La lanterne mercredi 20 janvier

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La Lanterne Un autre éclairage sur l’info

PLAN POUR L’EMPLOI : HOLLANDE ABAT SA DERNIÈRE CARTE p. 8-9

Le cinéma inspire la mafia p.36-37

Adultère : vers un passage à l’acte p. 20-21

Interview : Philippe Pujol, au coeur des quartiers nord

p.12-14

100 ans après, un maire entretient la mémoire de verdun p.32-34

N° - Jeudi 21 Janvier 2016 - 3,50€


SOMMAIRE

Actualités Politique :

p.4-7

L’ É D I T O « FRANÇOIS HOLLANDE DOS AU MUR »

Hollande VS chômage, dernier acte p. 8-9

Justice :

Affaire Kerviel : la justice et la finance sont-ils de mèche ? p. 10-11

Societé :

Interview : Philippe Pujol Portrait de Pascal, l’homme fluvial Les migrants réfugiés de l’Yonne

Santé

Bracelet anti-dépression

p. 12-14 p. 15 p.16-17 p. 18

High-Tech

Adultère : les nouveaux modes de rencontres p.20-21 Vers un rachat de Bouygues par Orange ? p. 22 Renault dans la tourmente p.23

International :

Les féministes montent au créneau p. 24-25 Attaque terroriste au Sahel et à Ouagadougou p.26-29 Iran : Téhéran devient fréquentable p. 30-31

Portfolio :

Fleury : ni village, ni habitants, mais un maire à sa tête p. 32-34

Culture :

Arte : l’art et la manière de surprendre p. 35 Cinéma et Mafia : lequel s’inspire de l’autre ? p.36-37 Exposition Via design p.38-39

Sport :

Peut-on se passer de Benzema ? p. 40 NBA : Martin Luther King Day p. 41 Paris truqués : Double-faute p. 42-43 La Lanterne, un autre éclairage sur l’info 12 rue Alexandre Parodi 75010 Paris. Directeur de la publication : Christophe-Emmanuel Lucy Rédacteur en chef : Raphaël Gilleron Secrétaire de rédaction :Maxime Berthelot Maquettiste : Marie Martel

g

par Raphaël Gilleron

Les attentats du 13 novembre ont marqué un tournant dans la politique de François Hollande. Pour l’une des premières fois depuis sa prise de fonction en mai 2012, le Président de la République a fait valoir son statut. Il a réagi instantanément et a pris les mesures nécessaires afin de défendre le territoire et son intégrité. L’Etat d’urgence a été immédiatement instauré, puis a été prolongé de trois mois pour permettre la traque des terroristes liés à l’Etat Islamique. La France et Paris, ont été touchées dans leurs cœurs et leur culture. La réaction immédiate a été la bonne solution mais pour autant, le pays reste dans une situation d’urgence difficile à gérer pour la Gauche, qui continue de s’étioler. Outre la loi sur la déchéance de nationalité qui divise le parti, et qui devrait passer à l’Assemblée Nationale grâce aux votes du parti les Républicains, c’est le cas de la Garde des Sceaux qui divise. En effet, elle est contre l’amendement de cette loi mais va devoir demander aux députés de voter en faveur d’un texte qu’elle refuse de porter. Manuel Valls doit, une nouvelle fois, jouer les arbitres et monter au créneau afin de faire voter la loi. Mais l’incompréhension vient également d’une nouvelle proposition de loi sur l’emploi. Lors de ses vœux présentés aux Français le 31 décembre dernier, François Hollande a déclaré que le pays était actuellement en état d’urgence « économique et social ». Le chômage continu à grimper et l’Elysée a surtout cherché à camoufler ces chiffres. A seize mois de la fin de son mandat à l’Elysée, François Hollande semble déjà prêt à abattre sa dernière carte pour essayer de retrouver la confiance des français et améliorer l’employabilité des jeunes et des personnes les moins qualifiées. Pour autant, ce plan pour l’emploi rend sceptique et il faut attendre les premières mesures pour savoir si une amélioration pourra être visible ou s’il ne s’agit que d’un camouflet supplémentaire. François Hollande doit montrer que son bilan n’est pas mauvais pour pouvoir espérer durer à la tête de l’Etat sinon, ce sera une bataille entre la Droite et le Front National…

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ACTUALITÉS

LE RITZ RAVAGÉ PAR LES FLAMMES​

Le 19 janvier, un incendie s’est déclaré au septième et dernier étage de l’hôtel Ritz. Situé dans le 1er arrondissement de Paris, l’établissement, en travaux depuis 2012, était vide de tout client. Une soixantaine de pompiers sont intervenus vers 6 heures du matin. Ils ont pu éteindre le brasier et évacuer les cent cinquante ouvriers présents sur le chantier. Aucune victime n’est à déplorer. g par Marion Bordier

PAMELA ANDERSON À L’ASSEMBLÉE NATIONALE

Mardi, Pamela Anderson s’est rendue à une conférence de presse dans les locaux de l’Assemblée Nationale. C’est Laurence Abeille, députée écologiste du Val-de-Marne, et la Fondation Brigitte Bardot qui sont à l’origine de la venue de l’héroïne d’Alerte à Malibu. L’objectif ? Soutenir et donner de la visibilité à un projet de loi contre le gavage des oies et des canards dans l’industrie alimentaire. Un projet de loi présenté dans l’hémicycle l’après-midi même.

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DISPARITION DE GLENN FREY

e guitariste et co-fondateur des Eagles, est mort le 18 janvier, à l’âge de soixante-sept ans. Il souffrait depuis plusieurs semaines d’une polyarthrite rhumatoïde et d’une pneumonie. Le groupe de rock américain le plus populaire des quarante dernières années a annoncé luimême la triste nouvelle sur sa page Facebook. « C’est le cœur lourd que nous annonçons la mort de notre camarade, Glenn Frey, à New York », peut-on lire sur le réseau social. « Nous sommes en état de choc et de profonde tristesse (…). Il était l’étincelle, l’homme qui avait les idées. Il avait une connaissance

L Glenn Frey lors de l’un de ses derniers concerts© Flicker

encyclopédique de la musique populaire et une éthique de travail qui ne l’a jamais quitté », a ajouté Don Henley, un autre membre du groupe auteur de la célèbre chanson Hotel California, sortie en 1976. Un véritable tube dont Glenn Frey était co-auteur avec Don Henley et Don

Felder. Vendu à 1,5 million d’exemplaires et l’album à 20 millions de copies dans le monde, il vaudra au groupe l’obtention du Grammy Award du disque de l’année. Mais aussi le pretisgieux titre de 37ème meilleur album de tous les temps, attribué par le magazine Rolling Stone. g par Marion Bordier

g par Marion Bordier

DOUBLE MEURTRE DE ROUEN : L’AUTEUR PRÉSUMÉ AURAIT DU ÊTRE EXPULSÉ Le 20 décembre dernier, une jeune femme de 24 ans et un infirmier de 31 ans, Elise Fauvel et Julien Tesquet étaient retrouvés étranglés dans un appartement du centre historique de Rouen. Accusé du double meurtre perpétré à Rouen, Jean-Claude Nsengumukiza, un sans-papier de 34 ans avait déjà été condamné pour viol en février 2011. Il aurait du être expulsé après sa peine de prison. La garde des Sceaux, Christiane Taubira a demandé l’ouverture d’une enquête administrative afin de « s’assurer que toutes les dispositions ont été prises pour rendre cette exécution possible ». g par Orianne Vialo

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LA CHINE ENREGISTRE SON PLUS BAS TAUX DE CROISSANCE DEPUIS 25 ANS

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ernier trimestre 2015, la croissance chinoise affiche 6,9% contre 7% aux premiers trimestres de l’année, soit son taux de croissance le plus faible depuis un quart de siècle. La deuxième économie de la planète affiche également une baisse significative de son produit intérieur brut (PIB), qui passe de 7% au premier trimestre 2015 à 6,8% pour la fin de l’année. Ce taux,

MICHEL TOURNIER CASSE SA PLUME

pourtant largement supérieur au PIB des autres puissances économiques inquiète grandement les marchés financiers. En effet, la Chine avec les Etats-Unis, est le seul pays à détenir un PIB supérieur à 10 000 milliards de dollars, soit 9197 milliards d’euros, ce qui en fait aujourd’hui un acteur majeur de l’économie mondiale. La bourse chinoise montre également des signes de faiblesse.

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En janvier 2016, elle a chuté à 3 500 points, niveau cependant plus élevé que les 2 230 points atteints en juillet 2015. En réponse aux préoccupations des marchés financiers, XI Jinping, secrétaire du Parti communiste et président de la République populaire, a annoncé le 3 novembre dernier, « qu’une croissance annuelle de 6,5% serait tolérable jusqu’en 2020 ». g par Orianne Vialo

’écrivain français est mort lundi 18 janvier 2016 à l’âge de 91 ans. Il laisse un héritage littéraire brillant, composé du « Roi des Aulnes », prix Goncourt 1970, mais aussi, des romans adressés à la jeunesse. Michel Tournier aura attendu l’âge de 42 ans pour publier son premier roman. Une maturation lente qui l’aura vu se former à la philosophie, puis exercer le métier de traducteur avant de participer à des émissions culturelles. Son premier roman publié, « Vendredi ou les Limbes du Pacifique » sorti en 1967 est récompensé par le Grand Prix de

l’Académie Française. Si ce n’est pas le premier qu’il écrit, c’est le premier qu’il ait estimé assez bon pour être présenté à des éditeurs. Trois ans plus tard, sort « Le Roi des Aulnes ». L’œuvre, dont l’action se passe durant la Seconde Guerre Mondiale, et est axée autour d’Abel Tiffaugues, un français emprisonné en Allemagne et surnommé « l’Ogre de Kaltenborn ». Encensé par le milieu de la littérature, ce roman consacrera Michel Tournier parmi les grands auteurs français. Suivront une réécriture de son premier roman, adapté pour la jeunesse

et titré « Vendredi ou la Vie sauvage », mais aussi la parution de nombreux contes, essais et romans. Grand spécialistes des mythes et des légendes, notamment germaniques, l’ensemble de son œuvre s’articule autour de personnages mythiques (parmi lesquels Moïse, Barbe Bleue, Robinson Crusoé ou les Rois Mages). Des personnages sur qui reposent des thématiques sociétales profondes parmi lesquelles la distinction entre bien et mal, la liberté, le racisme ou la quête d’une vie meilleure. g par Charles de Jouvenel

OUAGADOUGOU : LA PHOTOGRAPHE LEILA ALAOUI SUCCOMBE À SES BLESSURES

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undi soir, la photographe f r a n c o Marocaine Leila Alaoui, blessée dans les attentats à Ouagadougou, est décédée. Ses photos alliaient tout ce qui rend magnifique l’Humain dans sa diversité et sa complexité. La photographie contemporaine perd une belle âme. La photographe de talent Leila Alaoui, née en 1982, était une portraitiste hors-pair. Son travail intitulé Les Marocains voulait « archiver la diversité culturelle et ethnique»

du Maroc. Elle a donc réalisé une série de portraits de berbères en tenues traditionnelles. Sur les réseaux sociaux, les hommages à cette artiste appréciée dans le monde de la photographie contemporaine se sont multipliés. Leila Alaoui se trouvait à la terrasse du café-restaurant Cappuccino du centre de Ouagadougou vendredi soir, quand les assaillants ont commencé à tirer. Touchée au poumon, à l’abdomen, au bras et à la jambe, elle avait été transférée à l’hôpital,

où elle avait été opérée durant plusieurs heures. Elle a succombé lundi de ses blessures.g par

DÉCÈS DU PLUS VIEIL HOMME DU MONDE Le Japonais Yasutaro Koide, 112 ans et doyen de l’humanité, s’est éteint mardi 19 janvier à l’hôpital de Nagoya, victime d’un accident cardiaque. Né le 13 mars 1903, il avait exercé l’emploi de tailleur et avait été reconnu comme l’homme le plus âgé du monde en juillet 2015 lorsque son compatriote Sakari Momoi, son aîné d’un mois, était décédé. Le nom et l’âge de son successeur ne sont pas encore connus, mais la possibilité qu’il soit lui aussi japonais n’est pas à écarter. Le pays du SoleilLevant comptant près de 60 000 centenaires. g par Charles de Jouvenel

RTL DOMINE LES AUDIENCES

L’institut Médiamétrie a rendu public les bilans d’audience pour les radios pour la rentrée de novembre et décembre. A ce palmarès, RTL s’empare du leadership des audiences cumulées avec 12% de part du marché et succède ainsi au palmarès à NRJ, qui perd 0,8 points et affiche désormais 11,7% de part du marché. France Inter complète ce podium avec 10.4% d’audiences cumulée, en très légère baisse par rapport au dernier rapport. La chute la plus importante est enregistrée par NRJ, dont l’audience passe de 12,5% à 11,7%. g par CDJ

SIGFOX CONNECTE L’ANTARCTIQUE

Louis Witter

Photo Paris, July 2015 © Augustin Le Gall

ACTUALITÉS

La start-up toulousaine Sigfox souhaite raccorder l’Antarctique au réseau internet mondial. Pour y parvenir, elle a signé un partenariat avec le Secrétariat polaire belge, en charge de la station PrincesseElisabeth sur le continent blanc. Le but est d’équiper et de sécuriser les membres de la mission Belare. Les chercheurs seront équipés de trackers GPS mis au point par une entreprise belge, mais dont la liaison sera assurée par Sigfox. Elle permettra notamment le suivi en temps réel des membres de la mission. g par C.D.J.

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ACTUALITÉS

ATTAQUE TERRORISTE AU PAKISTAN

L'AFP S'IMPLANTE À PYONGYANG L’Agence France Presse et l’agence de presse coréenne KCNA (Korean Central News Agency) ont signé le 19 janvier dernier un accord autorisant l’agence française à ouvrir un bureau permanent à Pyongyang, capitale de la Corée du Nord, qui sera opérationnel au premier semestre 2016. L’AFP est seulement la deuxième agence de presse mondiale à ouvrir un bureau en Corée du Nord, dans le but « d’être présente partout dans le monde afin d’assurer sa mission d’information de manière la plus complète possible, notamment par l’image » selon Emmanuel Hoog, PDG de l’AFP.. g par Charles de Jouvenel

MISE EN EXAMEN PATRICK BALKANY La semaine dernière, le député maire (Les Républicains) de LevalloisPerret (Hauts-de-Seine) a été mis en examen. Le motif de l’inculpation ? Suspicion de déclarations mensongères et incomplètes sur son patrimoine. La Haute autorité a expliqué, dans un communiqué, avoir de gros doutes sur les époux Balkany « quant à l’exhaustivité, l’exactitude et la sincérité de leurs déclarations de situation patrimoniale, du fait de la sous-évaluation manifeste de certains actifs et de l’omission de biens mobiliers et immobiliers ». g par Marion Bordier

BÉZIERS : LE PROJET DE GARDE REFOULÉ Mardi, la justice administrative s’est montrée défavorable au projet de Robert Ménard, le maire de Béziers. L’élu, proche du FN, a perdu son combat, contre le préfet de l’Hérault, pour instaurer une « garde biterroise ». Une garde qualifiée de « milice » par les opposants de Robert Ménard et qui serait composée de volontaires censés patrouiller dans les rues de Béziers. Le 1er décembre dernier, le maire avait justifié ce projet par « un contexte marqué par l’état d’urgence ». g par Marion Bordier

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n commando armé a attaqué ce mercredi 20 janvier le campus de l’université de Bacha Kham à Charsadda, au Nord-Ouest du Pakistan, faisant au moins 21 morts et une trentaine de blessés selon le bilan provisoire. L’armée, intervenue sur place, a annoncé en fin de matinée la fin d’un assaut qui aura duré près de deux heures ainsi que la mort des quatre terroristes. Ces derniers avaient particulièrement bien choisis la date puisque l’université, qui accueille en temps normal jusqu’à 3 000 étudiants, organisait ce jour un récital de poésie et comptait donc près de 600 visiteurs supplémentaires.

L’attaque a été l’Afghanistan. Le chef revendiquée par le de la police de la région, groupe Tehreek-e- Saeed Wazir, a expliqué Taliban Pakistan (TTP que « la plupart des – le Mouvement des étudiants ont été talibans pakistanais), tués par balles dans qui ont précisé que des résidences ». Le l’assaut avait été Pakistan avait déjà été mené par «  quatre gravement touché par kamikazes », «  en le terrorisme il y a plus représailles à d’un an lors du massacre l’opération “Zarb-e- par les Talibans de Azb” », une offensive 150 personnes, dont antiterroriste menée beaucoup d’enfants, par le Pakistan dans dans la ville de les régions du Nord- Peshawar. g par Charles Ouest frontalières de de Jouvenel

L’assaut des forces de l’armée pakistanaise © REUTERS/ARY News

LA FAMILLE D’HASNA AÏT BOULAHCEN PORTE PLAINTE CONTRE X

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eux mois après les attentats de Paris, la famille de la cousine du djihadiste Abdelhamid Abaaoud souhaite prouver son statut de « victime du terrorisme ». Le 18 novembre 2015, Hasna Aït Boulahcen avait perdu la vie dans l’assaut du Raid à Saint-Denis. L’avocat de la famille de la défunte, Maître Fabien Ndoumou, a porté plainte contre X le 13 janvier dernier avec constitution de partie civile auprès du juge anti-terroriste Christophe Tessier. A ses yeux, Hasna Aït Boulahcen « n’est pas complice, n’est

pas terroriste et pas non plus kamikaze. Le seul statut juridique qu’il lui reste, c’est victime du terrorisme. » Hasna Aït Boulahcen est morte asphyxiée dans l’appartement de Saint-Denis, vraisemblablement en raison de l’explosion de la ceinture de Chakib Akrouh, l’un des membres du commando des terrasses le 13 novembre. Sous l’influence d’Abdelhamid Abaaoud, le cerveau présumé des attaques parisiennes, Hasna Aït Boulahcen n’aurait cependant jamais voulu mourir en martyr selon l’avocat de sa famille.

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Une affirmation qui s’appuie sur des sons enregistrés pendant l’assaut de la planque de Saint-Denis, au cours duquel la jeune femme a demandé à plusieurs reprises à pouvoir sortir du bâtiment. Toutefois, l’enquête menée par la police après les attentats du 13 novembre a permis de prouver l’implication d’Hasna Aït Boulahcen. Elle a notamment couvert la cavale d’Abaaoud avant de mourir à ses côtés à Saint-Denis, cinq jours après les attentats qui ont tué 130 personnes à Paris et aux abords du Stade de France. g par Maxence Fabrion

SCANDALE SANITAIRE DANS LE MICHIGAN

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’état d’urgence sanitaire a été déclenché samedi 16 janvier dans la ville de Flint, dans le Michigan (USA). La municipalité avait choisi, en 2014, de puiser son eau dans la rivière locale plutôt que de l’acheter à la ville de Detroit. Une décision folle, l’usine de traitement de Flint ne pouvant techniquement pas produire une eau répondant aux normes sanitaires en vigueur. Pendant des mois, la population locale avait pourtant signalé au gouverneur Rick Snyder que l’eau les rendait malade. Peine perdue, jusqu’à ce que l’urgence de la situation ne pousse les pouvoir publics à agir. La municipalité, suite à la découverte d’une bactérie dans l’eau, a alors publié des avis incitant la population à la faire bouillir avant de la consommer. Mais

le mal est fait. Les conséquences sur la santé de la population locale sont dramatiques, l’eau est contaminée au plomb et déclenche des cas de légionellose, vomissements, pertes de cheveux et éruptions cutanées. Dix décès seraient en lien. Une solution a été trouvée pour venir à bout de la bactérie, mais elle a en même temps provoqué hausse du taux de plomb dans l’eau. Devenue corrosive, elle rongeait les vieilles canalisations de la

ville. Aujourd’hui, 9 000 enfants seraient empoisonnés. Le coût de réparation des infrastructures pourrait atteindre 1,5 milliards de dollars. Le scandale pourrait surtout venir de la négligence des pouvoirs publics. Une négligence que certains expliquent par le statut de la ville de Flint, peuplé de 99 000 habitants, dont 57% d’afro-américains, et dont 40% des ses habitants vivent sous le seuil de pauvreté. g par Charles de Jouvenel

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LA LIGUE DES DROITS DE L’HOMME PART EN CROISADE CONTRE L’ETAT D’URGENCE

L’état d’urgence n’en finit plus de diviser l’opinion. Alors que le gouvernement avait annoncé vouloir le maintenir jusqu’à fin février et projetterait même de le prolonger audelà de ce délai, la Ligue des Droits de l’Homme a déposé mercredi 20 janvier un recours devant le Conseil d’Etat dans le but de suspendre ce régime d’exception. Cet état, adopté à la suite des attentats qui ont ensanglanté la capitale française dans la nuit du 13 au 14 novembre, permet d’accroître les pouvoirs de la police et de la gendarmerie au détriment de l’institution judiciaire. g par Anthony Denay

L’ESPÉRANCE DE VIE EN DÉCONFITURE

L’eau insalubre de la ville de Flint © AP

ATTENTATS D’ISTANBUL : 16 SUSPECTS ARRÊTÉS la suite de l’attentat suicide qui a meurtri Istanbul le 12 janvier dernier, seize suspects ont été placés en détention et déférés devant une cour de la métropole. Les faits se sont déroulés non loin de la basilique Sainte-Sophie et de la Mosquée bleue, deux des monuments les plus visités de la capitale turque. Dixsept personnes y ont été

ACTUALITÉS

blessées et dix touristes allemands ont perdu la vie. L’auteur des faits a été identifié par les médias comme étant Nabil Faldi, un Syrien âgé de 28 ans, membre de Daesh. Selon Ahmet Davutoglu, le Premier ministre turc, c’est un « membre du groupe Etat islamique ». Il est entré sur le territoire turc en tant que « simple migrant ». En octobre dernier, le pays avait déjà été frappé par

une attaque djihadiste, devant la gare d’Ankara. L’explosion avait entrainé la mort de cent-trois personnes. Depuis, les contrôles aux frontières ont été renforcés et les coups de filet dans les milieux djihadistes, réalisés par la police, n’ont fait qu’augmenter. A noter que depuis l’été 2015, la Turquie a rejoint la coalition internationale anti-djihadiste. g par Marion Bordier

Pour la première fois depuis 1969, l’espérance de vie à la naissance est en recul en France. En 2015, la baisse est de 0,3 année pour les hommes et de 0,4 année pour les femmes. D’après l’étude rendue publique par l’INSEE mardi, le nombre de naissances a également reculé de 19 000 tandis que le nombre de décès a augmenté de 41000. La grippe mortifère du premier trimestre, l’été caniculaire et le froid du mois d’octobre sont autant de raisons expliquant l’explosion des décès. g par Anthony Denay

DÉCÈS D’ETTORE SCOLA Le réalisateur italien, Eltora Scola, est mort le 19 janvier, à Rome. Agé de 84 ans, ce passionné et virtuose du cinéma italien des années 60 aura travaillé jusqu’à la fin de ses jours. Son film, Nous nous sommes tant aimés !, sorti en 1974 et Une journée particulière, en 1977, resteront ses œuvres les plus connues, mais aussi les plus emblématiques de son talent, notamment en termes de dialogues. g

par Marion Bordier

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POLITIQUE

HOLLANDE CONTRE LE CHOMAGE : DERNIER ACTE Lundi 18 janvier, à l’occasion de ses vœux aux forces économiques et sociales, François Hollande a annoncé une nouvelle série de mesures visant à endiguer le chômage. Un « plan d’urgence » vu comme un énième camouflet libéral par la gauche du PS, ou un calcul de la dernière chance pour la droite. g par Antoine Mhemba

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’est le mois des bonnes résolutions. L’occasion pour François Hollande de s’atteler une fois de plus au mal endémique du chômage. Avec 5 730 600 demandeurs d’emploi (toutes catégories confondues), l’annonce est « urgente » sur la mise en place d’une prime à l’embauche et de l’accent mis sur la formation et l’apprentissage. L’opposition dénonce une action de façade, dont le spectre des possibilités se trouve très réduit tant que le rapport Badinter sur la réforme du droit du travail est encore en gestation. Déjà lundi matin à la gauche du PS, avant l’annonce du programme dédié, la confiance n’est pas de mise. Comme de coutume, le président de la République est attaqué des deux côtés. Le problème est aussi celui-là : ce n’est pas la première réforme visant à contrer le chômage.

Un peu plus d’un an avant l’élection présidentielle, c’est certainement la dernière.

Hollande et l’emploi : bilanboulet 652 700. C’est le nombre de chômeurs supplémentaires comptabilisés entre mai 2012 et novembre 2015, soit 10,2% de la population active. On approche des 1 200 000 si l’on additionne à cela les catégories B et C de Pôle Emploi, soit les inscrits ayant eu une activité réduite. Un bilan d’autant plus désastreux lorsque l’on se souvient des promesses de campagne du candidat socialiste de 2012. Et une question se pose sur des réelles solutions au fléau du chômage, puisque, tout au long du quinquennat, des réformes en faveur de l’emploi

Toutes catégories confondues, Pôle Emploi enregistre aujourd’hui 5 730 600 demandeurs d’emplois. C’est 1 200 000 de plus qu’en 2012. © DR

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ont été portées par le gouvernement de François Hollande. En juin 2013 était promulguée la loi sur la sécurisation de l’emploi, prévoyant d’avantage de flexibilité pour les entreprises, en échange de nouveaux droits pour les salariés. La réforme prévoyait par exemple, une facilitation de la baisse de salaires pour les entreprises contre un maintien des effectifs. La loi instaure également le droit à une période de mobilité volontaire, créé des « droits rechargeables » à l’assurance chômage ou encore, une taxation des CDD courts. À l’époque déjà la loi morcelle la gauche : à l’Assemblée, le Front de Gauche vote contre, les écologistes s’abstiennent; les syndicats sont dans la rue. En 2014 cette fois, François Hollande fait honneur à une promesse de campagne en lançant le pacte de responsabilité : une restauration de la compétitivité des entreprises qui passe par 40 milliards d’allègement de charges d’ici à 2017. Fort de cette décision, le président du Medef, Pierre Gattaz promet à l’époque la création d’un million d’emplois. Il n’en sera rien. Les critiques fusent autour du pacte. Il sauverait davantage qu’il ne créerait d’emplois. On craint également l’austérité qui pourrait suivre une telle levée de fonds. Puis, la simple logique du donnant-donnant, du soutien et de la responsabilité des entreprises comme solution au chômage, est remise en question. Aucune contrepartie n’est imaginée pour s’assurer de la tenue des engagements des entreprises. Une même logique avait été suivie par Hervé Novelli, secrétaire d’Etat du commerce, avec la baisse de la TVA dans la restauration, qui devait générer une baisse des prix et une hausse de l’emploi. Le résultat n’aura été que très ténu. Et la leçon n’auras pas été retenue par François Hollande,

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POLITIQUE

qui embrayait cette semaine – un peu tardivement – sur une ultime et énième solution à la crise de l’emploi.

Formation, apprentissage et prime à l’embauche Outre les quolibets d’une gauche radicale et d’une opposition soutenue par les chiffres catastrophiques de la montée du chômage, c’est au sein même de la majorité gouvernementale que ces réformes successives font débat. La flexibilité, le cadeau aux entreprises et l’empreinte grandissante d’Emmanuel Macron sur la politique économique du pays auront fini d’entériner le tournant libéral de François Hollande de plus en plus vivement critiqué par la branche gauche du Parti Socialiste. Lors de son discours du lundi 18 janvier, présentant ce plan d’urgence pour l’emploi, le président de la République déclarait comme en réponse : « entre le libéralisme sans conscience et l’immobilisme sans avenir, il y a une voie ». Cette voie – qui devrait coûter plus de deux milliards d’euros – induit en premier lieu une prime à l’embauche. Pendant deux ans, les PME recevront 2000 € par an pour

François Hollande a annoncé lundi 18 janvier son plan d’urgence pour l’emploi. © DR

chaque recrutement en CDI ou CDD de plus de six mois avec un salaire allant jusqu’à 1,3 fois le Smic. 2000 €, soit « le reliquat des cotisations patronales, une fois pris en compte l’ensemble des allègements de charges » du pacte de responsabilité, entre autre, indiquait François Hollande. En 2010, un dispositif se rapprochant avait été mis en place pour les entreprises de moins de 10 salariés, permettant la création de 30 000 emplois. Reste encore la grogne des patrons de PME, qui indiquent souvent ne pas pouvoir embaucher si leur carnet de commande est vide, ce qui restera le cas si l’investissement

LA RÉFORME DU CODE DU TRAVAIL En novembre dernier, l’ancien Garde des Sceaux de François Mitterrand, Robert Badinter, était chargé par le gouvernement de rédiger un rapport visant à garantir le socle de droit garanti du prochain Code du Travail. Cette réécriture du Code, souhaité depuis deux ans par François Hollande s’appuie sur les droits fondamentaux, les négociations de branches et d’entreprises et le droit applicable en absence d’accord. Et l’objectif est clair : favoriser l’emploi, et cela via un regain de souplesse pour les entreprises, sensé relancer leur compétitivité. Egalement convié, un assouplissement du temps de travail, une majoration des heures supplémentaires... Autant de nouvelles règles à venir qui ne manqueront pas d’influencer au long terme, le plan d’urgence annoncé récemment par le chef de l’État. Le rapport devait être présenté le 22 janvier. Il est finalement reporté à la semaine suivante. Réforme de l’emploi à venir ou pas, la Ministre du Travail, Myriam el Khomri assure que « le report est dû à une question d’agenda et pas du tout à une raison tenant au contenu du rapport ». Sortie le 25 janvier, donc.

et la consommation restent en berne. Autre mesure, le dégagement d’un milliard d’euros pour surmobiliser l’Afpa et Pôle Emploi dans l’optique du financement de 500 000 formations supplémentaires pour les demandeurs d’emploi. Les contrats professionnalisant et en alternance seront remis en valeur, le but annoncé par le chef de l’État étant de les faire passer de 8 000 à 50 000 personnes titulaires de ces formations pratiques. Les annonces de François Hollande font également part d’un assouplissement du temps de travail, d’une transformation du CICE (crédit d’impôt compétitivité emploi) en baisse des charges sociales et d’une régionalisation de la politique de l’emploi, pour laquelle « le gouvernement est prêt à faciliter toutes les expérimentations possibles ». En première ligne de ces changements à venir : Myriam el Khomri. La jeune Ministre du Travail aura pour lourde tâche de redessiner un socle de droits sociaux simplifié duquel découlera une série de négociations au cas par cas avec les partenaires sociaux. Une démarche qui pourrait potentiellement durer plusieurs années. François Hollande ne dispose pas de plusieurs années, et il le sait. Vu par beaucoup comme l’ultime vatout du président de la République pour une candidature crédible en 2017, le programme pour l’emploi peine à convaincre de part et d’autre du paysage politique. Les effets de cette dernière réforme peineront aussi sûrement à se manifester d’ici à l’élection présidentielle. Scrutin auquel François Hollande avait soumis sa candidature à la condition d’une inversion de la courbe du chômage avant la fin de son quinquennat.

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JUSTICE

Affaire Kerviel : justice et finance sont-elles de mèche ?

sans inquiétude Jean Veil. Ce à quoi, David Koubbi rétorque « Nous nous arrêteront quand justice sera faite». Jérôme Kerviel livre un combat pugnace à la Société générale pour obtenir gain de cause. A l’image de David contre Goliath, ces nouvelles révélations apparaissent comme la fronde qui bouleverse l’issu du pugilat. Sauf qu’aujourd’hui l’ancien trader est confronté à un autre géant, la justice. « Je suis dégouté du contenu des enregistrements Je n’ai même pas de mots pour vous dire ce que je ressens. J’ai honte pour la justice ». A imaginer le moral anémié de Jérôme Kerviel qu’exprime son regard noir à la sortie du tribunal, on peut penser que la condamnation de ce dernier a débuté le jour de sa convocation à la Société générale il y a huit ans. Kafka disait à ce propos « Le jugement n’intervient pas d’un coup, c’est la procédure qui insensiblement devient jugement »

D’après les révélations d’une magistrate, enregistrée à son insu, la Société générale aurait instrumentalisée l’enquête. Des enregistrements qui secouent l’affaire Kerviel, alors qu’une audience s’est ouverte à Versailles mercredi 20 Janvier 2016 pour définir la responsabilité civile de la banque dans la perte de 4,9 milliards d’euros de son ancien trader. g par Charles Thiefaine

C

’est la mine blafarde que Jérôme Kerviel sort du tribunal de grande instance de Paris. Pourtant cette foisci, il détient un léger avantage sur la Société générale. Après de nouvelles révélations de la magistrate, Chantal de Leiris, l’ancien trader de la Société générale, demande une révision du procès, devant la commission d’instruction de la Cour de révision des condamnations. Au terme d’une discussion enregistrée à son insu, l’ancienne vice procureure du parquet de Paris s’est confiée à la policière Nathalie Leroy, chargée de l’enquête depuis le début de l’affaire. « Quand vous en parlez, tous les gens qui sont un peu dans la finance, ils rigolent, sachant très bien que la Société générale savait. (...) Elle savait, savait, c’est évident, évident », déclare la magistrate. Mais ce n’est pas tout. Dans la bande son, révélée

par Mediapart et 20 minutes, Chantal de Leiris concède avoir « toujours obéi », alors « ils savent bien que je n’étais pas favorable à tout ça ». Elle ajoute « C’est surtout Michel Maes (chef de la section financière au parquet à l’époque). Sans arrêt, il me disait : tu vas pas mettre en défaut, en porte-à-faux, la Société générale. Ça a été jugé, tu n’as pas à y revenir. C’est eux qui ont voulu à tout prix sabrer (les plaintes). (...) Mais c’est vrai ce que vous dites : vous avez été entièrement manipulée par la Société générale » En effet Nathalie Leroy, déjà en charge de l’enquête en 2008, au début du procès de Jérôme Kerviel, a affirmé au juge d’instruction Roger Le Loire qu’elle avait eu le sentiment « d’avoir été instrumentalisée par la Société Générale ». Elle a depuis, mené l’enquête et enregistré la magistrate Chantal De

Leiris à son insu. Convaincu d’avoir été abusée, Nathalie Leroy n’a pas hésité à user de méthodes déloyales pour obtenir les preuves nécessaires à la défense de Jérôme Kerviel. Ces bandes sonores, obtenues secrètement sont cependant largement critiquées par la défense. « Je suis choqué qu’un policier puisse enregistrer un magistrat et une amie simultanément. Ça ne me semble pas une pratique normale. Il conviendra à la justice de regarder si cette situation est cohérente et admissible » déclare Jean Veil, l’avocat de la Société générale, en ajoutant « je suis a titre personnel, profondément choqué d’un point de vue humain qu’on puisse enregistrer quelqu’un qui se confie dans des conditions qui sont extravagantes ». Face à cette diatribe peu ou proue nécessaire dans cette affaire, David Koubbi, l’avocat de Jérôme Kerviel dénonce un faux débat : « Lorsque le haut le cœur des contradicteurs sera passé on regardera le fond de ces enregistrements. Ils sont en train de se rendre compte qu’il s’agit de droit pénal et en droit pénal, toutes les preuves sont admissibles » lancet-il. La policière, réputée pour être une enquêtrice chevronnée, avait au début de l’affaire interrogé le trader, recueilli ses aveux et ses explications techniques avant de rédiger les procès verbaux de synthèse.

Un procès Kafkaïen

L’avocat de la Société générale, Jean Veil, sort du tribunal de grande instance de Paris, à l’occasion de la demande de révision du procès de Jérôme Kerviel. © Charles Thiefaine

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Le 18 Janvier 2008, Jérôme Kerviel est convoqué pour avoir accumulé 50 milliards d’euros de positions spéculatives sur les contrats boursiers européens. Trois jours plus tard, la Soc Gén annonçait une perte de 4,9 milliards d’euros. Ce montant est au cœur de l’audience qui s’ouvre, mercredi 20 janvier, devant la cour d’appel de Versailles.

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JUSTICE

Le parquet est directement remis en cause

Jérôme Kerviel sort du tribunal de grande instance de Paris après avoir réclamé une révision de son procès © Charles Thiefaine

« Doivent être décidés, les intérêts civils qui sont les conséquences directs de la culpabilité ou de l’innocence pénale de Jérôme Kerviel » déclare David Koubbi. En effet sur les 4,9 milliards d’euros, quelle est la responsabilité de la banque, celle de Jérôme Kerviel ? La Société Générale ayant perçut deux milliards d’euros de cette somme, elle remboursera certainement une part. Mais imaginons qu’elle soit responsable à 90 %, Jérôme Kerviel devra tout de même rembourser des centaines de millions d’euros. Après deux procès, devant le tribunal correctionnel puis la cour d’appel de Paris, qui ont condamné l’ancien trader pour « abus de confiance, faux et usage de faux, introduction frauduleuse de données informatiques » à trois ans de prison ferme et au remboursement intégral du préjudice reconnu à la Société

Générale, les juges trancheront sur la part de responsabilité de la banque concernant les pertes causés par Jérôme Kerviel. Suite aux nouveaux éléments apparus dans cette affaire, ils décideront, également si une révision de procès est nécessaire. Pour ce faire, l’ancien trader compte bien montrer les crocs. « Trois plaintes ont été déposé à l’encontre de la Société générale: faux et usage de faux, subornation de témoin et escroquerie au jugement » déclare David Koubbi. Un revirement de situation qui ne semble pas surprendre la société générale. « Les enfants ou même les petits enfants pourront eux aussi, dés lors qu’il découvriront des faits nouveaux, saisir la commission de révision pour modifier le jugement qui condamne l’auteur (…) On a bien le droit d’être obstiné surtout quand on est breton » déclare cyniquement et

« Il est demandé à Christiane Taubira, la Garde des Sceaux de faire le ménage dans ses institutions » déclare l’avocat de Jérôme Kerviel. En effet l’indépendance de la justice est directement remise en cause dans cette affaire. Des magistrats ont-il cédé à une quelconque pression extérieur comme l’affirme l’ancien trader et son avocat ? « On dénonce depuis des années un disfonctionnement. Nous avons aujourd’hui la preuve de l’intérieur ». Pour Jean Veil, la justice n’a pas été manipulée mais la Soc gén a simplement voulu se défendre. « Dans l’affaire la Société Générale ne fait que se défendre de la fraude qui a été condamné trois fois déjà : par le juge d’instruction, le tribunal correctionnel et par la Cour d’appel, confirmé par la cours de cassation ». Lorsqu’un citoyen veut porter plainte en droit pénal, il doit le faire auprès du procureur de la République. Mais si ce dernier est impliqué, comment dépose-t-on plainte contre le parquet entre les mains du même homme de lois ? De plus si des magistrats sont condamnés, qu’en est-il des procès qu’ils ont traités ultérieurement? « D’autres avocats réclamerons ce que nous demandons » avance David Koubbi, « que la lumière soit faite ».

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SOCIÉTÉ

SOCIÉTÉ

PHILIPPE PUJOL : « LES QUARTIERS NORD, UN VÉRITABLE ÉCOSYSTÈME » Après avoir obtenu le prestigieux prix Albert Londres en 2014 pour une série d’articles intitulés « Quartiers shit » publiés dans le quotidien régional La Marseillaise, le journaliste Philippe Pujol revient en librairie avec La fabrique du monstre. Trafic de drogue, délinquance, clientélisme, montée du Front National…l’auteur y décrypte les rouages d’un vaste système où tous ces éléments s’imbriquent. Le fruit de dix ans de travail. g par Maxime Berthelot

Après dix ans d’immersion dans les quartiers nord de Marseille, le journaliste Philippe Pujol nous explique les ressorts qui animent cette zone. La plus pauvre d’Europe. © Benjamin Geminel

Comment devient-on spécialiste des quartiers nord de Marseille ?

Philippe Pujol : Je me suis dirigé vers le journalisme sur le tard, j’avais 28 ans (il a aujourd’hui 41 ans). Après un stage pour La Marseillaise, j’ai tout de suite été embauché par le journal, c’était en 2003. On m’a proposé un CDI pour les faits divers et je n’ai pas refusé. Il m’est également arrivé d’écrire des articles sociétaux sur Marseille et ses habitants. De fil en aiguille, les deux se sont mélangés et j’en suis naturellement venu à m’intéresser aux quartiers nord et à leurs problèmes. A quelles difficultés est-on confronté lorsque l’on traite de l’actualité de ces quartiers ? P.P. : Il faut faire l’effort de passer outre les clichés. Les médias,

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notamment parisiens, en parlent comme des quartiers pauvres en proie à un déterminisme inéluctable. Or, ils ne sont pas pauvres mais inégalitaires. J’ai donc tenté d’avoir une approche différente pour essayer de comprendre les processus qui y sont à l’œuvre. Comment arrive-t-on à gagner la confiance de ces milieux là ? P.P. : On ne la gagne pas forcément. Cela dépend à quelle partie du système vous vous intéressez. Pour les délinquants de base, souvent mineurs, les choses se font naturellement. Les parents me les présentent, je les vois deux-trois fois par semaine et la confiance s’installe. Je deviens une sorte de tonton pour eux. J’ai même essayé d’en aider certains. Pour les strates supérieures, c’est plus compliqué.

Il faut être malin, parfois un peu inconscient. Un jour, après un règlement de compte, je me suis aventuré près d’un groupe de jeunes qui discutaient. J’essayais d’écouter ce qu’ils disaient quand l’un d’eux m’a reconnu. Ils ont alors sorti couteaux et poings, prêts à en découdre. Heureusement, un ami commissaire de police qui était quelques mètres plus loin a simulé une interpellation pour me sortir de là ! Dans votre livre, vous décrivez un système complexe, mouvant, à plusieurs strates, allant de ce que vous appelez « les mains noires » aux grands caïds. Peut-on parler de système mafieux ? P.P. : Il n’y a pas de mafia à Marseille. Cela supposerait un système accepté par la population

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qui viendrait remplacer les autorités locales et ce n’est clairement pas le cas. Les grandes entreprises de la ville « ne sont pas corrompues », il n’y a pas non plus de clans familiaux qui se succèdent et la violence est beaucoup moins importante qu’en Italie par exemple. Ici, ce sont les petites mains qui meurent lors des règlements de compte, pas les grands caïds. En revanche, il est question de clientélisme… P.P. : Lorsque j’ai commencé à enquêter, je me suis plongé dans les archives du journal. Déjà, dans les années 1980, un journaliste avait réalisé un travail proche du mien… C’est dire si le problème est ancien. Certains ont intérêt à ce que les choses perdurent. On est en présence d’un véritable écosystème dans lequel tout est lié : la concentration de la population entraîne un clientélisme immobilier, « le clientélisme du pauvre ». D’ailleurs, les voyous des stups passent dans l’immobilier quand ils en ont l’occasion. Là dessus, la délinquance se développe et le Front National récupère les votes des laissé-pour-compte. Justement, quel rôle jouent les politiques dans cet écosystème?

P.P. : Ils en sont partie-prenante. Par exemple, si un dealer a une réelle influence sur une cité, sa position peut les intéresser. D’autres vont bosser pour des associations et se voir subventionner en échange de consignes de vote. La plupart du temps, il n’y a aucune idéologie, aucune conviction derrière. Chacun exploitent simplement l’autre en fonction de ses propres intérêts. A un moment où un autre, tout le monde y trouve son compte. Ce n’est pas par hasard si les sources les moins fiables viennent du secteur immobilier et de l’affairisme. La délinquance financière intéresse moins l’opinion, on y consacre donc moins de moyens. Comme cette affaire incroyable de trafic de cafards… P.P. : C’est l’un des exemples les plus révélateurs. La ville rénove un quartier et veut récupérer un immeuble. Mais elle ne peut pas exproprier les habitants qui y vivent comme ça. Coup de chance, un matin, tout le monde se retrouve infestés de cafards et visités par les inspecteurs de l’hygiène. L’immeuble est frappé d’une mesure d’urgence et ses habitants forcés de partir. Plus tard, j’apprendrai que les voyous d’une cité voisine ont été chargés de récolter les insectes et de

les disséminer dans l’immeuble. Ce dernier sera ensuite rénové en partie par un fonds de pension américain soutenu par la municipalité… Vous abordez également les problèmes sanitaires soulevés par la consommation de drogue, notamment le fait que beaucoup de futurs toxicomanes commencent par être dépendant au sucre ? P.P. : Oui. J’ai fait des études de biologie et je tenais à expliquer le phénomène dans le livre. Quand vous êtes stressé, vous avez tendance à vous jeter sur le chocolat. C’est le même principe pour les futurs caïds, à la différence qu’ils sont constamment sous tension. Ils consomment boissons sur boissons, et quand ils sont en manque, ils deviennent agressifs. Or cette agressivité leur est utile. Quand vous n’avez pas de réseaux pour vous en sortir, il ne vous reste plus que ça. L’agressivité et la prison. Pour certains, elle semble être un passage obligé, un moyen de monter en grade… P.P. : C’est le Pôle emploi de la délinquance et du banditisme. Les petites frappes y côtoient des voyous bien plus importants. Il ne faudrait pas tous les mettre ensemble. Que

PHILIPPE PUJOL EN 8 DATES 1975 : Naissance le 11 juillet, à Paris, dans le XIIe arrondissement. 1977 : Il arrive à Marseille avec ses parents 1995 à 2000 : Il étudie la biologie et travaille comme agent de sécurité pour des concerts 2003 : Il entre au quotidien La Marseillaise comme stagiaire puis devient localier et fait-diversier 2010 : Il remporte le 3e prix Varenne pour un reportage sur les Roms. 2012 : Il est lauréat du 1er prix Varenne pour son enquête Au cœur des trafics. 2014 : Il reçoit le prix Albert-Londres pour le deuxième volet de son enquête French deconnection, intitulé « Quartiers shit ». L’enquête est éditée chez Robert Laffont et Wildproject. Le 28 octobre, il quitte La Marseillaise à la suite d’un plan de restructuration. Depuis, il travaille pour plusieurs médias dont le site Sept.info. Il prépare également un livre sur la communauté gitane du quartier de la Renaude à Marseille.

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SOCIÉTÉ vont-ils se dire ? « Nique ta mère ! », « ouais c’est ça, nique ta mère ! », « vas-y, nique ta mère ! » et après ils vont parler des coups de leurs conneries. Il faut adapter les peines pour les mineurs. On met neuf mois de prison à des petits voyous qui n’ont rien fait et ils ressortent avec encore plus de haine. Que croyez vous qu’ils pensent quand ils voient des gens comme Sylvie Andrieux, Jean-Noël Guérini ou Nicolas Sarkozy* écoper de peines ridicules ou être encore dehors ou avec toutes les affaires qu’ils ont sur les bras ? Le problème c’est que les gens veulent du répressif. On en revient à la problématique des choix politiques. Le constat de votre livre n’est pas nouveau mais il n’en reste pas moins alarmant. Il y a-t-il des raisons d’être optimiste ? P.P. : Bien sûr ! Marseille est la plus belle ville du monde, et je ne suis pas chauvin. L’offre de vie y est magnifique. Mais comme partout, il persistent des inégalités. Une association comme Centre ville pour tous a déjà commencé à faire bouger les choses contre le clientélisme établi dans le centre ville de Marseille. Mais il faudrait surtout que les gens commencent par aller voter. Ça endiguerait le clientélisme car ceux qui ont des intérêts à défendre iront toujours mettre leur bulletin dans l’urne. Pour faire des pétitions il y a du monde, mais lorsqu’il s’agit de faire bouger les choses concrètement il n’y a plus personne. Encore faudrait-il une offre politique différente… P.P. : Il faut en finir avec la politique-carrière. Quelqu’un comme Jean-Claude Gaudin, maire de Marseille depuis 1995, n’a rien fait de sa vie à part de la politique. Il n’est formé à rien, c’est simplement un bon « mécano-politicar ». Il faudrait des représentants politiques issus des citoyens et élus sur une courte période. Ils auraient un statut financier particulier qui les protègerait sur, 10 ans, après ils ne pourraient plus exercer en politique. Quand j’entends le gens s’émouvoir du fait que Jean-Claude Gaudin paye les travaux de sa maison je rigole. Ça devrait être la norme !

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Avec le recul, comment expliquez-vous que les quartiers nord fascinent autant ? P.P. : D’abord parce que l’identité marseillaise est plus forte que celle des banlieues parisiennes. Ensuite, parce que les trafics de stupéfiants font vraiment vivre les quartiers. Les clients se déplacent jusque dans les cités où ils sont convenablement accueillis, où ont leur fait goûter les nouveauté. En Ile-de-France, on fonctionne plus par de la vente à domicile. Il y a un coté plus anxiogène. La culture du crime est tellement forte à Marseille qu’elle freine les dérives djihadistes. Enfin, parce que le terme de « quartiers nord » est devenu un label, ça ne veut plus rien dire. C’est une étiquette que l’on va même jusqu’à coller aux quartiers pauvres et sensibles du sud de Marseille. Comment votre travail a-t-il été perçu là-bas ? P.P. : J’ai eu de très bons retours de French déconnection (Robert Laffont, 2014). Mon style d’écriture était accessible, les gens ont pu le lire. Pour La fabrique du monstre, ce sera sans doute différent. Le style est plus littéraire mais aussi plus cru. Par exemple, lorsque je parle d’une petite fille qui caresse innocemment un rat, c’est une réalité. Mais les habitants de ces quartiers vont sûrement voir ça comme quelque chose de dévalorisant. En dix ans de faits divers à Marseille, quels souvenirs vous a le plus marqué ? P.P. : Au risque de vous surprendre, je n’ai pas vu les scènes les plus traumatisantes dans les cités. Et pourtant j’en ai fait le tour et connu des jeunes qui sont depuis décédés. Les incendies et les feux de forêts m’ont en revanche plus frappé. Vous voyez les pompiers entrer dans le brasier et ressortir en sueur, couverts de suie, pour y retourner comme des soldats qui vont à la guerre. Je me souviens aussi des émeutes entre supporters de l’OM et du PSG en 2009. Le centre ville de Marseille était en état de siège. Là aussi, je peux vous dire qu’il y avait de l’action !

* Sylvie Andrieux, ex vice-présidente du

Conseil régional de Provence-Alpes-Côte d’Azur, a été condamnée en 2014 à un an de prison, 100 000 euros d’amende et cinq ans d’inégibilité pour avoir fait verser, entre 2005 et 2007, plus de 700 000 euros de subventions à des associations fictives en échange de voix d’électeurs. Jean- Noël Guérini, ancien président de la fédération socialiste des Bouches-du-Rhône, a de son côté été mis en examen à plusieurs reprises ces dernières années. En septembre 2011 pour « prise illégale d’intérêts », « trafic d’influence » et « association de malfaiteurs ». En 2013, pour «détournement de fonds publics», «licenciement abusif», «corruption passive», «participation à une association de malfaiteurs» et «atteinte à la liberté d’accès ou à l’égalité des candidats dans les marchés publics». En 2014 et en 216, il est relaxé pour les affaires de détournement de fonds publics et recel de ce détournement. Enfin, Nicolas Sarkozy, actuel président des Républicains, fut mis en examen le 21 mars 2013 pour « abus de faiblesse » dans l’affaire Woerth-Bettencourt. Il bénéficiera d’un nonlieu le 7 octobre 2013. Le 2 juillet 2014, il est de nouveau mis en examen mais cette fois-ci pour « corruption active », « trafic d’influence » et « recel de violation du secret professionnel » dans l’affaire du juge Azibert. L’enquête est toujours en cours. Son nom apparaît également dans l’affaire Bygmalion, celle des sondages de l’Elysée, ou encore dans les affaires Tapie et Kadhafi.

La fabrique du monstre (Les Arènes), en librairie depuis le 13 janvier 2016. 18€. © Copie d’écran, Editions Les Arènes

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SOCIÉTÉ

PASCAL DU CANAL « Sur 15 km de Canal on est jamais trop au même endroit et on ne sait jamais sur quoi on va tomber ». Le Canal de l’Ourcq est nettoyé par drapage, et poussé par une barge qui râpe les fonds. Ce même canal alimente en eau celui de Saint-Denis et celui de Saint-Martin. Actuellement en épuration, et ce jusqu’au 4 avril. Rencontre avec « Pascal l’homme fluvial ». g par Sélena Djennane.

P

ascal, 1m80, les cheveux blond cendré, attaché en queue de cheval, est un homme à la barbichette grisonnante. Il vit à deux cent mètres du canal Saint Martin avec sa femme et ses jumelles adolescentes. Jusqu’à l’âge de treize ans il a été dans une pension catholique, puis s’est orienté vers un CAP électricité. Il a travaillé pendant une vingtaine d’année dans le bâtiment. Et à son trente-septième printemps, Pascal est embauché en tant que technicien électrique du canal, par la mairie de Paris. Il aime son travail mais explique que dans ses débuts, il avait du mal à comprendre le langage des mariniers : « Une porte busquée veut dire une porte fermée et une porte chambrée signifie une porte ouverte. Quand on m’a parlé avec ses termes spécifiques, j’ai répliqué : Mais que de quoi tu me causes ? ». Excepté ce langage ésotérique, Pascal aime être entouré d’eau car ça l’apaise. Ce travail lui correspond car « j’apprécie être dehors au grand air, utiliser mes mains et sentir l’odeur de l’huile dans les souterrains ». Il trouve que les éclairages naturels du canal ont un certain charme. L’emploi de Pascal se résume à réparer des pannes électriques. Par exemple, si l’une

Pascal du Canal © SD

des 8 caméras présentes sur chaque écluse ne fonctionne pas, il intervient. Il contrôle aussi les connexions en grande majorité « bouffé » par les rats ou les souris. Il fait partie d’une équipe de maintenance où se mêlent tous corps de métier : électriciens, éclusiers, maçons, mécaniciens, scaphandriers, tourneurs, fraiseurs, soudeurs… « Certains scaphandrier découpent de la ferraille sous l’eau avec des marteaux piqueurs. Depuis le début des travaux ont a récupéré environs deux cent vélib, des cadis, des scooteurs…la merde ça s’accumule vite ! ».

« Les éclusiers sont des passionnés… »

Les soucis majeurs que rencontre Pascal dans son travail sont : les rats et le vandalisme : « Ils cassent tout ! Une fois, on c’est fait voler une palette de terre ». Plus clairement ce sont des lignes de câbles en cuivre reliés au sol. « A la revente, le cuivre c’est au poids et ça coûte cher ». A l’écluse du temple, à quelques mètres d’un des souterrains du canal, où il y a d’ailleurs encore de l’eau bloqué entre deux portes, se trouve le vestiaire des ouvriers. Pascal salue son chef au casque bleu, qui met une dizaine de seconde à lui tendre la

Panneau à message variable © SD

main. « Ils m’ont dans le collimateur car étant donné mes problèmes cardiaques, je ne travaille que le matin, je me fatigue assez vite… ». Un de ses collègues clope au bec lui déclare : « T’en fait pas ça va s’arranger ». En se dirigeant vers le poste de commande du Pont de Dieu, Pascal déclare « les éclusiers sont des passionnés… ». A l’extérieur du poste se trouve trois boutons : deux boutons rouges qui ferment les deux barrières du pont et un bouton vert qui ouvrent les deux en même temps. A l’intérieur, on trouve des équipements, des outils et une grande armoire de commande avec un panneau à message variable. Au dessus de ce panneau, une notice est scotchée il appel ça « la procédure de manœuvre » qui est d’ailleurs très bien expliquée, et comporte plusieurs étapes. L’armoire ouverte, il découvre une souris séchée entourée de petite crotte, ça ne sent pas très bon mais c’est relativement supportable. Pascal explique qu’il y a rarement des grosses pannes, tout se gère rapidement et la plus part du temps à distance. Le plus gros souci qui risque de ne pas tarder à arriver est au niveau du pont de pivot. Il en a récemment parlé avec les mécaniciens qui craignent « que le pont lâche » Pascal explique également que le Pont de Dieu est manœuvré par un vérin à double tiges. Et ce pont pivote sur un axe qui est usé par le temps. Cependant il doit être refait à neuf prochainement : « On attend le budget car ces travaux vont coûter chers ».

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Yonne : les migrants aspirent à vivre en paix

Le 29 décembre dernier, cinquante et un migrants de la jungle de Calais sont arrivés à Saint-Bris-le-Vineux, dans l’Yonne. Aujourd’hui, ils ne sont plus que quinze. Rencontre avec ces réfugiés conduits dans une commune où le FN a atteint 39 % aux dernières élections.

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g par Marion Bordier

epuis trois semaines, le village icaunais de SaintBris-le-Vineux voit défiler dans ses rues des Afghans, des Libyens, des Tchadiens ou encore des Irakiens. Qu’ils soient de confession musulmane, protestante, chrétienne et de profession médicale, ouvrière ou militaire, tous se sont portés volontaires pour quitter la jungle de Calais et venir vivre ici. Amir, un Iranien de 27 ans, titulaire d’un bac + 4, confie être resté vingt-quatre jours dans cet enfer où s’entassent plus de 6000 personnes. « Vous savez, ce n’est pas pour rien qu’on l’appelle la jungle. Ce sont les animaux qui peuvent vivre dans de telles conditions, pas les humains. Enfin vivre, plutôt survivre. Là-bas, il n’y avait ni eau, ni nourriture, ni toit. Nous logions dans des tentes de fortune. Heureusement, des associations, ou des locaux, nous apportaient quelques provisions mais les femmes et les enfants étaient prioritaires. Ici, à Saint-Bris, c’est tellement mieux. Tout le monde semble vouloir nous aider », lance ému le jeune homme aux yeux émeraudes. Sa famille est musulmane. Lui a préféré

se tourner vers le protestantisme. C’est sa conversion qui lui a valu de subir des brutalisations en Iran. Son niveau d’anglais est moins bon que celui de son ami Yusuf alors ce dernier joue les traducteurs. Ce Tchadien, grutier puis camionneur, espère reprendre ses études de ressources humaines ou bien trouver un travail dans ce domaine : « Si je reste ici, je vais parler français, je vais lire français, je vais écrire français ! Je serai alors intégré et je pourrai trouver un emploi. Ma vie, c’est ici maintenant ». Et ça, pour lui, c’était évident, contrairement à d’autres migrants. Sur les cinquante et un réfugiés arrivés au départ, trente-six sont repartis à Calais. En stop ou à pied. Rester en France n’était pas dans leurs plans. L’Angleterre les faisait davantage rêver. « Ici ce n’est pas une prison. Ils sont libres de circuler dans le village et de s’en aller si tel est leur souhait. Nous les accueillons ici, dans un centre de vacances appartenant à la ville de Montreuil, pour analyser leurs besoins et engager une procédure de demande d’asile en France », explique Henri Durnerin, un des adjoints de

Cinquante et un migrants ont été accueillis au centre d’accueil saint-brisien le 29 décembre © MB

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Dans le centre de vacances, tous les migrants participent aux tâches quotidiennes © MB

Le centre de vacances situé à Saint-Bris appartient à la ville de Montreuil © MB

Madame. le maire, Rachel Leblond. Pour se faire, les migrants resteront au total trois mois. « Un temps de répit et de mise à l’abri pendant l’hiver durant lequel ils pourront préparer leurs projets », se réjouit Jean-Christophe Moraud, le préfet de l’Yonne. Mais aussi réaliser leur demande d’asile, un droit dont tous les réfugiés politiques peuvent bénéficier dans l’hexagone depuis 1951.

Après la survie, la « dolce vita » En attendant leur possible régularisation, les migrants passent leurs journées à jouer aux cartes, à boire du café, à fumer, tout en rêvant à un futur convenable. « Je ne sais pas comment ça va se passer pour moi mais, une chose est sûre, je veux vivre ici. Revenir en Erythrée ce n’est pas possible, à moins de vouloir être tué. (…) Si j’obtiens des papiers, j’essayerai de faire venir ma femme restée au pays. Enfin si c’est possible… », hausse les épaules Asmeron, un Erythréen de 26 ans. Dans son pays, pour les moins de 65 ans, quitter le sol de l’Etat est interdit. Alors, comme le jeune réfugié, il faut partir à pied, clandestinement. Et ce, au risque de se faire rattraper par les militaires et d’être tué. « No photo, no photo », répète-t-il sans cesse tout en tournant le dos à

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l’objectif. Plus tard, dans un anglais approximatif, il expliquera cette peur du déclencheur : « C’est pour éviter tout problème à ma famille ». En Erythrée, le service militaire est obligatoire pour les garçons et les filles. Dès l’âge de 17 ans, ils sont conduits dans un camp disciplinaire. Violences, viols, torture, cachot servent de punitions. Après un an et demi, les jeunes gens sont affectés à un grand chantier étatique, à une ferme, à une usine. Et ce, avec pour interdiction de critiquer le gouvernement ainsi que d’entrer en contact avec un étranger ou un passeur. L’horreur, tous les migrants en parlent de manière banale, comme si ce qu’ils avaient vécu était normal. Lorsqu’ils racontent leur calvaire, ils restent en surface. Certes ils évoquent l’ « absence de liberté », les « brutalisations des militaires » mais, détailler, ils ne le font jamais. Peutêtre à cause du traumatisme, peutêtre par habitude de se taire. Alors, à Saint-Bris, doucement, ils apprennent à vivre et non à survivre. Certains habitants sont là pour les aider à y parvenir. Il y a ceux qui proposent de donner des cours de français, de mettre à disposition leur ordinateur, de participer à une partie de foot avec d’autres villageois. D’autres les invitent tout simplement à souper comme des amis de longue date.

Un accueil qui divise Si les migrants bénéficient de marques d’attention, d’aide et de

soutien de la part de Saint-Brisiens, tous ne se montrent pas favorables à leur présence. Dans la commune de 1 100 habitants, près d’un tiers de la population est tournée vers le Front National. « Le conseil municipal avait voté contre le projet d’accueil des réfugiés mais le préfet a usé de son pouvoir de réquisition » rappelle Rachel Leblond. C’était une décision étatique et le bâtiment n’appartient pas à la commune de Saint-Bris, mais à Montreuil ». Il y a eu des agressions verbales, des tags, des menaces de mort. L’accueil de réfugiés n’est pas un sujet facile à porter pour un maire car il divise. « Ça a été terrible ! Il y a eu des têtes de sangliers coupées et déposées devant le centre de vacances. Lorsque les migrants sont arrivés, un panneau « Calais = 480 kilomètres » les attendaient. Au sol, c’était des « maire = salope », « préfet = enculé » se souvient Jean-François Bersan, un viticulteur de Saint-Bris

SOCIÉTÉ

dont le fils siège au conseil municipal. Il ajoute : « il est aisé d’expliquer les réactions des anti-migrants. Certains se demandent pourquoi ils sont nourris et logés à la place des SDF ? Ce sont des questions légitimes mais qui ne justifient pas la haine et la bêtise. Comme je l’ai répété à mes voisins, les réfugiés n’ont ni kalachnikov, ni couteau entre les dents ! ». Marie-Pierre Bourlet, la directrice de l’école maternelle de la commune, reste optimiste : « Au départ, beaucoup de villageois avaient des aprioris. Ils imaginaient les migrants sales, dangereux et dépendants de la société. Mais depuis leur arrivée, c’est plutôt calme. Qui sait, leur venue va peutêtre bousculer les mentalités ! »

Connaitre pour apprécier Cette xénophobie est souvent alimentée par la crainte de l’inconnu. Les agressions sexuelles survenues à Cologne la nuit du 31 janvier ont entrainé, ou renforcer, des généralités. Et ce, encouragé par le Front National. Jean-François Bersan s’inquiète : « Si des faits de vandalisme ou de violence sont recensés à Saint-Bris, comme en Allemagne, une récupération par l’extrême droite sera certainement faite. La bête noire sera forcément le migrant ». Parfois, à tort. Pour preuve, une des Allemandes agressée la nuit de la Saint-Sylvestre a reçu l’aide d’un réfugié syrien : Hesham Ahmad Mohammad. Les auteurs des agressions appartiendraient à des réseaux de délinquance marocains ou algériens, surveillés depuis plusieurs mois par les polices locales. Rien à voir avec les demandeurs d’asile politique ou économique.

UN AYLAN, « TRIPOTEUR DE FESSES » En clin d’œil à la polémique de Cologne, Charlie Hebdo a publié une caricature représentant un Aylan adulte assoiffé de chair féminine. Elle a suscité de vives réactions, notamment de la part du père du petit syrien qui l’a jugé « inhumain et immoral », mais aussi de la reine Rania de Jordanie qui a publié une esquisse du garçon devenu médecin. Dans L’Obs, l’historienne Annie Duprat a souhaité rappeler que « le parti pris de ce journal a toujours été de s’attaquer à tout, de se moquer de tout – des flics, des religieux, des fachos, et même de la mort (y compris celle d’un enfant) ».

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SANTE

Un bracelet connecté pour prévenir la dépression L’hôpital parisien Saint-Antoine lancera en février une phase de test inédite. Le service psychiatrique va expérimenter un bracelet connecté capable de repérer les signes de la dépression. Détecter et analyser les symptômes à temps pourrait éviter la prise d’antidépresseurs. g par Maëlys

L Peiteado

es Français sont las. Face à une liste de qualificatifs en tous genres, 31% d’entre eux choisissent d’abord la lassitude pour décrire leur état d’esprit. Interrogés fin 2015 pour l’enquête annuelle de l’institut OpinionWay mandaté par le Centre de recherches politiques de SciencesPo (Cevipof), les quelques 2 000 participants témoignent d’une France pas vraiment joviale. Et comme pour enfoncer le clou, la morosité arrive à la deuxième place du podium avec 29% des choix prononcés. Ambiance… Qu’à cela ne tienne, dans la même semaine, l’hôpital Saint-Antoine du XIIème arrondissement de Paris a annoncé qu’il allait lancer une phase de test pour un bracelet capable de dépister les prémices de la dépression. Ceci est une révolution. Après l’application podomètre ou celle comptabilisant les calories, voici désormais le détecteur de pathologies connecté. Dès février, le service psychiatrique de l’hôpital va mettre en pratique ce prototype de la start-up Myndblue. Développée dans les locaux de l’incubateur à l’École Polytechnique, elle a été lancée par Denis Fompeyrine,

docteur en psychologie clinique, et Pierre Bassaler-Merpillat, ingénieur diplômé de l’Ensta-ParisTech. Selon l’OMS, 350 millions de personnes seraient dépressives à travers le monde. Souvent mal diagnostiquée, cette maladie mentale est encore dépistée trop tardivement : « 50 à 60% des dépressifs sont mal pris en charge ou ne sont pas traités du tout », estime l’Association Française contre la dépression et les troubles bipolaires citant la psychiatre Isabelle Amado.

Traiter vite et mieux Le bracelet, équipé de capteurs, passe au crible et en continu les comportements du patient qui le porte jusque sous la douche. Tension artérielle, durée du sommeil, acidité de la peau, rythme cardiaque, température corporelle ou encore intensité de la lumière environnante sont analysés grâce à un algorithme mis au point par les chercheurs. Alertés directement par mail ou via leur smartphone, les médecins peuvent suivre l’évolution des données du patient, en déceler les éventuels symptômes avant-coureurs

Le co-créateur de Myndblue travaillant sur le bracelet connecté anti-dépression © Flickr/ Ecole Polytechnique

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ainsi que le type de dépression. Mais ils peuvent aussi déterminer s’il ne souffre pas plutôt d’une fatigue ou d’un coup de blues passager. Par exemple les « faux positifs », comme le décrit le médecin, vont développer des signes de dépression alors qu’il ne le sont pas. Le patient est alors pris en charge plus rapidement avant qu’il ne sombre dans une dépression plus avancée et profonde ou bien qu’il rechute. « Plus tôt le diagnostic est fait, plus la prise en charge du patient peut être non médicamenteuse, explique Philippe Nuss, responsable en psychiatrie à l’hôpital Saint-Antoine. On peut pallier aux antidépresseurs par la psychothérapie, la relaxation ou le changement de vie ». Selon le rapport de l’OCDE « Panorama sur la santé 2015 », les Français consomment en moyenne 50 antidépresseurs par jour pour 1 000 habitants. Des qui seraient toutefois à relativiser : « Est-ce que d’autres pays ne sous utilisent pas ces médicaments ? Ou alors n’utilisent-ils pas d’autres méthodes ?», s’interroge Philippe Nuss. En effet, la France se place en-dessous de la moyenne de l’OCDE, loin derrière l’Islande qui culmine à la première place avec 106 doses quotidiennes d’antidépresseurs. Les concepteurs veulent étendre le bracelet dans le milieu hors hospitalier, auprès des médecins généralistes. « La dépression est très dure à reconnaître et traiter », souligne Philippe Nuss. Ainsi les généralistes peuvent parfois prescrire des anxiolytiques alors que les patients nécessitent une prise en charge psychologique ou même des antidépresseurs. En complément d’un examen clinique, le bracelet serait alors un outil très utile chez un patient à risque. D’autant plus qu’entre les attentats de 2015 et la crise qui touche le pays, il a malheureusement de quoi faire ses preuves. Un bracelet qui, quoiqu’il en soit, sera toujours plus utile que l’Apple Watch…

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HIGH-TECH

Le jardin de « Gle » Eden Inciter à l’adultère? C’est en somme ce que propose le site Gleeden aux milliers d’époux et épouses en manque d’aventure et désireux de pimenter une vie monotone et routinière. Une pratique qui soulève deux interrogations : la première morale et la seconde juridique. g par

L

Anthony Denay

’interface du site est épurée. Sur un fond d’écran de couleur prune, le message est lapidaire et sans équivoques : « Le 1er site de rencontres extra-conjugales pensé par les femmes ». Rien à dire, la page d’accueil de Gleeden donne envie aux (potentiels) utilisateurs de croquer dans la pomme de l’adultère. Lancée en décembre 2009, la plate-forme compte aujourd’hui plus de 2 millions d’utilisateurs à travers le monde, dont la moitié en France. Une telle réussite ne pouvait que susciter cris d’orfraies et condamnations morales de la part des plus traditionnalistes. Mais dans une société dominée par le 2.0 et la sociabilité par écrans interposés, le secteur de l’amour n’a pas résisté longtemps. Les Meetic, Adopteunmec, Tinder et autres Happn s’étaient proposés de permettre à des célibataires de dénicher l’âme sœur ou le coup d’un soir sans bouger de son canapé. Gleeden franchit, lui, un nouveau palier en s’aventurant sur le terrain de l’extra-conjugalité. Un plancher glissant à souhait, qui pourrait conduire le site devant la justice.

Dans les méandres de l’adultère Et pour cause, l’Association familiale catholique s’est saisie de l’affaire en intentant un procès devant le Tribunal de Grande Instance de Paris. Maître Henri de Beauregard, l’ancien avocat de la Manif’ pour tous (le mouvement dont les cortèges avaient déferlé dans les artères parisiennes pour hurler aux abois contre le projet de loi Taubira) plaidera pour la partie civile. Pour lui, cette plateforme foule aux pieds le principe de la fidélité dont les époux se font mutuellement promesse : « Tout est contenu dans l’article 242 du code civil », explique-t-il. Lequel stipule qu’ « un époux peut demander le divorce pour faute lorsque des faits constitutifs d’une volonté grave ou renouvelée des devoirs

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Interface du site Gleeden. © capture d’écran site mobile gleeden

et obligations du mariage sont imputables à son conjoint et rendent intolérables le maintien de la vie commune ». La fidélité apparaît au premier rang de ces faits graves ou renouvelés. Et Maître Beauregard de renchérir : « Au-delà de la morale, dont chacun peut s’arranger avec, selon la formule consacrée, cette histoire est bel et bien juridique. Un site comme Gleeden, même s’il a basé sa défense sur l’argument qu’il n’incitait pas mais répondait à un besoin, a franchi la ligne rouge. Toute sa communication et son marketing sont basés sur la tentation, tendant à banaliser ce type d’actes ». Avec des formules

aussi bien senties que :   « Par principe, nous ne proposons pas de carte de fidélité » ou encore « Tout le monde peut se tromper. Surtout maintenant ». Un florilège dont certains ne goûtent que très peu le lyrisme. Des représentants du Bloc catholique et du Bloc identitaire ont réclamé la suppression pure et simple des publicités vantant les mérites de la plateforme dans les stations de métros et aux arrêts de bus. Mais si tromper son conjoint est toujours un motif de rupture unilatérale du contrat de mariage entraînant des dommages-intérêts pour l’époux lésé, cela ne relève plus du pénal depuis 1975. Une évolution des

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HIGH-TECH

mœurs dont tirent profit les petitsmalins de Gleeden.

Patrick Devedjian chaud lapin Symptomatique de cette libéralisation des mœurs, un arrêt rendu par la Cour de cassation, la plus haute juridiction de l’ordre judiciaire français, indique que dire de quelqu’un qu’il trompe son (sa) conjoint(e) n’est plus une atteinte à son honneur et donc pas diffamatoire. L’affaire avait été déclenchée suite à la publication d’un article dont les propos prêtaient une relation extraconjugale au Président du conseil départemental des Hauts-de-Seine Patrick Devedjian, consommée avec l’ex-Première dame de France Valérie Trierweiler. S’estimant calomnié, Devedjian avait traduit en justice les journalistes mais a vu sa requête rejetée en dernière instance, sur l’autel de l’évolution des mœurs. Maître Beauregard se montre perplexe : « Même s’il n’y a pas de lien direct entre cette décision et l’affaire dans laquelle je suis impliqué, ce climat témoigne d’une déperdition des valeurs traditionnelles et chrétiennes qui me tiennent à cœur. Lorsque l’on s’engage dans une relation maritale, on ne peut pas se soustraire aux obligations morales mais aussi contractuelles qui incombent à ce choix de vie. C’est l’évolution logique d’une société consumériste, hédoniste, qui ne vit que de l’assouvissement des pulsions immédiates et éphémères. La morale et l’engagement n’y ont plus leur place ». Ce changement d’époque

Publicité pour Gleeden à un arrêt © capture d’écran Capital.com.

se vérifie dans la profusion de sites proposant par exemple des rencontres échangistes ou libertines, à l’image de Casual Dating, qui ne se cache pas de privilégier les affinités sexuelles à l’heure de mettre en contact ses utilisateurs. Une désinhibition qui caractérise bien l’air du temps. « Tous ces sites ont parfaitement compris l’évolution de la société et s’y sont adaptés. La sécularisation des pays occidentaux permet peu à peu de transgresser toutes les règles et de franchir les barrières morales,

poursuit Maître Beauregard. Mais l’on constate bien que ce monde sans repères peut conduire à des comportements extrémistes, comme nous pouvons le voir récemment avec le djihadisme. Ces jeunes se rendent compte de la permissivité de ces sociétés dites « laïques » et de la perte de valeurs que cela engendre. Je ne justifie pas le terrorisme bien entendu. Mais il n’arrive jamais par hasard ». Le verdict de l’affaire opposant l’AFC à Gleeden sera rendu à la fin de l’année.

DE L’ART DE TROMPER Le site Gleeden a eu la bonne idée de publier un « observatoire européen de l’infidélité » où sont recensés, par pays, les comportements volages des individus qui ont décidé de se laisser passer la bague au doigt. Et le cliché n’est jamais bien loin. Après avoir rappelé, statistiques à l’appui, que « 62% d’Européens estiment qu’on peut aimer son partenaire tout en lui étant infidèle » ou encore que « 68% d’entre eux pensent qu’on peut être amoureux de 2 personnes à la fois », ce sondage très sérieux nous rappelle, pour elle, l’amant parfait selon les femmes serait bien entendu italien (et que ces derniers seraient ceux qui regretteraient le moins leur infidélité, seulement 27% !) ; que Paris demeure la capitale la plus attractive pour une escapade entre amants amourachés et que les hommes sont plus volages que les femmes. Chose étonnante : 31% des Européens interrogés estiment que « l’infidélité peut être bénéfique au couple en apportant des moments de liberté ». Preuve que la perception du partenaire sexuel unique a du plomb dans l’aile et que les Européens tendent à dissocier l’amour (et la fidélité) de l’acte purement charnel. En 2015, tromper son (sa) partenaire n’est plus révélateur d’un manque affectif au sein du foyer conjugal, mais simplement d’une envie de se dégourdir avec un(e) inconnu(e). En ce qui concerne le lieu du crime, rien de très original : le domicile de l’amant(e) est plébiscité par 54% des sondés. Petit rappel : les femmes pardonnent plus difficilement une « faute » que les hommes. A bon entendeur…

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HIGH-TECH

Vers un rachat de Bouygues par Orange ?

Emissions polluantes, Renault dans la tourmente

Orange et Bouygues ont confirmé un rapprochement et les premières négociations concernant une possible fusion sont lancées. Rien n’est ratifié, mais les spéculations vont bon trains et les instances décisionnaires commencent à se consulter. g par Aurélien Monségu

Les constructeurs automobiles français font face à des révélations compromettant leurs bonnes intentions contre la pollution. Renault ouvre le bal des convocations quelques mois après le scandale Volkswagen. g par Leo Chabannes de Balsac

M

algré avoir démenti avec fermeté les rumeurs lancé par Bloomberg le mois dernier, Orange et Bouygues ont confirmé un rapprochement dans une interview rapportée par « le Journal du Dimanche ». Selon le JDD, les discussions des prochains jours permettront de définir un prix de rachat et de régler la question de l’organigramme. Enfin, même si rien n’est encore signé, les deux firmes se donneraient trois mois pour aboutir à un accord pertinent. Alors la ligne semble toute tracée pour qu’une fusion soit possible. « Orange », qui vient d’empocher 4,5 milliards d’euros sur le rachat de « Everything Everywhere » par « British Telecom » au Royaume-Uni, viendrait assoir sa position dominante en devenant un mastodonte représentant plus de 50% de parts de marché dans le mobile. Martin Bouygues, lui, récupèrerait une place au conseil d’administration d’Orange. Et c’est là que les premières complications entrent en jeu. Car si fusion il y a, il faudra d’abord qu’elle passe par l’aval des instances décisionnaires. La finalisation de la vente de « EE » venant redistribuer les cartes d’Orange, il est encore impossible de savoir qui de L’ARCEP (Autorité de régulation des communications électroniques et des potes) ou de l’Autorité de la concurrence aura le dernier mot. L’autorité choisie dépend de la part de la France dans le chiffre d’affaire d’un groupe européen. Hors, il semble qu’Orange fasse désormais plus des deux-tiers de son chiffre d’affaires sur l’hexagone, ce qui mènerait à un arbitrage français. Dans tous les cas, l’ARCEP dispose d’un droit de véto sur la répartition des fréquences et l’Autorité de la concurrence. Christophe Forsino,

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HIGH-TECH

Une refonte des logos est possible © Orange

de l’Autorité de la concurrence, a confié qu’il voulait « ne pas occulter le consommateur de l’équation et que l’avis rendu par l’institution dépendra des déductions faites au vu de la conjoncture actuelle ». Une concurrence fragile Quoi qu’il en soit pour le patron de l’ARCEP, Sebastien Soriano a confié dans un entretien pour « Les Echos » qu’il fallait « définir des lignes rouges pour éviter de renforcer la posture dominante d’Orange, spécialement sur les marchés où il est leader ». Il est vrai qu’actuellement, le leader historique reste largement en tête de peloton sur le marché des télécoms. Que ce soit au niveau de la couverture du développement de la 4G ou sur le contrôle des antennes relai, « SFR » et « Free » n’arrive pas à rattraper la cadence imposée par « Orange ». Il faut d’ailleurs rappeler que « Free » dépend d’ « Orange » sur plusieurs points (notamment les antennes) et que « SFR » est aujourd’hui « SFRNuméricable ». Cela donne une idée

C

’est la commission « Royal », créée en septembre dernier et chargée de mesurer les niveaux d’émissions polluantes, qui dénonce des dépassements significatifs du seuil en vigueur de certains véhicules. L’Espace 5 et le Captur de Renault sont particulièrement concernés car leur taux est dix fois plus élevé que la norme. « On sait que les constructeurs optimisent leurs véhicules, on pouvait donc s’attendre à des écarts de 1 à 2. Mais les dépassements observés sont au moins d’un facteur de 3 à 5 par rapport aux normes », assure un représentant de l’association France Nature Environnement. Le CO2 et les oxydes d’azote dégagés par certains modèles ne sont pas réglementaires et aucun des véhicules défaillants ne devrait donc circuler.

de l’état de la concurrence dans le domaine de la téléphonie mobile. Et si la fusion évoquée plus haut, entre « EE » et « BT », a pu aboutir sans problèmes, c’est principalement parce qu’elle ne réduit pas le nombre d’acteurs sur le marché des télécoms. Hors en France, un retrait du groupe de Martin Bouygues au profit de celui de Stéphane Richard viendrait enfermer le secteur dans un tripartisme mené d’une main de fer par Orange. Cependant, l’ARCEP souhaite que « Free » reprenne une partie du réseau pour espérer combler son retard. « SFR », qui est en difficulté depuis son rachat par Patrick Drahi en 2014, pourrait voir une partie de la clientèle low-cost d’SFR déportée sur ses réseaux. Enfin, il est important de rappeler que rien n’a encore été ratifié. Toutes ses discussions restent l’usufruit de spéculation plus ou moins probables et les deux principaux acteurs des négociations ont annoncé une avancée plus significative d’ici un mois. Le rendez-vous est pris.

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Un défaut du système Et ce n’est pas tout. Les résultats de la commission permettent de dévoiler des anomalies techniques. Le système de dépollution utilisé par Renault faibli quand la température est inférieure à 17 degrés dans le moteur. Un défaut du système lui-même engrange une pollution plus élevée que souhaitée. L’entreprise a préféré la technologie de dépollution du « piège à NOx », moins coûteuse mais aussi moins efficace en état de marche comparée à celle de la réduction catalytique sélective (SCR). Il faut tout de même prendre un peu recul à la lecture des résultats. Les tests sont menés sur un nombre réduit de modèles et l’échantillon est limité comparé aux milliers de ventes réalisées chaque année par la firme au losange. Il existe plusieurs types de tests et chacun produit des résultats différents. Ainsi, le test laboratoire permet d’obtenir un indice fixe du taux de polluant dégagé

tandis que le test dit « sur circuit » ou « en course » donne un chiffre plus concret : « On ne peut pas dire qu’on ne respecte pas les normes parce que, quand on est en conditions réelles, il n’y a pas de normes », précise Thierry Bolloré, directeur délégué à la compétitivité chez Renault. Or la réglementation européenne impose une simple expérience en laboratoire aux constructeurs automobiles.

Renault était au courant Si Renault a commencé par démentir les faits, le constructeur a très vite annoncé le rappel de plus de 15 000 véhicules afin de les soumettre à une révision complète avant leur mise en vente sur le marché. « Les choses peuvent être faites rapidement car pour régler correctement un moteur, il faut une demi-journée », souligne Ségolène Royal. Depuis quand Renault était au courant de ces problèmes ? Si la commission n’avait pas poursuivi les tests,

l’entreprise aurait continué à vendre des voitures plus polluantes que les autres. Les rumeurs allaient bon train sur un potentiel « Volkswagen 2 » et Ségolène Royal a du elle-même réfuté toute présence de logiciel de trucage dans les modèles produits par Renault. De son côté, le porte-parole du constructeur a admis que près de 700 000 véhicules seraient concernés par une défaillance du système de dépollution. Quoi qu’il en soit, cette tourmente médiatique entraine une baisse importante de 5% du cours boursier de Renault. Le modèle visé par les critiques est le Captur, un 4x4 typé Clio, véhicule clé du constructeur. Les prochaines convocations des représentants de plusieurs entreprises n’annoncent pas de beaux jours pour l’automobile française. Mettre aux normes ses moteurs à un prix. Renault promet un plan technique visant à réduire les écarts entres émissions réelles et émissions normalisées. Le projet doit être rendu en mars prochain.

Eddy CJ © Capture Renault.

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INTERNATIONAL

Viols : les féministes montent au créneau

Les agressions sexuelles ayant eu lieu lors du Nouvel-An à Cologne ont secoué l’Europe. Un silence médiatique et politique s’est fait ressentir en France. Malgré tout, les associations féministes manifestent leur colère contre les agresseurs.. g par Nicolas Brouste

U

n vent glacé souffle sur la place des Innocents à Châtelet (1er arrondissement parisien) lundi 18 en début de soirée. Malgré tout, des femmes de tous les âges se rassemblent. Elles commencent à mettre en place des banderoles portant des slogans cinglants  : «  Femmes sans frontières, toutes solidaires. A bas, à bas la domination masculine ! » A peine une centaine de participants à cette manifestation, malgré tout, les oratrices s’expriment avec autant de verve que devant une foule de mille personnes. « Femmes de Cologne agressées, toutes les femmes visées ! » si la motivation générale était bien tournée vers des revendications féministes, la raison de ce rassemblement est bien centrée autour des évènements de Cologne. « Nous sommes scandalisés par ces agressions ! Mais on se positionne aussi contre la récupération raciste par des mouvements d’extrême

droite. » S’exclame Eléonore Stevenin-Morguet présidente d’Osez le féminisme à propos des événements de Cologne. Mais ces actes d’une grande violence ne sont que la partie visible de l’iceberg. « Cela arrive quotidiennement en France : 230 viols par jour ! » s’indigne la féministe. Contrairement aux préconceptions sur le viol, ces actes sont assez peu commis par des inconnus dans un lieu public. Dans 80 % des cas, les violences sexuelles sont perpétrées par des proches. Et ce chiffre concerne seulement les adultes. Pour les enfants, il s’élève à 94 % selon une enquête IVSEA de 2015.

« Nier et de justifier l’agression masculine » Cette ignorance généralisée de la réalité est maintenue par un ensemble de jugements faits par

Militantes de l’association Osez le Féminisme © NB

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la société et perpétués par certains médias. Ce corpus de mythes se nomme la « culture du viol ». Deux sociologues américaines, Kimberley Lonsway et Louise Fitzgerald, ont défini ces mythes en 1994 comme étant des « attitudes et croyances généralement fausses, mais répandues et persistantes, permettant de nier et de justifier l’agression masculine contre les femmes. » Ces croyances sont divisibles en trois grandes catégories : le cas où la femme accuse l’homme de viol à tort, celui où le refus des femmes est pris pour du consentement. Dans ces circonstances, l’homme estime que la femme désirait l’acte malgré son visible refus. La troisième et dernière catégorie est celle qui prédomine dans beaucoup de médias : la femme est considérée comme étant coupable de ce qui survient. En d’autres mots : « Elle l’a bien mérité, elle est responsable de ce qui s’est passé » parce qu’elle était habillée de manière trop dénudée ou qu’elle avait trop bu. Emmanuelle Tiet, présidente du Collectif Féministe contre le Viol d’indigne : « Seulement 1% des violeurs sont condamnés ! » Vides juridiques, action de police laxiste ou pressions faites sur les victimes, les poursuites se font rares comparé à la moyenne de 75 000 femmes violées en France chaque année. Les conséquences de ces crimes se font ressentire : « 80% des victimes de viol souffrent d’un syndrome post-traumatique, de conséquences physique directes, certaines de maladie chronique. Il y a également beaucoup de tentatives de suicide. » résume Emmanuelle Tiet. Les réclamations d’associations féministes comme le Comité féministe contre le viol veulent une application plus stricte de lois déjà existantes. Par exemple rendre effective l’obligation faite aux policiers ou aux gendarmes de prendre les plaintes pour viols ou agressions sexuelles, ou encore

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Militantes du Collectif national pour les droits des femmes© NB

appliquer les sanctions prévues par la loi contre les pressions faites par les violeurs sur les victimes afin qu’elles renoncent à leur plainte. Ce type de laxisme dans les forces de l’ordre montre que les mythes de la culture du viol y sont bien ancrés.

L’affaire Sauvage Un procès particulièrement sinistre s’est conclu en 2015, où l’appel de Jacqueline Sauvage a été refusé. Cette sexagénaire a été condamnée à 10 ans de réclusion pour le meurtre de son mari en 2012. Ce qui n’a pas été pris en compte dans le procès est que cette femme et ses enfants étaient victimes depuis des années d’un mari brutal. L’homme les rouait de coups jusqu’à trois fois par semaine et avait violé à de nombreuses reprises sa femme et ses enfants. Après 47 ans de cet enfer et une dernière dispute, l’année 2012 fut celle où Jacqueline Sauvage tira trois coups de carabine dans le dos de son mari. Cette peine particulièrement sévère ne semble pas prendre en compte le contexte : « Les 45 années de violence n’ont pas été prises en compte dans son jugement. On devrait pouvoir considérer que les femmes dans ce genre de situation sont en état de légitime défense permanente, ou ajouter comme au Canada un état d’antériorité de menace. L’Etat doit examiner ces solutions. » expose Eléonore SteveninMorguet. De nombreux partisans de Jacqueline Sauvage ont signés une pétition demandant à François Hollande la grâce présidentielle

pour la condamnée. Elle rassemble actuellement près de 300 000 signatures.

« Protéger les femmes contre toutes formes de violence » Mardi 19 janvier une quinzaine de députés de droite et de gauche ont fait appel à plusieurs associations

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féministes afin de s’informer sur les violences faites aux femmes. Plusieurs thématiques ont été mises sur la table, dont la loi canadienne sur la légitime défense et le féminicide. Selon Le Petit Robert, un féminicide est « Le meurtre d’une femme, une fille, en raison de son sexe. » La Convention d’Istanbul est à l’origine de cette notion. Signée et ratifiée par de nombreux Etats européens, dont la France, elle a pour objectif « de protéger les femmes contre toutes formes de violence ». Ce texte s’est incarné en Espagne par une loi pionnière dans le domaine. Les violences commises dans les foyers ne sont plus considérées comme neutres, mais comme un problème public. Elles prennent donc un caractère particulier comme pour les crimes de haine. Dans l’Hexagone, le lien entre la victime et son meurtrier est pris en compte dans la sentence. La peine est plus lourde quand le meurtre est commis par un ou une conjointe. Le droit ignore par contre les rapports de domination entre hommes et femmes ainsi que la portée misogyne que certains de ces meurtres peuvent porter.

© NB

LES ASSOCIATIONS D’AIDE AUX FEMMES Le Comité féministe contre le Viol SOS Viols Femmes Informations : 0.800.05.95.95 Fédération Nationale Solidarité Femmes Violences Femmes Info : 3919

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INTERNATIONAL

INTERNATIONAL

Attaques terroristes au Sahel : Aqmi revient sur le devant de la scène

L Des forces militaires burkinabées devant l’hôtel Splendid après l’attaque terroriste du 15 janvier 2016 © Issouf Sanogo

Le Burkina Faso est toujours sous le choc après l’attaque terroriste à Ouagadougou, la capitale, qui a causé la mort de trente personnes le vendredi 15 janvier. Cette fusillade survient presque trois mois après l’attentat au Radisson Blu Hotel, à Bamako, le 20 novembre dernier. Ces attaques sont emblématiques du retour d’AQMI (al-Quaïda au Maghreb Islamique), au Sahel. g par Cloé Arrault

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e 29 décembre dernier, le Burkina Faso a élu pour la première fois son président de manière démocratique. Roch Marc Christian Kaboré arrive alors au pouvoir. Il pousse son pays à entrer dans une phase de transition démocratique. En ce sens, il cherche le respect du libre jeu du marché, à obtenir des réformes et des changements pour une organisation sociale plus juste, plus équitable et conforme aux aspirations des citoyens. Jusqu’alors épargné par les attaques que subissent ses pays voisins, comme le Mali et le Niger, où les réseaux djihadistes sont implantés, le Burkina est devenu une cible depuis que son président tente une transition démocratique. L’attaque dans les rues de Ouagadougou confirme que le régime de Kaboré, ancien bras droit de Blaise Compaoré, est gagné à son tour par la menace djihadiste. Et ce n’est pas foncièrement une surprise : « Beaucoup d’observateurs s’attendaient à ce que le Burkina, après le Niger et le Mali voisins, soit la cible des djihadistes. Au temps de Blaise Compaoré, médiateur dans de nombreuses crises régionales, le pays était épargné. Mais depuis quelques mois, plusieurs événements laissaient

penser que l’on s’approchait de la fin de cette exception régionale», écrit le quotidien français Le Monde.

Des frontières critiques Le Sahel -Niger, Nigeria, Mali, Soudan, Tchad, Burkina Faso, Mauritanie- constitue une base idéale pour les organisations islamisques radicales. L’insécurité de la région a permis aux réseaux de s’implanter et de contrôler la périphérie sahélienne. Les pays mitoyens ont souvent délaissé cette région, sur le plan économique et social. Conséquences : pénurie alimentaire, maladies, trafic et réseau maffieux. Les populations ont du mal à percevoir la présence des gouvernements. Il faut aussi tenir compte des problèmes frontaliers. Bien souvent la délimitation des pays s’est faite sans prendre en compte les intérêts des différentes ethnies de la région. C’est en partie la cause de la montée des conflits au Sahel.

Un fief pour les islamistes radicaux La

périphérie

qui

échappe

à

l’autorité des Etats est devenue un terreau particulièrement fertile pour les islamistes. En 2004, le GSPC (groupe salafiste pour la prédication et le combat, qui a fait allégeance à Al-Quaïda) a été chassé du sud algérien et a dû se réfugier à la frontière nigéro-malienne (les islamistes étaient déjà présents au Mali depuis 2002). En Mauritanie, l’instabilité politique offre la garantie aux groupes armés de ne pas être poursuivis. L’islamisme radical qui se développe au Sahel demeure fondamentalement dirigé contre les États de cette zone. On pourrait ajouter que la contrebande qui nourrit AQMI constitue un manque à gagner en termes de ressources douanières pour chacune de ces nations. Mais pour exister face à l’Etat islamique et résister à la pression militaire de la coalition régionale et de la France au Sahel, Aqmi n’a pas eu d’autre choix que de s’allier avec d’autres groupes djihadistes, dont certains étaient ses rivaux. C’est avec l’aide d’Al-Mourabitoune -le groupe de Mokhtar Belmokhtar grande figure du terrorisme au Sahel depuis des années- qu’Aqmi a mené ses attaques à Bamako et à

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INTERNATIONAL Ouagadougou.

Sahel : trafic et corruption Le Sahel est devenu le lieu emblématique de la prolifération des groupes armés. Associée au manque d’autorité de l’Etat puis à l’effondrement de l’économie traditionnelle, la région est désormais, incontestablement, la plaque tournante de divers trafics. Trafics d’armes, de drogue, de carburant, de cigarettes, de déchets toxiques mais aussi d’êtres humains. En 2009, l’ONUDC estimait que ces flux illicites représentaient une source financière équivalant à 3,8 milliards de dollars par an. Un chiffre plus élevé que le PIB de bon nombre de pays d’Afrique de l’Ouest. Les enlèvements contre rançon et les crimes organisés constituent une autre source de revenu -en somme des intérêts financiers- et permet aux forces djihadistes de renforcer leurs positions au Sahel. Ces faits enveniment la situation déjà précaire, de la région. Beaucoup de trafics de cocaïne latino-américains sont liés à des réseaux djihadistes basés en Afrique. Un phénomène qui prend de l’ampleur à cause de l’étendue du territoire et à la puissance grandissante d’AQMI.

et demi seulement après l’opération Serval, au Mali, qui fût un échec. Des militaires burkinabés ont également été déployés au Mali – à Tombouctou notamment – dans le cadre de la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations-Unies pour la stabilisation au Mali (Minusma).

Ingérence et ignorance Lorsque la menace terroriste est médiatisée, la communauté internationale prend des mesures. Et seulement là. Les menaces présentées ci-dessus ne sont pas prises en compte par les pays de la sous-région qui préfèrent faire appel au reste du monde. Mais la menace terroriste augmente sur son territoire. « Même si les États africains sont moins forts que les pays occidentaux, une prise en charge en matière de renseignement et un peu plus de volonté sont attendus », explique Isabelle Arrault, ex-chargée à la Commission européenne de la région du Sahel. Baptiste Mandouse, le macro économiste de l’institution, précise : « ces pays trouvent de l’argent pour acheter des avions et se garantir une garde présidentielle. Ils ont des ressources, notamment pour financer leurs propres services

de renseignement et investir dans le domaine militaire. Les États attendent les actions des pays occidentaux mais ils peuvent agir par eux-mêmes aussi ». Il ajoute : « Il est nécessaire qu’ils cherchent à professionnaliser leurs forces d’intervention de type RAID ou GIGN. Les réponses au terrorisme à moyen terme ne sont pas uniquement sécuritaires. Le terrorisme vit là où l’intérêt général n’est pris en charge par personne ». Laurent Bigot, ancien diplomate français spécialisé dans le conseil en stratégie sur l’Afrique, confirme dans son entretient avec le quotidien Le Monde : « Nous évoquons le sujet lors des réunions internationales comme s’il s’agissait d’un sujet anecdotique. On ne l’aborde jamais dans les rencontres entre chefs d’État. Mon expérience diplomatique montre que le problème du terrorisme a toujours été éludé en fin de course. Et ce, bien que souvent proposé par la direction Afrique du Quai d’Orsay dans les notes d’entretien adressées à l’Elysée. J’ai souvent entendu mes collègues me dire que ça ne servait à rien d’en parler, que cela ne changerait rien. Qu’en savent-ils ? Nous n’avons jamais essayé ! La politique de l’autruche est une mauvaise habitude tenace ».

Impasse géopolitique Six mois après la signature d’un accord de paix entre les Forces Armées Maliennes et la Coordination Militaire de l’Azawad (CMA) le 20 juin dernier, à Alger, la situation reste catastrophique. Des exactions ont étés commises dans la zone pacifiée. Selon un rapport de l’ONU, les droits de l’homme auraient étés bafoués. Des militaires maliens et français auraient abusés sexuellement de jeunes africains en échange de leur ration ou d’argent. « Ces actes sont horribles. Ca s’est passé sous mes yeux sans que je ne le sache. C’est une insulte pour notre profession et notre pays », confie un général de l’armée de terre française. Quant au Burkina, AQMI ne peut que considérer le pays comme son ennemi. Ce petit pays enclavé d’Afrique de l’Ouest est un « point d’appui permanent » de l’opération militaire française Barkhane destinée à endiguer les actions des djihadistes au Sahel. Opération déclenchée un an

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INTERNATIONAL

SAHEL : PLUSIEURS PAYS, PLUSIEURS GROUPES, PLUSIEURS REVENDICATIONS Si les attaques qui ont endeuillé le Sahel sont nombreuses, il est difficile d’identifier les groupes responsables et leurs revendications. Depuis 2007, les exactions sont principalement commises par le groupe d’AlQaïda au Maghreb islamique. Ce dernier a pour objectif de renverser le gouvernement algérien en vue d’instaurer un califat islamique et mène des attaques principalement contre les occidentaux. Aqmi est présent dans les zones côtières du nord Chef d’AQIM Abdelmalek Droukdel © Capture d’écran de l’Algérie et dans les régions désertiques du sud du pays, dans le nord du Mali, en Mauritanie orientale et au Niger occidental. Il est à l’origine de groupes dissidents comme MUJAO -réunion des deux groupes Al-Moulathamoun et d’Al-Mourabitounen 2012. Cette organisation a attaqué des sites gaziers, enlevé des civils et demeure le principal investigateur du trafic d’armes et de drogue dans les pays du Sahel et d’Afrique du Nord. Le groupe Ansar Dine -« Défenseurs de la foi » ou « Défenseurs de l’islam »- est un mouvement en apparence indépendant, mais il cache ses véritables racines : Al-Quaïda. Le groupe milite pour l’instauration de la charia au Mali. Depuis fin 2012, cette revendication s’applique seulement à la région de l’Azawad, au nord du Mali. La même année, le groupe combat aux côtés d’Aqmi et du Mujao, contre l’armée française et ses alliés au Nord.

Drapeau de l’AQIM

Le MNLA -mouvement national de libération de l’Azawad- est majoritairement touarègue et actif au Nord du Mali. Ceux qui ont rejoint ce mouvement avaient fui le Mali dans les années 1990, pour s’engager dans l’armée libyenne de Mouammar Kadhafi.

Drapeau du MNLA

Boko Haram est présent au nord-est du territoire Nigérien et multiplie les incursions au nord du Cameroun où il est accusé d’enrôler de jeunes recrues. Il est également présent aux frontières du Tchad et du Niger. La secte revendique la création d’un État islamique en Afrique de l’Ouest où s’appliquerait la charia. Mahamat Saleh Annadif, chef de la MINUSMA depuis le 20 janvier © DR

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Nouveau visage de Boko Haram Aboubakar Shekau © Capture d’écran

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INTERNATIONAL

INTERNATIONAL

Nucléaire iranien, Téhéran devient fréquentable C’est le samedi 16 janvier 2016 que l’accord sur le nucléaire iranien, signé le 14 juillet 2015, est rentré en vigueur. Même si la levée des sanctions s’échelonnera sur 10 ans, c’est une victoire politique pour Téhéran et une bouffée d’air frais pour l’économie du pays. g par Pierre-Yves Baillet

M

«

aintenant que les sanctions ont été levées, il est temps de construire le pays », a déclaré le Président iranien Hassan Rohani. Il a aussi salué l’ouverture d’une « nouvelle page » entre son pays et le reste du monde. Les sanctions seront levées progressivement sur une dizaine d’années, et pendant quinze ans pénalités pourront être prises en cas de faute de la part du régime des Mollahs. En revanche, l’embargo sur les missiles balistiques et les armes conventionnelles sont maintenus jusqu’en 2023 et 2020. Autre bénéfice de l’accord, l’Iran va récupérer 32 milliards de dollars de ses avoirs bloqués à l’étranger. Les fonds, qui sont entreposés dans des banques au Japon et en Corée du Sud, seront transférés à d’autres banques en Allemagne et aux Emirats Arabes Unis. M. Seif, le président de la banque centrale iranienne a ajouté que « cet argent peut être utilisé pour importer des biens nécessaires. Il n’est pas rationnel de ramener cet argent (…) Ces avoirs libérés seront placés sur des comptes sûrs. » Selon le géographe et spécialiste de l’Iran, Bernard Houcarde, «Il aura fallu 37 ans de République islamique d’Iran pour qu’elle soit reconnue internationalement. Beaucoup de choses ont changé aujourd’hui, le pays ne doit plus être considéré comme un Etat voyou. L’Iran est un pays nouveau, même s’il s’agit de se hâter lentement et de renouer les relations avec prudence »

Des ambitions hégémoniques Les ambitions de l’Iran font peur. Bien que le pays n’ait pas été attaqué par ses voisins depuis prés de deux siècles, sa volonté de devenir une puissance régionale est bien réelle. Depuis son

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Le réacteur nucléaire d’Arak IR-40, situé à 60 kilomètres au nord-ouest d’Arak, dans la province de Markazi en Iran © Wikipédia

L’accord sur le nucléaire iranien signé le14 juillet 2015 va permettre au Président Hassan Rohani de désenclaver l’économie de son pays. © Wikipédia

réveil en 1979, la théocratie chiite s’est engagée à protéger ses fidèles et elle encourage les mouvements chiites rebelles dans les monarchies sunnites. Son activisme religieux est toujours d’actualité. Téhéran est présent au Liban depuis la guerre civile des années 70, sous le couvert du mouvement chiite libanais, Hezbollah (le Parti de dieu). Elle a aussi soutenu plusieurs rébellions au Bahrein, comme elle le fait aujourd’hui avec la minorité des Houthis au Yémen. Le régime des Mollahs a su aussi trouver dans le gouvernement alouite (secte minoritaire chiite) des Assad, un allié fiable. En 2003, avec la chute de Saddam Hussein, les chiites qui constituent la majorité de la population irakienne, arrivent au pouvoir. Ainsi se forme, de la mer méditerranéenne au golf Persique le fameux « Croissant chiite » que

redoutent tant les pétromonarchies du golfe. Pour Agnès Levallois, consultante spécialiste du MoyenOrient, « il existe tout de même une peur commune en partie fantasmatique de la poussée de l’expansionnisme iranien. Cette peur pousserait de nombreux pays à se méfier naturellement de Téhéran, et donc à s’allier à Riyad. » Thierry Coville, chercheur au CNRS spécialiste de l’Iran, précise : « L’Iran a modernisé sa politique. Elle a toujours ses ambitions de grande puissance régionale, mais les moyens pour y arriver ont changé. Les modérés sont au pouvoir, ils souhaitent atteindre leurs objectifs par la diplomatie. On parle de softpower ». Car l’Iran a un opposant au titre de leader régional. La monarchie sunnite des Al Saoud et son rigorisme wahhabite. Ces deux Etats

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cherchant l’un et l’autre à asseoir leur hégémonie sur le golfe Persique, les deux puissances régionales ne peuvent qu’entretenir des relations conflictuelles. La récente exécution du cheikh saoudien Nimr Baker alNimr et l’escalade irano-saoudienne qui en a découlé sont de très bons exemples de l’antagonisme qui règne entre sunnites et chiites au MoyenOrient. Même si Téhéran et Riyad ne se sont jamais fait la guerre directement, ils ont déjà été impliqués dans des guerres entre pays interposés. Lors de la guerre Iran-Irak, les Saoudiens octroyèrent pr exemple à Saddam Hussein un prêt de 40 milliards de dollars pour renforcer son armée. Les wahhabites n’ont pas apprécié l’accord entre l’Occident et l’Iran, s’inquiétant pour leur position privilégiée avec les Etats-Unis. Thierry Coville ajoute « L’Arabie Saoudite est très inquiète. Elle entretient un discours ridicule vis à vis de l’Iran. Riyad tente de faire croire à un expansionnisme iranien à travers l’axe chiite. C’est un discours dangereux, car faire passer tous les chiites pour des suppôts de l’Iran pousse les extrémistes comme Daech à passer à l’acte. Il faut détruire cette image de pays révolutionnaire pas comme les autres. »

Le pragmatisme prévaut Toutefois, pour contrer l’influence iranienne, l’Arabie Saoudite dispose

de sérieux atouts. Non seulement Riyad possède des moyens importants, tirés de ses colossales réserves de pétrole, mais elle dispose aussi de la garde des lieux saints (La Mecque, Médine), ce qui lui confère un prestige inégalable au sein de l’Umma, la communauté des musulmans. D’ailleurs, Riyad et Téhéran ont repris leurs relations diplomatiques pour permettre aux fidèles iraniens de pouvoir faire leur pèlerinage à La Mecque (Hajj), obligation commune aux sunnites et aux chiites. Même si l’Iran est riche en matières premières, son économie est frappée par un embargo sévère depuis plusieurs années. Sur le plan diplomatique, Riyad domine le Conseil de coopération du golfe. Créé en 1981 par la volonté des Etats-Unis et de l’Arabie saoudite, ce regroupement de pétromonarchies sunnites du golfe (Bahreïn, Koweït, Oman, Qatar, Émirats arabes unis) est très vite apparu comme une organisation destinée notamment à contrer l’Iran et Israël. Toutefois, cette opposition peut s’avérer ponctuellement favorable à l’Iran. Ainsi, le CCG a soutenu en 2010 le projet turco-brésilien de compromis avec l’Iran autour du nucléaire, réaffirmant « le droit des pays de la région de se doter du nucléaire civil et exhortant à une dénucléarisation du Moyen-Orient (Israël inclus). » En revanche, même si la puissance financière des membres du CCG est

considérable, se serait une erreur de le voir comme un groupe uni.

L’Occident indécis « Je veux encore une fois m’adresser directement au peuple iranien. Après cet accord sur le nucléaire, vous, et surtout les jeunes Iraniens, avez l’opportunité de commencer à tisser de nouveaux liens avec le monde, a lancé le président Obama. A mes concitoyens, avec les progrès que nous avons réalisés, des Américains qui rentrent à la maison et l’Iran qui a renoncé à son programme nucléaire, nous avons la preuve de ce que nous pouvons réussir en alliant la force à la sagesse. » Même s’il s’agit de progrès historiques, il ne faut pas crier victoire trop vite. Le président des Etats-Unis est remis en cause pour sa « naïveté » par l’opposition Républicaine. Ceux-ci ont aussi annoncé qu’en cas de victoire de leur Parti aux élections présidentielles, l’accord serait caduc. Pour Thierry Coville, « L’Iran s’est rapprochée de l’Occident, mais l’hostilité entre Téhéran et les Etats-Unis est encore bien vive. Par contre, les relations diplomatiques avec l’Europe s’améliorent nettement, notamment avec la France. En revanche, il ne faudrait pas que l’amélioration des relations diplomatiques ne se cantonnent au secteur économique et à la vente d’armes ».

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MEMOIRE

MEMOIRE

Près de Verdun, un maire sans village

Dans le village détruit de Fleury le 8 janvier 2015. Le Maire, Jean-Pierre Lappara, montre du doigt une statue commémorative l’endroit où les corps de plusieurs soldats ont été retrouvés et deterrés il y a quelqes. © Louis Witter

Chaque pylône blanc indique le lieu où se trouvait une habitation, un commerce ou une ferme. © Louis Witter Le sol est ondulé à cause des bombardements de la première guerre mondiale.© Louis Witter

Des petits chemins permettent aux visiteurs de voir l’organisation du village. © Louis Witter

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CULTURE MEMOIRE

Arte : l’art et la maniere de surprendre

Fleury : ni village, ni habitant, mais un maire à sa tête A la veille des commémorations de la bataille de Verdun, qui auront lieu à partir de la mifévrier, une question se pose : qu’est devenue cette zone après un siècle de paix ? A Fleury, petit village proche de Verdun et détruit par les combats, il n’y a ni maison, ni habitant. Mais un maire, passionné par sa tâche d’édile sans administré. g par Louis Witter

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u bord de la départementale 913 en Lorraine, qui longe l’ossuaire de Douaumont et se perd dans la forêt domaniale de Verdun, un panneau indique l’entrée du village de Fleury. Ce 8 janvier, une voiture se gare sur le côté boueux. Un homme d’une soixantaine d’années en descend, gapette vissée sur la tête. JeanPierre Lappara est maire de ce village depuis le décès de son père dans les années 2000, qui lui même était maire. « En 1914, Fleury était un village typique de Lorraine, vivant principalement de l’agriculture. Il comptait à la veille de la guerre environ quatre-cents habitants, qui ont vu l’arrivée massive de travailleurs polonais et italiens venus renforcer la main d’œuvre pour construire les forts de l’est de la France, face à la menace allemande grandissante » commence le maire, habitué à ce genre d’exercice. « Alors que les combats font rage dans la Woëvre, les premiers habitants décident de partir, persuadés que l’ennemi va arriver jusqu’à eux. Finalement, le 20 ou 21 février 1916, tous les villageois sont enjoints à quitter les lieux par l’armée française. Le village passe sous contrôle militaire, la zone devient alors interdite aux civils » continue JeanPierre Lappara, posant un regard passionné sur les petits pylônes disposés ça et là. « Ces bornes de pierre indiquent tous les lieux du village. Ici il y avait un boulanger par exemple, là bas une ferme, puis l’église un peu plus bas. C’était un véritable petit village. Dur de l’imaginer aujourd’hui car il n’y a plus rien, mais il y avait une rue principale, et des petites ruelles ». Le 23 juin 1916, les Allemands lancent l’offensive contre la bourgade de Fleury, porte d’entrée

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stratégique dans Verdun. En un très court laps de temps, 90 000 tonnes d’obus vont s’abattre sur les maisonnettes vides. La bataille aura duré 300 jours, 300 nuits et aura fait 300 000 morts. Le village de Fleury sera finalement repris par les Français, en même temps que le fort de Douaumont. Il n’en restera plus rien, tout comme huit autres villages de la zone. Seul à faire vivre la mémoire de ce village et son histoire, Jean-Pierre Lappara est maire, mais n’a ni habitant, ni maison à gérer. Nommé par le préfet, ses tâches quotidiennes en tant qu’édile sont avant tout techniques et mémorielles. Refaire les panneaux historiques, les rendre plus ludiques, le Maire est avant tout un passionné d’Histoire qui ne souhaite pas voir sa commune sombrer dans l’oubli.

« Ma tâche est aussi d’offrir un lieu de mémoire paisible aux gens qui viennent se recueillir. On tond un peu à l’américaine, on nettoie… Puis j’essaye un maximum de me mettre à disposition du public, pour organiser la visite de ces lieux ». Pour Jean-Pierre Lappara, la vision de la mémoire dans la jeunesse a changé. « Dans les années soixante-dix, les jeunes venaient ici avec leur classe et prenaient ça à la rigolade, comme la sortie plein air ». Aujourd’hui, le maire constate chez les jeunes un réel regain d’intérêt pour leur Histoire, et celle de leurs voisins allemands. Pour le 29 mai 2016, jour de la commémoration, les organisateurs pensent à faire venir des chorales d’enfants pour interpréter des chants de paix du monde entier.

Le Maire, Jean-Pierre Lappara, devant la chapelle reconstruite du village. © Louis Witter

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CULTURE

Le septième canal de la TNT enregistre une nouvelle hausse d’audience. En 2015, Arte réussit à atteindre 2,2%, un chiffre élevé pour la chaine qui a toujours su se distinguer sans pour autant faire l’unanimité. . g par Leo Chabannes de Balsac

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es chiffres sont formels  : Arte et France 5 ont vu leur audimat augmenter en 2015 quand les autres chaines nationales ont du mal à garder la tête hors de l’eau. TF1 conserve difficilement sa place de première chaine de France. Depuis sa création en 1991, la chaine européenne Arte est réputée pour diffuser documentaires et films à la pelle. Seulement pendant quinze ans, c’était surtout la chaine des grands esprits, un canal jugé élitiste par la plupart mais culturel par tous. On lui reprochait, à juste titre, de consacrer trop de temps aux souvenirs douloureux de la Seconde Guerre mondiale. Grâce à quelques programmes inédits, Arte a tenté pendant des années de remonter dans l’estime de son public. En 1997, l’émission Tracks devient un rendez-vous musical. S’ensuivent les soirées Thema et en 2008 les Summer Of qui ponctuent l’été. Malgré tout, la chaine ne connait que de courts succès qui ne suffisent pas à en faire une référence. Pourtant elle a tout pour réussir. Arte France est détenue à 45% par France Télévisions, à 25%

Siège d’Arte ©Pixabay

par l’Etat français, à 15% par Radio France et à 15% par l’INA. En 2011, elle fait peau neuve grâce à un nouveau président. Véronique Cayla succède à Jérôme Clément et impose une vision moderne pour la chaine.

Moderniser sa singularité Il aura fallu deux ans à la nouvelle présidence pour obtenir des résultats plus que satisfaisants. Arte devient une chaine ouverte, moins hautaine et se lance concrètement à la conquête de nouveaux téléspectateurs. Le documentaire reste une composante essentielle (45% du temps de diffusion), mais de nouveaux programmes apparaissent. Arte propose des séries internationales inédites et des émissions culturelles travaillées. Tracks et les Summer Of font désormais partis des incontournables de la chaine. Parmi les chantiers mis en oeuvre, l’information s’ouvre à un panel de programmes plus large avec de l’investigation. Arte n’hésite pas à couvrir tous les sujets qui

l’intéressent. Le documentaire sur Daesh a cumulé 3 millions de téléspectateurs lors de sa diffusion. « Notre public nous fait confiance sur les grandes enquêtes. Il ressent que nous ne sommes pas soumis à des pressions, justifie Véronique Cayla, présidente d’Arte France pour Le Monde. Nous avons aussi l’avantage de ne pas faire de publicité et de peu traiter de politique nationale. » Plus ancré dans l’actualité, Arte offre des émissions concises mais précises et ses journaux télévisés conservent leur ligne éditoriale axée sur la politique étrangère. Ces programmes ont vu leur audimat augmenter de 11% cette année. L’objectif est immuable, rester la chaine singulière du PAF : « 80% de nos programmes sont européens et 85% de notre cinéma est fait de films d’art et d’essai. Aucune de nos séries n’est américaine, précise Véronique Cayla. Avec ces ratios, nous marquons notre différence ». Le cinéma lui aussi a changé. La chaine se base sur des partenariats avec de grands évènements culturels : un cycle Martin Scorsese était par exemple proposé en parallèle de l’exposition dédiée au réalisateur à la Cinémathèque. Les films grand public sont davantage diffusés, avec toujours une sélection pointue à l’esprit : « Regarder Arte en famille n’est toujours pas un réflexe, ce qui explique certains choix de films plus actuels », rappelle Véronique Cayla dans les colonnes du Monde. Arte c’est aussi et surtout un bouillon de culture, mariant la France et l’Allemagne à la télévision. Depuis septembre dernier, tous les programmes sont également traduits en espagnol et en anglais. Ces cinq dernières années, les audiences ont augmenté de 50% en France. En 2016, le nouveau directeur éditorial de la chaine, Bruno Patino, compte bien continuer sur cette lancée. Arte est toujours unique et trouve doucement mais sûrement sa place dans le paysage audiovisuel français.

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CULTURE

CULTURE

Mafia et cinéma : lequel s’inspire de l’autre ? D’Al Capone à El Chapo, le grand écran inspire depuis toujours le crime organisé. L’un singeant l’autre, et vice-versa. Toutefois, l’exercice montre ses limites. g par Jules Fobe

Samuem. Jackson interprète Jules Winnifield dans Pulp Fiction de Tarantino © DR

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Al Pacino dans le film mythique « Scarface » © Brian De Palma

a nouvelle a rapidement fait le tour du monde. La star de Hollywood Sean Penn et le chef du cartel mexicain de Sinaloa, Joaquin "El Chapo" Guzman, se sont rencontrés en octobre dernier pour une interview. Toutefois, cette information ne pouvait étonner quiconque connait la logique des boss d'organisations criminelles de ce genre : El Chapo aimait l'idée que l'on réalise un film sur lui-même.

Une effigie qui leur convient Comme l'écrit le journaliste et écrivain Italien Roberto Saviano dans son livre à succès Gomorra, « on a tendance à croire que le monde cinématographique s'inspire de la vie des criminels, alors que c'est souvent l'inverse. » De cette façon, ils peuvent guider leur propre représentation à leur avantage. Le but est montrer une facette "héroïque" et, donc, leurs

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victoires sur l'autorité et sur la loi. C'est en partie pour cela que depuis les débuts du cinéma, du Mexique jusqu'en Italie, les organisations criminelles ont inspiré de nombreux films. Al Capone, le gangster américain, fût le premier à le faire. C'est précisément son surnom, "Scarface", le balafré, qui donne le titre du film de Howard Hawks en 1932. À plusieurs reprises, le boss de Chicago envoyait certains de ses hommes sur le tournage, pour vérifier le portrait que le réalisateur allait en tirer. Plus tard, il aurait défini le film de "terrible kid’s stuff", c'està-dire "un truc de gamins". Pourtant, c'est une autre version de Scarface, sortie en 1983 et réalisée par Brian De Palma, qui a le plus inspiré les mafieux du monde entier. Le boss Toni Montana y est interprété par Al Pacino. « Ce film a changé la façon dont ils voulaient être vus », écrit Saviano. « À Naples, cela ne s'arrête pas à l'architecture de leurs villas.

Certains ont même des tigres et des lions dans leur jardin, tout comme Montana. »

Des vies de film Dans l'interview publiée par le magazine américain Rolling Stone, non seulement El Chapo ne nie pas être un narcotrafiquant, mais il se vante d'être le plus puissant: « J'ai fourni plus d'héroïne, de méthamphétamine, de cocaïne et de marijuana que n'importe qui au monde. J'ai une flotte de sous-marins, d'avions, de camions et de bateaux. » Il raconte également comment il recycle ses narco-dollars, un secret habituellement gardé par les boss mafieux. Sean Penn cite ainsi John Gotti, ancien chef du clan Gambini à New York, qui insistait sur le fait qu'il était un simple homme d'affaires. On pourrait aussi citer Pablo Escobar, ou le patron de la mafia russe Semion

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Mogilevitch, qui disaient gagner leur argent en exportant des fleurs ou du blé. El Chapo, lui, loue ses capacités criminelles. Et il le fait car il sait que sa vie pourrait devenir un grand film. Il est certain que le monde sera ébloui par l'épopée d'un homme capturé, puis évadé à maintes reprises. Qui peut le nier ? Le 8 janvier dernier, les soldats de la Marine mexicaine pénètrent dans sa dernière cachette, à Los Mochis, sur la côte Pacifique. Ils y trouvent notamment un livre, ZeroZeroZero (le troisième livre de Roberto Saviano sur le trafic mondial de cocaïne), et des dvd de La Reina del Sur, une série télévisée inspirée de la vie d'une femme à la tête d'un cartel au Mexique. Ironie de l'histoire, celle-ci est interprétée par Kate Del Castillo, l'actrice qui a mis en relation El Chapo et Sean Penn.

Les nouveaux "parrains" Et ce n'est pas tout. Après les premiers films de Tarantino, les membres de la Camorra, la mafia napolitaine, semblaient avoir oublié comment tirer. Dans Gomorra, Saviano explique « qu'ils ne tenaient plus le pistolet droit, mais le tournaient à plat, comme dans ses films. » Comme dans ses films. Cependant, cela avait pour conséquence de toucher souvent les jambes ou le bas ventre, les obligeant à achever leurs victimes avec plusieurs coups de feu. Le cinéma n'imitait plus la vraie vie.

Il l'influençait. On pourrait prendre l'exemple de Romeo et Giuseppe, deux mineurs tués en 2004 à cause de leurs meurtres trop fréquents, qui agaçaient les boss de la Camorra. Avant de tirer, ils répétaient le passage de la Bible prononcé par Jules Winnfield dans Pulp Fiction: « La marche des vertueux est semée d'obstacles qui sont les entreprises égoïstes que fait sans fin surgir l'œuvre du Malin. (…) Et tu connaîtras pourquoi mon nom est l'éternel quand sur toi s'abattra la vengeance du Tout-Puissant! » Le cinéma introduit des langages nouveaux. Dans les mafias italiennes, le mot "parrain" n'était pas utilisé avant la sortie du film de Francis Ford Coppola en 1972. Avant cela, on parlait de "compère". Luciano Liggio, chef de Cosa Nostra jusqu'à la moitié des années '70, se faisait prendre en photo les mâchoires bien serrées, tout comme Don Vito dans le film. Ou encore Bernardo

Provenzano, héritier de Toto Riina, "le chef de tous les chefs", notamment connu pour son rôle de commanditaire dans les assassinats des juges antimafia Giovanni Falcone et Paolo Borsellino en 1992. Recherché partout en Sicile, il n'avait pas hésité à se rendre à la projection du troisième volet du Parrain, dans un cinéma du centre de Palerme, au début des années ‘90, au risque de se faire arrêter. Que faut-il donc faire? Il est évident que le cinéma doit continuer à tourner des films sur le crime organisé. C'est un monde qui doit être raconté. Un monde où gagne celui qui ne craint pas la prison, ni la mort, dans le but d'obtenir toute forme de pouvoir et de respect. Toutefois, il faut faire attention à ne pas idolâtrer la mafia sur le grand écran. Car si ce dernier s'est longtemps inspiré de la vie des criminels, il semblerait avoir produit l'effet inverse aujourd'hui.

La trilogie du Parrain a inspiré les plus grands boss mafieux © youtube.com

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CULTURE

Le design français en vitrine d’une exposition Savoir-faire, création, innovation. Trois compétences requises pour faire partie de l’aventure de la plateforme Valorisation de l’Innovation dans l’Ameublement (VIA) qui se tient jusqu’au 14 mars prochain à la Galerie VIA, à Paris. g par Orianne Vialo

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rée en 1979 par le Comité de développement des industries françaises de l’ameublement et du bois (Codifab) avec le soutien du ministère de l’Industrie, VIA permet depuis presque quarante ans de révéler de nouveaux talents et surtout de promouvoir l’innovation dans le secteur de l’aménagement, du cadre de vie en France ainsi qu’à l’étranger. Le programme, divisé en trois catégories (une Carte Blanche, un Projet partenarial et six Aides à projet) finance cette année quatorze prototypes originaux et novateurs. En plus d’apporter une visibilité non-négligeable aux lauréats, cette exposition permet aux designers français de l’Exposition VIA Design de rencontrer avec des professionnels du milieu : directeurs artistiques, industriels, distributeurs et autres designers.

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dans la conception de son projet, rapidement repéré par le programme d’Aides à projets VIA. « Je souhaite fournir un produit destiné à toute personne désireuse d’avoir recours à des alternatives efficaces pour revenir à des habitudes plus traditionnelles, moins robotisées ». Si Audrey Bigot souhaite laisser de côté l’électroménager, l’entreprise Alpha Foxtrot, elle, redouble d’inventivité avec son enceinte ultradirectionnelle à l’allure futuriste.

Des enceintes 3.0 Diffuser de la musique dans des lieux publics sans toutefois gêner ceux qui ne souhaitent pas l’écouter : voici le pari que se sont lancés les startups françaises Alpha Foxtrot, boite de design créée par Axel Morales et Fanny Serouart, et Akoustic Arts, agence de conseil en stratégie sonore. Et ils ont relevé le challenge. « Nous avons conçu le design de notre enceinte « Mire » tandis qu’Akoustic Arts a apporté son expertise technologique au produit » explique Alex Morales. Amateur de musique, le jeune homme a en effet remarqué qu’il devait trop souvent s’isoler pour écouter ses morceaux fétiches, qui ne sont pas forcément au goût de ses proches. « Notre but était avant tout de créer un produit qui permettrait de diffuser de la musique dans une pièce où se trouvent plusieurs personnes

Le réfrigérateur s’offre une seconde jeunesse Avec ses allures de desserte de cuisine surmontée de pots de fleurs, le rafraîchisseur domestique imaginé par Audrey Bigot ne ressemble en rien au réfrigérateur que l’on connaît. Composé de deux cuves de faïences montées sur un chariot à roulettes, l’invention d’Audrey Bigot, qu’elle a surnommé l’Îlot, révolutionne le principe de conservation des aliments. Une première cuve en céramique remplie de sable humidifié encercle une seconde, plus petite, dont le contenu est rafraîchi de dix à quinze degrés. Ce procédé, rendu possible par l’évaporation de l’humidité du sable, permet ainsi de conserver plus longtemps les denrées que l’on place à l’intérieur des contenants Directement inspiré des frigos du désert utilisés depuis près d’une centaine d’années par les nomades,

CULTURE

Il suffit d’orienter l’enceinte vers quelqu’un pour qu’il perçoive un son © VIA 2016 - Colombe Clier

sans que les non-utilisateurs ne soient importunés par les nuisances sonores » détaille-t-il. Véritables pionniers dans le milieu, les deux entreprises ont réussi à concevoir un objet qui ne ressemble en rien aux enceintes déjà en vente sur le marché de l’acoustique. Le produit « Mire » est composé de quelques 200 minuscules hautparleurs qui ont la particularité de diffuser des sons dans un rayon de seulement cinquante centimètres de diamètre.

Il suffit d’orienter l’enceinte vers quelqu’un pour qu’il perçoive un son, alors que son voisin, lui, n’entendra rien du tout. Pour le moment le designer estime que ce dispositif conviendrait davantage à un usage « professionnel », avec une utilisation de cette enceinte dans des lieux publics comme des centres commerciaux, des musées ou des aéroports. Néanmoins les mélomanes les plus aguerris peuvent d’ores et déjà essayer ce prototype en se rendant à l’exposition de la Galerie VIA.

« CARTES BLANCHES » POUR LES CRÉATIONS DES DESIGNERS Le rafraîchisseur domestique d’Audrey Bigot fonctionne sans énergie © VIA 2016 - Colombe Clier

ce réfrigérateur ne consomme aucune énergie. « Mon challenge était de réaliser un objet qui fonctionnait sans énergie, avant tout pour voir si l’on pouvait se passer de l’électroménager en usant de solutions qu’on avait peu à peu oubliées. J’ai voulu m’appuyer sur des techniques ancestrales pour créer un produit adapté à nos modes de vie contemporains ». Comme le fait remarquer la créatrice, l’invention du réfrigérateur a complètement bouleversé nos habitudes et nos modes de consommation. Autrefois, les denrées les plus périssables étaient placées dans des endroits frais comme des selliers ou des caves, ce qui permettait de conserver les qualités gustatives

des aliments. Désormais fruits et légumes, viande, chocolat, gâteaux… tout passe par la case frigo. Et plus par automatisme que par réel besoin d’être réfrigéré. « Je me faisais continuellement la réflexion que placer fruits et légumes au réfrigérateur avait tendance à les priver de leur saveur. Mais sans autre alternative pour les conserver, je continuais à le faire ». Jusqu’au jour où la jeune femme se retrouve à récurer son bac à légumes taché par des restes de légumes écrasés tout au fond du compartiment : « Fini la ratatouille dans le bac à légumes, j’avais trouvé la solution à tous mes problèmes ! ». Ni une ni deux, la designer se lance

La lanterne, un autre éclairage sur l’actu

Autre pierre angulaire du programme d’Aides à la Création VIA, le projet « Cartes Blanches » permet à des designers triés sur le volet en fonction de leur originalité et de la maturité de leur démarche créative de bénéficier d’une bourse. Celle-ci permet au créateur de développer un projet personnel qui consistera à élaborer un programme d’aménagement de nos activités quotidiennes. Chargé du projet 2016, Gilles Belley a imaginé trois pièces qui pourraient prendre la forme de meubles et inversement, en jouant avec la courbure des matériaux, et sur des systèmes de double cloisons afin de rendre possible l’isolement. Les trois meubles peuvent être placés librement dans les pièces de la maison, afin de créer une « pièce dans la pièce », à la manière d’un véritable espace privatisé. Cette plateforme, qui représente bien souvent un tremplin dans la carrière des jeunes designers a permis de propulser certains d’entre eux sur la scène nationale et internationale, à l’image de Philippe Starck, Pascal Mourgue, les frères Bouroullec, Matali Crasset ou encore Patrick Jouin. Il y a cinq ans, le Centre Pompidou célébrait tous ces créateurs dans sa rétrospective « Via Design 3.0 », qui permettait de retracer l’évolution du mobilier contemporain des trente dernières années. Depuis sa création, le programme VIA a financé quelques 493 prototypes et attribué pas moins de soixante-dix Cartes Blanches à de jeunes créateurs.

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SPORT

Sextape, quand l’avocat Zidane défend Benzema

A la suite de l’affaire dite de la «sextape», Karim Benzema a été temporairement écarté de l’équipe de France. Son entraîneur au Real Madrid, Zinédine Zidane, est monté au créneau pour défendre son joueur. Et quand l’ancien capitaine des Bleus s’exprime, il est souvent écouté.

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g par Antoine Grasland

145 jours de l’Euro, Zinédine Zidane a parlé. Alors que Karim Benzema, «n’est pas sélectionnable» selon la FFF, il est en pleine bourre sous les ordres du nouveau coach français. S’il fallait mettre en avant un joueur cette saison dans le secteur offensif madrilène, c’est bien Benzema. L’ancien Lyonnais réalise un exercice 2015/2016 de grande qualité, affichant une régularité stupéfiante et s’affirmant comme un élément indispensable du célèbre trio BBC. «La France ne peut pas se permettre de se passer d’un joueur comme Benzema… », affirmait Zidane en conférence de presse après sa victoire contre Gijón (5-1). Le pavé est jeté. Mais l’ex-numéro 10 des Bleus ne s’est pas arrêté là : «Quand on voit ses statistiques, quand on voit ce qu’il fait sur le terrain, forcément on n’a pas envie de laisser un footballeur de ce niveau de coté. Moi, en tout cas, à Madrid, je pourrais difficilement me passer

d’un joueur comme Karim, car, en plus des buts qu’il marque, il est juste impressionnant et à tous les niveaux». Et on peut difficilement donner tort à Zizou, les statistiques du numéro 9 madrilène parlent pour lui : 16 buts en 15 rencontres de Liga (meilleur ratio but/matchs du championnat), pour une passe décisive. Le tricolore accomplit peut-être la meilleure saison de sa carrière, et comme le dit coach Zinédine : «C’est un joueur important. Il peut apporter beaucoup de choses à l’équipe et je ne regarde que l’aspect sportif. J’espère qu’on ne regardera que cet aspect-là. Se passer d’un joueur comme ça, cela peut être compliqué ». Avec un avocat de ce calibre, la FFF ne peut pas faire la sourde oreille.

Le Graët à la barre Et l’appel du pied a bien été entendu. Noël Le Graët, le président de la FFF (Fédération française de football)

L’entraîneur du Real Madrid, Zinedine Zidane s’est exprimé pour défendre Karim Benzema qui réalise une excellente saison © Maxifoot

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s’est exprimé lundi, lors d’une interview accordée au magazine

« La France

ne peut pas se permettre de se passer d’un joueur comme Benzema… » , Zinedine Zidane. L’Equipe Enquête. Hasard ou pas, l’interview a été diffusée le lendemain des déclarations de Zinédine Zidane, et l’avis de Le Graët est tout tranché : «Ceux qui disent que cela a été mal géré (NDLR : l’affaire de la sextape), cela les regarde, affirmet-il notamment. Nous, on est bien dans nos baskets. Cette affaire est navrante, elle nous gêne mais il y a de l’affection. Parce que j’aime bien Benzema, on a l’impression que je deviens quelqu’un de malhonnête. Il faut dire quoi ? A mort l’Arabe ? Qu’est-ce que c’est que tous ces gens qui m’écrivent pour me dire «Benzema dehors» ? Certainement pas. Je gère cette affaire comme je l’entends». En attendant d’en savoir davantage sur les suites judiciaires de cette affaire qui lie Mathieu Valbuena et Karim Benzema, mis en examen en novembre, le patron du foot français laisse un espoir à l’attaquant de participer à l’Euro : «Peut-être que j’ai ce côté-là, défendre un peu l’indéfendable, ça m’arrive. Mais je n’ai jamais vu un tel traitement (NDRL : médiatique). Jamais».

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SPORT

Nuit de folie en NBA Le 18 janvier 2016 marquait, aux Etats-Unis, le Martin Luther King Day, un jour férié en hommage à la naissance du prix Nobel de la Paix à Atlanta. Une naissance que la ligue nationale de basket américaine (NBA) célèbre chaque année par un programme exceptionnel.

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g par Charles de Jouvenel

ix rencontres au programme pour près de 12 heures consécutives de basket. Le marathon prévu par la NBA comportait certaines affiches alléchantes, comme le déplacement du champion en titre, les Golden State Warriors sur le parquet des Cleveland Cavaliers, finalistes malheureux la saison dernière. Une rencontre marquée par l’insolente réussite des Warriors, menés par un Stephen Curry, MVP (meilleur joueur) de la saison passée et auteur de 35 points à 12 sur 18 aux tirs. Jamais les Cavaliers n’auront paru en mesure de revenir dans une rencontre où ils ont été dominés de A à Z. Score final : 132 – 98 pour les joueurs de la baie de San Francisco. Un scénario que « nul n’aurait pu imaginer » aux yeux de Jacques Monclar, présentateur vedette du basket en France. L’autre affiche attendue proposait un remake des demi-finales de la Conférence Ouest de la saison dernière, une opposition entre les Clippers de Los Angeles, et les Rockets de Houston. Le match, très serré, s’est joué en prolongation. J. J. Redick, exceptionnel à longue distance (9 tirs réussis sur 12 à trois points) et auteur de 40 points, a permis aux « Angelinos » de s’imposer 140 – 132.

Les « petites équipes » font le spectacle Le début de la soirée a offert plusieurs affiches jugées moins intéressantes, mettant aux prises des franchises de moindre niveau. Et pourtant, quel spectacle. Ce Martin Luther King Day est entré dans la légende par le niveau et la compétitivité des rencontres proposées. Ainsi, l’opposition entre les New York Knicks et les Philadelphie Sixers, mais aussi celle entre le Jazz d’Utah et les Hornets de Charlotte ont chacune nécessité deux prolongations pour désigner un vainqueur. Les Knicks se

De nombreux hommages à Martin Luther King ont été rendus © ESPN

défaisant des joueurs de la « cité de l’amour fraternel » 119 – 113 après un scénario haletant et grâce à la superbe prestation d’Arron Afflalo, 25 points. De leur côté, les Hornets ont pu compter sur les 52 points (record en carrière) de Kemba Walker, pour triompher du Jazz du Français Rudy Gobert (14 points, 14 rebonds) sur le score de 124 – 119. Un peu plus tard, c’est la rencontre entre les Mavericks de Dallas et les Celtics de Boston qui s’est joué en prolongation, les Texans s’appuyant sur le très gros match de leur légende allemande Dirk Nowitzki (30 points) pour finalement l’emporter 118 – 113. Au rang des rencontres indécises, il convient aussi de mettre en exergue le match opposant les Grizzlies de Memphis aux Pelicans de la Nouvelle-Orléans. Serrée pendant trois quarts-temps, la rencontre s’est décantée suite à la montée en puissance de la défense des joueurs du Tennessee, finalement vainqueurs sur le score de 101 à 99, grâce notamment aux 16 points du pivot espagnol Marc Gasol. Les Raptors de Toronto ont pour leur part triomphé des Nets de Brooklyn (112 – 100) au terme d’une rencontre accrochée, dont l’issue s’est décidée dans le quatrième quart-temps sous

l’impulsion de leurs deux vedettes, Kyle Lowry (31 points) et Demar Derozan (30 points). Dans la dernière rencontre accrochée, les Chicago Bulls ont triomphé, 111 – 110, des Pistons de Detroit sous les yeux du commissaire de la NBA, Adam Silver, . Le match, joué sur un rythme effréné, a vu les Bulls faire la différence dans les dernières minutes grâce aux 31 points du pivot espagnol Pau Gasol.

Tout ne fut pas parfait Il aurait été trop beau d’espérer que l’intensité constatée dans les rencontres précédemment citées serait de mise tout au long de la soirée. Ce fut presque le cas, mais deux matchs ont finalement échappé à cette compétitivité. Le premier a vu les Wizards de Washington sombrer sur leur parquet face aux Blazers de Portland, menés par un C.J McCollum auteur de 25 points. Du côté de la franchise de la capitale, il convient de signaler la prestation indigne de John Wall, élu lundi joueur de la semaine et auteur de 9 points. Enfin, le collectif des Hawks d’Atlanta a broyé les velléités du Magic d’Orlando sur le score de 98 – 81 dans un match sans aucun suspense.

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Paris truqués : le tennis au cœur de la tourmente

Après les scandales de corruption et de dopage qui secouent respectivement la FIFA et l’IAAF, c’est au tour du tennis de se retrouver dans l’œil du cyclone. La BBC et BuzzFeed affirment que l’ATP a couvert des joueurs du Top 50 soupçonnés d’avoir truqué des matchs au profit de groupes de parieurs. g par Maxence Fabrion

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imanche 17 janvier, sur les coups de 23 heures, la BBC et BuzzFeed lâchent une bombe sur la planète tennis. L’Open d’Australie, premier tournoi du Grand Chelem de la saison, doit débuter deux heures plus tard. Les deux médias affirment, documents confidentiels à l’appui, que l’ATP, l’instance dirigeante du tennis masculin, aurait sciemment ignoré des informations révélant des trucages lors de matchs disputés sur le circuit. Plus de 70 joueurs de tennis, dont la plupart appartenant au Top 50, sont suspectés. De plus, au sein de cette liste, plusieurs vainqueurs de titres du Grand Chelem, en simple ou en double, sont concernés. Au terme d’une enquête qui s’est appuyée sur l’analyse de paris enregistrés sur pas moins de 26 000 matchs lors de la décennie écoulée, un groupe de 16 joueurs a émergé. Ce noyau dur aurait concédé des défaites de manière récurrente lorsque des paris étaient enregistrés contre eux. Un membre du Top 50 est même soupçonné de truquer très régulièrement son premier set. Pourtant, aucun de ces joueurs n’a jamais été inquiété. Huit d’entre eux étaient sur la ligne de départ de l’Open d’Australie cette semaine, selon la BBC et BuzzFeed.

L’ATP botte en touche Si les soupçons de corruption sur les circuits secondaires (Challenger et Future) ne laissent plus de doutes sur la réalité des matchs truqués depuis des années, l’onde de choc serait beaucoup plus forte cette fois. En effet, les principaux tournois seraient touchés par cette vaste affaire de paris truqués, dont les tournois du Grand Chelem. BuzzFeed rapporte ainsi que trois matchs suspects ont été disputés à Wimbledon. Une autre rencontre douteuse se serait également déroulée à Roland-Garros. En outre, un rapport confidentiel adressé en 2008 aux instances

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cela jette une ombre sur notre sport. » Toujours est-il que la Russie est un pays qui revient régulièrement dans les bouches. Egalement interrogé sur cette affaire au micro de France Info, Arnaud Clément a confié qu’il avait été approché par un individu au cours de sa carrière dans l’optique de perdre volontairement une rencontre. Une requête déclinée par le Français mais qui jette le discrédit sur l’éthique du tennis et des paris sportifs.

Des réseaux décelés en Italie, en Russie et en France

Un scandale de matchs truqués secoue le tennis masculin en plein Open d’Australie © Pexels.com

dirigeantes du tennis mondial révèle que 28 joueurs étaient déjà pointés du doigt pour leur implication dans des matchs truqués. Pourtant, aucune investigation n’a été diligentée, laissant le champ libre aux pratiques frauduleuses au sein de la sphère tennistique. Toutefois, la mascarade ne s’arrête pas à ces constats accablants. Plus effarant encore, la Tennis Integrity Unit (TIU), instance indépendante chargée de lutter contre la corruption dans le tennis, aurait été mise au courant de ces pratiques illégales. L’organisme aurait même reçu plusieurs alertes sur trois joueurs en particulier. De quoi sanctionner les fautifs ? Que nenni. Une inaction coupable qui jette le trouble sur la transparence des organes vitaux du tennis masculin. Lors de la première journée de l’Open d’Australie, ce lundi, Chris Kermode, le président de l’ATP, n’a pas tardé à sortir de son silence pour réagir à ces révélations fracassantes. « Notre approche, c’est la tolérance zéro envers toute forme de corruption. Nous ne sommes pas complaisants, nous sommes vigilants », a-t-il affirmé. Avant de clamer : « Les autorités du tennis rejettent toute allégation selon laquelle des preuves de trucage de matchs auraient été cachées ou ne feraient pas l’objet d’une enquête approfondie. »

Circulez, il n’y a rien à voir.

Djokovic et Clément approchés pour perdre un match Directement visés par ces révélations détonantes, les joueurs n’ont évidemment pas pu échapper aux questions dès leur sortie du court à Melbourne. Et les langues se sont rapidement déliées en conférence de presse, à l’image de Novak Djokovic. Le Serbe a confirmé qu’il avait été approché en 2007 pour perdre un match, lors du tournoi de SaintPétersbourg. « J’ai été approché indirectement par l’intermédiaire de gens qui faisaient partie de mon équipe à l’époque », a-t-il expliqué devant les journalistes, confirmant ainsi un épisode qu’il a déjà évoqué à plusieurs reprises par le passé. 200 000 dollars auraient été proposés au No. 1 mondial pour perdre son premier tour en Russie. « Évidemment, nous avons immédiatement dit non », a affirmé le quintuple vainqueur de l’Open d’Australie. Avant de minimiser la portée des investigations menées : « Les gens essaient de deviner de qui il s’agit. Mais il n’y a pas de preuves concernant des joueurs en activité. Tant que cela reste comme ça, ce ne sont que des spéculations. Je ne pense pas que

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Les révélations des deux médias anglo-saxons mettent en lumière des réseaux basés dans le nord de l’Italie, en Sicile, en Russie ainsi qu’en France où les enquêteurs ont identifié une organisation de moindre importance. Selon BuzzFeed, le mode opératoire utilisé par les représentants des syndicats de paris clandestins est simple. Les joueurs soupçonnés de truquer leurs matchs étaient directement contactés dans leurs chambres d’hôtel, en marge de

Nikolay Davydenko a été impliqué dans un match suspect à Sopot (Pologne) en 2007 ©Wikipédia.

tournois auxquels ils étaient inscrits. Sollicités, les joueurs se voyaient alors offrir des sommes astronomiques pouvant aller jusqu’à 46 000 euros. Devant la gravité de l’affaire, les joueurs réclament des noms, Roger Federer en tête. « Qui ? Quoi ? C’est jeté comme ça. C’est facile. J’aimerais entendre des noms. Au moins, ce serait concret et on pourrait en débattre. Cela n’a aucun sens de donner une réponse qui serait pure spéculation », s’est agacé le Suisse.

L’ancien No. 1 mondial devra s’armer de patience car la BBC et BuzzFeed ne souhaitent pas révéler l’identité des joueurs concernés. « Sans accès à leur téléphone, leur compte bancaire et leur ordinateur, ce n’est pas possible de déterminer s’ils ont personnellement été impliqués dans un match truqué », expliquent les deux médias. Voilà qui ne devrait pas éteindre de sitôt l’incendie de la corruption au sein du tennis alors que la saison ne fait que débuter.

DAVYDENKO-VASSALLO ARGÜELLO, LE POINT DE DÉPART DE L’ENQUÊTE Au sein des investigations révélées dimanche dernier par la BBC et BuzzFeed, une rencontre retient particulièrement l’attention. Il s’agit d’un match entre Nikolay Davydenko et Martin Vassallo Argüello au tournoi de Sopot, en Pologne. C’était le 2 août 2007. Tenant du titre et alors No. 4 mondial, Davydenko est logiquement le grand favori face au 87ème mondial. Le début du match confirme l’écart au classement. Le Russe remporte facilement le premier set 6/2 et fait le break dans la deuxième manche. Jusque-là, rien d’anormal. Sauf qu’en coulisses, Betfair, un site web de paris en ligne britannique, a tiré la sonnette d’alarme depuis quelques minutes. Plusieurs centaines de milliers de livres sterling ont été misées sur une victoire de Vassallo Argüello. Malgré le scénario de la rencontre, les parieurs misent jusqu’à 4,7 millions d’euros sur le modeste Argentin ! Une somme dix fois supérieure au montant habituel pour un match de ce calibre. Comme par magie, la physionomie du match bascule brutalement. Davydenko se plaint de la cheville puis de l’orteil. Il concède le deuxième set 6/3 et jette l’éponge après trois jeux dans la manche décisive. Jackpot… ou pas, puisque les paris ont été bloqués. Conscient de la mascarade, le chef de la cellule anti-corruption de Betfair à Londres a alerté l’ATP. Tous les paris liés à ce match ont finalement été annulés. Dans la foulée, une enquête a été diligentée. Malgré l’évidence du trucage de la rencontre, les deux joueurs ont été blanchis. Pourtant, les preuves d’une manœuvre frauduleuse ne manquent pas. Davydenko a notamment refusé de transmettre son téléphone aux enquêteurs et 82 messages échangés entre Vassallo Argüello et un parieur sicilien, Fabrizio Guttadauro, ont été découverts.

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