme. » Ces manifestations convaincrontelles les dirigeants britanniques d’aborder les droits de l’homme ? Ce n’est en tout cas pas l’avis de Anne Loussouarn, réalisatrice du documentaire « Chine – République populaire de la corruption » : « La question des droits de l’homme n’est jamais abordée. Avec les chinois c’est business first. Le pouvoir économique

que représente la Chine passe avant tout. Et en toute honnêteté, je ne pense pas que ce soit utile d’évoquer les droits de l’homme, Xi Jinping s’en fout ! » Lila Berdugo

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SOCIETE

Fashion Week été 2016 : ce qu’il faut retenir Après un marathon infernal aux quatre coins du globe, l’heure de l’analyse a sonné. Défilées tendances, si vous avez manqué des choses, installez-vous confortablement, nos 3 experts modes refont et décryptent la fashion week été pour vous. Les grands moments des experts Brochette de stars au défilé Balmain, par Léa Malhuret Avec son défilé printemps-été 2016, Olivier Rousteing a fait du bruit. Évidemment pour sa collection glamour et sophistiquée, mais aussi et surtout pour le casting 5 étoiles qu’il a fait défiler. Alessandra Ambrosio, Doutzen Kroes, Kendall Jenner, Gigi et Bella Hadid, toutes les mannequins phares du moment ont foulé le podium. De quoi rendre jaloux la planète mode. Olivier Rousteing est déjà un grand monsieur de la mode, et il sera dans quelques années LE grand monsieur. » Photo gigi

Rick Owens, l’agitateur, par Mathieu Assez Décidément, Rick Owens veut marquer les esprits. Après avoir fait défiler ses mannequins sans pantalon ni slip pendant la fashionWeek homme, le voilà de retour avec un défilé acrobatique où les corps s’entremêlent. Quand le défilé mode devient une position sexuelle, on vous sert du 69. Contemporain ? Mais ne prend-il pas le risque de plus convenir à la case polémiste que créateur ? Même si le show est fait, la collection reste décevante.

Bon retour Courrèges, par Isabelle Bordji Cette fashion week marquera la maison Courrèges. Après 13 ans d’absence sur les podiums, elle signe, aujourd’hui, son grand retour avec une collection très attendue. Moderne, futuriste, fraîche, le duo de jeunes créateurs français, Arnaud Vaillant et Sébastien Meyer, a réussi son pari : offrir à la maison une nouvelle jeunesse. Longue vie à Courrèges ! Photo défilé Courrèges

Photo Défilé Rick Owens

Jacquemus, un ange passe, par Walid Baouch

Créateur jeune et prometteur, Simon Jacquemus a, encore une fois, montré la grandeur de son talent. Son défilé printemps-été 2016 sur le thème du cirque est une ode à la mélancolie. Des robes courtes et asymétriques, des coupes nouvelles, de l’audace défilent ravissant les yeux d’un spectacle émouvant. Et soudain, une apparition, une parenthèse, un moment de grâce lyrique : un cheval blanc et son prince.

Les tendances de l’été 2016 Il est compliqué de comprendre dans cet amas de couleur, forme, motifs et autres, les tendances de demain. Nos experts aux yeux aiguisés vous livrent les 5 tenus indispensables de cet été.

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SOCIETE

SOCIETE Slip dresses

Paillette disco

Revival 90. Pour le printemps-été 2016, les créateurs se réapproprient la petite robe blanche à fines bretelles de Kate Moss ou de Carolyn Bessette Kennedy dans les nineties. Des robes minimalistes façon nuisettes en soie dans une palette allant du blanc neige aux nudes en passant par le crème. Le pyjama porté de jour comme de nuit : tel est le crédo des créateurs qui détournent et modernisent ce grand classique en version prêt-à-porter.

En piste, les robes iridescentes et scintillantes des défilés Lanvin, Nina Ricci ou Vêtements sortent le grand jeu. Des tenues boules à facettes entièrement rebrodées de paillettes très discos, pour briller sous les sunlights, attention les yeux.

Combipantalon De la version ensoleillée d’Isabel Marant à la réinterprétation plus masculine de Louis Vuitton en passant par celle d’uptown girl de Ralph Lauren… La combi pantalon fait son come-back de saison. À porter ample, ou simplement resserrée d’une fine ceinture, elle vous assure un look chic et décontracté.

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Résilles

Le kaki militaire

Écho à une certaine tendance futuriste cette saison, la résille prend les devants les plus graphiques. Entre Mad Max époque Tina Turner, Cloud Atlas ou encore Grace Jones dans Conan le Barbare, les filles prennent des airs de guerrières de l’espace façon Heroic Fantasy.

La tendance uniforme opère cette saison un come-back de choc. Dans des dominances kaki, les codes militaires sont réinterprétés au féminin chez Anthony Vaccarello, Céline et Versace.

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JUSTICE

JUSTICE

« Dans ma cité on protège sa famille »

nous raccrochent au nez… ». Mohamed a également introduit des stupéfiants en détention. « Oui c’est vrai j’avais en ma possession de l’herbe en détention, c’est grave, je le reconnais formellement. Le milieu carcéral est difficile, quand les gens qu’on aime sont en prison on les soutient, on prend soin d’eux… ». La juge est stupéfaite : « Pour vous c’est complètement normal. Vous vous rendez compte de l’impression que vous donnez ? ». Dans la salle d’audience, les avocats se regardent et rigolent discrètement. Écoute du 22 mars 2015, Mohamed était durant cette période sous contrôle judiciaire. Il contacte un ami incarcéré a Fleury Morangis : « T’as besoin de gent-ar ? ». Le prisonnier répond : « Non, moi je me débrouille tout seul. Mais Jean Mouloud en a besoin lui… ». Les juges en ont fini avec Mohamed, pour le moment. À l’extérieur, devant la chambre 6. L’avocat de Monsieur Infay, un des 16 « mecs des 4000 » insulte Mohamed de « con ». Le père du jeune homme demande à l’avocat la raison pour laquelle il rigolait durant le procès. « Pardonnez-moi monsieur mais regardez votre fils. Comment veut-il être pris au sérieux avec un comportement pareil ? Accoudé à la

Mardi 20 octobre, « les mecs des 4000 » ont été jugés au Tribunal de Grande Instance de Bobigny (93) pour trafic de stupéfiant, blanchiment d’argent et violences répétées. En Chambre 6, la salle est pleine, madame le procureur s’est installée, les avocats arrivent au fur et à mesure. La sonnette retentit, le procès débute. Aujourd’hui, c’est un groupe de 16 personnes qui sont jugées. Agés de 22 à 30 ans et résidant dans le même quartier à la Courneuve (Seine Saint Denis). Ils sont aussi surnommés « les mecs des 4000 ». Tous liés à la même affaire et arrêtés pour du trafic de stupéfiants, blanchiment d’argent, et violences répétées, c’est Mohamed qui ouvre le procès. Petit de taille, environ 1m65 et bien en chair, le jeune homme est âgé de 24 ans. Vêtu d’un ensemble de jogging couleur stabilo, Mohamed est calme et très franc. Accoudé à la barre il répond aux questions de la juge.

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L’accusé confirme avoir eu en sa possession « des pochetons d’herbe et des blocs » de résine de cannabis. Ces jeunes sont suivis et sont sur écoute depuis mai 2013. Toutes leurs conversations ont été enregistrées, écoutées et retranscrites. La juge nous fait écouter sa sélection. Mohamed est éducateur sportif à la mairie de la Courneuve, il travaille également dans le grill d’un ami. Une grosse somme d’argent a été retrouvée lors de la perquisition de la police dans « le bureau du grill », qui est en fait un local. Le jeune homme nie les faits. C’est dans ce bureau que se déroulait leur « réunion ». Selon les accusés ce bureau était en fait la réserve du restaurant. Au dire « Prend deux blocs on se rejoint au bureau… », Mohamed confirme que c’est bien sa voix mais qu’il ne se souvient pas avoir eu cette conversation et déclare : « Non je ne fais pas dans le trafic de drogue madame ». Écoute du 2 février 2015, « ramène des feuille de Blunt et des

barre, pas rasé, en jogging… je n’ai rien contre vous Mohamed mais vous parlez trop et vous n’essayez pas d’arranger votre cas… ». 2 sur 16 : cinq ans pour avoir volé des dealers Monsieur Infay est actuellement en détention. Agé de 29 ans, il vit avec ses parents et possède un chien. De confession musulmane, les parents de se dernier refusent d’accueillir l’animal dans leur domicile car ce n’est pas bien vu dans l’islam. Monsieur Infay est impressionnant et marrant, il mesure au moins 1m 95 et lève la main comme à l’école pour demander la parole. Suivi depuis deux ans par la police, il a été vu plusieurs fois dans un garage, où il laissait son chien. « Madame moi je sais même pas pourquoi je suis en prison ! J’ai juste volé des dealers. Quand je passais au garage, il y avait un coin où étaient rangés les blocs. J’ai volé des plaquettes puis j’ai pris cinq ans pour ça ». La juge : « D’accord, mais vous ne demandez pas au membre du garage pour laisser votre chien ? ». « Non je demande rien à personne ça va pas ! Je le ramène et il s’en occupe c’est tout ».

plaquettes, toutefois ses empreintes digitales ont été retrouvées sur des emballages, des sachets et du scotch. Également son analyse urinaire était positive au cannabis. Monsieur Infay affirme et assume : « Je suis là pour répondre de mes actes ». Son avocate n’ose même pas regarder les juges, à bout de nerfs elle se retourne. Son client s’enfonce petit à petit. Une des juges se frotte les yeux, elle n’y croit pas. L’accusé envoyait des amis pour acheter la marchandise (drogue), ces personnes jouaient les intermédiaires dans son trafic. La juge : « Pourquoi vous ne vous déplacez pas vous-même ? C’est trop risqué ? ». L’accusé déclare : « Je ne veux pas gâcher ma vie ! Imaginez il y a une descente de police ». La juge : « Combien prend votre intermédiaire ? ». Monsieur Infay répond sèchement « rien c’est un ami ». La juge « Donc vous laissez votre ami prendre tout les risques à votre place…Elle est belle votre amitié ! » La première partie de l’audience prend fin, en attendant la suite du procès les jeunes des 4000 sont remis en détention. Selena Djennane

Monsieur Infay déclare avoir volé des

clopes on sait jamais… ». La juge demande ce qu’est une feuille de Blunt, voici la définition du garçon : « Une feuille de Blunt, c’est une feuille pour rouler mais parfumée, genre fraise, coca et puis ça défonce plus. Vous pouvez en trouver partout… ». Exaspérée la juge enchaine sur une autre écoute, 20 février 2015. Mohamed apprend que son petit cousin a eu un accrochage avec un jeune d’un autre quartier. « C’est qui, c’est qui ?! » demande l’accusé. « Il s’appelle comment ? Il veut que je le fouette… ». La juge : « Vous faites les gros bras… ». « Non Madame, je viens de la cité, c’était mon petit cousin. Le mec c’était une masse, il voulait faire le fou. Dans ma cité on protège sa famille ». La juge : « Dans mon monde on porte plainte ! Que signifie mettre à l’amende ? ». Mohamed déclare que cela veut dire « qu’il l’a calmé » et ajoute, « dans ma cité, si on appelle la police dès qu’il y a une agression…de toute manière ils ne viennent pas ou ils

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CULTURE

CULTURE bien le téléviseur familial, l’enfance du jeune Martin s’étale devant le visiteur. Il explique lui même que petit il n’était « pas très physique. Pas de sport, pas de bagarre mais j’étais là et je devais trouver un moyen de survivre. Très souvent, je regardais du troisième étage le spectacle des drames qui se passaient dans la rue. » Ce spectacle a grandement influencé ses scénarios. Le réalisateur est toujours très présent grâce à des casques accrochés aux murs devant certains panneaux, on l’entend expliquer en quoi ces objets l’ont accompagné durant toute son enfance.

©Martin Scorsese Collection, New York

L’affranchi du cinéma La cinémathèque de Paris rend hommage à Martin Scorsese en exposant ses objets personnels jusqu’au 14 février 2016. Une exposition qui permet de comprendre et décrypter des œuvres appartenant d’ores et déjà à l’Histoire du 7e art.

L’exposition perd le fil Martin Scorsese avec ses parents Charles et Catherine Scorsese dans Italianamerican (1974).

©Stéphane Dabrowski

« You fucked my wife ? » tout le monde connaît cette punchline de De Niro dans Raging Bull. Dès l’entrée de l’exposition un écran géant diffuse plusieurs scènes cultes de ce film, des Affranchis ou encore de La Dernière tentation du Christ de 1988. Ce dernier film constitue une sorte de fil rouge que l’on retrouve tout au long de la visite.

Héros solitaires crucifiés

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Au même titre que Woody Allen, Scorsese est un observateur

privilégié de la vie New-Yorkaise et particulièrement de Little Italy, il puise son inspiration dans la vie quotidienne. A travers ses longs métrages le réalisateur se plaît à dépeindre des personnages rongés par la culpabilité cherchant la rédemption à travers un chemin semé de tentation. « Scorsese met sans cesse en scène ses héros solitaires dans la posture du martyr crucifié » expliquent Kristina Jaspers et Nils Warnecke, les commissaires de l’exposition. La figure du Christ reste la plus emblématique du sujet et pour Scorsese qui voulait être prêtre

il était évident qu’un projet tel que La Dernière tentation du Christ devait voir le jour. Ce long métrage emmené par Daniel Defoe sert de base pour comprendre tout le reste de l’œuvre du réalisateur. L’exposition fait également la part belle aux relations que le cinéaste tisse avec ses acteurs tout en explorant les liens unissant ses personnages. Ainsi de De Niro à DiCaprio, les photos de tournages se succèdent souvent accompagnées de scénarios annotés. Sur France Inter le cinéaste américain avoue qu’il

« aime penser que DiCaprio est son fils ». Alors que les relations masculines sont « empreintes de rites et de hiérarchies », les relations hommes/ femmes sont au contraire plus hésitantes et incertaines. C’est bien sûr un choix et non pas un manque de développement des personnages. Au même titre que les hommes, les actrices sont présentées à travers une série de photos montrant le réalisateur les diriger. On y voit notamment Jodie Foster (Taxi Driver), Cate Blanchett (Aviator) ou Winona Ryder (Le Temps de l’innocence). Dans la suite de l’exposition le visiteur tisse un lien presque personnel avec le réalisateur. Une photo l’affiche hilare dans les coulisses des Oscars après avoir été récompensé pour Les Infiltrés en 2007 (le seul Oscar de sa carrière). Lorsqu’on le voit diriger sa mère il est difficile de ne pas s’imaginer à sa place. Pour les commissaires de l’exposition « la mère de Scorsese représente la mère italienne type » à ce titre elle jouera dans nombreux de ses films comme Les Affranchis ou Taxi Driver.

(1974) en sont les témoins. La table à manger de ses parents dans un coin fait aussi directement écho à sa vie familiale « La famille c’était l’élément clef et cette table était le centre. A l’époque les gens venaient à l’appart, Francis Coppola (de 4 ans son aîné ndlr) parlait à ma mère du casting du Parrain. Il a dit à ma mère : «j’ai un jeune acteur qui ressemble exactement à ton fils. Il n’a jamais fait de cinéma avant, il jouera le fils». C’était Al-Pacino » explique Scorsese au micro de France Inter. A travers les photos de famille ou

Cette première partie de l’exposition nous plonge directement dans l’univers « Scorsesien » et nous aide à comprendre l’œuvre complète du réalisateur. Par la suite, la logique semble échapper au visiteur qui ne comprend plus le liant unissant les différentes sections. Pourtant, la suite n’est pas inintéressante. La transition se fait grâce à une grande photo du Christ Scorsesien et une explication, qui mériterait d’être en début d’exposition. L’univers de Scorsese est riche, très riche. Grand admirateur de Hitchcock il en empruntera les codes mais aussi les collaborateurs. Une grande partie de l’exposition est consacrée à ceux

Des objets personnels qui en disent long Une seule chose reste au cœur de tout ce qui est exposé : la famille. Les photos du New-Yorkais dirigeant ses parents ou encore les images de tournages du documentaire autobiographique Italianamerican

©Martin Scorsese Collection, New York Storyboard de Martin Scorsese pour Raging Bull (1980)

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©StéphaneDabrowski

qui ont entouré le réalisateur comme sa monteuse Thelma Schoonmaker fidèle depuis Who’s That Knocking at My Door (1967) le film de fin d’étude du réalisateur. Thelma recevra un Oscar pour son travail sur Raging Bull.Le génie de Scorsese se trouve aussi dans le fait de bien s’entourer. On y redécouvre les génériques de Saul Bass (Les Affranchis et Les Nerfs à vif) ayant aussi travaillé pour Hitchcock (La Mort aux trousses, Psychose…).

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La dernière salle est réservée à l’autre passion de Martin Scorsese : la musique. Tout au long de sa carrière il a su allier ses deux domaines de prédilection, il est notamment le réalisateur du clip Bad (1987) de Michael Jackson. Ainsi en projection dans cette salle des extraits de No Direction Home (2005) documentaire sur Bob Dylan et Shine a Light (2008) le concert filmé des Rolling Stone. On peut regretter que cette salle ne contienne pas d’images de George Harrison: Living in the Material World (2011), documentaire sur l’ex membre des Beatles, certes moins connu mais qui mériterai d’être mis en valeur. Pour tout cinéphile ou admirateur

de Scorsese cette exposition est presque indispensable. Elle permet de découvrir ou redécouvrir cet univers si particulier et nous donne

©BrigitteLacombe

une autre piste de lecture de l’œuvre de ce réalisateur de génie. Eloi Besson


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Jean Dubuffet, l’insoumis n’est pas mort en vain La fondation Jean Dubuffet qui célèbre ses trente ans d’acquisitions des œuvres éponymes à l’artiste ouvre une exposition jusqu’en février 2016 au 137 rue de Sèvres à Paris avant fermeture pour travaux.

© ARTRANSFER

Douze ans avant son dernier souffle, Jean Dubuffet l’hyperactif créait sa propre fondation et ouvrait un nouveau chapitre de son histoire. Il s’agit d’un musée qui devait refléter à travers les décennies son art, à la fois inclassable parmi les courants et brut comme la personnalité de l’auteur. Après sa mort en 1985, d’autres ont pris la plume pour continuer à écrire le chapitre de ce petit musée parisien installé dans une maison au fond d’une cour arborée. Trois décennies se sont écoulées depuis la reprise du flambeau, et aujourd’hui, on célèbre la vivacité de leur engagement et la cohérence de leurs acquisitions dans une exposition, avant d’ouvrir encore un nouveau chapitre, celui d’un musée rénové. La Fondation Jean Dubuffet possède aujourd’hui plus de 2 500 objets d’art, mais aussi une documentation riche et variée qui lui permet d’organiser d’autres expositions dans le monde où l’art brut est apprécié. Parmi les œuvres présentes, on retrouve beaucoup de dessins au formes rappelant les dessins de

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auto portait Jean Dubuffet

Cocteau, lignes et courbes plus difformes que droites, des portraits caricaturés de ces anciens amis de lycée qu’il dessinait après la Première Guerre Mondiale avant de suivre des cours aux Beaux-arts. On trouve aussi des peintures à l’huile sur toile dans des couleurs toujours foncées, avec une impression de relief, ces peintures symbolisent le retour aux matières brutes : la terre, le sable, le bois… D’ailleurs certaines toiles présentent plus que de la peinture, mais des morceaux de bois, des feuilles, des cheveux, un ensemble mélangé plus ou moins organisé, pour un message : la quête du brut, le retour aux sources, à l’essence de la planète.

Trois décennies de vitalité pour la Fondation Trente années pendant lesquelles l’équipe a contribué à enrichir son vivier artistique grâce à des achats, des dons, des legs, ou encore des échanges. Mais c’est aussi grâce à Isalmina Dubuffet (fille de l’artiste) qui a repris les commandes de la fondation jusqu’à sa mort. Depuis lundi 19 octobre, la fondation met en avant les acquisitions posthumes à Jean Dubuffet, et ce dans le bâtiment qu’il avait acheté pour y installer sa collection d’art brut qu’il a donné à la ville de Lausanne et non celle de Paris, car à l’époque cet art n’était pas apprécié en France, et n’est pas encore très installé dans la culture artistique des Français. Organisée en 2014 au Fonds Helene & Edouard Leclerc, l’exposition réunit pour la première fois des œuvres de la « donation Jean Dubuffet » au musée des Arts décoratifs. Ce nouvel évènement permet de mettre en exergue l’une des préoccupations majeures de l’artiste: constituer un ensemble représentatif de ses œuvres.

L’ensemble que constitue la donation au musée des Arts décoratifs en 1967 n’a pas été unique en son genre. Ainsi de la collection des estampes, plus de 600, constituée entre 1961 et 1967 grâce à son ami Asger Jorn pour le musée de Silkeborg au Danemark ou l’ensemble d’une vingtaine de gouaches et dessins que Dubuffet offre au Museum of Modern Art de New York en 1968 en l’honneur de ses amis Mr. & Mrs. Ralph Colin. Durant cette période des années 1960, Dubuffet fait plusieurs dons à des institutions : au Stedelijk Museum d’Amsterdam en 1966, au Tate Museum à Londres en 1966, au Art Institute de Chicago en 1967... Toutes ces œuvres que l’artiste avait conservées pour lui-même et qu’il décide d’offrir à des musées avant de créer sa propre fondation en 1973. De ce fait, en ne considérant que les peintures, sur les 460 qu’il donne à la fondation entre sa constitution et son décès, un petit cinquième seulement (85 exactement) date d’avant 1973. La politique de la fondation a donc été de privilégier l’acquisition d’œuvres plus anciennes, celles des années 1940 et 1950, bien sur celles des débuts de l’artiste où il exposait chez Drouin dans Paris sous l’occupation au début des années 1940, tout en prêtant attention à la période dite de la « préhistoire », constituée par les œuvres de jeunesse et les premières tentatives de l’artiste, révélatrices à la fois d’influences et de son œuvre à venir. Un exposition à voir pour se familiariser à l’art brut, cet art développé par un éternel insoumis, un personnage fort, un Français outrancier, un homme à part. Jeant-Henri BUET

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« Tout est de l’art, et rien n’est de l’art » - Andy Warhol avait la banane

Pour la toute première fois en Europe, les Œuvres Shadows (1978-1979) d’Andy Warhol sont présentées dans leur totalité. Le Musée d’Art moderne de la Ville de Paris leur consacre une exposition exceptionnelle à la démesure de l’artiste. Self-portraits, les Jackies (série de portraits représentants Jackie Kennedy première dame des EtatsUnis), les Cows paperwall, des ensembles de Flowers, aux frises de Mao, et en finissant par les Shadows. Riches en couleurs (et pas n’importe lesquelles), nous pénétrons dans la « pop art » - « colour culture ». L’univers de Warhol reste particulier et unique en son genre mais n’est pas pour autant insaisissable. Au contraire, il nous est donné en sa totalité et libre d’interprétation. Les différentes phases de l’artiste sont très bien séparées, liées, et mises en valeur. Andy Warhol - tellement critiqué et loué - s’est servi de ses controverses pour bouleverser les curieux, les amateurs, tous âges, toutes origines sociales confondues. C’est une exposition où l’art rassemble, soude, émerveille et interroge. Warhol, l’artiste de la démesure n’a eu de cesse de réinventer le rapport du spectateur à l’œuvre d’art tendant vers l’abolition des limites.

À la manière de Marcel Duchamp : l’urinoir retourné

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Une exposition réussit où le temps passe trop vite. Elle a beau regrouper plus de 200 œuvres, et ce sur une superficie gigantesque quand on connaît la superficie du musée d’Art moderne de la ville de Paris, les trois heures passées à admirer les œuvres et comparer les répétitions s’avèrent trop courtes. Face au grand nombre d’œuvres présentes dans l’exposition, le musée met en valeur toutes les dimensions sérielles de l’artiste, il s’agit là de l’aspect principal de son travail, et sa capacité à interchanger une idée transformée en plusieurs œuvres. Les Shadows en sont le parfait exemple. Exposé en toute fin de la galerie, cet ensemble surprenant de plus d’une centaine de toiles montrent la même idée, la même forme et pourtant avec leurs couleurs

différentes elles ont chacune leur propre expression, leur message unique qui change en fonction des interprétations de chacun. Entre angoisse et étonnement, ce dernier volet fait sensation. Mais revenons à l’ensemble. La manière souvent controversée avec laquelle l’artiste mettait en scène son propre travail est au centre de toutes les interrogations qui légitiment cette exposition. On y retrouve le souci constant de l’artiste d’investir l’espace et le temps pour en formater différemment notre perception, nous donner un avis différent sortir de nos a prioris et nous confronter à un genre Warholien. Cette exposition est une invitation à se laisser submerger par l’accumulation en séries des œuvres d’Andy Warhol (1928-1987), en passant par les

Lorsqu’en 1962 Warhol expose pour la première fois 32 peintures de boites de Campbell’s Soup, beaucoup de critiques assassinent son travail dans la presse. Impossible de parler « d’objet du culte » quand on met en avant un simple produit de la consommation de masse américaine, une conserve signifiant la vulgarité, le bas de gamme. Une totale absence d’émotion et de sentiment est pointée du doigt, cette froideur d’art tant destitué par les critiques est passée outre est a fait sensation avec le temps. Le temps justement, il fait toujours changer les avis, mettre de l’eau dans son vin, ça change l’opinion, mais ça change aussi la couleur. La couleur d’ailleurs, elle est une des essences de Warhol. Dans les années 1960, Andy entame sa série des Death and Disaster, il endosse le rôle d’un publicitaire face à ses œuvres : « Elles sont disponibles dans toutes ces différentes couleurs... bleu, vert, rouge... C’est comme une opération de promotion, on en fait juste autant qu’on peut ». En 1971, lors du passage de sa rétrospective au Whitney Museum of American Art à New-York, il tapisse l’ensemble des salles de son papier peint à motif vache et y accroche un ensemble d’Electric Chairs qui se voit ainsi traité sur le même plan que ses autres séries. A l’époque où aux Etats-Unis la peine capitale était très souvent appliquée dans le but de satisfaire une demande croissante de justice criminelle, on aurait pu croire à un manque de tact de la part de

l’auteur. Au contraire, Warhol réduit la peine de mort à un argumentaire de vente, abstrait mais ingénieux. « Mais pourquoi devrais-je être original ? demande Warhol en 1963. Pourquoi ne puis-je pas être non original ? »

Les fleurs : « un store bon marché » selon Warhol. Estimant qu’elles deviennent à la mode en 1964, Warhol inonde ses expositions des motifs « fleurs dans la prairie ». Dès lors certains collectionneurs s’entichent de ce motif et tapissent leurs murs, un phénomène de mode qui serait qualifié de bobo de nos jours loin des chaises électriques. Il développe pendant deux ans des techniques de cadrage, d’expérimentation, de décoration de l’espace, et décide de souligner

tout le caractère fragmentaire d’une seule œuvre répétée et déclinée en série comme à son habitude. À cette époque il exploite les carrés et ne cache pas l’attrait qu’il porte à cette forme : il explique que c’est plus « facile » de peindre, pas besoin de rajouter de la toile, et l’œuvre finie peut être tourner, elle a plusieurs sens, Warhol a toujours été sincère en disant qu’il trouvait ça « beaucoup plus simple et facile ». « Je ne crois pas que l’art devrait être réservé à une élite, je pense qu’il devrait être destiné à la masse des Américains et de toute façon, en général ils acceptent l’art ». Jeu d’ombres et fin de galerie. Réalisé à l’intention des mécènes Heiner Friedrich et Philippa de Ménil, l’œuvre sérigraphique Shadows a été volontairement déclinée 108 fois au lieu de 100 initialement. Aujourd’hui, ce sont 102 œuvres conservées par la Dia Art Foundation. Ici, il n’est question que d’une seule œuvre, que l’on peut voir dans son intégralité d’un seul regard fixe, grâce à une mise en place fort peu conventionnelle. Les tableaux sont accrochés et serrés les uns aux autres, le changement de couleur fait ici volontairement penser à une bande cinématographique. Justement, après son époque Flowers, Andy s’est abandonné au cinéma, il développe le concept de filmer quelques secondes (16 images par secondes exactement) des personnalités du grand écran, car pour lui, les salles ne se remplissaient non pas pour le film mais pour l’acteur/actrice principal(e). Pour en revenir à Shadows, principale et ultime galerie de l’exposition, Warhol a toujours réfuté la possibilité que Shadows soit de l’art : « Non. Vous voyez, on passait de la disco durant le vernissage, j’imagine que ça en fait un décor disco ». Humilité ou décalage moral ? Warhol a saisi le public. Jean-Henri BUET

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CULTURE

CULTURE Les clubs institutionnels parisiens sont remplis chaque week-end

La nuit parisienne sort de l’ombre Le Marché des Musiques Actuelles (MaMa) se tenait à Paris du 16 au 18 octobre. L’objectif : continuer de faire briller la nuit parisienne et la musique électronique en Europe. L’occasion de revenir sur un phénomène en constante évolution. fête, surtout concernant la musique électronique” se réjouit Eric Labbé, chargé de communication au Zig Zag et au Yoyo. Il lui fallait juste un petit coup de pouce. Dans les années 1990, Paris et ses alentours hébergeaient de multiples fêtes. Même si la musique électronique était encore mal vue, la ville a connu des moments d’anthologie. Au Queen, le club mythique des Champ-Elysées, Daft Punk, Laurent Garnier ou encore Cassius ont joué devant des centaines de personnes. Le berceau de la French Touch était la face visible de l’iceberg. De l’autre côté, les raves, soirées clandestines, sont un parfait exemple des restrictions qu’a pu subir la musique électronique : “Il y avait une circulaire du ministère de l’Intérieur qui demandait d’arrêter les événements électroniques, en y mettant tous les moyens disponibles, forces de l’ordre comprises”, se rappelle Tommy Vaudecrane, président de Technopol. La musique électronique s’est démocratisée au fil des années, pour devenir le

point d’orgue de la nuit parisienne. Lorsque la pétition “quand la nuit se meurt en silence» fut soumise à la mairie de Paris et au ministère de la Culture en 2009, les espoirs d’un changement dans le bon sens étaient quasi inexistants. Quelques mois plus tard, les États Généraux de la nuit se tenaient à Paris. Alors quand on demande si c’était mieux avant : “Ah non. Nous sommes dans la meilleure période que la musique électronique ait connu à Paris”, répond Eric Labbé.

Ca rave encore La nostalgie est devenue une source d’inspiration. Les raves n’ont pas vraiment disparu. Aujourd’hui, les fêtes sont certes officielles et organisées, mais beaucoup ont gardé l’aspect éphémère des soirées d’antan. Certaines organisations deviennent des modèles européens. Le Weather Festival était une soirée techno unique qui durait trois jours avant de devenir un festival saisonnier, investissant quatre fois par an des lieux toujours plus insolites. La prochaine édition prendra place dans

©Zig zag

La fête bat son plein à Paris. La nuit dans la Capitale est resplendissante

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©Zig zag

La nuit parisienne a toujours bénéficié d’une image resplendissante. Mais en 2009, lorsqu’une pétition a mis en exergue ses défauts, cette image fut quelque peu remise en cause. On disait alors que la nuit à Paris avait perdu de sa splendeur. De multiples fermetures administratives et une dévalorisation de la musique électronique ont assombri le paysage nocturne de la capitale. Pour certains, elle se mourrait. “C’était un mouvement lié à la loi Evin en 2007. Les gens devaient fumer dehors et les bars ont commencé à avoir des ennuis. La cohabitation entre riverains et fêtards a commencé à se détériorer de manière significative», se souvient Frédéric Hocquard, conseiller délégué à la nuit auprès du premier adjoint de la mairie de Paris. Mais c’est précisément à ce moment qu’elle s’est revigorée. “La nuit à Paris va beaucoup mieux qu’il y a cinq ans. Ça ne veut pas dire que tout est simple, mais il y a une envie de faire la fête, et un nombre incalculable de propositions festives. Paris est considérée comme l’une des places majeures pour faire la

l’aéroport du Bourget. En dehors des clubs institutionnels parisiens, de nombreux lieux ouvrent et ferment quelques mois plus tard autour du périphérique. La nuit est en expansion : “l’idée, c’est justement de construire un vrai Grand Paris finalement. On oublie peu à peu la frontière du périph. On ne croyait qu’à moitié à cette idée, car avant on avait déjà du mal à faire bouger les gens dans certains quartiers de Paris. Aujourd’hui c’est incroyable, on découvre sans cesse des lieux atypiques pour faire la fête dans Paris et ses alentours”, assure Eric Labbé. Grâce à cette impulsion, la capitale cherche à redorer son blason nocturne, non sans difficultés. La nuit est devenue une véritable préoccupation pour la mairie de Paris. Elle prend très au sérieux certains points qui restent problématiques pour l’épanouissement de la fête parisienne : “Il est important de préserver la médiation entre les riverains et les fêtards. Une charte locale est mise en place dès qu’il y a un problème pour prévenir les fermetures. Le respect des uns et des autres pour une nuit épanouie est vital”, rappelle Frédéric Hocquard, conseiller délégué à la nuit. La mairie se penche tout particulièrement sur le métro parisien. La fermeture des bars à deux heures du matin coïncide avec celle du métro, alors les fêtards

restent dans la rue et déambulent jusqu’à chez eux. Le voisinage se plaint, les bars ferment quelques semaines, puis définitivement. Après les Etats Généraux, cela n’est plus une solution. “Il faut revoir la carte du Noctilien, réalisée il y a plus de dix ans. Un plan transport prévoit l’ouverture du métro jusqu’à trois heures du matin le week-end en 2016. Et il n’y a pas que les fêtards à prendre en compte, il s’agit aussi de satisfaire les 200 000 personnes qui travaillent entre deux heures et six heures du matin», explique Frédéric Hocquard. Il s’agit également de réguler, car il existe aujourd’hui énormément de limitations : “à Paris, la situation est particulière, car c’est la préfecture de police, et non la mairie comme partout ailleurs, qui tient les rennes de ce genre d’événements”, précise Tommy Vaudecrane. Les clubs ont dû s’adapter à de nouvelles législations, basées sur la lutte anti-drogue et la sécurité. “Aujourd’hui, pour organiser une soirée, il faut être professionnel. Il y a trop de choses à prendre en compte pour rendre l’événement légal, et les amateurs se font vite taper sur les doigts”. Il y a encore beaucoup de choses à faire. Mais le milieu de la nuit est motivé comme jamais, et le prouve chaque week-end, en offrant au public parisien et international des

programmations uniques et des salles combles. Tout s’est inversé en quelques années. Les problématiques liées à la nuit sont aujourd’hui plus axées sur la valorisation de ce dynamisme. L’Amsterdam Dance Event reste un modèle sur lequel les capitales prennent exemple. Le MaMa et la Paris Electronic Week organisée par Technopol depuis trois ans vont dans le bon sens. “L’objectif est d’identifier la musique électronique de façon institutionnelle, démontrer encore et toujours que c’est un véritable marché et surtout un atout inestimable pour le tourisme français”, ajoute Tommy Vaudecrane. La nuit parisienne n’est plus un fléau mais un combat aux alliés de plus en plus nombreux. L’espoir revit et avec, l’image resplendissante de la capitale après le coucher du soleil. “On a vraiment envie que le public et les institutions comprennent qu’il y a une opportunité en France pour développer quelque chose de mille fois plus fort. Il se passe un truc, et ce serait dommage qu’on passe à côté pour des raisons d’incompréhensions”, conclue Tommy Vaudecrane. Contre vents et marées, la culture se bat pour sa valorisation, pour que la nuit parisienne ne se taise jamais. Leo Chabannes de Balsac

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Tattoo Art & Culture Festival : de l’encre sous la peau Au palais des Congrès de Montreuil se déroulait le week-end dernier la Convention du tatouage. Plus de 170 tatoueurs étaient venus des quatres coins du monde : Polynésiens, Américains, Allemands, Népalais… étaient là afin de marquer la peau des visiteurs. Texte et photos by Séléna Djennane

« BZZZ » un bourdonnement grinçant se fait entendre. Ce sont les machines à tatouer qui émettent cette vibration constante et fascinante. Des dizaines de stands sont entourés de plus de 170 tatoueurs du monde entier. Certains s’inspirent de traditions lointaines, d’autres préfèrent les symboles géométriques ou encore minimalistes. Les stands sont bondés, tout le monde veut son tatouage. Il y a encore une quinzaine d’années, seuls les marins, les rockeurs et les taulards étaient tatoués. Aujourd’hui, selon une étude de l’ifop datant de 2010, un Français sur dix est passé sous l’aiguille. Certains tatoueurs, on même des mains et des crânes en plastique ou en silicone tatoués et posés sur leurs tables On peut également admirer des expositions de photos en rapport notamment avec le thème de l’édition de cette année : « Le corps et la conscience ».

Avatar : "Une bouteille à Paris"

Avatar : «Une bouteille à Paris»

Dans une atmosphère totalement détendue et festive que se déroule le festival. Joey Star déambule, bouteille de rhum à la main. Il papote, fait des photos, signe des autographes, lèche la joue d’une blondinette et continue sa ronde... Comme disait Coco Chanel : « La mode se démode, le style jamais ». Le tatouage n’est pas une tendance c’est un dessin symbolique et indélébile. Lorenzi, connu dans le milieu du tatouage est lui-même tatoué de la tête aux pieds : « Vivre avec la gueule tatouée, c’est une véritable expérience au quotidien, confie-t-il, je ne dirais pas que je n’ai jamais regretté… mais ma vie n’aurait pas été la même sans ça ». A notre naissance la peau est vierge comme une feuille blanche. Ses artistes jettent l’encre avant d’enfermer à jamais leurs œuvres, ornant l’épiderme. Le corps n’est pas détaché de la conscience, ils ne font qu’un. Contrairement à ce que pensait Descartes.

Rhum : Joey Starr prend en photo son portrait tatoué sur le tibia d’une june fille. 78

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Tatoo moi : les visiteurs passent sous l’aiguille.

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Traditionnel : un membre du groupe Spiritual Journey Tatoo (CA) laisse sa trace sur la nuque d’une femme

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SPORT

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Un rugby qui se footbalise

Philippe Saint-André s’en va sur une défaite, la 23e. Le sélectionneur a la pire bilan de l’histoire du quinze de France avec seulement 45% de victoire.

En marge de la déroute du XV de France samedi contre les All-Blacks, c’est tout le système du rugby français qui est remis en cause. Un système dont l’économie a maintenant une place première, à l’image de son grand frère footballeur. La gueule de bois dure. Depuis samedi, le rugby français peine à trouver une cohésion dans l’explication de la débâcle. Plus que l’échec du sélectionneur Philippe Saint-André et de ses hommes en Angleterre, c’est tout le système du rugby français qui semble tiraillé entre respect de ses valeurs ancestrales et la professionnalisation du sport commencée en 1995. Déficit de la formation, guerre entre la Fédération et la Ligue Professionnelle, communication surréaliste, manque d’humilité, les maux du rugby français sont légion. Un débat qui rappelle le procès fait au foot-business par les amoureux de sport.

Un sélectionneur bien seul

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Les critiques envers Philippe SaintAndré fusent depuis samedi. Manque de jeu, manque d’envie, peu de charisme, l’ancien entraineur de Toulon a les oreilles qui sifflent depuis la plus grosse défaite du XV de France de son histoire. Mais sa surprise vient peut-être du fait qu’il soit le seul à subir ses critiques. Ni le président de la Fédération Pierre Camou, ni Serge Blanco, nommé « président comité de suivi » du XV en juillet 2014 ne sont venus à la rescousse de « PSA ». Cette mise sous tutelle avait d’ailleurs été perçue comme un manque de confiance de la fédération vis à vis de son sélectionneur. « Dans la défaite il n’y a personne », remarque Mourad Boudjellal, président du Rugby Club Toulonnais. Aujourd’hui même les joueurs tirent sur leur ex-coach. Brice Dulin a « l’impression d’avoir perdu quatre ans », Maxime Mermoz révèle lui que « le projet de jeu a toujours été fictif ». Un manque de solidarité qui étonne tant la communication au sein du groupe France semblait uniforme. Une communication surréaliste avec un sélectionneur certain de la qualité de son groupe malgré des résultats catastrophiques. Dernier en 2013, quatrième en 2012, 2014 et 2015, le parcours du XV de France sous Philippe Saint-André est historique. Pire les 44% de victoires de PSA est le pourcentage le plus bas pour un

sélectionneur du XV. Des débats sur ce qui aurait dû être fait (comme le remerciement de Philippe Saint-André pendant son mandat, ce qui aurait été une première dans le rugby français) sont même en train de fleurir. Difficile pour l’ancien coach de Sale (Angleterre).

Le problème des binationaux Scott Spedding (Afrique du Sud), Noa Nakaitaci (Îles Fidji), Rory Kockott (Afrique du Sud), Bernard Le Roux (Afrique du Sud), Uini Atonio (Nouvelle-Zélande). Cinq joueurs devenus cinq symboles. Le débat sur les binationaux fait rage dans le football. Savoir garder ses meilleurs espoirs pour l’équipe de France est une tâche parfois difficile pour la Fédération Française de Football. La problématique est inverse pour le rugby : faut-il incorporer dans le XV de France des joueurs nés dans d’autres pays, non sélectionnés dans leur pays d’origine mais présents en France depuis au moins cinq ans? Si certains joueurs étaient intégrés avec parcimonie par les précédents sélectionneurs (Abdelatif Benazzi, Tony Marsh, Pieter De Villiers), Philippe Saint-André a décidé d’en sélectionner trois (Atonio, Kockott Impuissants, les français se sont inclinés samedi 62 à 13 contre la Nouvelle-Zélande. Plus que l’écart de niveau criant, c’est tout le rugby français qui est aujourd’hui remis en cause.

et Spedding) d’un coup lors de la tournée d’automne 2014. Une décision symbolique également par les postes clefs de ces trois joueurs (pilier, demi d’ouverture et arrière). Les critiques ont alors fusé. « Quand on en sélectionne autant d’un coup, le sentiment d’appartenance à l’équipe de France est peut-être un peu plus altéré », estime Jacques Verdier, rédacteur en chef du Midi Olympiques. Mais surtout, pourquoi profiter d’un système que l’on critique constamment dans le foot (avec la fuite des talents vers leur pays d’origine) comme dans d’autres sports (notamment concernant la sélection qatari de handball, finaliste du dernier mondial) ? Pour PSA, le résultat prime. Une tactique qui finalement n’aura pas porté ses fruits. Mais la sélection des binationaux révèle surtout une carence du rugby français : l’échec des clubs, amateurs et professionnels à sortir des jeunes de qualité pouvant concurrencer les meilleurs joueurs français et mondiaux.

Une formation en déficit

Des trente-et-un sélectionnés par Philippe Saint-André, seuls sept joueurs ont moins de vingt-cinq ans. Un effectif vieillissant alors que le

sélectionneur parlait déjà (lors du tournoi des six nations 2015 « d’une génération qui arrivera à maturité en 2019… ». La Coupe du Monde 2007 en France était une formidable vitrine pour le rugby. Pourtant, la formation est en déficit malgré un nombre de licenciés en expansion. Le problème se situe sûrement dans une guéguerre que le foot connait également : le monde amateur contre le monde professionnel. « Les gamins ne jouent pas ». Les mots du président Pierre Camou sont forts. La balle semble donc envoyer dans le camp de la Ligue Nationale du Rugby (en charge du rugby professionnel). Mourad Boudjellal déplore lui le manque de moyens alloués aux clubs professionnels pour former ces jeunes. « Une prime de formation devrait être donnée aux clubs lorsque leurs jeunes accèdent à l’équipe de France ». Un différend avec le monde amateur, qui considère que les jeunes sont avant tout formés dans les « petits clubs ». Les clubs du Top 14 sont également mis en accusation car ils privilégieraient des stars internationales aux jeunes formés au club. L’exemple de Remi Talès semble représentatif. Élément clef du groupe France depuis 2013, le joueur du Racing 92 va voir arriver l’ouvreur néozélandais Dan Carter après la Coupe du Monde. Une concurrence qui risque d’affecter ses performances en club comme pour le XV.

L’équipe de France délaissée « Le XV de France doit revenir au centre de notre organisation »,

explique Pierre Camou. Il est vrai que depuis cinq ans, la priorité du rugby français semble se situer dans la réussite de son championnat. Force est de constater que cela marche. Le Top 14 est aujourd’hui le championnat le plus relevé de l’hémisphère Nord. Mais avec le championnat, les phases finales pour les six premiers et les coupes d’Europe (Champions Cup et Challenge Européen), les calendriers sont complets de septembre à juin. Les joueurs sont fatigués, physiquement et mentalement. Pascal Papé, aujourd’hui retraité international, expose ces problèmes: « avec l’organisation du rugby français aujourd’hui, il est impossible de gagner une Coupe du Monde. Mais de toutes manières, les joueurs sont toujours les derniers écoutés ». Un raccourcissement du championnat (passé de quatorze équipes à douze), la possibilité de mettre les joueurs de l’équipe de France sous contrat sont des hypothèses lancées depuis la déroute de samedi. « Mais comment Pierre Camou peut-il proposer des contrats fédéraux pour les internationaux alors qu’il a signé une convention pour la période 20132017 imposant aux joueurs de ne signer des contrats qu’avec une seule entité ? », déplore Bernard Laporte, candidat à la présidence de la FFR.

L’hypocrisie du «french flair» Le coq est fier. Le Français est orgueilleux. Pourtant, « nous sommes à notre place, entre la cinquième et la huitième nation mondiale », expliquait Philippe Saint-André dimanche. Une posture qui contraste avec toutes les

déclarations qui ont fleuri ces quatre dernières années. « Quand nous aurons une préparation physique complète avec le groupe, les résultats s’amélioreront », énonçait le sélectionneur pendant son mandat. Comme si les autres équipes ne se préparaient pas et surtout comme si le rugby ne se résumait qu’à un impact physique sans travail sur le jeu. Les éloges et les délires ne s’arrêtaient pas là. Serge Blanco déclarait encore au début de l’été que « ce groupe avait la capacité d’être champion du monde ». Aujourd’hui, l’ancien Président du Biarritz Olympique se mure dans un silence assourdissant. Le football français souffre aussi de ce manque d’auto-évaluation. Encore aujourd’hui, le sentiment de supériorité de l’équipe de France face aux « petites nations » se fait ressentir. Pourtant les dernières défaites contre l’Albanie ou dans les gros matches comme contre le Brésil ou la Belgique rappellent que le classement FIFA de la France (22e) est peut-être plus représentatif qu’on ne le pense. Mais le foot n’a pas l’excuse du « French Flair », propre au rugby. Cette touche française qui, sans logique aucune, permettrait aux joueurs du XV de se surpasser dans les matches perdus d’avance et créer l’exploit. Une lubie complètement irrationnelle qui maintenant fait office de réel argument pour certains experts. Au point qu’un débat a monopolisé les médias rugby la semaine avant le dernier match de poule contre l’Irlande : faut-il faire exprès de perdre et affronter les Blacks plutôt que les Pumas? Il est vrai que l’équipe argentine est la bête noire du XV alors

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SPORT que le public a en tête les exploits de 1999 et 2007 face à la NouvelleZélande. Pour autant, penser qu’il aurait été préférable d’affronter la meilleure équipe au Monde relève plus d’une folie folklorique que d’une analyse objective. Et la rouste de samedi ne fait que le confirmer.

Du copinage au sein de la fédération Les plus gros maux du rugby se situent sûrement dans son organe principal : la fédération. « Il faut une révolution », exige Bernard Laporte. Il est vrai que les instances semblent aujourd’hui dépassées. Le rugby moderne (sa professionnalisation et son économie) ne correspond plus à la doctrine archaïque prônée dans cette ancienne génération toujours à la tête de la FFR. « Ces personnes ont pris le monopole du rugby français depuis trop longtemps », s’insurge Mourad Boudjellal. « Tout le monde veut rester, la soupe est bonne », accuse Bernard Laporte. Car au-delà du coté vieillissant des personnes gérant les institutions, l’impression d’un favoritisme est parfois perçue. « Ils profitent d’un système où, par moment, l’intérêt personnel prime sur l’intérêt collectif », conclut le président du RCT.

SPORT L’exemple de Jean-Claude Skrela est frappant. Sélectionneur du XV de 1995 à 1999, l’ancien troisième ligne aile a ensuite été directeur technique national de janvier 2004 à octobre 2014 (il succédait alors à son ami Pierre Villepreux, avec qui il était co-entraineur du Stade Toulousain de 1983 à 1993). On pensait alors que Jean-Claude Skrela, âgé alors de soixante-cinq ans, tirerait sa révérence, après plus de trente ans de bons et loyaux services pour la fédération. Mais, à la surprise générale, ce dernier fut nommé manager du rugby à 7, sans véritable expérience ou compétence dans cette discipline bien différente de celle où il a brillé. Le cas de Yannick Bru est aussi interrogatif. L’entraineur des avants du XV sous Philippe Saint-André a un bilan plus que mitigé. Qualifié de « meilleure mêlée au monde » pendant le règne de PSA, le pack français a misérablement volé en éclats face aux Irlandais, puis face aux Néozélandais. Pourtant, Yannick Bru a de nouveau été confirmé dans ses fonctions malgré le changement de sélectionneur. En février prochain, il sera aux côtés de Guy Novès pour l’ouverture du tournoi des Six Nations 2016.

Une bataille politique par médias interposés Les critiques de Bernard Laporte ne sont pas anodines. L’ancien secrétaire d’état est candidat aux élections à la présidence de la FFR. Et ce dernier dispose d’un atout médiatique puissant pour faire valoir ses idées et son plan de campagne. Consultant sur TF1 pendant les matches, manager du RCT, animateur de « Direct Laporte » chaque lundi sur RMC, l’ancien sélectionneur des Bleus (1999-2007) jouit d’une fenêtre médiatique quasi-intégrale. Et il en profite. Depuis samedi ce sont des avalanches d’accusations que profère Bernard Laporte. « Pierre Camou n’est pas le patron du rugby français qu’il devrait être », assénait-il lundi dans son émission hebdomadaire. À cela, peu de réponses. L’interview du boss de la FFR accordée lundi à l’AFP ne répond pas aux attaques de Bernard Laporte, bien que quelques piques soient envoyées. Une guerre qui nuit à l’image du rugby. Ce sport, qui semblait si pur et plein de valeurs, n’échappera finalement pas aux contrecoups malsains de son essor. Le rugby-business est en marche en France. Romain Beddouk

Bernard Laporte est en campagne. L’ancien sélectionneur et secrétaire d’état au sport aspire à devenir président de la fédération française de rugby.

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La sécurité : véritable enjeu pour l’Euro 2016 Pour la troisième fois de son histoire, la France accueillera le championnat d’Europe de football en 2016. Près de 7 millions de visiteurs sont attendus. Infrastructures, risques terroristes et gestion des supporters sont au programme.

Quelques supporters rancuniers ont été particulièrement violents envers Mathieu Valbuena. Une marionnette à son effigie a été pendue pendant le match OM-OL.

Les récents incidents du week-end dernier à l’issue du match BastiaParis sont là pour le rappeler, le football français n’en a pas fini avec ses problèmes de violences. Les quelques pseudos supporters bastiais, privés de la venue de leurs alter egos parisiens s’en sont pris aux forces de l’ordre en sortant du stade. En septembre, l’attitude d’une partie du public marseillais à l’égard de Mathieu Valbuena avait également choqué : marionnette pendue, jets de projectiles ayant causé l’interruption du match… En réponse à ce genre de débordement la ligue de football professionnel prononce de plus en plus de huis clos et d’interdictions de déplacements des groupes de supporters. Au grand dam de ces derniers. « C’est une politique préventive beaucoup trop répressive », se plaint l’Association Nationale des Supporters (ANS). Créée le 6 septembre 2014, cette association composée de plusieurs groupes d’ultras a pour but « la réouverture d’un dialogue avec les instances du football sur les questions qui nous concernent ». L ‘association estime que les groupes de supporters sont trop souvent « stigmatisés et diabolisés ». Résultat, une ambiance pas toujours au rendez-vous et un sentiment d’injustice chez les supporters. À Paris le « plan Leproux » a considérablement apaisé le climat dans les tribunes mais beaucoup se

plaignent du manque de ferveur. Il existe un véritable malaise entre les supporters et les instances dirigeantes du football français mais à l’approche de l’Euro qui se déroulera du 10 juin au 10 juillet, il serait de bon ton que le dialogue voulu par l’ANS s’installe vraiment.

« Nous ne sommes absolument pas sensibilisés au risque terroriste» Au niveau des hommes, l’organisation de l’Euro 2016 innove. Ainsi, plusieurs domaines seront délégués à des sociétés de sécurité privées. La FFF (fédération française de football) et l’EMSP (école des métiers de sécurité privée) ont convenu d’un partenariat afin de former des agents qualifiés en vue de la compétition. Ils devraient surtout être affectés aux « fans zones », ces espaces dédiés où les supporters pourront suivre les matchs sur des écrans géants. Mais pour Luc Henaff, dirigeant du centre canin à l’EMSP, c’est la fausse bonne idée. « Cette décision est issue d’une réflexion purement technocrate. On va former des gens de manière accélérée pour les mettre à des postes sensibles ». En effet, les fans zones vont accueillir des milliers de supporters de nationalités différentes. « Ils seront nombreux et possiblement alcoolisés. Les risques sont plus importants dans

ces espaces que dans les stades ». Qui seront ces agents de sécurité ? « Ceux qui seront formés expressément pour l’Euro recevront une carte professionnelle allégée. C’est-à-dire qu’elle sera valable deux ou trois ans et uniquement pour ce type d’événement. Mais c’est une aberration quand on voit que pour ces personnes, l’enquête de moralité ne sera pas demandée ». Une situation qui révolte Luc Henaff. Le formateur ne comprend pas qu’un citoyen qui a « fait une bêtise » à 18 ans ne puisse pas devenir agent de sécurité et que là, « n’importe quel délinquant » pourra travailler à l’Euro. « Je forme des agents de sécurité privée depuis plus de 10 ans. Et ça fait plus de 10 ans que je m’étonne qu’on me demande de les former en 100 heures. Et pour l’Euro 2016 la formation ne durera que 70 heures environ... ». Et avec les événements de janvier 2015 qui ont ébranlé le pays, un autre problème inquiète : la menace terroriste. Là encore, Luc Henaff ne comprend pas. « En ci qui nous concerne, nous ne sommes absolument pas sensibilisés au risque terroriste. Pourtant les agents de sécurités seront responsables de zones à risques ». D’autres agents de sécurité privée seront employés dans les stades mais là, rien de nouveau. « Tous les stades qui accueilleront des matchs de l’Euro travaillent déjà avec des entreprises de sécurité privé. Donc ce sera des agents déjà formés et habitués au terrain ». En résumé, l’ESMP s’attend à ce que 10 000 agents environ soient formés pour la compétition.

Cinq blessés au nouveau stade de Bordeaux Des stades flambant neufs, d’autres rafraîchis. Côté infrastructures, la France est plus ou moins à l’heure. Les nouveaux stades de Nice, Bordeaux et Lille sont d’ores et déjà livrés, celui de Lyon devrait être prêt d’ici janvier. Les autres villes qui accueilleront la

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SPORT compétition ont rénové leur stade (Paris, Marseille, Saint-Etienne, Lens, Toulouse et Saint-Denis). Cette modernisation des enceintes répond à une obligation de se soumettre au cahier des charges de l’UEFA (union européenne de football association), l’instance dirigeante du football européen. Un cahier des charges qui évolue à chaque compétition et tend vers toujours plus de sécurité et de confort. Les points de sécurité concernent notamment la signalétique, les contrôles d’accès ou encore la présence des stadiers. Pourtant certains signes inquiétants ont été décelés. Notamment à Bordeaux ou une barrière de sécurité a cédé dès le match d’inauguration en mai dernier, avant de céder une seconde fois à la fin du mois d’août faisant cinq blessés. Autre soucis dans certaines villes : l’accès aux stades. Les nouvelles voies créées pour y accéder posent parfois problème et ce point devra être résolu avant le début de la compétition. Une nouvelle fois l’exemple de Bordeaux est assez représentatif. Depuis l’inauguration du stade les supporters connaissent des difficultés pour accéder à l’enceinte les jours de grande affluence. Et on imagine mal comment gérer plusieurs dizaines de millier de supporters de nationalités différentes bloqués dans le bus ou le tramway. Même si la société chargée de l’exploitation du stade se veut rassurante et annonce que « des solutions seront trouvées d’ici le début de l’Euro.

Les matchs par stade Stade de France 4 matchs de poule, 1 huitième de finale, 1 quart de finale et la finale Stade Vélodrome 4 matchs de poule, 1 quart de finale, 1 demi-finale Stade des Lumières 4 matchs de poules, 1 huitième de finale, 1 demifinale Stade Pierre Mauroy 4matchs de poule, 1 huitième de finale, 1 quart de finale Matmut Atlantique 4 matchs de poule, 1 quart de finale Parc des Princes 4 matchs de poule, 1 huitième de finale Stade Geoffroy-Guichard 3 matchs de poule, 1 huitième de finale Allianz Riviera 3 matchs de poule, 1 huitième de finale Stade Bollaert 3 matchs de poule, 1huitième de finale Stadium de Toulouse 3 matchs de poule, 1 huitième de finale

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SPORT

Stade des Lumières Le remplaçant du stade Gerland est le seul à ne pas être encore livré. Mais d’ici janvier 2016 l’Olympique Lyonnais sera le premier club français possesseur de son stade. En revanche, à quelques mois seulement du début de la compétition, il ne pourra pas y avoir de véritable recul sur la qualité de l’enceinte

Matmut Atlantique L’enceinte qui peut accueillir 42 115 personnes remplace le célèbre mais devenu vétuste Chaban Delmas. Exemple d’innovation liée à la sécurité : les supporters adverses ont un accès réservé pour leur bus sous la coursive et un accès direct à leur tribune

Quelques surprises chez les qualifiées 20 des 24 qualifiés pour l’Euro 2016 sont déjà connus. Outre la présence des grandes nations habituelles, il faut noter la qualification du Pays de Galle, de l’Islande et l’Irlande du Nord. A contrario, les Pays-Bas sont les grands absents de la compétition. Les 20 qualifiés : Albanie, Allemagne, Angleterre, Autriche, Belgique, Espagne, France, Irlande du Nord, Islande, Italie, Pays de Galles, Pologne, Portugal, République Tchèque, Roumanie, Russie, Slovaquie, Suisse, Croatie, Turquie. Les 8 barragistes : UkraineSlovénie, Suède-Danemark, Bosnie Herzégovine-République d’Irlande, Norvège-Hongrie

Allianz Riviera A Nice (ci-dessous), le stade du Ray faisait partie des enceintes atypiques du championnat. Pour prétendre à la réception de l’Euro, la ville de Nice devait se doter d’un outil plus récent. En 2013 de sérieux débordements ont lieu entre supporters niçois et stéphanois. Résultat : 8 blessés et 200 sièges arrachés…

Quatre nouveaux stades et cinq rénovés Même si la France n’est plus touchée par des incidents mortels de sécurité, il a fallu proposer un parc de stades remis au gout du jour pour obtenir l’organisation de l’Euro 2016.

Le stade Pierre Mauroy (ci-dessus), nouveau stade de Lille a prouvé lors de l’EuroBasket son caractère multifonctionnel. Avec ses 50 000 places il représente bien le renouveau des stades français. Aucun incident n’est à déplorer en trois ans d’exploitation.

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OPINION

DIVERTISSEMENT

La Syrie, vue par Télé Poutine Etudiant en Erasmus à Moscou, Boris se passionne pour la géopolitique russe. Il nous livre la vision des médias et de la population locale sur l’intervention russe en Syrie. Baptiste Artru : Comment l’intervention en Syrie est-elle traitée par les médias russes ? Boris B. : C’est impressionnant, on est bombardés d’images, on voit tous les appareils en détail, depuis la caméra embarquée de l’avion pendant qu’il bombarde. Ils détaillent même les caractéristiques de chaque appareil. C’est le jour et la nuit par rapport aux médias français qui livrent peu d’informations. Par exemple, la Russie a fait trentetrois sorties le dimanche 18 octobre, cinquante objets de l’infrastructure de l’État Islamique ont été détruits en 24 heures. La semaine d’avant, c’était entre 50 et 100 sorties par jour. Les images vont vraiment dans le détail, entre le partage des bases syriennes par les deux armées (russe et syrienne) comme la base de Hmeimim ou les escouades de Soukhoi qui survolent le désert, tout est montré. En plus de ça, Poutine a déployé sa flotte dans la Méditerrané et envoie pas mal de missiles balistiques et ça, ça ne plait pas trop aux Américains (rires). B.A. : Et quel regard est porté sur Bachar Al Assad ? B.B. : Ici Bachar Al Assad est considéré comme un progressiste, les médias parlent bien sûr de l’opinion européenne et surtout franco-allemande qui considère M. Al Assad comme un dictateur. Les Russes, eux, le voient surtout comme un garde fou contre l’État Islamique. Le raisonnement est simple : si tu es avec Bachar Al Assad, tu nuis à Daesh et tu as accès à la mer Méditerranée.

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B.A.

:

Est-ce

que

ce

flux

d’informations détaillé ne noie pas le poisson, sur le business de l’armement, le nombre de pertes dans ce conflit, ou les cibles réelles de la Russie ?

B.A. : Comment est perçue la baisse du prix du pétrole en Russie ? Plus comme une sanction ou comme une variation normale d’un marché en perpétuelle évolution ?

B.B. : La Russie a trois piliers, le pétrole, le gaz, donc son économie de rente, et l’armement, elle vend beaucoup de matériel à la Syrie, je pense qu’au travers de cette guerre contre l’État Islamique, il y a une grosse opération de communication pour montrer la fiabilité de l’armement. Tout nous est décrit avec transparence, mais je ne sais pas si on peut vraiment appeler ça de la Hélicoptère (Mi posé sur transparence ou 35M) de larusse propagande. l’aérodrome deala réaffirmé base syrienne Medvedev il de y Hmeimim a trois jours que l’État Islamique (et le Front Al-Nosra) est la cible principale de l’armée . Après pour les pertes, on sait que les Syriens en subissent mais comme les Russes ne sont pas censés être au sol, on ne sait pas vraiment pour l’instant. C’est un peu flou, mais aucune perte officielle de matériel comme des avions n’est à déplorer.

B.B. : Là je pense qu’on est plus dans la propagande, mais ils disent que ça peut être une chance parce que la baisse du prix s’avère de temps en temps bénéfique. Après la Russie est prisonnière de son économie de rente, mais ils ne parlent pas de sanctions et puis le ministre de l’Économie Alexeï Oulioukaïev est très populaire ici.

B.A. : Comment les oppositions entre Vladimir Poutine et le couple Hollande-Merkel sont vus par les médias russes ? B.B. : L’Europe et le couple francoallemand n’ont plus de crédibilité militaire, on est vus comme des alliés et des soumis vis-à-vis de l’OTAN et des USA. Pour les Russes on n’a plus de libre arbitre, l’Europe est juste la liaison géographique entre les USA et la Russie.

B.A. : Comment est perçu Vladimir Poutine par la population avec cette nouvelle intervention militaire ? B.B. : En général il est bien vu, par ce qu’il œuvre pour la Russie. La population a intégré le fait que Poutine a une vision à long terme, et pas sur cinq ans mais plutôt sur dix ans minimum donc c’est là où certains le traitent de dictateur. En tant qu’expatrié, il n’est pas toujours simple de poser des questions sur ce sujet, mais au fil des discussions, on se rend compte qu’il est bien mieux perçu que ce qu’on pense en France. Il n’y a pas non plus un culte de la personnalité, globalement les gens sont pour lui mais ils savent que ce n’est pas tout blanc ou tout noir. Propos recueillis pas Baptiste Artru

Marty McFly : une journée dans le futur 21 octobre 2015. Hier entre 16h29 et 19h28, Marty McFly est passé par Hill Valley. A bord la Delorean du Doc Emmett Brown, le jeune adolescent de 1985 s’est introduit dans notre présent, le temps de corriger l’erreur de son fils et de sauver sa famille. Court mais intense. Le passage de Marty McFly fut mouvementé hier dans le centre de Hill Valley en Californie. Un but : sauver la famille, la dynastie McFly. Marty Jr, le fils, a rendezvous dans le Café 80, « un bar qui se veut rétro », avec Griff Tannen pour accepter de participer à un braquage le soir-même. Un évènement qui engendrerait plusieurs réactions en chaines et aboutirait à la destruction de la famille McFly. Il est 16h29 quand la Delorean du Doc emprunte le train d’atterrissage du centre ville d’Hill Valley. « Le Futur, il faut que j’aille jeter un coup d’œil ! » s’exclame Marty. Première mission : s’habiller comme son fils pour lui ressembler à la perfection et pouvoir le remplacer dans le Café 80. Blouson adaptable, avec autoséchage intégré, et Nike Air Mag au laçage automatique (le modèle est sorti en 2011), manque plus que la casquette rose avec des teintes de bleu, un assemblage de couleur à la mode depuis 2004 et les premiers maillots tendance du Stade Français Paris. En attendant la rencontre décisive, Marty se balade dans une ville qu’il ne reconnait pas. L’Église (et son célèbre clocher en panne depuis 1955) est devenue un Palais de Justice, la place est maintenant un étang et les hologrammes et autres garages de

voitures volantes ont remplacé les cinémas et les stations services.

Du café 80 au Palais de justice

Arrivé dans le Café 80, Marty commande un Pepsi Cola au barman dans un téléviseur de la taille d’un micro-onde. Depuis 2009 c’est Michaël Jackson qui accueille les clients. Le King of Pop s’applique à accomplir les désirs des enfants de Hill Valley venus commander leurs boissons favorites. C’est alors que rentre Griff Tannen. L’échange est houleux. Un « tu as peur, mauviette! » lancée par le petit-fils de Biff Tannen met le feu aux poudres. Marty assène un crochet droit à Griff et parvient à prendre la fuite dans les rues de Hill

Chronologie d’une après-midi folle l 16h29: Marty McFly accompagné de sa copine Jennifer et du Doc Emmett Brown atterrissent dans le centre ville de Hill Valley. l 17h12: Marty rentre dans le Café 80, et remplace son fils Marty McFly Jr pour refuser le plan de l’infâme Griff Tannen. l 17h34: Marty est poursuivi par Griff et ses sbires. Il emprunte un Hoverboard à une jeune fille pour échapper aux malfrats qui finiront par s’écraser dans le Palais de Justice de Hill Valley. l 17h57: Griff et sa bande sont arrêtés, Marty et Doc s’apprête à retourner en 1985 quand ils s’aperçoivent que Jennifer a été ramené dans sa maison de 2015 par des policiers. l 18h54: Marty et Doc arrivent dans la maison des McFly de 2015. Ils y récupèrent Jennifer, victime d’un traumatisme en ayant croisé son double plus vieux de 30 ans. l 19h28: Les trois protagonistes rentrent en 1985.

de

Valley. « Personne… ne me traite… de mauviette » explique Marty. Pour échapper à Griff et à ses sbires, Marty emprunte à une jeune fille un simple Hoverboard. L’engin est à la mode depuis le premier modèle sorti par Lexus en 2014. Seul soucis, Marty n’est pas courant que le Hoverboard ne fonctionne pas au dessus de l’eau. Bloqué au milieu de l’étang et avec Griff lui fonçant dessus (son modèle « Pitbul » dispose de propulseurs), Marty décide de plonger dans l’eau. Griff et son armada, surpris et pris dans leur élan se rentrent dedans et explosent les vitres du Palais de Justice. Aussitôt la police intervient et les voyous sont jugés. « La justice va beaucoup plus vite depuis qu’on a supprimé les avocats » explique Doc. La loi ObamaJustice, qui avait d’ailleurs été inspirée par la volonté de Nicolas Sarkozy de supprimer les juges d’instructions, permet aux malfrats de commencer leur peine le lendemain de leur arrestation. Après ses événements, Marty et Doc sont allés chercher Jennifer, endormie par un « sono-inducteur à projection d’ondes alpha » du Doc et ramenée dans son domicile de 2015 par des policiers. Le temps du retour vers 1985 a sonné. Merci Robert Zemeckis. Romain Beddouk

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