La lanterne jeudi 14 janvier 2016

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La Lanterne Un autre éclairage sur l’info

NOTRE-DAME-DES-LANDES : DERNIÈRES CARTOUCHES p. 26

Taubira pas la nationalité p. 18

MEXIQUE : EL CHOPÉ p. 40

Maux de Cologne p. 32

N°2 - Jeudi 14 Janvier 2016 - 3,50€

Keep Calm and Carillon

p. 16



SOMMAIRE

Actualités p.4-7 Dossier spécial Bowie :

L’ É D I T O « MAUX DE COLOGNE »

P

g

par Maxence Fabrion.

our ses fans, il semblait immortel. Caméléon artistique, David Bowie les La légende ne meurt jamais p. 8-9 avait habitués à renaître de ses cendres. Mais le génie britannique, extraterrestre Blackstar : dernier point d’orgue p. 10-11 musical, n’en était pas moins humain. Il a L’icône popstar du cinéma rendu son dernier souffle dimanche dernier, p.12-13 après un combat acharné de 18 mois contre un cancer. Avant de tirer sa révérence, le natif de Brixton, à Londres, avait fait un dernier cadeau à ses admirateurs avec la Récit d’un témoin des attentats de Charlie parution de l’album Blackstar, le 8 janvier Hebdo p. 14-15 dernier, deux jours avant sa mort.

Terrorisme :

Le Carillon de nouveau ouvert ! p. 16 « Salafistes » ou le djihadisme sans fard p. 17

Politique :

Taubira pas la nationalité Des primaires à gauche : une bouteille à la mer

Justice :

Devenu une institution de la pop et du rock, l’homme aux mille visages a conquis le monde pendant les seventies et les eighties. Sa vie terrestre s’est arrêtée le 10 p. 18-19 janvier 2016, mais son existence spirituelle n’est pas prête de s’estomper dans l’esprit de nombreuses générations. Peut-être que David Bowie poursuit sa destinée sur Mars, p. 20 comme le suggère son tube Life on Mars ?

Dans les cartons depuis 1963, le projet d’aéroport du Grand Ouest, prévu à Notre-Dame-des-Landes, alimente les tensions. Depuis 1972, année de sortie du Dans le grand bain p. 22- 23 concept-album Ziggy Stardust, l’opposition au projet n’a cessé de grandir, au point de mettre l’Etat dans une situation délicate, avec une multiplication des actions menées Notre-Dame-des-Landes p. 26-31 par ses opposants. L’une des dernières en date remonte au samedi 9 janvier.

De face ou de dos p. 21

Portrait :

Portfolio :

International :

Des milliers d’opposants au projet se sont

L’Allemagne à l’aube d’une nouvelle politiquerassemblés sur le périphérique de Nantes. migratoire p. 32-33 Après une manifestation pacifique, les La jeunesse algérienne se désespère p. 34-35 événements se sont envenimés dans la soirée. Soucieuses d’en finir avec le Mali : l’ONU tire la sonnette d’alarme p. 36-37 blocus, les forces de l’ordre ont délogé les Regain de tension en Corée p. 38-39 derniers irréductibles dans la violence. Des débordements qui font remonter de vieux « El Chapo » s’est fait chopé p. 40-41 démons. En octobre 2014, Rémi Fraisse

Sport :

avait succombé à un tir de grenade lors d’une manifestation contre le barrage de Sivens, dont le projet initial a finalement été abandonné fin 2015.

Messi, bien plus haut encore p. 42 Zidane, dans le grand bain p. 43 Ligue 1 : le casse-tête des diffuseurs p. 44-45 Séisme en Allemagne. Après les crimes

du Nouvel An à Cologne, nos voisins d’outre-Rhin se réveillent avec une colossale gueule de bois. 516 plaintes déposées Les auteurs sur la ligne de départ p. 46-47 depuis le 1er janvier, dont près de la moitié pour des agressions sexuelles. L’enquête a déjà permis d’identifier 19 suspects, dont La Lanterne, un autre éclairage sur l’info 12 rue Alexandre Parodi 75010 Paris. 14 originaires du Maroc et d’Algérie. Du Directeur de la publication : Cédric Gouverneur Schwarzbrot béni pour l’extrême-droite. Rédacteur en chef : Maxence Fabrion Secrétaire de rédaction : Charles de Jouvenel Ch-ch-ch-changes…

Culture :

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ACTUALITÉS MOSQUÉE DE LAGNY : TROIS ASSOCIATIONS DISSOUTES Plus d’un mois après la fermeture de la mosquée de Lagny-sur-Marne (Seineet-Marne), Bernard Cazeneuve, le ministre de l’Intérieur, a annoncé la dissolution de trois associations culturelles relatives au lieu de culte. « Il n’y a pas de place dans la République pour des structures qui provoquent, qui appellent au terrorisme ou à la haine », a t-il précisé. Selon le porte-parole du gouvernement, Stéphane Le Foll, les organismes qui oeuvraient sous le nom de « Retour aux sources  », de « Retour aux sources musulmanes » et « d’Association des musulmans de Lagny-sur-Marn », se livraient clairement à des « actions d’incitation au djihad ». g par Maxime Berthelot.

LA FIFA LIMOGE SON SECRÉTAIRE GÉNÉRAL

La Fédération internationale de football association poursuit sa chasse aux sorcières. L’instance suprême du football mondial a annoncé hier matin le licenciement de son secrétaire général Jérome Valcke. Le Français avait été démis de ses fonctions le 17 septembre dernier en raison de sa mise en cause dans une affaire de revente de billets au marché noir. A l’image de son ancien patron et ex président de la Fifa Joseph Blatter, il risque une suspension de 9 ans de toute activité liée au football g par Maxime Berthelot.

0,2 %

C’est le taux d’inflation que les consommateurs français ont connu au mois de décembre. L’Insee a annoncé que l’inflation a été nulle au durant l’année 2015. Une conséquence, et pas des moindres, le taux de rémunération du livret A devrait continuer de baisser. Pour l’année 2015, les prix de l’énergie ont fortement baissé et plus particulièrement ceux du pétrole. Les prix des produits manufacturés ont continué de baisser et les produits alimentaires ont observé un léger rebond en 2015, selon l’Insee. g par Maxime Berthelot.

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UNE CONDAMNATION QUI FAIT DU BRUIT Des anciens salariés de Goodyear ont été condamnés à deux ans de prison, dont neuf mois fermes. Une décision jugée « injuste » et exprimant la volonté « de faire un exemple ». Pour rappel des faits, entre le 6 et 7 janvier 2014, le directeur des ressources humaines et le directeur de la production avaient été retenus dans les locaux de l’usine d’Amiens. A la sortie le directeur de production avait déclaré qu’il n’y avait « pas eu de comportement ayant porté atteinte à l’intégrité physique ». Lors de leur procès, les prévenus avaient évoqué « un coup de colère » envers la direction qui n’apportait aucune réponse quant à

Les employés condamnés souhaitent faire appel © RTL.

la détresse sociale dans laquelle pouvaient se trouver certains salariés. C’est une première dans l’histoire du droit français, que des salariés qui se battent pour leurs droits soient condamnés à de la prison. Selon la CGT Goodyear Amiens Nord, ce jugement est « l’arme avec laquelle Hollande, Valls, Taubira et l’ensemble du gouvernement ont décidé d’intimider tous les salariés qui se battent pour leur droit

et leurs emplois  ». Logiquement, les débordements en entreprise donnent rarement lieu à des poursuites judiciaires. Les prévenus ont annoncé leur intention de faire appel. Une pétition nommée « L’appel de Goodyear », adressée à François Hollande, circulait dès le mardi 12 janvier sur internet pour demander l’arrêt des poursuites. g par Marie Martel.

MADAYA ASSIÉGÉE ET AFFAMÉE

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oilà six mois que l’armée d’Assad exerce un blocus sur la ville syrienne située à quarante kilomètres de Damas. La vie de ses 42 000 habitants est menacée par la famine et les épidémies. Selon des témoignages, des dizaines de personnes sont déjà mortes de faim. Parmi elles, des enfants nourris uniquement au sel ou à l’eau bouillie. Et pour cause, la boite de lait coûte jusqu’à trois cents dollars. Quant aux adultes, ils mangent de l’herbe, des feuilles, du carton. Le kilo de riz est au prix

de deux-cents euros. Beaucoup, ne peuvent même plus supporter leur propre poids. Ils s’évanouissent. Si aucune aide alimentaire ou médicale n’est fournie dans les prochains jours, le nombre de morts pourrait

augmenter. Les Nations Unies considèrent que près de quatre-cents personnes sont « en grand danger de mort  ». Les organisations humanitaires tentent de négocier une évacuation. g

par Marion Bordier.

Les habitants de Madaya meurent de faim © Twitter.

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ACTUALITÉS

LA GUERRE DES SITES AUTOUR DE L’IVG

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e gouvernement se lance dans une campagne pour lutter contre les sites web anti-IVG. En entrant « IVG » dans Google, une lectrice de Causette s’est rendue compte que les sites anti-IVG arrivaient dans les premiers résultats, devançant le site d’information gouvernemental sante. gouv.fr/ivg. Marisol Touraine, ministre de la Santé, a donc décidé de riposter. Sur son compte Twitter, elle a lancé une campagne et un appel aux clics pour repositionner le site gouvernemental en tête. Mais la mobilisation n’a pas été aussi importante que l’avait espéré la ministre de la Santé.

Dans un entretien dans L’Express, elle explique finalement qu’elle va financer Google pour améliorer le référencement du site gouvernemental. Sur la toile, IVG. net a pris la première place devant le gouvernement. Sur ce site d’information, les femmes angoissées peuvent également lire des témoignages extrêmement négatifs. Ce n’est pas la première fois que le site internet se retrouve au cœur de l’actualité. En 2014, les ministres Najat Va l l a u d - B e l k a c e m et Marisol Touraine demandaient déjà aux internautes de refaire passer le site du gouvernement en tête des résultats

Marisol Touraine veut que le site du gouvernement redevienne le premier © Affaires sociales et santé, Flickr.

sur Google. A ce moment-là, une forte mobilisation avait fait remonter très vite le site, mais de nombreux spécialistes du référencement avaient suspecté une intervention de Google. g par Marie Martel .

UNE NOUVELLE INVESTITURE SPECTACULAIRE

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la suite du désistement d ’ A r t u r Mas, le samedi 9 janvier, le Parlement catalan a voté pour l’investiture d’un nouveau président. Le président sortant a été contraint de se mettre de côté pour permettre la constitution d’un exécutif régional. Les négociations étaient bloquées et tendues depuis près de trois mois et, afin d’éviter la tenue d’un nouveau scrutin, il a préféré se mettre hors-course. Le nouveau président de la Catalogne n’est

autre que le maire de Gérone, le nationaliste Carles Puigdemont. Avec cette élection, les indépendantistes peuvent dès à présent commencer à enclencher le processus de création de la République catalane. En effet, étant en majorité relative au Parlement catalan avec 48% des suffrages, ils veulent soumettre à un référendum la Constitution de la nouvelle république catalane d’ici 2017. Cependant, face à cette virulence à vouloir devenir indépendant,

le président du gouvernement espagnol, Mariano Rajoy a évoqué sa «  fermeté et sa détermination » à vouloir défendre l’unité du pays. Toutefois, le Parlement catalan s’est engagé à adopter, « dans un délai maximal de trente jours  », les lois qui pourront lui permettre d’avoir sa propre Constitution, sa Sécurité sociale, ainsi qu’un Trésor public propre. La lutte est donc engagée entre la Catalogne et Madrid. g

par Raphaël Gilleron.

RELAXE DES PRÉVENUS DANS L’AFFAIRE BETTENCOURT Le tribunal correctionnel de Bordeaux a pris la décision, mardi 12 janvier, de relaxer l’exmajordome de Liliane Bettencourt et cinq journalistes. Pascal Bonnefoy, le majordome, était poursuivi pour avoir enregistré l’héritière de l’Oréal à son insu. Les journalistes et les directeurs de publication de Mediapart et du Point avaient été entendus pour « détention et diffusion de documents portant atteinte à l’intimité de la vie privée ». Lors du procès de novembre à Bordeaux, de simples amendes avaient été requises contre les prévenus. g par Marie Martel.

AYMERIC CHAUPRADE LANCE UN NOUVEAU PARTI L’eurodéputé et ancien conseiller de Marine Le Pen, Aymeric Chauprade, crée son propre parti politique sous le nom « Les Français libres », « le mouvement des forces vives de la France ». L’objectif ? « Faire gagner en 2017 le candidat d’une droite française crédible et assumée ». La tête de liste de l’extrême droite en Île-deFrance, aux européennes de mai 2014, prévoit de lutter contre le recul de l’État dans les fonctions régaliennes et reconstruire la puissance géopolitique, militaire et énergétique de la France … Mais aussi de combattre les propagateurs et les adeptes de la loi islamique. g par Marion Bordier.

1,4 MILLIARD EN SIERRA LEONE, 535 MILLIONS EN GUINÉE ET 240 MILLIONS AU LIBERIA. C’est le montant des pertes en Produit intérieur brut (PIB) causées par Ebola dans les trois pays les plus touchés par l’épidémie, selon la Banque mondiale g par C.D.J.

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ACTUALITÉS

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C’est le nombre de postes que le groupe américain Général Electric va supprimer en France. Le quotidien de Nancy, l’Est Républicain, avait évoqué 830 emplois menacés en France après le rachat de la branche énergie du Français Alstom. Les postes concernés sont essentiellement des fonctions support : ressources humaines, juridique ou encore communication. g

par Marie Martel.

MULTIPLES ATTAQUES CONTRE LE PAKISTAN Le mercredi 13 janvier, un kamikaze a tué quinze personnes devant un centre anti-polio à Quetta, au Pakistan. Parmi les victimes se trouvaient douze policiers, un membre des forces de l’ordre du ministère et deux civils, selon un médecin. Cette attaque est survenue alors qu’un attentat suicide s’est produit simultanément au consulat pakistanais en Afghanistan, faisant sept morts parmi les forces de l’ordre. Selon Attaullah Khogyani, le kamikaze s’est fait exploser lorsque les gardes l’ont empêché de rentrer dans le bâtiment. Une fusillade a ensuite éclaté entre les forces de sécurité et des islamistes présumés dans une maison voisine. g

par Cloé Arrault.

ATTENTATS DE PARIS : NOUVELLES DÉCOUVERTES La police belge a identifié trois logements loués par les auteurs des attentats, avant le 13 novembre. Une perquisition, le 10 décembre, a permis « la découverte d’une balance de précision, de traces de TATP, de ceintures ventrales ainsi que d’un schéma dessiné à la main décrivant un personnage portant une large ceinture », décrit le parquet. La police a également trouvé l’ADN de Bilal Hadfi, l’un des kamikazes, et l’empreinte de Salah Abdeslam, suspect clé dans les attentats et homme le plus recherché d’Europe. g

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par Cloé Arrault.

AGRESSION À MARSEILLE : LE PORT DE LA KIPPA REMIS EN QUESTION

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ardi, un professeur juif a été attaqué à la machette par un lycéen de 15 ans, dans la cité phocéenne. L’individu, inconnu des services de police et de renseignement, a indiqué avoir agi au nom de Daesh. Le parquet de Marseille a ouvert une enquête pour « tentative d’assassinat en raison d’une appartenance religieuse » et « apologie du terrorisme ». La section antiterroriste de Paris s’est également saisie de l’enquête. A la suite de cette agression antisémite, Zvi Ammar, le président du Consistoire israélite de la ville, a incité les habitants de confession

juive à « enlever la kippa dans cette période trouble, jusqu’à des jours meilleurs ». Il a ajouté : « Aujourd’hui, devant la gravité des événements (…) il faut prendre des décisions exceptionnelles, et, pour moi, la vie est plus sacrée que tout autre critère ». Selon le Conseil

représentatif des institutions juives de France (Crif), Marseille compte 70 000 habitants de confession israélite. Et ce, sur une population totale de 850 000 personnes. C’est la deuxième plus grande communauté juive de France, après Paris et sa région g

par Marion Bordier.

Zvi Aymar, le président du Consistoire israélite de la ville © 20 Minutes.

ATTENTATS SUICIDES À ISTANBUL, L’ÉTAT ISLAMIQUE IMPLIQUÉ

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n attentatsuicide s’est produit mardi 12 janvier, à 10h18 heure locale, dans le quartier historique de Sultanahmet, à Istanbul. La détonation a été très violente et a fait une dizaine de morts et quinze blessés. Les autorités turques ont identifié le kamikaze comme étant un ressortissant syrien né en 1988 et appartenant à l’organisation Etat Islamique. « L’enquête se poursuit méticuleusement et avec attention  », a indiqué Efkan Ala, le ministre de l’intérieur turc. Mercredi matin,

la police locale a arrêté une personne qui serait en lien avec ces attentats. Selon les médias, il s’agirait d’une femme qui serait en relation avec Daech. Elle aurait été arrêtée dans un quartier aisé d’Istanbul. L’attentat ayant touché un groupe de ressortissant allemand, dont huit sont morts, il n’y a, pour le moment, aucune indication que cette attaque ait visé en priorité les touristes allemands. L’enquête se poursuit afin de déterminer s’il pourrait y avoir un lien avec le dernier double attentat-suicide qui a fait 103 morts le

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La place Sainte-Sophie après l’attentat-suicide © Le Parisien.

10 octobre dernier à Ankara. Le pays, qui est en état d’alerte, connaît à nouveau un regain de tension qui n’est pas prêt de s’estomper… g

par Raphaël Gilleron.


ACTUALITÉS

LEMMY, AIMÉ ET SUIVI JUSQU’AU BOUT

S

amedi dernier, bien, mon cher papa. l’ancien batteur de en direct sur Tu es parti pour ta plus Nirvana, aujourd’hui Youtube, les fans longue tour¬née, pour leader du groupe Foo de Motörhead ont pu ton plus grand concert Figh¬ters, qui, très enterrer le roi Lemmy dans le ciel ». ému a souhaité prendre Kilmister. En mémoire de son la parole devant une « Trinquez avec nous », ami, le guita¬riste des assemblée en larme c’est le message que Guns’n’roses, évoque « c’était le seul et le groupe de métal un homme « loyal, unique vrai rocker », avait publié sur sa honnête, toujours a-t-il déclaré, devant page Facebook. Cette sarcas¬tique ». Ozzy deux énormes amplis idée de diffuser les Osbourne était lui aussi Marshall, symboles du obsèques du leader rock’n’roll puis¬sant via la plateforme de de Motö¬rhead. partage, leur est venue « Toutes les personnes pour éviter une trop présentes ici ont forte affluence sur le appris aujourd’¬hui lieu de l’enterrement. que Lemmy n’était Au total 250.000 pas seule¬ment ce personnes ont inhumé look de dur à cuire, l’une des dernières ce buveur de whisky grandes icônes et cette putain de musicale de ces rock star. Il avait dernières décennies, le plus grand cœur avec ce qu’il reste du Lemmy Kilmister, cigarette à la main et était un exemple trio et leur famille. et verre de Jack Daniels sur la table. incroyable, car il était Le premier discours, Ses célèbres vices de rockeurs © DR gentil avec tout le celui de son fils, Paul monde ». Le chanteur Inder, évoque « un présent pour rendre bassiste de Motörhead guer¬rier de la scène hommage à « celui est décédé à l’âge de », à « l’esprit libre ». sans qui Motö-rhead 70 ans, à la suite d’un Ses dernières paroles à ne sera plus jamais cancer foudroyant, le son père semblent être comme avant ». Tout 28 décembre 2015. une promesse: « Voyage comme Dave Grohl, g par Cloé Arrault.

« L’INTÉGRITÉ DE L’ATHLÉTISME A ÉTÉ MISE À L’ÉPREUVE EN 2015 »

A

la suite d’un rapport sur le dopage qui accable les pratiques dopantes de pays comme la Russie ou le Kenya, la Fédération Britannique d’Athlétisme (UKA) monte au créneau. Dans un manifeste pour un athlétisme propre, publié sur leur site lundi, le président de l’UKA, Ed Warner, annonce une série de 14 mesures afin de retrouver un athlétisme propre. « Une plus grande

transparence, des sanctions plus lourdes, des suspensions plus longues, et même la remise à zéro des compteurs sur les records du monde pour lancer une nouvelle ère, nous devons être prêts à tout mettre en œuvre pour restaurer la crédibilité dans ce sport ». Les accusations de dopage qui pèsent actuellement sur l’athlétisme doivent remettre en cause le système de l‘IAAF afin de sortir de la

crise. «L’intégrité de l’athlétisme a été mise à l’épreuve comme jamais en 2015. La confiance dans ce sport est à son plus bas niveau depuis des décennies. L’UKA estime que le moment est venu d’adopter des réformes radicales si nous voulons ramener la confiance», explique Ed Warner. La crédibilité et les valeurs sportives doivent être retrouvées pour redonner un éclat à l’athlétisme. g

par Raphaël Gilleron.

« LES ÉTATS-UNIS SONT LA NATION LA PLUS FORTE DU GLOBE » Barack Obama a prononcé son dernier discours sur l’état de l’Union, mardi 12 janvier, face au Congrès. L’occasion pour le 44ème président des Etats-Unis de s’adresser aux Américains en prime-time. Il a également rappelé à ses adversaires sa détermination pour vaincre l’Etat islamique. « Si vous doutez de la détermination de l’Amérique, ou de la mienne, pour que justice soit faite, demandez à Oussama Ben Laden. [...] Si vous vous en prenez aux Américains, on ira vous chercher », a-t-il affirmé avec vigueur. g

par Maxence Fabrion.

FIFA : LA SUSPENSION DE MICHEL PLATINI ALOURDIE EN APPEL ? La chambre d’instruction de la FIFA, qui avait requis la radiation à vie à l’encontre de Michel Platini, veut faire appel en interne de la suspension infligée au Français et à Sepp Blatter. C’est ce qu’a annoncé, mardi, un porte-parole. En décembre, la chambre de jugement de la commission de la FIFA avait prononcé une suspension de « seulement » huit ans envers Blatter, président de la FIFA, et Platini, président de l’UEFA et désormais excandidat à la présidence de l’instance internationale. g par Antoine Grasland

JUPPÉ DEVANT SARKOZY Alain Juppé creuserait l’écart sur Nicolas Sarkozy en vue de la primaire de droite. Selon le sondage de l’IFOP, publié dimanche pour le Figaro, Alain Juppé devancerait l’ancien chef d’Etat avec 38% des intentions de vote contre 29%. L’actuel président des Républicains n’a pas encore émis l’intention de se présenter comme candidat. Malgré tout, le sondage montre un net recul de cinq points comparé à celui de mi octobre. Alain Juppé lui, gagne trois points. Cette enquête est à prendre au sérieux puisqu’elle a été réalisée sur un panel de plus de 6 000 personnes. g

par Cloé Arrault.

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CULTURE

LA LEGENDE NE MEURT JAMAIS

David Bowie a toujours su surprendre. L’annonce de sa disparition dimanche 10 janvier a pris tout le monde de court. La flamme du génie s’est éteinte mais son fantôme et son histoire nous hanteront à jamais. g par Léo Chabannes de Balsac.

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avid Robert Jones a toujours été unique. Dès son plus jeune âge, il fait montre d’un talent pour le chant. A 11 ans, il intègre une école d’art et de musique à Broley dans le Kent où il vit avec ses parents. Outre une éducation hors norme, David se passionne pour le théâtre et le mime. « Il arrivait souvent en cours avec les yeux maquillés, se souvient Lindsay Kemp, son professeur de danse en 1967. On aimait tous les deux les films muets et il adorait jouer Laurel & Hardy. » Timide et réservé, il n’en montre pourtant rien sur scène. Jusqu’en 1995, il change de groupe à tour de bras : Konrads, King Bees, the Manish Boys ou encore the Buzz et Tin Machine. Aucun ne dure bien longtemps. La personnalité de l’artiste, qui se fait appeler David Bowie dès 1965, prends le dessus à chaque fois et signe la fin de ses collaborations. C’était peut être simplement pour se rappeler qu’il ne pouvait évoluer qu’en solo. © Vectoporal.

« CH-CH-CH-CHCHANGES » La musique est la passion de David Bowie, sa manière à lui de s’exprimer. Ses influences sont si larges qu’il est impossible de toutes les lister. On note néanmoins un amour pour Dylan, le blues et la pop. Malgré des goûts finalement assez communs, sa musique est si originale qu’il est souvent ardu de les y retrouver. Sa curiosité et sa soif d’apprendre y sont pour quelque chose. Mixer les genres, expérimenter et écrire, c’est ce que l’artiste fait de mieux. David Bowie est hétérogène, sa carrière en est pure preuve. Il a tout essayé : la pop avec Hunky Dory, le Glam Rock avec Ziggy, la fameuse «Plastic Soul» (mélange de soul et de funk), le Krautrock allemand, l’électronique et même le hip-hop. Il n’a peur de rien et n’hésite pas, malgré son caractère solitaire, à travailler avec

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d’autres artistes. Evidemment, il ne choisit pas n’importe qui et la liste de ses collaborateurs s’avère un bel assortiment : Iggy Pop, Nile Rodgers ou encore Brian Eno, il a marqué

« Ziggy est un messager extraterrestre qui vient délivrer un message à l’humanité » leurs carrières mais pas seulement. « L’amitié de David a illuminé ma vie. Je n’ai jamais rencontré quelqu’un d’aussi brillant que lui. C’était le meilleur », poste Iggy Pop à l’annonce de sa mort. David Bowie est un extra-terrestre

musical à la carrière immense. S’il ne s’attache à aucun genre, sa voix unique et les thématiques abordées dans ses chansons restent les clés de son succès. Il est difficile de l’expliquer autrement car sa musique est singulière. Le titre « Life On Mars », une dissonance harmonieuse, a conquis un public souvent perdu. L’irrégularité de son style le rend peu abordable et paradoxalement adoré. S’il n’y avait qu’un mot pour le définir, celui d’avant-gardiste serait adéquat. Car Bowie a tout fait avant tout le monde. « Space Oditty » avant les premiers pas sur la lune, Ziggy avant Queen, l’électronique avant la techno et son coming out au début des années 70. Son dernier album « Blackstar », sorti deux jours avant sa mort, démontre un renouveau de son talent après plus de 45 ans de carrière. Il a musicalement inspiré de nombreux artistes : « David Bowie est une de mes plus importantes

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CULTURE inspirations. Sans peur, si créatif, il nous a donné de la magie pour toute une vie », déclare Kanye West. C’est finalement le génie indiscutable de son imaginaire qui a influencé des générations.

« L’ h o m m e a u x cent visages » David Bowie est chanteur, acteur, compositeur, peintre et passionné de mode. Autant de facettes qui chacune représente la multipolarité de l’artiste le plus marquant du siècle. La musique ne lui suffisait pas, alors il a du se réinventer. De multiples alterego se sont succédés, tous avec une histoire, un style et un look. Le plus notable reste le personnage de Ziggy Stardust que Bowie a incarné de 1972 à 1973. Ziggy est un messager extraterrestre qui vient délivrer un message à l’humanité : elle n’a plus que cinq ans à vivre. Arrivé sur Terre, il devient une star et se perds dans les méandres de la célébrité pour finalement en mourir. L’album The Rise & Fall of Ziggy Stardust and the Spiders of Mars est le chef d’oeuvre de Bowie. Un disque dont la construction et la qualité musicale restent encore des mythes. Et l’artiste ne fait pas les choses à moitié puisqu’il a vécu plus d’un an de sa vie en tant que Ziggy. Le style vestimentaire unique et invraisemblable, le caractère et l’allure, tout y était. « Quand David Bowie devient un personnage, il l’est à 110%, pour le meilleur et pour le pire », se souvient Ken Scott, producteur de nombreux albums de l’artiste. Et quand Bowie tue Ziggy durant un concert au Hammersmith Odeon en 1973, il le fait de telle façon que tout le monde croit qu’il arrête sa carrière.

« sans limite » Bowie aime les vêtements que personne d’autre n’aurait pu porter. Il tire toujours un avantage de son physique atypique. Grand et d’une maigreur affolante, le visage émacié et des cheveux à la coupe et aux couleurs changeantes, c’est un ovni sous forme humaine. La pupille de son oeil gauche est restée dilatée à la suite d’une bagarre à l’école dans sa jeunesse. Encore

© StratoPaulo.

un signe particulier qui fait de lui un personnage merveilleusement dingue. Il porte des robes, des pantalons loufoques, des chaussures à talons et des combinaisons. L’éclair flamboyant d’Aladdin Sane sur la moitié de son visage, le cercle lumineux sur son front, les yeux et les tempes roses jusqu’aux oreilles... Bowie a révolutionné l’utilisation du maquillage à des fins théâtrales et spectaculaires. Ici encore, ses inspirations sont infinies, des artistes japonais à Andy Warhol en passant par les stars du mime. Son imagination a influencé les grands créateurs de mode et artistes du siècle.

« star-mania » Comme si David Bowie n’avait pas assez de cordes à son arc, il a fallu qu’il soit sulfureux. Sa personnalité débordante l’a souvent emporté, parfois trop loin. Lorsqu’en 1972 il annonce sa bisexualité, le public de l’époque est davantage choqué que surpris. Il n’a jamais caché son corps androgyne et son penchant pour le travestisme. En 1974, il est addict à la cocaïne et la drogue devient vite un problème. Il doit faire face à de lourdes épreuves dans sa vie. Son père meurt et son frère Terry est

interné dans un hôpital psychiatrique en 1971 (il se suicidera en 1985. L’ampleur de son succès devient un obstacle à son bien-être. Bowie se révèle paranoïaque, il perds du poids et commet des impairs. Il déclare admirer le fascisme et ose un signe de main qualifié de « nazi » à Victoria Station en 1975. Grâce à son entourage, il se reprends en main et s’exile quelques mois en Suisse avant de s’installer à Berlin, où il entame une nouvelle étape de sa carrière avec un tryptique de choc : Low et Heroes en 1977 et Lodger deux ans plus tard. Cette collaboration avec Brian Eno est l’une des plus aboutie. Tout le monde admet sans difficulté que Bowie est un génie. Pourtant sa carrière ne reflète pas constamment sa renommée. Son parcours connait quelques déclins entre 1970 et 1972, et entre 1980 et 2013. Alors qu’il a sorti un album par an entre 1969 et 1980, seul un disque sur trois connaissent le succès. Ce schéma de montagnes russes s’explique par l’avant-gardisme de l’artiste, qui a besoin de temps pour être compris et enfin adulé. Starman, Hero, Rock’n’Roll Star, Rebel, Ziggy… David Bowie était tout à la fois. L’homme est une légende. Qu’il repose en paix, quelque part sur Mars.

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CULTURE

BLACKSTAR, DERNIER POINT D’ORGUE

Durant sa longue et prolifique carrière, David Bowie a réussi à incarner l’avant-garde musicale, à s’affranchir des tendances de son époque en les anticipant. Si le temps du strass et du glamrock aux talons hauts de Ziggy Stardust est loin, son dernier album n’échappe pas à la règle. g

parAntoine Mbemba.

S

Les pochettes des albums Heroes (1977) et The Next Day (2013) © DR.

orti deux jours avant la mort de l’icône pop, Blackstar prend inévitablement la forme du testament, de l’adieu stylisée. D’une dernière théâtralisation d’un personnage multi-faces. Son dernier avatar : une tête brûlée qui ne se laisse pas consumer par son statut de légende de la musique. Un aventurier du son qui trouve encore la force, à 69 ans et miné par la maladie, d’expérimenter, d’étonner. D’encore inspirer les Heroes qui suivront avec peine l’inégalable.

dernière salve Une fois de plus, David Bowie aura livré son art propre ; loin des canons actuels de la musique. Salué par certains comme l’album le plus expérimental du chanteur, Blackstar écrase l’opus précédent. The Next Day, sorti en 2013, cachait sa relative platitude derrière la simple joie unanimement partagée de retrouver David Bowie dans les bacs après dix ans d’absence. L’ensemble paraissait long et dispersé, malgré quelques morceaux de bravoure comme l’émouvant « Where Are We Now », évoquant les souvenirs allemands du

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chanteur. Du Berlin qui dans les années 1970 servit de décor à la géniale trilogie d’albums Low, « Heroes » et Lodger, véritables coups de fouet soniques expérimentaux. Bowie était de retour. Avec élégance mais sans trop d’éclat. Tout autre son de cloche en novembre dernier, lorsque le titre éponyme de Blackstar sonne les tympans du monde entier. Accompagné d’un clip sombre et déjanté, le single de dix minutes marque le retour d’un Bowie à la création désarçonnée, sans limites. Sur les coups d’une caisse claire frénétique et entêtante, entre deux longs râles aigus aux allures de chant rituel païen et un saxophone aux soufflets sporadiques, la légende aux (faux) yeux vairons pose d’une voix torturée sa plainte : « I’m not a gangster/ I’m not a pornstar, I’m not a wandering star/ I’m a Blackstar ». Le morceau est un Objet Sonore Non-Identifié. Un bijou de plus qu’accompagne le reste du court album aux accents jazzy. Sur la magnifique « Dollar Days », le chanteur déclame sa peine de ne pas avoir passé ses belles années dans la campagne anglaise. Sur « Girl Loves Me », la basse envoûtante accompagne des paroles mystérieuses, agrémentées de la langue inventé

par Burgess pour l’écriture d’Orange Mécanique.

changes Depuis lundi et l’annonce de la mort de David Bowie, les réseaux sociaux sont inondés de ses plus grands tubes, souvent accompagnés de l’aveu d’une infinie tristesse. Également sur internet, ce GIF animé qui égraine à la suite, façon morphing, le visage de Bowie et les transformations dont il fit l’objet tout au long de sa carrière. Autant de personnages à la mythologie barrée, du martien Ziggy Stardust à la fine silhouette blonde peroxydée du Thin White Duke, pour autant de souffles musicaux. Si David Robert Jones est né à Londres, David Bowie est né dans l’espace, en 1969. Le 16 juillet de cette année, l’empreinte de Neil Armstrong décore la Lune. Cinq jours plus tôt, l’avant-goût musical c’est Space Oddity, premier coup de génie futuriste. D’un compte à rebours épique que couvre un strident bruit de fusée qui décolle, l’Angleterre en zone tampon de la planète Terre

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CULTURE (1974). Puis viendra l’obsession de l’artiste pour la musique noire, qui générera Young Americans (1975) et le transitif Station to Station. Exilé à Berlin, Bowie saura se réinventer ensuite, avec la triple claque sonore Low, « Heroes » et Lodger (1977 et 1979). Si son succès commercial est mitigé, la trilogie coproduite par Brian Eno restera dans les mémoires comme un monument d’avant-garde minimaliste qui marquera toute la décennie à venir. Paradoxalement, comme essoufflé d’avoir tant inspiré, Bowie perdra ensuite sa capacité d’anticipation, se calant sur les tendances dance ou pop des années 1980, 1990 et 2000. Resteront sa stature et une musique de bonne facture. Il aura peut-être fallu attendre 2015 et Blackstar pour retrouver la fougue d’une composition sans peur.

bowie, roi du silence

Les pochettes des albums Heroes (1977) et The Next Day (2013) © DR.

communique pour la première fois avec le Major Tom, avatar de Bowie ; explorateur astronaute de la clé de sol. Le titre n’est pas anodin. Il annonce Oddity (« singularité ») comme un véritable mantra, un mode de vie. La différence est nécessaire. La carrière de l’artiste aura été marquée par une perpétuelle réinvention de son image et de sa musique impliquant un abandon de soi répété. En 1973, alors qu’il est au sommet de son art en tant que Ziggy Stardust, il déclare à la fin d’un concert mythique à l’Hammersmith Odeon de Londres que « non seulement c’est le dernier concert de la tournée, mais c’est aussi notre dernier concert, tout court ». Stupéfaction. Suivra sur scène le morceau tout adapté « Rock’n’Roll Suicide ». Cette perpétuelle résurrection, il l’a expérimenté plus sobrement en 2013, via la pochette de The Next Day. Une simple reprise du visuel de l’album Heroes qui se voit partiellement caché par le titre de l’opus en noir sur un carré blanc. La reconnaissance qu’une ambition musicale d’envergure ne peut s’écrire que sur une feuille vierge.

l’ a g e d ’ o r renouvelé En 1976 sortait Station to Station. Une transition symbole des mutations continuelles du chanteur. De Young Americans et sa « plastic soul » à

l’expérimentation berlinoise qui suivra, le dixième album de Bowie est une courbe insensée entre deux époques. Les dix jours d’enregistrement ? Montagne(s) de coke aidant, Bowie ne s’en souvient pas. Mais pour un transformiste tel que lui, bourreau d’identité(s) et de mémoire(s), Station to Station reste un symbole fort et énigmatique dont les pistes résonnent de soul blanche radieuse et métallique. Celle du Thin White Duke. En 1976, David Bowie a pourtant un terreau sacrément fertile sur lequel se reposer et banquer calmement. En 1971, Hunky Dory marque déjà l’arrivée à maturation du chanteur – à 23 ans – avec un album pop rock unique aux sonorités intemporelles. Pop rock en ce qu’il impose des chansons encore aujourd’hui iconiques, comme « Changes » ou « Life on Mars ». Mais pop aussi en ce qu’il y invoque d’autres princes majeurs de la culture de son époque : Andy Warhol et Bob Dylan. Comme une jeune conscience de l’Histoire, Hunky Dory reste à ce jour un condensé de 40 minutes de pureté mélodieuse considéré par beaucoup comme sa meilleure production. David Bowie n’a que rarement choisi la facilité. Après le triomphe de Hunky Dory et la mythification qui suivra le rock stratosphérique de Ziggy Stardust, il se penchera sur une adaptation musicale du roman de Geroge Orwell, 1984, avec l’album Diamond Dogs

Viendront maintenant quelques inédits et réédition. Mais cette aventure artistique a trouvé son point final. Un dernier coup de force musical dont le timing – sorti le jour de son anniversaire et deux jours avant sa mort – continuera de faire parler les fans pendant longtemps. Le deuxième single de l’album, Lazarus, commence ainsi : « Look up here, I’m in heaven / I got scars that can’t be seen » (« Regardez, je suis au paradis / J’ai des cicatrices qui ne se voient pas »). En effet, nous ne les voyions pas, ces cicatrices, tout excités que nous étions par le retour du roi. A la fin du clip : l’image d’un Bowie qui s’enferme silencieusement dans un placard alors que la mélodie s’étiole. Depuis 2003, le silence de Bowie avait laissé place aux échos des partitions cultes du chanteur. Chacun pouvait piocher à sa guise dans la décennie qui l’animait. Les débuts pop-rock, la phase soul, l’expérimentation berlinoise ou même la dance des années 1980-1990 – qui ne s’est pas déhanché sur « Modern Love » ou « Let’s Dance » ? L’espoir d’un retour assouvi en 2013 aura été décuplé la semaine dernière avec cet ultime opus, véritable réussite. Un dernier coup de maître, comme pour nous dire « voyez ce que je sais encore faire », avant de s’échapper avec élégance dans l’Olympe. Après avoir livré son dernier souffle épique, Bowie est mort pour la dernière fois.

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CULTURE

L’ICÔNE POPSTAR DU CINÉMA

Si le Starman du vingtième siècle et de cette dernière décennie, est connu pour ses chansons et ses personnages extravagants, le Britannique a aussi su s’imposer dans le septième art. A son actif, des rôles étranges, funestes et renversants. Retour sur cet extraterrestre des tours de platines et des écrans g par Cloé Arrault.

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Bowie, l’homme aux milles visages, a sa propre étoile sur le Hollywood Walk of Fame © Derek Rust.

’inventeur de la pop positive avait un don inné pour se réinventer et créer des personnages loufoques, décalés et absurdes. Une qualité qui lui a permis de se fondre dans un personnage, de s’oublier en tant que chanteur et de s’inventer en tant qu’acteur. Avant la sortie du notable Furyo (sorti en 1983 et réédité en Dvd et Blu-ray récemment), le mystique britannique a joué dans plusieurs productions comme « L’homme qui venait d’ailleurs » et « Absolute Beginners », respectivement sorti en 1976 et 1986.

Un début remarqué Le chanteur de Starman rejoint très vite le monde du cinéma. En 1963, on le découvre dans le court métrage de « The Image », aux côtés de la troupe de mimes de Lindsay Kemp. Bowie reste identique à lui-même, extravagant, loufoque et véritable caméléon. Le tour du monde de Ziggy

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Stardust (de 1972 à 1973), figure extraterrestre du glam rock, peut à lui seul être considéré comme une forme d’art. Alen Yentob tourne d’ailleurs en 1974 « Cracked Actor » (nom tiré d’un titre de l’album Alladin Sane) un documentaire réalisé pour la BBC. Il « dresse le portrait d’un homme de 27 ans, perdu dans un monde imaginaire, rempli de gloire, perfectionniste dans tout ce qu’il entreprend tout en étant cocaïnomane ». Grâce à ce documentaire Bowie s’est fait remarquer dans le monde du cinéma. En regardant « Cracked Actor » le réalisateur Nicolas Roeg a compris qu’il venait de dénicher l’acteur principal de « L’homme qui venait d’ailleurs ». L’œuvre de sciencefiction raconte l’histoire d’un extraterrestre venu d’une planète mourante. Thomas Newton (Bowie) est un séduisant envahisseur de l’espace transformé en terrien, qui met la main sur un paquet de brevets technologiques particulièrement lucratifs et domine bientôt le monde de l’entreprise, avant d’être trahi par ses plus proches alliés.

B o w i e a va n tgardiste En 1983, dix ans après avoir symboliquement tué Ziggy Stardust sur la scène de l’Hammersmith Odeon (en entamant le célèbre titre Rock ‘n’ Roll Suicide), Bowie fait la couverture du Times. Loin de l’image du crooner androgyne, du cosmonaute égaré, l’artiste britannique pose devant l’objectif vêtu d’un complet tiré à quatre épingles. Plus sobre que jamais. Mais surprise, le maître du glam rock rassure ses fans, puisque la même année le caméléon se retrouve à jouer un premier rôle dans Furyo, de Nagisa Oshima. Une production dramatique et avantgardiste pour l’époque puisqu’aux fortes connotations homo-érotiques. L’œuvre se déroule dans un camp de prisonniers de guerre japonais. Une initiative farfelue mais loin d’être surprenante de la part de l’homme éclair. Dans ce film, Bowie incarne Celliers, un soldat britannique à

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CULTURE tendance rebelle. Un être énigmatique au charisme fuyant. Autant dire que le personnage est à l’image du chanteur.

multiples visages Bowie a aussi joué dans la production « Labyrinthe », sorti en 1986. Une œuvre dont les adolescents des années 80 ne se sont toujours pas remis. Dans la fantaisie signé Jim Henson, le crooner incarne un nain Tracassin aux cheveux métalliques, effrayant et bizarre, entouré d’un casting de marionnettes. « Absolute Beginners » (sorti en 1986) reste l’autre meilleur film dans lequel on compte Bowie parmi les acteurs principaux. Comédie musicale qui met en scène un jeune photographe, Colin, qui tombe amoureux de la styliste Crepe Suzette qui, contrairement à lui, ne pense qu’à sa carrière. Notre martien affirme avoir « adoré jouer ce salaud cynique ». Ray Davies, membre du groupe The Kinks, fait lui aussi partie du casting. Il incarne le personnage d’Arthur, clin d’œil appuyé au titre de l’un des albums des Kinks.

A n d y Wa r h o l Après avoir pris part à des œuvres de science-fiction et de fantastique, la pop star en vient à s’attaquer aux biopics. Dans « Basquiat », sorti en 1996, Bowie se fond dans la peau d’Andy Warhol (homme avec lequel il entretient une aventure pendant plusieurs années). Un rôle troublant qui suscitera des critiques élogieuses et à contrario négatives. Avec ce personnage, on découvre un Bowie mâle, loin de l’image du chanteur androgyne. Pour certains, le starman représenterait mieux Andy Warhol qu’Andy lui-même. Fasciné par l’artiste, l’extraterrestre pop du vingtième siècle dédiera une chanson au nom de son amant, Andy Warhol.

life on mars Cette dernière décennie, les apparitions de Bowie sur nos écrans se sont révélées rares. L’homme éclair a joué un petit rôle crucial en 2006 dans « Le Prestige », réalisé

David Bowie est le seul chanteur à avoir eu une véritable carrière cinématographique © DR.

par Christopher Nolan. Dans cette œuvre fantastique, deux illusionnistes essayent de découvrir à tout prix le secret du tour de magie de l’autre. Ils s’affrontent alors autour de plusieurs spectacles. Bowie incarne l’inventeur Nikola Tesla (serbe). Très en avance sur son temps, les expériences sur l’électricité repoussent les limites du réel et de l’imaginable. Le multi artiste avait tout pour jouer et mythifier ce personnage : des yeux énigmatiques et un accent sortie tout droit de Brixton. Avec ce rôle Bowie boucle la boucle: Tesla nous rappel Thomas Newton de « L’homme qui venait d’ailleurs ». Deux extraterrestres visionnaires, incompris et haïs pour leurs expériences et leurs connaissances inconcevables. A trente ans d’intervalle, ces deux rôles prouvent qu’entre les mains d’un bon réalisateur, l’acteur Bowie peut vite faire des étincelles.

Musique au cinéma Le Starman est apparu sur nos écrans d’une manière surprenante depuis le début des années 2000. C’est à travers les voix de Malthazard dans « Arthur et les Minimoys » et du roi heureux dans « Bob l’éponge » que Bowie a fait son come-back. Un choix qui correspond indéniablement à l’esprit de notre martien. Et si l’on excepte quelques petits rôles tordants, notre artiste s’est cantonné a jouer son propre personnage dans des films de bonne ou mauvaise production

comme The Love Me Wakes, College Rock Star, The Nomi Song et Mayor Of The Sunset Trip. En somme, notre britannique n’aura que très peu marqué les esprits dans le cinéma du 21 eme siècle. Les apparitions à retenir restent d’ordre musical. Sa chanson « Let’s Dance » dans Good Morning England, « Fame » dans Foxcatcher, « Space Oddity » dans la Vie rêvée de Walter Mitty, « Starman » dans Seul Sur Mars ou encore « Life On Mars » dans La Vie Aquatique. En tout, les chansons de Bowie ont été utilisées plus de cinquante fois pour des B.O. et autant dans des films.

Sceau de l’ e x c e l l e n c e Bowie sur un plateau de tournage était un homme qui ne se démontait devant rien. Nudité, scène de sexe comprenant un pistolet ? Pas de problème. Pousser des hurlements gais ou être ivre contre un mur, le tout en portant une genouillère sur un fauteuil gynécologique ? Comme si c’était fait. Son impudence et son inhabileté distinguée et sa façon de s’exprimer, des caractéristiques que seul Bowie pouvait posséder. C’était l’homme extraterrestre de la scène et du cinéma. S’appropriant toujours le personnage qu’il devait jouer, à défaut d’en oublier le chanteur qui se trouvait derrière, mais aussi parce que sa renommée et sa personnalité nous rattrape, quel que soit le rôle qu’il joue, une petite voix vient nous murmurer : « Hé, mais c’est David Bowie ! ».

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TERRORISME

« J’AVAIS AUTANT DE CHANCE DE TOMBE Il y a un an et sept jours, Joffrey Labaune croisait le chemin des frères Kouachi. Il était 11 heures passées de 40 minutes. Les deux terroristes venaient de tuer douze personnes dont huit membres de la rédaction de Charlie Hebdo. g par Marion Bordier.

«J

e ne me rends jamais dans la capitale. Il a fallu que ça arrive ce jour-là… » soupire Joffrey Labaune. Le 7 janvier 2015, ce natif de l’Yonne, âgé de 21 ans, avait rendez-vous à l’hôpital Saint-Louis de Paris afin de passer des examens médicaux. « Nous sommes sortis à 11 h 20. Je devais conduire pour retourner chez nous, à Chablis, mais j’étais fatigué alors c’est mon père, Franck, qui a pris le volant ». Un détail qui aura son importance vingt minutes plus tard. «  A un moment donné, une voiture de police sans gyrophare, ni clignotant, nous a doublé. Ça m’a paru bizarre. Ils sont passés au feu rouge. Nous, on s’est arrêté. Puis mon père a cru entendre des coups de feu. Je lui ai dit que ce devait être des travaux. J’avais tort ». Le véhicule des forces de l’ordre qui venait de les dépasser est la cible de dizaines de balles. Un homme cagoulé, kalachnikov à bout de bras, tire à maintes reprises avant de s’engouffrer dans une Citroën C3 noire. « C’est là où ils nous ont menacé avec leur arme. Ils voulaient que nous leur laissions le champ libre pour s’enfuir. Ils n’étaient qu’à quarante mètres de nous… ». La voiture de devant a reculé, celle du jeune homme aussi. « Je ne sais pas comment mon père a fait pour engranger la marche arrière. Moi, j’étais figé. Je n’ai même pas eu le réflexe de me baisser. A sa place, je pense que je n’aurais pas réagi avec un tel sang-froid ». Les terroristes partent, direction porte de Pantin. Joffrey s’empresse de twitter ce à quoi il vient d’assister. « Quelques heures après les faits, tous mes proches sur les réseaux sociaux étaient au courant. Après avoir témoigné dans le journal local, beaucoup m’ont poussé à continuer. J’ai téléphoné à Europe 1. J’avais hésité car un mystérieux compte Twitter d’un homme barbu m’avait dit de supprimer une de mes publications. C’était menaçant. Je me

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suis dit « et s’ils me retrouvaient ? » alors j’ai fait ce qu’il m’a dit mais j’ai continué à parler ». La radio ne l’a jamais rappelée. En revanche, Joffrey a reçu un coup de fil d’un commissariat parisien le jour-même des attentats. « Les policiers voulaient que je retourne sur la capitale le lendemain pour expliquer ce que j’avais vu ou entendu mais j’ai refusé. Après tout ça, je ne pouvais pas. Tout s’est passé au téléphone ». Le soir même, les assassins étaient identifiés. Leur nom ? Chérif et Saïd Kouachi, 32 et 35 ans, deux Parisiens d’origine algérienne. Deux djihadistes figurant sur la liste noire du terrorisme aux Etats-Unis.

Combinaison de hasard et de chance Ce qui a le plus marqué Joffrey Labaune lorsqu’il a croisé la routes des deux terroristes ? Leur regard. « Je m’en souviendrais toujours. Il n’était que haine ». Leurs yeux l’ont hanté durant des mois. « La première nuit qui a suivi Charlie, je

n’ai pas dormi. Quant aux suivantes, elles n’étaient que cauchemar sur cauchemar. Souvent, je rêvais que des terroristes me séquestraient ». Le jeune homme s’est raccroché aux chaines d’information en continue. «  Je voulais en savoir plus ». Plus sur le journal, sur Cabu, Charb, Wolinski, Daesh. Mais aussi sur les frères Kouachi. « Il fallait que je connaisse leur parcours pour savoir comment il était possible d’arriver à commettre de telles horreurs ». Si le jeune éducateur sportif s’est tout de suite senti soulagé après la mort des deux djihadistes, son père, lui, a mis plus de temps. « Il a regretté avoir repris la route directement après l’incident mais c’est en arrivant à la maison que nous avons vraiment réalisé. Il pense qu’il aurait pu avoir ma mort sur la conscience mais, pour moi, il a bien agi. De toute façon, tout était une question de hasard. Nous avions autant de chance de tomber sur eux que de gagner au loto. Si nous avions été devant la voiture de police qui nous précédait plutôt que derrière, ça aurait pu être la nôtre avec le pare-

les frères Kouachi prennent pour cible la voiture de police devant celle de Frank Labaune © Lefigaro.fr

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TERRORISME

ER SUR EUX QUE DE GAGNER AU LOTO » brise brisé, la carrosserie percée, et peut être pire. Ça s’est joué à un café à l’hôpital… ».

Vivre au jour le jour Aucune aide psychologique n’a été proposée à Joffrey Labaune. Et il n’a pas ressenti le besoin d’en avoir. « J’en ai tellement parlé avec mes amis, ma famille, aux policiers, à des journalistes qu’au final, ma thérapie, ça a été ça ». Le jeune homme s’est bien remis. « Après les événements, je me suis mis à courir pour me vider l’esprit. Je me suis davantage investi dans les cours de gym que je donnais. Même mon rapport aux gens était différent. J’avais plus d’affection pour eux et ils en avaient davantage pour moi. J’ai eu des dizaines de messages de soutien de personnes que je ne connaissais pas sur les réseaux sociaux. Bien sûr, certains ont dit que j’en rajoutais, que je voulais qu’on s’apitoie sur mon sort. C’est vrai quoi, après tout, je n’avais ni été blessé, ni tué mais, en tout cas, leurs conneries, je ne les ai pas écoutées ». Depuis Charlie, le jeune homme a changé et son rapport à l’existence aussi. « Aujourd’hui, je sais que la vie ne tient qu’à un fil. Avant, j’avais tendance à me prendre la tête pour des choses futiles. Désormais, je profite de mes proches en ayant conscience que demain je peux mourir ». Malgré cette apparente force de caractère, le souvenir du 7 janvier reste vivace. « Lorsque je croise un homme à la longue barbe ou bien une Citroën C3 noire, je ne peux m’empêcher de faire le rapprochement. C’est con mais c’est comme ça ».

L’unité nationale pour combattre le terrorisme L’Etat ? Le jeune éducateur sportif lui en veut. « Comment des personnes à l’idéologie aussi néfaste peuvent passer librement des frontières ?! Comment des armes de guerre peuvent arriver jusqu’en France ?! Pour moi, le gouvernement français est en partie responsable de ces attentats. Il aurait fallu ne pas relâcher la protection à laquelle était sujet Charlie. Et puis, davantage

Joffrey Labaune, devant la mairie d’Auxerre, lieu de rassemblement pour les Icaunais depuis l’attaque de Charlie Hebdo © Marion Bordier.

Capture de la réaction de Joffrey Labaune sur Twitter après l’annonce des attentats du 13 novembre.

contrôler les gares, les aéroports, les frontières. Peut-être que ces horreurs auraient été évitées ». Parmi elles, les attentats du 13 novembre dernier. Lorsqu’ils ont été annoncés, le jeune homme était en train de fêter l’anniversaire de son petit frère. « Nous jouons à un jeu lorsque ma mère a appris les multiples attaques contre Paris. Nous nous sommes tous regardés puis levés. Le jeu était fini. Retour à la réalité. Retour dans le passé. J’avais les larmes aux yeux. Des frissons me parcouraient de la tête aux pieds. Cette fois, les civils étaient visés. A onze mois près… ». En juin dernier, Joffrey Labaune est retourné sur Paris. « Je réagissais différemment. Je jetais des coups d’œil derrière moi, de gauche à

droite. J’essayais de ne pas y penser, mais une partie de moi ne pouvait s’en empêcher. Pour le nouvel an, des proches voulaient que nous le fêtions dans une grande ville. Je n’ai pas voulu. Je ne sais pas si c’est de la paranoïa mais je me suis dit que le 31 était le jour parfait pour commettre un attentat ». Malgré tout, l’éducateur sportif continue à aller au restaurant ou en boîte de nuit. S’empêcher de vivre ou céder à la peur : pas question. « Le but des terroristes est justement de nous diviser. Alors arrêtons les amalgames entre musulmans et terroristes. Soyons solidaires les uns des autres. Peu importe notre religion, nos origines, notre couleur de peau, nous sommes tous Français, non ? ».

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TERRORISME

Le Carillon de nouveau ouvert ! « Elle n’a toujours pas écrit son article » déclare Bruno, un photographe de rue. Bière à la main, verre de vin, les enfants jouent, dansent au fond du café. Il est 19 heures et les habitués se retrouvent enfin entre eux. Musique à fond les clients discutent, se baladent le sourire aux lèvres. g par Séléna Djennane.

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e 16 heures à 18 heures, le Carillon était envahi de « journaleux », cherchant à avoir la meilleure interview ou photo de cette réouverture symbolique. À 16h08 le staff du café installe les assiettes de cacahuètes et de chips, tout en papotant à haute voix. À l’extérieur, des riverains sont présents mais les journalistes eux sont en masse. L’AFP, France 5, Life News, France 3, France 24, Europe 1, RTL … Soudain, un chat apparait. Il s’installe sur la chaise qui se trouve devant l’entrée du Carillon, et devient la nouvelle attraction des journalistes et photographes. Tous le monde veut une photo du « chat du Carillon », en quelques sortes le premier « client » du café. À travers la vitre, un homme à la moustache blanche essuie des verres. Un serveur boit une Heineken. A l’extérieur il y a plus de 11 médias qui n’attendent que le « top départ ». Toute les personnes qui ont la bonne idée de s’installer en terrasse peu avant la réouverture officielle sont « dévisagées » par les photographes

« Longue vie ! On sort

en terrasse ! Résistance et que la vie continue » et caméramans. Un homme d’une quarantaine d’années portant un calot sur lequel sont gravées les initiales P.S pour Pace e Salute (qui signifie en Corse « Paix et Santé ») entouré d’un rameau d’olivier, déclare qu’il était ici une semaine avant les évènements tragiques qui se sont déroulés le 13 novembre 2015. « Je suis content, le Carillon rouvre ses portes ! C’est une bonne chose je devais venir boire une bière en plus ». 16h40, le barman sort en criant « Bienvenue le Carillon ouvre ses portes ». Une vingtaine de journalistes, caméra et appareil photo en main, se précipitent dans le café.

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Un homme reprend ses habitudes sur la terrasse du Carillon © Charles Thiefaine.

L’entrée est bondée, il est très difficile d’accéder au bar. Aux alentours de 17h, les premiers clients réguliers arrivent, « longue vie ! On sort en terrasse ! Résistance et que la vie continue » déclarent-ils. Trois hommes d’origine maghrébine s’exclament que « ça fait plaisir » ! Bloqués par les journalistes les serveurs expliquent aux médias que «  la réouverture, c’était principalement pour les clients mais c’est les journalistes qui en ont profité ».

Les habitués reprennent leurs droits Champagne en l’honneur des personnes qui nous ont quittés. Un groupe de cinq personnes arrive au bar, il est exactement 18h10. Le barman à la barbe mal rasée déclare à haute voix « Ah ! Ils sont là les voisins ! ». 19h00, ne restent plus que les habitants du quartier et les personnes spécialement venues pour l’occasion. Par le bouche

à oreille, ils ont entendu parler de la réouverture du café. « Une occasion de plus pour boire un coup et montrer notre solidarité ». Un sentiment de nostalgie pour certains, pour d’autres c’est un hommage. L’atmosphère reste très envahissante et festive. « Lorsque j’ai vu les serveurs installer les tables je me suis dit : génial, le Carillon est de retour, je tremblais à l’idée de savoir que la terrasse était ouverte ! ». 20h30, il n’y a plus de place pour s’asseoir dans ce café qui ressemble à une ancienne annexe communiste, entourée de miroirs, la couleur bordeaux imprègne ce bistrot parisien. Des enfants dansent, s’amusent. Pendant ce temps, les parents profitent du moment présent. Un vendeur de fleurs arrive, hurlant « bienvenue mesdames et monsieur, une rose ? ». 22h00 l’ambiance est à son comble, une jeune blondinette s’installe au piano et joue un morceau de U2 qui rassemble les trois-quarts des clients. Le Carillon ne pouvait pas rêver mieux pour sa réouverture.

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TERRORISME

« Salafistes » ou le djihadisme sans fard Le 27 janvier 2016 sort au cinéma « Salafistes », un documentaire poignant de Lemine Ould M.Salem et François Margolin sur l’idéologie radicale éponyme. Images chocs et discours construits pour comprendre ceux qui nous font la guerre. g par Maëlys Peiteado.

«D

epuis que le sabre a commencé, en quelques semaines, regardez ici à Gao, même les petites filles sont voilées », expose sereinement Omar Ould Hamaha, chef militaire du Mujao, groupe salafiste armé d’Afrique de l’Ouest. En 2012, la ville malienne est, comme Tombouctou, sous le contrôle des salafistes, qui y appliquent la charia avec cruauté. Ce discours brut, extrait d’un documentaire édifiant, témoigne de lapidations et autres exactions quotidiennes de la «  police » islamique. A l’origine du projet Salafistes, François Margolin et Lemine Ould Salem ont retranscrit les fondements de l’idéologie salafiste djihadiste en Mauritanie, en Tunisie et au Mali depuis 2012. « Je ne savais pas si j’aurais pu en ressortir vivant », ironise François à propos de Tombouctou où il n’a pas pu tourner. Son acolyte, lui, a eu plus de chance : « Ils n’allaient pas empêcher un musulman de venir. » Une accréditation officielle lui a été fournie sous certaines conditions : « J’ai été franc avec eux, donc je pouvais parler à tout le monde facilement… sous réserve de ne pas

poser de « questions manipulatrices « à la population ! » Le réalisateur français explique que, le salafisme constitue pour ses adeptes le retour aux origines de l’islam « véritables ou fantasmées » de l’époque de Mahomet. « On a essayé de donner la parole à plusieurs courants », soulignet-il. Tous les salafistes ne sont pas djihadistes, il existe aussi les quiétistes ou intellectuels. Mais selon François Margolin : « Il n’y a pas de différence fondamentale. Seulement,

« Ce film choquera

peut-être, mais nous le croyons nécessaire » si les djihadistes entendent convertir le reste du monde par la violence, d’autres préfèrent le prêche. Certains n’ont toujours pas ou jamais eu l’envie de passer à l’acte. »

« Ce sont des gens sensés » Saisissant et inquiétant à la fois, les théoriciens, imams et autres chefs armés salafistes s’y expriment avec calme et conviction. « Ils sont sensés,

La police islamique patrouille dans les rues de Tombouctou où s’applique la Charia © Capture d’écran du documentaire « Salafistes ».

parlent sans hystérie. Ni une secte, ni un petit groupe de terroristes ou de déséquilibrés », commente le réalisateur français. Son collègue qualifie même leur discours de « rationnel ». La religion représente le contraire, mais il comprend le terme : « Ils savent ce qu’ils veulent et pourquoi ils le font, unis par une pensée commune sur des sujets actuels de notre société, comme les femmes, la démocratie ou l’homosexualité. » Intégralement no-comment, il montre sans juger les fondements de leur pensée. Un choix contestable mais assumé : « Tout le monde peut se faire sa propre idée, aimer ou détester mais comprendre », justifie le journaliste mauritanien. « Aujourd’hui, tout est agrémenté d’un commentaire, comme si on n’assumait pas ce qu’on abordait », rajoute son partenaire.

Expliquer « l’extraviolence » Les attentats récents en France donnent encore plus de résonnance à Salafistes. La tuerie de Charlie Hebdo a d’ailleurs façonné l’aspect final du documentaire. « Nous étions déjà en train de monter mais nous étions obligés d’y retourner et parler de Charlie. » Des propagandes de Daech ont été intégrées au montage, forme d’« extraviolence » à côté des discours. Exécutions, ou amputations de la main des voleurs, en place publique, certaines scènes sont difficilement soutenables. « Ce film choquera peut-être, mais nous le croyons nécessaire. Nous avons choisi d’écouter des propos que l’on ne veut pas entendre, de montrer des images que l’on ne veut pas voir », avertissent les réalisateurs dès les premières secondes du film. François Margolin insiste : « Au bout d’un moment, ne pas montrer ces actes effrayants devient un mensonge. Il faut affronter la réalité en face, choquer car même si c’est ce qu’ils veulent, on ne peut pas nier. Ils nous font la guerre et ce ne sont pas des enfants de chœur. »

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POLITIQUE

Taubira pas la nationalité Le gouvernement veut tout mettre en œuvre afin d’assurer la protection des Français face aux menaces d’attentats djihadistes. Mais la loi sur la déchéance de nationalité pose un problème à la gauche. g par Raphaël Gilleron.

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epuis le 13 novembre dernier et les attentats qui ont secoué la capitale, la France est en état d’urgence. Afin de ne pas voir ce drame se reproduire, le gouvernement français a pris ses responsabilités. Tout d’abord, il a étendu l’état d’urgence du pays à trois mois, au lieu des 15 jours comme initialement prévu, pour pouvoir traquer tous les terroristes potentiels.

Déchéance de nationalité : mode d’emploi Afin de comprendre les tenants et les aboutissants de cette loi qui sera votée prochainement au Parlement, il faut avant tout comprendre ce qu’est la déchéance de nationalité. « La déchéance d’un droit est le fait de ne plus pouvoir en obtenir la reconnaissance en justice. Elle est principalement liée à la matière des contrats mais peut également s’appliquer à la nationalité », explique Maitre Doué-Verrier, avocate en droit civil à Reims. Avant d’ajouter : « Le code de la nationalité ainsi que le Code civil prévoient un cas de déchéance de la nationalité dans certaines circonstances. Cette procédure est

« Il y a eu 21 déchéances de nationalité recensées entre 2000 et 2014 » née avec le décret d’abolition de l’esclavage de 1848, qui précise que tout Français qui continuerait à exploiter des esclaves serait déchu de sa nationalité. L’article 25 du Code civil énumère quatre raisons pouvant entraîner une déchéance

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François Hollande est en terrain glissant avec la déchéance de nationalité © Calvi.

de nationalité. Tout d’abord, si un crime ou un délit porte atteinte aux « intérêts fondamentaux de la Nation «. Ensuite, si c’est un crime « contre la Nation, l’Etat et la paix publique « ou encore si la personne s’est soustraite aux obligations du service national (NDLR : supprimé en 1996). Enfin, la personne pourrait être déchue de sa nationalité si elle a été condamnée en France ou à l’étranger pour un acte de crime par la loi française et ayant entraîné une condamnation à une peine d’au moins cinq ans de prison. » Mais, depuis la loi Guigou de 1998, la déchéance de nationalité s’applique seulement aux binationaux. Cette loi a été votée et ratifiée afin de ne pas avoir d’apatrides, conformément à l’article 15 de la Déclaration universelle des Droits de l’Homme et du Citoyen, adoptée le 10 décembre 1948, par l’Assemblée générale des Nation Unies. De plus, l’article 25-1 du Code civil précise que seules les personnes françaises depuis moins de 10 ans peuvent être privées

de la nationalité française. Cette déchéance est instituée par décret. Depuis le début des années 1990, il y a eu 21 déchéances de nationalité recensées par les chiffres du ministère de l’Intérieur, dont huit pour terrorisme entre 2000 et 2014. En mai 2014, Manuel Valls et Bernard Cazeneuve retirent à Ahmed Sahnouni sa naturalisation obtenue en 2003. Il était considéré comme l’un des cerveaux d’Al-Qaïda au Maroc. La dernière personne déchue de sa nationalité française était un imam d’origine algérienne, Ilys Hacène. Un rapport des Renseignements généraux avait jugé en 2006 qu’il tenait dans sa mosquée du Val-de-Marne des « propos jugés susceptibles d’attenter à la sécurité nationale ». Il s’est vu retirer la nationalité française, qu’il avait obtenu un an auparavant.

Le casse-tête Taubira La déchéance de la nationalité est un recours utilisé afin de retirer la nationalité française à tous les terroristes bénéficiant

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POLITIQUE Pourtant, Christiane Taubira reste appréciée. En effet, lors du dîner des fidèles de François Mitterrand, elle a été très bien accueillie et s’est retrouvée en face de François Hollande. La garde des Sceaux reste donc sereine malgré les libertés qu’elle prend. Cependant, elle est loin de faire l’unanimité au sein du gouvernement et de la majorité adverse.

« Un ministre, ça ferme sa gueule ou sa démissionne »

Le tandem Valls-Taubira s’effrite © L’Express.

de la binationalité. Pourtant, ce texte est contesté au sein de la majorité. En effet, lors d’une réunion, les députés PS, qui sont chargés de traiter le projet de loi constitutionnelle, se sont exprimés, à une très large majorité, contre la déchéance de nationalité. Ceci est un mauvais présage pour François Hollande, et les propos d’Olivier Faure, porte-parole du PS à l’Assemblée nationale, ne sont guère optimistes : « Tout peut arriver, y compris de ne pas avoir la majorité des 3/5 au Congrès. » Le vote se déroule le 4 février prochain et près de la moitié des élus PS pourraient refuser de voter pour la révision de la Constitution. En revanche, dans les rangs des Républicains, on a le sourire. « Nous avons dit que nous étions favorables à la déchéance. Mais il va y avoir trois semaines de débat parlementaire. Si la gauche fait défaut, alors Sarkozy passera pour celui qui a fait passer l’intérêt de la Nation au-delà des intérêts partisans », insiste le patron des députés Républicains, Christian Jacob. La garde des Sceaux Christiane Taubira s’est exprimée sur la déchéance de nationalité. Et le moins que l’on puisse dire, c’est qu’elle est très virulente envers le texte qu’elle va devoir présenter devant l’Assemblée, en compagnie de Manuel Valls.

La ministre de la Justice n’a pas pour habitude de rester dans le rang et de suivre ce que lui demande le Premier ministre ou le Président

« Si la gauche fait défaut, alors Sarkozy passera  pour celui qui a fait passer l’intérêt de la Nation au-delà des intérêts partisans » de la République. Lors d’une interview accordée à iTélé le 28 décembre dernier, elle a confié sa conviction : « Je ne fais pas mystère du fait que oui, je pense que la déchéance de nationalité n’est pas souhaitable pour des Français binationaux parce que l’efficacité, et le Premier ministre en a convenu, est absolument dérisoire ». L’Assemblée en frémit déjà lorsque la garde des Sceaux va devoir demander à ses camarades de voter en faveur d’un texte qu’elle refuse de porter. « C’est une situation complétement inédite », avoue Olivier Faure.

Ces derniers jours, plusieurs personnalités politiques se sont exprimées sur la sortie de Christiane Taubira. C’est ainsi que le secrétaire d’Etat chargé des transports, de la mer et de la pêche, Alain Vidalies, a expliqué son point de vue. « Un ministre, ça ferme sa gueule ou ça démissionne. Cela devrait être la règle, car ça ne peut pas être autrement. Dans un gouvernement, il n’y a qu’une seule politique », a-t-il déclaré dans une interview accordée au Parisien, le 10 janvier. C’est une pique destinée aux politiques de gauche qui prônent une ligne économique différente de celle du gouvernement. Il a également fait référence à la réflexion de JeanPierre Chevènement, datant de 1983. Même son de cloche du côté de la nouvelle présidente de la région Îlede-France, Valérie Pécresse. « Je suis partisane de la philosophie de Jean-Pierre Chevènement, « un ministre, ça ferme sa gueule ou ça démissionne «. Je me la suis appliquée à moi-même. Je ne vois pas d’autre solution pour restaurer l’autorité du président et de Manuel Valls que son départ. Avoir des convictions différentes, c’est possible. Ce qui est impossible, c’est de les exprimer dans une cacophonie gouvernementale absolue », affirme-t-elle. Des propos forts qui ont déjà produit leur effet. Lors de la réunion de mardi matin du groupe des députés PS, Manuel Valls a annoncé qu’il allait présenter la révision constitutionnelle à l’Assemblée le 4 février prochain, tandis que Christiane Taubira présentera la réforme de la procédure pénale. Un premier pas en avant, peut-être, pour l’écarter du gouvernement.

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POLITIQUE

Des primaires à gauche : une bouteille à la mer Le 11 Janvier, le journal Libération a publié un appel signé par une cinquantaine de personnes, hommes politiques, intellectuels et personnalités du monde de la culture. Une supplique populaire pour tenter de relancer le débat au sein de la gauche ! g par Pierre-Yves Baillet.

«M

obilisonsnous ! Réenchantons le débat politique. Exigeons une primaire des gauches et des écologistes. » Voici ce que réclame les signataire de l’appel publié dans Libération. A l’origine de cette initiative, les écologistes Daniel Cohn-Bendit et Yannick Jadot, et le sociologue Michel Wieviorka. Ils ont été rejoints par l’économiste Thomas Piketty, le démographe Hervé Le Bras, l’écrivain Marie Desplechin, puis par l’historien Pierre Rosanvallon, l’essayiste Raphaël Glucksmann, l’avocat William Bourdon, le comédien Philippe Torreton ou encore l’ancien footballeur Vikash Dhorasoo. Barbara Romagnan est la seule députée socialiste signataire.

Un Mécontentement qui vient de loin Ces deux dernières années, des dirigeants du Parti socialiste ont, ponctuellement, lancées des déclarations en faveur d’une réforme idéologique des forces de gauche. Sans grand effet. Signé par plusieurs personnalités,

dont plusieurs intellectuels emblématiques proches du PS, cet appel est la première manifestation

« Il est bien

qu’une partie de la gauche réfléchisse à l’union et au débat d’idées » organisée d’une demande de primaire à gauche. l’Elysée a reste trés évasif sur le sujet: « Il est bien qu’une partie de la gauche réfléchisse à l’union et au débat d’idées. Mais nous, nous avons suffisamment de problèmes à régler et d’obstacles à franchir pour nous préoccuper de 2017. » La langue de bois est parfaitement maitrisée par l’exécutif. Le président, pour sa part, s’attendait à une telle initiative. Les dirigeants de l’exécutif, de longue date, avaient même disqualifié l’hypothèse

L’économiste Thomas Piketty © Charles Platiau Reuters

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Les signataires veulent « faire de la prochaine élection présidentielle la conclusion d’un débat approfondi, écrivent-ils. Nous voulons du contenu, des idées, des échanges exigeants. » Ils critiquent aussi un personnel politique devenu «  synonyme de caste et d’oligarchie  » et dont l’action est perçue « comme impuissante, voire comme corrompue et soumise à des intérêts corporatistes ou particuliers ». Au passage, les signataires dénoncent la volonté de l’exécutif de mettre en place la déchéance de nationalité pour les terroristes binationaux. Un projet qu’ils qualifient d’« injustifiable ». « L’instrumentalisation de la Constitution à des fins tacticiennes constitue une rupture démocratique majeure », critiquent-ils.

Un appel qui peut être trompeur Depuis que le président François Hollande a déclaré, durant une conférence de presse au début de son mandat, être « social-démocrate », le centre de gravité de la politique française s’est officiellement déplacé vers la droite. La nouvelle doxa du Parti socialiste, est donc la sociale démocratie. L’appel lancé dans libération a pour but de lutter contre ce nouveau crédo. Avec Barbara Romagnan, la seule députée socialiste signataire, il est peu probable que le changement vienne de l’intérieur. En revanche, des hommes comme Daniel Cohn-Bendit, venant d’autres partis (EELV), seraient plus enclin à provoquer ce changement. Cependant n’oublions pas que l’ancien leader de mai 68 s’est aujourd’hui institutionnalisé. Aux côtés de l’ancien leader étudiant, l’économiste Thomas Piketty, qui, souhaite une remise en cause du débat politique mais pas de l’ordre économique et social. Même si cet appel suscite l’espoir, il est malheureusement un cri dans le désert.

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JUSTICE

De face ou de dos

Accusé d’avoir abattu Amine Bentountsi, un petit délinquant, un policier est jugé du 11 au 15 Janvier à la cours d’assise de Bobigny (93). Le procès soulève un problème récurrent dans ce type d’affaire : celui de la légitime défense. g par Charles Thiefaine.

T

out le procès gravite autour d’une question que la justice seule, a le pouvoir de trancher. « Quel élément scientifique permet de prouver qu’Amine Bentoutsi était de face ? » questionne l’avocat de la partie civile à l’expert balistique appelé à la barre pour la défense du policier, Damien Saboundjian. L’homme d’une quarantaine d’année comparaît devant la cours d’assise de Bobigny du 11 au 15 janvier pour le meurtre d’Amine Bentountsi, tué d’une balle dans le dos. L’affaire date du 21 avril 2012. Alors qu’Amine est en cavale, trois policiers dont Damien S. sont à quelques encablures de l’endroit ou il a été signalé par un appel anonyme. Pris au dépourvu, l’évadé jette une grenade factice de type MK2 sur les fonctionnaires et prend la fuite, munit d’un pistolet Llama chargé de six cartouches. Situé entre 15 et 20m Damien S. tire quatre coups dont un sera fatal : Amine B est touché dans le dos et s’écroule. L’artère rénale sectionnée, il succombera à ses blessures dans la nuit. Durant toute cette semaine, la seule question de la légitime défense suscite l’attention de la salle, défense et partie civile. Le problème est qu’aucun témoignage ne coïncide. Certains déclarent que le policier a été mis en joue par Amine B, comme le déclare Magid, un magasinier qui aurait assisté à la scène. D’autre comme un automobiliste, dont la voiture a écopé d’une balle perdue, décrit le policier « bras tendu », en train de « tirer au jugé ». Amine était-il de face, de biais ou de dos? Aucune étude scientifique ne pouvant prouver ceci, ce sera aux juges et à eux seuls de trancher. C’est à ce détail précis que tient tout le procès. Alors l’avocat général insiste auprès de l’expert « L’homme était-il de face ou de dos ? ». La scène durera 15 minutes, pendant lesquelles, l’expert qui

Légitime défense ou meurtre? La police jugée pour la mort d’Amine Bentountsi au tribunal d’assises de Bobigny du 11 au 15 Janvier © DR.

fondait toute son analyse sur l’hypothèse que l’homme était de face, s’avère complètement déconcerté. Il regarde le juge face à lui, l’avocat général à gauche, l’avocat de la partie civile derrière.

« A la fois soulagée

d’avoir un procès aux assises après trois ans et demi de combat, je suis aussi inquiète pour le verdict »

Enfin, il déclare en esquissant un sourire jaune : « Je ne sais pas ». Damien a-t-il tiré au jugé ? Un de ses collègues, présent à la barre ce jour là également, trahi malgré lui son collègue en déclarant qu’ « il était bien campé sur ses jambes ». Malgré l’absence de preuve

formelle, la justice devra se prononcer à la fin de la semaine. Chose qui réjouit et inquiète à la fois la sœur d’Amine, Amina Bentountsi « Je suis mi-figue mi-raisin. A la fois soulagée d’avoir un procès aux assises après trois ans et demi de combat, je suis aussi inquiète pour le verdict » lance-t-elle « et c’est pas gagné ». Ces dernières années plusieurs policiers impliqués dans des décès litigieux ont été blanchis par la justice. Le 18 mai 2015, les policiers impliqués dans la mort de Zied et Bouna ont été relaxés, sans aucune inquiétude. Alors pour peser contre une justice à la balance parfois déséquilibrée à l’avantage des forces de polices, des associations et des collectifs voient le jour. Après la mort de son frère Amina Bentountsi a créé l’association active « Urgencela-police-assassine ». Elle confie « Après ce procès, je continuerai à me battre et à soutenir les familles des victimes pour qu’elles aient le droit à la justice ». Elle ajoute un an après la manifestation républicaine du 11 Janvier 2015 « Dans la police il n’y a pas que des héros ».

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PORTRAIT

Dans le grand bain Le 26 janvier prochain, les enseignants des premier et second degrés manifesteront contre la réforme du collège et les nouveaux rythmes scolaires. Mais pour Aurore, professeur des écoles depuis septembre 2015, d’autres difficultés apparaissent : celles de la première année d’exercice.

A

g par Maxime Berthelot.

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ttablée à la terrasse d’un café, elle prend enfin le temps de décompresser. Pour Aurore, 24 ans, les vacances de Noël sont tombées à pic. Et pour cause, depuis septembre, elle a troqué son costume d’étudiante pour celui de professeur des écoles. Avec 24 élèves de CM1 sous sa responsabilité, elle n’a pas eu le temps de gamberger : « Le plus dur a été de se retrouver du jour au lendemain avec un tas de choses à gérer, confie-t-elle, en plus d’être professeur, je dois aussi jouer la secrétaire administrative, l’infirmière ou encore la psychologue. Des rôles auxquels je n’ai pas été préparée. » Avec un bac littéraire en poche, cette fille de militaire et de mère au foyer a pourtant suivi un parcours classique. Avec pour objectif, à terme, de devenir enseignante spécialisée : « Il faut passer par la voie classique avant de pouvoir s’occuper d’enfants handicapés, raconte-t-elle, donc ça sera pour dans quelques années. Et puis je suis bien trop sensible pour le pour le moment ! (rires) » Une licence d’histoire et un master MEEF (Métier de l’enseignement, de l’éducation et de la formation*) plus tard, la voilà professeur des écoles stagiaire pour un an.

formée pour ça. On lui a imposé cette tâche, et heureusement, tout se passe bien ». Le reste de la semaine, Aurore poursuit son apprentissage à l’université d’Evry. Dans l’année, elle sera évaluée six fois : deux fois par une enseignante de fac et 4 fois par sa formatrice. En mai, ce sont elles qui décideront de sa titularisation : « J’ai déjà été supervisée à deux reprises, précise-t-elle, on ne nous laisse pas le droit à l’erreur. On doit être parfait, irréprochable. Je comprends le niveau d’exigence demandé, mais nous ne sommes pas préparés à porter tout ça sur nos épaules. »

Pas officialisée, déjà responsabilisée

Le cahier d’écrivain, une initiative créée pour permettre aux enfants d’améliorer leur capacité de rédaction © DR.

Après une première année de master à l’issue de laquelle elle obtient le concours et réalise deux semaines de stage dans une maternelle et une école primaire de l’Essonne, elle décroche un poste en alternance dans le sud du département francilien. Elle n’est pas encore titularisée mais enseigne comme si c’était le cas : « Je fais cours le jeudi et le vendredi, explique-t-elle, je travaille en duo avec une professeur titulaire chargée de m’accompagner. Le problème, c’est qu’elle n’est absolument pas

En 2010, une enquête de l’Insee révélait qu’un enseignant du premier degré de moins de 30 ans travaillait en moyenne plus de 50 heures par semaine. Pour Aurore, qui n’est pas encore à temps complet, ces chiffres sont révélateurs : « J’arrive à l’école à 7h45 et j’en repars à 18 heures. Il faut corriger les copies, préparer les séances du lendemain quand cela n’a pas pu être fait le week-end, commander du matériel scolaire ou encore participer aux conseils de classe, aux conseils de cycle et autres réunions éducatives.   »

Sans oublier les rendez-vous avec les parents : « Deux jours après la rentrée, ce fut mon premier grand moment de panique, avoue-t-elle, je me suis demandé ce que je faisais là, quelle était ma légitimité. J’ai pris conscience de mon nouveau statut. » Du haut de son 1,60 mètre, elle a dû s’affirmer : « Là encore, concèdet-elle, on devrait davantage nous préparer à ce genre d’exercice. » Et pour ça, elle a des idées.

Un regard critique sur sa profession « On pourrait nous apprendre à mener une réunion parents-profs, à mieux gérer les différences de niveaux entre élèves ». Surtout, il faudrait que les professeurs puissent échanger entre eux : « Dans la journée, nous n’avons pas le temps, à la fac non plus. Il suffirait pourtant de réserver un créneau d’une heure pour discuter. Psychologiquement, cela en aiderait certains. » En 2012, parmi les jeunes enseignants victimes de burn-out, 55% était professeurs des écoles. L’association Aide aux profs, créée en 2006 pour aider les enseignants à se réorienter, a déjà été contactée par plus de 8000 personnes. « Il faut aussi se battre contre les clichés véhiculés par la profession, poursuit-elle. Aujourd’hui, certains de mes amis pensent encore que nous sommes des fainéants ! » Si elle ne regrette pas son choix, elle s’interroge donc sur certains aspects de son métier. Comme le fait d’avoir été averti du niveau de sa classe seulement 72 heures avant la rentrée : « Dans ces conditions, il est difficile de se préparer correctement. Ça laisse perplexe sur la volonté du ministère de réellement nous accompagner. » Et son premier constat est sans appel : « Nous ne sommes que des pions, nous devons appliquer de belles théories qui ne sont pas toujours adaptées à nos

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PORTRAIT

Depuis septembre 2015, Aurore découvre les joies et les difficultés du métier de professeur des écoles © DR.

élèves, déplore-t-elle. L’Education nationale a tendance à trop vouloir uniformiser l’enseignement alors qu’il faudrait au contraire s’adapter à la situation des élèves ». Lorsque la ministre Najat Vallaud-Belkacem déclare vouloir remettre la dictée et le calcul mental au goût du jour, elle ne peut s’empêcher de sourire : « On le fait déjà. Le problème, c’est qu’il y a le reste du programme à réaliser ! » Elle jongle donc entre théorie et pratique : « On nous explique que l’enfant doit apprendre par étapes, qu’il doit découvrir par lui-même. Mais parfois, ça complique les choses. Il faudrait aller plus vite à l’essentiel. » Avec ses collègues, elle a, par exemple, mis en place un cahier d’écrivain. L’objectif : amener les élèves à écrire librement pour améliorer leur capacité de rédaction. « C’est quand même pour eux qu’on travaille », rappelle-t-elle.

« Contente de t’avoir comme maîtresse » « Maîtresse », un mot qu’Aurore ne se lasse pas d’entendre. Titulaire du BAFA et animatrice Scout, elle a toujours aimé s’occuper des jeunes. Pourtant, elle a déjà envisagé de laisser tomber : « C’était après l’euphorie de la rentrée, quand j’ai pris conscience de tout ce que j’avais à faire. » D’ailleurs, dans la fac de

l’une de ses amis, cinq enseignants stagiaires ont quitté leur poste avant les vacances de la Toussaint. « Moi, ce sont les enfants qui m’aident à tenir. Ils sont géniaux. On apprend beaucoup à leur contact. On se remet sans cesse en question pour eux. » Son but : que ses élèves ne viennent pas à l’école à reculons : « Je m’intéresse à eux, je les mets en confiance, je leur propose des exercices ludiques et participatifs sur ordinateur où ils peuvent se corriger eux-mêmes, tout en théâtralisant beaucoup pour conserver le côté

sacré de la fonction. » Et ces derniers le lui rendent bien : « Je suis contente de t’avoir comme maîtresse », lui a-t-on lancé avant les vacances de Noël. Le tout accompagné de petits mots et de chocolats : « Bonnes vacances et merci de m’aider à travailler », peut-on lire sur l’un d’eux. La plus belle des reconnaissances. *Formation universitaire de deux ans organisée par l’Ecole supérieure du professorat et de l’éducation venue remplacer les IUFM en 2013.

RÉFORMES DES RYTHMES SCOLAIRES : « PAS QUE DES ASPECTS NÉGATIFS » Mardi 26 janvier 2016, à l’occasion de la grève générale des fonctionnaires, l’Intersyndicale appellent tous les enseignants à manifester. Parmi ses revendications, la revalorisation salariale et l’abrogation des nouveaux rythmes scolaires entrés en vigueur à la rentrée 2014. Aurore ne manifestera pas, mais elle a son avis sur la question : « Je gagne autour de 1 300 euros par mois. Ce n’est clairement pas assez par rapport à la charge de travail que j’effectue. On nous demande toujours plus de choses mais le salaire, lui, n’augmente pas ». Concernant les critiques visant les nouveaux rythmes scolaires, elle est moins catégoriques : « C’est vrai que les enfants sont fatigués en fin de semaine mais ils sont aussi plus épanouis ! Chez nous, ils font du tir à l’arc, du karaté, ou encore du théâtre. Preuve que la réforme n’a pas que des aspects négatifs ».

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ÉCONOMIE

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ÉCONOMIE

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PORTFOLIO

A NANTES, NOUVELLE MOBILISATION C NOTRE-DAME DES LAND

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PORTFOLIO

CONTRE L’AÉROPORT À DES g par Louis Witter

Samedi 9 janvier 2016

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entre 8 000 et 25 000 manifestants se sont réunis sur le périphérique de Nantes, en France, afin de demander le rejet du projet d’aéroport à Notre-Damedes-Landes et l’abandon des procédures d’expulsion. Jusqu’à tard dans la nuit, ils ont bloqué les abords du pont de Cheviré et la route principale avec des tracteurs et des tentes, dans une ambiance volontairement pacifique. Alors qu’après de nombreuses sommations, les agriculteurs et les manifestants présents rebroussaient chemin, les policiers ont évacué les occupants à l’aide de dizaines de capsules de gaz lacrymogène. Cette semaine, les opérations escargot ont repris dans la région nantaise, débouchant sur plusieurs arrestations et saisies de véhicules. 27


PORTFOLIO

Sur le périphérique de Nantes le 9 janvier 2015, lors d’une manifestation contre l’aéroport de NotreDame-des-Landes, un manifestant enjambe une barrière de sécurité. © Louis Witter

Un manifestant pousse un caddie, muni d’un drapeau du Che Guevara. © Louis Witter

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PORTFOLIO Une remorque est posée en travers de la route. © Louis Witter

Du côté du pont de Cheviré, le policiers avancent pas à pas vers les tracteurs qui commencent à rebrousser chemin © Louis Witter

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PORTFOLIO Des manifestans veulent empêcher les policiers d’avancer et leur font face. © Louis Witter

Un manifestant se masque le visage à l’approche de la police. © Louis Witter

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Les manifestants repartent dans les tracteurs restants, avant les charges de la police. © Louis Witter

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INTERNATIONAL

Cologne : L’Allemagne à l’aube d’une nouvelle politique migratoire La soirée du Nouvel An à Cologne en Allemagne a été marquée par plus de 500 agressions, dont de nombreux attouchements sexuels et plusieurs viols. Ces actes auraient été commis par des migrants. Cela pourrait impacter la politique migratoire allemande. g par Nicolas Broust.

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Le centre ville de Cologne © Flickr.

a nuit de la Saint-Sylvestre à Cologne, en Allemagne, a été le théâtre de nombreuses agressions. Le lendemain, la police n’a pourtant pas évoqué ces faits et a même publié un communiqué grotesque indiquant que « les festivités s’étaient bien déroulées ». Ce n’est que quelques jours plus tard que les plaintes ont commencé à s’accumuler. Plus de 500 plaintes sont arrivées sur les bureaux de la police locale, mais ce qui a le plus choqué, ce sont les 40% d’agressions sexuelles recensées parmi elles. L’essentiel de ces exactions s’est produit sur la place de la Gare, en face de la célèbre cathédrale de la ville. Vers 21 heures, plus d’un millier d’hommes ivres ou sous l’influence de drogues s’y sont réunis, perturbant une fête qui se déroule généralement dans une ambiance bon enfant à Cologne. La police a tenté à plusieurs reprises

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de disperser la foule, mais à chaque fois cette dernière se reformait. De petits groupes de vingt personnes se sont alors mis à dévaliser et humilier des passants. « Ils m’ont touché les seins, les fesses, et l’entrejambe », témoigne Maria une des victimes à la télévision allemande.

« Ils m’ont touché

les seins, les fesses et l’entrejambe » Des conséquences graves pour les migrants Ce sinistre événement tombe particulièrement mal dans l’agenda politique allemand. La chancelière

a diffusé ses vœux sous-titrés en arabe juste avant les agressions, faisant ainsi un geste de soutien aux immigrés. Or, la police et les témoins ont relevé que la majorité des agresseurs étaient d’origine nord-africaine. C’est donc une bombe qui est tombée sur la politique migratoire d’Angela Merkel. La chancelière, dans un élan d’humanisme, avait accueilli plus d’un million de réfugiés politiques, lançant un mouvement de soutien au niveau européen. Cette Saint-Sylvestre risque de retourner l’opinion publique allemande contre les migrants. Au-delà des enjeux politiques à court terme, ces agressions sont autant de balafres qui dégradent la réputation des migrants, passés en une nuit de victimes à suspects. Cela risque de jouer un rôle prépondérant dans la gestion de la crise migratoire. Du côté des réfugiés, des manifestations

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INTERNATIONAL d’excuses et de dissociation ont failli être montées mais elles ont été annulés, certains ne voulant pas prendre le blâme pour l’action des autres. « C’est un événement très grave, mais il ne faut pas le généraliser à tous les immigrés », expose Ingeborg Graessle, eurodéputée allemande. «  De nombreux réfugiés ont été invités à des réceptions du Nouvel An, organisées par des maires et ils se sont excusés », précise-t-elle. La police progresse lentement dans cette affaire. 19 arrestations ont déjà eu lieu et une trentaine d’agresseurs ont été identifiés. Un tel rassemblement de personnes étant improbable, les autorités soupçonnent le crime organisé. La majorité des personnes arrêtées sont d‘origine marocaine et algérienne. Des rassemblements du même type avaient déjà eu lieu à Francfort et avaient pour origine des groupes de vendeurs de drogues. « Depuis 2011, les coupables de délits venus de pays d’Afrique du Nord, en particulier l’Algérie, le Maroc et la Tunisie, représentent une part considérable des vols à la tire à Cologne », selon la polizei. « Cologne a un problème de criminalité, le nombre de pickpockets a augmenté de 40% ces dernières années », ajoute Ingrid Graessle. Il semble donc que les migrants venant de Syrie et d’Irak ne soient pas responsables des actes de la Saint-Sylvestre.

Un impact politique fort Des élections régionales auront lieu en Allemagne dans les régions du Bade-Wurtemberg, de RhénaniePalatinat et de Saxe-Anhalt au mois de mars. Ces agressions risquent de jouer en faveur de l’AFD (Alternative pour l’Allemagne) et des différentes franges de l’extrême. Des attaques ont déjà eu lieu de la part du mouvement Pegida contre des Syriens et des Pakistanais sous la bannière « Pegida protège ». Six migrants ont également été attaqués par des groupes néonazis. Mais l’extrême-droite allemande n’est pas la seule à utiliser ces événements à son profit. Dans toute l’Europe, des photos montrant des agressions de femmes sont publiées avec des textes dénonçant les migrants. Ces photos sont généralement plus anciennes que

La place de la gare à Cologne © Reuters.

les événements et souvent sorties de leurs contextes. Angela Merkel a déjà pris des mesures pour expulser les migrants responsables de ces actions et a également commencé à durcir

« Pour refuser le droit d’asile, il faut que les demandeurs aient été condamnés à une peine de plus de trois ans. Pour la plupart, ils n’iront pas jusque-là » les contrôles aux frontières. La chancelière a approuvé le 9 janvier une résolution qui exclut du droit d’asile les personnes condamnées à une simple peine de prison avec sursis. Ingrid Graessle est dubitative : « On ne peut pas renforcer le contrôle aux frontières, ils sont déjà enregistrés quand ils arrivent. Pour refuser le droit

d’asile, il faut que les demandeurs aient été condamnés à une peine de plus de trois ans. Pour la plupart, les peines n’iront pas jusque-là. » La période d’accueil où l’empathie et l’humanisme dominaient vient peut-être de se clore. Ce que réserve l’avenir pour les réfugiés présents en Allemagne et en Europe est désormais bien incertain.

LES MIGRANTS ET L’ALLEMAGNE EN CHIFFRES

L’Allemagne a accueilli en 2015 cinq fois plus de migrants qu’en 2014. La population de réfugiés est donc passée de 200 000 à 1,09 million en un an. Le magazine Stern a réalisé il y a quelque temps un sondage pour connaître l’opinion des Allemands sur la migration : 76% d’entre eux pensent qu’il faut accueillir des réfugiés s’ils sont menacés par la guerre et 57% en cas de persécutions religieuses ou politiques. Reste à savoir si ce capital d’empathie restera le même après les agressions de Cologne.

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INTERNATIONAL

La jeunesse algérienne se désespère

Nassim a vécu difficilement. Ce jeune Algérien est livré a lui-même, seul et sans perspectives. Comme lui beaucoup de jeunes algériens vivent dans la même situation. La crise de l’emploi les touchent directement et nombreux souhaitent quitter le pays pour une utopie européenne, mais les dispositifs sécuritaires sont de plus restreint au vu des milliers de migrants qui fuient les guerres. g par Séléna Djennane.

Nassim ou le «Loup du désert» © Facebook.

L’homme est un loup pour l’homme - Hobbes Assis sur une dune dans le Sahara algérien, Nassim aussi surnommé par son entourage le « Loup du désert » est silencieux. Il contemple l’océan de sable qui l’entoure. Il a 28 ans et un chèche, le foulard traditionnel que porte les touaregs dans le désert. Son regard raconte son histoire. Né à Alger près de Boumerdes, il vivait avec ses parents, et a fait des études pour devenir menuisier. Durant son adolescence il est emprisonné à la suite d’une bagarre. En prison il est seul, sa famille ne veut plus le voir. Nassim s’intéresse à la religion musulmane le temps de son incarcération relativement

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supportable : contrairement à ce que l’on pourrait penser « En prison les surveillants ne maltraitent pas les détenus ». Lors de sa libération

« En Algérie, on

compte plus de 1,214 millions de chômeurs » après 3 ans d’enfermement, il n’a plus de famille, plus de domicile, et pas d’argent non plus. Nassim est à la rue. En Algérie il y a très peu de

mendiants, le jeune homme est perdu et à honte de demander de quoi manger à des « barani » (étranger en arabe). Il raconte une anecdote qui l’a énormément marqué : « Un jour je n’avais pas de sous et j’avais terriblement faim, en fouillant dans les poubelles, j’ai trouvé un sachet de pain très dur. Je l’ai trempé dans la mer pour le ramollir et je l’ai mangé ». Une célèbre chanson de Rai illustre bien cette histoire, elle s’intitule « khobze dar i akoul barani » qui signifie « le pain de la maison mangé par un étranger ». Pour se remémorer son séjour carcéral, il s’est lui-même tatoué une toile d’araignée sur le genou gauche « J’ai toujours été tout seul, je n’ai pas eu d’affection

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INTERNATIONAL maternelle, je recouds mes vêtements lorsqu’ils sont déchirés… » Nassim a faim, mais surtout faim de liberté. Il décide, au vu de sa situation, de parcourir l’Algérie. De toute manière « je ne peux fonder un foyer, je n’ai rien, pas de travail, pas d’argent et les Algériennes sont vénales. Je me fais régulièrement draguer mais quand ces femmes s’aperçoivent que mis a part ma beauté je n’ai rien, elles me laissent tomber ». Il parcourt l’Algérie d’Est en Ouest et finit par se retrouver dans le désert. « Il n’y a que le désert qui guérisse le désespoir : on peut y pleurer sans crainte de faire déborder un fleuve » disait Ahmadou Kourouma, écrivain ivoirien. Les gens du Sahara sont réputés pour être d’une gentillesse et d’une générosité incomparable. De Béni Abbès à Tamanrasset, Nassim découvre le charme des célèbres dunes et des palmerais. Sur sa route il rencontre un homme se prénommant Ahmed, ayant besoin d’un jeune connaissant la région pour être le guide d’un groupe de touristes présent dans son auberge traditionnelle. Nassim accepte  : il est nourrit, hébergé et payé. Toutefois il rêve de quitter l’Algérie pour se rendre en Allemagne, un pays qu’il l’attire beaucoup de part la démocratie et son plein-emploi. Il parle couramment l’allemand, qu’il a appris lors de son cursus scolaire. Son objectif est de trouver du travail là bas car « ici c’est très difficile d’avoir un emploi fixe à long terme, encore moins pour les jeunes ».

La lutte pour l’emploi En Algérie, on compte plus de 1,214 millions de chômeurs, selon deux études réalisées part l’Office National des Statistiques en 2014. Les jeunes de 16 à 24 ans sont les plus exposés car ils représentent près 30 % de la population active. Une étudiante en médecine déclare qu’elle souhaite quitter l’Algérie pour terminer ses études au Canada : « les universités canadiennes m’ont expliqués que je devrais avoir une remise à niveau d’une voir deux années pour acquérir les connaissances nécessaires pour finaliser son cursus ». Une autre étudiante, en journalisme, souhaite aller en France car elle ne peut envisager de travailler en Algérie

Etudiant à la Bibliothèque et salle de lecture du Centre culturel français d’Alger © F. de La Mure / MAEE.

étant donné la censure et le manque de liberté d’expression : « Ici la presse est énormément contrôlé ». Le taux de chômage des jeunes atteint 25,2% (soit un jeune sur quatre).

« Un jour je n’avais pas de sous et j’avais terriblement faim, en fouillant dans les poubelles, j’ai trouvé un sachet de pain très dur. Je l’ai trempé dans la mer pour le ramollir et je l’ai mangé » Les diplômés ne sont pas non plus épargnés, les études réalisées par l’ONS constatent une hausse du chômage en 2014. Ses chiffres inquiétant sont dût au « sousemploi » et au travail au noir. Ainsi 78,7 % des algériens acceptent des emplois inférieurs à leurs aptitudes professionnelles, 28 % sont dans des postes pénibles ou insalubres, 80,8%

des emplois sont mal rémunérés et 85,1 % acceptent un travail dans n’importe quel secteur d’activité. On observe une alarmante crise de l’emploi en Algérie, la plupart des jeunes souhaitent quitter le pays pour la France, l’Allemagne ou encore le Canada. Des chiffres qui montrent les difficultés que vit la jeunesse algérienne : principale cause de se sous-emploi la corruption et la gabegie qui règne en Algérie. Quant à Nassim, lui veut faire comme les « harraga », qui signifient migrant clandestin, et se réfugier en Allemagne. Cependant, au vu des événements de la Saint Sylvestre, la chancelière Allemande, Angela Merkel a multiplié les déclarations sécuritaires et n’accueille plus que les réfugiés politiques. On compte plus de 3000 à 4000 refugiés qui passent les frontières chaque jours entre l’Autriche et la Bavière. Mardi 5 janvier la chancelière rencontrait Abdelmalek Sellal, son homologue algérien, concernant une forte augmentation des réfugiés clandestins Algérien et Marocain depuis décembre. L’Allemagne accuse régulièrement l’Algérie et le Maroc de s’opposer au retour de leurs ressortissants : « Nous devons bien sûr nous assurer d’abord qu’il s’agit bien d’Algériens, ce qui peut ralentir la procédure » s’est justifié Abdelmalek Sellal.

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INTERNATIONAL

Mali – l’ONU tire la sonnette d’alarme Deux rapports dressent un terrible bilan de la situation au Mali. Ils évoquent notamment de graves atteintes aux droits de l’homme de la part des groupes armés, mais aussi de l’armée régulière malienne, jugée trop souvent incontrôlable. g par Charles De Jouvenel.

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Le territoire malien, dont les régions du Nord (Kidal, Gao et Tombouctou) sont le théâtre de violents affrontements © United Nations.

xécutions, expropriations, pillages, utilisation d’enfant soldats. Cet inventaire a de quoi faire froid dans le dos, il dresse pourtant un portrait fidèle de la situation dépeinte par ces deux rapports. Publiés conjointement par la MINUSMA (Mission multidimensionnelle intégrée des Nations unies pour la stabilisation au Mali) et les Nations, ces rapports se basent sur 65 missions effectuées dans les régions de Kidal, Gao et Tombouctou, ainsi que dans la ville de Bamako. Le premier rapport concerne les exactions commises entre le 16 et le 21 mai 2014 à Kidal par les différents groupes armés en activité dans la région et les forces de défense et de sécurité du Mali. Des événements dont la portée fut importante pour les régions du Nord-Mali puisqu’ils débouchèrent sur « le départ des

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autorités administratives et des FAMa (Forces armées maliennes) de plusieurs zones stratégiques ».

L’armée malienne ne fait pas exception Au rang des accusés, figurent les Forces armées maliennes, accusées d’avoir utilisé, sans précautions, des armes lourdes dans la ville de Kidal en direction des zones habitées par les civils. Des actes dont le rapport conclut que, « s’ils sont qualifiés devant un tribunal compétent, ils pourraient constituer des crimes de guerre ». Une assertion dure à avaler quand on sait que la France, notamment, fournit les soldats de l’armée régulière malienne, et épaule leur action face aux groupes armés. Une action dont on sait maintenant qu’elle ne respecte pas toujours les droits de l’homme.

En face, trois mouvements indépendantistes touaregs, le Mouvement national de libération de l’Azawad (MNLA), le Haut-Conseil pour l’unité de l’Azawad (HCUA) et le Mouvement arabe de l’Azawad (MAA) sont concernés. Leur est notamment reprochée « la mort de huit personnes, dont six membres de l’administration malienne, parmi lesquelles certaines auraient été exécutées sommairement  ». Ce rapport avance par ailleurs clairement le fait que ces milices recrutent et utilisent des enfants, dans les combats notamment. Les auteurs du rapport parlent de « traitement cruels, inhumains ou dégradants » les concernant. Au rayon des reproches adressés à ces groupes figurent aussi des arrestations et occupations arbitraires, des vols et des destructions de biens. Des belligérants à qui le rapport

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INTERNATIONAL recommande « d’identifier, parmi leurs éléments, les auteurs d’abus de droits de l’Homme et de violations du droit international humanitaire commis lors des événements de Kidal afin de les transmettre en justice ». Le rapport exhorte également ces groupes à « cesser urgemment de recourir au recrutement et à l’utilisation d’enfants dans les hostilités, contrairement aux obligations internationales, et à mettre immédiatement fin aux occupations d’écoles. » Ce rapport se conclut sur la constatation que les faits se sont déroulés depuis plus d’un an, et que malgré ce délai, « aucune mesure n’a été prise ou rendue publique par les autorités maliennes et les groupes armés pour identifier les auteurs des violations et des abus et les tenir responsables de leurs actes ». Si une commission d’enquête a bien été créée par le Parlement malien, son rapport n’a pas encore été rendu public. Les criminels, qu’ils soient issus de l’armée malienne ou des groupes armés risque de bénéficier quelques temps encore d’une totale impunité.

Une population prise en otage Le deuxième rapport publié revient sur les combats qui se sont déroulés dans le village de Tin Hama (dans la région de Gao) les 20 et 21 mai 2015. Il fait état de graves violations et abus des droits de l’Homme et du droit international humanitaire à la suite d’une escarmouche entre des combattants du Groupe autodéfense touareg Imghad et alliés (GATIA, favorables au gouvernement) et la Coordination des mouvements de l’Azawad (la CMA, alliance de groupes armés Touaregs). Le GATIA y est accusé d’avoir « sommairement exécuté six civils […] en raison de leur appartenance à la communauté Kel-Essouk (réputée proche de la CMA) » le 21 mai, alors qu’un détachement des Forces armées maliennes était présent pour sécuriser le théâtre des affrontements. Une action dont les conséquences auront une portée importante sur la localité puisque « l’ensemble des familles de la communauté Kel-Essouk (environ 230 personnes) habitant à Tin Hama ont quitté le village peu après

les funérailles. » Des familles qui auront trouvé refuge dans d’autres régions du Mali, quand d’autres préféraient simplement quitter le pays pour fuir les combats. La dernière solution pour eux face à l’absence de réaction des Forces

« Ces actes pourraient constituer des crimes de guerre » armées maliennes, dont la présence ne suffit pas à masquer l’inaction. Les combattants de la CMA seraient pour leur part responsables de la mort de deux civils, mais aussi de nombreux pillages, et de la capture de combattants du GATIA. Une fois encore, les auteurs du rapport s’insurgent du fait que « les autorités judiciaires n’ont ouvert aucune enquête au sujet des évènements de Tin Hama », et invitent les autorités maliennes ainsi que les groupes armés signataires de l’accord d’Alger à respecter « leurs obligations en matière de droits de l’Homme et droit international humanitaire sur la nécessité de protéger les civils ».

Se dédouaner plutôt qu’assumer Les retombées de ces rapports sont attendues par les membres du HautCommissariat des Nations unies aux droits de l’Homme. Aux yeux de son haut-commissaire, Zeid Ra’ad Al Hussein, « c’est dans leur façon de répondre aux événements de Kidal et Tin Hama, en garantissant la justice pour les victimes et en mettant fin à l’impunité, que les autorités maliennes et les groupes armés signataires de l’accord d’Alger feront véritablement la preuve de leur engagement en matière de droits de l’Homme. » Des attentes que l’organisation supranationale doit s’attendre à voir déçues. En effet, les porteparoles des groupes armés refusent totalement les versions données par le rapport de la MINUSMA. Ainsi, le porte-parole du GATIA, Djibril Diallo, a simplement réfuté la présence de ses hommes sur le terrain le jour des exactions de

Tin Hama. Pour sa part, si la CMA reconnaît de graves violations des droits de l’Homme tout au long de « la guerre du Mali », elle refuse de reconnaître son implication dans les événements de Kidal, relevés par les auteurs du rapport, comme l’a expliqué Mossa Ag Attaher, porte-parole de la CMA au micro de RFI : « Nous n’avons pas tiré à bout portant ou de manière sommaire sur ces personnes. Elles ont été découvertes mortes dans les enceintes du gouvernorat qui était le théâtre d’opérations militaires pendant les combats. Des combats qui nous opposaient aux Fama suite à leur volonté délibérée de violer le cessez-le-feu et d’attaquer nos positions ». Dans une tentative évidente d’une fois de plus rejeter la faute sur le pouvoir en place, la CMA a demandé un nouveau rapport approfondi, ainsi que la tenue d’une commission d’enquête neutre.

Pas de justice en temps de guerre Quelles que soient les retombées de ces rapports, ils pointent clairement le problème que pose cette guerre du Mali. Alors que les accords de paix d’Alger ont été signés par les parties en présence en juin 2015, le résultat de ces enquêtes de terrain rend compte des événements du quotidien qui évoquent toujours, pour les populations locales, une situation de guerre. Se pose alors la question de la justice en temps de guerre. Bien trop souvent une utopie, surtout dans une situation comme celle de ce conflit, qui voit le gouvernement malien traiter avec une multitude de groupes armés, parfois réunis au sein de conglomérats (Coordination des mouvements de l’Azawad - CMA, regroupant notamment le MNLA, le HCUA, le MAA et le CPA) où différents groupes aux ambitions diverses partagent la table des négociations avec le gouvernement malien. Six mois après sa signature, il est désormais clair que le sommet d’Alger, achevé par un accord de paix paraphé par la CMA apparaît comme un simulacre qui ne satisfera pas longtemps les observateurs, et encore moins les populations locales.

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INTERNATIONAL

Regain de tension en Corée Après de nouveaux essais nucléaires nord-coréens, les tensions entre les deux états sont palpables. C’est un refrain tristement célèbre qui s’enclenche au détriment des populations, toujours prises entre les tenailles d’un conflit sans fin. g par Aurélien Monségu.

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Les hauts-parleurs sud-coréens disposés à la frontière © DR.

es hauts parleurs sudcoréens se sont remis en marche à la frontière qui sépare encore le pays en deux. Audibles à 10 kilomètres à la ronde, ils cristallisent les tensions qui parcourent actuellement les deux états. Près de 70 ans après la séparation de la nation en deux parties distinctes, cette résultante de la guerre froide n’a pas dit son dernier mot. Après le bombardement en 2010 de l’île de Yeonpyeong, les nordcoréens ont annoncé ce mercredi 6 janvier, par le biais d’une vidéo, le succès de l’explosion d’une bombe à hydrogène (aussi appelée « bombe thermonucléaire ») dans le cadre d’un test. Les essais se sont déroulés à Punggye-ri, le site dédié aux essais nucléaire nord-coréens. Les ondes sismiques observées dans la région ont en effet montré des variations prouvant la véracité d’un essai atomique dans la région. La terre du socialisme réel de l’homme nouveau n’en est pas à sa première tentative, ce

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serait le 4e essai de ce type enregistré depuis 2006. Cependant, le régime de Kim Jong-un utilisait jusqu’à présent des bombes A (bombe à fission), réputées bien moins puissantes qu’une bombe à hydrogène, et l’observation des ondes sismiques ne permet pas d’affirmer avec certitude l’utilisation d’une technologie thermonucléaire. Car l’armement nucléaire nord-coréen ne date environ que d’une dizaine d’années, les autorités du régime se sont félicitées de cette progression technique qui catapulte désormais l’arsenal du pays au même niveau que les autres puissances mondiales. Rappelons que les importations d’armes nucléaires dans la péninsule coréenne datent des années 1950, « grâce » au support américain de l’époque qui pointait alors des missiles en direction du Nord. Depuis, la Corée du Nord a développé un programme nucléaire clandestin qui aurait été finalisé vers la fin des années 1990 (1998), en s’alliant avec des fabricants d’armes

pakistanais. Pourtant, deux ans après ces évènements, les gouvernements des deux états mettaient en avant une volonté de coopération afin d’harmoniser les relations entre les deux pays. Force est de constater que 15 ans plus tard, la situation n’a pas évolué et l’artillerie nucléaire des deux puissances est toujours au centre des attentions.

Une réaction d’envergure Alors bien que la Corée du Nord ait pris la peine de « miniaturiser » l’explosif en question, les autorités sud-coréennes ont immédiatement condamné cet acte de « provocation » et ont appelé la communauté internationale à réagir d’une manière très ferme sur la situation. Les USA, éternels alliés de la Corée du sud, ont envoyé un bombardier B-52 survoler le territoire sud-coréen. Capable d’effectuer des frappes atomiques à longue distance, ce bombardier plane comme une épée de Damoclès au-

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INTERNATIONAL dessus de la tête du régime de Kim Jong-un et s’inscrit dans la démarche d’une démonstration de force à peine dissimulée. Le premier ministre japonais, Shinzo Abe, a quant à lui affirmé que cet essai nucléaire était un « grave défi » adressé à la communauté mondiale. Un défi vis-à-vis de la non-prolifération de l’arsenal nucléaire et du respect des lois internationales car sur le papier, la Corée du Nord viole les résolutions de l’ONU à chaque frappe atomique. On se rappelle d’ailleurs son retrait du TNP (traité sur la non-prolifération des armes nucléaires) en 2003, après avoir été accusé de mener un programme de développement clandestin. Depuis 2012, la possession de l’arme atomique est d’ailleurs dans le préambule de la loi fondamentale de la Corée du Nord, désormais autoproclamée puissance nucléaire. L’actuelle présidente de la Corée du Sud, Park Geun-Hye, a

« Nous savons

tous comment est née la question du nucléaire coréen et où est le noeud du problème » appelé la communauté internationale à réagir d’une manière spécifique et très ferme sur la situation, invoquant un contexte rendant impossible toute conduite paisible des affaires du pays. En plus de la communauté internationale, Park Geun-Hye a également insisté sur le rôle que doit tenir la Chine dans cette lutte contre le développement de l’arsenal nordcoréen. Du point de vue occidental, ne pas traiter avec la Corée du Nord, c’est lui retirer du financement pour l’avancée de son programme militaire. Mais pour le gouvernement Chinois, le point névralgique de la situation ne sera pas mis en exergue par la Chine. La

Park Geun-Hye, la présidente sud-coréenne © DR.

porte-parole du ministère chinois, Hua Chunying, a d’ailleurs déclaré que « nous savons tous comment est née la question du nucléaire coréen et où est le nœud du problème ». A l’heure où le conseil de sécurité de l’ONU promet d’alourdir les sanctions économiques vis-à-vis de la Corée du Nord, l’étau se resserre sur la position chinoise, qui essayait jusqu’à présent d’atténuer les effets de ces dites sanctions. Le contexte actuel est en effet favorable à la Chine et la perspective de voir à sa frontière une Corée réunifiée via la puissance occidentale, et donc soutenue par les Etats-Unis n’est pas très reluisante.

Un futur brumeux Depuis les soixante-trois ans qui nous séparent de la « fin de la guerre » entre les deux Corées, les tentatives d’unions et promesses gouvernementales ont été légions. Chaque partie imagine un futur à son avantage : le Sud pense à une absorption du Nord sur le modèle de la réunification allemande, le Nord, lui, veut devenir une puissance indépendante à part entière. Aujourd’hui et au vu de l’histoire profonde qui enlise la situation, il est impossible de blâmer un côté ou l’autre. Les acteurs de la scène internationale blâment le gouvernement de Kim Jong-un et ses prédécesseurs, mais plusieurs

spécialistes sud-coréens, comme Jeong Se-hyun (ancien ministre sud-coréen de l’unification) refuse de faire porter le chapeau à un côté unique. Car la peur a changé de camp, les alliés d’hier sont aujourd’hui les ennemis de demain et la versatilité du contexte actuel montre qu’aucune décision sur le long terme n’a encore été proposée jusqu’à présent. De plus, les éléments de langage creux et vides de sens de ces dernières années (comme les différentes promesses non tenues des gouvernements successifs pour « harmoniser la coopération » ou « paver la voie d’une union » entre les deux pays) ont profondément affaibli la volonté des populations de croire en un avenir radieux. C’est d’ailleurs ce que dénonce M. Jeong dans la politique sud-coréenne actuelle : « Mme Park appuie sur le frein et l’accélérateur en même temps : cela fait beaucoup de bruit mais on reste sur place … ». En octobre dernier, des accords entre les deux états ont permis à 400 Sud-Coréens, tirés au sort parmi les 66 488 demandeurs, de franchir la frontière pour retrouver un membre de leur famille. Une première depuis 1953. Alors, dans un contexte où des scènes surréalistes sont encore le quotidien, difficile de ne pas comprendre la perte d’utopies collectives des deux peuples et la difficulté actuelle de croire en un avenir meilleur au pays du matin calme.

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INTERNATIONAL

« El Chapo » s’est fait chopper

Evadé depuis juillet 2015, le trafiquant de drogue le plus puissant et le plus recherché au monde, Joaquin «El Chapo» Guzman, a été arrêté le 8 janvier dernier. L’épilogue de cette histoire digne de Hollywood a peut-être été sa rencontre avec l’acteur américain Sean Penn. g par Jules Fobe.

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© DR.

in de cavale pour « El Chapo ». Le narcotrafiquant Joaquin Guzman a été arrêté, six mois après son ultime évasion, a annoncé vendredi le président mexicain Enrique Pena Nieto. « Mission accomplie : nous le tenons. Je tiens à informer les Mexicains que Joaquin Guzman Loera a été arrêté », a-til écrit sur son compte Twitter.

Joaquin Guzman, le baron de la drogue « El Chapo » était depuis plusieurs décennies le narcotrafiquant le plus recherché par les Etats-Unis et le Mexique. Quoi que l’on pense du personnage, il faut admettre que ses évasions sont dignes des meilleurs scénarios Hollywoodiens. Arrêté une première fois en 1993, il s’échappe de la prison de haute sécurité de Jalisco en 2001. Il s’était alors caché dans un chariot de linge. Treize ans plus tard, le 22 février 2014, il est capturé par la marine mexicaine dans une station balnéaire. Il est envoyé à la prison d’Altiplano, dont il s’échappe spectaculairement le 12 juillet 2015, ses sbires ayant creusé un tunnel de plus d’un kilomètre de long

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jusqu’à sa cellule. Une vaste chasse à l’homme s’était alors engagée pour le retrouver au Mexique et en Amérique centrale. Joaquin Guzman est considéré depuis des années comme le « baron de la drogue ». À la tête du cartel de Sinaloa, Etat du Nord du pays, il introduit des tonnes de cocaïne de la Colombie en passant par le Mexique, pour être distribuée aux Etats-Unis, le plus grand consommateur au monde (200 tonnes sniffées chaque année). Il est aussi engagé dans la production de méthamphétamine, de cannabis et d’héroïne sur le sol mexicain, envoyée vers ses voisins du Nord, mais aussi en Europe. Il faut savoir que les narcotrafiquants mexicains ont supplanté les narcos colombiens, lesquels, jusqu’au milieu des années 1990, contrôlaient les principales routes de la drogue. D’un simple lieu de transit vers les Etats-Unis, le Mexique est donc devenu un lieu de production et de consommation intense de stupéfiants. À tel point qu’il est désormais le premier producteur mondial de marijuana et l’un des plus gros fabricants d’héroïne et de drogues synthétiques.

Le cartel du Sinaloa est aujourd’hui considéré comme l’organisation criminelle la plus puissante au monde depuis la chute du cartel colombien de Medellin en 1993. De son foyer originel, elle a, au cours de ces dernières années, largement étendu son influence le long de la côte du Pacifique. C’est d’ailleurs dans cette région que sont situées la majeure partie des plantations de marijuana, ainsi que de nombreux laboratoires de fabrication de méthamphétamines et d’héroïne. À partir de 2012, le cartel est présent dans dix-neuf Etats mexicains, et son hégémonie sur l’ouest du pays serait presque totale. En effet, les deux autres grands cartels, Tijuana et Juarez, qui contrôlaient les deux points de passage principaux des drogues vers les Etats-Unis, ont été vaincus par l’offensive de Sinaloa en 2012.

Une société corrompue à tous les échelons En 2006, le président de l’époque, Felipe Calderon, instaure une politique de « confrontation directe » avec les cartels. Une

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INTERNATIONAL puisque Felipe Calderon avait mis en marche un programme de contrôle de qualification pour plus de 400 000 agents fédéraux, régionaux et municipaux. Reste que, selon Joaquin «El Chapo» Guzman, une chose est sûre : « Même le jour où je n’existerai plus, tout cela ne va absolument pas diminuer. »

« Je ne veux pas être portraité comme une bonne soeur »

© DR.

El Chapo» pour la magazine Rolling Stone © DR.

véritable guerre civile éclate, causant la mort de plus de 100 000 personnes en moins de dix ans. La violence est partout, d’autant plus que les différents cartels se livrent une guerre entre eux. Leur but est d’obtenir le contrôle des points de distribution, dans la zone Pacifique et la zone frontalière avec les Etats-Unis, localement appelée « triangle d’or », regroupe les Etats de Sinaloa, Durango et Chihuahua. Le problème est la corruption qui gangrène l’Etat mexicain et les municipalités. Le cartel de Sinaloa emploie des fonctionnaires fédéraux, infiltre les gouvernements locaux et la police. Les narcotrafiquants paient des campagnes politiques municipales. Ils achètent le maire et obtiennent ainsi le contrôle de la police. Un exemple illustre parfaitement ce phénomène : en novembre 2008,

le chef de la lutte anti-drogue luimême, Noé Ramirez Mandujano, est mis derrière les barreaux. Chaque mois, le cartel de Sinaloa lui versait 450 000 dollars sur son compte, en échange d’un suivi en temps réel des opérations antidrogue! Pour combattre cette corruption, l’actuel président mexicain, Enrique Pena Nieto, a présenté en décembre 2014 un projet de réforme constitutionnelle. « On va passer de 1800 polices municipales faibles, qui peuvent facilement être corrompues par des criminels, à 32 corporations solides de sécurité régionale », avait-il ainsi annoncé à Mexico. Désormais, le président assure que les efforts réalisés ont contribué à générer une meilleure sécurité dans certaines régions du pays. Il n’est pas le premier à tenter de réformer la police mexicaine,

Cette dernière phrase, c’est au célèbre acteur américain Sean Penn que le narcotrafiquant l’a dite. Ce n’est pas le premier coup d’éclat de l’enfant terrible d’Hollywood : en 2002, il rencontrait le vice-premier ministre irakien Tarek Aziz, l’âme damnée de Saddam Hussein. « La guerre en Irak peut être évitée », lâchait-il publiquement. Il ne cachait pas non plus son amitié avec Hugo Chavez, à l’annonce de sa mort en mars 2013 : « Chaque jour, ce dirigeant élu est qualifié de dictateur. On devrait être envoyé en prison pour ce genre de mensonges. » En octobre dernier, c’est lors d’une rencontre clandestine de sept heures en pleine jungle mexicaine qu’il interviewe « El Chapo » pour le magazine Rolling Stone. Cet entretien a-t-il contribué à sa capture ? Possible. Un responsable du gouvernement mexicain anonyme a déclaré à l’AFP que l’entrevue avec l’acteur faisait partie des éléments ayant conduit à l’arrestation. Et la procureure générale mexicaine Arely Gomez a affirmé que les échanges téléphoniques ayant suivi l’interview ont permis de le localiser. Sa capture va-t-elle changer les choses au sein de la société mexicaine? Les déclarations du narcotrafiquant parlent d’elles-mêmes : «Je fournis plus d’héroïne, de méthamphétamine, de cocaïne et de marijuana que n’importe qui au monde. J’ai une flotte de sousmarins, d’avions, de camions et de bateaux.» Enfin, à la question de sa responsabilité dans le niveau élevé d’addiction aux drogues dans le monde, il répond : «Le fait que la drogue détruit est une réalité. Mais là où j’ai grandi, il n’y a pas d’autre moyen de survivre, et il n’y en a toujours pas.»

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SPORT

Messi, bien plus haut encore Lionel Messi a remporté lundi 11 janvier son 5e Ballon d’Or lors de la cérémonie de remise des prix organisée par la FIFA à Zurich. g par Antoine Grasland.

L

e monde du football a décidément un dieu, en la personne de Lionel Messi. Pour la cinquième fois de sa carrière, le génie argentin glane la plus belle distinction personnelle pour un footballeur : le Ballon d’Or. Il obtient 41,33 % des suffrages (depuis 2009, les capitaines de sélection et sélectionneurs élisent le Ballon d’Or), devançant son grand rival Cristiano Ronaldo et coéquipier brésilien Neymar. Pouvait-il en être autrement ? Vainqueur de cinq titres (Ligue des Champions, Liga, Copa Del Rey, Supercoupe d’Espagne, Coupe du monde des clubs), meilleur passeur de la C1 (6 passes décisives) et co-meilleur buteur avec Neymar et Ronaldo (10 buts), l’Argentin a régalé en 53 matchs avec le FC Barcelone inscrivant la bagatelle de 48 buts. Il a également atteint la

finale de la Copa America (défaite 4-1 aux tirs aux buts), inscrivant 4 buts en 8 matchs avec l’Albiceleste. Messi était sur tous les fronts et a (presque) tout gagné. « Je n’ai jamais imaginé gagner cinq fois,

« L’Argentin

a régalé en 53 matchs avec le FC Barcelone inscrivant la bagatelle de 48 buts » c’est génial. Je veux en profiter avec ma femme, mes fils, mes parents, mes frères... J’espère aussi qu’à la fin de la saison, Barcelone remportera

tous les titres », a-t-il déclaré après la remise de sa récompense. Hormis une blessure qu’il l’a éloigné des terrains pendant presque deux mois, il est à l’apogée de sa carrière : sa constance dans des statistiques affolantes et une soif de titres collectifs toujours plus aiguisée, Messi est aujourd’hui le meilleur joueur de l’histoire du football. Son cinquième Ballon d’or après ses quatre consécutifs de 2009 à 2012, n’est que le reflet d’une saison parfaite pour un joueur hors normes. « Il y a d’autres grands joueurs, Cristiano est toujours là aussi, Ney qui l’aurait mérité. Je veux jouer pour le groupe, pour essayer de gagner un titre à la fin de l’année » : Un joueur humble et toujours au service du collectif dont la carrière au FC Barcelone marquera à jamais l’histoire du football.

Avec Neymar la relève est assurée

Lionel Messi pose avec son nouveau trophée du Ballon d’Or. Le cinquième dans la carrière de l’Argentin qui récompense une saison exceptionnelle © AFP, Fabrice Coffrini.

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Le brésilien Neymar finit troisième du Ballon d’Or 2015, avec 7,86% des suffrages. Un score modeste mais le « nouveau Pelé » n’a pas à rougir devant ses aînés. Lui aussi a affolé les compteurs cette année : 45 buts en 62 matchs et 22 passes décisives, tout en garnissant son armoire à trophée au même titre que l’Argentin. S’il reste sur le même rythme durant les prochaines saisons, il ne manquera pas de ramener un autre Ballon d’Or au Camp Nou. Cristiano Ronaldo lui, finit donc deuxième. Avec 27,76% c’est la cinquième fois que le Portugais est dauphin, malgré une saison exceptionnelle pour lui aussi niveaux statistiques : 57 buts en 57 matchs, ainsi que 17 passes décisives. Le triple vainqueur de l’édition (2008, 2013 et 2014) a réalisé une saison incroyable au niveau personnel, mais au contraire des deux Barcelonais, il n’a rien gagné collectivement en 2015.

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SPORT

Zidane, dans le grand bain

Lundi 4 janvier, coup de tonnerre sur la planète football. Zinédine Zidane, l’emblématique numéro 10 des Bleus, est nommé coach du Real Madrid. Un premier défi colossal pour l’entraîneur français qui s’inscrit dans la logique des choses. g par Antoine Grasland.

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e n’était plus qu’un secret de polichinelle, Zidane entraîneur. Coach du Real Madrid, son club de toujours. Le président Florentino Pérez a intronisé le Français lors d’une conférence de presse le 4 janvier, au stade Santiago Bernabeu. À la tête de l’équipe réserve du Real depuis l’été 2014, l’ancien milieu de la « Casa Blanca » (231 matches au compteur entre 2001 et 2006), remplace Raphaël Benitez en poste depuis juin 2015. C’est lors d’une réunion d’urgence que la nomination de « Zizou » est devenue une évidence. Premier Français à occuper ce poste au Real, il prend en charge une équipe sans grand relief avec Benitez. De plus, le club de la capitale espagnole reste sur une saison blanche. « Je veux remercier le club de m’offrir la possibilité d’entraîner le meilleur club du monde. Je vais tenter d’y mettre tout mon cœur. Je crois que tout va bien se passer », a-t-il déclaré lors de sa présentation. Depuis sa nomination « ZZ » doit remettre sur pied une équipe déboussolée par la gestion de Benitez et démoralisée par une année 2015 catastrophique : aucun trophée, des blessés en masse et un vestiaire touché par les problèmes extrasportifs, comme la mise

« Avec Zizou, le rêve se renouvelle, parce que le Real est éternel » en examen de Karim Benzema dans l’affaire de la sexetape ou encore l’incroyable élimination en Coupe du Roi pour une erreur administrative. Arrivé en 2009 dans l’organigramme madrilène, le champion du monde 98 a pris son temps et apparaît comme la solution idoine pour les

Après une carrière de joueur exceptionnelle, Zinédine Zidane change de casquette en prenant les commandes du Real Madrid ©Wikipédia.

galactiques afin de retrouver leur rayonnement d’antan. « Avec Zizou comme entraîneur, c’est le Real qui sort vainqueur, c’est le football qui gagne. Avec Zizou, le rêve se renouvelle, parce que le Real est éternel », a proclamé Florentino Pérez. Il est adulé par les supporters madrilènes et n’est autre que l’homme de confiance du présiden  : Zidane entraîneur du Real Madrid, il ne pouvait en être autrement, c’était écrit.

Une victoire et des défis à venir Une « manita » pour commencer. L’histoire retiendra que le premier match de Zinédine Zidane sur un banc se déroula de fort belle manière avec une victoire 5-0 sur le Deportivo La Corogne. Et comme un symbole, Karim Benzema est le premier buteur de l’ère Zizou. Un rêve éveillé pour le Marseillais :

« C’est quelque chose d’important d’être entraîneur ici et je veux en profiter. La journée a été un peu longue, mais je suis content de la manière dont ça s’est passé, et aussi forcément content pour la victoire », assurait-il après le succès des siens, samedi dernier. Pour faire grandir son aura et marquer de son empreinte cette équipe, l’ancien numéro 5 a quatre matches à sa portée pour se mettre en jambes : Gijon, le Bétis, l’Espanyol et Grenade. Des équipes qui apparaissent comme les victimes idéales. Ces quatre rencontres offriront un aperçu de la capacité de Zidane à prendre des décisions. Entre la mise en place d’une philosophie de jeu, la gestion des egos et la pression croissante sur ses épaules avec un mois de février déterminant (l’Athletic Bilbao, l’AS Rome et l’Atlético), l’ancien meneur de jeu devra prouver que son nouveau costume n’est pas trop grand pour lui.

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SPORT

Ligue 1 : le casse-tête des diffuseurs

La Ligue 1 va mal. C’est un fait. Derrière les exploits du Paris Saint-Germain, les autres équipes proposent un spectacle médiocre. A tel point que Canal+ et BeIN Sports ont de plus en plus de mal à défendre leur produit phare. g par Anthony Denay.

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Rémi Cabella, le milieu offensif de l’Olympique de Marseille © France Bleu.

l est un peu moins de 23 heures dimanche dernier. Autour de la grande table du studio du Canal Football Club, le programme sportif phare de la chaîne cryptée, les visages sont fermés, dépités, consternés. Hervé Mathoux, le présentateur, prend la parole et s’excuse presque d’avoir proposé au public présent en plateau et aux dizaines de milliers d’abonnés de Canal un spectacle aussi insipide et indigent. Pour la grande affiche de 21 heures, l’Olympique de Marseille recevait Guingamp au stade Vélodrome. Résultat : 0-0 et un non-match de la part des deux formations. Les abonnés invités à donner une note à la rencontre sur le site internet de la chaîne sanctionnent d’un 5,25/20 cette désolante prestation. Pierre Ménès et Christophe Dugarry, les deux snipers attitrés de l’émission, sortent de leurs gonds et dégoupillent contre les 22 acteurs du match, tout particulièrement sur les Phocéens, l’équipe receveuse et potentiellement la mieux armée sur le papier pour décadenasser et emballer l’opposition. La position des chroniqueurs est pourtant très délicate. Canal+ est le diffuseur historique du

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championnat de France et fait de son « offre foot » une vitrine qui ne cesse de s’effilocher ces derniers temps. Malgré la baisse de niveau de la Ligue 1 et la succession de matches ternes diffusés sur ses antennes, le groupe a réinvesti 540 millions d’euros lors du dernier appel d’offres de la LFP (Ligue de football professionnel) pour diffuser les meilleures affiches de la compétition sur la période 20162020.

Une Ligue 1 à vau-l’eau La vraie difficulté pour les diffuseurs se situe précisément là. Comment ces derniers peuvent-ils peser sur les acteurs du football français (dirigeants des clubs et de la Ligue, entraîneurs, joueurs) pour améliorer la qualité du spectacle et obtenir un réel retour sur investissement ? Depuis longtemps, Canal, qui a obtenu la prérogative de pouvoir diffuser les deux affiches les plus alléchantes de chaque journée de L1 (et potentiellement génératrices de la meilleure audience), le samedi à 17 heures et le dimanche soir à 21 heures dans la foulée du Canal Football Club, a fait le choix de

proposer les rencontres des équipes les plus populaires de l’Hexagone plutôt que celles proposant le plus de jeu. Dimanche dernier, l’OM, le club français le plus vendeur en France et suscitant le plus de réactions et de débats enfiévrés, a été diffusé à 21 heures au détriment, par exemple, de la rencontre opposant Angers et Caen, les deux sensations de l’année en termes de jeu et de surprises. Des pelouses souvent en mauvais état, des entraîneurs frileux à la mentalité d’épicier, comptant un à un les points glanés et ne se préoccupant pas du spectacle produit, des joueurs davantage soucieux de décrocher un juteux contrat en Angleterre que de tirer leur équipe vers le haut… Le football français décrépit de weekend en week-end et les diffuseurs feignent de fermer les yeux pour continuer à valoriser leur « bébé ». Jusqu’à ce fameux dimanche noir où la réalité a durement rattrapé les vendeurs de rêves et d’illusions. Christophe Dugarry ponctuait la soirée d’une formule fataliste : « C’était un match horrible ».

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Le PSG seul au monde


SPORT Du côté de BeIN Sports, l’autre diffuseur de la Ligue 1, la soupe à la grimace est également de rigueur. A la différence que la chaîne qatarie est la propriété du fonds d’investissement QSI (Qatar Sports Investments), qui est le principal actionnaire du Paris Saint-Germain, la tête de gondole du football français. Un PSG qui se balade allègrement en France et distribue corrections sur corrections à tous ses concurrents hexagonaux. A tel point que les Parisiens comptent à l’heure actuelle 20 points d’avance sur leur dauphin Angers, soit 6 points de plus qu’entre ce même Angers et le 18ème du classement et premier relégable, Toulouse. A ce rythme, Paris pourrait être sacré champion dès la 32ème journée, deux mois avant la clôture de la compétition. En plus de tuer tout suspense et de diminuer l’attractivité, BeIN Sports est confronté au fait que le PSG peut légitimement se relâcher et se retrouver en déficit de préparation pour ses rencontres de Ligue des champions, grand objectif des Qataris. Paris jouera son huitième de finale aller de C1 le 16 février face à Chelsea, son premier grand test de l’année. La saison dernière, ils avaient été étrillés par le Barça en quarts de finale (0-2, 1-3), mettant en lumière le gouffre entre la France et l’élite européenne.

Nasser Al-Khelaifi, le président qatari du Paris-Saint-Germain.© Creative Commons, Wikipédia.

L’intérêt de QSI serait que d’autres clubs français soient rachetés par des investisseurs étrangers, afin de relever le niveau du football national et de créer une concurrence plus accrue. Le problème s’était déjà posé pour l’OM de Bernard Tapie au début des années 90, dominateur de la tête et des épaules en France et qui avait fait le forcing pour que le PSG soit racheté par… Canal+. Michel

Denisot avait pris la présidence du club et pût concurrencer Marseille en débauchant des joueurs de renom (Weah, Bravo, Okocha, etc…). Le suspense avait été relancé et la domination d’une seule équipe atténuée. Le salut devrait venir de là pour un football français malade et sclérosé. Au risque de voir les téléspectateurs tourner le dos à la Ligue 1 au bénéfice des championnats étrangers.

LE SYNDICAT « PREMIÈRE LIGUE » VEUT SAUVER LE FOOT FRANÇAIS « Nous souhaitons œuvrer aux réformes nécessaires pour assurer le succès du football français, dans une période économique très difficile et face à une concurrence européenne exacerbée ». Cette profession de foi émane d’un communiqué rendu public par le nouveau syndicat « Première Ligue ». Cette organisation, qui a vu le jour le 1er septembre, réunit les 19 présidents des clubs de Ligue 1 (seul Bertrand Desplat, le dirigeant de l’EA Guingamp, manque à l’appel) et a pour ambition de se rapprocher du modèle de la Premier League anglaise en termes de développement économique et d’explosion des droits télévisuels. Tout est parti de la scission qui s’est produite cet été, à la mi-août, lorsque les présidents de L1 ont décidé de claquer la porte de l’UCPF (Union des clubs professionnels de football) pour créer leur propre syndicat. L’UCPF rassemblait alors les dirigeants des clubs de Ligue 1 et de Ligue 2, ainsi que trois clubs de National, soit 43 membres. Mais à la suite de la passe d’armes qui a opposé la LFP (Ligue de football professionnel) et la FFF (Fédération française) à propos du nombre de montées et de descentes entre la première et la deuxième division, et qui a abouti au refus du comité exécutif de la FFF de valider le projet de la Ligue de deux promotions/relégations au lieu de trois actuellement, la bande menée par Bernard Caïazzo (président de Saint-Etienne et nouvel homme fort de « Première Ligue ») a franchi le pas. Ce nouveau départ pourrait être l’occasion d’entamer une vraie réflexion sur le jeu, salutaire pour la vitalité du football tricolore.

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CULTURE

Les auteurs sur la ligne de départ

Nouvelle année, nouvelles lectures ! La rentrée a commencé et pas uniquement pour les élèves, pour les auteurs aussi. Best seller, retour sur le devant de la scène, mais aussi nouveautés, chacun pourra trouver son roman de début d’année. g par Marie Martel.

E

ntre fin décembre et fin février, près de 476 romans vont sortir pour cette rentrée hivernale. Sur ce total, 308 romans sont francophones et 168 traduits. Mais c’est aussi une rentrée audacieuse pour l’hexagone avec 73 premiers romans français. Même si elle est considérée comme modeste. L’année dernière, à cette période, 549 romans étaient parus. L’année 2015 a été la plus forte en termes d’ouvrages publiés pour la rentrée de janvier, sur ces 4 dernières années. Au mois de l’Epiphanie, « c’est plutôt le retour de certains auteurs ayant déjà une œuvre derrière eux » comme l’explique Marine Durand, journaliste à Livres Hebdo. La rentrée d’hiver est souvent celle des auteurs expérimentés et primés. Celle de 2016 ne va pas susciter la même excitation, aussi bien chez les lecteurs que chez les auteurs. Du moins comparé à la rentrée de septembre qui marque la remise des prix littéraires. Pourtant, la rentrée hivernale est considérée comme davantage qualitative que quantitative par rapport à celle de septembre. Les auteurs se trouvent débarrassés de l’enjeu, pesant, des prix littéraires. Ils vont pouvoir donner envie à leurs lecteurs de les suivre. Pour cette rentrée de 2016 de nombreux auteurs sont attendus, soit pour prolonger leur succès, soit pour confirmer leur performance de l’année passée. C’est le cas pour Edouard Louis. Après avoir provoqué un séisme avec En finir avec Eddy Bellegueule, en 2014, il est très attendu par les critiques littéraires afin de confirmer, ou non, son talent. Il publie cette année Histoire de la violence. Certaines « valeurs sûres » reviennent sur le devant de la scène comme l’écrivain Jean Echenoz avec un roman d’espionnage. Mais aussi, Camille Laurens qui, après cinq ans d’absence, fait son retour avec une histoire d’amour ancrée

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Les auteurs étrangers sont très attendus en France par les lecteurs © Pawel Pyt, Flickr.

dans l’ère numérique. Quant à Sylvie Germain, elle explore la condition de l’homme. Olivier Adam est lui aussi attendu avec un ouvrage qui relate la vie d’un jeune breton de notre époque. Tous ces auteurs sont connus et sortent des livres au moment le plus opportun, sans forcément faire un « gros coup » comme Michel Houellebecq avec Soumission, l’an passé. Après plusieurs années d’absence, le prix Renaudot en 2012 Scholastique Mukasonga revient avec un roman qui retrace l’histoire du mouvement rasta. Et l’inévitable Marc Levy sortira un nouvel opus en février. Une rentrée littéraire aussi marquée par une forte présence des académiciens, comme Patrick Rambaud, Philippe Claudel ou encore Pierre Assouline. Ils abordent les thèmes de la politique, de la mort, des opérations chirurgicales, mais aussi les plaisirs. Du côté de la littérature étrangère, La route étroite vers le nord lointain est annoncée comme le chefd’œuvre de l’Australien Richard Flanagan. Il s’est inspiré de faits réels pour l’écrire. D’autres sont attendus comme le danois Jens-

Christian Grondahl, l’américaine Louise Erdrich avec une chronique familiale ou encore un recueil de nouvelles de la japonaise Yoko Ogawa. Le réalisateur canadien David Cronenberg publie « Consumés  », un livre qui ne laissera personne indifférents car de nombreux thèmes y sont abordés : globe trotteurs, sexe ou encore trafic d’organes. Tout y passe !

Une nouvelle génération La rentrée 2016 est aussi l’occasion pour de jeunes auteurs de se faire connaître. Mais ce peut être à double tranchant ! D’un côté, les jeunes écrivains peuvent être portés par le mouvement général et le fait que la littérature soit au cœur de l’actualité durant cette période. « Certains parviennent à se faire une place si le titre attire les journalistes, les blogueurs ou les libraires », explique Caroline Doudet, du blog Cultur’elle. Mais ils risquent aussi d’être noyés dans la masse. Il semble plutôt difficile de se faire remarquer avec environ 500 ouvrages publiés dans une si courte période. « Malheureusement

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CULTURE les jeunes auteurs peinent à avoir autant de médiatisation que les grands noms de la littérature », souligne Marie-Anne Sburlino du blog Sur la route de Jostein. Mais pour un premier roman d’un jeune auteur, le traitement est différent car ils sont souvent attendus. Le nombre étant tellement minime - 73 sur 476 - seulement quelques uns parviendront à émerger. Pour eux, ce n’est donc pas forcément le moment opportun pour se faire connaître. Une rentrée littéraire sous le signe de l’hommage Cette rentrée littéraire est aussi marquée par la sortie de nombreux livres autour du premier anniversaire des attentats de Charlie Hebdo. Manuel Valls publiera un livre dans lequel il regroupe tous ses discours effectués après le mois de janvier et de novembre. L’un des récits le plus attendu est celui de Lassana Bathily, l’employé de l’Hyper Cacher qui a sauvé la vie de neuf personnes. Il prend à contre-pied son image de « héros » en publiant Je ne suis pas un héros. L’un des otages de ce même lieu, Yohann Dorai, raconte dans un livre les quatre heures de calvaire qu’il a vécu. Maryse Wolinski, la veuve du dessinateur, publie son témoignage dans lequel elle se demande si la tragédie aurait pu être évitée. En parallèle, sort le dernier livre écrit par Wolinski : une lettre ouverte du dessinateur à sa femme. Mais la façon la plus originale de se remémorer les attentats du 7 janvier 2015 est bien celle de la correspondante à Paris du quotidien italien La Repubblica, Anaïs Ginori. Elle a choisi de faire parler le kiosquier chez lequel Wolinski et Cabu venaient acheter leurs journaux. De nombreux intellectuels publient, eux, leur analyse sur les événements de janvier 2015. Des philosophes des historiens, des politiques ou encore des militants livrent leurs impressions sur l’esprit Charlie, sur le comportement des personnes ou encore des religieux après les attentats. Tous ces ouvrages achetés, commandés, lus, puis critiqués feront le bonheur des maisons d’édition qui toucheront leur cachet à chaque vente. Comme tous les ans, les lecteurs et les critiques

Tous les auteurs ne vont pas faire de grands de succès comme Michel Houellebecq © Louie Botha, Flicker.

choisiront leur préféré, sans prendre le temps de tous les lire. Bien sûr, ce serait mission impossible. Quant aux auteurs les plus connus, ils

seront sur le devant de la scène et les petits nouveaux essayeront de se faire remarquer du mieux qu’ils le peuvent.

LE SALON DU LIVRE FAIT PEAU NEUVE Créé en 1981 par le Syndicat national de l’édition, le Salon du livre de Paris ne s’est jamais arrêté depuis 35 ans : concours, évolution du monde de l’édition. Le but étant de rester chaque année la première manifestation culturelle et littéraire en France. Pour sa 36ème édition, le Salon s’offre une seconde jeunesse en changeant du tout au tout à commencer par son nom il s’appellera maintenant Livre Paris et non plus « Salon ». Il se crée aussi une nouvelle identité visuelle, une nouvelle mise en espace et une scénographie complétement repensée. Ce n’est pas les seuls changements, la programmation est revue pour être plus innovante et festive en reflétant le monde de l’édition, dans le salon et pour la première hors des murs du Pavillon 1, Porte de Versailles. Pour que les lecteurs puissent en profiter jusqu’au bout de la nuit une nocturne sera mise en place. Cette année la littérature mise à l’honneur est sud-coréenne car le pays est devenue en quelques années une puissance économique mondiale bénéficiant d’infrastructures de niveau international dans le domaine culturel.

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