Magazine Le Relayeur

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Le ReLayeuR DU 5 AU 11 NOMVEMBRE 2015

NUMERO 1

REPORTAGE : LES JUIFS RÉVOLUTIONNAIRES ENQUÊTE : LES MIGRANTS À PARIS

DOSSIER : L’ÉQUATION SNOWDEN

#NonAuHarcèlement La nouvelle campagne de

Najat Vallaud-Belkacem

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SOMMAIRE 4 ACTUALITÉS 8 LES RETRAITÉS

MODESTES EXONÉRÉS JUSQU’EN 2016

9 TENTATIVE

D’APAISEMENT À NANTERRE

10 PROJET HIRSCH 11 BOIS FRANÇAIS 12 DOSSIER EDWARD

28 MINEURS ISOLÉS ÉTRANGERS

32 MIGRANTS : DES PROMESSES

36 BAVURES POLICIÈRES 37 DESERTIFICATION MEDICALE

38 LES LIBERTAIRES JUIFS S’ORGANISENT

16 ECO-

42 ULTRAS EN VOYAGE 44 L’E-SPORT EN

18 CHRONIQUE

45 IMMERSION DANS LE

SNOWDEN

CONSTRUCTIONS JUDICIAIRE

20 NON AU

HARCÈLEMENT

22 REPORTAGE ALLEMAGNE

24 PRESIDENTIELLES CONGOLAISES

DEVELOPPEMENT

BIG-BANG FESTIVAL

46 REMISE DES PRIX LITTÉRAIRES

47 SALON DES VIGNERONS INDÉPENDANTS

48 007 SPECTRE

Directeur de la rédaction : Eric Ouzounian Rédacteurs en chef : Antoine Grasland Iconographie : Théo Marino Maquette : Cécile Fougerousse & Pauline Donat Secrétaires de rédaction : Zakia Mhamdi & Théo Marino Rédacteurs : Antoine Durand, Maxence Fabrion, Jules Fobe, Jessica Gajdeerowicz, Tassadite Galleze, Willy Garcia, Olivir Geyelin, Raphael Gilleron, Sheherazade Hamidi, Lars Eric Harder, Thibault Jouzier, Pascale Keigna, Faycal Labadi, Paul Le Meur, Isaac Macauley, Marie Martel, Agathe Martin, Mathilde Martin, Antoine Memba, Margot Andréa Mephon, Lisa Monin, Aurélien Monsegu, Ines Navarro

EDITO

La ministre de l’Education Nationale, qui communique avec le naturel d’un shadok qui pompe, montrait cette semaine le clip de propagande relatif au harcèlement scolaire. Le phénomène a beau être vieux comme « La guerre des boutons », il n’en est pas moins à l’origine de souffrances voire en cas extrême, de suicide. Le clip en question a déclenché une levée de boucliers chez les enseignants, nous essaierons de comprendre pourquoi. La dernière tentative de Denis Sassous N’Guesso de modifier la loi électorale du Congo Brazzaville pour conserver un pouvoir bien protégé par l’Etat français, Elf Aquitaine puis Total depuis des décennies se heurte à une opposition déterminée, qui n’hésite plus à évoquer clairement les scandales de la Françafrique et les errements honteux de la politique française. Snowden et les whistleblowers, le traitement des enfants de migrants et les incohérences du droit français, les juifs révolutionnaires de l’Est Parisien ... Bonne lecture !

Abdelkrim Echatiman


ACTUALITÉS Nicolas Sarkosy cité dans l’affaire Air Cocaïne. Alors que l’affaire de trafic de drogues fait grand bruit dernièrement avec la fuite de deux pilotes français de République Dominicaine, un nom est revenu durant cette instruction. C’est celui de Nicolas Sarkosy. La juge chargée de l’enquête a demandé la géolocalisation de l’ancien président de la République et des factures détaillés de ses communications. Il aurait pris trois vols entre 2012 et 2013 qui sont soupçonnés d’avoir transporté de la drogue. S’il n’y a aucun lien avec lui, son avocat explique « on souhaite à tout prix incriminer Nicolas Sarkozy dans cette affaire ». Crash d’un avion russe en Égypte. Samedi 31 octobre, un airbus A321-200 russe avec 224 personnes à bord, à destination de Saint-Pétersbourg, s’est écrasé dans le Sinaï peu après son décollage. Alors que l’Etat Islamique revendique sa destruction, la compagnie aérienne évoque un facteur extérieur. Le mystère reste entier même si avec la récupération des boîtes noires a débuté ce mardi et essayer de comprendre pourquoi l’appareil s’est disloqué dans les airs. Et d’après CNN, des sources militaires américaines affirment qu’un satellite a détecté « un flash de chaleur » avant le crash, ce qui tendrait à montrer que Daech serait bien à l’origine de ce crash.

Après la double arrestation dimanche d’un prêtre espagnol et d’une laïque italienne pour divulgation des documents officiels du Saint Siège, deux livres peu flatteurs pour les affaires financières du Vatican sont sur le point de paraître : Chemin de Croix de Gianluigi Nuzzi, et Avarice d’Emiliano Fittipaldi. Ces œuvres mettent en lumière le détournement de dons destinés aux pauvres pour financer les biens luxueux de certains cardinaux, l’emploi de plus en plus de personnel, un étrange cambriolage et bien d’autres faits douteux.

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Axelle Lemaire dévoile sa loi sur le numérique

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xelle Lemaire, secrétaire d’Etat chargée du numérique rendra public son projet de loi le 6 novembre. Soumis aux arbitrages interministériels mercredi dernier, le texte qui porte sur l’avenir, la protection et la réutilisation des données en France devrait être présenté à l’Assemblée Nationale pour le début 2016. Un projet « pour une république du numérique », a souligné le député socialiste Luc Bellot, qui pour la première fois a fait appel aux votes, commentaires et amendements des français avant son arrivée au parlement. Une mesure dont se félicite la secrétaire d’Etat, soulignant une démarche plus transparente, notamment vis-à-vis des lobbyistes, forcés d’exprimer leurs revendications face au public. Près de 150 000 votes ont été recueillis, avec plus de 8 500 contributions de fond de la part des internautes, qui ont permis

à Axelle Lemaire de revoir son texte d’origine et d’y ajouter de nouveaux articles. En cours d’écriture depuis deux ans, la loi sur le numérique d’Axelle Lemaire semble couvrir de nombreux aspects. Lors d’une interview donnée sur France Inter mercredi dernier, la secrétaire d’Etat fait notamment allusion aux sports électroniques, qui se verraient dotés d’une existence en droit. Elle fait également mention du droit à l’oubli pour les mineurs et de sa volonté de renforcer la CNIL (Commission Nationale de l’informatique et des libertés), chargée de faire appliquer les sanctions. Attendue au tournant concernant la difficulté d’appliquer ces sanctions aux multinationales de l’internet en cas de non-respect de la loi française, Axelle Lemaire a précisé que le niveau de celles-ci fera l’objet d’une loi à l’échelle Européenne, des négociations étant en cours à Bruxelles.

Du progrès sur le don du sang pour les homosexuels

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’est ce qu’a annoncé Marisol Touraine, ministre de la Santé, lors d’une interview accordée au Monde ce mercredi. A partir du printemps 2016, les homosexuels pourront à nouveau donner leur sang, sous conditions. « Une levée progressive, qui se fera en plusieurs étapes », a indiqué la ministre, puisque dans un premier temps, seuls les homosexuels qui n’ont pas eu des rapports sexuels depuis un an pourront donner leur sang. Il sera possible de donner son plasma à condition d’avoir une relation stable depuis quatre mois ou de ne pas avoir eu de rapports

sur la même période. Ces premiers dons permettront ensuite de réaliser des études, qui sous réserve de risques, œuvreront à rétablir une égalité entre tous pour donner son sang l’année suivante. Les questionnaires à remplir lors des dons seront réécrits pour les homosexuels, mais aussi pour les hétérosexuels qui ont des pratiques à risques. L’interdiction de donner son sang pour les homosexuels est en vigueur depuis 1983, sa levée était une promesse de campagne de François Hollande. « C’est la fin d’un tabou et d’une discrimination », a déclaré Marisol Touraine.


ACTUALITÉS

Journée Internationale

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e 6 novembre est marqué par la journée internationale pour la prévention de l’exploitation de l’environnement en temps de guerre et de conflit armé. Cette date a été instaurée le 5 novembre 2001 par l’Assemblée Générale de l’Organisation des Nations Unies. Cette journée a été mise en place car le Programme des Nations Unies pour l’environnement ou PNUE a relevé que durant les soixante dernières années, près de 40% des conflits internes étaient liés à l’exploitation des ressources naturelles. En effet, les guerres sont en grande partie liées aux ressources de grande valeur comme le bois, les diamants, l’or ou encore le pétrole. De plus, l’environnement reste souvent une victime silencieuse de ces conflits alors que les pertes humaines et les pertes matérielles dues aux conflits armés ont

toujours été comptabilisées. Pour l’ONU, il est particulièrement important que la protection de l’environnement fasse partie des stratégies de prévention des conflits et du maintien ainsi que de la consolidation de la paix. Lors de la journée du 6 novembre 2014, Ban Ki-Moon, le secrétaire générale de l’ONU avait déclaré « Nous devons utiliser tous les moyens d’action dont nous disposons, aussi bien le dialogue et la médiation que la diplomatie préventive, afin d’empêcher que l’exploitation non durable des ressources naturelles déclenche et alimente des conflits armés et sape les fondements fragiles de la paix. » Il ne peut n’y avoir de paix durable si les ressources militaires naturelles et les écosystèmes dépendent des populations sont détruits.

Rencontre Manuel Valls-Sylvia Pinel

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ier s’est déroulé une rencontre entre Manuel Valls et Sylvia Pinel, la ministre du logement, de l’Egalité des territoires et de la ruralité. C’est elle qui est à l’origine de la loi Pinel de 2014, qui prévoit une réduction d’impôt de 63 000€ pendant 12 ans. Cette loi peut permettre à une personne de pouvoir se constituer un patrimoine tout en louant à vos proches un appartement ou une maison. La rencontre entre le 1er ministre et son ministre du logement fait suite à la parution d’une enquête réalisé par la CLCV qui est l’association nationale de défense des consommateurs et usagers. Après avoir épluché près de 650 petites annonces publiées sur 5 sites de logements en ligne, 42% des loyers à Paris ne sont pas conformes à la loi. Ils excèdent en moyenne 146,51€ par mois. Ces loyers abusifs représentent près de 53% lorsque les loyers sont loués en direct. Quand les gens

passent par des professionnels de l’immobilier, le taux d’annonce respectant la loi est beaucoup plus élevé, puisqu’il est de 70%. Avec cette étude qui montre la dérive du système de l’immobilier, cette rencontre entre Manuel Valls et Sylvia Pinel va permettre de trouver une solution concernant l’encadrement des loyers.

L’appel à la grève de la compagnie aérienne Transavia est suspendu pour les 7 et 8 novembre. Les stewards et hôtesses de la filiale low cost d’Air France étaient appelés à manifester contre la suppression de l’augmentation contractuelle de 2% par an des salaires des personnels de bord. Un mouvement qui aurait constitué une première depuis la création de la filiale. Le syndicat minoritaire SNPNC-FO a décidé de suspendre son appel suite à la rétraction du syndicat majoritaire. Un préavis qui est cependant remonté jusqu’à la direction d’Air France qui a elle aussi suspendu son projet pour l’instant. Rien n’est joué mais une potentielle nouvelle crise a été évitée chez Air France.

Numericable-SFR est une nouvelle fois accusé de publicité mensongère. Après Orange, c’est le groupe Free qui a porté plainte mardi contre l’opérateur détenu par le milliardaire Patrick Drahi. La publicité jugée « trompeuse » promet un accès au très haut débit via la fibre optique de NumericableSFR. Pourtant on constate que se limite au pied des immeubles, puis raccorde l’abonné au réseau câblé déjà existant dans les bâtiments. Il faut savoir que depuis son lancement au printemps 2013, le plan très haut débit en France mobilise les opérateurs télécoms, l’Etat et les collectivités afin de raccorder ménages et entreprises à cette technologie en dix ans.

Les Youtubers envahissent la Porte de Versailles le temps d’un week end ! Les 7 et 8 novembre le Parc des Expositions accueille la seconde édition de Video City Paris. Pour l’occasion, près de 120 youtubers dont Cyprien, Norman, Squeezie et EnjoyPhoenix seront présents pour échanger avec leurs fans et animer ce festival. Dédicaces, photos, présentation de chaînes Youtube, tutos en live, un grand nombre d’activités seront proposés aux visiteurs pendant ces deux jours.

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ACTUALITÉS

Un Rassemblement pour la libération de Mumia Abu-Jamal

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e 4 novembre a lieu un nouveau rassemblement pour la libération et l’apport de soins médicaux à Mumia AbuJamal, place de la Concorde à Paris. C’est symboliquement que ce rassemblement mensuel se déroule à proximité de l’Ambassade américaine. Cette fois, il anticipe la venue d’une délégation française du 9 au 15 novembre aux EtatsUnis. Parmi les membres de cette délégation, on trouve Patrick Le Hyaric, député européen et directeur du journal l’Humanité, son assistante parlementaire Marie Ringot, ainsi que Claude Guillaumaud-Pujol et Jacky Hortaut co-animateurs du Collectif français Libérons Mumia. Cette visite qui permettra bon nombre d’initiatives soutenues par les médias américains, essentiellement à New-York et à Philadelphie, devrait se solder le 12 novembre par la rencontre du journaliste et militant enfermé à tord depuis 33 ans, dont 30 années passées dans le couloir de la mort. Le 9 décembre 1981, Mumia AbuJamal, alors chauffeur de taxi est grièvement blessé lors d’une fusillade après avoir déposé un client. Arrêté, il est accusé du meurtre d’un policier, Daniel Faulkner, tué dans cette même fusillade. Suite à une enquête douteuse et inéquitable, il est condamné à mort en juillet 1982. Cette injustice a entrainé une

mobilisation internationale pour l’organisation d’un nouveau procès. Le prix à payer du militantisme noir Avant tout journaliste et fervent militant, Mumia Abu-Jamal entre en 1968 dans la branche philadelphienne du Black Panther Party. Il prend en charge l’information du groupe révolutionnaire né deux ans plus tôt alors que le FBI lance le programme COINTELPRO (Counter Intelligence Program), dont le but n’est autre que de l’éliminer. Une trentaine de Black Panthers sont assassinés, de faux dossiers sont montés, le mouvement est infiltré par le FBI, et les principaux acteurs sont mis derrière les barreaux ou poussés à l’exil. Petit à petit le Black Panther Party se dissout, jusqu’à l’assassinat de son créateur Huey P. Newton en 1979. Mais le militantisme ne s’arrête pas là pour Mumia AbuJamal, qui en 1980 prend la défense du groupe radical et écologiste MOVE lors de la condamnation de neuf de ces membres suite au décès d’un policier dans un de leurs locaux. Ses différentes actions militantes et son appartenance à des mouvements tels que le Black Panther Party ont très certainement joué un rôle dans sa condamnation. Depuis, Mumia Abu-Jamal est emprisonné dans l’aile de sécurité maximale de la prison de Greene, en Pennsylvanie. En octobre 2011 la Cour Suprême des Etats-Unis rejette le recours

en accusation contre lui, puis deux mois plus tard sa condamnation à la peine de mort est remplacée par la prison à perpétuité. En août 2013, la justice fédérale de Pennsylvanie rend une ordonnance ne permettant aucune libération conditionnelle. Une décision à nouveau confirmée un an plus tard. Aujourd’hui âgé de 61 ans, Mumia Abu Jamal souffre de l’hépatite C, de diabète et d’eczéma. Pourtant les autorités pénitentiaires et la justice de Pennsylvanie refusent de lui prodigués les soins nécessaires à sa survie. En plus d’un procès injuste, son état de santé se dégrade à cause des conditions dans lesquelles il est enfermé. C’est pourquoi le collectif Libérons Mumia et d’autres acteurs comme le journal l’Humanité continue d’agir, de se rassembler et de lever des fonds pour défendre ses droits.

Victor Ponta quitte le gouvernement roumain

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e Premier ministre roumain Victor Ponta dépose sa démission le 4 novembre. Cette décision du social-démocrate fait suite au mouvement populaire après l’incendie d’une discothèque le 30 octobre. L’affaire a mis en lumière des manquements à la réglementation ainsi qu’une affaire de corruption des autorités locales. 20 000 personnes ont alors rejoint le défilé de protestation

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mardi soir à Bucarest pour demander la démission de ce gouvernement d’ « assassins ». D’autres rassemblements ont eu lieu à Brasov et Ploiesti au centre du pays. Cet événement isolé n’est pas l’unique cause de cette démission. Particulièrement sur la sellette depuis septembre, Victor Ponta est accusé de dix-

sept infractions entre 2007 et 2011 dont « faux en écriture », « complicité d’évasion fiscale » et « blanchiment ». Egalement soupçonné de conflit d’intérêts dans l’exercice de ses fonctions par le parquet anticorruption, il est petit à petit isolé sur la scène politique. Alors qu’il entendait exercer son mandat jusqu’au bout, soit fin 2016, le mouvement populaire du 3 novembre a porté le coup de grâce.


ACTUALITÉS

Les Experts remettent en jeu leur titre de la Golden League

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omme tous les ans, depuis 2012, la Golden League de handball aura lieu du 5 au 12 novembre 2015 en Norvège. Cette année ce sont les équipes masculines qui vont s’affronter durant ce tournoi de renom. La France, le Danemark et la Norvège, sont les trois pays fondateurs de cette compétition. Les matchs se déroulent évidement chez les pays fondateurs. Pour chaque édition, les trois nations se réunissent et une quatrième est invitée à participer. Cette année le Qatar est l’invité de la Golden League, car le pays a accueilli les mondiaux en 2015. Le tournoi se déroule alors en trois étapes, une dans chaque pays tout au long de l’année. La première étape aura lieu en Norvège à partir du 5 novembre. L’équipe de

France, « Les Experts » ont gagné la dernière édition en 2013/2014, ils remettent cette année leur titre en jeu. Claude Onesta, le sélectionneur de l’équipe de France, a annoncé cette semaine la liste des joueurs qu’il a retenue. Mais des mauvaises nouvelles de dernière minute ont changé ses plans. Nikola Karabatic, arrière droit, souffre encore d’une entorse du coude, il a donc annoncé son forfait pour la Golden League. Un forfait qui s’ajoute à celui de son frère Luka Karabatic, à cause de son pouce et à Valentin Porte ayant un problème de poignet. Ils seront remplacés respectivement par Benoît Koundoud et Nicolas Tounat. Cette nouvelle édition marque le retour de Jérôme Fernandez, en équipe de France pour solidifier la base arrière des « Experts ».

Game of Thrones : une nouvelle matière ?

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’université de la Colombie Britannique, au Canada, propose désormais un cours de littérature traitant de la célèbre série de HBO. Il ne s’agit pas d’en décortiquer le succès, mais plus d’en analyser ce que cette vision du monde médiévale dit de nous. Baptisé « Notre Moyen ge moderne : Un chant de glace et de feu [l’autre nom de la saga] comme médiévalisme contemporain ». Cette été déjà, l’université de

Virginie proposait un cours pour 24 élèves, traitant lui aussi de la série. Lisa Woolfork, enseignante en littérature à l’origine du cours, expliquait sa pertinence au Daily Telegraph ainsi :»Game of Thrones est populaire, mais c’est aussi très sérieux, explique l’enseignante. Dans la série, beaucoup de choses pesantes, lourdes de sens, peuvent être analysées au travers de compétences en analyse littéraire» Dans la prestigieuse faculté californienne de Berkeley, Ce sont cette fois ci des étudiants en cinéma, qui doivent repérer et analyser des similitudes entre l’œuvre de Goerge R. R. Martin, et celle des Shakespeare, ou d’auteurs de tragédies grecques. Pousser les étudiants à faire usage de leurs facultés d’analyse littéraire, sur des sujets qui sorte de leur cas d’études classiques, c’est en améliorer la flexibilité de la réflexion. C’est le but premier de ce cours dans l’air du temps.

H&M lance une nouvelle collection capsule avec une maison de luxe. Après Sonia Rykiel, Karl Lagerfeld, Isabelle Marant ou encore Alexander Wang, la marque suédoise de prêt-à-porter ouvre grand ses portes à Balmain pour l’hiver 2015. Perles, broderies et coupes ajustées, le directeur artistique de la maison de couture française, Olivier Rousteing, a choisi de rester fidèle à l’ADN de Balmain avec des pièces identiques à celles de ses collections. Selon les spécialistes mode, cette capsule luxueuse et (presque) abordable serait la collaboration la plus réussie du géant suédois. Les 95 pièces et accessoires seront disponibles à partir du le 5 novembre dans 250 boutiques H&M sélectionnées à travers le monde ainsi que sur le site officiel. Le 5 novembre aura lieu l’ouverture officielle de LaCinetek à la Gaité Lyrique de Paris. La ministre de la culture et de la communication Fleur Pellerin sera présente afin de soutenir ce projet de vidéo à la demande, présenté le 20 mai à l’occasion du Festival de Cannes. Créée par la Société des Réalisateurs de Films (SFR) et Le Meilleur du Cinéma (LMC) – UniversCiné, LaCinetek ou Cinémathèque des réalisateurs a pour objectif premier la « la valorisation des œuvres de patrimoine par la mise en ligne et le développement d’un service original de vidéos à la demande (VàD), spécifiquement dédié aux grands classiques du cinéma mondial ». Deep Purple revient à Paris pour une date unique dans la capitale. Après un concert à Paris en 2013 et le Hellfest en 2014, le célèbre groupe de hard rock britannique sera sur scène le 11 novembre au Zenith de Paris, pour le plus grand bonheur des fans. Le concert commencera à 19h. Le groupe Rival Sons assurera la première partie. Le prix des places dans la fosse commencent à 56,50€ et se terminent à 78,50€ pour les places en gradin catégorie 1. Deep Purple se produira aussi à Lyon le 30 novembre à la Cité des Congrès et le 1er décembre au Zenith de Strasbourg.

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SOCIÉTÉ

Impôts locaux : les retraités modestes finalement exonérés jusqu’en 2016 Manuel Valls l’a officialisé ce dimanche sur Twitter, il n’y aura pas de taxe d’habitation pour les personnes âgées de plus de 60 ans cette année. Cependant, la situation pourrait évoluer d’ici 2016. Christian Eckert, le secrétaire d’Etat au budget, a même annoncé qu’une disposition législative est en cours de préparation afin de la maintenir.

doivent avoir lieu la semaine prochaine », a-t-elle ajouté.

Fiscalité locale des retraités : notre engagement est simple, neutraliser l’impact d’une situation aussi brutale qu’injuste », a écrit le Premier Ministre sur les réseaux sociaux le 1 novembre dernier. Pour la première fois, 250 000 personnes ont été contraintes de verser des sommes entre 500 et 1000 euros jusqu’au 15 décembre prochain, suite à une décision votée par la droite en 2008 dans le cadre du projet de loi de Finances 2009, concernant l’avantage fiscal appelé «la demi-part des veuves». Celle-ci a été supprimée progressivement jusqu’en 2014. « C’est vraiment honteux, on m’a donné à peine 4 semaines pour verser 547 euros alors que je reçois 1 000 euros par mois...où voulez-vous que je les trouve alors que j’ai déjà du mal à vivre avec ma retraite ?, s’exclame Claudine Lepage, 65 ans. J’ai des droits et je compte bien les conserver ». Cette ancienne infirmière fait partie des 250 000 retraités dits «modestes» qui ont découvert qu’ils étaient désormais assujettis à la taxe d’habitation, en plus des 650 000 personnes âgées qui l’ont vu augmenter. Plus de peur que de mal... du moins pour le moment. En effet, le secrétaire d’Etat au budget, Christian Eckert, a promis que les retraités étant exonérés jusque-là et ceux dont le revenu n’a pas augmenté, ayant déjà payé les impôts, seraient remboursés. A partir du 9 novembre, ceux qui souhaitent être remboursés plus rapidement n’auront qu’à s’adresser à l’administration fiscale (par téléphone, courriel, sur le site internet des impôts, ou directement

cette mesure a toutefois quelques effets néfastes. En effet, 617 000 personnes âgées ont déjà vu leur Contribution Sociale Généralisée (CSG) augmenter depuis le début de l’année. Elle est considérée comme un impôt selon les services de l’État et le Conseil constitutionnel mais pour une cotisation sociale par la Cour de cassation. Cet avantage a lui aussi été assujetti et risque de toucher l’ensemble des retraités d’ici 2016 même si le gouvernement n’en parle pas encore. Le bénéfice du taux réduit de CSG voir même de son exonération était dû à un certain niveau de revenu. Ce critère disparaît simultanément avec la suppression de la demi-part. Si la négligence du gouvernement face à cette mesure a causé quelques dégâts en dehors de la colère des retraités, d’après Michel Sapin, les impôts locaux devraient être gérés uniquement par des responsables politiques locaux.

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au guichet). Une grande première dans l’histoire des impôts. Cependant, il n’est pas certain que cette mesure sera maintenue à partir de la période 2016. « La demi-part des veuves ne sera pas réintroduite, ce qui signifie que les impôts locaux vont également concerner les personnes retraitées, a expliqué Martine Lescot, agent des impôts. Cette mesure risquerait de coûter trop cher à l’Etat puisqu’elle pourrait s’élever à un milliard d’euros par an. Elle était utile durant la Seconde Guerre Mondiale pour faciliter la vie des veuves de soldats mais désormais, le gouvernement a d’autres priorités et ne peut plus se le permettre ». Selon les premières estimations, le remboursement des personnes pourrait avoir un coût allant de 125 à 250 millions d’euros pour l’Etat. « La hausse de la fiscalité du diesel pourrait jouer en faveur des personnes âgées de 60 ans et plus. Cela pourrait faire baisser leurs impôts locaux mais rien n’est sûr à l’heure actuelle, des discussions

Retraités exonérés mais pas totalement sauvés Si la suppression de « la demipart des veuves » n’a pas empêché les retraités d’être exonérés,

Manuel Valls a officialisé l’exonération des retraités

Jessica Gajderowicz


SOCIÉTÉ

Tentative d’apaisement à Nanterre C’est non loin d’un bureau de poste près de la cité Pablo Picasso à Nanterre, que Christian, jeune homme de 24 ans, a été abattu dans la soirée du mercredi 5 août. Un énième acte de violence qui pousse à la réflexion et à la prise de conscience, aussi bien pour les autorités que les habitants de la ville.

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mpliqué dans plusieurs dossiers de trafic de stupéfiants, Christian, aurait été victime « d’un règlement de compte entre dealers » selon les enquêteurs du service départemental de police judiciaire du 92. Quelques jours après cette fusillade, le même quartier du chef-lieu des Hauts-deSeine a connu une nouvelle agression. Cette fois, un jeune de 18 ans recevait plusieurs coups de couteau le 10 août. Il s’en est finalement sorti indemne. Face à cette recrudescence de violence, la mairie tente de faire face, mais la situation reste toujours très tendue. Élue dans la liste Gauche Solidaire du maire Patrick Jarry, Thérèse N’Gimbous Batjom est revenue sur ces incidents qui donnent une très mauvaise image à la ville de Nanterre : « Cette question n’est pas aussi souvent abordée que ça en conseil municipal. On devrait certainement y attacher plus d’importance. Cependant, on essaie à chaque fois de trouver une solution dans les quartiers les plus difficiles, notamment à Pablo Picasso où est mort Christian. » La plupart des élus de la ville étaient présents le 7 août pour une marche en l’honneur de ces 5 tués cette année. Un triste chiffre pour ce quartier pas toujours réputé pour son bon-vivre. « J’espère que cela a fait prendre conscience à certaines personnes de la situation, mais pour l’instant je ne me fais guère d’illusion. a expliqué l’élue. Il y a toujours des personnes qui ont pour objectif de combattre les institutions, la mairie comme la police. »

« Un sentiment de défiance envers la police » De son côté, Camille Bedin, numéro un du parti Les Républicains à Nanterre, estime que le laxisme de la mairie la

pénalise fortement. « Cela fait des années que cela dure, mais on ne réagit avec aucune fermeté », décrit la candidate battue lors des municipales de 2014. «Aucune solution concrète n’est mise en place, les chiffres ne sont que très peu communiqués, on ne peut pas avoir une Les Nanterriens étaient réunis le 7 août après la mort de Christian idée encore plus précise des principaux crimes, agressions de la situation. » Elle estime donc qu’il et violences aux personnes depuis faut être plus dur : « On ne doit plus 2009. En 2013, on dénombre plus de subir ce qu’il se passe dans certains 1300 agressions, un chiffre montrant quartiers, il faut faire comprendre aux que pour 1000 habitants, 14,2% ont fauteurs de troubles qu’ils ne sont pas été victimes de violences. Sans en les rois. L’autre problème fondamental, être surpris, le premier officier fait est que la police n’a pas forcément des comprendre que ces chiffres « ne vont conditions optimales pour travailler en pas en s’arrangeant » même si la mort total osmose avec la mairie. » de Christian « a pu faire comprendre à certains qu’ils ont pu parfois aller trop Ce sujet sensible l’est encore plus dans loin ». le commissariat de Nanterre. Le premier officier rencontré annonce la couleur En attendant, l’heure était au : « Il y aurait beaucoup de choses recueillement il y a quelques jours, mais on ne peut malheureusement pas près de trois mois après le meurtre de tout dire. » Quant aux récentes études Christian. En collaboration avec la chiffrées du commissariat, il explique : mairie, l’ES Nanterre, club de football « On évite de les communiquer parce principal de la ville a organisé une que cela pousse les jeunes à en faire journée en hommage au jeune décédé plus, il y a un sentiment de défiance et à sa famille. Au programme, un envers les autorités. » Un peu plus match de foot entre élus du conseil tard, deux collègues confirment les municipal et habitants qui ont fait le propos du premier : « depuis que l’on déplacement. La journée a également est à Nanterre, on a jamais vu ça. été marquée par une distribution de Cela dépend bien sûr des endroits, T-shirt avec l’inscription « Plus jamais mais quand on compare avec les ça ! ». L’objectif est clair, réconcilier villes similaires du coin, la situation la population avec les plus hautes à Nanterre est bien plus grave instances de la ville afin de faire régner qu’à Colombes, Gennevilliers ou « le bon vivre », une mission difficile Asnières. » Les derniers chiffres publiés dans certains quartiers. en 2013 confirment le climat ressenti par la police. L’ONDRP indique Isaac Macauley qu’il y a une stagnation du nombre

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POLITIQUE

Le projet Hirsch : rebondissement dans les sphères syndicales La CFDT abdique, la CGT et Sud Cochin organisent une assemblée générale à l’hôpital Cochin à Paris le 12 novembre. En cause: le projet Hirsch, un projet de réforme du temps de travail qui ne met pas tout le monde d’accord dans le milieu hospitalier.

« Ce projet n’est rien d’autre que la suppression de 4000 emplois, la charge de travail rallongée et des jours de repos supprimés » affirme Marise Dantin secrétaire générale de la CGT, bien décidée à ne pas « lâcher ».

epuis mars dernier, le personnel hospitalier parisien est en ébullition : le directeur général de l’Assistance Publique des Hôpitaux de Paris (Ap-HP), Martin Hirsch veut instaurer un projet de reforme du temps de travail qui vise, selon lui, à « améliorer la prise en charge des patients, préserver les conditions de travail des personnels hospitalier et améliorer la performance économique de l’institution ». Pour les syndicats du personnel, améliorer la performance économique de l’institution ne rime malheureusement pas avec « préserver les conditions de travail des personnels » et encore moins avec « respecter les conditions de vie privée du personnel ».

« Lâcher », c’est aussi le terme qu’elle emploie pour qualifier l’attitude de la CFDT. A l’intérieur de la guerre, il y a une autre batail, celle des syndicats.

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Avec trente neuf hôpitaux sur toute la région parisienne l’AP-HP accueille chaque année sept millions de personnes malades. Ce sont plus de 95 000 salariés au service des patients pour un budget annuel de 7,2 milliards d’euros. La réforme toucherait 75 000 agents hospitaliers. Le projet Hirsch prévoit de supprimer les journées de 7 h 50 initialement programmées et instaure les journées de 7 h 36. Actuellement, plus de 60% des agents travaillent 38 heures voire 39 heures par semaine, avec un nombre de RTT allant de 18 à 20 jours par an, auxquels s’ajoutent des journées propres à l’AP-HP. Problème : en raison du manque de personnel, les journées de congés non prises s’accumulent sur les comptes épargne temps, un système permettant au salarié de toucher de

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l’argent s’il ne prend pas son RTT. Le stock actuellement épargné est évalué à 74,7 millions d’euros fin 2014, selon la direction. Si tous les agents décidaient de percevoir l’argent, cela grèverait un peu plus le budget de l’APHP, contraint par l’Etat d’effectuer trois milliards d’euros d’économie d’ici 2017. Du côté du personnel, travailler 14 minutes en moins par jour signifie : moins de personnel présent à l’hôpital pour la même quantité de travail.

«A l’intérieur de la guerre, il y a une autre bataille»

Sophie, infirmière à l’hôpital Cochin, dénonce des conditions de travail qui pourraient avoir des répercutions sur les patients. « Une productivité plus intense et moins de repos nuit à la sécurité des patients ». Outre la dégradation évidente de leur vie privée, les infermières et autres professions hospitalières s’inquiètent de l’efficacité et l’attention portées sur les malades. Audrey, infirmière au service de réanimation, explique elle aussi son inquiétude « Une journée classique c’est : transmissions de l’équipe de nuit à celle du matin, bilans sanguins, soins infirmiers, visites, café, pansements, correction de visite et mise en route des prescriptions toutes les heures, relevé des constantes, applications des prescriptions, transmissions de l’équipe du matin à celle d’AM, tout est calibré… Qu’est ce qu’on ne fait pas d’indispensable pour le patient ? » Pour Martin Hirsch, faire fonctionner des hôpitaux 24/24 sans dépenser trop n’est pas tâche facile et « il était indispensable de supprimer des jours dus qui correspondaient aux heures supplémentaires ».

Le 27 octobre dernier, l’AP-HP se vantait de pouvoir affirmer dans un communiqué de presse : « signature d’un accord sur l’organisation et le temps de travail ». En effet, la CFDT a trouvé un terrain d’entente avec l’AP-HP, a négocié et a signé. « Tout ça n’est pas terminé, la CFDT ne représente pas plus de 16% ! », déclare Marise Dantin et elle a raison. La CGT, syndicat majoritaire représente 32%, SUD 28%, FO et CFDT 15%. Un seul syndicat minoritaire ne peut pas aller à l’encontre de la loi sur la représentativité de 2008 où il est précisé que tout accord doit être signé par une union de syndicats de 50%. « Vous savez, la régression sociale ne se négocie pas elle se combat, c’est Krazucki qui a dit ça !» ajoute le secrétaire générale de la CGT. Du côté de la CFDT, il y avait une crainte : « on prenait le risque que le directeur général applique sa réforme telle qu’il l’avait proposée ; pour nous, ce n’était pas possible» confiait Danielle Mezzarobba à l’AFP. Alors que le taux de grévistes, de 34% lors de la première mobilisation en mai, est retombé à 8,66% en septembre, Marise Dantin ne perd pas espoir : « Nous combattrons la régression sociale le 17 novembre ! » Inès Navarro


POLITIQUE

L’industrie du Bois français entre mauvaise gestion et incohérences Le 5 novembre aura lieu à Paris le colloque « Filière forêt-bois et changement climatique : investir pour l’avenir ». L’enjeu est à la fois environnemental à l’approche de la COP21, mais aussi économique notamment pour les TPE PME du BTP qui travaillent le bois.

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5 jours avant la COP21, Emmanuel Macron se déplacera le 5 novembre au CESE (Conseil Économique Social et Environnemental) à l’occasion du colloque « Filière forêt-bois et changement climatique : investir pour l’avenir ». La filière forêt-bois française est responsable de 20% des émissions de CO2 au niveau national. Un rapport du Sénat publié le 8 avril 2015 critique également le secteur. Ce dernier a été rédigé après une enquête menée par la Cour des comptes à la fin de l’année 2013. Lors de la publication de ce rapport, plusieurs sénateurs dont l’un des rapporteurs, Alain Houpert (LR), avaient déclaré que le modèle économique de la filière bois française était celui « d’un pays en voie de développement avec de graves déséquilibres ». Ces derniers sont notamment liés aux exportations de bois bruts et à l’importation de bois transformé (essentiellement des pays scandinaves). Près de la moitié du bois consacré au secteur du BTP, issu des forêts éco-gérées françaises (label PEFC), est exporté. Autre point soulevé par le rapport : « l’incohérence des subventions » accordées aux différents acteurs de la filière. Au total, l’aide est estimée à 910 millions d’euros. Le tiers de cette somme est alloué aux bois de chauffage. Au contraire, on se plaint de la faiblesse des subventions accordés dans la production du bois de construction, d’où le fort taux d’exportation. Le rapport estime quant à lui que ce secteur est « le principal débouché en France ».

Des entreprises plus responsables

Parmi ses membres, MarieChristine Constant, présidente de la chambre bois de la FFB dans les Hautes-Alpes. Cette cinquantenaire est aussi à la tête d’une SCOP (société coopérative Ouvrière de Production*) spécialisée dans les travaux de charpentes. En 2013, elle entreprend les démarches pour obtenir le label « Lucie », qu’elle obtiendra en 2014. Cette certification donne les lignes directrices en matière Emmanuel Macron s’est déjà rendu au de responsabilité sociétale des palais Iéna pour le salon Planète PME. entreprises. « Cela ressemblait à notre philosophie. L’ensemble des Chorges a trouvé le moyen de salariés a accepté la démarche. Les contourner le problème du coût liens se sont resserrés entre nous ». du bois français. La société est elle aussi spécialisée dans les travaux de Elle s’est donc engagée, entres charpentes. autres, au niveau environnemental. En début d’année dernière, Giselle Par exemple la PME n’utilise que Gielly, la « patronne », choisit du bois issu des forêts éco-gérées d’utiliser un nouveau type d’isolant provenant des alentours. « J’ai aussi : le riz. choisi de lancer les démarches pour Plus précisément la cosse de riz. obtenir le Label Bois des Alpes » « Après trois ans de réflexion et déclare la dirigeante. de tests, nous avons commencé à Au-delà de l’aspect appliquer cette solution l’année environnemental, l’enjeu est dernière. La première maison a économique pour la société. été construite en janvier 2014 « Désormais, les clients », explique la dirigeante. Une particuliers sont très regardants première en France, bien que le sur la provenance des bois et la produit soit déjà utilisé en Corée du performance énergétique de leurs Sud. habitations. Ainsi, de plus en plus En outre, la cosse de riz présente de donneurs d’ordres exigent toutes les qualités des isolants uniquement du bois français ». présents sur le marché, et ce, à l’état Le bois de construction français brut. Pas de transformation donc, arborant le label PEFC représente l’entreprise se fournit à trois heures donc un coût pour les TPE et de route de ses locaux, à AiguesPME de constructions telles que Mortes en Camargue. Autre atout SB charpentes. Cette contrainte considérable : le prix. « La cosse « s’ajoute aux conséquences de la de riz est quatre fois moins chère crise sur le secteur » selon Marie- que la laine de verre », illustre Christine Constant. la chef d’entreprise. Elle peut donc réinjecter cette somme dans Autre engagement, plus l’obtention de bois de construction anecdotique celui-ci, l’entreprise français. L’innovation a permis à haute-alpine promet à ses clients l’entreprise d’augmenter son chiffre particuliers de planter un arbre pour d’affaires de 20%. « Un brevet chaque chantier signé. La boucle national est en cours d’obtention », est bouclée. affirme Giselle Gielly, qui se rendra L’innovation comme solution elle aussi à Paris le 5 novembre.

Pour représenter la filière construction, la branche bois de la FFB (fédération française du Toujours dans les Hautes-Alpes, bâtiment) se rendra au colloque du 5 l’entreprise Bonnefont, basée à Fayçal Labadi novembre. *Une SCOP est une société dans laquelle tous les salariés possèdent une part du capital. Le/les dirigeants sont élus en assemblées générales et les décisions sont également prise par l’ensemble des salariés.

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DOSSIER

Edward Snowden, point de discorde transatlantique Considéré comme un traître par les Etats-Unis, Edward Snowden cristallise les tensions des deux côtés de l’Atlantique. Depuis 2013 et ses révélations sur des programmes de surveillance de masse américains et britanniques, l’ex-employé de la National Security Agency (NSA) embarrasse les pays occidentaux et leurs principes démocratiques.

Edward Snowden, ex-analyste de la NSA

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rotéger Edward Snowden ou faire la sourde oreille ? Tel est le dilemme auquel sont confrontés les Etats-membres de l’Union européenne depuis deux ans. Sur le fond, une grande majorité des pays européens s’est accordée pour saluer le travail au service des libertés individuelles réalisé par le lanceur d’alerte américain. Mais derrière cette union de façade, la forme n’a jamais concrétisé le fond. Réfugié à Moscou depuis 2013, Edward Snowden dérange : il est

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davantage, pour les gouvernements européens, un poids à porter plutôt qu’un défenseur des libertés à sauver.

Le soutien (sans engagement) de l’Europe à Snowden Pourtant, le Parlement européen a créé la surprise la semaine passée. Par 285 voix contre 281, les députés ont décidé d’appeler les Etats-membres à « abandonner toute poursuite contre Edward Snowden, à lui offrir

une protection et à empêcher, en conséquence, son extradition ou sa restitution par une tierce partie, en signe de reconnaissance de son statut de lanceur d’alerte et de défenseur international des droits de l’Homme ». Un vote salué par l’ex-analyste de la NSA sur son compte Twitter. « Ce n’est pas un coup porté au gouvernement américain mais une main tendue par des amis. C’est une opportunité pour aller de l’avant », a-t-il réagi. Malgré la pression constante des


DOSSIER Etats-Unis, l’Union européenne a donc souhaité réaffirmer son statut de défenseur des droits de l’Homme. Toutefois, la résolution adoptée par le Parlement européen n’engage que moralement les Etats-membres. Une manière de soutenir Edward Snowden sans aller jusqu’à une crise diplomatique avec la Maison Blanche. « La résolution votée par le Parlement est symbolique, dans la mesure où elle n’a aucune valeur juridique », rappelle Olivier Tesquet, reporter médias et web à Télérama. Dans ce contexte, voir débarquer l’ancien employé de la NSA sur le territoire de l’Union européenne relève bien plus du fantasme que de la réalité. Depuis le 6 juin 2013, date des premières révélations sur la surveillance de masse réalisée par les autorités américaines et britanniques, Edward Snowden est contraint à l’exil. En raison de la publication d’informations sensibles sur la captation des métadonnées des appels téléphoniques aux Etats-Unis et les systèmes d’écoute sur le web des programmes de surveillance (PRISM, Bullrun, XKeyscore et Boundless Informant), le gouvernement américain a inculpé l’informaticien le 22 juin de la même année, sous les chefs d’accusation « d’espionnage, vol et utilisation illégale de biens gouvernementaux ». Malgré les promesses de la justice américaine pour garantir la tenue d’un procès équitable, Edward Snowden a toujours refusé de revenir dans son pays d’origine. Après une escale à Hong Kong, où il se trouvait au moment des premières révélations, il a fini par s’établir en Russie sans vraiment le vouloir. En effet, la révocation de son passeport par les autorités américaines l’a empêché de rejoindre l’Equateur, sa destination finale. Le 31 juillet 2013, les autorités russes lui ont accordé un asile temporaire d’un

an. Une décision qui a provoqué de vives tensions entre Barack Obama et Vladimir Poutine. Et pour cause, la Russie ne dispose d’aucun accord d’extradition avec les Etats-Unis. Le 1er août 2014, Edward Snowden s’est même vu octroyer un droit de résidence sur le sol russe valable pendant trois années. De quoi donner un peu de sérénité au whistleblower (NDLR : ex-employé d’une entreprise ou d’une agence gouvernementale qui signale une mauvaise conduite à une autorité susceptible de mettre fin à cette mauvaise conduite) et une bonne dose de frustration au gouvernement américain. Un retour de l’ex-analyste de la NSA sur le sol américain, bien que compromis, est, cependant, toujours possible. C’est d’ailleurs son souhait à long terme. Un accord avait même été évoqué entre l’administration américaine et l’informaticien l’an passé, avant de tomber rapidement à l’eau. A défaut de revenir aux EtatsUnis, Edward Snowden peut-il espérer trouver l’asile dans un pays européen dans les mois à venir ? Cela semble très peu probable aux yeux d’Olivier Tesquet : « Dès les premières semaines de l’affaire Snowden, on a pu voir plusieurs pays européens refuser de l’accueillir. » Au total, ce ne sont pas moins de 21 pays européens, dont la France, qui ont refusé d’accorder l’asile à l’ancien consultant de la NSA depuis l’apparition du scandale, il y a deux ans. Le 2 juillet 2013, la France, le Portugal, l’Espagne et l’Italie ont même fermé leur espace aérien pendant quelques heures. Des rumeurs, finalement démenties, évoquaient la présence d’Edward Snowden à bord de l’avion d’Evo Morales, le président de la Bolivie. Un blocage qui s’explique par l’influence de la Maison Blanche, selon Olivier Tesquet : « Outre les accords d’extradition qui existent entre plusieurs pays européens et

les Etats-Unis, outre également la pression diplomatique que peut faire peser Washington, il ne faut pas oublier que les pays européens, la France en tête, dépendent beaucoup des services de renseignement américains -et notamment de la NSApour obtenir des informations. Dans ces conditions, il est extrêmement difficile de prendre le risque de couper le robinet. » La collecte excessive de données contre la protection des libertés fondamentales des citoyens : telle est l’équation quasi-insoluble à laquelle est confrontée l’Union européenne.

Les Etats à l’épreuve du traitement des données collectées Le contexte antiterroriste n’incite pas à l’optimisme sur le respect des libertés individuelles. Après le 11-Septembre, les Etats-Unis ont adopté le Patriot Act, dans le but de donner de nouveaux outils aux services de renseignement pour mieux déceler la menace terroriste. Bis repetita cette année en France après les attentats de janvier dernier, à la rédaction de Charlie Hebdo et à l’Hyper Cacher de la Porte de Vincennes. A l’image des Américains, les Français ont voulu donner une légitimité inédite aux services secrets avec la loi Renseignement du 24 juillet 2015, un texte visant à officialiser les méthodes d’espionnage et de renseignement. Mais au nom de la protection des citoyens, la France et les EtatsUnis ont surtout porté atteinte aux libertés et aux droits des individus. Une attitude qui s’inscrit dans une volonté de contrôle total affichée par les Etats selon Eric Delcroix, spécialiste du web 2.0 et de la communication digitale. « Internet leur fait peur car ils n’ont pas la mainmise dessus. Les Etats essaient donc de maîtriser la toile. Mais il y a une différence entre avoir l’information et savoir

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DOSSIER la traiter », concède-t-il. Une différence d’autant plus grande que les Etats ne sont pas les plus gros collecteurs de données, comme le rappelle Jean-Marc Manach, spécialiste d’Internet et des questions de surveillance et de vie privée. « Ce sont d’abord et avant tout des entreprises privées (régies publicitaires, entreprises de Big Data, etc.) qui collectent de plus en plus de données sur les citoyens, avec leur assentiment ou non. Certains Etats s’y mettent aussi, à l’instar des Five Eyes (NDLR : alliance des services de renseignement de l’Australie, du Canada, de la Nouvelle-Zélande, du Royaume-Uni et des EtatsUnis) ou de certains régimes plus ou moins totalitaires (NDLR : comme ce fut le cas avec la Libye de Kadhafi qui avait acheté des technologies de surveillance à la société française Amesys) », explique-t-il. Dans l’imaginaire collectif, la perception des données qui nous entoure est, la plupart du temps, erronée. En effet, les données privées sont très souvent assimilées à ce qui se trouve sur le disque dur, à savoir la musique, les films, les photos, etc. Pourtant, la violation de l’espace privé est excessivement active sur les réseaux sociaux. Sur Facebook, la plateforme sociale la plus utilisée dans le monde, les internautes contribuent euxmêmes à la collecte de leurs propres données. Un paradoxe dans une société qui revendique le respect de la vie privée alors qu’elle vit constamment dans le paraître par le biais des réseaux sociaux. Sur ces derniers, ce sont les utilisateurs qui choisissent de mettre des informations en ligne. « Quand on publie ou partage quelque chose sur un réseau social, ladite chose est ‘’sociale’’, voire ‘’publique’’, et donc susceptible d’être lue, et, par conséquent, surveillée. On ne saurait reprocher à Facebook, à la NSA et aux autres de ‘’lire’’, et donc de ‘’surveiller’’,

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Le Parlement européen, théâtre du vote de la résolution en faveur de la protection d’Edward Snowden, la semaine dernière à Strasbourg.

ce que les gens partagent », fait d’ailleurs remarquer Jean-Marc Manach. Pour la plupart des citoyens, s’il n’y a pas de délit ou d’utilisation abusive des données les concernant, ce n’est pas « grave ». Une erreur de jugement amplifiée par un verrouillage des informations publiées sur les réseaux sociaux loin d’être hermétique. Et pour cause, il y a « une méconnaissance des paramètres de confidentialité », note Eric Delcroix. Une méconnaissance qui conduit les grandes entreprises (Google, Apple, Facebook, Amazon ou encore Microsoft) à récupérer les données des utilisateurs pour lancer des publicités très ciblées. Dans un but commercial, des études sur les personnalités des individus peuvent même être réalisées par les réseaux sociaux. « Cela peut aussi servir au FBI, à la CIA ou à d’autres agences nationales de sécurité », précise Eric Delcroix. En dehors des Etats, Facebook est constamment pointé du doigt pour sa conception de l’espace privé de ses utilisateurs. C’est pourtant l’une des plateformes sociales les plus « transparentes ». Preuve en

est, le réseau social créé par Mark Zuckerberg met régulièrement à jour ses conditions d’utilisation. Des modalités accessibles à tous à l’inverse d’autres plateformes. Pendant de nombreuses années, Google, site web le plus visité au monde, est resté opaque sur sa politique de confidentialité. « Au début des années 2000, Google était le diable. C’était la crainte du moment », confie Eric Delcroix. Avant d’ajouter : « Il y a une mise en balance entre les avantages et les inconvénients de l’outil. » Aujourd’hui, les temps ont changé. Google a été massivement adopté par les internautes et l’entreprise américaine communique désormais sur sa manière de collecter les données confidentielles de ses utilisateurs. Derrière la collecte mondiale des données, il y a une différence de taille à faire entre le traitement des informations qui est effectué par les Etats et celui réalisé par le secteur privé. « La majeure partie des données ‘’collectées’’ par les services de renseignement des Etats n’entraîne pas de ‘’surveillance, ni d’espionnage’’, des personnes dont les données ont été collectées. Données qui sont, par ailleurs et pour la plupart,


DOSSIER écrasées ou mises de côté car nonpertinentes, contrairement à ce qui se passe dans le secteur privé, où les données, plus ou moins anonymes, sont analysées. Les services de renseignement cherchent à identifier les comportements suspects ; l’aiguille dans la botte de foin ; alors que les entreprises privées cherchent à profiler les consommateurs ; la botte de foin », détaille Jean-Marc Manach.

Julian Assange et Edward Snowden, même combat Réduit à l’isolement, Edward Snowden marche dans les pas de Julian Assange. Comme l’Américain, le fondateur de WikiLeaks, site web lanceur d’alerte, vit reclus à des milliers de kilomètres de son pays d’origine, l’Australie. Depuis juin 2012, le cyber-militant vit réfugié à l’ambassade d’Equateur, à Londres. Sous le coup d’une extradition demandée par la Suède, il s’est finalement vu accorder l’asile politique par les autorités équatoriennes. La justice suédoise a lancé un mandat d’arrêt international contre l’Australien en 2010 pour des accusations d’agression sexuelle. Des accusations qui sont étrangement intervenues peu de temps après la publication de plus de 90 000 documents confidentiels de l’armée américaine sur la guerre en Afghanistan. Sur WikiLeaks, il a également publié plus de 400 000 documents secrets relatifs aux modes opératoires de l’armée américaine en Irak, ce que n’a absolument pas apprécié le Pentagone. Englués dans une situation similaire, Julian Assange et Edward Snowden poursuivent, bien malgré eux, la même destinée. Pour autant, sont-ils condamnés à terminer respectivement leurs jours en Angleterre et en Russie ? L’équation est encore trop complexe à l’heure actuelle pour

délivrer une réponse définitive. « Snowden et Assange sont pris au piège de rapports de force qui les dépassent, et la situation ne pourra se décanter que très lentement. Il n’est d’ailleurs pas à exclure que la Russie ‘’lâche’’ Snowden si elle estime qu’il n’est plus un ‘’asset’’ (NDLR : un atout) contre les Américains », lance Olivier Tesquet. Malgré le sort difficile réservé aux lanceurs d’alerte, Jean-Marc Manach se montre confiant quant à leur pérennité pour continuer de dévoiler des documents confidentiels sur les méthodes employées par les services de renseignements occidentaux. « Il y a bien plus de lanceurs d’alerte issus de la finance, et plus particulièrement de banques, que de lanceurs d’alerte issus des services de renseignement », note-t-il. Avant de poursuivre : « On a jamais vu autant de lanceurs d’alerte que ces dernières années, je suis donc plutôt optimiste à moyen, voire à long terme, il y en aura probablement d’autres. Mais force est de constater qu’ils prennent des risques et ne sont pas encore assez aidés, soutenus et protégés. » Une analyse qui entre en adéquation avec celle d’Olivier Tesquet. « Souvenons-nous de la devise de WikiLeaks : ‘’Courage

is contagious.’’ Les dernières révélations de The Intercept (NDLR : magazine en ligne qui révèle des documents sur la NSA) sur le programme américain de drones ont montré qu’il y avait un autre whistleblower dans la nature. Et un peu partout dans le monde, les législateurs essaient de construire de nouvelles protections pour les whistleblowers. Ça reste évidemment un combat solitaire, mais je pense que d’autres Snowden -même à une échelle moindre- continueront de jeter la lumière sur les rouages secrets de nos démocraties », explique le reporter médias et net de Télérama. Depuis les révélations d’Edward Snowden, de nombreux services fleurissent sur les supports numériques pour protéger les communications entre individus. Parmi eux, l’application Signal s’apprête à débarquer sur Android. Le logiciel, vivement recommandé par l’informaticien américain, regroupe deux applications en une seule, TextSecure pour les messages et RedPhone pour les appels cryptés. Une étape de plus vers la démocratisation de la sécurité des communications, cheval de bataille du meilleur ennemi des Etats-Unis. Maxence Fabrion

Facebook, réseau social le plus utilisé dans le monde, est régulièrement dans le viseur des autorités pour sa vision abusive de la vie privée.

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ENQUÊTE

Des Éco-constructions ? Oui, mais pas pour tous Des éco-constructions ont été mis à disposition dans le quartier de la Vigne blanche au Mureaux (Yvelines, 78). Ce sont des logements sociaux modernes qui ont pour but de préserver l’environnement et de penser au confort des locataires. Problème : trop chers, ces logements sociaux ne le sont pas vraiment...

Mureaux - ZAC du Roplat (Musiciens, Vigne-Blanche, Plateau de Bècheville, Les Bougimonts)

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’objectif premier de ces Eco-construction pour la COP21 est de lutter contre le changement climatique et d’améliorer le confort et la santé de la population. Ces logements sociaux ont évidemment une qualité environnementale supérieure à celle des anciens HLM détruits à cet endroit. Une consommation énergétique plus faible et une réduction d’émission de gaz à effet de serre. Une bonne initiative qui n’est malheureusement pas profitable à tout le monde. Le coût de ces habitats à architecture innovatrice, est

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forcément conséquent. Au Mureaux les agencements sont faits à partir de briques et de bois contreventés. Elles disposent également d’une isolation renforcée par l’intérieur, de noues et de bassins de rétention. Le surcoût de construction est bien évidemment plus élevé qu’un logement social traditionnel. Néanmoins, sur du long terme, les constructions durables sont profitables à celles qui peuvent se le permettre. Ce n’est pas le cas pour tout le monde. Les anciens locataires des blocs d’HLM détruits ne peuvent pas habiter dans ces résidences

dites pour eux « de luxes ». La raison ? Un loyer onéreux pour un logement social. Les tarifs ont augmenté suite à cette grande rénovation moderne. Avoir un tel cadre fait forcément augmenter le prix des résidences. Ils se retrouvent donc à habiter soit dans une autre ville, soit à des centaines de mètres dans d’autres grandes tours qui elles, vont être détruites dans les années qui viennent. Ces briques sont en très mauvais états et ne sont ni rénovées ni prises en charge pour l’instant. L’insécurité et la détresse se sentent et les habitats sont à débordement. En revanche, dans un des nouveaux immeubles on compte à peu près,


ENQUÊTE trois locataires qui y habitent. Une situation surprenante et alarmante.

Une spirale infernale Les locataires qui vivaient dans les anciennes tours d’HLM « payaient environ 600 euros pour le même type de logement » selon une résidente. La surface est bien évidemment plus grande, elle explique une légère hausse des prix mais... Le loyer est de 750 euros par mois, voire 800 euros charges comprises. Pour la location de ces logements sociaux, il faut passer par l’agence OSICA, qui d’après leur plaquette « soutient les personnes les plus fragiles et les aide à trouver un logement et à s’y maintenir. » Elle propose également des solutions, « dans le cadre de la Loi Molle, les équipes de proximité d’OSICA réalisent des entretiens de mobilité et proposent régulièrement des relogements adaptés. » Pour du HLM, le prix de l’hébergement est très élevé. « Ce n’est pas donné, il faut avoir les moyens » confie un autre résident. Parmi ces nouveaux locataires, il n’y a presque personne qui vivait dans ce quartier. Ces rénovations font face aux émeutes dans ces dernières années, afin d’éloigner la délinquance et offrir une vie plus saine aux habitants de ce quartier des Mureaux. Ces écoconstructions dans le quartier de la « vigne blanche » sont sécuritaires grâce à la mise en place de barrières électriques, des espaces verts sont aussi présents mais beaucoup d’appartements restent malheureusement vides. « Etonnement », l’éco-quartier neuf n’est malheureusement pas profitable à tous. A 200 mètres, on retrouve le quartier des Musiciens, qui lui, n’a pas encore été rénové. Aujourd’hui, plusieurs politiciens, mais aussi certains habitants, parlent d’apartheid.

Manuel Valls réunit lundi un comité interministériel dans la ville des Mureaux (Yvelines). Ainsi, ils ont pu voir la rénovation du quartier

Ils se sentent rejetés. L’aide est présente mais pas à la hauteur des besoins des Muriautins. Pourquoi ces rénovations ne profitent pas à tous ? Manuel Vals, premier ministre donne comme réponse « qu’elles profitent aux habitants, mais en même temps, il faut une mixité social » une réponse venant du petit journal. Une réponse qui ne répond pas à la question. En plus des rénovations de l’habitat, sur le plan social, de nouveaux dispositifs tels que des infrastructures ont été mises en place, la gendarmerie a été rénovée, des emplacements sportifs et éducatifs également. Un changement total. Les logements sociaux sont agréés par l’Etat et financés avec des fonds publics, ces derniers sont attribués aux personnes ayant des ressources annuelles ne dépassant pas un plafond maximum. Aujourd’hui la politique de l’état est de renouer avec les « quartiers populaires », sauf qu’elle n’est pas appréciable à tous. Manuel Valls s’est rendue justement dans cette résidence de logements sociaux au Mureaux. Patrick Kanner, ministre de la ville, de la jeunesse et des sports, annonce qu’il était au Mureaux au côté de Manuel Valls et de 16 membres du gouvernement pour

le 2ème Comité interministériel Citoyenneté et Egalité. Il annonce que « Chacune est composée de mesures importantes, dont certaines très emblématiques, comme les caméras piétons pour les services de police et gendarmerie ou les mesures de lutte contre la radicalisation. L’éducation, la culture et les mesures sociales ne sont pas oubliées » au Mureaux. Quelques semaines avant la COP21, la France met les bouchées doubles en terme de dispositifs pour les espaces verts. La France est en retard en terme d’éco-ville. Seulement quelques petites agglomérations telles que Châteaurenard et Claye-Souilly ont eu la chance d’avoir des éco-quartiers profitables qui fonctionnent. La France devra se « confronter » dès le 7 décembre face à des ministres des 195 pays attendus au Bourget. La notion de ville verte et intelligente est à la bouche de tout le monde pour la COP 21 le 30 novembre. Même si en France certaines éco-constructions ont remplacé plusieurs HLM après avoir été détruits. Cette réhabilitation n’est malheureusement pas profitable à tous. Une situation d’urgence qui dure depuis plusieurs années. Sheherazade Hamidi

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CHRONIQUE

« J’ai tout perdu, mes enfants… je n’ai plus de femme ! » Lundi dernier un homme d’une quarantaine d’années a été jugé au tribunal de Grande instance de Bobigny pour maltraitance à l’encontre de sa femme et ses trois enfants.

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Salle des pas perdus du TGI de Bobigny

l est 14h20, le deuxième procès de la 17ème chambre correctionnelle commence. La salle est comble, les avocats sont installés. La sonnette tinte, tout le monde se lève, la cour s’installe. La présidente déclare l’audience ouverte. Un homme de 45 ans est jugé pour des faits de violence familiale. Yacine Boudaya est gérant d’une petite entreprise de transport, cinq salariés sont à sa charge. Il vit avec sa femme et ses trois enfants dans un cossu pavillon situé en région parisienne. Hormis son frère, sa famille n’est pas présente au procès. Sa femme a annoncé : « Je ne peux pas venir, j’ai peur de sortir, je dois protéger mes enfants. Depuis cette plainte, ma belle-famille ne cesse de me menacer. » Le vendredi 30 octobre 2015, il est accusé d’avoir frappé son fils de 13 ans R.B. Lorsque sa compagne a voulu s’interposer, il lui a jeté un verre à la tête. De plus, il a

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délibérément mit en danger la vie de son fils de 3 ans en le posant en haut des escaliers. L’accusé, un grand brun au visage dur, bien habillé, écoute sans rien laisser paraître. Il a tout nié lors de son audition et parlé de « machination ». Après l’énoncé des faits, il affirme que ses enfants ont « raison sur toute la ligne » et qu’il a « peur des conséquences ». La juge se tourne vers lui et lui demande s’il avait déjà été violent avec ses enfants. D’un air narquois, il répond : « Non, à part des petites fessées et quelques gros mots ». La juge, non convaincue par cette réponse abstraite, insiste et répète la question plusieurs fois. Le suspect déclare devant elle que les mots prononcés envers ses enfants sont beaucoup trop vulgaires pour être cités devant vous. Celle-ci demande des précisions, Yacine refuse, la présidente décide d’énoncer les déclarations de ses enfants recueillis lors de la première audition. R.B, 13 ans dit

« Mon père m’insulte tous les jours, il m’a menacé de m’emmener dans la forêt pour me taper ». La grande sœur 14 ans déclare également : « Il nous maltraite, il tape mon frère comme s’il tapait un homme de son âge dans la rue, il lui donne des coups d’homme ». Les enfants sont battus depuis l’âge de 6 et 9 ans. La présidente s’adresse à lui : « Parle-t-on toujours de fessées ? ». Le suspect semble s’embrouiller sur sa propre ligne de défense : « J’ai une explication, le petit fait de la boxe. Il pense que ce sont des coups d’homme, il exagère peut-être ». La tension monte dans la salle, la présence du frère du suspect est trop envahissante, l’avocat lui demande de se retirer. La présidente hausse le ton. Le rapport du médecin est alarmant, R.B souffre d’un traumatisme crânien et facial, il présente également des hématomes au niveau du genou. Il a été arrêté 10 jours, 4 jours après


CHRONIQUE réévaluation. Les voisins ont vu le suspect faire un croche pied à son fils de 3 ans avant de l’attraper par le cou. Yacine.B déclare « Non, il a trébuché sur mes pieds ». Les enfants font également part du comportement de leur père envers leur mère lorsqu’elle était enceinte : « Il foutait des balayettes à notre mère alors qu’elle attendait Noam. Il l’a tapait, maintenant, il lui jette des objets ». La juge reprend : « Il y a quelques minutes, vous avez reconnu les faits et maintenant, vous minimisez. Reconnaissez-vous les faits ? ». L’accusé finit par reconnaître.

« Je ne veux pas que mes enfants me détestent ...» Au fur et à mesure du procès, les réactions du public ne cessent de se faire sentir. Il est également question de négligence. En effet, le pavillon de la famille est grand et il n y a pas de chauffage à l’étage,

Crédit dessin : Raphaël Licoine-Mercy

lieu où les chambres des enfants se trouvent. Les enfants ont demandé du chauffage mais le père a toujours dit à ses enfants : « C’est moi qui paye, il n’y aura pas de chauffage ». C’est la consternation dans la salle. L’accusé nie les faits et fait part de son enfance difficile, rythmée par les violences de son père. L’avocat de la défense prend la parole et revient sur le fait que son client est conscient des choses et qu’il regrette l’ensemble des faits. Il a de son plein gré fait appel à une aide psychologique. L’expertise psychiatrique révèle que Yacine. B présente un comportement mégalomaniaque, narcissique voire pervers narcissique. L’avocat affirme également avoir entendu la conversation de son client avec son frère, il n’était aucunement question de menaces. La présidente recadre l’avocat et lui dit qu’il ne peut témoigner ! L’accusé termine en disant qu’il est « impulsif », que

«c’est un problème » : « Je ne veux pas que mes enfants me détestent comme je déteste mon père. J’ai tout perdu, je m’éloignerais s’il le faut, je vais tout faire pour changer ». Le procureur demande une peine à la hauteur du préjudice subi par la famille et salue la présidente qui a bien retranscrit la douleur des victimes. La présidente suspend le procès, la cour va délibérer. Quelques minutes plus tard, la sonnette retentit, le frère de l’accusé entre de nouveau dans la salle. Yacine. B est reconnu coupable pour l’ensemble des faits qu’ils lui sont reprochés, la peine est de 2 ans de prison dont 18 mois avec sursis. Celle-ci s’accompagne d’une mesure d’éloignement et d’un rejet de la demande de non inscription au casier judiciaire. Le frère du condamné s’en va de ce pas, le visage fermé. Tassadite Galleze

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ACTUALITÉS

Harcèlement scolaire : votre enfant en est peut-être victime Le 5 novembre se tiendra une journée de mobilisation nationale contre le harcèlement scolaire. Il touche plus de 700 000 élèves en France chaque année. A cette occasion la ministre de l’Education, Najat Vallaud-Belkacem présentera la nouvelle campagne de sensibilisation de son ministère, jusqu’ici impuissant en la matière. Explications.

«

Insultée chaque jour, parfois menacée de mort, humiliée sur les réseaux sociaux…» tels sont les mots de Nora Fraisse, pour décrire le calvaire vécu par sa fille avant de se suicider alors qu’elle n’avait que treize ans. Comme plusieurs de ses pairs, Marion a été victime de harcèlement scolaire. Ce mal touche chaque année quelques 700 000 élèves, principalement au collège. Pour répondre à la médiatisation grandissante de ce phénomène, la ministre de l’éducation, Najat Vallaud-Belkacem a décidé d’en faire une de ses priorités. Au début du mois d’octobre, une campagne a été lancée : des plans de prévention à destination des établissements, un nouveau site web (nonauharcelement. education.gouv.fr), un numéro vert (le 3020) ainsi qu’une journée nationale de mobilisation (le jeudi suivant la Toussaint) ont été mis en place. A cette occasion, Najat

Vallaud-Belkacem présentera le 5 novembre le prix « Non au harcèlement » 2016. Celui-ci fait appel à la créativité des élèves du CE2 à la terminale, ces derniers doivent réfléchir sur le thème du harcèlement par le biais d’une affiche ou d’une vidéo.

La France encore en retard En Europe, les pays scandinaves enregistrent les taux les plus faibles en matière de harcèlement scolaire, et pour cause, ils réfléchissent à cette problématique depuis les années soixante-dix. La première ‘vraie’ campagne a été lancée en Norvège en 1983. L’Angleterre distribue quant à elle un « pack anti-bullying » dans les écoles depuis 1994. En Australie, des brigades d’élèves anti-harcèlement agissent depuis les années quatrevingt-dix. La France pour sa part, s’est souciée de ce problème en… 2010. C’est Luc Chatel, alors

Najat Vallaud Belkacem à l’initiative d’une nouvelle campagne de sensibillisation

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ministre de l’Education Nationale, qui a adressé à l’Observatoire International de la Violence à l’Ecole sa volonté de « mettre en place une politique de lutte contre le harcèlement scolaire, caractérisée non seulement par l’usage de la violence physique mais également de moqueries et autres humiliations de certains élèves sur d’autres ». Il s’agissait de créer « une politique spécifique et ambitieuse ». Eric Debarbieux, président du Comité scientifique de la délégation ministérielle en charge de la prévention et de la lutte contre les violences en milieu scolaire, a réalisé à la demande de Luc Chatel une étude qui est parue en avril 2011. Reconduite en 2014, les chiffres n’ont pas changés « Depuis le début des années quatre-vingtdix, les taux sont sensiblement les mêmes. Il faut être vraiment clair là-dessus, le harcèlement scolaire n’augmente pas. Les cas sont simplement davantage médiatisés ». En 2014, 700 600 élèves français ont subi du harcèlement scolaire. A l’école primaire et au collège, 11% des élèves en sont victime, et 5% de manière sévère. « Il faut bien comprendre que le harcèlement n’englobe pas les bagarres, les petites disputes et autres insultes ponctuelles. Il s’agit d’une violence répétée, verbale, physique ou psychologique, à l’encontre d’une victime qui est en position de faiblesse ». Ce genre de harcèlement peut avoir de lourdes conséquences psychologiques sur l’enfant. Selon Chantal Pichet, pédopsychiatre, c’est dû à


ACTUALITÉS l’inscription dans le long terme de l’agression exercée « Un enfant qui est victime de harcèlement subit une pression constante, parfois journalière. La plupart du temps il a moins de quinze ans et est donc peu armé pour prendre du recul par rapport à la situation, ce qui peut conduire à des catastrophes. » En effet, chaque année quatre ou cinq élèves se suicident à cause de ce fléau.

Dans la cour Par réflexe, les harceleurs sont souvent diabolisés. Pourtant, selon Martine Savari, infirmière en collège et membre de l’Association Française de Promotion de la Santé dans l’Environnement Scolaire et Universitaire, il faut garder à l’esprit qu’ils sont très jeunes. « Les harceleurs ne se rendent pas forcément compte du mal qu’ils font, souvent c’est simplement pour faire les malins devant les copains. D’ailleurs quand un drame se produit, ils éprouvent généralement un énorme sentiment de culpabilité ». En France, l’époque des uniformes est révolue depuis 1968, aussi les différences sociales dans la cour sont davantage visibles. Dans une société où l’apparence prime, les petits, les gros, les roux sont trop souvent moqués. Pire encore, le premier de la classe est systématiquement pris pour cible. Pour Martine Savari, le travail sur le terrain est obligatoire. Pour déceler qu’un enfant subit du harcèlement il faut parfois faire preuve de psychologie : « Quand ces gamins viennent me voir, il me disent qu’ils ont mal au ventre, ou qu’ils se sentent fatigués. Il faut creuser un peu pour qu’ils parlent, car très souvent ils ont honte. La première chose à faire est ensuite de renforcer leur confiance en soi ». Lorsqu’on lui parle de la grande campagne lancée par la ministre de l’Education nationale, l’infirmière reste sceptique : « il

y a un numéro vert, des affiches à l’infirmerie mais franchement je ne vois pas les élèves prendre le téléphone pour en parler. Ils ont besoin d’être en confiance, avec des gens qu’ils connaissent, pas de tomber sur un inconnu ». Le travail entre l’infirmière, les professeurs et le CPE est alors primordial dans les établissements. Ces trois corps de métier peuvent repérer ensemble des passages à l’infirmerie répétés, l’absentéisme, la baisse des notes… Autant de signes qui peuvent être révélateurs d’un élève victime de harcèlement. « Mais tout cela ne fonctionne que si l’on connaît bien ses élèves, qu’il y a un suivi et surtout quand le harcèlement se produit dans le cadre scolaire ».

Cyberharcèlement Le piratage de compte, l’usurpation d’identité, , le hacking… Plusieurs formes d’attaques sévissent désormais en ligne et le harcèlement des élèves n’est pas épargné. « Les harceleurs opèrent souvent en bande sur le net, ils se mettent à poster ou à commenter sur facebook, youtube, instagram… On assiste alors à une véritable humiliation d’un individu. La violence est décuplée sur internet car ces gamins ont encore moins conscience de leurs actes » affirme Dominique Delorme, responsable chez E-enfance, une association affiliée au ministère de l’Education qui lutte contre le harcèlement sur internet. Le code pénal prévoit automatiquement des peines aggravées pour les délits commis sur le net, cela s’applique évidemment à ce domaine. Le ministère de l’Education a mis en place un numéro dédié au cyberharcèlement (le 0800200000), c’est Dominique Delorme et son équipe qui décrochent le téléphone. « Ce sont principalement les parents et les enseignants qui nous appellent. On se rend sur le média concerné et on fait retirer

capture d’écran de la campagne de sensibilisation contre le harcèlement scolaire

les éléments humiliants, dans la mesure du possible. On conseille ensuite de garder des preuves, de faire des captures d’écran. Puis on donne les différentes procédures : aller voir le chef d’établissement ou carrément la police, si le cas est très difficile il faut prendre un avocat. En fonction de la gravité des dégâts, on conseille également d’aller voir un médecin ou un psychiatre. » Cette ligne permet donc de trouver les bons interlocuteurs mais pas de résoudre directement le problème. L’association est également chargée par le ministère de l’éducation de sensibiliser les élèves et les professeurs. « Avec des jeunes qui font leur service civique, on se rend dans les établissement pour faire de la prévention ». Entièrement financée par des subventions d’Etat, E-enfance respecte à la lettre le plan de Najat Vallaud-Belkacem qui prévoit uniquement de la prévention. « Qu’est-ce que vous voulez faire d’autre ? » répond Dominique Delorme, agacé lorsqu’on lui fait remarquer. Dans le virtuel comme dans le réel, on peine en effet à trouver des solutions efficaces en matière de harcèlement scolaire. Le ministère de l’éducation nationale se révèle impuissant dans ce domaine. Dominique Delorme a son idée sur le sujet « ce ministère est mal nommé, il devrait s’agir de l’enseignement national et non de l’éducation qui elle, doit être faite par les parents ». Lisa Monin

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REPORTAGE

ALLEMAGNE : LA LUTTE CONTRE LA HAINE Avec la dernière vague de réfugiés, le mouvement islamophobe PEGIDA a repris un nouveau souffle en Allemagne. Dans une ambiance de plus en plus tendue, un grand nombre d’allemands se mobilisent pour lutter contre la haine et le racisme.

«

Manifestation PEGIDA octobre dernier à Dresde

Sales kanaks, il faut les brûler ou les noyer », ce sont des paroles que Katharina Pätzold n’aurait jamais cru entendre en 2015. « Parfois, je me crois dans les années 40, on dirait que les gens n’ont rien appris de notre Histoire », raconte la jeune étudiante, non pas sans une certaine tristesse dans ses yeux. Chaque matin, quand elle se rend à la gare de Hambourg, elle voit un nouveau groupe de réfugiés arriver. Elle les salue et ne peut pas s’empêcher de sourire quand elle voit les larmes de joie

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et le soulagement sur les visages marqués des migrants. Mais tout d’un coup, ses lèvres retombent, Katharina se rappelle ce qu’elle a vu aux infos la semaine dernière, dans les médias. Une nouvelle manifestation islamophobe a eu lieu à Dresde, dans l’est de l’Allemagne. Elle commence à regarder autour d’elle, et voit qu’elle est une des seules personnes à sourire. La plupart de gens ignorent les réfugiées. Ils passent leur chemin comme si de rien n’était. « Les gens à Hambourg ne sont pas aussi radicaux que dans l’est du pays, ils gardent

leur mépris pour eux, ils n’osent pas, explique Katharina. Et c’est tant mieux ! Au moins ils laissent les migrants tranquilles, ils ne les accueillent pas avec des pancartes pour les insulter. Néanmoins, on peut voir la peur dans leurs yeux. »

Nouveau souffle pour PEGIDA Peur des migrants « qui volent l’argent de l’état, le boulot et qui amènent des maladies, la violence et l’Islam dans notre pays ». Ce sont les paroles que l’on entend aussi lors des manifestations des


REPORTAGE « Européens patriotes contre l’islamisation de l’Occident » (PEGIDA). Le mouvement a pris un nouveau souffle avec la nouvelle vague de réfugiés et la politique de migration de la chancelière allemande, Angela Merkel. Heureusement, les manifestations restent concentrées dans l’est du pays où les radicaux sont plus nombreux. « Quelques rassemblements islamophobes ont eu lieu cette année, à Hambourg », raconte Kathrin Lorenc, jeune policière dans la ville. « Mais malgré leurs appels à tous les PEGIDA du pays, le nombre de participants reste restreint. Les mouvements anti islamophobes ici ne permettent pas aux radicaux de s’établir, contrairement à des villes comme Dresde. La solidarité pour les migrants est plus forte dans notre ville au point de tuer la haine dans l’œuf. » Malheureusement, ce n’est pas le cas partout en Allemagne. Il y a trois semaines seulement, plusieurs milliers de personnes se sont rassemblés à Dresde afin de protester contre la politique de migration d’Angela Merkel. Les manifestations dans cette ville sont loin d’être aussi calmes qu’à Hambourg. PEGIDA a fait face, comme à chaque fois, à une contre-manifestation, souhaitant la bienvenue aux migrants.

heureusement que nous sommes beaucoup plus à manifester contre PEGIDA et à accueillir les migrants chaleureusement. » « Il faut aller contre, ouvrir la bouche ! » (allemand : Dagegen halten, Mund aufmachen !). C’est le titre de la vidéo qui a fait le tour de l’Allemagne. Anja Reschke, journaliste sur la première chaine allemande ARD, a fait un appel public contre la haine. « Que se passerait-il si je disais maintenant et en public que j’aimerais que l’Allemagne accueille encore plus de migrants ? », demandet-elle dans cette vidéo. « Car ce n’est qu’un simple avis. Et j’ai le droit de l’exprimer. Mais ça ne se passerait pas comme cela. Kanaks, il faut les brûler » seraient les réponses. Alors qu’avant, ces propos étaient encore exprimés sous des pseudonymes sur internet, aujourd’hui les internautes publient avec leurs vrais noms. « C’est devenu une banalité et ils n’ont plus de honte. » Les réactions sur cette vidéo ont été immédiates et de toute sorte. De simples insultes, comme « sale pute », aux menaces lui conseillant de « bien fermer la porte pendant la nuit ». « Ce qui me fait peur aujourd’hui, c’est que les gens radicaux ne se cachent plus derrière un pseudonyme », raconte la journaliste. « Ils assument leurs propos radicaux, ils sont fiers de leurs paroles, qui, d’ailleurs ne

restent pas de simples paroles… » Après les paroles, les actes suivent. Rien qu’en 2015, plus de 500 foyers d’asile ont été incendiés en Allemagne, trois fois plus que l’année précédente. « C’est la raison pour laquelle il faut absolument se mobiliser » insiste Anja. Malgré tout, elle est loin de perdre espoir et reste confiante. « Deux tiers des commentaires sur ma vidéo ont été positifs. »

Un gouvernement débordé « Je pense que c’est au gouvernement de mieux communiquer. Il faut résorber ce sentiment de peur, il faut faire comprendre aux gens que les migrants ne sont pas une menace pour nous, au contraire ! », propose Katharina. C’est facilement dit, mais le gouvernement semble débordé par la situation. Les manifestants de PEGIDA ne veulent rien voir, ni entendre, à l’image des potences réservées à Angela Merkel et son vice-chancelier, Sigmar Gabriel lors d’une manifestation du mouvement. L’ambiance en Allemagne devient de plus en plus tendue, mais tant qu’il y aura des gens comme Katharina et comme Anja, les migrants verront toujours quelques sourires chaleureux en descendant du train. Lars-Eric Harder

« Dagegen halten, Mund aufmachen ! » La police a dû intervenir à plusieurs reprises à l’aide de canons à eau. « Nous n’allons pas rester à la maison à ne rien faire. C’est maintenant qu’il faut agir et lutter contrer la haine ! », réclame Soraya A. La jeune étudiante d’origine tunisienne doit faire face à de plus en plus d’insultes et regards méprisants au quotidien. « Mais je n’ai pas peur. A mon avis ce n’est qu’une phase, et Anja Reschke dans sa vidéo faisant un appel public pour lutter contre le racisme

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INTERNATIONAL

PRÉSIDENTIELLES CONGOLAISES : PETITE ÈRE DE DEJA-VU

le président congolais denis sassou nguesso accueilli à l’élysée par françois hollande en 2013

Le 25 octobre, le peuple congolais était appelé à répondre au référendum visant à changer sa Constitution. Les failles démocratiques et le passif du président Denis Sassou Nguesso ont laconiquement fait réagir François Hollande. Les raisons de cette timidité sont à chercher du côté de la Françafrique.

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a campagne aura été tendue, l’opposition accusant le président vieillissant, Denis Sassou Nguesso (72 ans) de ne chercher qu’à briguer un nouveau mandat, alors que la loi lui interdit. Peu avant le scrutin, François Hollande s’est contenté de reconnaître « le droit du président à consulter son peuple ». Léger, quand on connaît les défaillances démocratiques du Congo-Brazzaville. Mais logique, quand on saisit la sensibilité qu’entoure le droit d’ingérence sur la scène internationale, et l’histoire particulière de la Françafrique.

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Charles a dit... À la fin des années 50, le Général de Gaulle, droit dans ses bottes, dans sa tête et immortalisé par la petite lucarne, affirmait à propos des pays sous-développés : « Pourquoi leur donnerions-nous de l’aide, si ça n’en vaut pas la peine ? ». Un aveu simple, peut-être le plus sincère mais cinglant. Et révélateur de la politique francoafricaine durant le demi-siècle qui suivra. En zone subsaharienne, ces cinquante ans sont autant de coups d’État sanglants. Tour à tour combattus, tolérés ou

fomentés par l’appareil d’État français. Une géométrie variable à la manœuvre à tous les niveaux, qui se tient dans cette phrase du grand Charles. En substance, soit ça vaut le coup, soit non. Soit la France fera en sorte que ça vaille le coup, et dans ce cas les moyens seront aussi directifs qu’occultes ; aussi militaires que politiques ; aussi diamantés, boisés, que noyés dans le pétrole... C’est ça, la Françafrique. Une maille de réseaux, un terrain de jeu postcolonial où les têtes présidentielles


INTERNATIONAL tombent ou à l’inverse sont maintenues, parfois décennies au compteur. Chaque fois dans l’optique de maintenir à tout prix l’intérêt économique français.

Pour tout l’or noir de l’Afrique Finalement, tout commence par un référendum. Celui de la Vème République, cette fois, qui amène en 1960 l’indépendance des colonies françaises d’Afrique. Mais pour le Général de Gaulle, la seule indépendance qui prédomine en France à l’époque, c’est l’indépendance énergétique. Ces pays-là peuvent bien être libres, s’ils le veulent. Ils n’échapperont pas au contrôle. Leurs ressources n’échapperont pas à la France. D’autant qu’un souci de taille survient assez vite. À l’issue de la guerre d’Algérie, la France perd son pétrole saharien, une masse immense ; sa réserve principale d’or noir. Une solution se doit d’être trouvée, et vite est prise la direction du sud, de l’Afrique subsaharienne ; qui n’en manque pas non plus, de pétrole. Une telle manne impose une stabilité politique. La France ne peut pas se permettre de revoir ses contrats commerciaux tous les six mois pour cause de putsch surprise. La stabilité impose donc le contrôle. Il passera notamment par celui qui a été nommé à la Direction des carburants par de Gaulle : Pierre Guillaumat, fondateur d’Elf. La société d’extraction pétrolière sera pendant longtemps la source de financement principale de nombreux gouvernements et de nombreuses opérations sécrètes ; celles qui feront monter ou feront chuter tel ou tel chef d’État, trop prompt à son indépendance ; pas assez au don de ses ressources. Pour Tony Chafer, spécialiste des relations franco-africaines à l’Université de Porthsmouth, « Il y a des éléments pro-colonialistes dans l’exercice de la Françafrique.

Mais cette notion est critiquable, elle sous-entend une relation à sens unique. La France impose, mais souvent les africains demandent. Voyez l’exemple récent du Mali. Même dans les années 60-70-80, il y a toujours des exemples de contrepartie»

Age of Foccart Une autre figure de proue de la politique franco-africaine ne tarde pas à apparaître. Jacques Foccart (1913-1997), l’un des artisans du retour au pouvoir du Général, qui deviendra dès 1960 « Secrétaire Général de l’Élysée chargé des affaires africaines et malgaches ». La cellule africaine de l’Élysée. Pour manœuvrer sur le continent, en plus de ses contacts au plus haut des États, Foccart a la mainmise sur le SDECE ; le Service de documentation extérieure et de contre-espionnage. De là s’exerce un pouvoir pragmatique auprès des dirigeants africains. La tentative de destitution du président de la Guinée Sékou Touré est un bon exemple de l’étendue des directives françaises en Afrique. Le premier président élu de Guinée a tendance, dès 1965, à crier un peu fort son indépendance vis-à-vis de la France. Foccart tentera la destitution en vain. D’abord en injectant via les services secrets de la fausse monnaie dans le pays, dans le but de déstabiliser l’économie guinéenne. Ensuite en armant les opposants au régime, pour créer un sentiment d’insécurité et retourner l’opinion contre son président. Parfois, la cellule de Foccart fait fi d’autant de dentelle. En 1960, Felix Roland-Moumié, virulent indépendantiste camerounais est empoisonné au thallium par un agent des services secrets français. Bombardements des populations, escadrons de la mort, lavage de cerveau, torture généralisée ; l’homme africain est mis au pas. À coups de barbouzeries.

Jacques Foccart, figure centrale de la Françafrique entre 1960 et et 1974. Ici en 67, entre le Général De Gaulle et le président du Gabon

Pour Frédéric Turpin, professeur de relations internationales à l’Université de Savoie et auteur du livre Jacques Foccart – Dans L’ombre du Pouvoir, l’image de ce « Monsieur Afrique » « ne s’impose que progressivement. Plus l’image de la Françafrique devient négative, plus Jacques Foccart est présenté sous les traits du parrain, une sorte de père fondateur de relations francoafricaines viciées depuis l’époque des indépendances. » Il poursuit : « La Françafrique n’est bien entendu pas sans aspects négatifs. Simplement, la France à l’époque invoque la stabilité en tant que facteur de croissance économique des pays africains. Aujourd’hui, on est sorti de l’afro-pessimisme ; ce continent est hautement stratégique et géostratégique. C’est l’épicentre d’une bataille d’influence, de puissance à laquelle prennent part la Chine, les États-Unis... La Françafrique, c’était un tête-à-tête exclusif ».

Une continuité à l’épreuve des clivages politiques Les gouvernements français longtemps se succéderont avec une idée fixe : conserver ce « tête-àtête exclusif ». Pompidou, comme

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INTERNATIONAL en beaucoup d’autres points, se fera l’héritier du Général en la matière. Valérie Giscard d’Estaing tentera la rupture de surface, en se séparant de Jacques Foccart, pour mettre à sa place à la tête de la cellule Afrique de l’Élysée l’ancien adjoint de... Jacques Foccart. L’année 1977 sera l’année de la tentative de putsch au Bénin par le mercenaire Bob Denard – un fiasco. Et celle surtout de la mascarade du sacre de l’empereur Bokassa Ier, aux frais de la France, pour un prix égalant le quart du budget de la Centrafrique. En 1981, Mitterrand fait le ménage dans la cellule africaine. C’est Jean-Pierre Cot, spécialiste des affaires européennes qui reprend le portefeuille et crie vite, haut et fort son devoir « d’intransigeance sur les droits de l’Homme ». Il n’y connaît pas grand-chose à l’Afrique. Il sera donc épaulé par Guy Penne qui, comme bon nombre de chefs d’États africain, est francmaçon. Et qui, comme bon nombre de chefs d’États africains, connaît bien Jacques Foccart. Jean-Pierre Cot sera l’image, Guy Penne le réalisme politique, jusqu’au retour de Foccart en 1986 lorsque Chirac prend Matignon. Mais c’est déjà la fin de la Françafrique telle qu’elle a existé jusque-là.

Elf à la guerre

Pour Denis Sassou Nguesso, au pouvoir au Congo-Brazzaville quasiment sans interruption depuis 1979, ce tournant des années 1990 est primordial. Il est aussi l’exemple d’une amitié fluctuante avec la France. Un exemple qui remet en perspective la simplicité de ce qu’était la Françafrique. Frédéric Turpin rappelle en effet que, prosoviétique dans les années 1980, « Sassou était un ennemi de la France. Foccart a cherché à faire tomber le marxiste qu’il était ! ». Mais à l’instar de son voisin gabonais Omar Bongo – peutêtre son « président-collaborateur » le plus proche – Denis Sassou Nguesso devient rapidement un « homme d’Elf », soutenu financièrement par la France. Depuis 1979, Sassou ne quittera jamais le pouvoir à l’exception d’une parenthèse sanglante entre 1992 et 1997. Parenthèse durant laquelle Elf sera à la manœuvre. En 1992, un changement de Constitution est adopté. Il enterre l’idéologie marxiste-léniniste du pays et instaure le multipartisme. Le président-dictateur Sassou est isolé dans sa minorité ethnique du Nord du pays, les Mbochi. Il doit s’allier à Lissouba, homme politique vieillissant choisi par Elf, pour rester au pouvoir. Ce dernier promet de placer des hommes

Frédéric Turpin explique : « La Françafrique était le résultat d’un manque de possibilité pour les pays africains de faire jouer la concurrence. Les choses changent à partir des années 1990. C’est la fin de la guerre froide, et avec ça la fin de la légitimité française dans la région subsaharienne. Jusque-là, la France était un peu le délégué des États-Unis dans la région. » Les Africains y voient une seconde indépendance. Mitterrand suit le pas, et réaffirme l’obligation d’intégrité démocratique sur le continent noir.

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Bokassa et Valérie Giscard d’Estaing

du président à tous les niveaux. Sassou restera ainsi président dans l’ombre. Mais Lissouba rompt l’accord une fois élu, et doit faire cavalier seul pour les législatives à suivre, sans l’argent d’Elf. Il ira vers la compagnie pétrolière américaine Oxy, qui financera sa campagne, et sa victoire. S’ensuivra trois phases d’une guerre civile violente, entre les partisans de Lissouba, les « Ninjas », et ceux de Sassou, les « Cobras », financés par Elf. La manne pétrolière française aidera l’armée angolaise voisine, en conflit également, pour qu’une fois l’ennemi rasé, elle puisse venir en aide à Sassou. En 1997, c’est la victoire des troupes de l’ancien président. Et son émancipation. Pour lui, Elf, doit faire « l’État des lieux du pays ».

Dans le sillon des Cobras Depuis, peu de vagues pour le président, qui, malgré ce regain de fierté, maintient une relation stable et prospère avec la France, qui change de discours. Tony Chafer rappelle qu’il y a eu « un discours de normalisation instauré par Nicolas Sarkozy. Pareil avec François Hollande, qui a mis l’accent assez vite sur l’importance d’une relation d’égal à égal ». A côté de ça, Sassou Nguesso est en rythme


INTERNATIONAL peuple. Il y a une norme de respect à conserver. On ne cherche pas autant de noises au gouvernement turc par exemple. Il y a un deux poids deux mesures constant avec les pays africains. »

Un manifestant opposé à ce que Denis Sassou-Nguesso reste au pouvoir, photographié dimanche 27 septembre 2015 à Brazzaville

de croisière. En 2002, il est réélu à 89%. En 2009, à 78%. Le taux d’abstention s’élèvera parfois à 90% selon certaines organisations. En 2009, l’Observatoire congolais des droits de l’Homme dira : « Cette élection, vu le très faible taux de participation, les fraudes et irrégularités constatées, n’a été ni juste, ni transparente, ni équitable. » Au même moment, Nicolas Sarkozy déclare : « Grâce au président Sassou Nguesso, le Congo a retrouvé la stabilité et la sécurité ». Et pour cause, les intérêts français se portent bien au Congo. L’appareil politique reste au service des réseaux d’influence, échos d’une Françafrique d’un nouveau genre ou Total a remplacé Elf. Pour Tony Chafer, « Il y a des structures qui poussent au maintien d’une relation de soumission. Après tout, c’est la seule région du monde où la France est un acteur incontournable. On ne l’appelle plus la cellule Afrique, mais elle est toujours là ; les structures n’ont pas changé. La politique de la France n’est pas faite par le Quai d’Orsay. » Mais Frédéric Turpin le rappelle, « la défense des intérêts de la France, c’est normal. C’est inhérent à la structure de tout État. ». Pourquoi la France se priveraitelle d’un tel « pré-carré » et d’un dirigeant coopératif à ce point ? Comment devrait-elle amener à un

changement au Congo-Brazzaville, et pour quelle alternative politique ? « Il faut prendre en compte le contexte international. C’est-à-dire le droit d’ingérence. Depuis 1945, l’ONU garantie la souveraineté des États. Elle a parfois été enfreinte, c’est dans cette optique globale qu’il faut replacer le cas franco-africain. »

Tout sauf Sassou mais tous pour qui ? Autant d’indications qui expliqueront la réaction de François Hollande au référendum organisé dernièrement par Denis Sassou Nguesso. Mercredi 21 octobre, en pleine période de campagne et de répression, le ministre des affaires étrangères congolais était reçu par Laurent Fabius. Le même jour à l’Élysée, François Hollande reconnait « le droit du président congolais à consulter son peuple ». Et quel plébiscite que cette consultation. Une participation de 72.44% et un « oui » triomphant, à 92%. Le Front Républicain pour le respect de l’ordre constitutionnel et l’alternance démocratique (FROCAD) évalue le taux de participation à 10%. L’opposition dénonce la fraude d’un président en perte de vitesse. Frédéric Turpin tempère : « C’est devenu un réflexe pour toutes les élections africaines, la contestation immédiate des résultats, les accusations de tricheries. C’est compliqué de contester le recours au

Le ministère des Affaires étrangères français a d’abord pris note du résultat, pour ensuite se rallier à la ligne discrète de l’Élysée, estimant que les conditions d’organisation du référendum « ne permettent pas d’en apprécier le résultat, notamment en terme de participation ». Tony Chafer élargit la problématique : « Pareillement, l’Union Européenne et les États-Unis ont été discrets à réagir sur ce référendum. Ça ne peut pas aller plus loin. D’abord parce qu’il y a du pétrole. Et ensuite parce qu’ils savent qu’ils ne peuvent rien faire. Ce n’est pas le Burkina Faso, il n’y a pas de mouvement populaire fort au Congo. ». C’est sans compter sur l’efficacité de Sassou, qui « contrôle parfaitement l’opposition. Elle est très divisée. Il a coopté certains leaders en plus d’avoir accentué la répression sur la presse. ». Frédéric Turpin pose d’ailleurs la question : « Au-delà de Sassou, la question est : y a-t-il une opposition à même d’assurer une alternance ?» Et si alternance il y a, comment la France peut-elle la soutenir sans armes ni violences ? Avec un tel passé, l’État français sera toujours pris entre deux feux. Celui des droits de l’Homme et celui de l’écho de la Françafrique, du jeu d’influence biaisé et intéressé. Comment briser cette « épidémie de présidents voulant se prolonger » ? Quelle légitimité possède la France ? Tony Chafer souligne le problème : « si elle intervient, on l’accuse de néocolonialisme. Si elle n’intervient pas, on lui reproche de ne pas dénoncer les pratiques autoritaires ». Finalement, la remarque du Général de Gaulle se suffit peut-être à elle-même : ces pays, « Pourquoi leur donnerionsnous de l’aide, si ça n’en vaut pas la peine ? ». Antoine Mbemba

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ENQUÊTE

Gestion des Mineurs Isolés Etrangers : l’Etat et les départements se renvoient la balle En France, on les appelle les MIE. La plupart fuient l’Afghanistan, l’Irak ou la Syrie. Ces enfants réfugiés débarquent par milliers aux portes de l’Hexagone. Mais une fois sur placen, c’est la panique. Centres d’accueil saturés, manque de moyens : les départements sont submergés ; l’Etat, peu concerné.

Beaucoup d’enfants Afghans sont présents dans la capitale.

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ENQUÊTE

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l y a trois jours, Anne Hidalgo s’est rendue en Irak pour « apporter le soutien de la ville aux réfugiés ». A Paris, la crise migratoire ne dégorge pas, au contraire. Selon l’Unicef, l’île de France et la capitale sont les zones les plus touchées par les arrivées massives de migrants. Et dans ces migrants, il y aussi des enfants. Thomas Desrousseaux, avocat spécialiste en droit des mineurs et droits des étrangers, se plait à rappeler que « La France a ratifiée la Convention Internationale des Droits de l’Enfant ». Cela signifie que l’Etat s’engage à garantir les droits qu’elle énonce à tout mineur, et ce, « sans distinction aucune ». En 2005, le Comité des Droits de l’Enfant a d’ailleurs précisé dans son observation générale que la « jouissance des droits énoncés dans la Convention n’est pas limitée aux enfants de l’Etat partie ». Maître Desrousseaux est formel : « L’intérêt supérieur de l’enfant doit être une priorité de l’Etat, qu’importe sa situation migratoire ». Plaideur engagé, il constate un problème, selon lui « typiquement français » : « Le souci de notre pays, c’est qu’il considère que ces jeunes sont d’abord des étrangers. Or ce sont des enfants avant tout. » Du fait de leur vulnérabilité, ces mineurs font l’objet d’un droit particulier. En effet, ils débarquent en terre inconnue, avec des casseroles aux pieds, et pas des moindres. Une fois sur place, ils n’ont ni référent, ni hébergement. Certains ont même été victime de traite ou d’abus sexuels lors de la migration. Selon Frederic Carteron, juge pour enfant : « Le système français est inefficace, lent, et incohérent. »

Les responsables de la prise en charge des MIE Les migrants étrangers isolés sont au centre de deux thématiques : la Protection de l’Enfance, qui dépend des départements, et la

Politique Migratoire, qui relève de la responsabilité de l’Etat. Or, s’occuper de ces enfants a un coût, que personne ne veut endosser. Un membre de l’Unicef à Paris résume l’affaire : « Pour faire court : c’est une question de gros sous et de volonté politique. » La difficulté majeure tient au fait que chaque localité n’en fait qu’à sa tête. L’Etat et les départements se renvoient la patate chaude pour éviter de payer l’addition. Il n’existe aucune politique globale pour faire face au problème. Pas de mesures communes pour homogénéiser la gestion et la répartition des MIE sur le territoire. Dépassés par la vague migratoire, de nombreux départements refusent de financer l’accueil de nouveaux migrants. De son côté, l’Etat se décharge de toute responsabilité en affirmant que l’accueil et la prise en charge des de ces jeunes relève de la Protection de l’Enfance alors que les départements évoquent le devoir de l’Etat de financer les mesures pour faire face à cette situation de crise. En 2011, Claude Bartolone alors Président du Conseil Général de la Seine Saint-Denis, en avait appelé à la « solidarité nationale ». Submergé par une trop forte concentration de migrants dans sa zone, il avait annoncé que son département n’accueillerait plus de MIE. Seulement voilà, plutôt que d’impulser une répartition plus égalitaire sur le territoire, cette décision a servi de prétexte à un grands nombre de localité pour fermer leurs portes aux réfugiés. S’en est suivi une fuite en avant lors de laquelle tous les départements ont restreint leur accessibilité aux mineurs ; alors

même qu’on ne comptait que très peu de MIE sur leur territoire.

La solution proposée par la Justice française Pour résoudre cette équation à deux inconnues, la ministre de la Justice, Christiane Taubira a mis en place une circulaire en mai 2013. Elle prévoyait tout un processus, afin de fluidifier et de rendre plus efficace l’aide à disposition de ces jeunes réfugiés. En premier lieu, il s’agissait de définir le profil du jeune en déterminant sa personnalité, son histoire, son parcours, et ainsi estimer son niveau de vulnérabilité. Ensuite, venait la fameuse radio. Ce test osseux tendait à prouver que le jeune était bien un mineur. Notons que cette pratique est très vivement critiquée par les défenseurs des droits des mineurs. En effet, selon l’Unicef « Cette procédure est très largement appliquée aux 1618 ans. Or, c’est sur cette tranche d’âge que la marge d’erreur est la plus importante. » Enfin, si l’on reconnaissait le réfugié comme mineur, alors le juge l’orientait vers la Protection de l’Enfance qui lui administrait les services de base à la personne. A savoir : un hébergement, un accompagnement juridique et parfois même un accès à l’éducation. La machine, censée opérée en cinq jours, « prenait bien plus de temps dans les faits », toujours selon l’UNICEF. Pour ne rien arranger, le Conseil d’Etat s’est opposé à son application. Saisi par les départements, celui-ci affirmait qu’un instrument législatif comme un projet de loi aurait été « plus légitime ».

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ENQUÊTE L’Assemblée des départements n’intervient pas non plus. C’est pourtant l’instance la plus habilitée à faire autorité sur les départements afin d’homogénéiser les politiques sur le territoire.

Pendant ce temps, en Belgique Dès le début de la crise migratoire, la gouvernance belge a unifié son action en vue d’une efficacité maximale. Dès son identification, le Mineur Etranger Non Accompagné (MENA) bénéficie d’un encadrement coordonné. Il dispose ainsi d’un accueil spécialisé, d’un accompagnement juridique et social. Mieux encore, chaque enfant a le droit à un tuteur, chose qui n’existe pas du tout en France. Dimitri travaille au Service des Jeunes, à Bruxelles, il nous apprend qu’ « il existe tout un dispositif qui s’ouvre pour les MENA ». Sur place, un réseau associatif « fortement mobilisé » œuvre pour leur intérêt. Une marque de bon sens et de coordination qui semble porter ses fruits. Une plateforme dédiée aux mineurs en exil a été mise en place, il y a 20 ans. Spécialisée, la cellule de crise est donc efficace. « Elle traite spécifiquement la question des jeunes arrivant sur le territoire et des protections devant être mise en place à son égard. » Elle rassemble trente-huit organisations actives autour de ce public. Cette

plateforme œuvre par différents plaidoyers politiques, veillant à ce que « les droits fondamentaux des mineurs soient respectés ».

Un regard extérieur sur l’Hexagone Pour Dimitri, la simple appellation MIE témoigne de la « lâcheté de [vos] institutions ». Cet été, il a participé à la Caravane des Droits de l’Enfant, organisée par Défense Internationale du Droit de l’Enfance (DEI) ; une formation juridique centrée sur ce droit spécifique. Pendant une semaine, il a rencontré différents acteurs du droit européen. De Bruxelles à Genève, en passant par Strasbourg, Il a découvert la Commission Européenne, le Conseil de l’Europe et la Cour Européenne de l’Homme. Lors de son séjour en France, il a pu échanger avec le directeur de Thémis. Cette association strasbourgeoise tente elle aussi de défendre le droit des mineurs étrangers. Mais elle dispose de peu de recours. Face à l’inefficacité de nos services, le Belge reste stupéfait : « Franchement, les bras m’en tombent ! Le Gouvernement français est vraiment naze… Vous n’avez pas de services à même de proposer une tutelle à ces petits. » Lui non plus ne comprend pas l’éclatement local de la gestion de cette crise : « Chez vous, ce sont les conseils départementaux qui traitent la question de l’accueil. Ça

n’a pas de sens ! Ça revient à une prise en charge différée en fonction de chaque département. » En effet, à Strasbourg, Themis se démène, et pourtant, ses membres ont le sentiment d’être pieds et poings liés. Sans arsenal juridique spécifique à ce public, la compétence relève des tribunaux de la jeunesse. Or ceux-ci «traitent bien d’autres aspects que la question des MIE. « Eux aussi sont vite débordés ». Maud travaille à l’UNICEF en Belgique. Selon elle : « en France, il y a encore beaucoup de boulot à entreprendre pour défendre valablement ces jeunes. »

La gestion des Ex-MENA Bruxelles joue le jeu de l’intégration sur le long terme. Le futur et l’insertion des ex-MENA est donc d’actualité. Dimitri, le bruxellois au Service des Jeunes a fondé le collectif Umaya « avec une bande de potes ». Ainsi, il propose un projet d’accompagnement et souhaite proposer un service spécialisé dans l’encadrement de ces étrangers, désormais majeurs. Au programme, insertion professionnelle, table ronde, et travail communautaire. Umoya s’organise et met en place des stages, des séjours, et des activités pour que les jeunes se rencontrent et échangent leurs expériences. L’an dernier, l’association a même réalisé un film autour des jeunes et leurs perspectives d’avenir en Belgique. Dimitri se confie : « Mon dada à moi, c’est m’occuper de ces jeunes qui débarquent en Belgique sans familles, ni ressources. Je leur viens en aide du mieux que je peux, et franchement, je m’éclate ». A l’UNICEF Belgique, on s’inquiète pour les mois à venir. Maud, spécialiste de la question des MENA se confie : «Si l’afflux de jeunes ne diminue pas, nos centres seront très vite débordés ». Margot Andréa Mephon

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Les enfants immigrés essayent de trouver la joie, malgré la situation actuelle


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REPORTAGE

Migrants : des promesses, et puis rien... Le 23 octobre, plus de mille réfugiés, migrants et sans-papiers sont évacués du lycée JeanQuarré à Paris. Il s’agit de la deuxième opération de ce genre pour les forces publiques, après le démantèlement des camps installés à La Villette début juin.

le lycée Jean-Quarré, dans le 19ème arrondissement, accueillait plus de 1000 réfugiés depuis fin juillet © Selena Djennan

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© Jules Fobe

REPORTAGE

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les migrants occupent la Place de la République depuis deux semaines.

es premiers étaient arrivés fin juillet. À l’époque, ils n’étaient qu’une centaine de migrants au lycée Jean-Quarré, dans le 19ème arrondissement de Paris. Le 23 octobre à six heures du matin, il s’agissait d’environ 1300 personnes à embarquer dans des bus de CRS pour quitter l’établissement. Si en théorie, ils devaient tous être dirigés vers de nouveaux logements sociaux, la réalité est autre. Deux semaines avant l’évacuation, l’atmosphère est particulière au lycée Jean-Quarré. La plupart des personnes sont des hommes, car les femmes et les enfants sont placés dans d’autres centres d’hébergement. Dans la cour, le match de foot s’interrompt à la vue de plusieurs jeunes bénévoles, armés de boîtes en carton. Ils apportent vêtements, chaussures… Un jeune réfugié me fait comprendre qu’il voudrait la paire de «Nike» qui dépasse d’une des boîtes. Il ne parle pas français, alors je demande pour lui à un bénévole. Le jeune homme repart tout sourire vers ses amis. Le bénévole m’explique qu’ils font tous partie du lycée Saint-Michel des Batignoles, dans le 17ème arrondissement. «Le directeur est un ancien élève du lycée Jean-Quarré, c’est pour ça qu’il connaît bien la

situation ici». Vingt minutes plus tard, les cartons sont vides. Les lycéens repartent, sans avoir réellement communiqué avec les réfugiés. À vrai dire, difficile de parler à qui que ce soit dans des conditions pareilles. On se marche sur les pieds pour arriver devant les bénévoles, qui ne se rendent pas compte que ce sont quasiment toujours les mêmes qui reçoivent des vêtements. Une femme m’interpelle. Elle s’appelle Enza et elle est arrivée de Syrie il y a six mois. «Je vais devenir folle. Il faut se battre ici, même pour manger». Nous prenons une cage d’escalier pour monter au premier étage. Ça crie dans tous les sens. Dans le couloir, une quinzaine d’hommes se poussent devant une porte. «C’est ici qu’on nous donne à manger», m’explique Enza. Un homme frappe sur la porte à plusieurs reprises : «C’est dégueulasse ! Mama !» Derrière la porte, «Mama», la cuisinière, ne tarde pas à se faire entendre : «Si tu ne veux pas manger ça, dégage ! Tu te plains mais tu es qui toi ? Je paye avec mon argent, tu devrais me remercier au lieu de te plaindre !». Encore une fois, des bénévoles apportent leur aide, mais le manque de moyens ne leur permet que d’acheter du riz blanc, vraiment loin d’être appétissant… Mais la qualité et

la diversité de la nourriture n’est pas le problème majeur, comme me l’explique Enza : «Je ne mange rien depuis deux jours. Je suis enceinte de deux mois, et il faut que me batte sinon je vais mourir avec mon bébé. C’est toujours les mêmes qui mangent, il y a des bagarres partout, des couteaux qui traînent…» Enza est l’une des rares femmes encore présentes à ce momentlà au lycée Jean-Quarré, et elle ne se sent pas en sécurité. Mais elle continue tout de même à espérer : «La semaine prochaine on doit me délocaliser, Inch’Allah». Dans tous les cas, elle sera délocalisée deux semaines plus tard, probablement dans un centre pour femmes et enfants. Le Collectif La Chapelle en lutte, qui prétendait faire de ce lieu une «maison des réfugiés autogérée», est complètement dépassé. Pour des raisons de surpopulation, de violences et de problèmes sanitaires, les pouvoirs publics ont décidé d’évacuer l’établissement.

«C’est la France ici ! Pas l’Afghanistan ni la Syrie.» Ce mardi 3 novembre, une vingtaine de sans-papiers jouent au volleyball, au milieu de la place de la République. Un campement s’y est installé, depuis l’évacuation du lycée Jean-Quarré. Ils sont une trentaine cet après-midi, principalement des Afghans. Ahmed est l’un d’eux, et il est arrivé en France il y a six mois. «Je dormais dans un parc quand le lycée a été évacué, ça devenait dangereux là-bas, alors je préférais ne pas y rester la nuit». On lui avait promis un logement et des papiers, mais rien n’a été fait pour le moment. Pourtant, début septembre, la maire de Paris, Anne Hidalgo, annonçait prochainement l’ouverture de sept centres d’hébergements en

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REPORTAGE

© Jules Fobe

Île-de-France. Un engagement qui ne semble pas encore avoir pris effet. «Ça fait deux semaines que je suis ici maintenant, dans la rue. Ils nous ont fait beaucoup de promesses, mais je commence à croire qu’ils se moquaient de nous». Chaque jour, ces hommes, entre 20 et 30 ans, tentent d’appeler le Samu Social pour passer la nuit au chaud, mais rien à faire. «Ils tentent de s’adresser au Samu, mais la demande est trop élevée», m’explique une bénévole venue donner quelques couvertures. «Si tu es un homme et que tu es encore assez jeune, sans femme ni enfant, tu n’es pas une priorité. C’est pour ça qu’ils se retrouvent à la rue». À la veille de la période de trêve hivernale, on a du mal à imaginer ce qu’il se passera pour ces sans-abris. «C’est la France ici ! Pas l’Afghanistan ni la Syrie». Alada, jeune afghan lui aussi, semble à bout de forces, et de nerfs. «Avant ça allait, mais là c’est l’hiver… Il fait trop froid la nuit !». Alada est arrivé il y a neuf mois en France, et considère désormais «dépendre de ce pays». «La France n’a rien fait pour moi. J’ai besoin de travailler, je

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pourrais faire n’importe quoi».

«Je suis là, à attendre que ma vie débute.» Les femmes, elles, représentent 51% du flux migratoire mondial. Parfois accompagnées de leur enfant sous le bras, elles sont les premières victimes des tragédies qu’entraîne la migration vers l’Europe. C’est dans un centre d’accueil pour femmes et enfants que je rencontre Soheyla, dans le 12ème arrondissement de Paris. Il s’agit de l’association Rajfire, un réseau pour l’autonomie des femmes immigrées et réfugiées. Parmi les bénévoles, il n’y a que des femmes, et je ne tarde pas à comprendre pourquoi. En effet, il est très difficile de parler avec les femmes réfugiées, à l’exception de Soheyla qui accepte de me raconter son histoire. À 28 ans, elle est enceinte de trois mois. Le seul rêve «qui n’a pas été brisé dans sa vie». D’origine soudanaise, elle part en Libye en 2012. La traversée du désert qui sépare les deux pays l’a marquée au fer rouge. «Des gens sont morts, déshydratés. Je me souviens que le passeur mettait de l’essence dans notre eau afin de s’assurer

un campement temporaire s’est mis en place Place de la République

les migrants en plein match de foot dans la cour du lycée Jean-Quarré.

que nous n’allions boire que très peu.» Puis le bateau, enceinte, et enfin l’Europe, cet Eldorado tant fantasmé. À son arrivée en France, elle raconte qu’un médecin lui conseille d’avorter. «Après tout ce que j’ai vécu, je trouvais ça insensé qu’il me propose de m’enlever la seule famille qui me reste.» Comme un grand nombre de migrants, Soheyla a dû abandonner sa famille derrière elle, et paraît émue en évoquant ses parents : «Ils se sont sacrifiés pour me donner un futur, je ne sais pas combien d’années il leur faudra pour rembourser cette dette et si un jour je les reverrai, et moi je suis là, dans un hôtel à attendre, encore et encore que ma vie débute…» Jules Fobe


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FAITS DIVERS

Sur internet, une déferlante de bavures policières Après les récentes émeutes de Ferguson et Baltimore, les tensions raciales aux EtatsUnis sont palpables et atteignent aujourd’hui des hauteurs vertigineuses. En première ligne, il y a la multitude de vidéos qui fleurissent sur internet en dévoilant des bavures policières de plus en plus choquantes.

A

vec le renvoi le 28 octobre dernier de Ben Fields, un énième agent ayant été filmé entrain de violenter un citoyen, les personnalités politiques s’insurgent d’un possible accroissement de la criminalité. En cause, les fameuses vidéos qui entraveraient l’action de la police et le moral des forces de l’ordre. Lors d’un discours promulgué le 23 octobre à l’école de droit de l’université de Chicago, James Comey, l’actuel directeur du FBI, demandait : « Aujourd’hui, dans le monde de YouTube, les officiers de police ne sont-ils pas devenus réticents à sortir de leurs voitures et faire ce qu’il faut contre le crime ? ». La problématique est posée : Filmer un agent de police en train d’enfreindre la loi n’est-il pas contre-productif pour le grand combat de la sécurité ? Si les hauts représentants des autorités américaines commencent à s’inquiéter, c’est à cause de la démultiplication des cas de vidéos mettant en scène des officiers de police entrain de violenter des suspects. Ces petits films, tournés avec un téléphone pour la plupart du temps, se propagent sur le web en quelques minutes, ramassant jusqu’à des millions de vues pour les plus

Un policier exerçant des violences sur une jeune adolescente. Capture d’écran d’une vidéo Youtube filmée par un élève.

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populaires. Evidemment, lorsque une vidéo d’une rare violence mettant en scène un officier de police en mauvaise posture est diffusée, les personnalités politiques, à l’instar d’Hilary Clinton, tiennent un discours galvanisé : « Un geste d’une t’elle nature n’a pas d’excuses ». A l’inverse, l’aile droite de la politique américaine commence à vouloir mettre en place des réformes pour lutter contre ces « whistleblowers* » à petite échelle. Pourtant, certaines personnes et notamment d’anciennes victimes de violences policières estiment qu’il est grand temps de donner à la population un rôle de surveillance vis-à-vis de policiers particulièrement zélés.

Montrer pour dénoncer C’est d’ailleurs de ce ressentiment qu’est née « Copwatch », un réseau d’association présente au Canada, aux Etats-Unis, en France et au RoyaumeUni. Le principe est simple : Filmer un policier en train d’outrepasser ses fonctions pour procéder par la suite à un fichage ou à un dépôt de plainte. Robin* filme occasionnellement avec d’autres bénévoles pour poster sur la ramification française de « Copwatch ». Pour lui, qui a été victime d’un racket par 3 agents de police en juillet 2012, c’est aux citoyens de prendre des mesures pour contrer l’incivilité de certains officiers. Car comme il l’explique si bien : « Le but fondamental de Copwatch c’est de faire comprendre aux gens que la sécurité ne naît que grâce à l’action de plusieurs protagonistes. Il n y a que comme ça que le surveillant devient surveillé ». Malgré une tentative de fermeture opérée par Henri Guaino courant 2011, « Copwatch » et ses

membres continuent de prôner l’idée que la surveillance n’est qu’une boucle qu’il suffit de boucler. Actuellement, prendre une vidéo d’un officier de police sur la voie publique n’est pas répréhensible, en France comme aux Etats-Unis. Comme l’explique l’avocate Anne-Laure Compoint, « seul le fait de publier les identités des policiers ou de dénigrer leur fonction peut être puni par la loi ». C’est cette législation précise qui permet le maintien des associations militantes comme Copwatch. Mais comme tout système, des débordements existent et laissent parfois place à des situations hors-normes, comme ce droit de réponse d’un policier jugé raciste, publié dans les colonnes de Rue89 en novembre 2013. Et c’est en surfant sur les dérives de cette prise de conscience collective que les personnalités politiques évitent les problèmes intrinsèquement liés à la violence policière. Aux Etats-Unis par exemple, le surarmement des forces de police est une situation souvent passé sous silence. Chaque ville de plus de 25 000 habitants possède une troupe d’élite (SWAT) prête à intervenir. Alors peut-être que confier un bazooka à un officier assurant la circulation n’aide pas à améliorer le triste constat des violences policières aux EtatsUnis. Car il est nécessaire de rappeler que lorsque les plaintes liés aux « bavures » ne représentent qu’environ 200 cas en France en 2009, on estime à plus de 380 le nombre de morts par balles policières aux USA juste dans les 5 premiers mois de 2015. *Les noms ont étés changés * Whistleblower : Lanceur d’alerte Aurelien Monsegu


SANTÉ

La désertification médicale ne s’arrête plus Entre normes handicap, vieillissement des médecins et le peu d’étudiants qui sortent des facs de médecine, le phénomène de désertification médicale ne cesse de s’accroitre.

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undi 9 Novembre, le nouveau centre médical de la petite commune de Coignières (Yvelines), ouvrira ses portes. Installés depuis une trentaine d’années dans le centre Ambroise Paré, les praticiens se sont vus dans l’obligation de changer de locaux. La raison de ce changement ? La loi handicap de 2005 qui demande à ce que chaque local soit accessible aux personnes handicapées selon certains critères.“ Le bâtiment étant sur plusieurs étages, nous aurions dû installer un ascenseur, une rampe au niveau des escaliers et faire en sorte que deux personnes à mobilité réduite puissent se croiser dans les couloirs, explique Gilles Fleury, médecin généraliste du centre, le prix annoncé par le devis nous a fait dresser les cheveux.” Après plusieurs années de discussion, la mairie et les médecins se sont mis d’accord sur la création d’un nouveau centre respectant les normes. Mais si la mairie avait refusé la construction de ce nouveau centre, les habitants de la ville auraient vu leurs médecins quitter la ville, les obligeant à aller consulter les médecins des villes voisines. “La population de Coignières est vieillissante, ils ont souvent une mobilité réduite, pas toujours motorisé et en plus de cela, il n’y a qu’un seul bus pour desservir toute la ville” raconte Patricia Burnel, elle aussi médecin généraliste à Coignières.

grands cabinets. Mais cela pose un autre problème, quand est-il de la médecine de proximité ? “La médecine de proximité est vouée à disparaitre” affirme le docteur Fleury. Les médecins se regroupant en pôles de médecine touchant des secteurs plus larges, ils touchent un plus grand nombre de personnes, dans un secteur plus grand, obligeant les patients à se déplacer sur des distances plus importantes.

Le futur des déserts médicaux Les chiffres divulgués par l’ordre des médecins sont clairs, en 2014, le nombre de médecins en France atteint les 215 539 actifs pour 112 066 en 1979. Il n’y a donc jamais eu autant de médecins en France. Ce qui n’empêche pas Gilles Fleury d’affirmer “Dans cinq ans, les déserts médicaux vont toucher l’Ile-de-France.” Et ce ne sont pas les chiffres du conseil national de l’ordre des médecins qui va le contredire. En France, 59% des médecins hommes ont plus de 59 ans et 41% des médecins femmes ont plus de 53 ans, ce qui représente presque la moitié des médecins en activité. Ce qui annonce, qu’effectivement, dans les prochaines années le nombre de médecins va diminuer. Et le mouvement n’est pas prêt de changer car les jeunes ne représentent que 14% des médecins en activité. Des chiffres

qui s’expliquent avec la politique de l’Etat de réduire les dépenses de la sécurité sociale et de réguler le nombre de personnes diplômées dans le domaine de la médecine. “Depuis 1979, l’Etat a mis en place le Numerus Closus. Cela avait pour objectif de réduire les dépenses de la sécurité sociale. Sauf que les gens vont de plus en plus chez les médecins” explique Patricia Burnel. Avec cette politique, L’Etat limite le nombre d’étudiants pouvant faire des études de médecine et donc régule le flux de praticiens. Et ce phénomène amenant à la désertification médicale n’est pas prêt de s’arrêter. En 2007, il y avait 64 778 généralistes et le chiffre n’a cessé de diminuer depuis, arrivant jusqu’à 58 104 généralistes en 2015, soit une diminution de plus de 10%. Et les prévisions ne sont pas des plus optimistes. L’ordre des médecins estime que d’ici 2020, le nombre de médecins généraliste va encore baisser de prêt de 7%, atteignant 54 179 praticiens. Et le phénomène ne touche pas seulement les médecins généralistes. Les rhumatologues, les dermatologues, les chirurgiens et les ORL sont aussi touchés par ce phénomène. La différence étant que pour 64 778 généralistes en 2007, il n’y avait que 1782 rhumatologues et que les chiffres ne cessent de s’effondrer depuis. Les déserts médicaux ne vont donc bientôt plus seulement toucher les zones rurales, les zones plus urbaines étant aussi touchées par cette raréfaction des médecins généralistes. Antoine Durand

Ces propos soulèvent un point important de cette loi handicap. Les médecins qui ne peuvent mettre aux normes leur cabinet n’ont pas un grand choix de solution, la plus logique étant de s’associer avec des médecins pour former de plus L’ancien centre médical de Coignières (gauche) s’installe dans ses nouveaux locaux, aux normes. (droite)

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REPORTAGE

Les libertaires juifs s’organisent Le 2 Novembre dernier se tenait la première réunion publique de Juives et Juifs Révolutionnaires au CICP, Le Centre International de Culture Populaires, dans le 11ème arrondissement de Paris. Tout juste sorti de l’œuf, le groupe libertaire faisait sa première apparition samedi 31 octobre, à l’occasion de la “marche pour la dignité” organisée entre Barbès et Bastille, à l’initiative de plusieurs collectifs dénonçant les violences policières.

A

19 heures, une heure avant le début de la réunion, à l’intérieur comme dans la rue, une foule se presse. Étudiants curieux, sympathisants libertaires de tous âges, et associatifs de l’Union Juive Française pour la Paix (UJFP) se côtoient autour de sandwichs et bières à prix libre, et au son de chants yiddish révolutionnaires (Un genre créée en Pologne au début du XXème siècle). A l’extérieur, l’ambiance est moins fédératrice. Et pour cause, l’annonce de cette réunion a fait réagir plusieurs organismes sionistes, notamment un groupuscule violent d’extrême droite, la LDJ*. Après l’envoi important de menaces sur les réseaux sociaux, le groupe anarchiste Regard Noir*, affilié FA* dont, deux membres sont également de JJR, ont mis en place un service d’ordre.

Une vingtaine de personnes, réparties entre la devanture, les rues avoisinantes, et les cafés aux angles de la rue. Sur leur propre initiative, et sans en aviser les organisateurs, l’Action Anti Fasciste Paris-Banlieues, a également fait le déplacement. Leur arrivée ne manque pas de faire réagir les premiers maillons du dispositif, les prenant même

Anarchistes et Antifas ne font plus si bon ménage. Mais la menace est réelle, le CICP a déjà fait l’objet d’une attaque de la LDJ depuis le restaurant japonais préféré du groupe, situé plus bas dans la rue Voltaire. Vers 19h30, leur présence est confirmée par la venue, au loin, d’éclaireurs tandis qu’une dizaine de militants d’extrême droite sont appréhendés sans être interpellés au restaurant japonais. Les Antifas frémissent, les cagoules font leurs apparitions, chaises et objets contondant sont regroupés. Dix minutes avant le début de la réunion, le groupe plus “testostéroné“ que militant, organise un état-major autour de ses leaders naturels, Le banlieusard déconneur et charismatique, le jeune homme de bonne famille accro à l’adrénaline, au look de jeunesse

“Le standard pour être de l’AAFA? Courir vite, prendre de la coke, ou être un ancien des tribunes d’Auteuil vaguement antiracistes” pour un groupe d’assaillants de la LDJ. Cette analogie ne manque d’ailleurs pas faire rire Elbéra, militante anarchiste, qui me rapporte ces propos, les trouvant révélateurs des similitudes entre L’AAFAPB et leurs ennemis.

Le Centre international de culture populaire, est né en 1976. Il est le fruit d’une volonté politique de mettre des moyens matériels et humains à la disposition d’associations soutenant des luttes de libération nationale, défendant les Droits de l’homme, solidaires avec les travailleurs immigrés. Il fournit aux associations de solidarité internationale et aux mouvements sociaux, les moyens techniques, logistiques et matériels propres à leur permettre d’exercer leurs libertés d’activités, d’expression et de réunion, ainsi qu’à d’autres organismes tels que des centres de formation.

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REPORTAGE

Le CICP dispose d’une bonne capacité d’accueil, pendant toute la durée de la réunion au 1er étage, une assemblée générale se tenait au rez-de-chaussée

hitlérienne, et l’ancien des Red Warriors*, en milieu de trentaine, toujours dans l’univers de la bagarre de rue, et “ se plaisant entouré de sa bande de petites frappes admiratives”. À 20 heures, la réunion commence. La surprise est lisible sur le visage des deux orateurs à la vue de l’audience. David, Militant de Regard Noir et de JJR, me confiera après qu’ils attendaient une quinzaine de personnes, tandis que cinquante sont venus. Le cœur du message de JJR, est qu’en tant que premiers concernés, les juifs sont les plus à même de définir, identifier et combattre l’antisémitisme. Ils en dénoncent en premier lieu “l’instrumentalisation par l’Etat dans le but de diviser les minorités nationales”, qui sont définis comme “toute celles n’appartenant pas à la majorité

nationale blanche et chrétienne”. Le deuxième membre commun à RN et JJR, apparu récemment au Petit Journal, poursuit : ”Notre existence a deux objectifs : montrer à notre communauté qu’il existe une alternative à la LDJ ou au départ en Israël, en terme d’autodéfense face aux antisémites, et nous voulons ouvrir les yeux de l’extrême gauche sur l’existence d’un antisémitisme structuré, aussi présent et critiquable que n’importe quel racisme” . En effet si “l’antisémitisme est utilisé par l’Etat et la classe bourgeoise affiliée, comme n’importe quel racisme pour diviser les opprimés” Il n’en reste pas moins, toujours selon Ilya, que “L’antisémitisme, comme le sexisme, est présent à l’extrême gauche.” Exemples attendus : “ La Fille Aînée de l’Église a élu Pétain [...] Soral, ancien marxiste”. Il est huit heures et quart et Ilya clôt sa présentation par une mise en garde: “Attendez 21H30 pour un départ groupé, ou faîtes vous escorter jusqu’au métro” Si les deux orateurs sont courts, la séance de

L’AAFAPB occupant le trottoir d’en face, un de leur leader est tout à gauche

question réponse qui s’en suit dure deux fois le temps des 10 minutes d’allocution. Un quinquagénaire congratule: “Bravo ! ce n’est pas juste une paranoïa ! Cette réunion met le doigt sur un point névralgique ! L‘existence à gauche d’un antisémitisme qui associe les juifs aux classes dominantes ! En France, il y a un malaise !” Un

“On a besoin de gens qui se revendique d’extrême gauche, autant qu’ils se revendiquent juifs, c’est triste mais on en est là.” homme de L’ UJFP reprend: “ Maintenant, ça fait quatre organisations juives de gauche en France !” Un jeune homme garde les pieds sur terre: “ Quels sont vos moyens ?” La question est pertinente, la réponse peu claire. Dans les faits, JJR n’a pas encore de mode opératoire défini. Il en ressort que l’essentiel de leurs actions seront une participation aux commémorations et autres événements liés à la communauté juive, de même qu’une participation aux mobilisations d’extrême gauche.

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REPORTAGE Pour Elbéra, toujours en faction dans la rue aux alentours de 21 heures, l’existence de ce groupe vient occuper un vide qui a permis en partie l’installation d’un antisémitisme plus ou moins marqué dans le milieu libertaire. Elle cache mal son animosité vis à vis de l’AAFAPB, avec lequel RN a eu un accrochage musclé durant une assemblée générale, il y a plus d’un an. Selon elle, beaucoup de ses membres sont antisémites, elle va même plus loin : “Ils sont là pour qu’on puisse plus les traiter d’antisémites”. Ils sont aussi là pour en découdre. Vers 21h20, le question réponse touche à sa fin, un groupe d’une vingtaine de militants de la LDJ approche le centre par une ruelle perpendiculaire. “Ils sont là ! Ils sont là ! Ils sont en force ! Venez les mecs !” Ce seul cri fait l’effet d’un électrochoc sur les mâles las d’attendre la confrontation. En quelques secondes, les Antifas

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abandonnent le CICP où la réunion se termine, et courent aux devants des militants de la LDJ. Les militants de RN serrent quant à eux les rangs devant le local. Quelque dizaines de secondes après que les deux groupes aient La réunion touchant à sa fin commencé à s’échanger un affrontement dans le bâtiment. au loin les bouteilles de bières vidées dans l’attente de Le dialogue se lance alors entre la bataille, quatre fourgonnettes organisateurs et brigadier-chef: de la police arrivent sirènes ce dernier prend les participants hurlantes devant le CICP. Aussi de la réunion pour des militants vite qu’ils l’ont quitté, les Antifas écolos drastiques en pleine courent se retrancher dans le préparation d’un blackbloc pour bâtiment. Commence alors la COP 21. une situation grotesque durant À 22 heures moins 10, aucun laquelle un impressionnant membre de la LDJ n’a été pris dispositif policier, renforcé 10 en chasse, les chiens policiers minutes plus tard par une équipe aboient sur les voisins aux cinétique et une fourgonnette fenêtres, et il est convenu que supplémentaire, encercle le l’intégralité des gens présents bâtiment. Flashballs, lanceurs dans le bâtiment sera escortée de 40, matraque télescopique en jusque sur le quai de la station main et casque antiémeute sur la de métro Avron, une demi-heure tête, au départ d’intervention, les plus tard. policiers mal informés ont cru à

Le cordon policier censé escorter au métro l’arrière du groupe.

Willy Garcia


REPORTAGE Reprendre le militantisme juif à l’extrême droite, voilà à quoi se résume l’action de JJR, et vouloir l’exprimer leur aura valu une fin de soirée mouvementée. “Les gens viennent nous voir en nous demandant si on est sioniste, parce qu’ils ont compris qu’on est juif et qu’on milite, mais parce qu’on est juif et qu’on milite en tant que tel, il nous prenne pour des pro-colonies”. De fait, avant même d’être là physiquement, la LDJ était présente dans les esprits et les propos, en tant que contre-modèle. Comme l’antifascisme radical des années 80, l’émergence de JJR se construit en réaction à une vision déformée et raciale d’un tronc d’idées commun. S’il se développe, il ne subira cependant pas les même écueils que les mouvances antifascistes, dont les héritiers faisaient, lundi 2 novembre, une piètre mais au combien révélatrice démonstration de ce que la violence passée d’outil à but provoque. L’aspect communautaire du mouvement ne s’exprime que dans ses racines culturelles, et dans sa volonté de cibler spécifiquement la communauté juive. Celle-ci étant une minorité nationale comme une autre, le discours tenu par les membres de JJR sera identiques aux oreilles de tous, sans compromis. Il serait possible de les taxer de communautarisme, mais seulement dans l’éventualité où leurs paroles ne serait pas accessibles à tous. Ce n’est pas le cas. De plus, l’appellation même du groupe suppose l’implication d’une communauté dans un combat qui ne la concerne pas exclusivement. Plus généralement, c’est en se revendiquant en tant que communauté victime d’une oppression (l’antisémitisme) qu’il affirme leur engagement de lutter contre toute oppression, envers toutes les communautés. Si le message global prête à fédérer, reste à espérer que ces juives et juifs ne voient pas leurs vies militantes ensevelies sous les querelles d’idées, si chères à toutes les franges du milieu libertaire. Dans celui-ci, plus que dans n’importe quel autre, la politique n’est pas l’art du compromis.

*LDJ: Fondée en 2000, elle est le pendant français de la Jewish Defence League, créée et interdite aux Etats-Unis. Ses militants combattent la “judéophobie” à grand renfort d’action violente en marge des manifestations pro-Palestine. Violemment islamophobe et raciste, le mouvement coordonne des actions avec le Bloc Identitaire. *FA Fondée en 1945, la Fédération Anarchiste unie un grand nombre de groupes anarchistes d’ampleur variable. Constitués d’un éventail de tendances libertaires, ces groupes sont plus ou moins portés sur l’action, et plus ou moins en osmose. *RN Fondée en 2011, Regard Noir est un groupe anarchiste d’un volume moyen à grand, totalisant une trentaine de membres. À mi-chemin entre terrain et intellectualisme, le groupe privilégie quand même l’action de rue, type défense de squat de réfugiés, et promotion d’initiatives sociales locales. *Red Warriors Fondée en 1986, ce groupe antifasciste est dans les tout premiers à se faire connaître comme “chasseurs de skins” en région parisienne. Il éclatera en 1992. Avec les Ducky Boys, et les Black Dragons, il était un des groupes les plus symboliques de l’antifascisme radical de l’époque. Ils assurèrent même le service d’ordre des Béruriers Noirs pendant leur âge d’or, en 88.

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FOCUS

Ultras en voyage

les ultras se déplacent partout en Europe

Des anecdotes ils en ont « à revendre ». Les ‘ultras’ – les supporters qui se rendent régulièrement au stade - vont justement parcourir les routes européennes ce soir. Pour beaucoup, c’est leur 50e voir 100e déplacements. Alors forcément ils ont des histoires à raconter.

«

Un flic m’a sauvé la vie. Je n’ai pas compris pourquoi. La plupart du temps, ils préfèrent plutôt nous frapper ou nous gazer mais là… On était en Espagne, et les flics là-bas, c’est quasiment les pires d’Europe. Ils n’hésitent pas à nous foutre à poils en pleine rue pour un contrôle d’identité. Souvent ils frappent sans même discuter avant. Ce soirlà, on a dû sortir les derniers du stade – c’est souvent le cas lorsque des ultras se déplacent à l’étranger, la police préférant éviter que les supporters de deux équipes ne se

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croisent après le match - C’était à Valence. On avait gagné, les gars étaient tellement heureux. Mais après le coup de sifflet final, deux heures dans le stade à attendre, tout le monde devenait fou. Les flics ont à peine eu le temps de nous faire sortir et c’était la pagaille. Tout le monde courait dans les rues. Je me retrouve bloqué dans un passage. Derrière moi une dizaine de policiers enragés, matraque et bouclier en mains. Je cours comme un dingue et au bout de la ruelle, je tombe nez à nez avec un policier. On s’est regardé avec de grands yeux, il a posé son regard derrière mon

épaule, a vu les autres policiers arriver en courant et m’a poussé derrière lui en me disant “go“. J’ai pu m’enfuir en évitant le pire. Je n’ai jamais compris pourquoi il avait fait ça. Encore aujourd’hui mes amis ne me croient pas quand je raconte cette histoire. C’est vrai que c’est fou quand même. » Max pense que cette faveur est due à son physique « fluet ». Ses amis le surnomment « fougère ». Le jeune homme d’à peine 23 ans ne dépasse pas le mètre soixante-dix et n’a que la peau sur les os. Son teint pâle et ses cheveux bouclés viennent parfaire le portrait.


FOCUS Aujourd’hui, il veut aller vivre à Hong-Kong. Il vient de terminer une école d’ingénieur. « Est-ce que je suis le seul dans ce cas ? Franchement non. Ces clichés sur les supporters sont tellement lourds ». Pour lui, beaucoup d’ultras ont des boulots « comme tout le monde », certains sont même « cadres sup’ ».

« Comme des rock stars » Laurent confirme cette affirmation et enchaîne sur ces histoires à l’étranger. « Les longs déplacements en Europe sont les meilleurs ! C’est durant ces voyages-là qu’il se passe le plus de chose » sourit-il. Il aime se définir comme « un vieux de la vieille », avec un bagage de plus de quinze années de « dep » - déplacement pour un match dans un autre stade – dans le jargon. Le trentenaire aux cheveux bruns très courts, ajuste ses petites lunettes rondes avant de reprendre. « J’ai un look gentil je sais bien. En même temps, ça aide pour être commercial ». Ses collègues sont au courant de sa passion même s’ils ne savent pas tout. « Heureusement, sinon ils ne me parleraient plus », rit-il en laissant apparaître des dents blanches impeccables. « Les gars m’appellent Chico pour ça, même les flics m’ont donné ce surnom ». Il se souvient d’une soirée à Glasgow, en Ecosse : « c’était la première fois que je signais un autographe », confiet-il. Après une journée à visiter la ville, le groupe s’était dit – en rigolant – qu’ils allaient en boîte de nuit. « Jamais on ne pensait rentrer. On était cinquante à faire la queue devant l’établissement. Imagine ! » Seulement voilà, ils n’avaient ni maillots, ni écharpes ni quoi que ce soit à l’effigie d’un club de football. « Le patron est sorti et nous a pris pour des « people ». Au départ je croyais qu’il se foutait de nous avec son grand sourire. C’est rare qu’on soit accueilli comme ça ». Le directeur de la boîte de nuit les avait pris pour des artistes en tournée. «

Il m’avait dit que son gosse nous adorait ou quelque chose comme ça. Je ne comprenais pas trop ce qu’il me disait. C’était bien la seule fois qu’on nous prenait pour des rocks stars ». Le patron du club avait offert le champagne, et le reste. « Toute la soirée était à l’œil ». A Glasgow, et dans toute l’Ecosse, l’ensemble des caméras de sécurité est visionné par des policiers. Le lendemain en arrivant au stade, les supporters tombent sur des hommes hilares. « Ils nous racontent qu’ils nous ont vu à travers les caméras dans la boite de nuit ». L’évènement fait tellement rire les forces de l’ordre écossaises que les supporters rentrent dans le stade « quasiment sans être fouillés. Une première là aussi », indique Laurent.

Une ambiance incomparable Tous sont unanimes. « Dans les déplacements à l’étranger, ils se passent toujours quelque chose. Mais le mieux reste l’avant et l’après match. C’est un peu comme des mini-vacances en semaine avec des amis. C’est toujours plaisant ». Pierre a aussi quelques anecdotes dans son sac. Le jeune homme a un peu plus que la vingtaine, des cheveux hirsutes et toujours une

barbe de trois jours. Il est étudiant en Master à Sciences Po Aix-enProvence, mais il a passé tout son lycée dans les stades de football. « Il ne faut pas croire que ce n’est pas compatible. L’ambiance est juste géniale. C’est ça que les gens ne comprennent pas. Les sensations sont tellement fortes que c’est comme une drogue ! On veut toujours revivre des moments comme ça ». Il poursuit : « Franchement, on est cool, comparé à certains ultras comme ceux originaires d’Europe de l’Est. Dès qu’ils viennent en France, ils cassent tout ». Pierre pense particulièrement aux stationsservice sur les aires d’autoroute. Certaines ont été ravagées après un passage d’ultras. « Il faut admettre que nous aussi on a notre petite routine avec les stations-services. Faut voir la tronche des gérants quand on arrive… ». Si un bus de supporters s’arrête sur une aire d’autoroute, il arrive que toutes les factures ne soient pas payées. « C’est quasiment une fois sur deux, et à chaque fois sur les matchs importants. Les gars n’aiment pas trop le dire mais c’est fréquent. Disons qu’on paye un paquet de gâteaux et qu’on reparte avec trois sandwichs et plusieurs bouteilles de coca. Est-ce que le vendeur est au courant ? Bien sûr, mais qu’estce que vous voulez qu’il fasse ? ». Thibault Jouzier

Les supporters montrent l’affection pour leur club.

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ECONOMIE

L’e-Sport, un sport business comme les autres

Gagner sa vie en jouant aux jeux vidéo, le rêve ? C’est en tout cas depuis une dizaine d’année une réalité. A la BlizzCon, célèbre convention de l’éditeur Blizzard, les meilleurs joueurs s’affronteront pour des récompense allant jusqu’à 100 000 $. Zoom sur cette économie nouvelle.

«

La première fois que j’ai gagné de l’argent grâce aux jeux vidéo, j’avais 15 ans. » Avec un titre de champion du monde sur Fifa, la simulation de sport référence, Vincent Hoffmann AKA « Vinch », est un des meilleurs gamers français de sa génération. Vincent fait partie de ces jeunes qui ont grandi avec l’e-Sport et qui ont su s’entourer d’une équipe afin de poursuivre leur carrière de la meilleure des façons. Pour lui, rien de plus naturel que de gagner sa vie grâce aux jeux vidéo. « Je m’entraine près de 5 heures par jour en moyenne, c’est autant que la plupart des footballeurs de haut niveau. Et les moyens investis dans ce milieu nous permettent de gagner notre vie. » Et une chose est sûre, le milieu de l’e-Sport a encore de belles années devant lui : en 2012, les compétitions de jeux vidéo ont réuni plus de 76 millions de spectateurs. Une étude du cabinet Newzoo en prévoit même 190 millions pour l’année 2017. Cette augmentation du public entraine, de ce fait, une hausse des revenus, avec un marché de 465 millions d’euros pour 2017, soit près de trois fois les revenus générés en 2012. Des résultats économiques exceptionnels qui ont très vite attiré de nombreux éditeurs de jeux vidéo. « Le jeu vidéo, par nature, a toujours été une forme de compétition. Déjà dans les salles d’arcade, on se battait pour obtenir le meilleur High Score, raconte Jérémy Girardot, manager de l’équipe Epsilon, une des meilleurs équipes d’e-Sport au monde. » Les éditeurs de jeux vidéo ont compris le merveilleux potentiel que pouvait représenter la publicité, via ceux que l’on appelle les super players : comme le footballeur qui a le pouvoir de faire acheter le dernier maillot du Real Madrid, ces super joueurs peuvent faire acheter la toute dernière carte graphique.

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A la BlizzCon, les meilleurs joueurs s’affrontent pour un prix de 100 000 dollars. Une récompense qui a doublé en moins de cinq ans. Dans cette optique, les vainqueurs d’une compétition remportent des gains mais ils sont également approchés par des constructeurs de matériel informatique ou autre, pour que les joueurs utilisent leurs produits : « Nos joueurs reçoivent régulièrement de nombreux objets destinés aux jeux vidéo, après libre à eux de les utiliser ou non en compétition, explique Jérémy Girardot. » Ainsi lors de la BlizzCon, on retrouve des partenaires commerciales comme Razer ou Corsair, constructeur informatique, ou encore T-Mobile ou Master Card, habitué à sponsoriser de nombreuses compétitions de sports classiques. Ces grandes marques représentent les principaux revenus de l’e-Sport. Même si les tickets sont très onéreux (194 $ pour la BlizzCon), les partenaires économiques permettent d’organiser des compétitions incroyables, qui constituent des vitrines fantastiques, pour un investissement moindre par rapport celui du football par exemple. Avec près de 200 millions de spectateurs potentiels, les audiences des compétitions de jeux vidéo dépassent très largement celles de la dernière finale du championnat

de football américain, avec 114,4 millions de spectateurs en Amérique. Sauf que dans l’e-Sport, les sportifs ne sont pas payés plusieurs millions d’euros et Katy Perry ne vient pas pousser la chansonnette à la mi-temps. Le profit est donc très intéressant pour les publicitaires, d’autant quand on sait qu’une publicité de 30 secondes coûte, durant le Super Bowl, près de 4 millions de dollars. Et en tant qu’éditeur de jeux qui organise son propre évènement, comme c’est le cas pour la BlizzCon avec Blizzard, les profits peuvent être décuplés. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que l’e-Sport n’est pas près de connaître d’accalmie. La semaine dernière, Sony a profité de la Paris Games Week pour annoncer la création de la Playstation Plus League, le plus grand championnat de jeux vidéo jamais organisé. Il suffira d’une PS4 et d’une manette pour y participer et pourquoi pas devenir le meilleur du monde dans son jeu favori ? Une compétition internationale où tout le monde peut participer, il fallait y penser. Paul Le Meur


CULTURE

EMBARQUEMENT IMMINENT POUR LE BIG BANG FESTIVAL

Le Big Bang festival va ré-ouvrir ses portes pour la troisième année consécutive. Cet événement de musique électronique prévu sur deux nuits, les 6 et 7 novembre, rassemblera 16 artistes internationaux au sein du Palais des CongrèsEst-Montreuil.

D

es nouveaux sons, un nouveau lieu, pour de nouvelles ambitions, puisque, contrairement aux années précédentes, la capacité d’accueil du satellite Big Bang est de 10 000 personnes. Le Palais des Congrès sera réaménagé pour l’occasion. Une évolution qui n’est pas pour déplaire à l’équipe de Marvellous Island, l’agence d’événementiel organisant les festivités. A l’origine de cet événement, une réelle envie de la part de l’agence organisatrice, d’être davantage présente sur la scène électronique parisienne. Après une première tentative en demi-teinte avec la première édition du festival Marvellous en mai 2013, Laurent Kemler, actuel directeur artistique de l’agence, prendra en main la programmation des 2ème et 3ème éditions du Marvellous festival et de tous les Big Bang ! La dimension artistique fait partie intégrante de l’esprit de l’agence et lui offre une identité propre. A l’image du Big Bang festival qui surfe sur le thème spatial, avec toute une communication en cohésion avec cet univers. Fort d’une théorie du Big Bang revisitée, Laurent Kemler et l’équipe Marvellous débordent d’idées pour une scénographie originale. En entrant dans le Palais des Congrès-EstMontreuil, vous pénétrerez dans une zone sonore privée de toute notion du temps. Une fois passé au check-in à bord de votre navette spatiale perso et corporelle, vous tomberez face à deux espaces, chacun dédié à une scène. La Super Nova au rez-de-chaussée, ou Dark Room, offrira un jeu de néons qui

bougeront au rythme de la musique dans une salle plongée dans le noir, et « un espace plus Photos de l’édition 2014 du Big Bang Festival chill village » pourvu de le producteur du festival, Arthur food trucks pour les petites fringales Louvet. Il y a les artistes confirmés, nocturnes. Le Planétarium à l’étage qui reviennent chaque année, les présentera toute la nuit un show artistes qui sont déjà venus et qu’ils visuel et sonore inédit. veulent revoir, puis ceux qui, à

L’univers du BigBang Festival Voilà pour l’essentiel des décors, mais « des surprises sont à attendre » nous précise Laurent Kemler. En tête de la line-up, un nom fait des heureux auprès des fans du festival, c’est DubFire. Grégory, 26 ans et étudiant, a participé aux deux premières éditions du Big Bang festival et possède déjà sa carte d’embarquement pour vendredi et samedi. Fan de musique électronique et très tatillon dans le choix des soirées et festivals auxquels il assiste, il n’en revenait pas quand il a découvert la line-up en juin dernier. Ali « Dubfire » Shirazinia, est connu pour avoir fait partie du duo de DJ, Deep Fire. En solo c’est pour son Live Hybrid Project, qui mêle des images

l’inverse, n’ont jamais participé et qu’ils aimeraient voir. Pour finir, les artistes « newcomers » qui ont une actualité font également partie des choix à prendre en compte. Mais cette liste n’est pas définitive, puisqu’avant de valider des noms, il faut étudier les budgets, les horaires et les mises en scène, s’il y a, de chacun. Ainsi Black Coffee, peu connu en France mais en pleine ascension à l’international, a une fenêtre de trois heures juste avant Jimmy Jones, DJ présent aux deux premières éditions. Cette place permettra au public de l’un de découvrir l’autre. Marvellous Island a pour ambition de développer son image. Cette agence ne possède pas de clubs comme les organisateurs d’autres festivals électroniques de Paris, ce qui ne lui permet pas d’organiser des soirées hebdomadaires où des artistes peuvent se produire. « Les organisateurs du Weather festival ont la Concrète, ceux du Peak festival ont le Nuba et le Social Club ; nous, nous jouons toute notre image sur nos événements annuels ». Marvellous Island a également envoyé des invitations à près de 300 écoles post-bac qui forment des ingénieurs du son.

« Quand on fait une line-up, il faut prendre en compte des contraintes techniques et logistiques ». en 2 et 3 dimensions bougeant en rythme avec sa musique que des fans comme Grégory l’admirent. Mais ce n’est pas le seul nom sur la programmation puisque, Culoe De Song, Kenny Larkin ou encore Shaun Reeves sont annoncés. Il émet au préalable une liste avec

Pascal Keigna

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CULTURE

La rentrée d’autonome est annoncée par la remise des prix littéraires Aujourd’hui, la semaine des prix littéraires continue avec la remise du prix Médicis. Une récompense qui permet à des auteurs d’être révélés ou d’avoir une reconnaissance supplémentaire auprès d’un lectorat.

L

a saison des prix littéraires est un moment important pour les éditeurs et les auteurs. La remise de ces récompenses se fait pendant une semaine, car tous sont en concurrence, comme le prix Renaudot, qui a été créé par des journalistes, en réaction au prix Goncourt. La majeure partie de ces prix a été instaurée par l’Académie française, et aujourd’hui, on en dénombre cinquante-huit. Chacun est doté d’une médaille ou d’une somme d’argent pouvant aller de mille à quarante-cinq mille euros pour les plus importantes. Ces sommes sont financées par des fondations. « Cet argent est souvent très important pour les auteurs, car ils ont souvent peu de moyens pour vivre » explique Nadine Strobaud, chargé des prix littéraires pour la non-fiction chez Albin Michel. Parmi les plus Grand prix de l’Académie française, il y a tout à d’abord le Grand Prix de littérature fondé en 1911. Le plus connu, est bien sûr le Prix du Roman, un prix décerné à l’auteur du meilleur roman de l’année selon l’Académie. Il ouvre chaque année la rentrée littéraire, précédant la proclamation des Prix Goncourt, Renaudot, Médicis, Femina ou encore Interallié.

connaissent l’auteur et c’est pour lui permettre d’avoir une récompense » souligne Nadine Strobaud. Tous les prix peuvent permettre de révéler des auteurs ou en promouvoir de grands déjà connus. Durant les périodes de « campagnes », les maisons d’édition utilisent tous les moyens pour mettre en avant leur auteur, chose que l’Académie française ne contrôle pas. « Le commerce du livre, les ventes, les stratégies auxquelles les maisons d’édition peuvent avoir recours pour essayer, avec ou sans succès, de pousser un livre ou un autre, ne concernent pas l’Académie française » comme l’explique Marie-Claire Chatelain, du service des prix littéraires à l’Académie française. La plupart des auteurs qui sont nommés lors des différents prix, font partis de grandes maisons d’édition qui participent aux récompenses depuis longtemps. Mais pour les petites maisons d’édition qui publient des auteurs méconnus, ce sont des moments plus compliqués et plus denses. « Les maisons d’édition comme Gallimard ou Grasset sont plus habituées à gérer le côté médiatique et les ventes après l’annonce des prix » explique Audrey Siourd chargé des prix littéraires chez L’Iconoclaste.

Comment se passent aujourd’hui les remises de prix ?

Un coup de pouce pour les ventes

Pour que les livres et les auteurs soient primés, ils existent deux moyens : soit les maisons d’édition proposent les livres au jury, soit les membres du jury viennent vers les maisons d’édition pour demander aux auteurs de participer aux prix. « Souvent quand les membres du jury viennent vers nous, c’est qu’ils

C’est aussi un bon moyen pour pousser les ventes, surtout au moment des fêtes. Que ce soit pour le prix Goncourt ou le prix Renaudot, les ventes peuvent monter jusqu’à 395000 exemplaires pour le premier ou encore 178000 pour l’autre. « Il est vrai que la petite bande annonçant le résultat du prix, sur le

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Les prix de l’académie française récompenseront encore cette année des auteurs au travail de qualité livre, peut faire montrer le nombre de vente considérablement » s’amuse la chargé des prix littéraire pour la nonfiction chez Albin Michel. Pour les libraires, c’est un moment d’une grande importance. L’annonce des prix littéraires permet de faire près de 30% de ventes supplémentaires entre les récompenses et les fêtes. Les amateurs de lecture attendent avec impatience les résultats, mais certains ne viennent dans les librairies seulement pour trouver les livres des auteurs. « Une personne est venue, l’année dernière, et elle n’a pas pris le livre car il n’y avait pas la bannière » s’étonne la gérante d’une librairie. Mais pour les auteurs, c’est avant tout un moyen d’avoir la reconnaissance de leur travail. Certains auteur ne remportent jamais de Grand prix, comme le Goncourt, mais sont souvent récompensés par des prix moins connus. C’est toujours un plaisir et une reconnaissance très importante pour ces auteurs, surtout de la part des jurés. Ils prennent le temps tout au long de l’année de lire et de discuter entre eux pour élire le meilleur livre. Ainsi l’auteur sera récompensé grâce à un travail de qualité. Marie Martel


Qu’importe le salon, pourvu qu’on ait l’ivresse Durant tout le mois de novembre, différents salons dédiés aux vignerons indépendants sont organisés afin de promouvoir la qualité de leurs vins et d’avoir une véritable visibilité sur le marché. Pour ces producteurs, ils ne peuvent rater ces événements.

C

omme chaque année, les salons des vins des vignerons indépendants sont des événements incontournables pour ces producteurs. En effet, ce n’est pas qu’une simple étiquette, collée sur la bouteille, pour expliquer qu’ils travaillent de manière indépendante, c’est totalement différent d’une maison de champagne. Celle-ci véhicule son image et sa marque à travers le monde et travaille avec de nombreux petits producteurs qui récoltent le raisin de la grande entreprise. Même principe pour les coopératives viticoles. Ce sont des entreprises qui aident les petits producteurs à produire leur champagne, notamment en pressant le raisin durant les vendanges, puis en stockant les hectolitres récoltés par la suite. Être un vigneron indépendant est beaucoup plus gratifiant pour un producteur de vin.

Une charte et une passion à respecter Être vigneron indépendant, ce n’est pas seulement avoir sur son étiquette, un logo qui symbolise sa profession. C’est avant tout, une référence dans le monde du vin et seuls les producteurs qui respectent

la charte peuvent faire figurer ce logo sur leurs bouteilles. « Avoir ce logo pour un viticulteur, montre le fait qu’il offre un véritable savoirfaire du vin » explique Michel Loriot, président des vignerons indépendants de Champagne, « c’est une personne qui est exigeante et qui veut offrir à chaque personne le meilleur de sa production. C’est un professionnel responsable et s’engageant également à répondre à la charte métier ». Il y a huit points essentiels à respecter pour être certifié comme étant un vigneron indépendant. Le viticulteur doit respecter son terroir, travailler sa vigne, récolter son raisin, vinifier et élever son vin, mettre en bouteille sa production dans une cave. Il doit également commercialiser ses produits, se perfectionner dans le respect de la tradition. Mais un producteur se doit aussi d’accueillir comme il se doit chaque client ainsi que le conseiller lors de la dégustation, tout en prenant du plaisir à présenter le fruit de son travail et de sa culture. Les vignerons travaillent leurs vignes tous les jours afin de les entretenir et faire pousser les plus beaux raisins possibles. Cela leur permettront de pouvoir récolter un raisin de qualité qui, une fois pressé, aura déjà un arôme particulier. Ceci est la première et la plus longue étape pour un viticulteur. Ensuite, la deuxième étape se déroule pendant les vendanges et les mois qui suivent avec le pressage du raisin, la vinification et la mise en bouteille du produit travaillé. La dernière étape est la plus importante pour un producteur, et encore plus pour un vigneron indépendant qui doit respecter la charte. Le point clé est la vente de ses produits. Les salons

sont donc de grandes occasions pour les vignerons de pouvoir faire valoir la qualité de leurs vins et avoir une certaine notoriété grâce à leurs prestations.

Les salons, démonstrations de leur qualité Les salons des vins et des vignerons indépendants ne sont pas des rassemblements comme les autres. En effet, ils permettent aux producteurs de raconter avec leurs mots, leur histoire, leur vin et leur métier. « Durant tout le mois de novembre, quatre salons sont organisés à Lyon, Reims, Lille et Paris. Cela permet aux gens de pouvoir rencontrer entre 300 et 1000 vignerons » développe Michel Loriot, « et pour les vignerons, c’est le moment de pouvoir vendre leurs produits et de parler de leur passion pour le vin et la viticulture ». Pour les producteurs de vin, participer à des salons reste un plaisir avant d’être un business. « Je ne pourrais même pas vous dire combien de salon j’ai fait ces dernières années » raconte François Ray, propriétaire du domaine Ray, « à chaque fois c’est avec le même plaisir que je les fais même si c’est très fatigant d’enchaîner les journées et les salons mais cela fait partie du métier». Les salons des vins et des vignerons indépendants sont des occasions pour les amateurs de vins de pouvoir déambuler dans les couloirs, un verre à la main, afin de pouvoir déguster et parler avec les différents producteurs qui exposent et vendent leurs produits. Raphael Gilleron

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CINÉMA

Spectre ne passera pas inaperçu au cinéma Le 11 novembre prochain sera un jour férié, mais pas chômé pour tout le monde. James Bond, l’espion britannique emblématique revient sur nos écrans pour un 24ème volet, réalisé par Sam Mendes. Et c’est une nouvelle fois Daniel Craig qui endosse le costume de Bond, James Bond.

A

gent double 07, votre ordre de mission est le suivant : vous devrez enquêter sur l’organisation secrète Spectre, avec à sa tête, Franz Oberhauser, incarné par Christoph Waltz. Cette organisation vous dit sûrement quelque chose, vous l’avez déjà

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croisé auparavant, elle vous a même causé quelques ennuis. Pour cela, vous voyagerez à travers différentes villes, comme Londres, Rome ou encore Mexico City et vous visiterez même l’Autriche et les Alpes françaises. Attention tout de même à la

corruption ! Selon TaxAnalysts. com, Sony et la Metro Goldwin Meyer auraient reçu 20 millions de dollars du Mexique pour changer votre mission et ainsi offrir une image positive du pays… Pas très digne d’un gentleman britannique ! Comme toujours, M et Q seront


CINÉMA là pour vous aider et vous fournir des gadgets. Et tâchez de ne pas trop importuner Miss Money Penny cette fois-ci James… Mais n’ayez crainte, pour cette mission, vous serez épaulé par Léa Seydoux. Son nom de code sera Madeleine Swann. Vous croiserez aussi sans doute le chemin de Lucia Sciarra, interprétée par Monica Bellucci. Vous veillerez à la ménager James, Monica Bellucci a 50 ans, ce qui fait d’elle la plus âgée des James Bond girls… Mais j’imagine qu’avec 148 minutes de film, soit le plus long de la saga, vous ne m’écouterez pas vraiment…

Spectre crève déjà l’écran du box office Vous réussirez votre mission sans encombre : après à peine une semaine, vous avez totalisé 80,4 millions de dollars de recette sur 6 territoires. Pour comparaison, votre mission précédente, Skyfall, n’a totalisé que 77,7 millions de billets verts, sur la même période et sur 25 pays au total… De plus, vous faites la fierté de vos compatriotes puisque vous êtes le plus gros démarrage de l’histoire de la Grande Bretagne avec 63, 8 millions de dollars. Vous êtes même la meilleure première journée, détrônant ainsi Harry Potter et le prisonnier d’Azkaban. Bien entendu, que serait James Bond sans une Aston Martin ? Votre fidèle marque vous a concocté 10 Aston Martin DB10. Attention James, ce sont des prototypes et n’existent que pour votre mission ! Vous veillerez à ne pas détruire les 3 modèles restants, puisque vous en avez déjà mis 7 hors service sur les 10. Franz Oberhauser, votre ennemi, conduira une Jaguar C-X75, un prototype présenté au Mondial de l’automobile à Paris en 2010,

ce qui promet, sans doute, de jolies courses poursuites. Bien sûr, je ne dis rien quant au Range Rover ou à l’avion que vous avez détruit. Mais sachez bien que sur les 272 millions d’euros de budget de votre mission, 32 sont consacrés uniquement aux véhicules. Faites un peu plus attention la prochaine fois…

Spectre, dernier James Bond pour Daniel Craig ? Casino Royale, Quantum of Solace, Skyfall et maintenant Spectre. Vous endossez le costume de l’agent double 07 depuis 2006 maintenant. Pourtant, certaines rumeurs disent que Spectre serait votre dernière mission. N’oubliez pas que vous avez signé pour 5 films avec Sony. Vous avez vousmême déclarez dans la presse que le personnage de James Bond était sexiste, misogyne et brutal, mais pas autant que les précédents acteurs. Vous le trouvez même triste et seul, puisqu’à part boire de l’alcool et coucher avec des femmes qui disparaissent au petit matin, vous ne faites pas beaucoup de chose… Excepté sauver

le monde, bien évidemment. Ajouter à cela, votre « unique motivation financière » pour renfiler la tenue de 007, et nous n’avons plus qu’à vous trouver un remplaçant. Ces mêmes rumeurs parlent d’un certain Idris Elba. Cependant, Anthony Horowitz, l’actuel écrivain de vos missions, trouve cet acteur « trop ghetto » pour incarner le flegme britannique. Rappelez vous de votre première mission, vous étiez déjà critiqué puisque vous ne représentiez pas l’agent britannique par excellence. La raison ? Vous êtes blond, et non brun comme vos prédécesseurs. Mais votre remplaçant pourrait tout aussi bien être roux ou encore homosexuel. Pas sûr que Ian Fleming apprécie tout autant ce changement de personnage, pour la simple et bonne raison qu’il faut rester fidèle au personnage de James Bond. Et surtout James, n’oubliez pas de me ramener vos gadgets en un seul morceau…

Olivier Geyelin

Comme une impression de déjà-vu… Les blessures de Daniel Craig, l’âge avancé de Monica Belluci pour une James Bond girl, le rôle « spécifique » de Léa Seydoux… Et si la promo de Spectre était écrite à l’avance ? Trois interviews différentes, pour TF1, I-télé et même Skynews et compilé par le journal Libération démontre le pot-aux-roses. Daniel Craig, Léa Seydoux et Monica Bellucci répondent la même chose à chaque question. Des anecdotes de tournage aux justifications des acteurs, jusqu’au rôle de Léa Seydoux ou encore une James Bond girl de 50 ans, une première pour ce Casanova britannique. Quant à Léa Seydoux, son rôle de James Bond girl est différent de ce que l’on a l’habitude de voir à l’écran. Son caractère se rapprochant plus de celui de James Bond. Une question reste cependant en suspens : Daniel Craig renfilera-t-il le costume de James Bond une ultime fois, après Spectre ?

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