La lanterne j3 spé presse écrite semaine du 7

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La Lanterne Un autre éclairage sur l’info

Tout savoir sur la cop21 en 10 pages Dossier Irak : Un voyage au coeur de la vie du

Sinjar

Régionales : le point sur l’entre-deux tours

N°1 - Jeudi 10 décembre 2015 - 3,50€



SOMMAIRE

Actualités p. 4 - 7 Dossier spécial Cop21 :

• Comment manger écolo ? p. 8 • Océan Glaciale Arctique p. 9 • La Femme, première victime du réchauffement p.10 • Le Sport se met au vert p. 11 • L’enrichissement des sols p. 12-13 • Télévision & prise de conscience politique p. 14-15 • Les startups s’engagent dans le climat p 16 • Une journée à la Cop21 p. 17

Régionales :

• La gauche s’unit pour faire barrage à la droite p. 18-19 • Gaëtan Dussausay : propre dans ses bottes p. 20-21 • L’entre-deux tour p. 22-23

Société :

• La ville déserte de la comtesse

p. 24-25

Terrorisme :

• Les retombées économiques au niveau de la culture p. 26-27 • Que sont les Fiches S ? p. 28-29 • Boko Haram s’acharnent sur le lac Tchad p. 30

International :

• Le droit des femmes en Arabie Saoudite p. 31 • Ma Chine- Afrique p. 32-33 • Québec, suspension de l’aide médicale à mourir p. 34-35

Irak :

• Portfolio p. 36-40 • Sinjar City libérée p. 41-42 • Portrait : « se battre est l’unique solution » p. 43

Sport :

• FIFA : le fric d’abord, le foot après p. 44-45

Culture :

• Philippe Auliac : destination Bowie p. 46-47

La Lanterne, un autre éclairage sur l’info 12 rue Alexandre Parodi 75010 Paris. Directeur de la publication : Cédric Gouverneur Rédacteur en chef : Raphaël Gilleron Rédacteur en chef adjoint : Charles De Jouvenel Secrétaire de rédaction : Maxime Berthelot

L’ E D I T O p a r R a p h a ë l G i l l e r o n . « Voter Front National, c’est choisir la facilité »

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es chefs d’Etats du monde entier sont actuellement réunis au Bourget pour tenter de trouver un accord historique pour sauver la planète. Dans le même temps, le Front National continue de progresser en France. Les attentats du 13 novembre sont encore présents dans toutes les têtes et les Français sombrent dans la peur de l’insécurité. La droite de Sarkozy n’a su rassurer et la gauche de François Hollande et Manuel Valls ne fait guère mieux. Mais voter Front National, c’est choisir la facilité. Ce n’est pas un parti qui est capable de diriger une ville, alors diriger une région ou encore le pays, ce n’est même pas pensable. Pourtant, ceux qui sont dirigés par l’extrêmedroite ont l’air satisfaits puisque le taux augmente… La planète est en danger et les 195 pays sont assis autour d’une même table afin de protéger la Terre, alors que les Français choisissent de s’enfermer sur eux-mêmes… En faisant le choix de suivre l’extrême-droite avec Marine et Marion, le peuple français veut s’enfermer en quittant l’Europe, mais également, et cela est encore plus grave, de se priver de libertés que tant de personnes ont défendu avec conviction. Et, par rapport aux personnes décédées lors des attentats, c’est faire une injure à leur mémoire. Le Front National n’est pas une solution. Ils utilisent des préjugés afin d’amener la population à voter pour eux. Le climat d’inquiétude qui règne actuellement est du pain béni pour le FN. En effet, ils utilisent cette peur afin de rallier le plus grand nombre à leur « cause ». Mais revenir trente ans en arrière ne pourra pas nous permettre d’améliorer notre condition sociale ou bien même la sécurité, c’est en travaillant main dans la main que la France et ses habitants pourront, et ont toujours réussi à surmonter cette épreuve compliquée. Il faut que les Français s’en rendent compte le plus rapidement possible car le 2nd tour des régionales arrivent dimanche et qu’à ce moment-là, la machine sera peut-être déjà en marche en vue de 2017…

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ACTUALITÉS PÉKIN SOUS LE SMOG Pékin est depuis le lundi 7 décembre en « alerte rouge » face au pic de pollution que connait la ville. C’est la première fois que le niveau le plus élevé est déclenché depuis la mise en place du protocole, en 2013. Cet accord vise à combattre le « Smog », un épais nuage de pollution au-dessus de la ville. Cette alerte a entraîné une série de restrictions pour les 21 millions de pékinois, et particulièrement la suspension des cours pour les écoliers et les collégiens.

UN SYMBOLE NOMMÉ DOBRYNYA Lundi 7 décembre, la Russie a offert à la France une chienne, appelée Dobrynya, en hommage à Diesel. Le canidé était décédé lors de l’assaut des forces de l’ordre, après les attentats, dans un appartement à Saint Denis. Nouveau symbole de l’amitié franco-russe, ce chiot a été remis en main propre par le premier ministre russe Igor Zoubov, à Jean-Maurice Ripert, l’ambassadeur de France à Moscou. « La remise de ce chiot à la police française est vue comme un symbole de l’unité de nos peuples dans la lutte implacable contre le terrorisme », explique le premier ministre russe avant de remettre Dobrynya dans les bras de l’ambassadeur de France. Jean-Maurice Ripert a pour sa part assuré que « Dobrynya est attendue avec enthousiasme à Paris et toutes les dispositions sont prises pour son accueil ».

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BATACLAN : LE TROISIÈME KAMIKAZE IDENTIFIÉ

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e troisième kamikaze qui a causé la mort de 90 personnes lors des attentats du 13 novembre au Bataclan a été identifié. Son nom ? Foued Mohamed-Aggad, 23 ans, originaire de Strasbourg. Après un long travail d’investigation, la police scientifique est parvenue à identité du terroriste en fin de semaine dernière. Le rapprochement a pu se faire grâce à la comparaison de son ADN avec ceux de quelques membres de sa famille. Il serait parti en Syrie fin 2013 avec son frère et un groupe d’amis. Selon une source policière, la plupart

d’entre eux auraient été interpellés à leur retour. Le frère aîné du jeune djihadiste, Karim, 25 ans, est actuellement détenu par la police. Les deux autres assaillants de la salle de spectacle parisienne,

Omar Ismaïl Mostefaï, un Français de 29 ans né dans l’Essonne, et Samy Amimour, 28 ans, originaire de Seine-Saint-Denis, s’étaient également rendus en Syrie. Cloé Arrault

Les hommages au victimes du Bataclan© Stephane Noll.

DES VOLONTAIRES RECRUTÉS POUR UN VACCIN CONTRE EBOLA

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a phase d’épidémie aiguë en Afrique de l’ouest du virus Ebola serait terminée selon les scientifiques. Alors que le Liberia compte encore trois personnes infectées, la Guinée pourrait bientôt annoncer la fin officielle de l’épidémie à la suite de la guérison du dernier patient connu, fin novembre. Afin de prévenir de nouvelles infections, le programme Ebola+ Innovative Medicines Initiative 2 de la Commission européenne a financé le projet EBOVAC2. Une combinaison vaccinale, tolérée par l’organisme

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Le dernier kamikaze identifié © L’Express.

humain, a d’ores et déjà été testée. La deuxième phase du projet, initiée en France et au Royaume Uni, prévoit le recrutement de 1 188 volontaires dans plusieurs pays d’Afrique. La durée de la participation sera d’une année, durant laquelle ils recevront les vaccins actifs ou

leur placebo. Les volontaires seront suivis de près par les médecins et n’auront aucun risque d’être infectés. Le programme prévoit également une indemnisation en cas d’interruption de la participation aux essais. Maxence Fabrion


ACTUALITÉS

COMMENT C’EST LOIN, PORTRAIT D’UNE GÉNÉRATION DÉSILLUSIONNÉE Orelsan fait son cinéma. Dans son premier film, le rappeur normand met à l’honneur Caen, sa ville de cœur, et les Casseurs Flowters, le duo qu’il forme depuis 2000 avec Gringe.

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près deux a l b u m s couronnés de succès, l’artiste normand Orelsan se tourne vers le septième art. Pour son premier film derrière la caméra, le rappeur a fait appel à sa bande de potes. La complicité et l’authenticité de ce groupe d’amis se glissent naturellement dans le scénario pour un résultat prometteur.

premières secondes, Stupide ¡ Stupide ¡ Stupide ¡ enveloppe les oreilles. Le point de départ d’une longue journée de péripéties. Aurélien et Guillaume sont rappeurs dans une ville moyenne de province. Petit bémol : ils n’ont jamais réussi à terminer la moindre chanson… Les deux compères ont alors 24 heures pour écrire un morceau de

rap. Avec humour et autodérision, Orelsan et Gringe dressent le portrait d’une génération blasée et désillusionnée. Loin du piège de l’egotrip, Orelsan a transposé son inspiration musicale au grand écran pour livrer un premier film simple mais percutant, fidèle à lui-même. Maxence Fabrion

24 heures pour transformer des losers en rappeurs Comment c’est loin s’inscrit dans la continuité de l’album Orelsan et Gringe sont les Casseurs Flowters. Un cocktail original transposé au cinéma sous la forme d’une comédie semimusicale. Dès les

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Orelsan sur le tournage du film © AlloCiné.

Si le MUD remporte les deux sièges restant à pourvoir, il sera en capacité de voter une mention de censure à l’encontre du gouvernement de Maduro. Un cas de figure inédit dans cette contrée acquise à la cause chaviste depuis 1999. Pour rappel, Maduro avait succédé à Hugo Chavez après sa mort, en 2013. Anthony Denay

Où s’arrêteront-ils ? En battant les Pacers d’Indiana mardi 9 décembre sur le score de 131 – 123, les Golden State Warriors ont engrangé leur 23ème victoire consécutive. Cette fantastique épopée prend sa source en fin de saison dernière. En incluant ces matchs du millésime précédent, les hommes de la baie de San Francisco sont à la tête d’une série de 27 succès. Pas encore un record, mais déjà la deuxième meilleure performance du genre de l’histoire de la NBA. Dans le viseur, les Los Angeles Lakers de 1971, qui avaient enchaîné 33 victoires d’affilée. FEDERER ET EDBERG SE SÉPARENT Entre Roger Federer et Stefan Edberg, c’est fini. Le No. 3 mondial a annoncé la fin de sa collaboration avec le Suédois, tard dans la soirée du mardi 8 décembre. « Après deux années pleines de succès, je veux remercier Stefan Edberg, l’idole de mon enfance, pour avoir accepté de rejoindre mon équipe », a expliqué le Suisse sur sa page Facebook. L’ancien No. 1 mondial a également annoncé l’arrivée d’Ivan Ljubicic dans son équipe d’encadrement. Quant à Severin Lüthi, il reste le « coach principal » de Federer.

VENEZUELA, VICTOIRE HISTORIQUE DE L’OPPOSITION

oup dur pour le gouvernement vénézuélien de Nicolas Maduro. Le Parti socialiste unifié (PSUV) de feu Hugo Chavez, dorénavant dirigé par Maduro, a subi une cuisante défaite aux élections législatives du 6 décembre 2015. L’opposition du MUD s’est largement imposée, raflant 110 sièges sur les 167 que compte le parlement monocaméral du pays.

LA DÉFERLANTE GOLDEN STATE

© L’Express.

SZARZEWSKI DIT STOP AVEC LES BLEUS Après Thierry Dusautoir, Dimitri Szarzewski tire sa révérence avec le XV de France. Le talonneur du Racing 92 âgé de 32 ans a annoncé le mercredi 9 décembre la fin de sa carrière internationale. Szarzewski totalise 83 sélections sous la tunique tricolore. « Ça a été un bonheur et une fierté de représenter mon pays à tant reprises », a-t-il confié. Le talonneur va désormais concentrer son énergie sur la quête du Bouclier de Brennus avec le Racing. Un rêve qui a pris du relief avec l’arrivée du Néo-Zélandais Dan Carter dans les rangs du club francilien.

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ACTUALITÉS ELECTIONS EN ESPAGNE : LE PARTI POPULAIRE EN TÊTE Pour les élections législatives espagnoles du 20 décembre, quatre partis sont présentés comme de sérieux candidats à la victoire. Une situation inédite pour le paysage politique du pays, d’ordinaire bipartisan. C’est la fin de la domination totale du Parti populaire (PP) de Mariano Rajoy et du Parti s­ ocialiste ouvrier espagnol (PSOE) de Pedro Sánchez. En effet, un sondage du Centre de recherches sociologiques (CIS) indique que le PP gagnerait avec 28,6 % des voix, loin devant le PSOE avec 20,8 %. Quant à Ciudadanos (C’s, centre droit), il obtiendrait 19 % des voix et Podemos, le parti alternatif de gauche, 15,7 %. L’E-CIGARETTE PAS SI INOFFENSIVE Une étude de la Faculté de santé publique de l’Université de Harvard aux Etats-Unis fait le lien entre les maladies pulmonaires graves et le diacétyle. Cette substance est présente dans 75 % des cigarettes électroniques testées. Inhalée, elle peut provoquer des bronchites chroniques assez rares. Cette pathologie a été découverte il y a une dizaine d’années chez des ouvriers d’unités de production qui respiraient des effluves d’arôme artificiel de beurre utilisé dans le popcorn. ORANGE DÉMENT LE RACHAT DE BOUYGUES TELECOM Les rumeurs d’un rachat de Bouygues Telecom et TF1 par Orange ont été démenties mardi 8 décembre. Selon le groupe financier américain Bloomberg, Orange aurait pourtant engagé des discussions avec son homologue. Une analyse financière d’Oddo Securities démontre d’ailleurs qu’une alliance entre les deux opérateurs est parfaitement possible au niveau des autorités de la régulation française.

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TRANSPARENCY INTERNATIONAL S’ATTAQUE À LA CORRUPTION EN AFRIQUE A l’occasion de la journée mondiale contre la corruption aux Nations-Unies mercredi 9 décembre, l’ONG Transparency International a publié un rapport intitulé « People and Corruption : Africa Survey 2015 »

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8% des Africains interrogés estiment que la corruption s’aggrave dans leur pays et 47% jugent que la police est l’entité la plus corrompue du continent. Ces chiffres sont issus du dernier rapport publié par l’ONG Transparency International, basé sur des sondages effectués en Afrique subsaharienne par le Baromètre mondial de la corruption. Un rapport qui attribue aussi les bons et les mauvais points aux Etats. Ainsi, l’Afrique du Sud apparaît au rang des mauvais élèves puisque 83% des sondés estiment que la corruption s’y est aggravée. A contrario, 72% des

sondés pensent que la corruption a reculé au Burkina Faso.

Des mesures inefficaces Enfin, 64% des Africains sondés jugent que les mesures anti-corruption sont inefficaces. Ils appellent ainsi à des initiatives concrètes, notamment dans le secteur public. Dans ce registre, seuls trois pays sortent du lot puisque le Bostwana, le Lesotho et le Sénégal voient près de la moitié des sondés estimer que les mesures prises sont satisfaisantes. L’étude se conclut par un appel aux gouvernements africains pour renforcer les me-

sures anti-corruption. L’ONG se joint ainsi au représentant régional de l’Office des Nations-Unies contre la drogue et le crime qui avait enjoint début octobre les Etats du continent africain à agir. Transparency International établi chaque année un classement de la corruption, basé sur un indice de perception de la corruption (CPI). Le classement 2015 place la France au 26ème rang des pays les moins corrompus du monde, au même rang que le Qatar, mais devant le premier pays africain, le Bostwana, 31ème de ce même classement. Charles de Jouvenel

PRIMAIRES RÉPUBLICAINES (USA) : TED CRUZ EN TÊTE DES SONDAGES

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e candidat ultra conservateur Ted Cruz a pris la tête d’un sondage dans l’Etat rural de l’Iowa, premier Etat où vont démarrer les primaires républicaines, le 1er février prochain. Le sénateur du Texas, 44 ans, profite des provocations du milliardaire Donald Trump et compte bien séduire des milliers de born again (branche extrémiste des chrétiens évangélistes), de durs du Tea Party, de cols bleus conservateurs

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et de «  Blancs mécontents » dont beaucoup aujourd’hui s’abstiennent. Une stratégie sudiste, selon le Time. Le programme de ce fervent défenseur des causes du Tea Party prévoit la suppression de l’impôt sur le revenu et sa substitution par un impôt unique (flat tax) à 10 %. Il ne croit pas au réchauffement climatique et demeure contre l’Obacamare, la loi sur la santé portée par le président américain. C’est également

Donald Trump, lors d’un discours © Flickr.

l’un des artisans du « shutdown » qui avait causé la fermeture des administrations, faute de pouvoir payer les fonctionnaires, en 2013.


ACTUALITÉS

L’HOMMAGE DES EAGLES OF DEATH METAL AUX VICTIMES DES ATTENTATS

TROIS NOUVEAUX FOYERS DE GRIPPE AVIAIRE DÉTECTÉS

u e l q u e s jours après les attentats survenus le 13 novembre au Bataclan, les Eagles Of Death Metal ont affirmé à Vice, leur désir de secouer le monde et de remonter sur scène. « Nous voudrions être les premiers à jouer au Bataclan lors de sa réouverture », a confié ému, Jesse Hughes, le leader du groupe. Les Américains étaient sur scène lorsqu‘un commando de djihadistes a ouvert le feu sur 1500 personnes, faisant 90 morts. Ce soir là, tout comme des centaines de français, les cinq rockeurs ont perdu un proche, Nick Alexander, l’un des responsables commerciaux du groupe. Mardi 8 décembre, le quintette est venu

Les cas de grippe aviaire se multiplient en Dordogne et de nouvelles personnes infectées ont été signalées dans les Landes alors que l’activité avicole est à son apogée à l’approche de fêtes de fin d’année. En effet, entre le 15 octobre et la fin décembre, les producteurs réalisent 80 % de leur chiffre d’affaires. Des milliers de volailles ont donc été tuées afin d’éviter tout risque de propagation de l’épidémie. Canards, chapons et dindes sont concernés. Si les exploitations touchées par l’épidémie auront du mal à se relever, voire à ne pas faire faillite, les autres n’ont, a priori, rien à craindre. Les commandes des clients ont déjà été passées et la majeure partie des éleveurs n’ont pas constaté d’annulations notoires.

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se recueillir devant la célèbre salle de concert parisienne, boulevard Voltaire. Sous une pluie fine, dans un silence macabre, les musiciens sont restés de longues minutes devant l’amoncellement de fleurs et de bougies. Emu jusqu’aux larmes, se tenant par la main ou encore agenouillés sur le sol qu’ils ont foulés, terrifiés, un certain

vendredi 13. Lundi soir, le groupe, devenu un symbole de liberté, est remonté sur scène à Paris pour une courte, mais très symbolique, apparition à la fin du concert de U2. «Merci Paris, on t’aime», ont lancé les Californiens qui vont reprendre leur tournée européenne en février. Cloé Arrault

PLUS DE 9 000 MORTS EN UKRAINE DEPUIS 2014

Moment d’émotion devant le Bataclan © Nouvel Obs.

LIGUE DES CHAMPIONS : LE PSG SANS FORCER

aris a terminé sa phase de poules en Ligue des champions en s’imposant face aux Ukrainiens du Shakhtar Donetsk (20) mardi soir. Le Paris Saint-Germain recevait mardi 8 septembre le Shakhtar Donetsk pour une rencontre sans grand enjeu. Assuré de terminer deuxième de son groupe derrière le Real Madrid, Laurent Blanc s’est permis de faire tourner son effectif. Van der Wiel, Marquinhos, Kurzawa, Stambouli, Lucas, Lavezzi et Adrien Rabiot étaient titulaires.

Zlatan Ibrahimović © Maxppp

Après une première mi-temps animée, le PSG concrétisait sa domination en ouvrant le score par une frappe limpide de Lucas (1-0, 57e), avant de doubler

la mise par Ibrahimovic (2-0, 86e). Le géant suédois, qui confirme son regain de forme, avait auparavant sauvé ses coéquipiers en repoussant sur sa ligne une tentative de Rakytskiy (79e). En attendant le tirage au sort des huitièmes de finale prévu lundi 14 décembre, cette victoire permet aux Parisiens de préparer tranquillement leur dernier match avant la trêve hivernal. Ce sera dimanche (21h) face à Lyon. Antoine Grasland

9 098 personnes ont été tuées depuis le début du conflit en Ukraine, en avril 2014, selon un rapport du HautCommissariat de l’ONU aux droits de l’Homme. Plus de 20 000 blessés sont également à dénombrer, parmi les civils et les forces armées. L’ONU dénonce également les violations des droits de l’Homme, notamment en Crimée, et l’impunité des services de sécurité ukrainiens. ADÈLE ACCUSÉE D’AVOIR PLAGIÉ AZNAVOUR ET UN CHANTEUR KURDE Les accusations de plagiat à l’encontre de la chanteuse Adèle se multiplient. C’est son titre Million Years Ago qui est dans la tourmente depuis début décembre. Son étrange ressemblance avec la chanson de Charles Aznavour, Hier encore, fait débat. Moins d’une semaine après les premières critiques, ce sont des musiciens qui ont accusé la chanteuse de s’être un peu trop inspirée de la mélodie du morceau Acilara tutunmak (S’accrocher aux peines) de Ahmet Kaya, un chanteur kurde mort depuis 15 ans.

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COP 21

CHANGER SON ALIMENTATION : UN GESTE ÉCOLO

La COP21 évoque l’idée de se transformer en écologiste et de modifier entièrement son mode de vie. Sans aller jusque là, changer ses mauvaises habitudes peut faire la différence. Démonstration par l’alimentation.

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our ralentir le changement climatique, certains diront qu’il faut habiter en yourte, d’autres qu’il faut devenir végétariens. Mais tout le monde n’est pas prêt à changer son mode de vie pour protéger ce qui reste de notre planète. Des associations comme Réseau Action Climat exposent certains moyens simples pour que chaque personne puisse jouer un rôle, ne serait-ce que minime, pour préserver notre environnement. L’une de ces solutions : modifier notre façon de manger et mieux choisir nos aliments. Pour cela, il faut éviter de grignoter entre les repas. Un consommateur mange en moyenne 20 morceaux de sucre par jour alors que la quantité maximum est de 15 par jour. Sachant que pour produire un kilo de sucre on émet 0,6kg de dioxyde de carbone. Eviter de trop de se nourrir et de manger trop sucré - difficile lorsque nos aliments contiennent 50% de sucre - est donc la première conduite écologique à adopter.

Devenir végétarien ?

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Selon l’association, il faudrait réduire la consommation de viande et de produit laitier. Cela diminuerait de moitié l’émission de gaz à effet de serre. En effet les transports, l’énergie et les engrais émettent du dioxyde de carbone. L’empreinte carbone d’un kilo de viande équivaut à six kilos de dioxyde de carbone. Deux fois plus que pour un kilo de fromage. Mais ce n’est pas tout, les céréales que les agriculteurs donnent aux animaux sont néfastes pour notre planète. De plus, « les ruminants, donc les bovins, émettent du méthane », explique Jean Sireyjol, président de l’association Réseau Action Climat. Quand les vaches ou les moutons mangent de l’herbe, ou encore nourrissent leurs petits, ils émettent un gaz qui, en brulant avec le dioxygène, produit du

Se tourner vers les légumes semble être le geste simple pour devenir écolo © Flickr.

dioxyde de carbone. « Aujourd’hui, de plus en plus de monde parle de l’effet de serre avec le méthane et non le dioxyde de carbone », poursuit Jean Sireviol. En effet, quand on parle d’émission de carbone, il faut multiplier par 3,67 pour convertir l’impact en méthane, un composé chimique qui se développe quand il entre en contact avec le CO2. Cet élément est plus lourd que le dioxyde de carbone et donc plus polluant.

Manger des produits de saison « Importer des légumes de l’autre bout du monde et consommer des légumes ou des fruits cultivés sous serre chauffée émet jusqu’à dix fois plus de gaz à effet de serre », précise Jean Sireyjol. Manger les produits de saison reste donc le troisième geste à adopter au quotidien pour réduire les émissions de dioxyde de carbone.

Meilleure conscience, meilleure santé

Manger des aliments bio apparaît comme la dernière solution a adoptée. Ce sont des produits frais, sans engrais ni pesticides qui pourraient permettre d’éviter le cancer de la prostate, notamment à cause des pesticides sur les bananes. Mais ce n’est pas tout, réduire les déchets inutiles, comme les emballages, reste primordial. Les magasins Intermarchés développent

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par exemple de plus en plus le système de cagette en bois et arrêtent de mettre à disposition des sacs en plastique : « Mais il y a encore très peu de magasins alimentaires qui proposent cette alternative », constate Patrick Lapouyade, président de l’association Curuma. Pour lui, « favoriser les commerçants et les agriculteurs de proximité » pourrait aboutir à une diminution du gaz à effet de serre et par la même occasion améliorer notre alimentation quotidienne. L’association Réseau Action Climat va bientôt mettre à disposition une application pour que chacun calcule son empreinte carbone. Son nom : MicMac. Pour l’heure, ce système est déjà disponible sur internet et les résultats obtenues sont surprenants. Cloé Arrault

PRODUCTION DES ALIMENTS : L’EMPREINTE CARBONE • 1kg de viande de boeuf : 18kg de CO2 • 1kg de viande de porc : 3kg de CO2 • 1L de lait : 1kg de CO2 • 1kilo de légumes secs : 0,2kg de CO2


COP 21

L’ARCTIQUE, DU DÉSERT POLAIRE À LA RÉGION « MONDIALISABLE » Touché de plein fouet par le réchauffement climatique, l’océan glacial arctique concentre des enjeux nouveaux autour du pôle Nord. La région devient l’objet d’une lutte géopolitique et énergétique.

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aste étendue glaciale et inaccessible il y a encore quelques décennies, l’océan glacial arctique attise désormais les convoitises. Victime du réchauffement climatique, la région polaire offre des opportunités inédites. Et pour cause, l’Arctique regorge d’énergies fossiles. Selon une étude réalisée par l’US Geological Survey en 2008, près de 22% des réserves mondiales d’hydrocarbures, pas encore découvertes mais techniquement exploitables, se trouveraient dans la zone arctique. Une étude à prendre avec précaution selon Bastien Alex, chercheur à l’IRIS en charge du changement climatique et des enjeux énergétiques mondiaux. « Cette étude de 2008 a mis le feu aux poudres mais il faut tempérer cet optimisme », nuance-t-il. Trois paramètres sont à prendre en compte pour l’exploitation des ressources d’hydrocarbures : géologique pour la localisation, technique et technologique pour l’accès à ces ressources, et économique pour la rentabilité. « Il y a déjà des doutes sur le critère géologique et l’aspect technique pose des problèmes. Une optimisation des techniques d’extraction est nécessaire », explique le chercheur.

Un fantasme énergétique Ainsi, la région polaire contiendrait plus de 10% des réserves mondiales de pétrole et près de 30% des réserves de gaz naturel. Des estimations à prendre avec des pincettes cependant puisque les chiffres relèvent davantage de la spéculation que de la réalité. Pour autant, cela est amplement suffisant pour aiguiser l’appétit des compagnies pétrolières et des Etats disposant d’un accès sur la région polaire. « Il y a une forme d’exagération sur l’eldorado énergétique de l’Arctique », note Bastien Alex. Les fantasmes autour de la région polaire sont apparus avec la diminution

Carte de l’Arctique montrant les zones potentiellement riches en hydrocarbures et les routes maritimes © Libération.

de l’effet d’albédo. Il s’agit du pouvoir réfléchissant d’une surface. De ce fait, plus le rayonnement absorbé par la surface est important, moins il est réfléchi. Conséquence directe, la surface chauffe. Ce phénomène naturel s’est accentué dans l’Arctique sous l’impulsion du réchauffement climatique, d’autant plus que la neige et la glace ont un albédo très élevé (environ 80%). La glace de la banquise fond plus rapidement et la chaleur du soleil est donc moins réfléchie. Une fois enclenché, ce cycle s’accélère et l’océan se réchauffe irrémédiablement. « La disparition progressive du pergélisol (ou permafrost en anglais) est un problème majeur », alerte Sebastian Copeland, explorateur et environnementaliste.

Vers de nouveaux contentieux territoriaux De ce réchauffement climatique, des nouvelles possibilités d’exploitation des réserves d’hydrocarbures et de nouvelles voies maritimes ont émergé. Une aubaine repérée par les Etats côtiers de l’Arctique : les Etats-Unis

(avec l’Alaska), le Canada, l’Islande, le Danemark (via le Groenland), la Norvège, la Suède, la Finlande et la Russie. Un partage de cette vaste étendue qui crée des tensions entre ces pays, faute de centre décisionnel pour régir la région polaire. Seul le Conseil de l’Arctique, créé en 1996, livre des conseils, mais sans jamais donner d’ordres. Il est purement consultatif et non-exécutif. « Avec la présence de ces ressources, les Etats autour frétillent pour les exploiter », constate avec dépit Sebastian Copeland. Une agitation qui soulève des interrogations quant à la problématique sécuritaire et géopolitique de la région. Le spectre d’un conflit militaire est d’ailleurs régulièrement évoqué. « Cela me semble relativement impossible », balaye d’office Bastien Alex. Avant de préciser : « Il n’y a pas de litiges sur d’énormes gisements. Je ne crois pas à une nouvelle Guerre froide. » Maxence Fabrion

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COP 21

LA FEMME, PREMIÈRE VICTIME DU RÉCHAUFFEMENT Mardi 8 décembre, la COP21 a lancé la journée du genre. Dans la zone officielle comme dans l’espace Génération Climat du Bourget, des conférences ont été consacrées aux femmes et aux conséquences que les changements climatiques peuvent avoir sur elles.

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e changement climatique affecterait différemment les hommes et les femmes, ces dernières étant davantage touchées en raison des inégalités qu’elles subissent. Selon Camille Risler, du stand « Women & Gender Constituency », les femmes, qui constituent 70% des populations pauvres de la planète, sont beaucoup plus vulnérables que les hommes face au dérèglement climatique. « De nombreuses études ont démontré que les femmes étaient plus susceptibles de mourir lors de catastrophes naturelles. Elles doivent veiller sur elles-mêmes mais également sur les enfants et les personnes âgées dont elles sont généralement en charge. Dans certains pays, on ne leur apprend pas à nager, et parfois elles n’ont pas le droit de sortir de chez elles seules. Ces facteurs les fragilisent encore plus. »

Des problèmes liés à la grossesse Toutefois, les problématiques climatiques n’affectent plus seulement les femmes des pays en voie de développement. Aujourd’hui, c’est

l’intégralité de la gente féminine à travers le monde qui est touchée par le phénomène, et tout spécialement les futures mères. Lors de la conférence « Les femmes, premier environnement de l’être humain et de la sauvegarde de la planète », Chantal Chawaf, écrivaine, parle d’« épuisement des corps des femmes et de massacres in utero perpétrés en silence ». Des mots forts pour dénoncer l’effet des changements climatiques sur la grossesse. En 2010, une étude californienne a démontré que la hausse des températures augmente de 8,6% le risque d’accouchements prématurés. De son côté, la Harvard School of Public Health révélait en décembre 2014 que l’exposition des femmes à une forte concentration de substances toxiques environnementales -autrement dit à la pollution- double la probabilité d’accoucher d’un enfant autiste, favorise la mort cellulaire programmée et perturbe la formation du système nerveux, ainsi que la prolifération et la différenciation cellulaire. Récemment, le CHU de Grenoble a lancé une enquête scientifique auprès de 700 femmes enceintes pour mesurer

Les participants lors de la conférence «Don’t Nuke the climate» © Lila Berdugo

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l’impact du changement climatique sur la grossesse. Chantal Chawaf surenchérit : « Nos enfants naissent pré-pollués, certains avec des carences psychiques et des déformations physiques. Il y a aussi des répercussions sur la fécondité des femmes et la fertilité des hommes. De plus en plus de couples ont du mal à concevoir et la pollution atmosphérique, les pesticides, les solvants et les produits chimiques peuvent avoir un impact signifiant sur la conception. »

Pessimisme de rigueur D’autres ONG profitent de la caisse de résonance qu’offre la COP21 pour sensibiliser les citoyens sur les problèmes auxquels sont confrontés les femmes face à l’environnement. Don’t nuke the climate, un collectif appelant à sortir du nucléaire, est très alarmiste sur les risques de cette énergie sur la santé des femmes, notamment en cas de radiations. Selon Mary Olson, membre du Nuclear Information and Resource Service, « le genre a son importance dans le nucléaire. Les radiations sont beaucoup plus nocives pour les femmes et les filles que pour les hommes. Les femmes ont deux fois plus de chances de mourir que les hommes de cancers liés aux radiations nucléaires. Elles payent le prix fort. » Même si le brouillon de l’accord de Paris fait quelques références au genre, Camille Risler reste prudente. « Tout est encore négociable et rien n’est encore fait. Je ne suis pas optimiste pour la suite. Les Etats ont fait de belles déclarations à l’ouverture de la COP, mais c’est du vent ! », s’exclame-t-elle. Avant de s’interroger : « Maintenant, une question se pose : est-ce que l’on peut encore faire confiance à l’instance onusienne, ou est-ce que l’on doit prendre les armes pour avoir plus d’impact, par une voie plus directe ? L’avenir nous le dira. » Lila Berdugo


COP 21

LE SPORT SE MET AU VERT

La Fondation Nicolas Hulot (FNH) présente lors de la 8ème journée de la COP21, abordait ce mardi une thématique mêlant sport et développement durable. L’objectif? Proposer des solutions concrètes face à l’impact écologique des événements sportifs.

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ès 11h30, le stand de la fondation accueille un atelier animé par Camille, membre de Montain Riders. Cette association « née du ramassage d’ordures », veille au développement durable en montagne. Tout au long de la matinée, cet atelier s’est articulé autour des solutions viables que le sport pourraient insuffler face au réchauffement climatique. L’animatrice sort les grands moyens pour accrocher le grand public : micro en main, sourire aux lèvres, c’est parti ! Le but du jeu est d’évaluer son impact écologique en tant que sportif pour ensuite prendre des engagements…et s’y tenir. Chacun y va de son petit postit. A gauche, les mauvaises habitudes, à droite, les bonnes résolutions. Charles mordu de bateaux à voile depuis dix ans, s’agace : « On compte plus d’un millier de bateaux en France. Ils ne sont utilisés qu’une semaine par an en moyenne ! A quand le prêt de matériel ? » Les participants échangent pendant près d’une heure pour « inventer aujourd’hui le sport de demain ».Camille alerte le public : « On a perdu 50 cm de neige sur les 50 dernières années. En cas d’augmentation drastique des températures, il ne restera que 55 stations économiquement viables sur les 150 qui existent aujourd’hui en France. »

Des chiffres et des solutions concrètes

Didier Lehénaff, directeur de SVPlanète, (un Sport Vert pour ma

planète) prend les rennes de l’espace Hulot pour le deuxième volet de la journée. Au programme, deux mini conférences : « Le sport et ses transports : une révolution s’impose », puis « Les manifestations sportives, un devoir d’exemplarité. » Après la projection d’un film de prévention mettant en avant les transports verts, Camille de Montain Riders reprend « Le bilan carbone en montagne révèle que 60% des émissions de gaz à effets de serre sont dues aux transports ». « Stop amélioré », « réseau pouce » sont des solutions pour éviter de polluer en se rendant sur les pistes. Ces réseaux sécurisés redorent le blason d’une pratique qui a mauvaise réputation : l’auto stop. Il est maintenant possible de s’inscrire et de s’identifier en ligne. Ainsi, plus de mauvaises surprises, on sait désormais sur qui on tombe. Vient le tour d’Ines Boutard, de Green Event. Cette société de conseil événementiel est spécialisée dans l’organisation écolo de grands événements sportifs internationaux (GESI). L’organisation de la COP21 ? C’est eux. Pendant une heure la jeune femme présente des solutions concrètes afin de minimiser l’impact des GESI. Pour commencer, « il est impératif de réduire les déplacements ». Les organisateurs doivent donc penser « éco conception » au moment de choisir le lieux de l’événement pour éviter au public de prendre la voiture. Décider de sensibiliser le

Inventons aujourd’hui le sport de demain © Eco-games Cover blog.

public au cours de la manifestation est possible « en mettant des vélos à disposition, par exemple  ». Récompenser les plus responsables d’entre eux peut aussi servir « On peut par exemple proposer des ristournes aux spectateurs qui sont venus en transports en commun, ou même 20% de réduction à la buvette ». A noter qu’il existe de nombreuses solutions à appliquer en interne. L’ « achat responsable » en fait partie. Les organisateurs d’événements sportifs doivent donc tenter de consommer local et de mutualiser les livraisons. Il peut même aller jusqu’à associer les prestataires à la démarche.

Les ministères de l’environnement et des sports s’y mettent … Avec le projet de loi Optimouv, qui associe les deux ministères aux fédérations de l’hexagone, l’objectif majeur est de mutualiser les rencontres sportives. Combiner les compétitions, les compacter et repenser les lieux de rassemblements sont des priorités officielles. Pour l’Euro 2016, le gouvernement a exigé la mise en place d’une Mobility app. Avec cette application, les participants pourront mesurer l’impact qu’ils auront sur l’environnement lors de leurs déplacements. A Lyon, la construction du nouveau stade incarne un défi pour les architectes qui ne perdent pas de vue leurs objectifs écologiques. Si le gouvernement semble s’intéresser à l’impact du sport sur le climat, son champ d’action reste tout de même limité : La coupe du monde 202, prévue au Qatar, pays désertique où les dépenses en climatisations s’annoncent pharaoniques. Margot Mephon

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COP 21

LE POTENTIEL INSOUPÇONNÉ DES SOLS Sujet peu abordé lors de la COP21, le sol cache des capacités exceptionnelles de capture de CO2. Une ressource pourtant mise à mal par l’agriculture intensive qui l’appauvrit par des engrais et des produits phytosanitaires.

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ardi 1er décembre, le ministre de l’Agriculture Stéphane Le Foll a lancé avec l’Institut national pour la recherche agronomique (Inra) un programme de recherche intitulé « 4 pour 1000 » qui vise à améliorer le stockage des émissions de CO2 dans les sols en l’enrichissant d’une couche organique. Pour Camille Doriauz, chargé de mission agriculture chez France Nature Environnement, ce projet est viable même s’il manque cruellement de précisions : « Ce sont des pratiques très techniques au niveau agricole et difficiles à mettre en place ». De plus, certains outils permettent de capturer plus de carbone dans le sol mais ont aussi d’autres impacts sur l’environnement : « On pense à ne plus labourer les sols (destruction des plantes indésirables) mais on va mettre plus d’herbicides ». Selon Patrick Lapouyade, directeur général de l’association Curuma, le problème de ce type d’approche, « c’est que l’on est tous sur

des secteurs différents ». Les problématiques environnementales et agro-alimentaires diffèrent selon les régions, notamment au médoc, en proie à l’érosion des sols : « Autant un discours national va se concentrer sur la question des puits de carbone, autant localement nous nous focalisons d’abord sur la notion de risque et ensuite sur la plus-value agricole ». Le pourcentage communiqué par le gouvernement ne profite pas non plus de la même manière à un sol pauvre en matière organique qu’à son homologue déjà enrichi.

De nouvelles techniques pour enrichir les sols Si la proposition du gouvernement parait floue, les agriculteurs disposent déjà des technologies pour recréer la couche de matière organique sur une période allant jusqu’à cinq ans. « Le Polyter, un hydro rétenteur fertilisant, est une poudre qui va capturer l’eau, décrit Mathias Bourasset, chargé

Les bactéries présentes dans la terre sont essentielles à l’absortion du CO2 © Rustica.

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de mission au sein de P.O.D.G Développement qui fabrique le produit, en gonflant, elle va créer des poches d’air sous terre ». Ce mélange favorise le développement d’un cycle bactérien et interagit avec les racines, qui progressivement, vont le pousser plus profond dans la terre. A terme, il permet d’enrichir le substrat (support sur lequel pousse des végétaux). D’autres procédés existent comme les produits à base de mycorhizes qui se greffent au substrat et autour des racines pour enrichir la terre mais aussi « augmenter la fixation de l’azote par les racines ». Selon Mathias Bourasset, l’agriculture intensive est, depuis les années 60, une catastrophe puisqu’elle détruit tous les écosystèmes présents dans le sol : « Lorsqu’on utilise des engrais, toute la vie bactérienne du sol est tuée ». Les produits d’enrichissement sont-ils alors aussi rentables que l’engrais ? « Avec ce type de produit, on réduit entre 30 % et 50% l’usage des fertilisants mais aussi de 80% le besoin en eau. Les rendements, augmentent entre 30 % et 300 % en fonction des plantes et des arbres », affirme Mathias Bourasset. Malgré ces chiffres prometteurs, ces fertilisants naturels peinent à trouver preneur en France. Selon Camille Doriauz, avant même d’aller vers la technologie de réhabilitation, il est possible de conserver la richesse des sols en évitant de mettre le sol à nu (au moyen d’herbicides) ou encore de moins labourer. Bernard Darosey, membre de l’association pour la promotion d’une agriculture durable (APAD), a lui renoncé à l’agriculture conventionnelle depuis huit ans sur les 150 hectares d’exploitation céréalière qu’il possède autour de Dijon. Le but ? Se passer définitivement des engrais notamment en mettant leur terrain sous couvert permanent. « Les couverts végétaux sont là pour fournir de la biomasse, ils vont


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Le labour élimine la couche organique présente sur le sol © Matthias Ripp via Flickr.

chercher les éléments minéraux en profondeur et les remettent, durant leur dégradation, à disposition des futures cultures ». Autre particularité, pas de labour et très peu d’herbicides pour les adventices (plantes indésirables) qui ne sont pas détruites mécaniquement (roulage ou gel).

Le Médoc, entre abondance et exploitation intensive La région du Médoc constitue la presqu’île entre l’estuaire de la Gironde et l’océan Atlantique. Un secteur de marécages qui fait office de puits de carbone depuis des centaines d’années. Pendant près de 800 ans, ces sols ont été asséchés dans un premier temps par l’Homme pour pouvoir y habiter. Et la démarche a complètement transformé le paysage : « La forêt landaise est une plantation humaine, il y a un endiguement du côté de l’estuaire et des terres agricoles dont beaucoup de céréalicultures », indique Patrick Lapouyade. Ces travaux n’ont pourtant pas appauvri la terre : « Ce sont des terrains extrêmement productifs. Il n’y a pas besoin d’irrigation, même pour faire du maïs. Ils sont aussi déjà saturés en azote et en phosphore », relate le directeur de l’association Curuma. Malgré cela, l’agriculture intensive a conduit les exploitants à recourir aux produits phytosanitaires

pour augmenter les rendements. Selon Patrick Lapouyade, « les céréales produites au Médoc partent pour la plupart dans l’exportation ». Certains agriculteurs, devenus industriels de l’agroalimentaire, augmentent le drainage du sol et continuent d’abaisser le niveau de la nappe phréatique dans une logique économique.

« Lorsqu’on utilise des engrais, toute la vie bactérienne du sol est tuée » Le revers de cette pratique : l’épuisement des sols et une exploitation presque aseptisée. « Il y a une phase de culture puis une phase d’assolement, c’est-à-dire que le sol est nu, poursuit Patrick Lapouyade, à partir de là, le sol ne joue plus son rôle de transfert des matières. »

Les agriculteurs souhaitent conserver leurs revenus « Une bonne partie de la population n’a pas de considération pour ses agriculteurs et les accuse d’avoir détruit le paysage, mais ils ne passent pas à l’action », dénonce Patrick

Lapouyade. Les élus n’ont pas volonté de s’impliquer dans la valorisation de circuit d’élevages ou de prairies. Les politiques, tournés vers le tourisme balnéaire, se préoccupent moins des zones estuaires de culture. De leur coté, les agriculteurs se disent prêts à changer mais seulement à revenus égaux, selon le directeur de l’association Curuma, en contact direct avec plusieurs exploitants. La mission de l’association Curuma et du conservatoire du littoral est de pouvoir réhabiliter les sols d’ici 20 à 30 ans. Selon Patrick Lapouyade, l’enjeu repose également sur le respect de la réglementation nationale, dont certains volets (mise en jachère ou la présence de bandes enherbées) ne sont pas respectés par tous les agronomes. Par la suite, le conservatoire du littoral espère un travail en commun afin de démontrer aux exploitants les avantages d’une agriculture plus respectueuse des sols, au niveau de l’exploitation mais aussi du rendement : « C’est vraiment une question de confiance avec les agriculteurs, conclut Bernard Darosey, à partir du moment où un producteur est convaincu que le système est intéressant pour lui, la transition se fera naturellement. Il faut y aller par conviction ! » Victoria Pütz

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COP 21

TÉLÉVISION ET PRISE DE CONSCIENCE CLIMATIQUE Aujourd’hui sur toutes les lèvres, la question climatique a peiné à se faire une place dans les foyers français. En marge de la COP21, l’INA a disséqué trente ans de télévision et le rôle dans la prise de conscience environnementale.

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résente dans un foyer sur deux en 1964, la télévision a façonné la conscience environnementale en France auprès du Grand Public. En marge de la COP21, l’INA a organisé une conférence-débat au Grand Palais, «  La Télévision au chevet du climat », pour retracer la corrélation entre le petit écran et la compréhension climatique française. Invitée, la docteure d’histoire Anna Trespeuch-Berthelot a expliqué que cette conscience s’est construite à travers « la vulgarisation des termes scientifiques par les journalistes et la diffusion des images spectaculaires et esthétiques de catastrophes naturelles comme Tchernobyl (en 1986) ou le naufrage du pétrolier Torrey Canyon en 1967 ». Mais la question énergétique émerge réellement à la télévision aux alentours de 1970, succédant aux questions de pollution plus anciennement traitées. En une décennie, les premiers reportages sur le sujet sont passés d’un traitement à l’échelle locale à une vision plus globale du problème. « Jusqu’au milieu du 20ème siècle, la pollution est surtout attribuée aux usines. Les foyers ont le sentiment qu’elle ne concerne que leurs abords », soutient l’historienne. Pourtant, des premières législations sur l’environnement existaient mais ne pointaient du doigt qu’une partie des pollueurs. Dès 1958, le laboratoire d’hygiène de Paris estime à 52% la responsabilité des foyers dans les émissions de gaz à effet de serre, démontant d’une part l’idée de l’entière responsabilité des industries. « C’est une des causes du retard des Français en la matière, pourtant le monde scientifique s’y intéressait depuis le 19ème », souligne la spécialiste. A noter que même en 1970, les termes employés par les scientifiques à

la télévision, était très précis et décrivent précisément la situation.

« Y a plus de saisons » A l’origine de ce basculement de pensée, « les images traumatisantes du Grand smog de Londres, pollution visible au charbon de 1952 qui a fait des milliers de morts » selon la chercheuse. Dès lors, une pollution urbaine amène les Français à s’interroger sur leur mode de vie. Plus de doute, les Français sont directement concernés. La France défigurée, émission diffusée entre 1971 et 1978 sur la deuxième chaîne nationale recueille alors les impressions de monsieur et madame tout le monde sur le réchauffement climatique. Ponctuée des classiques « y’a plus

de saisons  », elle « parle d’écologie sans être écologique », selon Anna Trespeuch-Berthelot. Jouant la carte de la proximité, elle sensibilise le Grand Public sur la préservation du paysage et du patrimoine, « racine même de la prise de conscience générale », pour la doctorante. En 1977, le débat se politise et structure avec la médiatisation des figures comme le commandant Cousteau, Jean Jouzel ou l’un des fondateurs des amis de la Terre France, Hervé Alain. Passage télévisé marquant de l’époque, le coup de communication du candidat à la présidence de 1974, René Dumont. « Je bois devant vous un verre d’eau précieuse », lance-t-il face caméra. Son discours alarmiste mais

« Les sujets télévisés sur le climat diminuent depuis 2010 »

20h d’Antenne 2, 1980 © Capture écran INA.

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COP 21 pédagogue sur l’épuisement des ressources contribue à la prise de conscience collective et ce, malgré son score de 1,32 % à l’issu de la campagne. Les gens comprennent alors, ou du moins ne peuvent nier, les effets déjà visibles du dérèglement climatique.

Journalistes, grands médiateurs du climat « Cette émergence fut possible, quand les scientifiques ont accepté de travailler avec les journalistes », estime Jean-Baptiste Comby sociologue et auteur de La Question climatique : Génèse et dépolitisation d’un problème public. La création en 1994 de l’AJE (Association des Journalistes de l’Environnement) et la collaboration de l’Institut Pierre Simon Laplace, facilite le traitement de l’information climatique et la sensibilisation de la population. Nicolas Chateauneuf, journaliste à France 2 habitué des sujets du genre peut en témoigner : « La culture scientifique générale n’était pas poussée, surtout chez les rédacteurs en chef. Il fallait se battre dans les rédactions pour faire un sujet dessus ». Après des règlements de comptes entre spécialistes sur fond de scandales médiatisés, un consensus est trouvé en 2010 dans le Bilan économie énergie (issu du Grenelle Environnement). Mais cela n’empêchera pas la vague de climato-sceptiques, pourtant très peu médiatisés. « Sur plus de 1200 reportages de TF1 aucun ne parle des climato-sceptiques. Sur France 2, seulement deux et pas très tendres. En France, leur représentation est insignifiante, ils sont présents dans les émissions qui ne sont pas destinées au public de masse », affirme le sociologue. A cette « obsession et panique des journalistes à vouloir discréditer les climato-sceptiques », que ce dernier pointe du doigt, Nicolas Chateauneuf répond que : « c’est le même problème que les microstrottoirs, avec 80 oui et 2 non, le rédacteur en chef en voudrait un de chaque ». Il admet aussi : « C’est à nous de replacer les choses dans leur contexte et éviter le décalage avec la réalité en laissant penser que

René Dumont sur Antenne 2 pendant les élections de 1974 © Capture écran INA.

leurs voies portent sur la scène scientifique, par déontologie et recherche de vérité ».

Dépolitisation et faux espoirs Malgré la création du Ministère de l’Environnement en 1971, la politisation du climat s’effectue de façon militante, aucune politique nationale n’est relayée par les médias. « Dès le début, scientifiques, militants, individus et mêmes les industriels étaient déjà présents dans les médias. Mais pas l’État. La première politique publique dédiée n’apparaît qu’en 2004 avec le Plan Climat », s’étonne Jean-Baptiste Comby. Économies d’énergies, Faisons vite ça chauffe, campagne de pub de l’État en

« Les médias ont évolué dans leur manière de traiter le climat » partenariat avec l’Ademe (Agence de l’Environnement et de la Maitrise de l’Energie) vise depuis cette date à changer les comportements des individus au quotidien. « Au lieu de reconnaître un problème de choix collectif, l’État fait une morale individuelle », souligne le

sociologue. Avec les français comme principaux responsables, le problème devient récurrent et public, il se dépolitise à travers une dynamique de sensibilisation très forte par les médias. « Le discours anxiogène permanent a tendance à agacer tout le monde. Les médias ont évolué dans leur manière de traiter le climat de la même façon que la société. On s’adapte à ce discours de bonnes nouvelles, d’initiatives personnelles et citoyennes », justifie Nicolas Chateauneuf. Or pour JeanBaptiste Comby, « les solutions mises en avant ne peuvent suffire ». En valorisant certains comportements écologiques il craint que d’autres polluants ne se sentent pas inquiétés. Les petits efforts ne remettent pas en cause le style de vie consumériste dans lequel la France est enlisée. Dans l’ensemble, les sujets télévisés sur le climat diminuent depuis 2010. En cause, l’échec des négociations de Copenhague en 2009 et la conséquente de la retombée médiatique. La hiérarchisation de l’information fait que le climat n’est presque toujours abordée qu’en cas d’événement prétexte majeur comme les résultats en hausse d’Europe Écologie Les Verts aux européennes de 2009. Mais, à miparcours de la COP21 qui se présente comme la COP des solutions, il faut réussir à trouver le bon équilibre entre course à l’audimat et responsabilité citoyenne. Maëlys Peiteado

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COP 21

LES STARTUPS S’ENGAGENT POUR LE CLIMAT A l’occasion des journées Solutions COP21 au Grand Palais, plusieurs sociétés ont pu présenter leurs créations innovantes, parfois ludiques au grand public.

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otal, Danone,Schneider Electric,nombreuses sont les grandes entreprises qui ont clamé leurs engagements pour la conférence sur le climat. Du greenwashing épinglé par le collectif Brandalism qui a détourné plus de 600 affiches publicitaires le weekend avant le début de la COP21. Dans un registre plus terre à terre, plusieurs startups ont exposé leurs projets au Grand Palais. Informer et sensibiliser est l’une des clés de l’engagement pour le climat. ClimateCollab, une plateforme en ligne de partage en est l’exemple parfait. A l’image du géant Wikipédia, elle recense toutes les recherches, les innovations qui ont ou pourront avoir un poids dans la préservation de l’environnement. Crée par l’Institut technologique du Massachussets (MIT), elle compte d’ores et déjà plus de 50 000 membres et des centaines de milliers de visiteurs.

La purification de l’air inspire

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« L’idée c’est de généraliser la protection respiratoire tout en ne rendant pas ça anxiogène », explique Caroline Van Renterghem, styliste et initiatrice du projet WAIR, un foulard qui fait office de masque à oxygène. « On associe une protection respiratoire efficace à un accessoire de mode ». L’objet est constitué d’un petit moteur à l’intérieur d’un boitier, dans le foulard. Il fonctionne avec une application, « Be AWAIR » qui fournit des alertes personnelles localisées. Il suffit alors de placer le foulard sur le visage et d’enclencher le système de filtration fiable à 99% sur les microparticules notamment. Le but est de sensibiliser la population à la qualité de l’air et de changer les comportements. A cette occasion, WAIR a lancé le site Superman, une carte interactive qui permet aux habitants de donner leur ressenti face à la pollution où qu’ils se trouvent. Le produit est toujours en

Le Grand Palais lors des journées Solutions COP21 © Victoria Pütz.

phase de développement concernant l’autonomie, le poids ou le bruit du moteur. Un fond de crowdfunding sera mis en place l’été prochain pour une commercialisation programmée fin 2016. La purification de l’air se met également au service des entreprises au moyen d’un robot : le Diya One développé par PartneringRobotics. Utilisé pour collecter les données liées à la qualité de l’air ou à la température, sa particularité réside dans son autonomie. Doté d’un cerveau artificiel et de caméras, il se déplace tout seul dans son espace en évitant les obstacles. Autre atout, le système de purification de l’air dont il dispose. Pour l’instant, le robot est loué uniquement aux sociétés soucieuses de la qualité de l’espace de travail de leurs employés. Cependant, Antoine De Rengervé, ingénieur au sein dePartneringRobotics, espère pouvoir fabriquer un plus petit modèle pour les particuliers.

Jouer pour détruire les droits de polluer Enfin, une innovation pour les amateurs de jeux sur Smartphones :

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LesOxyMore, logiciel gratuit sous la forme d’un shooter, qui permet de récolter de la monnaie numérique O2. Celle-ci donne accès des bons d’achats sur des produits bas carbone de sites partenaires d’économie du partage, d’éco conception comme Cocarde verte ou Ouistock. Pour chaque O2 dépensé, son équivalent en kilogramme de CO2 est acheté sur le marché des permis d’émissions carbone, puis détruit. Cette démarche, poursuivie à grande échelle pourrait faire grimper les prix de ces droits de polluer et finalement obliger les entreprises de s’en passer selon Olivier Guy, bénévole au sein de NeutroClimat, une entreprise proposant des solutions environnementales aux entreprises. « Il y a une volonté de créer une sorte de lobby, de montrer que les jeunes ont envie de décarboner l’atmosphère, même s’ils ne vont pas forcément acheter », explique David Bilemdjian, responsable Game design et programmeur. Selon Thierry Poupeau, président de Neutroclimat : « le 197ème pays à la COP21, c’est vous ! » Victoria Pütz


COP 21

LE RÉCHAUFFEMENT CLIMATIQUE À UN TOURNANT DE L’HISTOIRE Durant les deux premières semaines de décembre, le salon du Bourget a accueilli le sommet mondial contre le réchauffement climatique, la Cop21. 150 pays ont fait le déplacement afin de trouver un accord qui historique en vue de protéger notre planète.

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a Cop21 est un tournant de l’histoire. Après avoir tenté en vain de trouver un accord afin de limiter le réchauffement climatique, est notamment lors de la Cop15 à Copenhague, la conférence de Paris doit amener une nouvelle dynamique. C’est dans cette optique que je suis allé au salon du Bourget le vendredi 4 décembre. Arrivé sur les coups de 10h30, au moment de l’ouverture des portes, je patiente avec une camarade afin de pouvoir passer la sécurité. Suite aux récents attentats qui ont touché la Capitale, rien n’est laissé au hasard afin que tout se passe bien, sans attaques. En cette période difficile, la sécurité est primordiale, d’autant plus avec cette conférence mondiale sur le réchauffement climatique. Une fois passé le contrôle de sécurité, j’arrive dans le hall principal de l’Espace Génération Climat. 27 000 m2 afin de faire comprendre aux gens l’importance de trouver un accord et de se préoccuper un peu plus du climat.

Une ambiance détendue malgré l’urgence de la situation

L’Espace Génération Climat est constitué de onze auditoriums où se déroule chaque jour, une à plusieurs conférences. Et durant ces deux semaines, une thématique Cop21 est à débattre afin de trouver des solutions au réchauffement climatique ou bien pour interpeller les gens sur les réalités de l’environnement actuels qui se dégradent comme les océans par exemple. En ce 4 décembre, le thème du jour était l’éducation et la jeunesse. L’occasion pour la ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse, Najat Vallaud-Belkacem de faire prendre conscience aux jeunes de l’urgence de la situation. « Le changement climatique est lié à l’activité humaine donc il est de notre devoir de protéger notre planète. Il

En immersion dans l’espace génération climat © Marie Martel.

n’y a aucune autre planète à ce jour qui est susceptible de pouvoir nous accueillir, donc préservons la nôtre » explique-t-elle. Des personnes de tous les continents sont venues afin de montrer leur manière de lutter contre le réchauffement de la planète et partager leurs visions et leurs espoirs de voir un accord ambitieux aboutir. L’ambiance au sein de l’Espace Génération Climat est agréable, festive avec de la musique des quatre coins du monde qui peuvent s’entendre et des conférences organisées par de nombreux stand présent pour l’événement. C’est le cas de la Fondation Nicolas Hulot qui explique ce que sont les sciences participatives et comment chaque personne peut le faire. Cette science permet de connaître l’évolution au fil des ans de l’écosystème. Des gestes simples peuvent permettre de mieux comprendre le fonctionnement du réchauffement de la planète sur la

faune et la flore. Au travers des allées de l’Espace Génération Climat, j’ai pu croiser, au-delà de Najat Vallaud-Belkacem, Nicolas Hulot, Ségolène Royal ou encore le Prince Albert II de Monaco qui participaient tous deux à une conférence sur le climat. Si j’ai bien senti que l’engouement du tout début du lancement de la Cop21 avait baissé et que cela se ressentait en termes de visiteurs sur le site, l’ambiance et l’enthousiasme générale continue à y régner. En fin d’après-midi, après avoir travaillé et accueilli tous les visiteurs, les personnes présentes aux stands se permettent de boire un petit verre entre eux afin de clôturer la journée. Tandis que de mon côté, je repars fatigué après avoir déambulé dans l’immense espace et avec le plein de connaissance sur l’écologie.

« Aucune autre planète à ce jour est susceptible de pouvoir nous accueillir »

Raphaël Gilleron

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REGIONALES

ÎLE-DE-FRANCE : LA GAUCHE S’UNIT POUR FAIRE BARRAGE À LA DROITE La montée du FN au 1er tour des régionales a forcé le PS a retiré des candidats dans plusieurs régions où le parti est arrivé en 3ème position. En Île-de-France, les Socialistes ont privilégié l’union des gauches pour battre Valérie Pécresse.

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Claude Bartolone (PS) à gauche, Emmanuelle Cosse (EEL) et Pierre Laurent (PC) à droite lors de l’annonce de la fusion des listes © Nick Broust.

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l est huit heures mardi 8 novembre, la place de la Bastille est encore engourdie par un froid sec et pénétrant. Devant la bouche de métro, deux militants du Parti Socialistes distribuent des tracts à l’effigie de Claude Bartolone, le candidat Socialiste pour la région Ile-de-France. Certains Franciliens s’en saisissent avec un sourire, d’autres les ignorent simplement : « On fait ça régulièrement, raconte avec entrain Michel Gelly, 27 ans, il n’y a jamais de violence de la part des gens et même plutôt un bon accueil. » Ce jour là, le message annonce l’union des listes PS d’Ile-de-France avec celles d’EuropeEcologie-Les Verts (EELV) et du Front de gauche : « J’appelle au plus large rassemblement. Chaque voix comptera dimanche. J’en appelle aussi à tous les progressistes, à tous les humanistes, qui veulent lutter contre l’extrême-droite et bâtir une Île-de-France humaine », peut-on lire sur le bout de papier rouge et blanc. Le choix de cette stratégie électorale est

le résultat direct de la défaite infligée à la gauche par Les Républicains et le Front National dimanche lors du premier tour. En Île-de-France, cette avance de la droite est moins importante qu’ailleurs mais toujours présente : 30,5% pour Valérie Pécresse et 18,4 % pour Wallerand de Saint-Just (FN). La gauche a mieux résisté dans cette région avec 25,2% des suffrages contre 18,1% dans le Nord-Pas-de-Calais et 16,6% dans la région PACA. EELV d’Emmanuelle Cosse totalise 8 % des suffrages quand Le Front de Gauche de Pierre Laurent plafonne à 6,6 % : « Avec 40 % des voix au premier tour, la gauche et les écologistes sont en position de gagner en Île-de-France » Ce sera le leitmotiv du candidat PS pour le second tour.

« C’est un malentendu au niveau national » Si les fusions de liste peuvent se montrer complexes dans certaines régions où les gauches s’entendent

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moins bien, l’Ile de France semble, elle, être épargnée : « C’est un malentendu au niveau national, explique Michel Gelly, au niveau de la région, il n’y a pas de réelles divisions. L’union des gauches aurait même dû arriver plus tôt ». « Cette union est issue des relations de qualité entre les partis et d’une proximité dans les projets pour la région » a expliqué Claude Bartolone lors de l’annonce de la création d’un front unique. La gauche avait d’ailleurs déjà travaillé en bloc sur plusieurs projets, comme par exemple le tarif unique du passe Navigo entrée en vigueur en septembre dernier. Du côté des écologistes, on loue également cette coopération : « Notre programme commun est construit sur trois axes : égalité, écologie et sécurité. Il s’incarne dans des mesures comme la sortie du diesel, la gratuité des transports pour les enfants de moins de 11 ans, l’accès aux transports à tous les Franciliens et la lutte contre la désertification médical », a


REGIONALES annoncé Emmanuelle Cosse lors de la conférence de presse commune. Les idées et les programmes des partis de gauche se croisent donc pour les régionales, ce qui explique la rapidité de réaction des trois candidats. Mais ce n’est pas la seule chose qui les unis.

Une union contre la droite « Nous sommes réunis pour un projet d’avenir. Nous refusons celui de l’extrême-droite et le projet délétère de Valérie Pécresse ! déclare de manière cavalière la candidate écologiste, la bataille sera courte et intense, elle se jouera dimanche prochain ! » La lutte contre la droite réuni donc encore plus la gauche que leur programme commun. Si le Front National est beaucoup

moins menaçant que dans d’autres régions, le candidat frontiste Wallerand de Saint Just a néanmoins obtenu 18,4 % des votes, soit deux fois plus de voix que lors des régionales de 2010 :

La lutte contre la droie réuni plus la gauche que leur programme commun  « Le Front National est un venin pour la cohésion de la région », a martelé Claude Bartolone.

Lors du premier tour dimanche dernier, Valérie Pécresse est arrivée en tête d’une liste représentant la droite dure des Républicains. Son porte-parole, Geoffrey Didier, ancien protégé du très controversé Patrick Buisson, en est l’exemple. Plusieurs membres de la Manif pour tous sont aussi présents sur la liste des Républicains, démontrant le virage à droite de Valérie Pécresse. « A Paris les résultats sont plus encourageants, constate Michel Gelly, il y a une permanence du vote à gauche et la notion de front républicain est encore d’actualité. » Si le résultat du deuxième tour reste bien sûr incertain, les chances de voir la Gauche conserver l’Île-de-France ont en tout cas fortement augmenté. Nicolas Brouste

LE PROGRAMME DE LA GAUCHE UNIE Le nouveau programme présenté après la fusion des listes PS, EELV et Front de Gauche Un et

pacte

de

de

service

• Création d’une des transports

sécurité

public

:

police unique

• Vers un réseau de transports 24/24 rénové et connecté • Création d’un Pass Mobilité Île-de-France (accès unique transports / parking, vélo) • Création d’un ticket valable 1h30 dans tous les modes de transports • Création de 150 lignes de bus RATP et OPTILE avec un passage toutes les 15 minutes • Ouverture de centres de santé afin de résorber les déserts médicaux • Soutenir et renforcer les centres IVG et le planning familial

Un

pacte culturel et d’égalité

:

• Suppression des subventions régionales aux communes qui ont peu de logements sociaux et refusent d’en construire • Encadrement des loyers dans toute l’Îlede-France dès 2016 • Création d’une garantie locative pour tous les jeunes • Création d’un ERASMUS+ pour les apprentis • Priorité à l’emploi (10 000 emplois dans les transports et 5000 emplois jeunes, soutien aux PME, à l’économie sociale et solidaire…) • Généralisation quotient familial les cantines des

du dans lycées

• Lancement d’un plan « 0 décrocheur »

Un

pacte environnemental

:

• Création d’une écotaxe régionale « poidslourds en transit » • Vers une énergie 100 % renouvelable (logements, bâtiments régionaux… ) • Sorti (prime

à

du

• Création ceinture en grande

la

diesel casse)

d’une maraîchère couronne

• Mise en place d’un plan de végétalisation urbaine (plantation d’arbre, végétalisation des toitures • Aller vers le 100 % de bio dans les cantines et favoriser les circuits courts • Développer les transports ferroviaires et fluviaux pour faire reculer la pollution des camions

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REGIONALES

GAËTAN DUSSAUSAY : PR Un jeune électeur sur trois a voté FN au 1er tour des élections régionales. Rencontre avec Gaëtan Dussausay, président du Front National de la Jeunesse qui n’est plus un épouvantail.

«

Pas de triomphalisme déplacé  ». C’est en ces termes que Gaëtan Dussausay présente les résultats du scrutin régional de dimanche. S’il se dit fier des 28% à l’échelle nationale glanés par le parti frontiste au premier tour, il réclame de la prudence. Au premier coup d’œil, le jeune homme passerait presque inaperçu avec son style vestimentaire sobre et sa démarche décontractée. Bien loin du cliché ancré dans l’imaginaire

collectif du jeune skinhead au crâne rasé et à la mine patibulaire, il incarne à la perfection la stratégie de « dédiabolisation » opérée par le FN depuis l’accession de Marine Le Pen à la présidence du parti en 2011. Un gage de respectabilité fondamental selon lui : « Il faut laisser de côté ce cliché. Je suis un jeune comme les autres, avec les codes de ma génération et tout ce qui va avec. C’est important que le parti puisse renvoyer cette image ».

Et cela fonctionne, y compris auprès des adversaires politiques. La petite phrase prononcée par Nicolas Sarkozy mardi 8 décembre, « voter Front National n’est pas immoral », vient banaliser le geste politique du bulletin FN glissé dans l’urne. Au sein du « carré », le siège du FN situé à Nanterre, Gaëtan Dussausay occupe le bureau du rezde-chaussée, avec vue sur la statue de Jeanne d’Arc qui trône en bonne place devant l’entrée du QG. Des dossiers sont empilés négligemment sur son bureau, à côté duquel une grande table basse laisse découvrir une quantité impressionnante de magazines et de journaux. « Je reçois beaucoup d’étudiants en journalisme, du coup j’essaye de me tenir informé », lance-t-il. Le ton posé, il commence à décrire son parcours et exposer ses convictions.

De Balzac à Montesquieu

Le siège du FN à Nanterre © Anthony Denay

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Il se présente d’emblée comme « un gamin de l’Essonne, issu d’une famille de classe moyenne pas très aisée et totalement dépolitisée ». C’est au cours de ses années collège, passées à Brétigny-surOrge, que sa conscience politique commence à s’éveiller : « J’étais effaré par le manque de respect que les élèves témoignaient à l’égard de leurs professeurs. Moi aussi, j’étais un peu comme ça, du genre insolent. Mais ce manque de sens hiérarchique me gênait. Tout comme l’aspect superficiel de beaucoup de collégiens ». Qu’entend-il par « superficiel » ? « Cette volonté de toujours porter des marques, des nouvelles chaussures à la mode au sac Eastpak ». Un refus de la globalisation de la société, déjà. C’est pourtant bien plus tard, alors qu’il est en première année de licence de philosophie et de lettres modernes à l’Université de Tolbiac, que la tentation FN se fait sentir. En décembre 2011, il prend sa carte


REGIONALES

ROPRE DANS SES BOTTES

Logo FNJ © fnjeunesse.fr

d’adhérent. Pourquoi ce choix ? « Le Front me semblait être le parti le plus cohérent. Loin des jeux d’appareil et des stratégies électorales, il a toujours tenu le même discours sur l’immigration, l’Europe et l’économie. Ce discours m’a séduit. Je suis un lecteur assidu de Balzac, Victor Hugo, Montesquieu, Marx ou encore Engels. Donc au départ, on m’a un peu regardé de travers quand j’ai rallié la maison ». Il éclate de rire, puis s’allume une cigarette avant reprend le fils de son récit. Il s’étonne encore de son ascension

Le Front me semblait être le parti le pus cohérent  fulgurante au sein du parti, de son intronisation comme candidat aux municipales de 2014, dans le 11ème arrondissement de la capitale. Il relève le bon score alors obtenu, 5,5%, dans un arrondissement plutôt bourgeois-bohème davantage acquis aux idées du Parti Socialiste. Il décrit enfin sa fierté et celle de sa famille à la suite de sa nomination au poste de président du Front National de la Jeunesse en octobre 2014. Une trajectoire linéaire dont

il ne sait pas encore où elle le mènera : « Je n’ai pas de plan de carrière. Peut-être que dans cinq ans je ferai autre chose, ou peutêtre que je serai encore là. Pour l’instant, je me sens utile donc je ne me pose pas de questions ».

Georges Marchais et JeanMarie Lorsqu’il s’agit de décrire son parti, le jeune président se montre loquace : « Le FN a une cohérence à la fois verticale et horizontale : verticale au niveau des tares qu’il dénonce, horizontale sur ses propositions pour y remédier. Cela donne une lisibilité à son programme et c’est grâce à ça que nous gagnons des électeurs. Nous dénonçons l’Europe, l’espace Schengen, la tutelle de Bruxelles, tout ce qui conduit à la perte de souveraineté de la France. Les gens se sont rendu compte que les élites de la classe politique traditionnelle n’avaient pas respecté leur « non » au traité européen lors du référendum de 2005. La libre-circulation des personnes dans l’espace européen fait le bonheur de Gattaz et du Medef qui voient là l’occasion de peser à la baisse sur les salaires. C’est l’une des grandes contradictions de l’extrêmegauche, qui se dit anti-libéral mais

appui l’arrivée en France des étrangers. Ils déplorent les effets dont ils chérissent les causes. C’est pour cette raison qu’ils ne sont plus crédibles et se retrouvent aussi bas à chaque élection ». Il se dit pourtant grand admirateur des discours enflammés du Georges Marchais de la grande époque, quand « le PC fustigeait l’immigration massive et n’avait pas honte des symboles nationaux ». Depuis son entrée au Front, il avance s’être rapproché de personnalités médiatiques de premier plan. Et avoue vouer une admiration sans borne « pour la culture générale et l’intelligence acérée de Jean-Marie Le Pen. Je le voyais souvent à l’époque où il était président d’honneur. Je participais à son journal de bord. Jean-Marie (sic) est un peu comme notre grandpère. C’est la figure tutélaire, il me conseillait souvent des lectures, des musiques à écouter. Après, je trouve contestables nombre de ses propos, et c’est vrai qu’il nous a beaucoup savonné la planche ces derniers temps. Je préfère parler des conquêtes napoléoniennes avec lui plutôt que de l’entendre proférer des propos aux relents antisémites. Mais au niveau de la culture, c’est une véritable encyclopédie historique ». Il considère Marine Le Pen comme une « femme d’Etat », avec laquelle il entretient des relations cordiales mais très professionnelles. « Bizarrement, les gens ne me regardent pas différemment depuis que je suis adhérent au FN. Au contraire, il trouve ça bien que je m’investisse pour une cause qui me tient à cœur. Même mes anciens amis me questionnent avec curiosité, mais sans juger mon choix ». Un sourire satisfait illumine son visage. Une cigarette écrasée dans le cendrier plus tard, il se met à compulser frénétiquement ses dossiers. A une semaine du second tour des régionales, le travail ne manque pas. Surtout lorsque l’on refuse le « triomphalisme déplacé ».

Anthony Denay

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REGIONALES

UN ENTRE-DEUX TOURS PRÉVISIBLE Ce dimanche 6 Décembre se tenait le premier tour des élections régionales qui détermineront la composition des conseils des treize nouvelles régions. A l’issue de ce premier scrutin, le Front National est en tête dans six régions.

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Marine Le Pen lors de sa campagne présidentielle de 2012 © Wikimedia commons.

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7% de vote à l’échelle nationale pour le parti d’extrême-droite, c’est en effet du jamais vu en France. Pourtant et malgré l’engouement médiatique qui découle de cette situation, il semble que ce résultat pose problème mais ne surprenne pas. Depuis le 12.6% de Jean-Pierre Stirbois à Dreux aux élections cantonales de 1982, le Front National a enchaîné une série de succès dont l’apothéose a surement été l’élection présidentielle de 2002, qui a vu l’ancien leader du parti, Jean-Marie Le Pen, être propulsé au second tour. Alors la routine s’enclenche et des éléments de langage connu refont surface : « Nous sommes la seule alternative » pour la droite, « Faisons barrage » pour la gauche. Techniquement, cela se traduit par le retrait des listes arrivées en troisième position pour le PS, et par une politique du « Ni retrait, ni fusion » pour Les Républicains. L’idée d’une fusion aurait pu être défendable, mais la perspective d’un programme basé sur des valeurs communes n’est pas réalisable à une semaine du deuxième tour. La

presse s’emballe à l’unanimité, cherchant un coupable à tout prix. Serait-ce les jeunes ? Serait-ce les moins diplômés ? Tel le bras armé de la justice, certains articles nous proposent un réquisitoire fourni contre ces « sans excuses ». Pour rester sérieux et sans flirter avec la calomnie, il semble nécessaire de rappeler que le taux de participation à l’échelle nationale fût de 48,1% pour ce premier tour. Le premier parti de France reste donc, de loin, celui de l’abstention. Dans cette atmosphère, il est légitime de se demander s’il vaut mieux pointer la victoire des uns ou rappeler les erreurs des autres.

Une place vacante Car quand la presse dénonce une jeunesse frontiste, elle oublie que 65% des 18-34 ans n’ont pas été voter ce dimanche. L’abstentionnisme reflète en effet un manque d’intérêt général de la population pour la politique et devient encore plus révélateur lorsqu’il touche massivement les jeunes. Force est de constater que le « vote utile », le « vote de barrage »

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reste la seule perspective possible pour « éviter le pire ». Il faut se contenter de « voter contre » lorsque l’on voudrait « voter pour ». Difficile de ne pas reconnaitre qu’actuellement, la classe politique peine à s’adresser à la population. Si le Front National a pu prendre une telle ampleur, c’est bel et bien parce qu’il y avait de la place. Thomas Guénolé, politologue, rappelait d’ailleurs le lundi 08 octobre sur le plateau d’Elisabeth Quinn que la fatalité du bipartisme gauche-droite en faveur de la mondialisation économique avait laissé un goût amer dans la bouche des Français et que 35 ans d’alternance sans aucune véritable vision à long terme peuvent paraître un peu moroses. Faute à la réélection, à la loi du marché, aux instances européennes, à la dispersion du corps social… En attendant la perte des utopies politiques se ressent au quotidien et les batailles idéologiques se noient sous les flots d’une communication qui prend de plus en plus de place. Bien évidemment, le parti de Marine Le Pen ne néglige aucune bataille et se retrouve ainsi seul sur


REGIONALES

Panneau de vote des élections régionales dans le 15ème arrondissement de Paris © Nick Broust.

des terrains populaires. Le chômage chronique, le retour à un certain protectionnisme économique ou l’instauration de la réclusion criminelle à perpétuité

Le premier parti de France reste donc, de loin, celui de l’abstention sont ainsi des sujets esquivés ou traités partiellement par une grande partie de la classe politique.

L’enjeu sécuritaire Car la perte de sens collectif pour une politique politicienne n’est pas l’unique condition qui a permis une telle floraison de l’extrême droite. Comment parler de contexte favorable au Front National sans parler d’insécurité et des attentats de novembre dernier. Le facteur sécuritaire et la crise identitaire ayant toujours été le fer de lance de l’argumentaire frontiste, les temps d’aujourd’hui laisse place à un boulevard pour le FN. Preuve en est, la corrélation temporelle est frappante entre les attentats les plus meurtriers de l’histoire de France et ce score nationaliste invraisemblable. D’ailleurs, Laurent Wauquiez, qui proposait des camps d’internement

pour les fichés S à la suite des attentats, reste un des seuls à avoir réussi à distancer le FN. Preuve d’une demande sécuritaire en hausse : les gens ont peur. Encore une fois, l’incapacité du gouvernement à relayer des informations à une échelle internationale et à suivre des terroristes potentiels (notamment après que Bernard Squarcini ait reproché à Manuel Valls d’avoir refusé la liste des français combattant en Syrie, ou même sur le fait que Salah Abdeslam reste introuvable) a permis une certaine cohérence dans le discours des partisans de Marine Le Pen. Ces derniers s’approprient maintenant le souhait d’un retour à une police qui a les moyens de combattre. De plus, comment justifier le fait que

de jeunes Français s’entretuent, si ce n’est en prônant le fait que certains d’entre eux sont français sans l’être. Et car certains aiment parler de « crise identitaire » Phillippe Frémeaux, un journaliste, rappelait le lundi 08 octobre dans Alternatives Economiques que celle que traverse le Moyen-Orient reste beaucoup plus violente que la nôtre et laisse place à un messianisme qui nous compte parmi ses victimes. Messianisme qui trouve également refuge dans une perte de repère politique d’une minorité de la jeunesse française. En attendant, les résultats définitifs restent incertains et il faudra attendre ce dimanche 13 octobre pour se faire une idée réelle de la montée frontiste en France. Aurélien Monségu

Il faudra attendre ce dimande 13 odtobre pour se faire une idée réelle de la montée frontiste en France © Marie Martel.

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SOCIÉTÉ

LA VILLE DÉSERTE DE LA COMTESSE Connaissez-vous Theuville, le village fantôme du Val d’Oise ? Depuis la fermeture de l’usine de bétail il y a des dizaines d’années, Theuville, propriété d’une comtesse, a connu l’exode des ouvriers et des habitants suite à la modernisation des moyens industriels.

E

L’usine de bétail la nuit © Séléna Djennane.

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n direction de CergyPontoise, au détour d’une petite route de campagne, se trouve le village perdu. Au loin une lueur orangée éclaire la pénombre. Dans le noir le plus obscur, le village dort. Rien n’est visible sans flash de téléphone ou lampe torche. Le village semble figé dans le temps. Une grande partie des maisons de Theuville sont délabrées, les murs sont fissurés, les vitres des fenêtres sont fracassées et les volets éclatés. Autour de ces maisons broyées par le temps, il n’y a rien, mis à part des champs ... On se croirait dans la reconstitution d’une scène d’un film de guerre, que les habitants auraient déserté. Néanmoins, le village a accueilli par le passé une usine, un château et un hôpital avant d’être abandonné par les villageois. La sensation et les ressentis que laissent ce patelin du Val d’Oise sont très étranges : de l’excitation et de la peur, tout se mélange. L’adrénaline monte et laisse place au frisson. Le village est tellement vide que l’on s’y entend penser. L’église n’est pas très grande mais ne laisse pas indifférente. Elle est comparable à la mairie de City Hall dans « L’Etrange Noel de monsieur Jack » de Tim Burton (qui

ressemble plus à une église qu’une mairie). On peut aussi observer dans les jardins des maisons de charmants puits intacts. Une lumière est visible à travers une fenêtre et c’est bien la seule. Ce décor impressionnant reste silencieux comme un cimetière. Aujourd’hui, Theuville reste très peu peuplé, en 2011 on comptait vingtsept habitants selon la mairie de la commune. Il y a encore un an de cela, une ligne de bus reliait Theuville et Cergy-Pontoise. Cette année, la commune a réussi à faire installer un abri pour le bus scolaire chargé d’acheminer les 6 enfants du village à l’école situé à quelques kilomètres. « C’est très désagréable d’entendre les gens qualifié Theuville, de « campagne fantôme », déclare Emilie, secrétaire de la mairie, agacée. Une comtesse règne sur ce village abandonné, l’héritière ne souhaite léguer ses biens familiaux. De fait, elle loue ses propriétés inhabitées. En 1920, Maria de los Angelos de Borbon y de Miro (1895-1964) épouse au Château de Balincourt, le

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comte turc d’origine polonaise Jan Ostrorog (1896-1975). Ils auront une fille unique, la comtesse Anne Ostrorog (1923-2004). Cette dernière épousera en première noce (1941) au château de Balincourt, le comte du Petit Thouars, Georges Aubert Saint Georges (1913-1952). Deux ans après la mort de son premier époux, la comtesse Anne épousera en secondes noces (soit en 1954) et toujours au château de Balincourt, Pierre Balton (1925-1974). En 1986, elle se mariera une dernière fois avec le comte Antoine du Chastel de la Howarderie. Elle eu deux fils issus de son premier mariage avec le comte du Petit Thouars : Yves Aubert de Saint Georges, comte du Petit Thouars (1942), l’actuel maire de Theuville. De son deuxième mariage Anne eu également une fille, Angèle de LiedekerkeBeaufort, comtesse de Theuville (1955). Selon Emilie, secrétaire du maire de Theuville, le village se transmettrait de mère en fille : « un héritage auquel

«  En 2011, on comptait 27 habitants selon la Mairie de la commune »


SOCIÉTÉ

Eglise de Theuville © Bastien Milanese via Creative Commons.

elle tient ». Yves Aubert de Saint Georges, lui, serait le propriétaire du château de Balincourt, construit en 1780 etsitué dans la vallée du Sausseron dans le Vexin.

L’usine abandonnée Non loin de Theuville, à deux ou trois kilomètres des habitations entourée de grands et longs arbres, se trouve une ancienne usine « fantôme ». Cette entreprise, à la pointe de la modernité jusque dans les années 1970-1980, fabriquait des tourteaux. La structure avait au dernier étage une passerelle qui permettait d’acheminer les grains stockés et de les traiter industriellement de l’autre coté de l’usine. « Tout était assez automatisé, les machines fonctionnaient à la vapeur et à l’électricité », se souvient le maire de Theuville. Pourtant, le passé de cette usine semble avoir également disparu. Aujourd’hui elle ne ressemble plus à rien, on dirait un dépôt où des artistes se sont amusés à taguer les murs de la sinistre usine. Des personnages, des noms, des dates, des couleurs donnent une autre vie à la bâtisse abandonnée. Des monstres de fer rouillés, tombés du troisième étage ont fracassé les plafonds et son encore suspendus dans le vide. Des trous de plus de 50 mètres de profondeur envahis de déchets sont visibles sur le sol ruiné de l’usine. Un escalier très étroit,

Des monstres de fer rouillés, tombés du troisième étage ont fracassé les plafonds complètement rouillé où les rampes ont été arrachées mène au toit de l’immeuble. Un étage en-dessous se trouve l’ancienne passerelle aujourd’hui transformée en trou noir coloré de tag. Elle conduit au coté industriel de l’usine où il ne reste

qu’une partie de la toiture. L’autre s’est écroulée. La nature se mélange au décor sombre de ce cadavre qu’est devenu la structure. Des plantes se sont agrippées à cette forteresse, de la mousse s’encre dans le ciment et les branches traversent les murs cassés, se mêlent aux machines rouillées. Cependant cette ville fait le bonheur des cinéastes, artistes et réalisateurs, fascinés par l’authenticité de ce village « perdu ». Le dernier tournage c’est déroulé l’hiver dernier, pour le film du réalisateur Roschdy Zem, Chocolat, avec le célèbre humoriste et acteur Omar Sy. Séléna Djennane

La passerrelle de l’usine abandonnée © Séléna Djennane.

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TERRORISME

L’ÉCONOMIE DU SPECTACLE Les attentats du 13 novembre ont remis en cause la sécurité des lieux de vie. Les espaces publics rehaussent la fiabilité et la sûreté de leurs entrées. Des mesures qui ont un coût, non négligeable face à une baisse des fréquentations et les annulations.

L

e monde du spectacle a été directement visé. Le Bataclan fait aujourd’hui office de symbole, une image de liberté culturelle que les Français tentent de préserver malgré la peur. La plupart des clubs et des salles de concert partent en croisade sous une bannière commune : « Rien ni personne n’empêchera Paris de danser » ou encore « Les spectacles sont vivants ! ». De beaux slogans face à une réalité mitigée. La semaine suivant les tragiques événements, une baisse de 80% des ventes de billets de concerts à Paris a été enregistrée. Certains grands clubs parisiens ont constaté une chute de leur fréquentation de l’ordre de 30 à 50%. De tristes chiffres comparés à ceux de l’année précédente, publiés en octobre dernier par le Centre National de la Chanson, des Variétés et du Jazz (CNV) : « Plus de 60 000 représentations , 25 millions d’entrées (représentations payantes) et 746 millions d’euros de recettes de billetterie », annonçait le rapport.

Selon Frédéric Hocquard, délégué adjoint à la nuit de la Mairie de Paris, les baisses de fréquentations des lieux publics sont de trois ordres : « elles sont d’abord liées au public qui a eu peur et qui va avoir besoin de temps pour s’en remettre. Ils n’ont pas eu la tête à ressortir et cette crainte a été significative pour les établissements du centre de Paris. Il y a eu ensuite énormément d’annulations et de fermetures prolongées dûes à la stupeur et au deuil. Enfin, les salles et les clubs, principalement, ont du faire face à des déprogrammations importantes qui émanent notamment des anglo-saxons qui ne souhaitent pas venir à Paris en ce moment. » Ne pas avoir peur, oui, mais sortir comme si de rien n’était est quasi impossible aujourd’hui. « Le monde de la musique a payé un lourd tribut. Les terroristes rêvaient de salles désertes », déclarait la ministre de la Culture Fleur Pellerin, deux jours après les événements. La période des fêtes de fin d’année est cruciale pour le secteur. Aujourd’hui le différentiel

est moins important mais s’élève tout de même à 50%. Les théâtres publics subissent quant à eux des pertes de 15 à 20%, principalement dues aux interdictions et restrictions des sorties scolaires. Les établissements ont du faire face à des pertes difficiles. La question de la sécurité s’est imposée à l’entrée des lieux de vie.

Des contrôles renforcés Les établissements recevant du public ont reçu des directives émanent du ministère de la Culture et de la Communication. De nouvelles mesures de sécurité viennent donc s’ajouter à celles déjà en vigueur. Si la préfecture est désormais en droit d’interdire des manifestations extérieures, qu’elles soient culturelles ou non, les directions des salles de concert, théâtres et clubs n’ont pas reçu d’ordres ou d’obligations à proprement parler : « Il n’y a pas de nouvelles règlementations mais des consignes émanant de la préfecture et de la mairie. Il s’agit

Les salles de concerts et de théâtre enregistrent des baisses de fréquentation suite aux attentats © Ohmygod

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TERRORISME

IMPACTÉE PAR LES ATTENTATS

Le Bataclan est l’image de la résistance culturelle parisienne ©Express

de renforcer drastiquement les contrôles (fouille des sacs poussée, ouverture des manteaux, palpations et utilisations de détecteurs de métaux) tout en limitant au maximum les files d’attentes. Ce qui veut dire embaucher davantage d’agents pour aller plus vite », explique Eric Labbé. Directeur des Nuits Capitales et initiateur de la pétition « Quand la nuit se meurt en silence » de 2009, il est engagé dans le combat pour la mise en valeur de la nuit parisienne. La pétition a d’ailleurs permis à la mairie de Paris de considérer le sujet comme essentiel à l’épanouissement économique et touristique de la capitale. Pour aller au théâtre, à un concert ou bien en boite de nuit, passer l’entrée est désormais un périple. La présentation des papiers d’identité, précédemment facultative, est obligatoire. Très peu de lieux sont équipés de portiques. Seuls les hauts lieux de la capitale, comme l’Opera Garnier, n’ont pas eu le choix. Le syndicat national des producteurs, diffuseurs, festivals et salles de spectacle musical et de variété (PRODISS) propose l’utilisation obligatoire de billets nominatifs à l’entrée des salles afin de faciliter le contrôle, désengorger les files d’attente et permettre une traçabilité. « Il faut renforcer nos systèmes de sécurité aux entrées, sans pour autant nous transformer en hall d’aéroport », rappelle Frédéric

Hocquard, délégué adjoint à la nuit de la Mairie de Paris. Un communiqué au sujet des manifestations culturelles adressé par le Haut fonctionnaire de défense et de sécurité (HFDS) au ministère de la Culture et de la Communication précise que « l’organisateur doit prévoir un dispositif de sécurité renforcé, notamment en matière de contrôle d’accès et de filtrage ainsi qu’un dispositif d’attente adapté du public en extérieur. »

Un surcoût important C’est donc à la charge des établissements de s’équiper afin d’assurer la sécurité de leur public. « Cela représente 10 à 20% de nos coûts de sécurité suivant les lieux », se désole Eric Labbé. La plupart des espaces doivent doubler leurs effectifs assignés aux entrées et à l’intérieur, s’équiper en vidéoprotection et surtout en dispositif de billetterie afin de limiter des regroupements trop importants. Et toutes ces mesures ont un coût. Le PRODISS estime à 50 millions d’euros les besoins à court terme. Le ministère de la Culture et de la Communication avait annoncé le 15 novembre l’ouverture d’un fonds d’urgence au spectacle vivant à hauteur de 4,5 millions d’euros. Adoptée définitivement par les parlementaires en séance publique

le 4 décembre, la dotation comprend 2,5 millions issus du CNV, 500 000 euros de la SACEM, 500 000 euros de l’Adami, auxquels s’ajoute un million du ministère. « On ne sait pas encore quels seront les critères pour en bénéficier, ajoute Eric Labbé. En général, ce genre d’aide ne concerne pas les clubs mais j’ai quand même insisté récemment pour que l’on prenne en compte l’ensemble des lieux impactés. » Le conseil d’administration s’attachera « à examiner en priorité les dossiers des structures dont la poursuite d’activité est menacée à court terme », précise le CNV. Dans tous les cas, le fonds d’urgence ne permettra pas à la plupart des établissements qui en bénéficieront de couvrir les nouveaux coûts et les diminutions des recettes. Evidemment les salles de concerts, théâtres et clubs ne sont pas les seules victimes des attentats du 13 novembre. Les musées ont enregistré une baisse

« La semaine suivante [...] une baisse de 80% de ventes de billets de concerts à Paris a été enregistrée »

de fréquentation de 30 à 50% la première semaine. Les restaurants parisiens affichent un recul de leur chiffre d’affaires de 33%. Le secteur le plus touché reste l’hôtellerie de luxe. Les clients peuvent en effet se permettre les frais d’annulation élevés. Car ce sont bien des annulations massives auxquelles ont du faire face les hôtels de la capitale. La plupart ont enregistré une baisse de 50% les deux semaines suivant les évènements. Enfin, c’est le pays tout entier qui subira économiquement les attaques de l’Etat Islamique : Bercy évalue une croissance à la baisse de 0,1 point de PIB pour les prochains mois. Si la France n’a pas peur, l’économie reste fébrile. Leo Chabannes de Balsac

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TERRORISME

PLACE BEAUVAU : LE PÈRE NOË

Au lendemain des attentats du 13 novembre 2015, la France a été placée en état d’urgence. Dans ses premiers jours, nul n’a remis en question sa nécessité. Mais presque un mois après sa mise en place, des voix s’élèvent contre ses abus.

A

ssignations à résidence, perquisitions musclées et nocturnes, arrestations en augmentation : chaque jour apporte son lot de mosquées radicales découvertes ou de sympathisants de l’Etat Islamique confinés chez eux. Si l’Etat ne se cache pas de ces trouvailles et se targue d’avoir retrouvé plus de 300 armes, il se fait néanmoins discret sur les multiples abus recensés depuis la mise en place de l’état d’urgence. D’un côté, la communauté musulmane s’estime victime de stigmatisation. Le 26 novembre, les locaux de l’ONG BarakaCity sont perquisitionnés par la police. Cette association humanitaire, qui vient en aide aux populations démunies partout dans le monde où elle le peut, séduit chez les jeunes musulmans grâce à sa présence sur les réseaux sociaux et frôle les huit millions d’euros de dons par an. Dès l’arrivée des forces de l’ordre, BarakaCity publie sur facebook l’arrêté du préfet, qui parle de l’organisation : « connue pour être une ONG islamique

Un Renault Trucks Défense Véhicule de l’avant blindé (VAB) atterri à l’aéroport de Bamako, Mali, en appui de l’opération NEWCOMBE.© SAC Dek Traylor

dont les membres musulmans fondamentalistes effectuent régulièrement dans le cadre de leur activité humanitaire des voyages en Syrie ». Selon Bernard Schmeltz, le préfet de l’Essonne, « il existe des raisons sérieuses de penser que se trouvent des personnes, armes

QU’EST CE QU’UNE FICHE S ? La fiche S, pour « atteinte à la sécurité de l’Etat », est une fiche qui rentre dans la plus vieille catégorie de fichiers de police, celui des personnes recherchées. Emises et éditées par les services de renseignements, les fiches S ne concernent pas que les islamistes radicaux, mais toutes les personnes qui rentrent dans le très large de cercle de ceux qui sont perçus comme menaçant la sécurité de l’Etat. Parmi eux, aspirants terroristes, hooligans, membres de groupuscules d’extrêmedroite, mais également de militants anti-nucléaires, écologistes ou zadistes. La fiche S ne débouchant pas toujours sur une arrestation, elle n’implique que le signalement des passages des frontières de la part du fiché. Si Bernard Cazeneuve ne parle, en France, que de « quelques milliers de fichés », Nicolas Sarkozy lui avance le nombre de 11 500, quand Manuel Valls affirmait le 24 novembre en comptabiliser 20 000, dont 10 500 pour la seule mouvance islamiste.

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ou objets liés à des activités à caractère terroriste » mais aussi des stupéfiants. Finalement, les policiers font chou blanc. Ils ne trouvent ni armes, ni stupéfiants, ni de quelconques pistes permettant de penser que l’ONG BarakaCity sert les intérêts de la mouvance islamiste radicale. Second exemple, chez le restaurateur Yvan Agac, propriétaire d’un grill hallal dans le Val d’Oise. Le 21 novembre, une trentaine de policiers débarquent casqués dans son établissement, armes à la main, demandant à tous les clients présents de rester à leur place, les mains sur la table. Pendant de longues minutes, ils fouillent l’ensemble du restaurant, défoncent des portes déjà ouvertes et d’autres fermées, alors que le gérant leur propose les clés. La police n’y trouve rien. Ni armes, ni autres objets liés au terrorisme. Pour l’avocat Michel Tubiana, président d’honneur de la Ligue des Droits de l’Homme interrogé au micro de France Inter, « le ministre de l’Intérieur agit probablement sur la base des fiches S, ce qui ne laisse pas de nous inquiéter. Ces fiches sont établies uniquement par les services de police. Mal renseignées,


TERRORISME

ËL S’APPELLE ÉTAT D’URGENCE

Une rangée de camion de CRS dans les rues de Paris © Flickr

à partir de présupposés qui relèvent plus de l’idéologie que d’une réelle analyse du terrorisme ». Depuis le 26 novembre, le Collectif Contre l’Islamophobie en France affirme avoir été saisi de plus d’une vingtaine de dossiers relatifs à des affaires de violences, d’insultes ou d’appartements dévastés par les forces de l’ordre. Comme le souligne Yasser Louati, le porteparole du collectif contacté le 1er décembre par France 24, « près de 90 % des perquisitions menées depuis le 13 novembre concernent des musulmans ».

La contestation antigouvernementale dans le collimateur Mais ces dérives concernent également certains contestataires et plus particulièrement les militants d’extrême-gauche. Dans le numéro du magazine télévisé spécial investigation « Ecolos, ennemis d’Etat », consacré aux mouvements écolos, un policier des renseignements s’exprime anonymement et confirme le fichage des militants écologistes, anarchistes et radicaux. Depuis la mise en place de l’état d’urgence, de nombreuses perquisitions et assignations à résidence abusives ont été recensées

par les militants. Le 25 novembre, Joël Domenjoud, engagé dans les manifestations contre la COP21, se fait signifier son assignation à résidence. Chaque jour, il doit pointer à 9H, 13H et 19H30 au commissariat de police de Malakoff. Son seul tort, avoir fait partie des organisateurs des manifestations contre la COP21, finalement interdites au vu des actes terroristes de la mi-novembre. Dans un communiqué débutant par « le ministre de l’Intérieur perd ses nerfs, confond et assimile le mouvement associatif au terrorisme », la Ligue des droits de l’homme a réagi à cette assignation à résidence inexpliquée. Durant la grande conférence sur le climat qui a lieu au Bourget, 24 militants écologistes ont subi le même sort que Joël Domenjoud. Le 24 novembre, le préfet de Dordogne a ordonné la perquisition d’une ferme du Périgord. Sur les coups de 7 heures du matin, une dizaine de gendarmes débarquent, à la recherche de personnes, armes ou objets susceptibles d’être liés à des activités à caractère terroriste. Encore une fois, les gendarmes ne

trouvent rien. « Ils s’attendaient à quoi, à des légumes piégés ? » plaisante Elodie, la propriétaire, interrogée par le média alternatif Bastamag. Toutes ces dérives, le site « la quadrature du net » les recensent jour après jour. Dans le collimateur du gouvernement à plusieurs reprises car ayant milité contre la loi renseignement et défendant les libertés individuelles notamment sur internet, le site continue malgré tout de mettre à jour sa base de données. Pourtant, Place Beauvau, les représentants des forces de l’ordre n’en démordent pas : les mesures actuelles ne sont pas encore assez fortes. Dans une liste ébruitée par Le Monde, la police et la gendarmerie rêvent par exemple de « l’internement des fichés S », de « l’interdiction du WiFi public » et de « la fouille ainsi que le contrôle sans consentement ni justification de personnes et de véhicules ». Au ministère de l’Intérieur, le Père Noël s’appelle donc état d’urgence.

Ils défoncent des portes [...] alors que le gérant leur propose les clés

Louis Poncignon

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TERRORISME

BOKO HARAM S’ACHARNE SUR LE LAC TCHAD Le lac Tchad de nouveau endeuillé par un attentat perpétré par la secte islamiste Boko Haram. La région, placée sous le régime de l’état d’urgence par le gouvernement tchadien, subit depuis des mois les attaques kamikazes de la secte.

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7 morts et 130 blessés. C’est le bilan de l’attentat mené par quatre terroristes issus de la secte islamiste Boko Haram le 5 décembre sur l’île de Kouloukoua, dans le bassin du lac Tchad. Le mode opératoire porte la marque du groupe d’Abubakar Shekau, qui mène désormais des attaques analogues sur un large territoire transfrontalier, s’étendant du Nigéria au Cameroun en passant par le Tchad. Les terroristes se sont fait exploser à différents endroits du marché de Loulou Fou, afin de maximiser le nombre de victimes. Si l’identité des quatre porteurs de bombe n’est pas connue, les précédents attentats menés par la secte – qui a fait allégeance à l’État Islamique – font craindre que cette attaque ait été menée par des jeunes femmes ou des enfants enlevés par Boko Haram lors d’opérations précédentes.

« Reconstituer son potentiel de nuisance » Cet attentat fait suite aux attaques menées sur le bassin du lac Tchad depuis plusieurs mois et le basculement de la secte islamiste dans l’action asymétrique. Un basculement qui s’explique notamment par l’action des armées nigérianes et tchadiennes qui, suite à l’élection de l’ancien militaire Muhamadu Buhari, ont inversé le rapport de force militaire avec Boko Haram. Depuis, la secte s’emploie à démontrer que son champ d’action ne connait pas de limites dans la région. Ainsi, Mathias Owona Nguini, politologue camerounais, explique au micro d’Africa24 (chaîne de télévision panafricaine) que leur but est de « maintenir la pression sur les états du bassin du lac Tchad. Il s’agit de montrer que l’accession au pouvoir du président Muhamadu Buhari n’a

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pas fondamentalement modifié la situation. Dans cette perspective, le groupe doit rester une menace permanente. Il avait été affaibli, et il lui a fallu un peu de temps pour reconstituer son potentiel de nuisance pour montrer qu’il n’avait pas été anéanti. »

Carrefour de l’eau Le bassin du lac Tchad, qui hébergeait 45 millions d’habitants en 2012, est un enjeu primordial. Son rôle économique dans la région est incontournable, il fournit notamment de l’eau aux quatre pays les plus engagés dans la lutte contre Boko Haram, le Nigéria, le Niger, le Tchad et le Cameroun. Par ailleurs, les combattants de la secte contrôleraient la pêche, et prélèveraient des taxes sur les marchés de poisson séché. La situation est préoccupante, elle n’en est pas pour autant surprenante. Si Bokok Haram avait jusqu’alors évité les sites stratégiques (barrages, réserves d’eau, ou puits de pétrole) Samuel Nguembock, chercheur associé à l’IRIS, avait prévenu que si « les moyens de la coalition armée

Le bassin du lac Tchad © Creative Commons.

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devenaient supérieurs au dispositif mis en place par Boko Haram pour occuper les régions du Nord, le groupe sera susceptible d’avoir recours à une guerre asymétrique qui verra des opérations viser les sites stratégiques. » Un pas désormais franchi, qui devrait sans nul doute pousser les institutions africaines à demander de nouveau le soutien de l’Union Européenne. Il y a quelques mois, Mull Sebujja Katena, le Président du Conseil de Paix et de Sécurité de l’Union, s’était exprimé en ce sens : « Le Conseil de sécurité des Nations-Unies ont la possibilité d’assurer la paix n’importe où dans le monde […] nous espérons aussi que la communauté internationale nous supportera. » Alors que le monde est en guerre contre le terrorisme international, certains s’étonnent que cet appel reste lettre morte, alors même que Boko Haram est le groupe armé le plus meurtrier de ces dernières années avec près de 17 000 morts et plus de 2,5 millions de déplacés depuis 2009. Charles de Jouvenel


INTERNATIONAL

L’ARABIE SAOUDITE NE STAGNE PLUS À deux jours des élections municipales en Arabie Saoudite prévues le 12 décembre, peu de femmes ont l’intention de participer. Pourtant, et pour la première fois dans l’histoire du pays, elle pourront prendre part au scrutin. Signe que le régime réputé pour sa rigueur semble désormais prêt à évoluer.

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rande nouveauté en Arabie Saoudite : les élections municipales du 12 décembre sont les premières auxquelles les femmes pourront participer comme électrices et candidates. Pourtant, seules 130 600 Saoudiennes se sont inscrites sur les listes électorales, soit environ dix fois moins que les hommes, et 900 audacieuses, sur 7 000 candidats, se sont présentées pour solliciter un siège dans les 284 conseils municipaux.

Des inégalités contraignantes « C’est important que les femmes puissent voter », affirme Alain Gresh, journaliste au Monde Diplomatique et spécialiste de l’Arabie Saoudite. « Mais il ne faut pas oublier qu’une partie de la société est très traditionnelle et religieuse ». Il est fort probable que certaines femmes soient elles-mêmes « réticentes face à cette nouveauté ». Il faut dire que la simple démarche de

« 60% des étudiants inscrits dans les universités sont des femmes » se rendre dans un bureau de vote n’est pas une mince affaire. Dans un pays où les transports en commun sont quasi inexistants, les femmes n’ont pas le droit de conduire. Un homme de la famille devra donc leur servir de chauffeur. Un système «particulièrement injuste» d’après Alain Gresh, surtout lorsqu’on jette un coup d’oeil à l’article 36 de la Constitution saoudienne : « Il n’est pas permis de restreindre la liberté de qui que ce soit ». Dans ce cas, comment

Alain Gresh, journaliste spécialisé sur l’Arabie Saoudite © Les cahiers de l’Islam

expliquer que les femmes ne puissent pas travailler, voyager ou même accéder à certains soins médicaux sans la permission d’un « tuteur » masculin de leur famille ? Là aussi, l’article 28 est paradoxal : « L’Etat facilite l’accès au travail pour tout citoyen apte à exercer un emploi ». Cependant, « même s’il est vrai que la condition des femmes en Arabie Saoudite est inégalitaire», il faut aussi « voir ce qui change », insiste Mr. Gresh.

L’Arabie Saoudite « n’est pas une société immobile » Des facteurs de changement apparaissent au pays de la Mecque et de Ben Laden, dont Daech est aujourd’hui l’héritier. « Le système doit être condamné pour ces traitements discriminatoires, mais il ne faut pas croire que l’Arabie Saoudite est une société immobile ». Les attentats répétés de l’Etat islamique ont conduit le roi Salmane ben Abdelaziz Al Saoud, arrivé au pouvoir en

janvier 2015, à tenter d’améliorer l’image de son pays, écornée en Occident. Ainsi, l’éducation est devenue « massive », bien qu’elle soit encore de mauvaise qualité. Aujourd’hui, « 60 % des étudiants inscrits dans les universités sont des femmes ». Un progrès incontestable si l’on considère que l’accès pour tous à l’instruction est le premier pas vers une société démocratique. Selon Alain Gresh, « le problème, c’est qu’il y a dans le pouvoir des religieux très conservateurs qui vont dans le sens inverse du mouvement ». Sur ce point, l’évolution semble encore lointaine, puisque tout le système politique et juridique du pays se fonde sur le Coran, suivant la charia. Toutefois, « la société se transforme, et le régime doit en tenir compte, notamment pour les droits des femmes », conclue Alain Gresh. Cela reste encore largement insuffisant et le combat égalitaire des Saoudiennes peine à se mettre en marche. Qui va lentement, va sûrement. Jules Fobe

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INTERNATIONAL

MA-CHINE-AFRIQUE

Le 6ème sommet sino-africain, à Johannesburg, a pris fin le 5 décembre 2015. Il se conclut, comme toujours, sur l’annonce de nombreuses mesures et sur la volonté affichée par Pékin de soutenir les processus de paix en cours. Des annonces coutumières dont se méfient les Africains, faute de bouleversements réels.

L

e Forum sur la coopération sino-africaine (FOCAC), dont le but est de permettre une plus grande coopération économique entre la Chine et l’Afrique, se tient tous les trois ans depuis l’an 2000. Devenue le second partenaire commercial de l’Afrique (devant la France mais après les EtatsUnis), la Chine souhaite approfondir ses échanges avec le continent africain. Preuve en est, la promesse du président chinois Xi Jinping d’allouer 60 milliards de dollars d’aide à l’Afrique, sous forme de prêts sur trois ans, « incluant 5 milliards de prêts à taux zéro et 35 milliards de prêts à taux préférentiels ». Un montant trois fois supérieur à celui consenti lors du dernier sommet, en 2012. Toutefois, ce prêt n’est qu’un premier jalon. Le président chinois a mis en avant un projet de « trois réseaux d’infrastructures et

industrialisation ». Des réseaux qui mêleraient « infrastructures ferroviaires à grande vitesse, réseau autoroutier et réseau d’aviation régional ». Cette volonté, appuyée par de nombreux exemples récents (construction d’une voie ferrée au Nigeria par la China Railway Constrution dans l’Etat d’Ogun, au sud-ouest, qui pourrait créer près de 200 000 emplois) rentre dans le cadre des dix programmes de coopération sur trois ans annoncés à Johannesburg. Des programmes qui portent sur des domaines aussi divers que l’agriculture, l’industrialisation, la réduction de la pauvreté, la santé, la culture, la sécurité ou encore l’écologie et la protection de la nature.

L’éducation, seul moyen de lutte contre la pauvreté La Chine, en manque de main-d’œuvre

qualifiée, s’est engagée à créer des centres de formation permettant à 200 000 techniciens africains d’y suivre un apprentissage. Par ailleurs, le programme prévoit que 40 000 de ces techniciens soient envoyés en stage en Chine. Si l’idée paraît séduisante sur le papier, Deborah Brautigam, spécialiste des relations sino-africaines, interrogée par Le Monde, révèle que l’expérience n’a pas toujours porté ses fruits par le passé : « L’Ethiopie a dû faire venir des formateurs allemands pour remplacer les instructeurs chinois lors de la construction de ce type de collèges techniques. Espérons que quelqu’un à Pékin aura une réflexion stratégique sur la manière de bâtir l’expertise africaine. » La Chine a également prévu d’offrir 30 000 bourses à des étudiants du continent africain, et souhaite inviter chaque année 200 chercheurs africains à

Le président chinois Xi Jinping à la tribune du forum Chine Afrique © PABALLO THEKISOAFP/Getty Images

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INTERNATIONAL venir terminer leur cursus en Chine. Selon les chiffres communiqués par le ministère chinois de l’Education, 41 667 étudiants africains étaient présents en Chine en 2014, dans le cadre de leurs études. Ces mesures entrent dans le cadre de la lutte contre la pauvreté, érigée par l’Union africaine comme une priorité. Pourtant, les mesures prévues contre la pauvreté sont surtout symboliques, puisqu’aucun montant n’a été annoncé. Alors que le président chinois Xi Jinping avait annoncé la création d’un fonds d’aide au développement, destiné aux pays les plus pauvres, d’un montant total de 2 milliards de dollars, en octobre à la tribune de l’ONU, la répartition précise de ces fonds n’a pas été abordée durant le sommet sino-africain. En revanche, le gouvernement chinois s’est engagé à lancer des « happy life projects », destinés en priorité aux enfants et aux femmes.

L’ingérence ou l’insécurité ? Sur un continent africain toujours plus exposé à l’insécurité, le gouvernement de Pékin a ainsi annoncé « une aide sans contrepartie » à l’Union africaine dans le soutien des opérations de paix en cours. Une aide dont le montant s’élève à 60 millions de dollars. Une aide bienvenue quand on sait que le budget alloué par l’institution panafricaine aux opérations de maintien de la paix se chiffre à 750 millions de dollars par an. Une donnée inconnue demeure cependant : cette aide s’ajoute-t-elle aux 100 millions de dollars sur cinq ans promis par Xi Jinping en octobre à l’ONU pour soutenir la création d’une force de réaction rapide de l’Union africaine, dont le projet a été si souvent envisagé puis repoussé, ou constitue-t-elle une manne financière supplémentaire ? Sécurité toujours, mais surtout défense de ses intérêts, la Chine a annoncé par la voix du ministre des Affaires étrangères de Djibouti, Mahamoud Ali Youssouf, la création d’une base de logistique navale dans la Corne de l’Afrique. Une base située sur le port de Djibouti, actuellement en construction, qui sera opérationnelle fin 2017. Le but : « la lutte contre la piraterie, la sécurisation du détroit de Bab-el-Mandeb, et surtout la sécurisation des navires chinois qui passent par ce détroit », détaille

Tracé de la ligne de chemin de fer construite par la Chine dans l’état d’Ogun au Nigéria © newsheadlines.com.ng

Mahamoud Ali Youssouf. Par ailleurs, ce dernier justifie cette décision par la forte présence internationale dans la région : « Il y a, à Djibouti, une base navale américaine, française, italienne... L’esprit du monde bipolaire est terminé. Aujourd’hui, nous vivons dans un monde globalisé, où les menaces sont les mêmes. » Si ces mesures rentrent dans le cadre de la lutte contre l’insécurité sur le continent africain, on peut noter

« Aujourd’hui nous vivons dans un monde globlisé où les menaces sont les mêmes » la dichotomie entre la création de cette base et la déclaration finale de ce sommet. De fait, les participants ont insisté sur l’importance de la résolution par les Africains des conflits en Afrique, jetant parfois l’opprobre sur les anciennes puissances colonisatrices, accusées d’ingérence. Une ingérence dont l’approfondissement des relations sino-africaines et la création d’une base navale supplémentaire sur le territoire africain semble pourtant un exemple frappant pour beaucoup. Sauf, visiblement, pour l’Union africaine dont le président, Robert Mugabe (dictateur au pouvoir au

Zimbabwe depuis 28 ans), a déclaré, à propos du président Xi Jinping : « Voici un homme qui représente un pays qui n’a jamais été notre colonisateur. Il fait ce que nous attendions de la part de ceux qui nous ont colonisés. »

L’ivoire, le détail qui ne fâche pas Dernier sujet abordé par le FOCAC, le trafic d’ivoire, très apprécié dans certains pays d’Asie. Point de discorde entre la Chine et le continent africain, c’est l’Afrique du Sud qui avait lourdement insisté pour que ce sujet soit inscrit à l’ordre du jour. Bien que le plan de lutte contre la contrebande a été accepté par toutes les parties, il ne concerne que les rhinocéros, au grand regret des ONG. L’organisme Save the Elephants considère ainsi, par la voix de son fondateur DouglasHamilton, que « si la Chine n’est pas en pointe pour porter un coup d’arrêt à la demande d’ivoire, les éléphants d’Afrique pourraient disparaître d’ici à une génération ». Philip Muruthi, membre d’African Wildlife Foudation, estime pour sa part que « la Chine consomme les trois-quarts de l’ivoire provenant illégalement d’Afrique ». Des chiffres édifiants mais qui semblent ne pas peser bien lourd face à la défense des intérêts chinois sur le continent africain. Charles de Jouvenel

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QUÉBEC : SUSPENSION DE L’

Le 10 décembre, une loi sur l’aide médicale à mourir devait entrer en vigueur au Québec. C’était sans compter sur la Cour suprême qui a rejeté le texte. Le gouvernement québécois a décidé de faire appel.

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e 5 juin 2014, l’Assemblée nationale québécoise votait un projet de la députée péquiste Véronique Hivon sur les soins en fin de vie. « Tout le monde était prêt. La preuve : tous les élus, même les fédéralistes, y étaient favorables alors que l’unanimité est rare ici, au Québec. En un an, le texte est passé par toutes les structures de médecine et puis la Cour Suprême est intervenue… », soupire Aaron Vlaste, un journaliste montréalais de 42 ans. Le 1er décembre dernier, l’institution a invalidé les dispositions encadrant l’aide médicale à mourir qui, selon elle, entrent en contradiction avec les articles 14 et 241 b du Code criminel : l’un stipule que « nul n’a le droit de consentir à ce que la mort lui soit infligée » ; l’autre, qu’aider « quelqu’un à se donner la mort » est passible de 14 ans d’emprisonnement. Des articles inchangés depuis 1892 qui ne prennent pas en compte l’évolution du droit à l’autonomie et à la vie.

L’aide à mourir fait débat La polémique autour de cette loi est due aux nombreux enjeux qu’elles soulignent. « C’est une question d’ordre moral » explique Aaron Vlaste en désaccord avec la décision de la Cour suprême : « Maintenir en vie une personne qui a toute sa raison, qui souffre et souhaite en finir, j’appelle ça de l’acharnement thérapeutique inutile ». Il en est de même pour Erika Dumas. Cette étudiante en arts québécoise a vu un de ses proches dépérir dans d’atroces souffrances alors qu’il souhaitait en finir : « Personne n’est prêt à affronter la mort mais entre vivre dans la douleur et rendre son dernier souffle dans la paix, le choix est évident. Il faut vraiment que les gens considèrent cette loi telle qu’elle est. Elle parle d’aide à mourir et non de meurtre ! ». Pour Karl Roy, un barman montréalais de 50 ans, le doute persiste : « Même en écartant Dieu de la réflexion, je ne peux m’empêcher de songer au fait que

L’aide médicale à mourir : une question tabou © L’Express.com

nous ignorons tous la nature profonde du monde dans lequel nous vivons. Si la totalité de la population approuvait une telle loi, cela pourrait bousculer l’ordre naturel. Mais bien sûr, ce serait un espoir pour des milliers de gens en souffrance terrible ». L’aide médicale à mourir est une question délicate où la morale, la religion et la conception du monde de chacun entrent en jeu.

Le Canada reste conservateur Depuis l’arrivée des Français au XVIIème siècle, le christianisme s’est confortablement installé sur

le territoire québécois. Mais depuis les années 60, il est en déclin. Si, en 2001, 83 % des Québécois étaient catholiques, dix ans plus tard, ce chiffre tombe à 75 %. L’Etat fédéré se modernise et les mentalités évoluent. D’autant plus que, parmi les Québécois qui se présentent comme catholiques, seulement 32 % indiquent que c’est parce qu’ils ont la foi, 59 % parce qu’ils sont baptisés et 35 % parce que c’est la religion de leurs parents. Dans d’autres régions canadiennes comme le Nunavut (territoire inuit), 90 % des habitants déclarent

MOURIR DIGNEMENT DANS LE MONDE Quand le Québec parle de « l’aide médicale à mourir  », la Suisse, l’Oregon, Washington, le Montana, le Vermont et la Californie préfèrent le terme de « suicide assisté », un principe légalisé. En Colombie, aux PaysBas, en Belgique et au Luxembourg, l’euthanasie active est autorisée. Aujourd’hui, en France, elle est interdite. Seules deux législations ont attrait à la fin de vie. La première, datant de 2002, est relative au droit des malades. La seconde, votée en 2005 et appelée loi Leonetti, favorise les soins palliatifs tout en empêchant le médecin de pratiquer une « obstination déraisonnable » dans les soins prodigués aux malades en fin de vie.

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’AIDE MÉDICALE À MOURIR

La loi Hivon est un espoir pour les patients québécois en fin de vie © ledevoir.com

appartenir à une église chrétienne. Or, le christianisme indique que seul Dieu peut donner ou reprendre la vie, un principe allant à l’encontre de l’aide médicale à mourir. Conservatisme et religion : voici deux facteurs qui expliqueraient pourquoi Ottawa s’oppose au texte de Mme. Hivon. « Cela fait des années que le Québec réfléchit à encadrer législativement la fin de vie, tandis que le Canada anglophone n’a jamais vraiment réfléchi à la question » s’indigne Aaron Vlaste. « Le Québec est souvent avant-gardiste pour tout ce qui touche à la morale. Ceux qui s’opposent à l’aide médicale à mourir, le font pour une question de religion, de fermeture d’esprit, d’égo de la médecine moderne ou par « partisanerie » politique venant du fédéralisme attardé ». Voilà désormais un an et demi que la loi de Véronique Hivon traîne dans les couloirs juridiques. L’Etat fédéral freine sa mise en vigueur. « Le lobbying des laboratoires pharmaceutiques et de la médecine ne sont probablement pas étrangers à l’affaire. Ils infantilisent la population et s’en mettent plein les poches » murmure Aaron

Vlaste. L’aide à mourir est un sujet délicat à encadrer juridiquement et médicalement. Les structures de santé, les médecins, les infirmiers, etc. doivent être informés et préparés. Un processus qui prend du temps.

Volonté, dignité et respect La loi de Véronique Hivon stipule que le médecin doit s’assurer que le patient respecte tous les critères et ait discuté de la situation avec son entourage. Ensuite, il doit obtenir l’avis d’un deuxième médecin indépendant. Les docteurs peuvent ensuite refuser de fournir l’aide médicale à mourir mais doivent alors diriger le patient vers un autre praticien. Les critères ? Etre en fin de vie, être atteint d’une maladie grave et incurable, éprouver des souffrances constantes, insupportables et qui ne peuvent être apaisées dans des conditions tolérables. Mais aussi être majeur, apte à consentir aux soins, à prendre des décisions et avoir une situation médicale caractérisée par un déclin avancé et irréversible de ses capacités. « Respecter ces conditions est

nécessaire pour éviter les abus de praticiens malveillants ou inconscients car, en tant que professionnel de santé, lorsqu’on est seul dans la chambre avec le patient, on a le pouvoir de tout faire. Je pense notamment au Dr. Bonnemaison », indique Philippe Bordier, le chef du service cardiologie de l’hôpital de Langon, en Aquitaine. Dans cette affaire, le praticien est accusé d’empoisonnement par sédation de sept patients agonisants. Une euthanasie décidée sans en avoir parlé aux familles, à son équipe médicale et sans l’accord des principaux concernés. « Le désir réel de mourir est difficile à prouver et concevoir, notamment pour l’entourage », précise Orianne Gouaille, infirmière. « Il y a aussi les cas où les enfants et les petits enfants, avides, demandent que nous mettions fin à la vie du patient pour des questions d’héritage… », ajoute Philippe Bordier. Afin d’empêcher les dérives, le texte de Véronique Hivon prévoit la création d’une Commission sur les soins de fin de vie. Mais, en l’état actuel, la Cour Suprême le juge insuffisant. Marion Bordier

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DOSSIER IRAK : LA VIE DES HABITANTS I

Un homme marche près de sa maison détruite à Sinjar en Irak, le 24 novembre 2015 © Louis Poincignon.

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IRAKIENS VUE SOUS TOUS LES ANGLES

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Un drapeau de Daesh dans la ville détruite de Sinjar en Irak, le 25 novembre 2015. Ce quartier était occupé durant onze mois par Daesh, avant l’offensive de novembre 2015 © Louis Poincignon. 38

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PORTFOLIO

Dans la ville détruite de Sinjar en Irak, le 25 novembre 2015. Cette rue était occupée durant onze mois par Daesh, avant l’offensive de novembre 2015. En Russe, des jihaddistes ont écrit en blanc «Mudjahiddin» et en noir « Sois Patient » © Louis Poincignon.

Sur une position du PKK près de la ligne de front, le 26 novembre 2015. Des femmes combattantes du YBS rentrent à leur checkpoint. A droite, Azadi est une combattante de 17 ans © Louis Poincignon. La lanterne, un autre éclairage sur l’actu

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PORTFOLIO Dans le camp de réfugiés sur le haut du Mont Sinjar le 29 novembre 2015, des réfugiés Yazidis parlent du massacre d’août 2014 © Louis Poincignon.

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SINJAR CITY LIBÉRÉE, SES ANCIENS HABITANTS APPRÉHENDENT L’AVENIR Les kurdes ont repris Sinjar des mains de Daech le 13 Novembre dernier. Malgré la libération de la ville du nord de l’Irak, la population Yezidis craint pour son avenir, prise dans des conflits politiques entre les différents partis kurdes.

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injar City n’est plus qu’un champ de ruines. La ville de 80 000 habitants, libérée le 13 Novembre dernier par les forces Kurdes, témoigne des combats pugilistiques menés contre Daech depuis près d’un mois. Les rues sont barrées par des montagnes de gravats. Des volutes de fumées noires émanent encore des maisons en feu. Des camions vont et viennent pour sauver ce qu’il reste. Meubles, couvertures, frigos, souvenirs y sont accrochés. Quelques anciens habitants retournent pour la première fois dans la ville après un an d’exil. Ils constatent l’ampleur des dégâts causés par la guerre et l’occupation de Daech depuis août 2014. « Ici, il y avait la maison de mon frère, il ne reste plus rien, lance un homme, accablé, en montrant un habitat décomposé en une kyrielle de parpaings éclatés, elle a été bombardée pendant l’offensive, la mienne est à coté ». Un mur mitoyen a été emporté par la frappe. Au cœur de ce théâtre sinistre, de nombreuses traces de l’Etat Islamique subsistent ici et là. Des murs sont parsemés de graffitis djihadistes :

« Moudjahidines, soit patient », peuton lire en russe sur l’un d’eux. Une mosquée, ou gisent des Coran en cendre, dégage une odeur de soufre jusque dehors. Un corps encore identifiable se décompose au soleil sur un amas de pierres. Certaines maisons regorgent de tunnels, de mines et de pièges en tous genres, rendant la réappropriation longue et périlleuse. « Certains tunnels font jusque 100m de long. Ils leur servaient à se protéger des frappes aériennes, à s’enfuir pendant les offensives ou encore à concocter leurs bombes artisanales », explique Kourtay, officier de communication du Parti des travailleurs kurdes (PKK) à Shengal.

La multiplication des factions armées Depuis la reprise de Sinjar, les forces militaires occupent les lieux dans le but de contrôler la région. 1500 hommes des forces de défense du peuple (HPG), 300 femmes des YGA-stars, branches militaires du PKK et 7000 Peshmergas, Kurdes

QUI SONT LES YEZIDIS ? Un peuple apatride kurde de 600 000 habitants vivant pour la plupart (300 000 habitants) dans le Sinjar dans le nord de l’Irak à la frontière syrienne. Le yézidisme ou religion des sept anges est une religion monothéiste issu d’ancienne croyance Kurde. De nombreuses similitudes entre le yezidisme actuel et les anciennes religions d’Iran laissent croire que ce peuple descend du mithraïsme. D’autres théories plus pragmatiques révèlent que le Yezidisme est une branche musulmane s’étant détachée des percepts islamique vers le 15ème siècle. «  D’après les textes étudiés les Yezidis proviendraient d’une confrérie appelé Adawiyya et s’étant dissocier de l’islam entre le 12ème siècle » explique Boris James, chercheur à l’institut de France du Proche-Orient (IFPO) à Erbil « Le terme de Yezidia est apparu seulement 3 siècle plus tard. »

d’Irak, cohabitent donc au cœur de la ville et dans les villages alentours. S’ajoutent à ces deux camps l’Unité de résistance de Shengal (YBS) et l’Unité des femmes du êzidîxan (YJÊ), une nouvelle émanation militaire du Sinjar, formé par le PKK et constitué en tout de 1500 combattant(e)s. Leur objectif est de maintenir une position en périphérie tout en neutralisant les éventuels pièges posés par les djihadistes dans toute la ville. Si la région est progressivement libérée des mains de Daech, la communauté Yezidis, principale population de Sinjar, reste inquiète pour son avenir. Chaque Yezidis se rallie à une faction kurde. Certains par conviction, d’autres par défaut. Dépourvus des ressources économiques, politiques et militaires nécessaires à l’indépendance, cette communauté minoritaire du nord de l’Irak est entrainé dans un conflit politique qui la dépasse. Parmi les Peshmergas, la cohabitation entre les différentes communautés est difficile. En effet, les Yezidis constituant la moitié de l’armée stationnée dans le Sinjar combattent aux côtés des Kurdes, majoritairement musulmans sunnites. Leur religion n’appartenant pas à celle du Livre, certains Peshmergas attribuent à cette communauté le titre « d’adorateurs du diable  ». Réciproquement, « les Yezidis ont connu 74 génocides depuis le 15e siècle, dont la plupart des oppresseurs étaient des gouvernements ou des peuples de confession musulmane », souligne Saeed Hassan, dirigeant du YBS et représentant des Yezidis de Sinjar. De quoi susciter des inquiétudes.

Le rôle des femmes en question S’ajoute à cela la fuite des Peshmergas en août 2014, à l’origine

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INTERNATIONAL

Un combattante du HPG posté devant Sinjar en ruine © Charles Thiefaine

du massacre et des enlèvements des Yezidis par les djihadistes de Daech. « J’étais encore Peshmerga l’année dernière. Je n’ai pas vu d’attaque de l’Etat Islamique et encore moins de riposte. Ils ont tout simplement quitté les lieux dans la nuit, laissant les Yezidis livrés à leur sort, témoigne un réfugié Yezidi du village de Naïna, je ne me sens pas en sécurité malgré la reprise de Sinjar. Comment peux-t-on leur faire confiance après ce qu’ils ont fait ? » Certaines victimes de ce génocide ont préféré quitter les rangs des Peshmergas et rejoindre le YBS, le YJÊ ou le PKK. En effet, le parti des travailleurs et ses branches armées ont su répondre aux craintes des Yezidis en janvier 2015 en ouvrant un corridor entre la frontière syrienne et la montagne du Shengal. Depuis, ils contribuent à toutes les offensives contre Daech jusqu’à la reprise de Sinjar City : « Nous sommes toutes et tous des volontaires. L’Etat Islamique tuait des Yezidis et nous avons décidé de leur venir en aide », explique Jinda, officier de communication du parti des travailleurs kurdes. Parmi les volontaires, de nombreuses femmes Yezidis ont suivi des entrainements militaires encadrés par le HPG et les YGA-

stars : « Après le massacre des Yezidis en août 2014, j’ai décidé de suivre un entrainement militaire et de rejoindre le YBS. On a suivi entre cinq et six mois d’entrainement avec le PKK » explique Silava, jeune combattante du YBS. Alors que de nombreuses combattantes trouvent du réconfort auprès de ces nouveaux groupes armées, d’autres au contraire s’inquiètent de la présence du PKK dans le Sinjar et redoutent qu’ils ne s’installent et enrôlent les femmes dans une guérilla sans fin. « Nous ne voulons pas que les femmes Yezidis deviennent des femmes soldats », s’inquiète Kamal Mourad, officier Yezidis en charge de la communication du bataillon 6 des Peshmergas. De nombreux combattants et combattantes Yezidis ont rejoint les rangs du PKK, des Peshmergas ou de l’alliance Shingal et continuent de se battre pour un avenir louable. « On est ici pour protéger nos proches et nos terres après ce qu’il s’est passé l’année dernière, lance Silava, jeune combattante du YBS, nous sommes de plus en plus fortes

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mais nous avons besoin de soutiens militaire et logistiques ». « Daech s’est doté de techniques efficaces, de beaucoup de combattants et d’armes lourdes », explique une de ses amies. La guerre s’éloigne des abords de Shengal. La misère et l’appréhension quant à l’avenir des Yezidis seront, elles, plus dures à déloger. « Je souhaite obtenir une protection nationale et internationale. A ce moment là je pourrai songer à un avenir pour ma famille », explique un réfugié Yezidis, seule une aide venant de l’extérieur du pays peut nous réconforter. Nous souhaitons un soutien militaire et un consul Yezidis indépendant qui puisse représenter notre communauté ». Avant de conclure : « Nous avons vécu l’année dernière le 74e génocide depuis le début de notre histoire. Mais avec le développement des moyens de communication et des réseaux sociaux, tout le monde sait ce que nous vivons aujourd’hui. C’est notre seul espoir ».

« Nous ne voulons pas que les femmes Yezidis deviennent des femmes soldats »

Charles Thiefaine


INTERNATIONAL

« SE BATTRE EST L’UNIQUE SOLUTION » A 17 ans, Avesta, jeune femme Yezidis, a été contrainte de prendre les armes pour protéger son peuple et sa terre. Elle n’est pas un cas unique, nombreuses sont les femmes Yezidis à partager ce parcours.

M

i-novembre, la ville dévastée de Sinjar, se réveille en douceur à l’apparition d’un fugace rayon de soleil. Assise sur un sofa près de l’entrée principale de l’école qui sert de quartier général aux hommes du PKK, Avesta s’enrubanne les cheveux. Après avoir remarqué notre présence, c’est le sourire aux lèvres qu’elle nous convie à prendre place à ses côtés : « Merci de venir jusqu’ici pour parler du sort des Yezidis. », nous lance-t-elle. Réchauffée par le thé et par le soleil en route pour son zénith, la jeune combattante s’ouvre sur les raisons de son engagement au sein des Unités de résistance de Sinjar (YBS) : « J’ai vu mon pays se faire attaquer, mon peuple se faire massacrer, tout simplement parce que nous sommes différents. Je ne pouvais pas rester sans rien faire. C’est donc avec l’accord de mes parents et leur bénédiction

Avesta, jeune femme Yezidis © Pierre-Yves Baillet

que je me suis engagée dés le jour du massacre, le 3 août 2014.» Alors qu’Avesta continue son argumentation, son regard se perd au loin, sa main se resserre autour du canon de sa kalachnikov. Originaire de la ville de Sinjar, c’est sur les ruines de son passé qu’elle combat pour l’avenir des siens. Soudain tirée de sa torpeur, elle souligne le fait que son engagement est double : « J’ai pris les armes en tant que Yezidis et en tant que femme. Avec mes amies nous nous battons pour libérer ces femmes. Certaines que nous connaissons ont été enlevées par Daech et transformées en esclaves sexuelles. Ces gens sont pires que des animaux, ce qu’ils font aux femmes est innommable. Se battre est l’unique solution pour leurs venir en aide. » Entendant ces mots, ses camarades, assises à ses côtés, prennent un air grave. La plupart d’entre elles sont des Yezidis, à leurs regards, il est

facile de comprendre que chacune d’entre elles porte le même fardeau. Son récit s’interrompt, le silence est ponctuellement brisé au loin, par des tirs d’armes légères. C’est alors que, giflant affectueusement la cuisse de sa voisine, son tendre sourire lui revient. D’une main ferme elle nous désigne l’assemblée de femmes qui siègent autour de nous et reprend : « Au sein du YBS, nous sommes comme une famille. Nous nous entraidons, nous nous soutenons les unes les autres. Dans ces temps difficiles, cela nous aide à tenir le coup. Cette relation que nous avons créée entre nous est aussi très précieuse au combat. Du fait de me battre aux côtés des amies, je n’ai pas peur. » A la suite de cette déclaration Avesta semble prendre de plus en plus confiance en elle. C’est la tête haute qu’elle raille les combattants de l’auto-proclamé Etat-Islamique : « Les hommes de Daech pensent que s’ils se font tuer par des femmes ils n’iront pas au Paradis. Ils ont véritablement peur de nous et ça nous rend plus fortes. Mais nous ne nous croyons pas immortelles pour autant. Dés qu’ils peuvent nous tuer, ils le font. » Alors que tous les auditeurs sont aspirés par le discours de la combattante, elle revient sur un sujet sensible pour la communauté Yezidis : « la trahison » du 3 août 2014, lorsque les Peshmerga stationnés dans le Sinjar sont partis en laissant la population yezidis se faire massacrer par les terroristes : « Avant, le Président Barzani (PDK) était comme notre pére à tous, mais il nous a vendus. Dans l’avenir il faut que les Yezidis soient capables de se défendre seuls. Nous voulons pouvoir diriger notre destin. » Un discours largement salué par l’assemblée des combattantes. Pierre-Yves Baillet

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SPORT

FIFA : LE FRIC D’ABORD, LE FOOT APRÈS Un peu plus de six mois après les premières arrestations de responsables du football mondial qui ont placé la Fifa au cœur d’un scandale planétaire, une nouvelle vague d’interpellations a relancé jeudi dernier un feuilleton qui n’en finit pas.

L

a FIFA (Fédération International Football Association) est l’institution dirigeante du football mondial, modèle supposé d’intégrité et de respect des valeurs que le football est censé véhiculer. Un organisme puissant qui régit les règles du football et organise tous les quatre ans la très convoitée Coupe du monde. Mais depuis quelques mois, la Fifa est au centre d’une vaste affaire de corruption, portant notamment sur des attributions de Coupe du monde, de droits de marketing et de télévision. La justice américaine a pris les choses en main en mai dernier reprochant à 14 personnes d’avoir « sollicité et reçu plus de 150 millions de dollars en pots-de-vin et rétrocommissions ». Sept hauts responsables de l’instance dirigeante sont inculpés dans le cadre d’une enquête menée par le FBI, grâce à

un informateur précieux : Chuck Blazer, ancien dirigeant accusé de corruption qui a joué la taupe pendant trois ans pour l’agence américaine. Les faits portent sur des compétitions en relation avec la La FIFA est l’institution du football mondial Concacaf (Confédération de football © FIFA.com, site officiel. d’Amérique du Nord, d’Amérique centrale et des Caraïbes), mais de filet a lieu à Zurich. Deux jours également sur l’attribution du pays avant les élections du président de hôte pour la Coupe du monde 2010 la Fédération International. Michel (Afrique du Sud), la réélection de Platini, président de l’UEFA (Union Sepp Blatter à la tête de la FIFA en of European Football Associations) 2011, des escroqueries par système se dit alors «écoeuré» par la crise électronique, du blanchiment sans précédent qui touche la Fifa d’argent et du racket. et demande à Sepp Blatter de Voilà en réalité à quoi ressemble démissionner. Fraîchement réélu, le monde de la Fifa : magouilles, le Suisse annonce sa démission à corruption, extorsions, pressions : demi-mot : « Je remets mon mandat « Une communauté de gangster à disposition lors d’un Congrès à l’échelle internationale » selon électif extraordinaire » et appelle Andrew Jennings, journaliste à ce que ce congrès soit organisé écossais qui a révélé le scandale (cf. « le plus tôt possible ». Date est encadré). prise le 26 février 2016. Blatter, le Le 27 mai 2015, le premier coup patriarche de 79 ans, est cerné. Michel Platini sent alors le vent tourner en sa faveur et annonce, le «  La FIFA est une organisation criminelle ». Déjà en 29 juillet dernier, sa candidature à 2013, Andrew Jennings déclarait au Monde le vrai la tête du football mondial. Pendant visage de la Fifa. C’est un peu par lui que le scandale ce temps, en septembre, d’autres a éclaboussé la Fifa aux yeux du monde. Ce journaliste dirigeants tombent, le secrétaire d’investigation écossais de 72 ans a enquêté pendant général Jérôme Valcke est démis près de 15 ans sur le système généralisé de corruption de ses fonctions et Jack Warner, au sein l’institution du sport le plus populaire au monde. le président de la Confédération Et, ce qu’il y a trouvé n’est pas beau à voir. Dans son d’Amérique du Nord, d’Amérique ouvrage paru en septembre dernier, Le scandale de la centrale et des Caraïbes (Concacaf), FIFA, il raconte toutes les malversations grâce à un travail est suspendu à vie de toute activité de recherche minutieux et fiable, il étaye les fraudes liée au football par la commission et explique comment son enquête l’a emmené dans d’éthique de la Fédération les profondeurs troubles de l’organisation mondiale. internationale. Celle-ci le reconnaît Avec la collaboration du procureur de Brooklyn (NY), « coupable de différents actes Loretta Lynch, ils ont supervisé cette enquête en secret répréhensibles de façon continue depuis des années, à mesure qu’elle s’étendait de par et répétée durant la période où il le monde. L’objectif était de s’attaquer au nerf de la occupait différents postes de haut corruption, Sepp Blatter président de la fédération niveau à la Fifa et à la Concacaf », depuis 1998. et notamment d’avoir « proposé ou accepté des paiements illégaux ». Le scandale de la FIFA, Andrew Jennings aux Jeudi dernier, nouvelle vague éditions Seuil, 21€. d’arrestation à Zurich, encore. Les autorités suisses arrêtent une

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SPORT douzaine de personnes et la justice américaine devrait procéder à leur extradition pour les inculper. La Fifa a confirmé « des actions » menées par la justice américaine et a assuré qu’elle « continuerait à coopérer pleinement » à la fois avec les enquêteurs américains et suisses.

Un duel Blatter/Platini Les ennuis ont véritablement commencé le 24 septembre pour les deux poids lourds des instances dirigeantes du football. Michael Lauber, procureur général de Suisse, ouvre une enquête pénale à l’encontre de Sepp Blatter pour « gestion déloyale », « abus de confiance » et « attributiwon à 5% de la valeur du marché » de droits télés pour les Mondiaux 2010 et 2014 à Jack Warner, ancien président de la Fédération CONCACAF et vice-président de la FIFA. À ce moment là, Michel Platini est mouillé de près ou de loin dans ce dossier. L’ancienne gloire des Bleus est entendue comme témoin dans une histoire de virement suspect d’une valeur de 1,83 million d’euro octroyé par Sepp Blatter en 2011. L’ancien meneur de jeu crie au complot et justifie cet argent comme un retard de salaire datant de 1998. Mais la commission d’éthique de la Fifa tranche et suspend les deux hommes pour 90 jours (jusqu’au 5

Andew Jennings est l’homme qui a fait tomber Sepp Blatter avec un enquête portant sur quinze ans.© Washingtonpost.

janvier 2016) de toutes fonctions liées au football.

Sepp Blatter : « Platini est un homme honnête » Pour une source proche du Français, citée par le magazine SoFoot, la pilule a du mal à passer dans SoFoot : « Que valent sur le fond les décisions du comité d’éthique qui le juge coupable alors que la justice suisse mène une enquête ? Cette dernière n’a pas suffisamment

Sepp Blatter et Michel Platini, les deux ennemis maintenant juré mais autrefois si proche. Au destin lié ? © Skysport.

de charges pour faire de lui un prévenu. On ne respecte pas la présomption d’innocence et on invalide sa campagne. Il faut donc bien distinguer la décision politique et celle juridique ». Une manœuvre politique donc, qui viserait à déstabiliser l’ancien numéro 10. Mais dimanche 6 décembre, un élément essentiel est venu faire son apparition. Une note au sein d’un rapport de 23 pages, daté du 12 novembre 1998 publié par nos confrères du Journal du Dimanche. On peut y lire : « Blatter a déjà annoncé que Platini deviendrait le futur directeur des sports de la FIFA. Platini deviendrait donc impliqué dans la FIFA », puis plus loin : « Il y a des rumeurs selon lesquelles Platini souhaite travailler depuis Paris. On entend parler d’un salaire d’un million de francs suisses ». Des éléments qui confirment : « mot pour mot ce que Michel Platini a déclaré depuis le début », confirme son avocat Me Thibaud d’Alès au journal l’Équipe. « Cette note est la preuve écrite de ce contrat oral », un détail capital dans l’implication de Platini dans le dossier. Même si le Tribunal Arbitral du Sport décidera « vendredi au plus tard » de la levée de sa suspension provisoire de 90 jours, Platoche ne sortira pas indemne de cette histoire, son image non plus. Le feuilleton continue. Antoine Grasland

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CULTURE

PHILIPPE AULIAC : OBJECTIF BOWIE

Depuis le 8 décembre se tient au centre Jean Verdier à Paris l’exposition Bowie & Friends. Une série de photos des légendes de l’âge d’or du rock signée Philippe Auliac, qui a quitté sa Corrèze en 1976 pour immortaliser ses idoles.

I

l est un peu plus de 19h, ce mardi 8 décembre. La pluie qu’accompagne une précoce nuit d’hiver ne suffit heureusement pas à flouter les bougies toujours chaudes, disposées au centre de la place de la République. En hommage, en mémoire. À deux pas et un angle droit plus loin, rue Lancry, se situe le centre d’animation Jean Verdier. En son sein : un gymnase, une bibliothèque mais aussi et surtout une discothèque entièrement consacrée au rock. La seule de Paris. Ce soir, dans

ce temple d’amateurs de riffs oubliés, a lieu le vernissage de l’exposition Bowie & Friends. Une collection de photos des plus grandes rock stars. De Bowie, donc, à Lou Reed, en passant par Ringo Starr, Eric Burdon, Bob Dylan ou l’anguleux reptile Iggy Pop. L’homme caché derrière l’objectif depuis la fin des années 1970, c’est Philippe Auliac. Cinquantenaire chaleureux à la boucle grisonnante, bedonnant, accueillant et conteur aguerri. Loin de la ruine que les mauvaises langues auraient pu attendre

d’un homme ayant frotté sa jeunesse à l’ivresse de l’âge d’or du rock. Et pour cause : toutes ces années, il aura su garder le recul nécessaire : « Certains de mes confrères de l’époque voulaient absolument faire amiami avec ces géants de la musique. Jusqu’à les suivre dans la prise de drogue, fréquente. Moi je n’ai jamais fumé une clope de ma vie. » Le couloir comme les rangées de la discothèque se remplissent jusqu’à 19h30. De curieux de tous âges, d’amis du photographe ou d’avertis prêts à l’asséner de questions. Certains semblent être tombés-là par hasard. À l’entrée de l’exposition, un homme visiblement septuagénaire lance à sa femme : « Mais si, viens ! Tu le connais, allons ! Bowie, c’est celui qui a pas les deux yeux de la même couleur ! ». À la demie pétante, les employés de la discothèque font entrer le public – nombreux, près d’une centaine de personnes – dans une salle proche et tamisée, pour introduire au micro Philippe Auliac. Une fois passés les traditionnels râles du public -« plus fort ! », « la bouche plus près du micro ! » et autre « on entend rien, au fond ! » - la parole est laissée à l’artiste. Ses premiers mots sont pour les victimes des attentats du vendredi 13, que ce 10ème arrondissement de Paris et le monde du rock ont prit de plein fouet. Son exposition, il l’affirme, arrive alors en hommage ; en mémoire.

De la Corrèze au Thin White Duke

Philippe Auliac (au centre) à l’exposition Bowie & Friends, Centre Jean Verdier © Antoine Mbemba.

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Mais qui est donc cet homme qui a passé une grande partie de sa vie l’objectif alerte à cinquante centimètres des talons compensés de David Bowie ou des perles de sueur d’Iggy Pop ? Son histoire commence dans un petit village de Corrèze, à une époque où, à défaut d’autre chose, la radio fait loi. Où José Artur distille chaque semaine avec son


CULTURE émission Pop-Club un titre rock inédit au grand bonheur des auditeurs de France Inter. Philippe Auliac décrit le déclenchement de son addiction en trois temps, en trois chansons. C’est d’abord Lou Reed avec Walk on the Wild Side qui résonne dans son poste. Puis le School’s Out d’Alice Cooper. Et enfin le premier choc d’une sonorité « bowienne ». Une addition qui le fera réagir comme tout jeune homme : « Mais qui sont ces mecs ? ». « J’ai pris mon solex pour rouler jusqu’à Argentat, où se trouvait le marchand de journaux le plus proche. En photo dans un magazine j’ai pu découvrir David Bowie en robe, et me dire que pour un homme, c’était quand même une belle femme ! » Très vite, le flash l’embrase. Pour s’entrainer, il se met à photographier des photos de magazine, bien décidé à en faire son métier, à sortir de l’itinéraire professionnel-type du corrézien : « garder des vaches ou conduire des trains ». Il finira par faire quelques reproductions de photos pour une maison de disque, RCA, dont le bureau français est à l’époque tout petit, très accessible. La même maison de disque qui, en mai 1976, l’appelle pour couvrir la tournée anglaise d’un chanteur de chez eux, à la place d’un collègue photographe tombé malade. « On attendait à Gare du Nord avec un responsable de chez RCA. D’un coup deux petits bonhommes sortent du Transsibérien, vêtus de manière complètement barrée, l’un les cheveux peroxydés jusqu’à la racine. C’était David Bowie et Iggy Pop, de retour de Russie ». Et c’est le début d’une longue collaboration. Une fois à Londres, Philippe Auliac se prépare à son premier cliché de la star androgyne. Bowie est à l’époque le « Thin White Duke », le « fin duc blanc ». Rachitique, l’œil perçant et dans la coke jusqu’au cou. Ce qui n’effraie pas les fans venus en masse l’acclamer ce jour-là, gare Victoria. Au bout de son bras tendu une main osseuse les salue. Auliac déclenche son appareil à cette seconde. Le lendemain dans les journaux, fera la une cette photo sur laquelle on accusera longtemps l’artiste d’avoir fait un salut nazi. Peut-être qu’un corrézien s’est fait, à cause de cela, une mauvaise idée du personnage ;

Eric Burdon à Paris en 1980. Philippe Auliac : «Ils ont eu un peu de mal à le faire monter sur scène ce soir-là...» © Antoine Mbemba.

mais Philippe Auliac, lui, est dans la place.

Le « Paparazzo » utile David Bowie sera son accès à bien d’autres. Dylan, Lou Reed, Tina Turner, les Beatles. Pas tous les Beatles. Ce mardi 8 décembre, triste anniversaire de la mort de John Lennon, Phlippe Auliac confie son plus grand regret : ne pas avoir immortalisé l’homme de Yoko Ono. Le rendez-vous avait été fixé… Une semaine après son assassinat. Le portfolio fait quand même pâlir. Il est « intemporel ». C’est pour lui un exercice global, « un travail de mémoire à l’attention des générations futures ». Mais Philippe Auliac affirme n’avoir jamais eu de réelle préméditation dans le message photographique qu’il souhaitait apporter via ses clichés. C’est un « paparazzo du rock », assumé, au sens noble. C’est d’ailleurs le surnom qu’on lui apposait à l’époque. « Toujours dans le sillon des stars ». Quitte à oser l’intrusion parfois. À l’exception de quelques séances photos organisées, ses photos sont sur le vif, rapides. Parfois ratées ? Il ironise : « j’ai du faire environ 80 000 photographies. Il doit y en avoir 110 à garder ! »

Moi je n’ai jamais fumé une clope de ma vie

Aujourd’hui, Philippe Auliac est rangé des voitures. Gère ses archives. Pour qui serait-il prêt à ressortir le Leica ? « Tant que Lou Reed reste mort, pour David Bowie, bien sûr ». Quand on lui demande où commence le photographe et où s’arrêtait le fan de rock, au moment de prendre une photo : « disons que l’œil droit est au technicien, et l’œil gauche au fan ».Autant dire que, pour un fan de David Bowie, avoir à couvrir 150 à 160 de ses concerts reste une situation accommodante. « Mais c’est du boulot. Et ça m’est arrivé de m’endormir à un concert ! Bon c’était devant Genesis... ». En plus de la liste ahurissante de rock stars qu’il a capturé sur sa pellicule ; en plus d’être un proche de Bowie sans pour autant pouvoir le joindre (« personne ne contacte directement David Bowie »), Philippe Auliac présente une autre particularité. Plus engageante, plus engagée. Ses archives, jamais il ne les a vendues. Jamais il n’en a perdu la seule propriété. Ce 8 décembre au soir, le public était éclectique, le verbe d’Auliac généreux, la discothèque magnifiquement tapissée des yeux vairons du grand David, et l’entrée était gratuite. Pour qui aurait pu encaisser de juteux chèques pour chacune de ses images, la conclusion est sans appel : « la culture ne doit jamais avoir de prix ». Antoine Mbemba

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