Magazine 360 degrés 31 mars 2016

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360 degrés MAGAZINE

Hebdomadaire - n°1 - semaine du 31 mars au 6 avril 2016

Hezbollah : brouille-chiites ! Corruption : ça sent le sapin !

“Join the army now !”

Erdogan aux Etats-Unis

Belkacem : comploter pour mieux informer


SOMMAIRE ACTUALITÉS • Brèves ........................................................................................................ 5-7-9 • Foxconn rachète Sharp ....................................................................... 34-35 • Sport ................................................................................................................ 36 • Cinéma ............................................................................................................ 38 • Brèves .............................................................................................................. 39

POLITIQUE • Corruption, ça sent le sapin ................................................................10-11 • Loi El Khomri, la rue n’a pas dit son dernier mot......................... 12-14

SOCIÉTÉ • Journée mondiale de l’autisme........................................................ 16-17 • Complotisme, l’éducation nationale réagit.................................. 18-19 • L’armée séduit malgré les années.................................................... 20-22

INTERNATIONAL • Le conflit indirect entre l’Arabie Saoudite et l’Iran.................... 24-26 • Erdogan aux Etats-Unis : la brouille annoncée........................... 28-29 • Législatives en Corée du Sud, la course à la victoire................. 30-31 • Podemos, de l’ascension à la dépression...................................... 32-33

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L’ÉDITORIAL 360 Degrés Magazine, le concept ? De l’actu nationale et internationale, des interviews, des pages cultures et de l’économie. Du déjà vu vous dites ? Pas forcément. Ecrit par des étudiants pour des étudiants, 360 Degrés Magazine est un média libre et indépendant sans langue de bois qui vous explique l’actualité. Vous êtes perdu(e) lorsque l’on évoque les enjeux de la loi El Khomri et les tensions diplomatiques actuelles entre les EtatsUnis et la Turquie ? Aucun problème, nous vous récapitulons point par point les actualités brûlantes de la semaine. Pourquoi ce média ? A force de scroller toute la journée sur le Net, nous avons décidé de créer un magazine utile et informatif. Notre équipe, composée de seize jeunes apprentis journalistes, est comme notre

contenu : hétérogène et audacieux. Dans ce premier numéro, de l’international, des militaires et des francs-maçons ! Après avoir retracé le conflit indirect entre l’Iran et l’Arabie Saoudite, direction l’Hexagone avec Najat Vallaud-Belkacem contre les théoriciens du complot. Côté économie, rendez-vous en Asie avec l’accord historique entre les groupes Foxconn et Sharp. Sinon, vous avez vu Batman Vs Superman : L’aube de la justice ? On a notre petit avis sur le vilain petit canard du cinéma. Pour finir, on a rendu hommage à notre Jean-Pierre Coffe national. En quelques mots, 360 Degrés Magazine, ce n’est pas de la merde ! ◆ Christelle Cozzi

DIRECTEUR DE PUBLICATION : ÉRIC OUZOUNIAN RÉDACTRICE EN CHEF : CÉLIA CUORDIFEDE SECRÉTAIRE DE RÉDACTION : CHRISTELLE COZZI MAQUETTISTE : MAXIME ABOLIN LES JOURNALISTES : AURIANE ALIX ; LAMIA EL HANBALI ; LOÏS BIASIA ; ILYAS BENESSAIAH ; LUCAS CHEDEVILLE ; PAUL COUDRAY ; SALOMÉ BERTRAND, CAROLINE BERTOLINO ; NICOLAS DEBRY ; CLÉMENT BATHOLOMÉ ; MARIE BRULON ; CLÉMENCE DELAFONTAINE ; MAXIME ABOLIN ; CHRISTELLE COZZI ; CÉLIA CUORDIFEDE.

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ACTUALITÉS

La France et le scandale des abattoirs Stéphane le Foll, porte parole du gouvernement a annoncé que tous les abattoirs du pays seront soumis à une inspection d’ici un mois. Cette annonce fait suite à la diffusion de la vidéo de l’association L214. Les images dévoilent les mauvais traitements infligés aux animaux dans l’abattoir de Mauléon-Licharre, dans les Pyrénées Atlantique. Stéphane le Foll, porte parole du gouvernement a annoncé que tous les abattoirs du pays seront soumis à une inspection d’ici un mois. Cette annonce fait suite à la diffusion de la vidéo de l’association L214. Les images dévoilent les mauvais traitements infligés aux animaux dans

l’abattoir de Mauléon-Licharre, dans les Pyrénées Atlantique. Et de 3. Après l’abattoir de Viagan dans le Gard au mois de Février, et celui d’Alès il y a cinq mois, c’est un troisième établissement du même genre, qui se retrouve depuis Lundi sous les feux des projecteurs. Le vilMaltraitance animale dans un abattoir. ©DR.

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lage de Mauléon-Licharre et son abattoir, sont au cœur d’un nouveau scandale, depuis la diffusion d’une vidéo, montrant les mauvais traitements infligés aux animaux. C’est l’association de défense des animaux, L214, qui, dans une vidéo dévoilée hier, dénonce les méthodes des ou-


vriers et la façon dont les ovins, bovins et autres agneaux sont abattus. On peut notamment voir sur les images des animaux qui reprennent connaissance alors qu’ils sont déjà suspendus pour la découpe, mais aussi des agneaux écartelés vivants ou encore des ouvriers qui frappent les bêtes à l’aide de bâtons électriques. Certifié label rouge et disposant de normes européennes, il est d’autant plus étonnant que cet établissement s’adonne à de telles pratiques. Il faut rajouter que cet abattoir étant spécialisé dans la découpe et l’abattage des agneaux destinés à a la consommation, contredit les images de la vidéo. Sur ces dernières, ces animaux sont les plus mal traités, certains n’étant même pas sevrés au moment de la découpe. « Je suis effondré, catastrophé », a expliqué Gérard Clémente, le directeur de l’abattoir, quelques minutes après avoir vu les images. Pourtant, il se défend d’avoir toujours été intransigeant envers les règles d’abattage : « Je suis très souvent dans mon abattoir, j’ai essayé d’améliorer les conditions d’abattage depuis des années, et là on tourne le dos et des employés frappent les bêtes. On est cuit ». Il a déjà annoncé que des mesures seront prises et les employés concernés renvoyés.

Le Foll veut des visites de contrôle d’ici un mois dans tous les abattoirs Cette nouvelle affaire a fait beaucoup parler et beau-

coup réagir. Outre les mesures prises par le directeur, le Maire de Mauléon-Licharre a ordonné que l’établissement soit fermé et l’activité suspendue pour une durée indéterminée ». Des propos relayés par les plus hautes instances de l’Etat, puisque Bernard le Foll, ministre de l’agriculture, condamne « avec la plus grande fermeté », ces actes qui s’apparentent à de la barbarie. Les premières mesures ne se sont d’ailleurs pas fait attendre, le ministre ayant ordonné « de faire réaliser dans un délai d’un mois, des inspections spécifiques sur la protection animale dans l’ensemble des abattoirs de boucherie du territoire national ». Il faut préciser, selon le ministre, que les établissements qui ne respecteront pas les normes, seront suspendus sans délai et se verront établir un procès verbal. Des mesures radicales, mais qui mettent en avant bon nombre de pratiques illégales, dans un pays comme la France ou les conditions des animaux sont censées être un minimum contrôlé. Fermer les établissements auteurs d’actes sauvages est une bonne chose. Cependant, leur laisser reprendre une activité normale à la fin de la sanction serait un non-sens. De plus, la consommation de viande reste importante et les abattoirs essentiels dans cette optique. On peut cependant espérer que des solutions alternatives seront trouvées. ◆ Nicolas Debry

Bein Sports augmente ses prix à partir du 7 avril Le tarif de lancement à 11€ proposé par Bein Sports en juin 2012 semble aujourd’hui bien loin. La chaîne va à nouveau modifier le prix de son abonnement pour le faire passer à 13,99€ au lieu des 12,99€ actuels. Chez SFR, le tarif va carrément passer à 14,99€. Une hausse désormais presque habituelle parce qu’il est maintenant demandé un euro de plus aux abonnés de la chaîne qatari tous les ans.

L’OM en quête de rachat Il y a quelques semaines, la propriétaire de Marseille, Margarita Louis Dreyfus, a fermé la porte à toute vente du club. Cependant, les derniers résultats du club phocéen laissent présager que l’OM a besoin de renouveau. La rencontre entre Vincent Labrune et le banquier Italien, Pablo Victor Dana, mardi à Marseille, va dans ce sens. Même si cette information n’a pas été démentie, ce n’est pas pour autant que de réelles négociations vont reprendre.

Football : discussion autour d’Ibrahimovic Ce n’était pas la trêve pour tout le monde, en tout cas pas pour le Paris Saint Germain. Le club parisien a repris les négociations autour de l’avenir de Zlatan Ibrahimovic, dont le contrat expire en juin prochain. C’est son agent Mino Raiola, qui à déclaré que des discussions étaient en cours et que « ils font tout pour le conserver, pour rester à la hauteur de la Tour Eiffel ». Des contacts sont évoqués avec beaucoup de club, mais la rumeur la plus insistante est celle l’envoyant à Manchester United.

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ACTUALITÉS

Réalité virtuelle : le futur du journalisme ? La livraison des premiers Oculus Rift, commercialisés au prix de 699€, a enfin débuté lundi 28 mars. Le spécialiste américain de la réalité virtuelle, racheté par Facebook, devance ainsi HTC qui va sortir son casque Vive la semaine prochaine ainsi que le Playstation VR de Sony qui devrait suivre (octobre), pour une nouvelle génération de casques très prometteurs qui pourraient bouleverser le journalisme. La réalité virtuelle, c’est de la science-fiction qui prend forme et se concrétise grâce à un casque vissé sur la tête, permettant de vous projeter à 360 degrés. Une technologie qui était jusqu’à présent l’apanage des seuls laboratoires de recherche mais qui débarque aujourd’hui au sein des foyers, vous permettant de vivre une nouvelle façon de jouer à un

jeu vidéo, de regarder un film ou même de vous plonger dans un reportage. Le New York Times ou encore la chaîne américaine ABC ont déjà lancé leur application pour diffuser des reportages de réalité virtuelle. Imaginez : vous êtes près de la fenêtre d’une chambre d’hôtel à Pyongyang, la capitale nord-coréenne. Il vous suffit de tourner la tête pour dé-

couvrir le reste de la pièce. La seconde suivante, vous êtes au milieu de la place Kim Il-sung et à 360° autour de vous, il y a des images des manifestations du 70e anniversaire du Parti du travail de Corée. En réalité, vous êtes tranquillement assis sur votre canapé, en train de regarder le reportage de réalité virtuelle «Inside North Korea» de la chaîne

Mark Zuckerberg, patron de Facebook, avait été l’invité prestigieux de Samsung lors de la présentation du casque Gear VR le 21 février dernier. ©DR

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ABC grâce à votre casque.

Raconter l’information autrement

En novembre dernier, le New York Times a lancé son application NYT VR et diffusé « Paris Vigil 360 Video », un reportage au cœur des commémorations des attentats de Paris du 13 novembre. Au pied de la statue de la République, sur la place du même nom, le spectateur peut faire bouger la caméra dans tous les sens tandis que les témoignages s’enchaînent. Il peut également choisir de rester le temps qu’il veut pour observer les dessins, les bougies ou encore les visages de ceux venus se recueillir. « Vous ne pouvez pas vraiment filmer de manière traditionnelle pour de la VR, explique Graham Roberts du New York Times au site Gizmodo. Les spectateurs ont besoin de s’orienter par euxmêmes, vous devez leur laisser le temps de regarder tout autour, d’explorer les expressions des gens.» Il s’agit donc d’une toute nouvelle manière de raconter l’information. Que ce soit dans la presse sur internet ou papier, à la radio ou encore à la télévision, jusqu’à présent c’était au journaliste de décider ce qu’il voulait montrer. Avec la réalité virtuelle, le spectateur choisit ce qu’il veut regarder. L’objectif d’un tel format ? Faire naître chez l’internaute une prise de conscience forte. En 2014, Immersivejournalism.com a lancé « Project Syria », un documentaire à 360° vous mettant dans la peau d’un Syrien piégé au milieu des balles à Alep. Le média américain RYOT a lui publié un reportage en mai 2015 qui vous immerge dans les décombres de Katmandou après le séisme au Népal afin de sensibi-

Rift qui vient de sortir, mais il y a aussi des modèles plus accessibles aux alentours de 100€. » Des contraintes La question de la pertinence de financières l’émotion et d’une immersion si N’en déplaise à ces précurseurs, poussée dans le cadre d’un trace n’est pas demain la veille vail journalistique mérite toutequ’on risque de regarder David fois d’être posée : le journalisme Pujadas avec un Oculus Rift sur ne doit-il pas être davantage sur la tête. Pour arriver à produire du le terrain de l’analyse que de contenu en réalité virtuelle, deux l’émotion ? ◆ Clément Bartholomé possibilités : la première, utiliser un « rig », une sorte de boule permettant de maintenir plusieurs Hollande renonce à la réforme caméras GoPro ensemble, chaconstitutionnelle cune enregistrant un angle différent. « Mais pour avoir réelleDans une allocution mercredi ment l’impression d’être au cœur 30 mars, François Hollande a de l’action, le mieux est d’utiliannoncé avoir mis fin au débat ser deux caméras pour chaque constitutionnel en suspend deangle, ce qui permet de faire respuis plus de quatre mois. Un désortir la 3D, » explique Antoine bat essentiellement centré autour Cayrol, producteur pour le studio de l’extension de la déchéance de nationalité pour les binatiode réalité virtuelle Okio Studio. « naux et la constitutionnalisation L’autre solution c’est simplement de l’état d’urgence, qui divise la de filmer et de refilmer. C’est classe politique depuis l’après 13 ce qu’on a fait pour tourner ‘I, novembre. Christiane Taubira, Philip’, un court métrage de 12 alors garde des Sceaux, avait minutes diffusé sur Arte. On a manifesté son désaccord vis à vis bricolé un assemblage avec deux de la position du gouvernement. caméras 3D, on a tourné toutes Le président a justifié son choix les scènes plusieurs fois et on a en regrettant qu’ « une partie de monté le tout.» Des contraintes l’opposition est hostile à toute qui impliquent évidemment révision constitutionnelle ». un coût financier important : « La TNT passe en HD le 5 avril Pour ce court métrage, on a dû dépenser environ 500 000€. » Dans la nuit du 4 au 5 avril, il Mais Antoine Cayrol est confiant n’y aura plus de télévision sur le dans le fait que la réalité virtuelle territoire français. En cause : le peut apporter quelque chose au passage à la HD pour les chaînes journalisme, bien que le grand de la TNT, contraignant des milpublic ne soit pas encore équipé liers de foyers français non-équien conséquence : « En octobre pés à se procurer un adaptateur. 2015, on a publié un reportage « Si les foyers restant à équiper en immersion avec les pompiers sont à présent peu nombreux, ceux-ci doivent cependant agir au de Paris qui a bien marché. plus vite afin d’éviter tout risque Pour l’équipement je ne m’in‘d’écran noir’ le 5 avril prochain, quiète pas. A partir du moment » a averti dans un communiqué où les contenus sont de qualité, le ministre de l’Economie Emmales gens vont s’y intéresser. Il y a nuel Macron. les casques haut de gamme pour les gros joueurs comme l’Oculus

liser les gens à cette catastrophe.

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ACTUALITÉS

Sanders : " le poil à gratter " de Clinton Il était une fois un inconnu sénateur du Vermont venu concurrencer Hillary Clinton aux primaires démocrates... Ce weekend, pendant que certains ramassaient des œufs, lui récoltait des voix. Bernie Sanders vient de remporter trois caucus : l’État de Washington, Hawaï et l’Alaska. Les résultats définitifs lui attribuent 73% du scrutin. L’ampleur de ces victoires lui permet de rattraper son retard sur l’ex secrétaire d’État d’Obama. Il y a encore quelques mois, il était peu connu des médias, des électeurs et de ses concurrents, démocrates ou républicains. Depuis, Bernard « Bernie » Sanders a pris de l’ampleur en matière de popularité. Il plaît, et contrairement à tout ce qu’annonçaient les sondages, le sénateur du Vermont fait bel et bien de l’ombre à l’ex Première dame. Lors du premier scrutin, en février dernier, dans l’Iowa, il est arrivé à quasi-égalité avec Hilary Clinton. Aujourd’hui il compte 954 délégués, contre 1234 pour Mme Clinton. Les délégués, au nombre de 4481, sont désignés par les électeurs lors des primaires, ce sont eux qui élieront en juillet leur candidat à la présidentielle. Toutefois les supers délégués, qui ont presque les mêmes prérogatives que les

Bernie Sanders, candidat aux primaires démocrates, en metting. © G.Skidmore

délégués, peuvent venir déséquilibrer le jeu. Au vu de leur statut d’élus, ils sont assurés de pouvoir voter pour le candidat de leur choix. Ce sont des électrons libres. En cas d’égalité, leur vote peut faire une nette différence.

Sanders lors d’un meeting. Une phrase peu banale dans un pays où le parti socialiste est considéré comme équivalent du communisme, donc de l’ex régime soviétique, et où les socialistes apparaissent comme les parias de la classe politique. Le premier Démocrate socialiste parti auquel il adhère dès son entrée en politique est le Liberou social démocrate ty Union Party (un mouvement socialiste et pacifiste). Il s’en dé« Je suis socialiste et tout le tache ensuite pour faire cavalier monde le sait » a affirmé Bernie seul pendant de longues années,

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avant de rejoindre les démocrates et de participer aux primaires en 2016. Là, il sera davantage associé à un social démocrate, étant donné qu’il vote leurs lois. Par ailleurs, le fait qu’il se dise « socialiste » fait de lui un outsider à la sincérité désarmante et aux prises de positions claires, nettes et précises. D’après Yannick Mireur, politologue français spécialiste des Etats-Unis, aussi auteur du livre Le Monde d’Obama (Choiseul éditions-2011), « le moment est le bon pour des candidats de rupture. Les alliances avec les verts et le caractère de ses propositions sont les raisons du succès de Bernie Sanders. » En effet, le programme du sénateur du Vermont fait échos à ceux des partis socialistes européens. Il souhaite, entres autres, créer un impôt progressif sur les héritages de plus de 3,5 millions de dollars, mettre en place la gratuité des frais d’études universitaires ou encore la Sécurité Sociale pour tous. Parce que pour Bernie, le Obama Care, ça ne suffit pas ! Environnementaliste de première envergure, il soutient de nombreuses mesures concernant la réduction des gaz à effet de serre, et « se préoccupe de l’impact des technologies sur la société », précise Yannick Mireur.

Peut-il vraiment éjecter Clinton ? Pour une partie de l’électorat démocrate, Sanders incarne un souffle de renouveau sur la politique américaine. « Par son discours simple et punchy, il exprime la lassitude des américains face au discours trop conventionnel d’Hillary Clinton. Tout comme Trump chez les Républicains »,

explique le politologue. À 74 ans, Bernie Sanders est parvenu à séduire un électorat jeune et « blanc ». D’après le site d’information Slate, il attire 46% des intentions de vote des 17-29 ans, contre 35% pour Hillary Clinton. Pour Yannick Mireur ce score chez les jeunes est très significatif, « cela montre que les générations qui arrivent ne sont pas d’accord avec la politique actuelle. Il y a peut-être un esprit de révolte. » Il se distingue également des autres candidats, car lui n’utilise pas le Super Pac (ce sont ces comités qui permettent de lever des millions de dollars grâce à des entreprises du secteur privé) pour financer sa campagne. Il se positionne clairement contre l’establishment. Mais, « Sanders est un lanceur d’alerte qui n’a pas les épaules pour gérer l’exécutif. Son utilité politique est celle du poil à gratter face au rouleau compresseur Hillary Clinton. Et c’est déjà beaucoup ! » Souligne le spécialiste. Beaucoup, mais peut être pas suffisamment, puisque l’ex secrétaire d’État, dispose, d’une avance considérable sur le sénateur : les super délégués. 500 sur 717 la soutiennent. « On peut cependant attendre des suites du phénomène Bernie Sanders, notamment sur des projets collectifs pour la société américaine (meilleure redistribution des richesses, accès à la santé et à l’éducation gratuite, NDLR). » Précise-t-il. Enfin ! Ne vendons pas la peau de l’ours avant de l’avoir tué. « Il y a deux mois, qui aurait cru que Bernie Sanders, un modeste sénateur du Vermont, désordonne la campagne de l’ex Première Dame… » Conclut Yannick Mireur.

La Chine envisage de bloquer tous les sites web étrangers Le gouvernement chinois a rendu public lundi 28 mars un ensemble de propositions de nouvelles règles pour le fonctionnement d’Internet dans le pays. Elles prévoient notamment un blocage général de tous les sites Web étrangers qui ne disposent pas d’une adresse « .cn ». Ces règles prévoient de faire payer une amende aux fournisseurs d’accès qui seraient réticents à bloquer l’accès à la majeure partie du web.

Brésil : le parti du vice-président lâche Dilma Rousseff La direction nationale du parti centriste brésilien du vice-président Michel Temer a décidé sa sortie immédiate du gouvernement, appelant ses ministres à démissionner. «Le PMDB se retire de la base du gouvernement et personne dans ce pays n’est autorisé à exercer un poste fédéral au nom du PMDB », a annoncé le vice-président du parti, Romero Juca. Michel Temer, 75 ans, ne cache plus ambition de succéder rapidement à Dilma Rousseff, 68 ans.

Vagues de licenciement chez Al-Jazeera La chaîne qatarie, en proie à des difficultés financière et a annoncé la suppression de 500 nouveaux postes. Ces licenciements concernent pour 60% d’entre eux, le personnel du siège de Doha. Viennent s’ajouter les 700 autres licenciements dus à la fermeture de la branche américaine prévue pour la fin du mois d’avril après deux ans d’existence.

◆ Célia Cuordifede

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POLITIQUE

Corruption : ça sent le sapin Michel Sapin, le ministre des Finances et des Comptes Publics, vient de présenter mercredi 30 mars 2016 un projet de loi visant à moderniser et à donner plus de transparence à la vie économique. Avec cet acte, le ministre compte lutter plus activement contre la corruption, près de 23 ans après sa première loi : Sapin 1. « Il n’y a rien de pire que le soupçon, il faut donc laver la France de tout soupçon » s’est exclamé Michel Sapin, mardi 29 mars dernier sur France Inter. Cette phrase fait échos à la présentation du projet de loi Sapin 2, présenté mercredi 30 mars devant le conseil des ministres. Cette nouvelle loi vise la lutte contre la corruption et compte moderniser et donner plus de transparence à la vie économique. Ce plan n’est pas nouveau et le fait que se soit Michel Sapin qui le porte devant le gouvernement non plus. En effet, il y a de ça 23 ans, la ministre avait déjà donné son nom à une loi du même type : la loi Sapin 1. Celle-ci ne fixait que les grandes lignes, sans entrer dans les détails. Avec ce texte, le ministre souhaite redonner à la France des moyens de lutte économique efficaces, notamment lors d’opérations commerciales avec d’autres pays. « Je ne pense pas qu’il y ait plus de comportements délictueux chez nous qu’ailleurs. Mais l’absence de condamnations en France

pour versements en particulier de pots-de-vin a créé un climat de soupçon envers notre pays que je juge infamant » a-t-il déclaré au Journal Du Dimanche. Cette décision du ministre des finances intervient après une vive critique de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), qui en 2014 pointait le manque d’action de la France concernant sa lutte contre la corruption. De nombreuses associations et organisations internationales accompagnent cette accusation et militent déjà depuis plusieurs années pour que des mesures soient prises.

Du Nord, des Etats-Unis ou bien même l’Allemagne. Pour répondre à ces accusations le ministre a présenté l’une de ses mesures phares : la création d’une « Agence nationale de prévention et de détection de la corruption ». Cette dernière sera au service de l’état et aura le pouvoir de conseiller, de contrôler et d’enquêter sur certains acteurs publics et privés, tout cela dans l’optique de la lutte contre la corruption. Elle ne sera pas totalement indépendante et dépendra de l’autorité conjointe des ministres des Finances et de la Justice. Ainsi, elle pourra conseiller et sanctionner tous les manquements Un nouvel arsenal des entreprises de plus de 500 salariés, dont le chiffre d’affaires de lutte s’élève au-delà des 100 millions Ensemble, les chiffres ont une d’euros. La loi prévoit des peines résonnance particulière : 23 ans précises donnant des amendes après sa première loi, la France pouvant aller jusqu’à un million occupe aujourd’hui la 23ème d’euros pour les personnes moplace du classement en terme de rales et 200 000 euros pour les lutte contre la corruption selon personnes physiques. Dans cette l’ONG Transparency Internatio- nouvelle loi, un statut particulier nal. 23ème sur 104 pays, bien est donné aux lanceurs d’alertes, loin derrière les pays d’Europe ces hommes qui dénoncent des

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faits scandaleux. Il souhaite en partie leurs offrir une protection juridique tout comme la prise en charge de leurs frais d’avocats. L’agence pourra les protéger et surtout récolter les informations qu’ils possèdent en tout anonymat. D’autres mesures importantes entrent aussi en compte dans ce nouveau projet. C’est le cas de l’éclaircissement du milieu des lobbys. Michel Sapin souhaite que les lobbyistes s’inscrivent dans un registre précis. Cela devrait devenir obligatoire et toutes les informations seront rendues publiques : « Je ne vois pas de mal à être lobbyiste, mais il faut que ce soit transparent et il faut respecter un certain nombre de principes éthiques » a-t-il confié à France Inter.

Une loi qui va assez loin ? Le projet de loi du ministre est relativement bien perçu par l’opinion publique même si plusieurs ONG ne s’accordent pas sur les détails. En réalité, un point particulier de la loi Sapin 2 a fait couler beaucoup d’encre : la transaction pénale. D’abord dans le projet, elle a ensuite été enlevée de la loi après un avis négatif de la part du conseil d’État le 24 mars dernier. Celle-ci permettait aux entreprises mises en cause dans des affaires de corruption de payer une amende, ajustée à 30 % du chiffre d’affaire moyen sur les trois dernières années afin d’éviter le procès. Ce modèle qui favorise de « plaider coupable » est déjà utilisé dans de nombreux pays comme aux Etats-Unis avec le « deferred prosecution agreement » ou bien même en Allemagne. Cependant, au moment de sa mise en place, plusieurs

Michel Sapin, ministre des Finances et des Comptes Publics ©Ministère du travailnistère du travail

ONG, associations et syndicats se sont élevés contre cette idée. Notamment un regroupement de 14 d’entres elles comme Oxfam ou bien le Syndicat de la Magistrature. Ces dernières pointent : « l’introduction d’une justice à deux vitesses. Dans laquelle le citoyen lambda et une entreprise ne possèdent pas les mêmes droits » précise Manon Aubry membre de Oxfam France. Pour sa part, Daniel Lebègue, porte parole de Transparancy International, pense le contraire. Pour lui, cette transcription pénale est : « le fer de lance de la loi Sapin 2. La loi, dans sa forme actuelle ne donne rien. Nous sommes le seul pays développé à ne pas avoir de mesure de ce type » précise-t-il. De fait, en 20 ans la France n’a condamné aucun pays pour la

corruption de ses agents. Contrairement aux Etats-Unis qui ont déjà prononcé des centaines de sanctions où les allemands qui en on pris plus d’une cinquantaine. Ce qui amène les autres pays à juger les entreprises françaises à notre place. « C’était le cas il y a trois ans avec l’amende de 9 milliards de dollars que la BNP a payé aux Etats-Unis » soulignet-il. Même si ce principe semble abandonné, tout n’est peut-être pas encore perdu. Ainsi, Michel Sapin souhaite relancer la discussion lors des débats qui auront lieu à l’Assemblée et au Sénat : « Nous verrons si les parlementaires veulent s’emparer du sujet » a-t-il déclaré au Journal Du Dimanche. ◆ Paul Coudray

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POLITIQUE

Loi Travail : la rue n’a pas dit son dernier mot

La manifestation du 9 mars ©maxresdefault

française. Etudiants, lycéens, syndicalistes et politiques se sont rassemblés à trois reprises déjà, Depuis près d’un pour manifester dans plusieurs mois, la loi grandes villes. Travail de la ministre « Visant à instituer de nouvelles libertés et de nouvelles protecMyriam El Khomri tions pour les entreprises et les divise. Ce jeudi 31 actifs », la loi El Khomri entend refaçonner le temps de travail. mars, nombreux Ainsi, la durée légale resterait politiques, salariés et limitée à 35 heures par semaine jeunes se retrouveront mais en cas d’accord, les salariés pourraient travailler jusqu’à afin de manifester 44 ou 46 heures et ce, pendant pour la suppression 16 semaines au lieu de 12 autotale du projet. jourd’hui. En revanche, contrairement à ce que laissent entendre les rumeurs, la durée maximale L’avant projet de la loi du tra- du travail plafonnée à 48 heures vail ne cesse de faire parler de ne change pas. Un nouveau rélui. Présenté le 9 mars dernier gime pour les heures supplémenpar la ministre du travail, My- taires est également envisagé : riam El Khomri, il divise et fait « Toute heure accomplie au-delà grandement réagir la population de 35 heures est une heure sup-

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plémentaire ». Le patron pourrait donc offrir une compensation financière supérieure ou égale à 10%, si un accord a été établi au préalable, ou encore un « repos compensateur ». La majoration serait de 25% pour les huit premières heures, 50% pour les suivantes. Le gouvernement aimerait aussi réduire les indemnités prud’homales. Ces dernières seraient alors plafonnées selon l’ancienneté du salarié. Or, selon une étude du ministère réalisée en octobre 2014, cette réforme serait défavorable aux employés. L’avant-projet de loi souhaite clarifier les licenciements économiques. Jusqu’alors, seul un juge pouvait les justifier. Avec la loi travail, des critères bien spécifiques seraient déterminés, ce qui faciliterait le licenciement. Ainsi, un patron pourrait se séparer de son employé dès que des difficul-


Interviewé par BFM TV, Jean- forces de l’ordre, dépassée par Claude Mailly, secrétaire général les événements n’ont pas su géde Force ouvrière, a précisé : « rer la situation. « Plusieurs de C’est une journée réussie pour nos amis se sont fait tabasser une première journée, il semble après avoir jeté des œufs et de même que ce soit plus fort que la farine, expliquent Thomas et le début du CPE. Il faut que le Charlotte, élèves en terminale gouvernement retire le texte ! » au lycée Henri Bergson. Nous Malgré tous ces mouvements n’étions pas agressifs et nous anti-loi travail, le gouvernement ne cherchions pas le rapport de n’a pas modifié son projet. Les force tandis que la police était syndicats étudiants, veulent se très tendue et procédait à des arfaire entendre, ils donc ont réi- restations à tout va. » A la suite téré leur action protestataire le d’une énième confrontation, le 17 mars, une semaine après les gouvernement a fini par céder. premières mobilisations. Résul- La ministre du travail, Myriam tat : 5% des lycées de France El Khomri, a décidé de modibloqués, et quelques arrestations. fier quelques points de son texte Une fois de plus, la manifestation de loi. Désormais, plus quesest reconduite le jeudi 24 mars. tion de plafonner les indemnités Toujours présents, les jeunes ne prud’homales ni d’autoriser les faiblissent pas et continuent la référendums, « sapant » le poulutte. « On a enregistré une forte voir des syndicats. Ce pas en augmentation de présence lors avant n’a cependant pas satisfait de nos assemblées générales, ap- la majorité des opposants, qui puie la membre de l’Unef. Cela exigent la totale suppression de montre que c’est une génération ce projet de loi. Il a tout de même qui se battra jusqu’à obtenir une permis d’obtenir le soutien de réponse du gouvernement. » quelques syndicats, dits réforMesures polémiques et Cependant, par manque d’expé- mistes (CFDT, CFTC…). rience et de calme de la part des manifestations lycéens et étudiants, de nombreux débordements ont éclatés. Les politiques entrent Ces principales mesures créent Incendies volontaires, actes de en scène la polémique. C’est pourquoi le vandalisme et surtout violences 9 mars dernier, date de la divul- policières sont à déplorer. Les Le conflit est pourtant loin d’être gation du projet, entre 224 000 et 500 000 manifestants se sont réunis pour protester. « Dès le déPERTURBATIONS PRÉVISIONNELLES part, 70 à 90% des étudiants et lyEn ce jeudi 31 mars, mieux vaudra éviter les transports en commun. En effet, céens rejetaient la loi El Khomri, les agents de la RATP et de la SNCF sont appelés à la grève par les syndicats de souligne l’une des dirigeante la CGT et de l’UNSA pour participer à la manifestation nationale contre la Loi de l’Unef (Union nationale des Travail. De fortes perturbations seront donc à prévoir toute la journée du jeudi. étudiants de France). Ils sont La RATP, annonce que trois métros sur quatre circuleront en moyenne sur contre cette philosophie qui préces portions. Les bus et les tramways ne seront quant à eux pas touchés. En cariserait leur catégorie sociale revanche, les plus grosses perturbations sont à prévoir sur les lignes de RER A car les CDI perdraient de leur et B, où seulement un train sur deux sera assuré. Il faudra également faire un valeur. » A leurs côtés, de nomchangement de wagon à la Gare du Nord. breux syndicats tels que la CGT, Côté SNCF, les tendances ne sont pas meilleures. Les Transiliens et TER seront la FO et Solidaires ont sollicité de moitié à circuler, tandis que les voyages de nuits ne seront pas maintenus sur leurs adhérents pour le défilé et les lignes Intercités. ont également appelé à la grève. tés économiques perdureraient plusieurs mois d’affilés dans son entreprise. De même, un groupe international serait en mesure de licencier des salariés en ne justifiant que ses comptes français et non plus l’ensemble des comptes du groupe. Le référendum en entreprise quant à lui, mettrait fin à la négociation syndicale. En effet, afin d’éviter les blocages par les syndicats majoritaires, un référendum pourrait être organisé avec les salariés et donner une certaine légitimité aux syndicats minoritaires. Enfin, les droits sociaux seraient conservés par le salarié tout au long de sa vie professionnelle. Mais aussi, les mineurs pourraient travailler plus grâce à l’assouplissement de leurs conditions de travail. Le repos quotidien pourrait être fractionné. Quant à la journée d’astreinte, elle serait considérée comme une journée de repos rémunérée si le salarié n’intervenait pas.

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POLITIQUE terminé. Ce jeudi 31 mars, une nouvelle manifestation est prévue et le débat risque de prendre une toute autre tournure. Cette fois-ci, étudiants et syndicalistes auront des alliés de taille. Les politiques, jusque-là restés discrets, comptent bien faire entendre leurs revendications. « Nous sommes presque « obligés » de soutenir les opposants à la loi du travail car elle est injuste, antisociale, et s’attaque aux fondements du code du travail », s’indigne Eric Coquerel, coordinateur du Front de Gauche. Preuve de la division qu’impose la loi Travail, le Front national se retrouve aux côtés de l’extrême gauche dans cette lutte pour le retrait de l’avant projet. « Le gouvernement espère faire croire à un essoufflement de la part des opposants, mais c’est loin d’être le cas, rajoute Eric Coquerel. Si les médias ont eu cette impression, c’est simplement car les manifestations du 17 et 24 mars n’étaient pas accompagnées de grèves, seuls les étudiants étaient dans la rue. Mais jeudi, nous descendront tous côte à côte, prêts à nous battre pour nos droits ! » Toujours présents, les jeunes continueront également de battre

le pavé : « Nous serons évidemment présents jeudi, ajoutent les lycéens. Notre établissement fermera ses portes pour la journée et la plupart des élèves viendront manifester. On a même le soutien de certains de nos enseignants. » Il est vrai que les universitaires entendent bien s’imposer encore plus dans le débat. C’est pourquoi, certaines écoles et facultés qui n’étaient pas présentes lors des premières manifestations, se joindront à leurs pairs pour le 31 mars. Mais aussi, pour ne pas revivre les débordements des précédents mouvements, l’Unef demande au gouvernement de contenir les forces de l’ordre : « Nous savons que certains casseurs se trouvent dans nos rangs et qu’il faut les gérer. Mais nous espérons sincèrement que la prochaine marche se passera sans accros, s’inquiète la militante de l’Unef. De notre côté, nous mettrons en place un système d’ordre qui nous permettra de calmer les CRS. » En corrélation avec les différentes démarches, les syndicats appellent de nouveau à la grève et aux rassemblements partout en France (voir encadré). C’est une véritable grève interprofession-

Eric Coquerel ©DR

nelle qui sera mise en place. Le jeudi 31 mars ne sera cependant que le début des festivités : « Pour l’instant, nous avons laissé faire les jeunes, précise Coquerel, mais à partir de maintenant, les véritables négociations commencent. » Le projet de loi commencera à faire la navette parlementaire le 5 avril, jour où elle sera présentée à la commission des lois de l’Assemblée nationale : « Mardi 5, nous seront tous dans la rue » s’accordent à dire les syndicats, les politiques et la jeunesse de France. ◆ Caroline Bertolino et Maxime Abolin

Des élèves du lycée Henri Bergson, qui ont participé aux manifestations. ©Maxime Abolin

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SOCIÉTÉ

Samedi 2 avril : la journée bleue Samedi 2 avril aura lieu la journée mondiale de sensibilisation à l’autisme. Plus que jamais, cet événement sera l’occasion pour les associations d’attirer l’attention sur ce trouble envahissant qui affecte des dizaines de millions de personnes dans le monde. « De tous les troubles graves de développement, l’autisme est celui qui connaît la plus rapide expansion dans le monde. Cette année, le nombre de cas d’autisme diagnostiqués chez des enfants sera supérieur aux diagnostics de diabète, de cancer et de SIDA additionnés », a récemment déclaré le Secrétaire général de l’ONU, Ban Ki-moon. En 2010, seules 75 000 personnes avec autisme ont été diagnostiquées et prises en charge dans le secteur médico-social. Moins de 20% d’entre elles ont pu bénéficier d’un accompagnement au sein d’une structure dédiée.

Une réalité tristement ignorée

Les chiffres parlent d’eux-mêmes : d’après Autisme France, 60 % des enfants et 90 % des adultes seraient mal diagnostiqués. Les centres spécialisés pâtissent « d’une pénurie » d’équipes de proximité dédiées et formées. Aussi, une large majorité de centres refuse (CAMSP, CMPP), elle, tout simplement de poser des diagnostics. Quant aux Centres de Ressources Autisme compétents, ils sont saturés : parmi eux, certains refusent de diagnostiquer le syndrome et préfèrent le définir comme une pathologie

de plus en plus rares. Les aides financières que les associations perçoivent par l’État sont à ce jour quasi nulles. » Si les problématiques liées à l’autisme peinent à se faire connaître, la journée mondiale de sensibilisation à l’autisme demeure cependant le meilleur moyen La France montrée d’approcher la population. « Pludu doigt sieurs monuments seront illumiDans une récente interview de nés en bleu, ce qui a d’ailleurs Christine Lézer, secrétaire de la été le cas il y a quelques années Fédération Française Sésame pour le Christ Rédempteur à Rio Autisme, celle-ci explique que de Janeiro. À Dunkerque, cette « la principale raison pour la- journée mondiale durera un mois. quelle l’autisme est autant ignoré Chaque année, l’ensemble des c’est avant tout que le handicap associations de France met tout n’intéresse pas. De plus, il n’y a en oeuvre pour faire connaître les malheureusement que très peu problématiques de l’autisme. de centres d’accueil et les formations, très coûteuses, deviennent ◆ Loïs Biasia liée à la sexualité infantile et au lien défaillant à la mère. En ce qui concerne les adultes, les chances d’être diagnostiqué sont encore plus minces. La raison : peu de psychiatres formés et intéressés par l’autisme.

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La journée mondiale de l’autisme se déroule le 2 avril. ©Ministère de l’Education nationale


« Tout ce qu’ils veulent, c’est vivre comme les autres » Lise Malézé est une psychologue spécialisée dans le développement de l’enfant et de l’adolescent, et plus particulièrement, de l’enfant autiste. Pouvez-vous nous raconter votre quotidien ?

s’avère être un vrai problème pour certains parents. Bien trop souvent, l’un des deux est J’organise très souvent des ate- contraint d’arrêter de travailler. liers d’habiletés sociales, c’està-dire des séances en groupe où Êtes-vous au courant des on leur apprend comment se avancées scientifiques qui socialiser et surtout, comment se sont faites depuis ces communiquer. Ils intègrent peu dernières années ? à peu les règles sociales comme À l’heure actuelle on ne connaît la politesse, ils apprennent égale- toujours pas les causes de ce ment à gérer leurs émotions, à in- syndrome. Mais d’après la piste teragir avec les autres… Avec les actuelle, il s’agirait de troubles adolescents, cela doit être plus neurologiques. Le mode de foncsubtil. Ils doivent comprendre tionnement du cerveau serait tout que les autres peuvent avoir un simplement différent du nôtre. autre point de vue que le leur. C’est ce qu’on appelle de la neuJ’interviens aussi souvent dans ro atypie. Quant aux systèmes de les écoles pour sensibiliser les soins, bien qu’ils soient développlus petits. pés, ils ne sont malheureusement

Comment gérez-vous les crises ?

Les crises enfants autistes, c’est ce qu’on appelle des troubles du comportement. C’est ainsi qu’ils communiquent. Ces crises peuvent être plus ou moins violentes en fonction de chaque individu. Cela peut être dû à des difficultés sensorielles. C’est ce pourquoi ces « thérapies de groupes » existent. Malheureusement, elles ne sont pas encore assez généralisées. On peut aussi parfois être face à des enfants autistes qui ne parlent pas ce qui

qu’ils veulent, c’est vivre comme les autres. Ils sont comme vous et moi mais doivent vivre avec cette particularité.

Pensez-vous que le regard sur l’autisme a évolué ?

Ça stagne. Il réside un fossé énorme entre les familles qui ont les moyens et celles qui n’en ont pas. Ces familles-là doivent alors mettre leurs enfants dans des hôpitaux. De fortes inégalités se font aussi ressentir entre Paris et les villes de Province. C’est à Paris que les choses se font, se créer.

En quoi certains pays sont-ils plus avancés que la France ?

pas suffisamment mis à disposition des familles. La France est à la traîne, c’est indiscutable. C’est un pays très Comment expliquez-vous évolué en terme de psychanale syndrome de l’autisme ? lyse, mais celle-ci ne fonctionne Il y a indubitablement une mé- pas sur les personnes autistes. De connaissance de ce syndrome. plus, en général, les psycholoSouvent, les adultes autistes sont gues travaillent en libéral ce qui tout à fait capables d’exercer un engendre des prises en charge métier. Alors, certes, il existe très coûteuses. La France a des certaines formes d’autisme très moyens mais qui ne vont pas profondes qui empêche l’enfant aux bonnes personnes. Aussi, les de se mélanger aux autres, mais personnes qui travaillent dans les dans les cas les plus courants, structures publiques ne sont pas cela ne les empêche en aucun cas assez formées. ◆ Loïs Biasia de faire du bon travail. Tout ce

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SOCIÉTÉ

Najat Vallaud-Belkacem face aux complotistes A chaque événement d’importance, des théories plus ou moins fumeuses surgissent de nulle part, remettant en cause la version officielle. Le gouvernement, et plus particulièrement le Ministère de l’Education s’attellent à combattre ces théories du complot. La Franc-maçonnerie, organisation qui fascine autant qu’elle intrigue, prendra possession du Palais Brongniart, place de la Bourse, le 2 avril. A l’initiative de la Grande Loge de France (GLDF) et de la Grande Loge Féminine de France (GLFF), un colloque s’y tiendra à destination de la jeunesse, partie de la population davantage sensible aux théories du complot. Parmi les invités, l’anthropologue de l’Islam Dounia Bouzar, le compositeur André Manoukian, mais surtout, Najat Vallaud-Belkacem, Ministre de l’Education Nationale, qui prononcera le discours d’inauguration. Au service communication de la GLDF, on explique ce choix de faire venir une ministre : « Nous sommes très légitimistes. Etant donné que c’est une journée sur la jeunesse, il parait normal que la Ministre de l’Education vienne. » D’après l’organisation maçonnique, le rapprochement s’est fait lors du dîner annuel de la Grande Loge, en septembre

dernier, auquel la ministre était présente. La page Facebook de l’évènement annonce : « Loin des idées bizarres et fausses que l’on trouve parfois sur les réseaux sociaux, des franc-maçonnes et des francs-maçons dialogueront directement avec les jeunes. Sans tabou et en toute liberté. » Casser les idées fausses, donc, faites à l’encontre d’une organisation qui fait partie des cibles préférées de la complosphère. Si le but est de contrer les théories du complot, la présence de Najat Vallaud-Belkacem à un rassemblement franc-maçon n’est pas si étonnant, sachant qu’elle les « combat » depuis sa prise de fonction en août 2014.

Cheval de bataille

En janvier 2015, les attaques contre Charlie Hebdo et l’Hyper Casher ont donné lieu à une multitude de fausses informations et rumeurs reprises essentiellement dans les collèges et lycées. Au cabinet de la ministre, on l’affirme « contrer les théories du

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complot passe par l’éducation et un accès plus facile aux médias pour les jeunes ». Le 9 février dernier, à l’occasion d’une journée d’étude intitulée « Réagir aux théories du complot », la Ministre a prononcé un long discours devant un parterre de 300 participants au Muséum national d’histoire naturelle. Collégiens, lycéens, étudiants, enseignants, universitaires et chercheurs, membres d’associations, journalistes, psychiatres, juristes étaient là pour présenter leurs démarches et échanger sur leurs expériences. Usant de l’humour, elle avait débuté son discours par ces mots : « Internet a révélé ces derniers jours un complot contre l’accent circonflexe. Un complot que je prépare depuis mes 13 ans, patiemment. On ne pourra pas m’accuser de l’avoir décidé dans la précipitation. Nous sommes en 1990, je suis en 5ème et j’ai sans peine réussi à convaincre l’Académie Française de me prêter main forte pour conduire à bien ce


Najat Vallaud-Belkacem. ©FlickrCC.

projet inavouable. » Hilarité dans l’assistance. Tout en assurant que l’Ecole se devait de jouer pleinement son rôle, la ministre avait formulé deux annonces importantes : « J’ai tenu à ce que deux enseignements soient mis en place : l’Enseignement Moral et Civique et l’Education aux Médias et à l’Information. » Le cabinet ministériel détaille : « L’Enseignement Moral et Civique et l’Education aux Médias sera obligatoire pour tous les élèves du CP à la terminale. Le but est de leur apprendre à faire la différence parmi la myriade d’informations plus ou moins vérifiées qui pllulent sur Internet. »

Education médiatique

Le mardi 22 mars, à l’occasion de la semaine de la presse et de médias à l’école, Belkacem a annoncé le lancement d’une plateforme de journaux gratuits à destination des collégiens et lycéens pour la rentrée 2016 : lirelactu.fr. Sur cette plateforme, les élèves auront accès à une quinzaine de médias en ligne. Parmi

eux, des quotidiens nationaux, des hebdomadaires, mais également quelques titres étrangers tel l’américain New York Times ou l’espagnol Cinco Dias. Cité par Les Echos, la ministre a rappelé que lire la presse permet aux jeunes de « développer l’esprit critique […] d’apprendre à se méfier de la désinformation massive qui a cours en particulier sur Internet ». Dans le même temps, le ministère entend développer les journaux à l’intérieur même des établissements scolaires. Pas de date précise, mais « le plus rapidement possible ». Le cabinet de la ministre assure que toutefois le nombre de journaux étudiants a doublé depuis la rentrée 2015.

Spicee, le média qui plait aux enseignants

Média 100 % vidéo lancé en septembre 2015, Spicee s’est récemment fait remarqué pour son travail sur le complotisme. Point de départ de leur travail, un faux documentaire qui reprend tous les

codes de la complosphère, musique inquiétante, images chocs, en expliquant que les Etats-Unis ont implanté le virus du Sida à Cuba en pleine Guerre Froide. Succès immédiat : le film est vu des milliers de fois en quelques semaines, avant que les journalistes ne dévoilent l’entourloupe en expliquant point par point leur démarche et leur volonté de contrer les complotistes. Thomas Huchon, journaliste et réalisateur du faux documentaire, raconte la genèse : « Tout est parti des attentats du 7 janvier. On a observé la vitesse avec laquelle les théories se propageaient sur les réseaux sociaux, ça nous a interpellé. » Par la suite, énormément d’établissements scolaires se sont montrés intéressés pour diffuser le projet « Conspi Hunter » à leurs élèves, « entre 60 et 70 » assure Thomas Huchon. Le journalise se rend régulièrement dans des écoles un peu partout en France pour discuter avec les élèves d’Internet et des idées qui s’y propage. Pour l’évènement du 9 février, Spicee et le gouvernement ont travaillé ensemble, « ils ont été très intéressé par le projet de Conspi Hunter. On est en train de voir pour déposer nos contenus sur Canopé (le réseau de création et d’accompagnement pédagogiques, NDLR) afin que les enseignants aient accès gratuitement à nos contenus. » Le journaliste conclut : « C’est une fierté pour nous de pouvoir intervenir auprès de jeunes. On a le sentiment de ne pas avoir travailler pour rien. Mais ça montre également qu’il y a un réel déficit de contenus explicatifs accessibles par tous ». ◆ Lucas Chedeville

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SOCIÉTÉ

L’armée séduit de plus en plus « Sengager.fr » est une adresse qui n’est plus inconnue de personne. Elle apparaît depuis plusieurs années sur les affiches et spots publicitaires des différentes campagnes de recrutement de l’armée de Terre. La dernière campagne a été lancée le 10 mars dernier, et mise tout sur la jeune génération. Dans les villes, les visages de cinq soldats accompagnés de la signature « Votre volonté. Notre fierté » se multiplie sur les affiches. Trois films, sur les thèmes des opérations extérieures et intérieures, ainsi que la fraternité, seront diffusés à la télévision, au cinéma et sur internet. Les notes d’une composition électro/techno de l’artiste Maelstrom s’accompagnent d’images prises en immersion dans le quotidien de notre armée. Plusieurs bannières

sont déployées sur les sites internet susceptibles de toucher la cible : sites étudiants, sites d’emplois et réseaux sociaux. Et le site « sengager.fr » a été remis à jour. Ce sont toutes les opérations qui composent la nouvelle campagne de recrutement de l’armée de Terre. En 2016, elle souhaite accueillir dans ses rangs 15 000 nouvelles recrues. L’accent est porté sur la jeune génération, et cette campagne, qui sera renouvelée en 2018,

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est plus qu’une simple publicité, c’est une sensibilisation au métier de soldat. « Aujourd’hui, les jeunes qui viennent nous voir n’ont plus forcément de parents qui ont fait le service militaire. Ils ne connaissent plus l’univers de l’armée », déclarait le colonel Bruno Bert, chargé du recrutement francilien, au Parisien le 11 mars dernier. Une génération qui doit s’identifier aux soldats, d’où l’utilisation du « je » et de vrais visages dans cette campagne.


Comment l’armée fait-elle pour séduire ?

Toutes les campagnes de recrutement de l’armée de Terre sont gérées en interne. Le lieutenant-colonel Emmanuel Dosseur, adjoint au chef du bureau marketing et communication de recrutement, explique que chaque année, un objectif de recrutement est donné en fonction des besoins de l’armée de Terre : « En 2016, 15 000 postes sont à pourvoir. Cette nouvelle campagne a donc pour but de faire connaître les offres en ressources humaines de l’armée de Terre (NB : l’armée de Terre est le quatrième recruteur au niveau national) ». Il est difficile de comptabiliser exactement l’impact d’une campagne de cette ampleur. Néanmoins, le lieutenant-colonel explique que « sur la cible principale, les 15-25 ans (bien que la cible du recrutement soit resserrée sur les 17-25 ans), les plans TV montent jusqu’à environ 500 GRP (point de couverture brute), ce qui concrètement

signifie que sur les 7 300 000 individus qui composent la cible, environ 510 000 sont touchés. Toutefois, l’approche pluri-médias de la stratégie de communication mise en place implique également un plan d’affichage et un plan web. (…) On peut grossièrement estimer que 95% de la cible est touchée. Les 5% non impactés pouvant correspondre au taux de « non-équipés » en support digitaux, et qui ont pu éventuellement passer entre les « mailles du filet » relativement dense. Un mois après son lancement, en ce qui concerne le recrutement, le bilan est très positif. À ce jour, environ 16 000 contacts avec des jeunes intéressés par un emploi dans l’armée de Terre ont été établis. « C’est deux fois plus que lors du précédent lancement qui avait eu lieu en janvier 2013 », se réjouit le lieutenant-colonel Dosseur. À ce chiffre s’ajoute les 1095 candidatures reçues pour servir dans la réserve. « Sur l’angle de la notoriété, la thématique du

recrutement a été correctement relayée dans les médias. Si l’impact n’a pas été plus important, quoi qu’ayant bénéficié d’un bon relai, c’est sans doute parce que le recrutement a bénéficié d’une très forte couverture média dans la séquence post-attentas et jusqu’en début d’année 2016. À l’intérieur de l’armée de Terre, la campagne a reçu un très bon accueil, les militaires ayant été sensibles à l’utilisation d’images réelles de leur métier », explique l’adjoint au chef.

Pourquoi l’armée séduit ?

Pour le lieutenant-colonel, la réponse est sans équivoque : « L’attrait pour l’armée de Terre a toujours existé chez bon nombre de jeunes. Les motivations qui leur font pousser la porte des CIRFA ont toujours été les mêmes : le goût de l’aventure, de l’effort, l’esprit de cohésion, aider son prochain, servir son pays … Simplement l’actualité a peut-être contribué à faire franchir le pas

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SOCIÉTÉ à certains qui n’osaient pas ». Les attentats de 2015 ont provoqués un élan patriotique chez beaucoup de Français et chez les jeunes en particulier observe le lieutenant-colonel : « Beaucoup ont poussé la porte des CIRFA (centres d’information et de recrutement des forces armées), ou nous ont contacté via le site sengager.fr ou Facebook. Habituellement, 500 jeunes nous contactent quotidiennement ; après le 13 novembre et pendant plusieurs semaines, ils étaient 1500 par jour ». Mais les attentats de 2015 en France ne sont pas les seuls à avoir créé cet élan : « Les tensions mondiales font probablement prendre conscience à la jeune génération que la sécurité de leurs proches, de leurs pays, de leurs concitoyens est importante. Cependant, le parcours de recrutement étant assez long et exigeant, cet engouement fut assez émotionnel - nous pouvons le dire aujourd’hui -, et ne s’est pas forcément toujours transformé en contrats signés », regrette le lieutenant colonel.

Qui sont les candidats séduits ?

Le recrutement est un processus long et qui demande une motivation à tout épreuve : « Entre la première prise de contact et la signature du contrat, il y a quatre à six mois. Pendant ce temps, le candidat va rencontrer un conseiller en recrutement qui le suivra tout au long de son parcours, ponctué de rendez-vous incontournables : évaluations médicales, psychotechniques, cognitives et sportives. Ensuite, en fonction du projet professionnel, de la motivation et du profil du candidat, il sera ou non recruté ». Le recrutement, pour la plu-

part des candidats, représente un projet mûrement réfléchi. Mais à l’image de ce que déclarait le colonel Bruno Bert au Parisien le 11 mars dernier, la plupart des jeunes n’ont pas conscience de ce que représente le métier de militaire. « Pour certains c’est la grande inconnue. C’est pourquoi les rendez-vous avec les conseillers en recrutement sont primordiaux pour appréhender le métier de soldat avec ses avantages et ses contraintes », déclare le lieutenant-colonel. Cette nouvelle campagne veut toucher les jeunes entre 17 et 25 ans, hommes et femmes, avec ou sans diplôme : « Nous avons besoin de toutes les spécialités : des combattants, des juristes, des pilotes, des informaticiens, des mécaniciens, des serveurs, des managers … Tout le monde à sa chance au départ », confirme Emmanuel Dosseur. Lors du recrutement, les candidats ne rencontrent pas forcément de psychologues. Ce sont des sous officiers, spécialement formés pour l’occasion, qui mènent les tests de personnalités, cognitifs. « Les psychologues de l’armée encadrent la formation, répondent aux questions des candidats et peuvent assister à certains entretiens », explique le lieutenant-colonel Jacquemot, chef de la cellule d’étude et de psychologie appliquée. Ce psychologue explique que même si l’être humain aime catégoriser les autres individus, l’armée ne recherche pas un profil type de candidats : « Elle cherche des hommes ouverts, qui puissent vivre en communauté et accepter le cadre stricte du monde militaire. Peu importe le niveau d’études, ou les catégories sociales. Il faut réussir à bien cerner la personne, ce qu’elle est

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prête à offrir et à accepter ». Selon lui, il y a plusieurs éléments qui peuvent pousser une personne à se porter candidate pour un recrutement dans l’armée de Terre : « Les individus peuvent parfois recréer un schéma qu’ils connaissent déjà, nous rencontrons beaucoup de jeunes qui veulent s’engager parce qu’un membre de leur famille est dans l’armée. Certains recherchent des éléments que l’armée peut offrir : le travail en équipe, un cadre rigoureux, le travail de qualité, l’aventure, la découverte du monde, de l’inconnue. Après les attentats, nous avons remarqué un intérêt plus fort pour le recrutement, nos sites ont connu une forte augmentation de leurs visites, et dans les paroles des candidats, l’idée de combattre le terrorisme est émerge de plus en plus ». ◆ Marie Brulon

LA RÉSERVE En 2016, 5 000 postes sont à pourvoir dans la réserve. Un réserviste sert à renforcer la capacité opérationnelle des forces terrestres, en particulier dans les missions de sécurité intérieure comme l’opération Sentinelle. Le recrutement est pratiquement le même, mais la formation d’un réserviste est plus courte. La plupart de ces hommes et femmes souhaitent être des combattants plutôt que des spécialistes, ils cherchent un rôle d’action. Il ne faut pas voir la réserve comme une alternative à l’armée, loin de là. C’est une autre façon de servir son pays, de manière ponctuelle, à raison de 30 jours par an en moyenne. Le 11 mars dernier, Jean-Yves Le Drian déclarait : « Plus que jamais, nous avons besoin des réservistes pour faire face à la menace terroriste inédite, par son ampleur et ses formes, qui pèse sur le territoire national (…) La réserve, autrefois secondaire dans l’armée, doit être aujourd’hui essentielle ».


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INTERNATIONAL

Le conflit indirect entre l’Arabie Saoudite et l’Iran Le 2 Mars, le Conseil de Coopération du Golfe, regroupant l’Arabie Saoudite, Bahreïn, le Qatar, Oman et le Koweït a classé le Hezbollah comme organisation terroriste. Le hezbollah (« Parti de Dieu »), est un mouvement politique chiite libanais muni d’une branche militaire crée par Hassan Nasrallah en réaction à l’invasion israélienne du Liban en 1982. Proche du régime Iranien, soutient actif du régime de Bachar Al-Assad, et de la résistance palestinienne, il a été placé sur la liste des « organisations terroristes » par les membres du Conseil de Coopération du Golfe. Les 5 pays ont déclarés prendre cette décision en raison de la poursuite des actions hostiles des milices du Hezbollah, qui « recrutent les jeunes (du Golfe) pour perpétuer des actes terroristes ». L’affaire ne s’arrête pas là, quelques jours plus tard, la sanction est dupliquée par la ligue arabe, excepté l’Irak et le Liban, pays où la communauté chiite est plus importante. L’Iran, proche du Hezbollah, réprouve une erreur de la part de Riyad et des capitales limitrophes. L’échiquier du moyen Orient s’agrandit, remettant sur la table, d’une part, conflits confessionnels, où une course à la suprématie religieuse dont les figures de proues sont l’Arabie Saoudite et l’Iran. D’un autre coté l’intérêt que portent les autres puissances pour cette zone

sensible se dessine. « L’Arabie sauf pour la minorité Chiite ; Saoudite se sent menacée depuis l’Axe Iranien est lui relié au rél’accord nucléaire avec l’Iran. gime chiite syrien de Bachar Al Depuis ce moment, Riyad suit Assad et au Hezbollah libanais. une politique agressive contre les Un autre point important, est la alliés de l’Iran dans la région, et réaction des pays membre de la surtout le Hezbollah. On peut dès ligue des états arabes, suivant lors comprendre les décisions l’exemple des pays du Golfe meprises contre ce parti au sein de nés par l’Arabie Saoudite. Mahla ligue arabe. Riyad y à tous les moud Mroueh apprend de plus, pouvoirs, surtout aujourd’hui, que l’Égypte, est sous pression où des pays comme la Syrie ou saoudienne. « Elle n’arrive pas l’Irak, sont occupés par leurs à garder sa marge de manoeuvre problèmes internes » explique sur le plan de la politique arabe... Mahmoud Mroueh, journaliste l’Arabie Saoudite domine plus libanais d’Al Akhbar. En effet, ou moins en ce moment la ligue il est facile de constater que de- arabe, et elle en use dans sa puis l’esquisse d’une ouverture confrontation avec l’Iran. Le nouveau secréet la fin de l’ostrataire général de cisme qui touchait « L’Arabie cette ligue, élu rél’Iran, l’Arabie Saoudite se sent cemment, est d’ailSaoudite perçoit leurs lui même un cette réémergence menacée » ex-ministre égypcomme un danger tien, connu pour pour ses intérêts sur la scène régionale. Il réagit ces positions sur l’offensive agressivement, notamment en di- contre l’Iran ». À cela, une quesrigeant son axe à travers les Émi- tion se pose : La vague des prinrats arabes unis, Bahreïn, ainsi temps arabe a-t-elle mis en place que le Mouvement du 14 Mars des régimes ayant pour point de l’ancien premier ministre liba- d’orgue le conflit sunno-chiite nais Saad Hariri. La monarchie ? À cela, Wissam Lahham, prose rapprochera plus tard des re- fesseur de Droit constitutionnel belles Syrien dont le soutien fait à l’Université Saint Joseph de unanimité en Arabie Saoudite, Beyrout répond : « Le printemps

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arabe n’a pas mis en place des régimes soutenant le conflit sunno-chiite. La notion de trouble interne existait bien avant 2010 dans la littérature classique musulmane. Elle fut initiée par les salafistes, plaçant en ennemi principal un ennemi intérieur ». Mehdi Lakkani, diplômé en relation internationales et spécialisé sur la question du Moyen-Orient ajoute que les printemps arabes ont surtout été la cause de la déstabilisation de la région.

Deux acteurs historiques importants présents sur la scène géopolitique Dans ce cadre conflictuel, nous retrouvons les États-Unis et Israël, deux acteurs historiques présent sur la scène du MoyenOrient. Rappelons que les ÉtatsUnis sont alliés des Saoudiens par la signature du Pacte de Quincy le 14 Février 1945 entre le roi Ibn Saoud, fondateur de la monarchie d’Arabie Saoudite, et le président américain Fran-

klin Roosevelt. Cependant, l’influence américaine n’est pas la même qu’avant. Selon Wissam Lahham, « les États-Unis sont intéressés à maintenir la stabilité du régime saoudien. Cependant l’administration Obama n’était pas prête à intervenir militairement en Syrie pour réaliser les souhaits de l’Arabie saoudite. Avant, le régime saoudien faisait indirectement la guerre ; maintenant il se voit obligé d’intervenir directement comme au Bahreïn, au Yémen et en Syrie. Les ÉtatsUnis ont perdu une part de leur influence, ils ne sont plus pour le moment l’autorité absolue dans la région. Ils doivent en plus de ça faire des compromis avec la Russie et l’Iran expliquant alors la peur de Riyad ». D’autres parts, la prise de position israélienne en faveur de l’Arabie Saoudite est à la fois surprenante et attendue. Selon le Times of Israël, le Premier ministre israélien Benyamin Netanyahou a déclaré : « Les pays du monde arabe ont décidé de reconnaitre le Hezbollah comme un groupe terroriste. C’est une nouvelle importante.

Même fantastique ». Cette prise de position pourrait être interprétée comme une façon de changer de politique. En s’éloignant des États-Unis, l’État hébreu pourrait se rapprocher de l’Arabie Saoudite, et ainsi se munir d’un allié stratégique face à la «menace» que représenterait l’Iran. « Israël profite simplement de la situation dans la région : les États arabes alignés avec l’Arabie Saoudite ont fait de la question du nucléaire iranien une priorité. Cela se déclinerait alors en un conflit chiite-sunnite. La politique américaine au moyen orient tend officiellement vers un désengagement depuis le retrait d’Irak. En revanche, l’appui des États-Unis à Israël reste quasi inconditionnel » éclaire Mehdi Lakkani. Ce conflit indirect peut bouleverser la lecture géopolitique de la région. Elle donne de nouvelles clés de compréhension et menacerait le Liban, aspirant à une neutralité confessionnelle, d’en être une victime collatérale. ◆ Ilyas Benessaiah

Pancarte et drapeau du Hezbollah, Baalbek, Liban. ©Yeowazup

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Iran : un nouvel acteur au Moyen-Orient La République islamique d’Iran a respecté ses engagements en réduisant de manière significative le nombre de ses centrifugeuses, menant à la levée des sanctions par l’Onu en Janvier 2016. L’ouverture de l’Iran donnerait une nouvelle grille de lecture nécessaire à la compréhension des enjeux au Moyen-Orient. En débarquant sur le marché, l’Iran serait bien capable de devenir un nouvel acteur de taille. D’après une étude menée par les économistes du groupe Euler Hermes, la République Islamique pourrait voir sa croissance arriver à 4 % en 2016 et atteindre les 4,2 % en 2017. Cette étude montre que les européens seront les principaux bénéficiaires de la levée des sanctions autrefois imposées au régime des Ayatollah. Les ventes de pétrole brut iranien ont largement dépassé les 300.000 Barils Par Jour (BPJ) depuis la levée des sanctions. Le président Hassan Rohani a d’abord visité l’Italie, pays longtemps implanté en Iran, en particulier dans le secteur pétrolier. On retrouve parmi les investisseurs italiens la compagnie pétrolière ENI, client historique de l’Iran, intéressé par l’achat de 100.000 BPJ, suivie par la compagnie «Saras» qui achèterait de 60 à 70.000 BPJ de brut. Cependant, l’Italie est devancée par l’Allemagne, premier partenaire de l’Iran en Europe, suivi par la France. Selon l’Agence de Presse anglaise Reuters, « Les exportations pétrolières de l’Iran

– qui ont atteint un pic de plus de trois millions de bpj en 2011– sont tombées à un peu plus d’un million. Cela fait suite à l’instauration de sanctions liées au programme nucléaire de la République islamique. Dès que la levée des sanctions a été annoncée, Téhéran a ordonné une hausse de 500.000 BPJ de sa production de pétrole. L’ONU a déclaré simultanément la levée des sanctions et la mise en vigueur de l’accord de Vienne, qui délimite les activités nucléaires iraniennes ». Ces nouveaux contrats pétroliers, incluant le secteur de l’exploration et du développement, pourraient attirer plus de 40 milliards de dollars d’investissements étrangers. De plus, les investissements directs étrangers (IDE), en hausse, devraient s’établir à 3,7 milliards de dollars en 2017 et bénéficier au ¬secteur de l’énergie, des gisements de gaz et

Portrait des ayatollahs Ali Khamenei et Rouhollah Khomeini, Iran. ©Ben Piven

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de pétrole iraniens nécessitant de lourds ¬investissements. L’ouverture iranienne peut se présenter comme un avantage pour l’Europe. Les projets comme Nabucco ou le Trans Adriatic Pipeline achemineraient le gaz des pays limitrophes à la Mer Caspienne jusqu’en Europe, en passant par la Turquie. Ce projet réduirait de manière significative la dépendance au gaz russe, au grand dam de Moscou. Le rapport de force serait plus équilibré, donnant à l’Iran la possibilité de satisfaire son ambition et devenir une puissance régionale au sein du Moyen-Orient. Malgré une ouverture qui lui profiterait, le pays doit encore affronter ses démons économiques. Entre autres, la corruption et la bureaucratie qui compliquent l’environnement du secteur privé, pesant 15 % de l’industrie en Iran. ◆ Ilyas Benessaiah


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Etats-Unis - Turquie : une tension larvée Du 29 mars au 2 avril prochains, le président turc Recep Tayyip Erdogan sera attendu sur le sol américain. Mais aucune rencontre n’est prévue avec Barack Obama. Présent pour participer à la quatrième session du Sommet nucléaire à Washington, Erdogan a bien fait comprendre à son homologue que la guerre en Syrie et le dossier kurde ont eu raison de son entente cordiale avec lui. Impossible d’évoquer la Turquie sans l’empire ottoman, puissant et durable. Disloqué par les occidentaux après la 1ère guerre mondiale, l’empire laisse place à la République Turque Kémaliste, créée par le président Mustafa Kemal, dit « Atatürk », « le père de tous les turcs ». Ce dernier a transformé ce vieil empire en une jeune République occidentalisée et laïque. Ce fût surtout le premier Etat musulman à avoir séparé le politique du religieux dans le monde islamique. Mais la laïcité est loin d’être totale dans ce pays, surtout depuis qu’Erdogan est à la tête du pays, ce dernier privilégiant l’islam sunnite aux autres branches de l’islam et aux divers courants religieux. Les autorités turques n’ont pas non plus hésité à utiliser la religion dans des affaires publiques, notamment avec l’instauration de cours obligatoires de religion dans les écoles primaires et secondaires. L’interdiction du port du voile, sous le joug des juges, très kémalistes, a longtemps incarné un principe de laïcité intangible. Cependant le gouvernement Erdo-

gan est devenu plus souple sur ce principe, autorisant depuis 2013 les députées et les étudiantes voilées de siéger au Parlement et d’entrer à l’université. Je t’aime, moi non plus. Comme un vieux couple, les tensions entre la Turquie et les Etats-Unis partent, puis reviennent, notamment lors des deux guerres du Golfe, où la Turquie a énormément perdu économiquement dans la région kurde américaine. La chute de l’URSS en 1991 renforce le pouvoir turc dans la région et scelle l’alliance entre le géant américain et la Turquie avec la signature du « partenariat renforcé ». Celle-ci voit également l’espoir de se détacher de sa dépendance au Moyen-Orient en profitant du pétrole de l’Asie Centrale et du Caucase. Après plus de 60 ans où se succèdent gouvernements semi-démocratiques ou militaires, Recep Tayyip Erdogan, porté par son parti l’AKP, le parti de la justice et du développement, arrive au pouvoir en tant que premier ministre en 2003. C’est également cette année là qu’une crise diplo-

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matique a eu lieu entre les deux pays. Le parlement turc a, in fine, décidé d’interdire les troupes américaines en route vers l’Irak d’utiliser les terres turques. Evidemment, l’intérêt pour la Turquie était alors de préserver le territoire irakien afin de protéger les minorités turkmènes et leurs approvisionnements en Irak.

La question kurde

Erdogan, dont la personnalisation du pouvoir grandit encore et toujours, ne transige aucunement, comme ses prédécesseurs, sur le sort de la région kurde. Depuis toujours, le Kurdistan, région située sur la Turquie, la Syrie et l’Irak rêve d’indépendance. Ce pouvoir nationaliste rêvant d’une grandeur de l’empire ottoman retrouvée et porteur d’un islam dit modéré arrive à sa consécration en 2014 lorsque Erdogan prend la tête de la présidence de la République. Julien Zarifian, Maître de conférences en Civilisation américaine à l’Université de Cergy-Pontoise, chercheur au laboratoire Agora de cette université et docteur


en géopolitique explique que « la question kurde devient, par ricochet, un problème international. Ces derniers sont des alliés incontournables pour les occidentaux. Sur le terrain, les kurdes sont les seuls combattants valables. Mais les autorités turques sont traditionnellement opposées aux kurdes. Cela nous rappelle la question arménienne. Même si la majorité des kurdes est sunnite, comme les turcs, ils sont un peuple spécifique et partagent des traditions nomades qui s’assimilent très mal à la Turquie Kémaliste qui souhaite une nation turque. » Depuis, le climat délétère ambiant n’a cessé de s’aggraver. Ankara a été le théâtre de plusieurs attentats cette année. Le gouvernement turc accuse la guérilla kurde. Ce que l’on sait avant tout c’est que la question kurde est extrêmement inquiétante. Et cette dernière constitue plus que jamais un sujet de discorde voire un point de rupture entre la Turquie et les Etats-Unis, sur fond de guerre syrienne. Dorénavant, le Parti des travailleurs du Kurdistan, le PKK, incarne un consensus –un peu hypocrite- pour Ankara et Washington. Cependant, le Parti de l’Union démocratique (PYD), affilié au PKK, divise. Les américains veulent, de facto, soutenir ces derniers, qui, grâce à leurs milices armées (YPG), aident l’Occident à combattre l’Etat islamique (EI). Le fossé se creuse lorsque que l’armée turque s’est mise à attaquer les combattants kurdes syriens, largement soutenus par la France et les EtatsUnis. Le point de non-retour est atteint, et c’est en partie pour cela que ce dernier est montré du doigt, voire incriminé par ses principaux opposants. Long-

Le président Erdogan et son homologue Obama. ©Wikimédia

pendant, ils sont coutumiers des relations avec des états autoritaires. Je suis toujours surpris du niveau de tolérance des états occidentaux vis-à-vis de la Turquie », tout en ajoutant « les EtatsUnis savent que la Turquie est un allié stratégique. C’est un pilier de l’OTAN, c’est la 2ème armée de cette organisation. De plus, « Le refroidissement plusieurs bases militaires américaines de l’OTAN coopèrent sur entre les Etats-Unis et le sol turc. Voir l’état turc bascula Turquie est relatif » ler vers d’autres alliances serait La seule solution resterait la une catastrophe. A Washington, création d’un Kurdistan, mais on considère que la Turquie est comme nous le confie Julien Za- incontournable et est un atout rifian : « Les kurdes revendiquent indispensable dont on ne peut se le droit à disposer d’eux-mêmes. priver ». Mais sur quelle terre pour- « Choisir entre les forces kurdes raient-ils s’installer ? La région syriennes ou la Turquie ». Voici du Kurdistan est à cheval sur la l’ultimatum que le président ReTurquie, la Syrie et l’Irak ». cep Tayyip Erdogan a lancé aux Il ajoute, sur les relations entre Etats-Unis récemment. Les alliés les Etats-Unis, état démocratique risquent à nouveau de traverser et la Turquie autocratique d’Er- de nombreuses frictions. Pour dogan : « La question des droits sûrement mieux se retrouver. de l’homme compte pour une nation comme les Etats-Unis. Ce◆ Salomé Bertrand temps accusé d’avoir cherché à armer les djihadistes de l’EI au début de l’année 2014, Erdogan est de nouveau accusé de jouer un double jeu envers Daesh. En prétendant les combattre, il frappe également les kurdes créant ainsi des tensions immenses au sein de la Turquie.

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Corée du Sud, la course à la victoire Le pouvoir exécutif sud-coréen est intrinsèquement lié au soutien du pouvoir législatif. Le Président de la République n’étant pas en mesure de dissoudre l’Assemblée Nationale, ces élections législatives sont capitales pour l’avenir politique du pays. Le lancement des campagnes officielles pour les candidats sud-coréens aux élections législatives a lieu aujourd’hui. Ces élections visent à renouveler les députés du Gukhoe, chambre unique du Parlement. Les 300 sièges de cette vingtième Assemblée Nationale seront pourvus le 13 avril prochain. Élus au suffrage universel direct, les députés seront nommés pour un mandat de quatre ans. Quatre partis principaux se distinguent. Parmi eux, le parti Saenuri (centre droit conservateur), au pouvoir depuis 2012. Dirigé par Kim Moo-sung, il a pour objectif premier de bénéficier à nouveau d’une majorité, puisqu’il dispose actuellement de 146 sièges sur 292. Cependant, cela ne suffisait pas à son chef, qui visait 180 sièges sur 300, objectif que Cho Dong-won, responsable des relations publiques du parti, a jugé irréalisable. L’objectif a donc été revu à la baisse,

malgré le fait que le parti se place en première place des intentions de vote. Selon l’Institut du sondage sud-coréen Real Meter, les conservateurs figureraient en tête avec 41,7 % des suffrages.

Kim Chong-in ©DR.

par les grands groupes doit être abandonné au profit de la croissance des petites et moyennes entreprises. Cela permettrait, selon Kim Chong-in, de revitaliser l’économie du pays. Le parti a demandé au peuple de porter un jugement sur le travail économique des dirigeants actuels. L’opposant Selon les sociaux-libéraux, le socio-libéral parti Saenuri n’est pas parvenu à trouver des solutions pour améLe parti Minjoo, aux tendances liorer le niveau de vie de la popusocio-libérales, est le principal lation. L’objectif du parti de Kim parti d’opposition. Né en 2014 Chong-in est de remporter 130 de la fusion du Parti Démocrate sièges à ces législatives. et du Parti pour une Nouvelle Vision Politique, il détient actuelleUn parti ment 107 sièges à l’Assemblée Nationale. Moins populaire que d’opposition et Saenuri, le parti de Kim Chongun parti de gauche in se place en seconde position des intentions de vote, avec un total de 26,7 %, toujours selon Troisième formation de poids, Real Meter. Son dirigeant par le Parti du Peuple. Fort de ses intérim, Kim Chong-in, juge 11,7 % d’intentions de vote, il a que le modèle économique vers pour objectif premier « d’empêlequel le pays semble entraîné cher le parti Saenuri de gagner »,

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selon Ahn Cheol-soo, dirigeant conjoint avec le député Chun Jung-bae. Il ajoute que « le but ultime est de devenir le principal parti de l’opposition ». Auparavant, Ahn Cheol-soo était le co-président de l’Alliance de la nouvelle politique pour la démocratie, l’ANPD. Il s’agit du prédécesseur du parti Minjoo, qu’il a quitté dans le but de créer son propre parti. Le Parti du Peuple a vu le jour le 2 février dernier. Il espère remporter vingt sièges, ce qui lui permettrait de former un bloc de négociation parlementaire. Ahn Cheol-soo a par ailleurs affirmé que «Les partis au pouvoir et de l’opposition ont clairement montré le niveau d’incompétence». Il juge que de nouveaux venus doivent renouveler l’horizon politique sud-coréen. Ahn Cheol-soo fera donc en sorte de recruter de nouvelles figures pour son parti. Enfin, le Parti de la Justice est la seule formation de gauche au Parlement depuis que le Parti progressiste unifié a été interdit. Ce parti est marqué par une influence centre-gauche progressiste. Les sondages projettent 3,5 % des suffrages, soit près de douze fois moins que le Parti Saenuri, en tête des intentions de vote.

Ahn Cheol-soo ©DR.

coupage des circonscriptions. Le 23 février dernier, les principaux partis sud-coréens sont en effet parvenus à trouver un terrain d’entente sur le redécoupage électoral des circonscriptions en vue des élections législatives. D’après cet accord, 253 sièges seront attribués au scrutin uninominal majoritaire à un tour et 47 sièges à la proportionnelle, entre les partis ayant recueilli plus de 3 % des voix. Pour les législatives d’avril, les inscriptions ont été ouvertes le 15 décembre dernier. Dès le premier jour, selon la Commission électorale nationale (NEC), 513 candidats ont été enregistrés dans 246 circonscriptions à travers le pays, ce qui correspond à 2,1 candidats pour un siège à l’Assemblée. Il s’agit

d’un niveau similaire à celui des dernières élections législatives de 2012. Cette inscription préliminaire offre notamment aux novices en politique des moyens pour acquérir une certaine notoriété. Une fois inscrits, ils ont en effet la possibilité d’ouvrir un local de campagne dans leur circonscription, recruter un maximum de trois employés et distribuer des cartes de visite. Ils ont aussi le droit d’envoyer des emails ainsi que des SMS, de distribuer des tracts électoraux ou de téléphoner aux électeurs, et ce dans la limite des 10% des foyers de leur circonscription. Enfin, pour financer la campagne, il leur est permis de collecter des fonds jusqu’à 150 millions de wons, ce qui équivaut à environ 117 000 euros, grâce à un comité de soutien. Si la formation Saenuri est actuellement le parti au pouvoir et figure en tête des intentions de vote, sa victoire est cependant loin d’être assurée. Le peuple sud-coréen manifeste en effet un important désir de changement jugeant que les personnalités politiques au pouvoir doivent se renouveler pour assurer l’avenir du pays. ◆ Auriane Alix

Des campagnes règlementées

LA PLACE DES FEMMES DANS LA POLITIQUE SUD-CORÉENNE

Le parti Saenuri a reçu 329 candidatures, le nombre le plus élevé parmi l’ensemble des partis politiques en lice. En comparaison, le Parti de la Justice a reçu sept candidatures. Les candidats nouveaux venus en politique ont souvent tendance à commencer leur campagne électorale au plus tôt, par crainte notamment des incertitudes liées à un redé-

944 personnes se sont portées candidates à ces élections législatives. Parmi ces candidats, seulement 100 sont des femmes. Ce chiffre ne doit cependant pas catégoriser la femme comme mineure au sein de la politique et de la société sud-coréenne. Le pays est actuellement dirigé par une femme, Park Geun-hye, et ce depuis février 2013. Au cours des trente dernières années, le statut social de la femme en Corée du Sud a beaucoup évolué. Désormais plus libres, elles sont en mesure de travailler, de choisir leurs études, de décider de se marier ou non et également de demander le divorce. Cela soulève cependant un problème important. La Corée du Sud reste très à cheval sur les traditions, et l’évolution du statut des femmes suscite une forme de haine des hommes vis-à-vis des femmes.

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Podemos : Décryptage du parti politique le plus populaire d’Espagne Depuis ce 31 janvier 2015, date mémorable de la grande manifestation du parti alternatif de gauche Podemos à Madrid, beaucoup de choses ont changé. Zoom sur un jeune parti politique qui a pris une dimension énorme en Espagne. Dans la célèbre place de la Puerta del Sol à Madrid, des milliers de militants du parti politique radical de gauche Podemos, scandent en cœur le slogan « Si se puede ! » (Oui nous le pouvons) brandissant des drapeaux aux couleurs de l’Espagne, pour lutter contre l’austérité. Le 31 janvier 2015 a marqué les esprits, 100 000 partisans sont descendus dans les rues de la capitale pour faire valoir les idées du parti fondé en début d’année 2014 par Pablo Iglesias, après la crise économique. Grâce à la croissance de leur côte de popularité et la séduction de nombreux électeurs, Podemos est parvenu à entrer au Parlement avec 69 sièges. Les élections législatives du 20 décembre dernier ont bouleversé le paysage politique espagnol.

espagnol) à quant a lui, affiché son pire résultat depuis la mort de Franco. Surtout que la somme des voix du PSOE et du PP (Parti Populaire) atteint à peine les 50%. Un quatrième parti politique, Ciudadanos, de centredroite liberale, réalise un bon score 13,9%. Face aux coupes budgétaires phénoménales, au plus de 20% de chômage, aux dizaines de milliers d’expulsions de logements, à la réforme du code de travail de 2012 – dans la ligne de celle proposée par El Khomri –, les résultats favorables à Podemos montrent bien le désir de changement des citoyens espagnols, et leur soutien à un projet de gauche aux côtés du PSOE. Beaucoup de transformations ont été opérées depuis cette manifestation historique. C’est ce qu’a constaté Alberto Amo militant Une ascension du cercle Podemos Paris, qui organise des débats autour de la défulgurante En seulement deux ans d’exis- mocratie participative, les moutence, Podemos a su s’imposer vements anti-austérité en Europe, rapidement se situte troisième et qui fait de la diffusion du proposition avec 20,6% des voix. Le jet du parti en France. Il partiPSOE (Partie socialiste ouvrier cipe également à la construction

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du programme électoral sur des questions d’émigration ou droit de vote des Espagnols à l’étranger. « Depuis la marche du changement qui a réuni à Madrid plus de 200 000 personnes en soutien au projet Podemos, ce parti a été confronté à 5 élections (régionales andalouses, régionales catalanes, régionales dans 13 autres régions, municipales, et législatives). À chaque fois, ils ont remporté plus de voix que l’élection précédente dans chacune de ces régions, et les candidatures municipales qu’il a soutenu ont remporté les mairies de Madrid, Barcelone, Saragosse, Cadix, Corogne, … Podemos a introduit dans l’agenda politique des sujets jusqu’alors ignorés par les grands partis, tels que la démocratie interne aux partis et la participation citoyenne, la question des expulsions des logements, le revenu universel, l’audit de la dette publique, les portes tournantes entre le monde de la politique et des grandes entreprises. Ce succès de ce type qui a pris à peine deux ans est


inédit ».

Une crise interne dans le parti

Si Podemos réalise un bon score lors des législatifs, il fait face à une crise interne. En effet, Pablo Iglesias a décidé de renvoyer le numéro trois du parti Sergio Pascual, secrétaire général en charge de l’organisation. La gauche alternative récemment entrée dans le monde politique devait vite rapidement se construire. Depuis sa création, Podemos a construit une organisation qui s’est avéré très efficace électoralement pour porter un projet de gauche aux institutions, et en même temps, il a essayé de créer une structure territoriale bien ancrée, fondée sur la participation citoyenne. « Après les élections, on rentre dans un cycle plus long pour lequel Podemos doit se poser de nouveaux objectifs, notamment de développer la structure territoriale. Pablo Iglesias a estimé que Sergio Pascual n’était pas la personne la plus adapté pour aborder cette question. La cessation des fonctions de Sergio Pascual en tant que Responsable d’organisation (il continue à être membre du Conseil Citoyen, et député à l’Assemblée Nationale) se situe dans ce cadre », a expliqué le militant expatrié en France. Son successeur, n’a pas tardé à être choisi dans la foulé et a pris rapidement le relai. Alberto Amo a d’ailleurs dressé le portrait de Pablo Echenique, le nouveau visage de Podemos. « Pablo Echenique est une figure très respectée par une grande partie des cadres, militants et sympathisants de Podemos. Il est un exemple clair de citoyen en train de faire de la politique. Jusqu’en

janvier 2014 il était chercheur en physique au CNRS espagnol, sans rattachement à parti politique quelconque. En se présentant aux primaires de Podemos en mars 2014 il a eu une place dans la liste Podemos au Parlement Européen pour les élections de 2014, et il est devenu eurodéputé. Au sein de Podemos il a défendu une ligne plus proche des bases, des Cercles et de leur capacité de transformation sociale. En devenant Chargé de l’Organisation, il sera très bien placé pour développer l’implantation territoriale et le rôle des cercles au sein du parti ».

Pas d’alliance avec le PSOE

Si dernièrement, des commentateurs politiques ont envisagé une alliance entre Podemos et le PSOE, le militant du cercle parisien tient à démentir ces dernières. « Le PSOE n’a jamais essayé de s’unir avec Podemos. Ces deux partis pourraient tenter de former un gouvernement soumis au vote de l’Assemblée Nationale. Podemos a fait une proposition d’un gouvernement de coalition avec le PSOE autour d’un programme commun

qui change fortement les politiques mises en place par le Parti Populaire (conservateur) ces quatre dernières années ». Le parti dirigé par Pablo Iglesias propose notamment une réforme fiscale pour taxer plus les hauts revenus et les grandes sociétés, en particulier les banques, l’arrêt des expulsions de logements, le retrait du code de travail de 2012, le retrait de la « loi bâillon » qui porte une atteinte au droit de manifester. Les réunions et négociations entre les deux partis sont d’ailleurs en cours. La troisième force politique d’Espagne, Podemos, se situe aujourd’hui derrière le parti populaire leader de Mariano Rajoy, ainsi que son dauphin Pedro Sanchez avec le PSOE. Ce parti de gauche radical continuera à lutter pour mettre en place dans les institutions des politiques de justice sociale, de défense d’une éducation et santé publiques de qualité, et le respect des droits de l’homme, par exemple en ce qui concerne l’accès à un logement digne. Son prochain objectif est de devenir le porte drapeau des mouvements anti-austérité à l’échelle européenne. ◆ Lamia El Hanbali

Manifestation Podemos du 31 Décembre à Puerta Del Sol, Madrid. ©FlickrCC

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ACTUALITÉS

Rachat de Sharp par Foxconn : La discorde économique Après plusieurs épisodes chaotiques, le groupe taïwanais Foxconn s’apprête enfin à racheter le géant japonais Sharp le 2 avril prochain. Néanmoins, l’offre initiale de rachat se serait vue rabaissée d’environ 20% en raison de l’importante dette financière de Sharp. Un mois après sa dernière offre, le fabricant taïwanais de produits électroniques Foxconn revient avec une nouvelle proposition de rachat de la société japonaise d’électronique Sharp. Ce mercredi, les deux groupes ont confirmé le rachat, qui aura lieu le 2 avril dernier. Initialement établie à 484,3 milliards de yens (environ 3,9 milliards d’euros), la revente ne s’effectuera aujourd’hui qu’au prix de 385 milliards de yens, soit 3,2 milliards d’euros. Si l’affaire semblait bouclée le mois dernier, Foxconn s’était désisté à la dernière minute en raison de la découverte d’un « document essentiel » dont le contenu évoquait les dettes de Sharp. Seulement, elles étaient beaucoup plus élevées que prévu. Si Foxconn souhaite tout de même investir chez le géant japonais, c’est parce que l’entreprise a tout à gagner grâce au savoir faire en matière d’écrans et de capteurs optiques du groupe Sharp. Ce dernier sera également gagnant puisque cette somme permettra le développement de

nouvelles chaînes de production d’écrans OLED et de technologies « futuristes ». Sharp est actuellement dans un gouffre financier sans précédent et afficherait des pertes équivalentes à de 170 milliards de yens sur les douze derniers mois selon le quotidien japonais Yomiuri Shinbun. L’entrée de Foxconn au capital de Sharp aurait du s’effectuer il y a quatre ans, mais le groupe japonais avait à l’époque annoncé que ses finances étaient sur le point d’être dans le rouge. Bien que Sharp soit toujours dans la même situation financière, Foxconn a tout intérêt à tenir son offre pour les raisons mentionnées ci-dessus, mais aussi à cause de la diminution du prix de vente.

Sharp ne voulait pas être assimilé aux scandales médiatiques de Foxconn, et ce dernier estimait qu’il y avait un sévère manque à

gagner dans cet accord. Au-delà de l’intérêt économique évident, Foxconn souhaite également acquérir 66% des parts de Sharp afin d’entrer dans une « nouvelle ère » et ainsi s’affranchir des scandales qui ont sévèrement entaché sa réputation ces dernières années. Etant le principal fournisseur de la firme Apple, mais aussi de Samsung et de LG, toutes les marques avaient été touchées par ces polémiques, notamment entre 2010 et 2012. En 2010, une vague de suicides chez les employés de Foxconn ont révélé pour la première fois au grand public les conditions Le souhait de Foxconn : de vie inhumaines des salariés. Faire table rase de Entre janvier et juin, dix suises scandales cides et une mort liée au surmenage avaient été répertoriés. Les Si les deux groupes ont du at- victimes, âgées de 19 à 24 ans, tendre plusieurs années pour s’étaient jetées de leurs dortoirs conclure un accord, c’est parce où elles vivaient à dix par rangée. qu’ils n’avaient plus aucune Les ingénieurs de Foxconn ont confiance l’un dans l’autre. été également touchés puisque

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l’un d’entre eux, Yan Li, quant à lui, est décédé après avoir travaillé vingt-quatre heures d’affilées. Pour se détacher de ce premier scandale, Apple avait mandaté en 2012 la Fair Labor Association, qui était chargée de faire un rapport d’investigation au sein de trois usines Foxconn implantées en Chine. Cette initiative s’est finalement retournée contre la firme puisqu’aucune évolution des conditions de travail n’a été constatée. Au total, plus d’une cinquantaine de violations du Droit du Travail ont été répertoriées. Si la loi chinoise a mis en vigueur la semaine de quarante heures, avec une autorisation de neuf heures hebdomadaires supplémentaires, certains employés affirmaient parfois travailler soixante heures par semaine durant onze jours consécutifs. Les salaires étaient également au cœur du scandale puisque trois salariés sur quatre indiquaient que leur paie n’était pas suffisamment élevée pour couvrir leurs besoins vitaux.

Quelles retombées économiques pour Foxconn, Sharp et leurs exploitants ? Au-delà des avantages cités ci-dessus, cet accord aura également un impact économique important pour des multinationales comme Apple, Samsung, LG. En baisse de régime, Apple souhaite reconquérir le marché de la téléphonie avec ses prochains iPhone, notamment le 9. Prévu pour la rentrée 2018, il sera le premier de la gamme à être doté d’un nouveau écran LED nouvelle génération, plus lumineux et plus résistant. La technologie employée par Sharp

sera une grande valeur ajoutée pour Apple, donc pour Foxconn. Ainsi, les écrans LED des iPhone 9 seront véritablement à la pointe de l’innovation technologique. Sharp est notamment à

visibles puisqu’à l’aube de ce rachat, l’action Sharp était en hausse de 3,85% hier à la fermeture des marchés et valait 135 yens (1,062 euro). Malgré ces chiffres encourageants, il ne faut

Les salariés de Foxconn à l’oeuvre. ©Wikipédia Commons

la tête du standard Igzo, permettant d’accroîte la sensibilité des petits écrans tout en réduisant leur consommation d’énergie. Les ventes ont des chances d’être relancées, Apple et Foxconn augmenteraient donc leur chiffre d’affaires. Pour rappel, Apple a vendu 74,77 millions d’iPhone au dernier trimestre 2015, soit à peine 270 000 de plus qu’au quatrième trimestre 2014. Terry Gou, le PDG de Foxconn, insiste particulièrement sur le développement de nouveaux écrans LED avec Sharp car il pourra consolider ses pôles de production taïwanais et japonais. Très implantée en Chine, l’entreprise souhaite concurrencer les leaders sud-coréens Samsung Display et LG Display dans plusieurs pays asiatiques.En bourse, de premières retombées sont déjà

tout de même pas oublier que le titre valait 600 yens (4,61 euros) en 2012. Encore très populaire dans le domaine de l’électroménager, Sharp compte retrouver de la crédibilité auprès des marchés que des consommateurs. Son partenariat lui permettra donc d’acquérir un nouveau public, comme par exemple les usagers d’Apple. Il en est de même pour Foxconn, qui pourra se spécialiser dans l’électroménager. Si les grands enjeux de ce partenariat ne seront dévoilés que le 2 avril prochain lors de la conférence de presse orchestrée par les deux entreprises, il est certain que le sauvetage économique de Sharp sera au cœur des objectifs principaux. ◆ Christelle Cozzi

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SPORT

Un hommage prévu pour Cruyff lors du Clasico L’événement footballistique le plus attendu d’Espagne et dans le monde aura lieu samedi. Des milliers de supporters se réunissent, c’est le Clasico. Cette rencontre oppose les deux plus grandes pointures du football mondial, le FC Barcelone, au Real Madrid. Pour le compte de la 31ème journée de Liga, le FC Barcelone reçoit samedi prochain, le Real Madrid à domicile au Camp Nou dans une ambiance assez mélancolique. L’un des matchs les plus regardés au monde sera aussi le théâtre d’un grand hommage à l’image de l’icône mondiale du football Johan Cruyff, décédé jeudi dernier à l’âge de 68 ans, des suites d’un cancer du poumon. L’ancien joueur et entraîneur du Barça a non seulement marqué son empreinte dans la sphère footballistique mais a également laissé derrière lui l’héritage d’une grande philosophie de jeu, qui fait l’identité du club hollandais de l’Ajax et celui du FC Barcelone aujourd’hui. L’ex-international hollandais a révolutionné le monde du football par son sens du collectif et pas que, en ayant remporté trois Ballons d’or, la plus grande distinction individuelle pour un joueur en 1971,

1973 et 1974.

Le mémorial en l’honneur J.Cruyff au Camp Nou. ©FlickrCC

Une portée internationale

Lors de la dernière trêve internationale, une minute de silence s’est faite respectée dans plusieurs stades avant d’entamer chaque rencontre. Un grand tifo* avait été déployé lors du match Pays Bas – France, pour remercier symboliquement le numéro quatorze qui a défendu longuement le maillot des Oranjes. Le FC Barcelone a donc prévu à son tour de placer sur ses 90 000 sièges des mosaïques, qui seront déployées avant le coup d’envoi du Clasico, pour rendre hommage au « hollandais volant ». L’occasion pour les madrilènes et les catalans de s’unir en l’honneur du prince d’Amsterdam, quelques minutes avant d’entamer les hostilités. *Banderole

◆ Lamia El Hanbali

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Football : ¼ final aller de la ligue des Champions Les 5 et 6 avril seront marqué par les quarts de final aller de la ligue des Champions, avec notamment le choc entre le FC Barcelone et l’Athlético de Madrid dès le mardi soir. Les rencontres Bayern-Benfica, Worlsburg-Réal et PSG-Manchester seront également au programme de ces deux jours. Parmi les quarts de finaliste, deux sont novices à ce stade de la compétition (Wolfsburg et Manchester City). Le marathon de Paris fête sa 40ème édition Le marathon de Paris revient dans la capitale le dimanche 3 avril 2016 et fêtera son 40ème anniversaire après sa création en 1976. Cette année, il devrait réunir près de 145 nationalités et 57 000 coureurs (79% d’hommes et 21% de femmes) prêts à se confronter aux 42,195 km de la course.


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CINÉMA

Batman Vs Superman : le comic anticonformiste Dans les salles depuis le 23 mars dernier, Batman Vs Superman de Zack Snyder n’a cessé de susciter les passions dans la sphère cinématographique. Meilleur démarrage de la Warner mais accablé de critiques négatives, ce paradoxe met en avant le retour « dérangeant » de la franchise DC au cinéma. 185 millions de dollars de recettes au box-office américain et 254 millions à l’international au lundi 28 mars, le blockbuster Batman Vs Superman : L’Aube de la Justice collectionne les records aux Etats-Unis : meilleur week-end de démarrage, meilleur week-end de Pâques, meilleur lundi de mars, meilleur démarrage pour le mois de mars, film de la franchise Detective Comics (maison d’édition américaine de bande-dessinées) le plus lucratif, meilleur démarrage de la Warner Bros et 6ème meilleur démarrage de tous les temps. Des distinctions qui n’étaient pas gagnées d’avance puisque les critiques se sont montrées particulièrement virulentes et cyniques envers le film. Surnommé « L’aube de l’ennui », ou encore « l’ennui abyssal », Batman Vs Superman ne totalise que le faible score de 29 % sur le site Rotten Tomatoes. Sur cette plateforme, devenue une véritable référence pour les cinéphiles du monde entier, un film est considéré comme mauvais si sa note se situe en-dessous de 50 %. A contrario, le public a offert un accueil plus chaleureux au blockbuster puisqu’en plus de son succès au box-office, il totalise un score de 3,9/5 sur Allociné

et de 72 % sur Rotten Tomatoes 2012 et 2013. Si d’autres projets similaires ont vu le jour, seul cedans la partie « utilisateurs ». lui-ci est véritablement considéré A deux franchises, deux comme « légitime » aux yeux du public. écoles de super-héros ? Historiquement, DC Comics s’est toujours voulu plus sombre Outre sa longueur, le principal ar- que son concurrent. En théorie, gument des détracteurs du film est ce film n’aurait pas du autant son « anticonformisme ». Com- choquer. Seulement, après des paré aux longs-métrages « lisses années de monopole de la part » de la franchise Marvel (autre de Marvel, le public et les crigrande maison d’édition de co- tiques se sont habitués à une cermics américains), très appréciés taine image des super-héros et à des critiques et du grand public, leurs aventures supplantées par Batman Vs Superman dérange. un « happy ending ». Le retour Sombre, cassant l’image parfaite de DC Comics au cinéma bouleet irréprochable des supers-hé- verse notre œil et notre réflexion, ros, il se veut pourtant très fidèle le super-héros n’est plus super, au film d’animation de réfé- mais juste un héros avec sa part rence, Batman : The Dark Knight de faiblesse. Returns, sorti en deux parties en ◆ Christelle Cozzi

L’affiche officielle de Batman VS Superman ©WarnerBrosPictures

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CULTURE

Jean-Pierre Coffe tire sa révérence Le célèbre chroniqueur gastronomique est mort d’une crise cardiaque à l’âge de 78 ans dans sa maison à Lanneray en Eure et Loire. L’information a été dévoilée mercredi matin par son ami Laurent Ruquier sur Twitter. Abonné aux coups de gueule et connu pour son « c’est de la merde » légendaire, Jean Pierre Coffe est rapidement devenu une figure emblématique du petit écran en promouvant sans cesse la « bonne bouffe pas chère ». La télévision lui a d’ailleurs permis de mener avec brio sa propagande. Fasciné par le monde culinaire, il ouvre à Paris en 1976 son premier restaurant : La Ciboulette. Il sera suivi de Le Modeste. C’est d’ailleurs sur son lieu de travail que Michel Denisot, client fidèle de son restaurant, le repère. Il se souvient : "C’était juste avant le démarrage de Canal+. Je suis allé dans son restaurant qui s’appelait Chez Modeste, on cherchait des chroniqueurs, il a passé des essais et il a fait l’ouverture de la chaîne avec moi" s’est souvenu l’animateur. Il est arrivé le 4 novembre 1984 avec un panier de charcuterie et une bouteille de vin à 8h du matin. On a travaillé ensemble pendant sept ans » C’est ainsi qu’en 1984 que Jean Pierre Coffe fait ses premiers pas à la télévision sur Canal +. Il réalise plusieurs chroniques culinaires aux côtés de son confrère, Michel Denisot, jusqu’en 1991. Coffe s’installe ensuite de 1992 à

Jean-Pierre Coffe ©DR

1993 sur le plateau de La Grande Famille avec Jean-Luc Delarue ainsi que dans Demain, toujours avec Michel Denisot. Il multiplie les chroniques dans plusieurs émissions et ce, durant de longues années. La dernière en date : Jusqu’ici tout va bien sur France 2 avec Sophia Aram.

Une carrière audiovisuelle En 1990, à, coté de ses chroniques télévisuelles, il rejoint l’équipe des Grosses Têtes de

Philippe Bouvard sur RTL. En 2010, il se tourne vers l’émission On va s’gêner sur Europe 1, présentée par Ruquier mais n’y reste qu’un an pour finalement revenir dans les Grosses Têtes en 2014. Il anime aussi de 1998 à 2008 sa propre émission Ça se bouffe pas, ça se mange ! sur France Inter. Et parmi toutes ses interventions, plusieurs personnalités telles que Gérard Depardieu, Jean-Luc Delarue, ou encore Nicolas Sarkozy en ont pris pour leur grade. ◆ Loïs Bisia

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