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LE MAGAZINE

N°102

DE LA

PLACE FINANCIERE SUISSE

Mars / Avril 2010

CHF 12.– / 8€

Exposition d’artistes aborigènes – Banque Vontobel

EDOUARD BALLADUR «Le libéralisme économique doit être organisé!»

FONDS IMMOBILIERS Qui veut jouer au gratte-ciel?

CONJONCTURE BANQUE HSBC: de l’Occident vers l’Orient

Inflation ou déflation? Ni l’une ni l’autre, bien au contraire!



ÉDITORIAL Rédacteur en chef: Olivier Vacherand o.vacherand@promoedition.ch

L’art de la guerre

Conseiller éditorial: Marian Stepczynski

A

Rédaction: Véronique Bühlmann, Mohammad Farrokh, Odile Habel, Hélène Koch, Pierre Marquis, Didier Planche, Jaona Ravaloson. Ont collaboré à ce numéro: Me Jean-Yves De Both et Kim Do Duc, Pierre-Henri Badel, Fabienne Boinnard, Richard Brun, David Carayon, Elizabeth Eaton, Richard House, George Iwanicki, Philippe Julia, Karl Keller, Nicole Kunz, Panayotis Pournaras, Alexandre Sadik, Jean Schneider. Edition: Promoédition SA

OLIVIER VACHERAND Rédacteur en chef

Editeur délégué et Directeur de publication: Roland Ray Responsable du développement: Maxime Khedoud Production: Maryse Avidor Maquette: Dominique Berthet Mise en page: Ursula Brugger Photos: François Filliettaz Relecture: Viviane Cattin Impression: Atar Roto Presse SA Site internet: www.banque-finance.ch Rédaction et administration: Banque & Finance 35, rue des Bains Case postale 5615 1211 Genève 11 Tél. +41 22 809 94 60 Fax +41 22 781 14 14 E-mail: info@banque-finance.ch Publicité: Médiapresse Pub SA 3, rue de la Vigie Case postale 1119 1001 Lausanne Tél. +41 21 321 30 77 Fax + 41 21 321 30 69 Responsable: Roye Yarden Abonnements: E-mail: abo@banque-finance.ch Ccp: 12-17931-5 1 an d’abonnement (6 numéros) CHF 60.2 ans d’abonnement (12 numéros) CHF 90.Banque & Finance paraît six fois par an et publie un numéro hors-série. © Promoédition SA, Genève, 2010

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Mais ce déséquilibre des forces en présence n’explique – ou n’excuse – pas la stratégie difficilement compréhensible du Conseil fédéral.

trop perdre de batailles, on finit par nourrir quelques légitimes inquiétudes quant à l’issue de la guerre. Retranchée derrière la ligne Maginot du secret bancaire, défendue par un état-major dont on a du mal à suivre la stratégie et qui affiche une fâcheuse tendance à courber l’échine au moindre coup de semonce, la place financière suisse parviendra-t-elle à sortir vainqueur de la guerre commerciale sans merci que lui livrent ses principaux voisins sous couvert d’arguments éthiques et juridiques? Après un peu plus de deux années de combat acharné, la Suisse n’aura pas même réussi à préserver le statu quo. Ce qui n’est pas vraiment de bon augure pour la suite des hostilités, d’autant que la place apparaît isolée, divisée et, par certains côtés, en voie d’obsolescence dans son modèle d’affaires.

Batailles perdues C’est désespérément seule, sans protection ni alliés, que la Suisse doit faire face à la pression d’une coalition composée d’Etats (France, Allemagne, Royaume-Uni, Etats-Unis, etc.) parmi les plus puissants politiquement de la planète et, ceci explique sans doute cela, à la fiscalité forte et aux finances publiques exsangues suite aux interventions massives opérées ces derniers mois. Mais ce déséquilibre des forces en présence n’explique – ou n’excuse – pas la stratégie difficilement compréhensible du Conseil fédéral. Dans une précipitation fort peu helvétique mais sans doute à la mesure des intimidations orchestrées par le G20, il n’aura fallu que quelques jours pour abandonner, le 13 mars 2009, la distinction entre fraude et évasion fiscale. Une distinction qui constituait, jusqu’alors, l’une des pierres angulaires du modèle d’affaires de gestion de fortune offshore suisse. Hans-Rudolf Merz nous expliquait alors que c’était là un moindre mal qui permettrait d’évi-

ter l’inenvisageable échange automatique d’informations. Moins d’un an après, le grand argentier de la Confédération n’exclut plus cette solution en échange d’un accès libre au marché européen des services. Une annonce accueillie plutôt froidement par les banquiers de la place! Autre bataille perdue, celle des 4450 comptes UBS livrés aux autorités fiscales américaines au terme d’un accord signé le 19 août dernier; accord retoqué depuis lors par le Tribunal fédéral administratif.

Modèle d’affaires Outre la stratégie mal comprise des généraux, la place financière souffre aussi, il faut bien le reconnaître, d’un manque d’unité au sein des troupes. Exemple avec le projet Rubik, proposé par une poignée de banquiers prêts à se transformer en agents du fisc étranger, soutenu du bout des lèvres par le Conseil fédéral et finalement dénoncée par la plus grande frange de la profession. Manque d’unité également pour ce qui est de la proposition de demander des déclarations de conformité fiscale aux clients à l’instar de ce qui se fait au Liechtenstein. Bien que contreproductive, cette impossibilité de faire front commun face aux attaques étrangères reflète le gap qui s’est créé entre les plus grands établissements – qui disposent de la puissance de feu nécessaire pour s’établir à l’étranger afin de proposer des services onshore ou du trust – et les plus petits, dont le modèle d’affaires consiste essentiellement à capter une partie de la manne internationale de l’évasion fiscale grâce au secret bancaire. Dans un contexte de suspicion sur le vol de fichiers clients au sein des banques, d’incertitude quant à l’adoption de l’échange automatique d’informations et de harcèlement fiscal de la part de certains Etats envers leurs ressortissants, le modèle d’affaires de la gestion de fortune offshore devra s’adapter… ou péricliter. ■

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SOMMAIRE ÉDITORIAL 1

L’art de la guerre par Olivier Vacherand, rédacteur en chef

NEWS 4

L’actualité de la place financière

MANAGER 6

François Gautier – Association Vaudoise des Banques Valoriser davantage les atouts de la place financière vaudoise

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MANAGER François Gautier – Association vaudoise des banques Valoriser davantage les atouts de la place financière vaudoise

INTERVIEW 8

Edouard Balladur – Ancien Premier ministre français «Le libéralisme économique doit être organisé!»

L’INTERVIEW 12 CONJONCTURE Inflation ou déflation? Ni l’une ni l’autre, bien au contraire!

60 Secret bancaire L’Union européenne maintient la pression 62 Trusts et TVA Modifications de la pratique administrative

SOLUTIONS BANCAIRES 64 Banque privée De nouveaux modèles opérationnels 66 Teleinvest Un ingénieux couturier de la Bourse en ligne 68 News L’actualité des solutions bancaires en bref

À LA UNE HISTOIRE 70 Novembre 1993 La crise des banques vaudoises

LIVRES DOSSIER MARCHÉS ÉMERGENTS

75 Bibliographie financière

22 Consommation La croissance comme tendance durable

OPINION 88 Travaux d’Hercule par Marian Stepczynski

24 Dette Des perspectives toujours plus prometteuses P. 28

MARCHÉS ÉMERGENTS George Iwanicki – JP Morgan AM Nouvelles performances attendues en 2010

26 Marchés Un beau potentiel en Europe du Sud-Est 28 Marchés Nouvelles performances attendues en 2010

ART DE VIVRE 76 VOYAGE

FONDS DE PLACEMENT 30 Le palmarès Morningstar Repères du marché de la gestion collective 32 Nouveaux fonds Une Ferrari sous le jet d’eau 42 Fonds immobiliers Qui veut jouer au gratte-ciel? P. 48

GESTION DE FORTUNE F.-Michel Ormond – 1875 Finance «Nos autorités doivent mieux défendre la sphère privée»

46 Fonds immobiliers Des perles romandes pour institutionnels

GESTION DE FORTUNE 48 François-Michel Ormond – 1875 Finance «Nos autorités doivent mieux défendre la sphère privée»

JURIDIQUE 50 Transfert d’activités bancaires et financières De nombreuses implications juridiques

ENJEUX P. 50

JURIDIQUE Transfert d’activités bancaires et financières Nombreuses implications juridiques

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54 HSBC De l’Occident vers l’Orient 58 Audit interne Principal rempart contre la fraude?

CONJONCTURE Inflation ou déflation? Ni l’une ni l’autre, bien au contraire! Banque & Finance a interrogé un panel d’économistes et de stratèges de banques pour leur demander quelles réflexions leur inspiraient les grandes évolutions du moment. Jean-Pierre Béguelin, chef économiste de Pictet & Cie, Michel Girardin, conseiller économique à l’UBP Gestion institutionnelle, Michel Juvet, membre du Comité de direction et directeur de la recherche de Bordier & Cie, et Patrizio Merciai, Chief Investment Officer de la Banque Profil de Gestion à Genève, livrent ici leur sentiment sur l’évolution conjoncturelle et les conséquences prévisibles de la crise financière.

Club Med 2 Et larguer les amarres…

78 GASTRONOMIE Nevaï et King’s Parc Hôtel Déjeuner express sur la terrasse

81 PEINTURE

82 AUTOMOBILE Bentley Supersport, Nissan Cube et Mazda CX-7 Mécanique d’exception, icône zen et 4x4 sportif

84 TENTATIONS Les nouveautés

86 LIVRES

L’art comme dialogue humaniste

L’art dans B&F – Ce numéro de Banque & Finance présente des œuvres d’artistes aborigènes exposées jusqu’au 28 mai à la banque Vontobel à Genève. Plus d’infos sur www.vontobel.com. En couverture, Pansy Napangardi (Territoire du Nord), «Sans titre», acrylique sur toile, 60 x 45 cm.

L’information financière et bancaire sur www.banque-finance.ch avec B3B Le site www.b3b.ch, partenaire de Banque & Finance, vous propose un accès simple et rapide à l’information bancaire qu’il vous faut. B3B propose des flux d’information continus, personnalisables en fonction de vos centres d’intérêt, et des newsletters thématiques.

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NEWS Pictet quitte Pictet Figure incontournable du paysage bancaire genevois, suisse et international, Ivan Pictet, qui aura 66 ans en mars, annonce son retrait du collège des associés de la banque éponyme au 30 juin 2010. Entré dans la banque en 1972, nommé associé en 1982 puis associé senior en 2005, Ivan Pictet est souvent monté en première ligne pour défendre les intérêts de la place financière genevoise. «Il conservera des responsabilités au sein de la communauté bancaire et financière genevoise, ainsi que ses engagements actuels dans les domaines environnemental, philanthropique et humanitaire. Par ailleurs, comme le veut la tradition chez Pictet & Cie pour les associés qui quittent le collège, il maintiendra des liens étroits avec la banque», souligne un communiqué du groupe. C’est Jacques de Saussure, associé de la banque privée depuis 1987, qui le remplacera au titre d’associé senior. Pictet annonce, par ailleurs, la nomination de Marc Pictet et de Bertrand Demole au rang d’associés. Agé de 36 ans, Marc Pictet est actuellement administrateur-délégué (directeur général) de Pictet & Cie (Europe) SA, la banque du groupe Pictet à Luxembourg. Quant à Bertrand Demole, 37 ans, il est responsable de l’équipe hedge funds au sein de Pictet Alternative Investments, à Genève. ■ Ivan Pictet

Claude Le Ber rejoint Bénédict Hentsch

EFG sur tous les fronts

La Banque Bénédict Hentsch & Cie SA annonce le recrutement de Claude Le Ber au poste de directeur général. «Le conseil d’administration confirme son intention de développer la banque en attirant les talents qui contribueront à augmenter sa masse en gérance, souligne un communiqué de l’établissement. Ceci, tout en offrant un service de qualité irréprochable, qui passera par l’internationalisation des portefeuilles, l’emploi de techniques éprouvées de la Claude Le Ber gestion des risques, l’intégration contrôlée des méthodes de gestion alternative et l’utilisation de solutions d’ingénierie patrimoniale.» Banquier très expérimenté, Claude Le Ber a assuré la direction générale de la Banque Safdié entre mars 2007 et juin 2009. Il a débuté sa carrière en 1986 au Crédit Commercial de France (CCF) à Paris, puis à Genève, où il devient directeur général du CCF (Suisse). Suite aux différentes fusions intervenues entre les banques françaises, Claude Le Ber est nommé, en 2002, membre de la direction générale du Crédit Lyonnais, devenu par la suite Crédit Agricole. ■

EFG Bank, la filiale en Asie de EFG International, ouvre un bureau de représentation à Shanghai, en Chine. Ce bureau est dirigé par Clement Lin, qui était précédemment directeur du bureau de Taïwan à Citi Private Banking Shanghai et, avant cela, en charge de la gestion de fortune pour la clientèle très fortunée de Chine à HSBC Private Bank (Suisse). Le groupe annonce également son arrivée sur le marché danois avec l’ouverture d’un établissement à Copenhague via EFG Bank AB, sa filiale en Scandinavie. Cet établissement sera dirigé par Lars-Christian Brask. Il était auparavant responsable des activités de private banking de Carnegie au Danemark. Toujours en Scandinavie, EFG Bank AB a procédé à plusieurs nominations au sein de son équipe dirigeante. Ainsi, Lars Bjerrek, en provenance de Nordea, a rejoint EFG Bank AB en tant que CEO adjoint, responsable des Client Relationship Officers tant dans le private banking que dans le domaine institutionnel. Magnus Wretholm a été engagé comme directeur adjoint chargé des Client Relationship Officers. Il a travaillé auparavant à HQ Bank pendant onze ans. Martin Sandén a été nommé directeur Business Development and Special Projects. Précédemment, Martin Sandén a été CEO adjoint de Catella Financial Office, après avoir été CEO adjoint de SEB Private Bank, Luxembourg. Enfin, EFG Gestion Privée, la filiale d’EFG International en France, a été rebaptisée EFG Banque Privée, afin de refléter son agrément bancaire obtenu en septembre 2009. Cette entité est issue du rachat de la société Sycomore Gestion Privée en 2008. ■

EN BREF La Banque Migros reprend intégralement la société Swisslease SA. Cette société, fondée en 1997, est spécialisée dans le leasing de biens d’investissement et de véhicules d’entreprise. Swisslease, dont les trois collaborateurs intégreront la Banque Migros, a réalisé un volume de leasing de quelque 100 millions de francs en 2009. Valiant Bank AG a ouvert une nouvelle succursale au centre commercial Kirsch garten, à Bâle. La nouvelle région Bâle est dirigée par Gabriel Barell, qui était jusqu’alors le responsable du private banking auprès du Credit Suisse à Bâle. Bâle est la 108e succursale de Valiant et la première dans le canton de Bâle-Ville. Intertrust Suisse SA, division du groupe Fortis, spécialisée, comme son nom l’indique dans les trusts, vient d’obtenir une attestation SAS70. Selon un commu-

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niqué du groupe, Intertrust est la première société Trust en Suisse obtenant cette attestation. L’attestation SAS70 garantit l’efficacité opérationnelle du système de contrôle interne couvrant le traitement des transactions pour les prestations de services. Après Sion, Viège, Zermatt et Martigny, Monthey bénéficie du nouveau concept de succursale du Credit Suisse. Depuis 2005, la banque modernise son réseau national de succursales, avec la volonté de modifier ses lieux d’accueil en véritables centres de conseil. La clientèle est accueillie dès son entrée dans l’établissement par un collaborateur spécialisé, un Floor-Manager. Il dispensera tous les conseils relatifs aux produits bancaires standards et aux services traditionnels et effectuera, dans certaines situations, des ouvertures de comptes.

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L’ACTUALITÉ DE LA PLACE FINANCIÈRE CARRIÈRES Andreas Luethi, ancien directeur exécutif et responsable des affaires institutionnelles chez Sarasin Rabo Investment Management Ltd à Hongkong, a été nommé au poste de directeur de la Banque Hinduja (Suisse) SA et responsable du département Global Investment Solutions. Andreas Luethi se concentre sur les activités de trading, de conseil en investissements ainsi que sur la recherche et les investissements sur les marchés émergents, en particulier l’Inde. Claudio Pietroforte rejoint la BCGE en tant que responsable de la succursale de Genève au sein de la division private banking. Dans cette fonction, il assumera la responsabilité des quatre départements – clientèle suisse, clientèle Europe, clientèle internationale et GFI (gérants de fortunes indépendants). Il était auparavant en poste à la Banque Barclays. Elliot Goodman, avocat anglais et membre STEP, vient d’être recruté par Investec Trust en tant que Senior Trust Manager et responsable de team. Avant de rejoindre Investec, Elliot Goodman a occupé un poste de directeur et conseiller juridique dans une société de trusts indépendante à Genève, où il gérait un important portefeuille de clients. Précédemment, il exerçait en tant qu’avocat dans une étude de la City à Londres, s’occupant des affaires personnelles des plus gros clients. Grace Barki est nommée vice-présidente et responsable pour l’Asie du Sud-Est de la succursale Bank Sarasin-Rabo (Asia) Limited à Singapour. Forte d’une expérience de presque vingt-cinq ans dans le

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secteur, Grace Barki rejoint Sarasin en provenance de l’UBS, où elle était responsable régionale pour l’Indonésie et les Philippines. Avant d’entrer à l’UBS en 2004, elle travaillait chez Citigroup Private Bank. Elle a commencé sa carrière en 1985 à la Citibank NA à Singapour et Jakarta. Patrizio Merciai vient d’être nommé au poste de Chief Investment Officer auprès de la Banque Profil de Gestion à Genève. Au bénéfice d’une expérience de plus de vingt ans dans le domaine bancaire, Patrizio Merciai a occupé la fonction de directeur de la gestion de patrimoine chez Merrill Lynch Bank (Suisse) SA après avoir officié en tant que Chief Economist, Chief Strategist et Co-Head of Strategy chez Lombard Odier Darier Hentsch & Cie entre 1997 et 2004. Retrouvez Patricio Merciai dans l’interview conjoncturelle que nous publions dans cette édition (voir page 12). Bertrand Sager est nommé directeur général, responsable de la division gestion crédit de la banque Cantonale Vaudoise (BCV). Cette division est issue de la réorganisation de la banque annoncée en novembre 2008. Le nouveau Chief Credit Officer a rejoint la BCV en 1998. Auparavant, il opérait au Credit Suisse, déjà dans le secteur des crédits. Raphael Kassin (voir également page 32) rejoint Reyl Asset Management. Ce spécialiste des obligations de marchés émergents a quitté Credit Suisse Asset Management, où il était responsable des produits à revenus fixes sur les marchés émergents, en juin 2009 après la vente de l’activité de gestion d’actifs à Aberdeen Asset Management. Au Credit Suisse, Raphael Kassin gérait le fonds Credit Suisse Bond Fund Emerging Markets.

Pamela Thomas-Graham est nommée chez Credit Suisse au poste nouvellement créé de Chief Talent, Branding and Communications Officer. Membre du directoire du Credit Suisse Group et de celui du Credit Suisse, elle sera en charge, à l’échelle mondiale, des ressources humaines et de la communication (corporate, branding et advertising). Pamela Thomas-Graham était précédemment Managing Director dans le groupe de private equity d’Angelo, Gordon & Co à New York. Auparavant, elle a été notamment Group President chez Liz Claiborne et President, Chief Executive Officer et Chairman de CNBC Television et CNBC.com. Elle a également été associée, puis partenaire, chez McKinsey & Company pendant dix ans. Alain Bouvrot prend la direction opérationnelle du domaine Art Management chez Kendris Private SA, la société suisse spécialisée dans les domaines de la fiducie, des trusts et de la comptabilité. Alain Bouvrot a travaillé auparavant auprès d’UBS comme directeur adjoint du Global Head Art Banking. De 1998 à 2004, il a développé, en parallèle à sa carrière dans le monde de la finance, sa propre galerie d’art contemporain et a participé, depuis 1990, à plusieurs expositions en Suisse en tant qu’artiste. Olivier Bobst et Jonathan Fackelmayer rejoignent Forum Finance Group SA (FFG). Fondée en 1994, la société FFG gère des fortunes privées issues du monde entier. Olivier Bobst était précédemment chez Bobst Value Investment (BVI), où il a, pendant cinq ans, rédigé une lettre d’investissement mensuelle ainsi que des rapports d’analyse. Jonathan Fackelmayer arrive de Pentagram SA, société indépendante de gestion, où il a conseillé des familles européennes sur leurs investissements.

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MANAGER FRANÇOIS GAUTIER – ASSOC. VAUDOISE DES BANQUES

Valoriser davantage les atouts de la place financière vaudoise Le banquier François Gautier, directeur général de la Banque de Dépôts et de Gestion à Lausanne, préside désormais l’Association vaudoise des banques, après avoir siégé au sein de son comité depuis 2000, puis en tant que vice-président dès mai 2002. Ses objectifs visent à renforcer l’attractivité de la place financière vaudoise. Son sens du pragmatisme, qui lui vient de sa formation d’ingénieur en génie civil, devrait lui faciliter la tâche. Didier PLANCHE

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vant d’entrer, en 1997, à la Banque de Dépôts et de Gestion à Lausanne en tant que responsable de la gestion de fortune, puis d’être nommé directeur général en 2000 et président du conseil d’administration de BDG Singapore Private Ltd lors de la création de la société en 2008, François Gautier a travaillé pour l’Union Bancaire Privée et l’United Overseas Bank à Genève, après avoir œuvré chez Bankers Trust Company, à Londres, et chez Schlumberger Offshore Services, à Singapour. Face à l’Association suisse des banquiers, à la Fondation Genève Place financière et au Groupement des banquiers privés genevois, qui mènent une stratégie offensive de soutien à la place financière suisse, chacun peut s’interroger sur l’utilité de l’Association vaudoise des banques (AVB), fondée en 1873 sous la dénomination «Bourse de Lausanne», puis transformée en «Association vaudoise des instituts financiers» en 1992, avant que son assemblée générale de mai 1993 opte pour l’intitulé actuel.

«Si les clients apprécient la discrétion de la place financière vaudoise, ils viennent également pour sa taille humaine et pour la qualité et la pluralité de ses services et de ses compétences»

Objectif formation L’AVB, dont le secrétariat est basé au Centre patronal à Paudex, est présidée, depuis juin

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FRANÇOIS GAUTIER – ASSOCIATION VAUDOISE DES BANQUES

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FRANÇOIS GAUTIER Le vice-président et le secrétaire de l’Association Le vice-président de l’AVB Robert-Philippe Bloch est, depuis 2006, directeur et membre du Comité exécutif Suisse romande et marchés francophones de la Banque Julius Baer & Cie SA. Avant d’être nommé dans cet établissement en 1998, il a travaillé pendant huit ans chez UBS, toujours à Lausanne. Précédemment, Robert-Philippe Bloch a collaboré à SEF Ltd Société Economique et Financière à Fribourg, à Ascom à Berne et à l’Office suisse d’expansion commerciale (Zurich, Lausanne).

dernier, par François Gautier, directeur général de la Banque de Dépôts et de Gestion à Lausanne. Son objectif premier consiste à optimiser les formations de base et permanentes des collaborateurs bancaires du canton. «Ces formations sont dispensées dans le cadre de la Fondation vaudoise pour la formation bancaire (que François Gautier préside également, ndlr) qui, créée en 1997, fonctionne avec les fonds que l’AVB lui a transférés à l’époque. Cette fondation collabore avec les responsables de formation des banques de la place, avec l’Ecole des HEC de l’Université de Lausanne et son institut de gestion bancaire et financière, ainsi qu’avec le Swiss Finance Institute, qu’elle soutient financièrement, institut qui organise des modules de formation à Lausanne. En outre, le vice-président de l’association Robert-Philippe Bloch siège à la Commission stratégique des compétences bancaires de la Fondation Genève Place financière, de sorte que l’AVB participe aux travaux de réflexion sur les nouvelles formations bancaires et sur les évolutions de celles existantes», explique François Gautier. Dans le canton de Vaud, qui se classe au quatrième rang en matière d’emplois financiers après Zurich, Genève et Berne, la formation bancaire revêt une importance toute particulière. «De fait, près de 15 000 postes de travail dans le canton de Vaud concernent les secteurs de la banque, de l’assurance, de la fiduciaire et des gérants de fortune, de même que du notariat, du droit et de l’immobilier, dont certains professionnels sont actifs dans les banques», souligne PierreAntoine Hildbrand, secrétaire de l’AVB. Forte de trente membres issus de la majorité des établissements financiers du canton et représentant ensemble quelque 180 points bancaires dans le canton, l’AVB a aussi la mission de promouvoir l’essor de la place

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Quant au secrétaire de l’AVB, Pierre-Antoine Hildbrand, il travaille comme secrétaire patronal au Département des associations du Centre Patronal à Paudex, depuis 2005. Outre l’AVB et la Fondation vaudoise pour la formation bancaire, ce licencié en droit de l’Université de Lausanne gère les secrétariats de l’Association vaudoise des écoles privées et de sa caisse d’allocations familiales, ainsi que de l’Institut suisse des administrateurs et dirigeants d’entreprises (bureau romand). Pierre-Antoine Hildbrand, qui a publié des études historiques, est engagé politiquement.

financière vaudoise, rebaptisée LausanneVaud Région financière. Son poids économique atteint actuellement 7% de la masse sous gestion de la place financière suisse, soit environ 300 milliards de francs, et sa part au PIB vaudois approche les 13%. De plus, elle contribue à hauteur de quelque 60% au produit cantonal de l’impôt sur les sociétés et représente 12,5% de la totalité des rentrées fiscales cantonales, l’élevant ainsi au rang de premier contribuable vaudois. «En matière promotionnelle, l’AVB a des contacts fréquents avec les autres associations professionnelles économiques cantonales et avec les instances politiques, y compris les parlementaires, afin de leur présenter l’évolution du monde financier, de les renseigner sur certaines spécificités des métiers de la banque et de leur décrire les enjeux qui concernent la place financière vaudoise. Bien sûr, nous mettons toujours l’accent sur la nécessité d’améliorer sans cesse les conditions cadres», relève François Gautier, qui insiste sur l’importance de ces dernières comme un facteur majeur de la compétitivité du canton.

Une discrétion appréciée Selon le président de l’AVB, Lausanne-Vaud Région financière ne perdrait guère actuellement de clients étrangers à cause de la redéfinition du secret bancaire suisse, consécutive à la renégociation de conventions de double imposition qui ouvrent – sous condition – la possibilité d’un échange d’informations bancaires sur demande à des fins fiscales. «En fait, si les clients apprécient la discrétion de notre place financière, ils viennent également pour sa taille humaine et pour la qualité et la pluralité de ses services et de ses compétences dans les services financiers

et le conseil», argumente-t-il. Dans le contexte des réformes législatives à entreprendre pour assurer l’attractivité de la place financière suisse, comme la suppression des droits de timbre d’émission et de négociation, François Gautier considère que le rôle de l’AVB n’est pas de se substituer à l’Association suisse des banquiers, mais plutôt de lui servir de relais sur le plan cantonal. Pour sa part, le vice-président de l’AVB Robert-Philippe Bloch estime que LausanneVaud Région financière doit garder sa faculté de constituer une alternative aux autres places financières suisses, compte tenu de son dynamisme et de sa grande capacité de discrétion. D’où sa volonté de défendre l’impôt sur la dépense pour une certaine clientèle étrangère implantée dans la région et à étendre les contacts de la place vaudoise avec les cantons limitrophes pour qu’elle prenne une dimension romande, hormis bien entendu la place financière genevoise, avec laquelle elle travaille déjà depuis de nombreuses années. Au cours de son mandat de trois ans, François Gautier entend poursuivre et renforcer les actions menées par ses prédécesseurs dans le domaine de la formation professionnelle. En matière de promotion de LausanneVaud Région financière, le Comité qu’il préside fera des propositions concrètes pour démontrer son attrait auprès des clients suisses et étrangers, et, notamment, auprès de ceux qui élisent domicile dans la région. «Autant de missions qui devraient porter leurs fruits dans un avenir proche, pour autant que de nouveaux obstacles ne viennent pas éroder de manière significative la compétitivité de la place financière suisse et, partant, ralentir les actions de promotion de l’AVB», prévient François Gautier. ■ D.P.

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INTERVIEW EDOUARD BALLADUR

«Le libéralisme économique doit être organisé!»

Edouard Balladur, le chantre du libéralisme économique «ordonné», est soupçonné d’être un colbertiste déguisé par les ultralibéraux, car il prône un libéralisme organisé par des règles de fonctionnement, et modérément contrôlé par l’Etat, pour assurer le respect des principes d’une saine gestion. La crise mondiale plaide en sa faveur. En janvier dernier, l’ancien Premier ministre français s’est exprimé à Genève sur l’avenir du libéralisme économique devant les membres de la Chambre France-Suisse pour le commerce et l’industrie (CFSCI). Entretien exclusif. Propos recueillis par Didier PLANCHE

Banque & Finance: Monsieur le Premier ministre, vous prônez un libéralisme économique «ordonné». Sur quels principes fondamentaux repose-t-il?

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EDOUARD BALLADUR: Le libéralisme économique «ordonné» repose sur un principe fondamental, à savoir que la liberté constitue le seul moyen de reconnaître la dignité de la personne et de conférer l’efficacité nécessaire à son action. Mais la liberté ne peut être sans limite dans aucune société. Elle doit obéir à des règles qui en garantissent l’équilibre et s’appliquent aux entre-

prises comme aux Etats eux-mêmes. Dans cette optique, le libéralisme «ordonné» a pour principes essentiels d’assurer le maintien de la liberté d’entreprendre, de réduire les déficits publics, de stabiliser le système monétaire international, de mieux contrôler les mouvements de capitaux, de combattre le protectionnisme et de respecter la propriété individuelle. De plus, le libéralisme

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EDOUARD BALLADUR «Le libéralisme “ordonné” a pour principes essentiels d’assurer le maintien de la liberté d’entreprendre, de réduire les déficits publics, de stabiliser le système monétaire international, de mieux contrôler les mouvements de capitaux, de combattre le protectionnisme et de respecter la propriété individuelle» «ordonné» se veut aussi «partagé», en ce sens qu’il prône l’actionnariat populaire dans le cadre des privatisations des entreprises publiques et qu’il ambitionne plus de justice sociale dans les sociétés, entre autres par le biais de politiques salariales équitables et de moyens mis à disposition pour aider les salariés atteints par les plans sociaux des entreprises en difficulté. En ce qui concerne l’ultralibéralisme, il représente la négation du libéralisme et même

une hérésie, car il nie la nécessité d’une réglementation et fait reposer le progrès des sociétés sur l’affirmation que le libre jeu du marché permet toujours de dégager les meilleures solutions possibles. B&F: Ce même libéralisme «ordonné» peut-il corriger les déséquilibres et les défaillances d’un marché «tout puissant», sans régulation et laissé à lui-même? E.B.: Oui, je le pense, car le libéralisme «ordonné» entend instituer un véritable système monétaire international qui oblige les Etats à respecter un certain nombre de limites dans la création et la distribution de monnaie et de crédit, ainsi qu’à instaurer une meilleure coordination des taux d’intérêt. Il cherche également à contenir les déficits budgétaires et l’endettement des collectivités publiques, afin que les Etats respectent les principes de la bonne gestion. Il évite encore qu’une politique de facilité incite les banques centrales à offrir exagérément un crédit trop bon marché. Il veille enfin à ce que les banques ne créent ni ne distribuent des produits financiers n’offrant pas toute la sécurité nécessaire à l’épargne. En fait, le libéralisme «ordonné» contraint les Etats à respecter certaines limites, sans trop d’interventionnisme étatique, alors que l’ultralibéralisme sans règle ni contrôle

laisse le champ libre à de nombreuses interventions de l’Etat. Jamais dans le passé, l’activité économique n’a fonctionné sans réglementation. Dans le système libéral, c’est l’Etat qui fixe la règle du jeu et en contrôle l’application. B&F: Les Etats sont-ils responsables de la crise actuelle? E.B.: Ils le sont en partie, car ils ont détruit le système monétaire international qui a octroyé beaucoup plus de monnaie et de crédit que n’en requièrent les besoins de l’économie et a, globalement, engendré trop de facilité dans tous les domaines. Les Etats

«Il s’agit de doter la mondialisation d’une discipline qui lui permette de fonctionner sans trop de difficultés et avec un minimum d’ordre dans un cadre libéral» le sont aussi, parce qu’ils n’ont pas demandé aux banques centrales de respecter certaines règles, alors qu’elles ont fourni les moyens monétaires pour éviter que

Né le 2 mai 1929 à Smyrne, en Turquie, Edouard Balladur suit des études de droit à l’Institut d’études politiques de Paris (section service public) et effectue le cursus de la prestigieuse Ecole nationale d’administration (ENA), promotion France-Afrique. Au bénéfice de deux diplômes réputés, il connaît une ascension rapide et occupe successivement les fonctions de conseiller d’Etat (sections contentieux et travaux publics), de directeur du cabinet de la Radio Télévision française (RTF), de conseiller auprès du Premier ministre Georges Pompidou (1964), de secrétaire général adjoint (1969) et de secrétaire général de l’Elysée sous la présidence de Georges Pompidou (1973). Puis, en 1974, ce haut commis de la nation française retourne au Conseil d’Etat, à la suite de l’élection de Valéry Giscard d’Estaing. Douze ans plus tard (1986), lors de la première cohabitation sous la présidence de

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François Mitterrand, le Premier ministre Jacques Chirac nomme le député de Paris Edouard Balladur ministre d’Etat, ministre de l’Economie, des Finances et de la Privatisation, un poste qu’il quitte en 1988. Il devient ensuite Premier ministre de 1993 (fin mars) à 1995 (mi-mai), à l’occasion de la deuxième cohabitation toujours sous la présidence de François Mitterrand. Soutenu par un certain Nicolas Sarkozy et l’énigmatique Charles Pasqua, Edouard Balladur se présente aux élections présidentielles de 1995 contre Jacques Chirac. Mais il est éliminé au premier tour avec 18,58% des voix et se désiste en faveur de Jacques Chirac, qui est élu. Il retrouve alors sa place de député jusqu’en 2007, puis préside le Comité de réflexion et de proposition sur la modernisation et le rééquilibrage des institutions, ainsi que celui pour la réforme des collectivités locales. Aujourd’hui, Edouard Balladur vit

© FLORENCE BOILLOD

Edouard Balladur, un haut commis de l’Etat français

Edouard Balladur était de passage à Genève, à l’invitation de la CFSCI. retiré de la vie politique active, même s’il s’autorise parfois des commentaires sur l’évolution économique et politique de la France. Edouard Balladur a publié près d’une vingtaine d’ouvrages politiques et historiques. ■ D.P.

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INTERVIEW

EDOUARD BALLADUR

«Les Etats sont, en partie, responsable de la crise actuelle car ils ont détruit le système monétaire international qui a octroyé beaucoup plus de monnaie et de crédit que n’en requièrent les besoins de l’économie»

l’éclatement des bulles ne se traduise en récession et qu’elles n’ont guère contrôlé la qualité des actifs des banques. Les Etats le sont encore parce que leurs gouvernements respectifs ont manqué de courage pour réduire leurs déficits budgétaires et leurs dettes. Même s’ils ont joué un rôle important dans la résolution de la crise, ils n’en sortent pas renforcés pour autant, avec l’augmentation de leur endettement ou la perte de leurs marges de manœuvre budgétaires. Trop de keynésianisme tue le keynésianisme et rend l’Etat impuissant! Concrètement, le libéralisme économique nécessite le respect des principes de la bonne gestion par les Etats pour fonctionner efficacement. C’est parce que ces règles ont fait défaut ou qu’elles ont été violées que nous connaissons la crise actuelle.

Organiser la mondialisation B&F: Pourquoi êtes-vous si convaincu que ce libéralisme «ordonné» représente l’avenir de l’organisation économique de nos sociétés?

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E.B.: L’enjeu m’apparaît plutôt simple. Si l’avenir, dont la caractéristique essentielle est la mondialisation de la circulation des hommes, des produits, des capitaux et des techniques, n’est pas organisé et que chacun fait ce que bon lui semble, quand il veut et comme il souhaite, nous assisterons alors à

une concurrence effrénée dans le domaine monétaire, commercial et financier qui sera un facteur de désordre et de crise. Je ne vois aucune possibilité d’envisager sereinement l’avenir de nos sociétés, sans que soit reconnue la valeur de la liberté, cela va de soi, mais aussi la nécessité que cette liberté s’exerce dans un cadre garantissant l’équilibre général, afin que chacun respecte, dans son activité, les principes qui fondent une saine concurrence. L’ultralibéralisme est une trahison du libéralisme, car il le travestit en anarchie. Or, le respect de la liberté, soit une règle juste et acceptée par tous, est le contraire de l’anarchie. Je le répète et le confirme, le libéralisme «ordonné» a un avenir s’il sait se discipliner, si une réglementation juste de la liberté est respectée, si la mondialisation permet l’harmonisation des règles et le dépassement du cadre national, si le système monétaire international empêche la prolifération quasi malsaine du crédit par des automatismes de saine gestion et si un partage équitable au profit de tous se concrétise dans les faits. En définitive, il s’agit de doter la mondialisation d’une discipline qui lui permette de fonctionner sans trop de difficultés et avec un minimum d’ordre dans un cadre libéral. Au XVIIIe siècle, le défi était celui des droits de l’Homme, au XIXe siècle, celui des nations et au XXe siècle, celui de l’organisation sociale assurant une meilleure répartition de la richesse. Le défi du siècle en cours concerne donc l’organisation de la mondialisation non pas basée sur un gouvernement mondial, mais sur une coopération internationale efficace. ■ D.P.

Prévisions avérées Edouard Balladur excellerait-il dans l’art divinatoire ou prémonitoire? En conclusion d’un rapport sur l’évolution économique datant de février 1991, il réitérait sa confiance dans le libéralisme économique, mais s’inquiétait déjà des conséquences de sa tendance à la déréglementation. «[…] La liberté économique a prouvé son efficacité et le libéralisme n’est plus contesté par personne, surtout que la faillite du socialisme et de tous les étatismes, qu’ils soient du Nord ou du Sud, éclate aux yeux de tous. Mais la liberté ne peut pas aller sans un ordre. C’est-à-dire qu’il faut une loi et une sanction à ses dérogations, puisqu’il est chimérique de croire qu’une loi peut être respectée sans aucune contrainte. A titre d’exemple, la réforme du système monétaire international serait insuffisante si le mode d’émission, de circulation et de distribution du crédit de par le monde n’était pas, lui aussi, profondément réformé. Prenons garde! Si le monde devait connaître une crise monétaire et financière grave qui détruirait sa prospérité, le libéralisme serait rendu responsable de cette mauvaise situation, car il se serait montré incapable de se discipliner et de s’ordonner, et alors renaîtraient immanquablement les tentations étatiques formant l’essentiel du socialisme. Aujourd’hui, il n’y a pas de tâche politiquement plus importante que de se prémunir contre ce risque. Les grands pays du monde auront-ils la clairvoyance et la capacité de prendre à temps les décisions qui s’imposent, avant qu’il ne soit trop tard?» ■

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L’INTERVIEW CONJONCTURE

Inflation ou déflation? Ni l’une ni l’autre, bien au contraire! Banque & Finance a interrogé un panel d’économistes et de stratèges de banques pour leur demander quelles réflexions leur inspiraient les grandes évolutions du moment. Jean-Pierre Béguelin, chef économiste de Pictet & Cie, Michel Girardin, conseiller économique à l’UBP Gestion institutionnelle, Michel Juvet, membre du Comité de direction et directeur de la recherche de Bordier & Cie, et Patrizio Merciai, Chief Investment Officer de la Banque Profil de Gestion à Genève, livrent ici leur sentiment sur l’évolution conjoncturelle et les conséquences prévisibles de la crise financière. Propos recueillis par Marian STEPCZYNSKI

Banque & Finance: Certains économistes estiment qu’en dépit de l’évolution récente – à la hausse – des indices de prix, nous nous trouvons, en réalité, dans un trend déflationniste. D’autres, au contraire, voient le danger d’une résurgence de l’inflation. De quel côté penchez-vous? JEAN-PIERRE BÉGUELIN: D’un côté… de l’autre… c’est bien connu, l’ambivalence est le péché mignon des économistes. Alors, inflation ou déflation? Oui, mais quand et où? Demain, certainement pas. Pour qu’une inflation se développe, il faut, en effet, que la reprise économique soit bien engagée,

«L’Etat doit, à son tour, faire attention à ne pas jouer les apprentis sorciers» MICHEL JUVET – BORDIER & CIE

que la demande de crédits privés gonfle, que les banques y répondent, donc qu’elles aient moins peur de l’avenir, soit une évolu-

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tion qui prend du temps, plus d’une année en tout cas. Et même lorsqu’on atteindra ce point où les économies commenceront à surchauffer, encore faudrait-il que les banques aient alors assez augmenté leurs fonds propres pour pouvoir accroître rapidement l’encours de leurs crédits. Or, tout indique que les nouvelles règles – G20 dixit – qui devraient être fixées en 2010 seront plus sévères, donc plus restrictives, que les anciennes, mettons que celles connues sous le nom de Bâle II. On risque alors de voir se développer une situation à la japonaise, avec une croissance anémique et des prix plutôt stables. Bien sûr, il y a le cas des pays émergents et de la Chine, mais vous savez, la Chine… MICHEL GIRARDIN: S’il est un écueil que l’économie mondiale doit éviter, c’est bien celui de la déflation. Les injections massives de liquidité par les banques centrales depuis le début de la crise en 2007 ne sauraient être inflationnistes que si le rythme de la croissance mondiale devait atteindre, puis dépasser, son seuil de plein-emploi. Nous en sommes bien loin. Même les tensions sur le prix du baril ne constituent pas – stricto sensu – un phénomène inflationniste, puisqu’il s’agit là d’une variation relative des prix et non d’une hausse générale. Pour que l’énergie constitue une menace inflationniste, il faudrait que les entreprises

répercutent toute majoration de son coût sur les prix à la consommation. La compétition accrue qu’entraîne la globalisation ôte cette capacité à la grande majorité des entreprises. MICHEL JUVET: Je ne partage pas la thèse déflationniste. Les énormes mesures monétaires et budgétaires mises en place partout dans le monde ont stoppé le risque défla-

«Aux Etats-Unis, à 360% du produit intérieur brut, la dette cumulée de l’Etat, des entreprises et des ménages est trop élevée» MICHEL GIRARDIN – UBP

tionniste induit par la crise du crédit de fin 2008. Les économies ont retrouvé la croissance, mais le monde occidental est désormais grevé de dettes publiques et abreuvé de liquidités émises par les banques centrales. Ces deux éléments débouchent généralement sur une tendance à la stagflation plutôt qu’à la déflation. Dans les pays émergents, en revanche, les risques inflationnistes sont très présents. La reprise économique est déjà forte, le prix des matières premières est

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CONJONCTURE beaucoup monté, mais les politiques économiques n’ont pas été inversées. Enfin, la tension sur le marché du travail en Chine signifie que cette dernière n’est plus autant un vecteur de déflation des salaires mondiaux. Néanmoins, pour passer à un vrai scénario inflationniste, il faudrait que les Etats décident de financer leurs déficits avec de la création monétaire. A suivre? PATRIZIO MERCIAI: Je ne penche pas! Je garderais le juste milieu, du moins pour 2010. Dans la plupart des pays occidentaux, l’inflation devrait rester faible, sans passer durablement en négatif. Après les corrections habituelles (prix de l’énergie et similaires), le taux de renchérissement devrait être à peine inférieur à ce que l’on a connu ces deux dernières années. A mon avis, ce sont, avant tout, le chômage et la sous-utilisation des outils de production qui vont contrecarrer la hausse des prix. J’aurais beaucoup de mal à envisager une déflation, parce qu’une grande partie de l’économie mondiale est en croissance, sinon au bord de la surchauffe, et que la demande de consommation semble se stabiliser aux Etats-Unis et en Europe. A plus long terme, la tendance me paraît, d’ailleurs, nettement inflationniste. Toutes les mesures d’exception prises ces deux dernières années ont créé un océan de liquidités, qui, pour l’instant, restent endiguées, inutilisées dans le système bancaire. Mais, à long terme, lorsque le flot sera libéré, il finira par propulser le crédit et les prix à la consommation, à moins qu’une partie ne se détourne sur certains actifs, créant de nouvelles bulles sur le marché. B&F: L’énorme endettement des Etats, consécutif à la lutte contre la crise, ne constitue-t-il pas désormais le principal frein à la reprise? JEAN-PIERRE BÉGUELIN: Parce qu’ayant lu David Ricardo, tous les boni paterfamiliares vont épargner plus pour faire face aux futures hausses d’impôts nécessaires pour rembourser la dette. Mais alors, les taux longs devraient tomber, ce qui aiderait encore plus la reprise. Sauf, bien sûr, si tous les pères de famille craignaient l’inflation après-demain, mais alors pourquoi épargner plus aujourd’hui? Sauf si vous investissez cette épargne dans les biens réels, mais ceci, évidemment, contribuerait puissam-

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«Soyons sérieux, ce qui menace la reprise, ce n’est pas l’excès d’endettement public, ce serait plutôt des efforts trop précipités pour réduire les déficits budgétaires» JEAN-PIERRE BÉGUELIN – PICTET & CIE

ment à relancer l’économie. Non, soyons sérieux, ce qui menace la reprise, ce n’est pas l’excès d’endettement public, ce serait plutôt des efforts trop précipités pour réduire les déficits budgétaires, répétant ainsi, quoique d’une façon atténuée, la récession américaine des années 1937-1938. Mais pourquoi parlez-vous d’énorme endettement public? En fait, il n’y a aucun critère bien net pour définir un excès d’endettement brut de la part d’un Etat, pour peu qu’il s’agisse d’une dette interne, les 60% du traité de Maastricht ayant été arrêtés entre des négociateurs épuisés par une nuit marathon uniquement pour persuader les Allemands que les Italiens – on ne parlait alors pas des Grecs – n’adopteraient pas l’euro. Après tout, la dette publique japonaise dépasse les 200% du PIB et les taux japonais sont nuls, et celle de l’Angleterre atteignait les 260% du PIB en 1816. Alors…

MICHEL GIRARDIN: Assurément. Les Etats ont joué leur rôle de «consommateur de dernier recours» à l’éclatement de la crise, ce qui nous a évité la déflation. Pour autant, la manne de l’Etat n’est pas extensible à l’infini et il faudra bien que les politiques budgétaires deviennent moins accommodantes, ce qui se traduira par une inflexion de la croissance. Le consommateur américain a joué le rôle de locomotive de la croissance mondiale pendant plus de vingt ans, mais il a usé et abusé du recours au crédit pour ce faire. A l’éclosion de la crise, l’Etat américain a pris le relais. Le débiteur a changé, mais le problème de fond reste le même: à 360% du produit intérieur brut, la dette cumulée de l’Etat, des entreprises et des ménages est trop élevée. Cette crise économique est la première depuis la Seconde Guerre mondiale à ne pas être un simple ajustement des stocks des entre-

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L’INTERVIEW

CONJONCTURE aujourd’hui, la façon dont il envisage de se désendetter et les mesures imaginées pour réorganiser le système financier peuvent provoquer des effets négatifs pervers sur la croissance. La recherche permanente de nouvelles taxes pour combler les déficits budgétaires constitue, sans aucun doute, un frein puissant à la reprise des investissements ou de la consommation. Quant à la régulation financière, il faut que les Etats soient très prudents et se rappellent que c’est aussi grâce au développement du secteur financier que la croissance mondiale a pu être si forte auparavant. Des surenchères réglementaires (limitation de la taille des banques, taxation des flux de capitaux, séparation des activités, etc.) entraîneront un ralentissement des flux financiers et je crains que cela ne provoque les mêmes effets négatifs sur la croissance que les mesures protectionnistes des années 30 ont eu sur le commerce mondial et la croissance. L’Etat doit, à son tour, faire attention à ne pas jouer les apprentis sorciers.

«Les énormes mesures monétaires et budgétaires mises en place partout dans le monde ont stoppé le risque déflationniste induit par la crise du crédit de fin 2008» MICHEL JUVET – BORDIER & CIE

prises à une demande moins forte que prévue. Nous nous attaquons ici au bilan des acteurs économiques pour les inciter à redécouvrir les vertus de l’épargne. Cet ajustement se traduira par une croissance molle aux Etats-Unis, et ce, pendant plusieurs années.

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MICHEL JUVET: Ne devrait-on pas plutôt se demander si le retour de l’Etat dans les affaires ne constitue pas le principal frein à la reprise? Dans la crise, l’Etat a, certes, été un puissant facteur de stabilisation et de reprise économique grâce à ses interventions monétaires et budgétaires. Mais,

PATRIZIO MERCIAI: Non. Ce serait le cas si les Etats voulaient réduire brutalement cet endettement, mais ils n’en ont aucune intention! Les responsables politiques de tout bord vous citeront volontiers des exemples des années 1930 pour vous convaincre que toute velléité de rigueur budgétaire causerait immanquablement une dépression. Bien entendu, il faudra financer ces déficits. En d’autres circonstances, l’émission de titres d’Etat pour plusieurs milliards par jour pousserait les taux d’intérêt longs à la hausse et étoufferait la croissance. Mais une bonne partie de ces montants astronomiques ne sera jamais offerte sur le marché: elle sera absorbée par les fonds souverains et, surtout, par les banques centrales. La grande nouveauté de ces dernières années est que l’achat de titres par les banques centrales est devenu la clef de voûte des politiques de pays éminemment respectables, la panacée qui nous a, dit-on, préservés de la paralysie financière. Alors qu’il y a encore une décennie, monétiser la dette était une hérésie, un tour de passe-passe à peine digne d’une république bananière. Bien entendu, les banquiers centraux élaborent de subtiles «stratégies de sortie». Mais ils ignorent si ces stratégies seront efficaces, en l’absence de précédents historiques, et surtout, s’ils pourront les appliquer. Messieurs Bernanke, Trichet, King vont-ils

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L’INTERVIEW s’opposer frontalement aux élus? Vont-ils prendre le risque d’une rechute dans la récession, voire d’un krach obligataire? Il est à parier que la «sortie» prendra beaucoup de temps. B&F: A votre avis, le risque d’«aléa moral» – too big to fail – a-t-il grandi depuis le sauvetage des grands instituts bancaires, de sorte que la prochaine crise est, en quelque sorte, déjà programmée? JEAN-PIERRE BÉGUELIN: N’avez-vous jamais entendu parler des stock-options? Beaucoup de banquiers ont vu leur fortune fondre durant la crise; dans ces conditions, pourquoi voudriez-vous qu’ils prennent encore plus de risques à l’avenir? N’oubliez pas qu’Etats et banques centrales sauvent les banques avant tout pour éviter, d’une part, un collapse monétaire, donc une dépression, et, d’autre part, des pertes pour les épargnants qui, sans cela, risqueraient de réduire leur propension à épargner et donc de ralentir la formation de capital d’une économie. Dans ces conditions, le problème du lender of last resort existera toujours, bien qu’on puisse l’atténuer en limitant la concurrence entre les banques soit par nationalisation, soit par cartellisa-

«Affaiblir le franc face à un euro lui-même faible serait, à mon avis, contre-productif» PATRIZIO MERCIAI BANQUE PROFIL DE GESTION

tion, soit par une spécialisation imposée. Plus que l’aléa moral, c’est le refus d’une telle limite qui contient sans doute les germes de crises futures. Malheureusement, les solutions discutées maintenant ne vont pas dans cette direction sauf, peut-être, celle de n’aider, en cas de crise, que les banques commerciales – narrow banks – à fonction monétaire. Mais c’est celle qui émane de la Banque d’Angleterre et de ses trois-cents ans d’expérience, c’est dire… MICHEL GIRARDIN: C’est un leurre que d’imaginer que la réduction drastique de la taille des grandes banques nous mettrait à l’abri de nouvelles crises financières. Il y en

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a eu plus de 100 depuis l’éclosion de la première bulle spéculative aux Pays-Bas en 1637, sans qu’il y ait eu pour autant d’établissement bancaire à la taille démesurée. Il ne s’agit pas de régler le «too big to fail», mais le «too many to fail», à savoir le risque systémique de faillites contagieuses. Si Bâle I et II s’étaient concentrés sur les règles «microprudentielles» pour cadrer le risque de faillite d’un établissement bancaire, il faudra que Bâle III s’élargisse à la «macroprudentialité». Il s’agit d’instaurer des ratios de fonds propres et de levier qui soient contra-cycliques, pour inciter le secteur bancaire dans son ensemble à la prudence en période de surchauffe et l’encourager à octroyer des crédits en période de crise, et ce, quelle que soit la taille de l’établissement. Il faudrait également que les banques centrales se décident enfin à inclure le prix des actifs financiers dans leur objectif de lutte contre l’inflation, un moyen relativement simple d’éviter une utilisation spéculative du crédit, régulièrement à la source des crises financières. MICHEL JUVET: C’est vrai que les banques qui ont survécu ont pu prendre les parts de marché des banques défuntes et qu’elles sont donc encore plus «big» qu’avant. Mais elles ne seront pas forcément plus risquées si l’on réussit à agir sur deux éléments: monter les fonds propres et réduire l’endettement interbancaire. Or, les propositions de réglementation émises par les banques centrales ou le Forum de stabilité financière vont dans ce sens et la réduction du «leverage» aura bien lieu. Cela n’empêchera certainement pas une prochaine crise, car le système capitaliste avance par crise. Mais elle viendra d’ailleurs. Le meilleur exemple est constitué par les banques japonaises. Elles étaient les dernières à avoir traversé une grave crise de crédit, mais elles n’ont été que très peu touchées par la dernière. Où, dans le monde aujourd’hui, le crédit coule-t-il à flots, les banques sontelles peu préparées à une brutale montée des risques, les règles du G20 semblentelles peu appliquées et l’extase mondiale s’affiche-t-elle? En Chine! PATRIZIO MERCIAI: Le plan Volcker a déjà suscité des milliers de commentaires, je n’y ajouterai pas le mien. En revanche, je soulignerais que l’aléa moral ne se résume pas au «too big to fail». N’importe quel mécanisme

de garantie collective peut affaiblir la discipline individuelle. Par exemple, la garantie des dépôts est directement responsable de l’une des pires débâcles de la période précédente, celle des Savings & Loans aux EtatsUnis. Ces institutions avaient pris des risques inconsidérés sans inquiéter leurs

«Je verrais plutôt certains pays émergents tels que la Chine comme candidats à la bulle» MICHEL GIRARDIN – UBP

déposants, protégés par la garantie publique. Lors de la prochaine crise, tandis que les grandes banques auront été soumises à des règles spéciales, l’aléa moral risque de se manifester là où on ne l’attend pas, dans des institutions plus petites qui ne font pas la une des journaux. Va-t-on construire une nouvelle ligne Maginot? B&F: Crise des subprimes, faillites et nationalisations bancaires dans le monde anglo-saxon, étranglement des débiteurs en francs suisses de l’Europe centrale (Hongrie, Roumanie, etc.), crédits urgents à l’Ukraine, insolvabilité de Dubai, sauvetage de banques autrichiennes… Quel sera, selon vous, le prochain domino de cette sinistre partie? JEAN-PIERRE BÉGUELIN: Vous oubliez toutes les catastrophes qui devaient survenir et dont on ne parle plus: les monoliners, les obligations municipales, le commercial real estate aux Etats-Unis, etc. Rappelons que, sauf cas très rares, une dette n’est pas irrémédiablement mauvaise, mais que ce sont les circonstances qui la rendent temporairement mauvaise. Encore faut-il laisser le temps au temps. Que n’a-t-on pas dit du tunnel sous la Manche ou de Canary Wharf à Londres? MICHEL GIRARDIN: C’est vrai que dans la chaîne de l’endettement, les investisseurs cherchent les maillons faibles. A priori, nous penserions les trouver dans les pays émergents, comme le Brésil ou l’Argentine. Or, les pays qui ont le plus souvent «restructuré leur dette» (un terme pudique pour

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CONJONCTURE désigner la faillite) sont… la France et l’Espagne! La Grèce et l’Islande pourraient être les prochains candidats à ladite restructuration. Ironie de l’histoire, c’est en Grèce que l’on trouve les premiers vestiges de faillite étatique, au IVe siècle av. J.-C. La condition fondamentale pour qu’une dette publique soit soutenable à long terme est que la croissance nominale du PIB (somme de sa croissance réelle et de l’inflation) soit supérieure au taux d’intérêt auquel la dette est financée sur les marchés obligataires. Cette condition n’est plus remplie par la Grèce depuis le début de la crise. Mais d’autres pays, comme l’Irlande, la France et l’Espagne, sont dans le même cas. Et que dire de l’Allemagne qui, à l’instar de l’Italie, ne respecte pas cette règle depuis bientôt vingt ans? La Chine finance aujourd’hui déjà 20% de la dette américaine. L’Empire du Milieu verra sans doute encore d’autres pays industriels venir lui quémander les deniers publics qui leur font défaut. MICHEL JUVET: La réduction du levier financier est comme une vague qui se retire et qui fait apparaître les cadavres cachés dans la vase… Il est donc normal, qu’au fil du reflux, de nouveaux dominos se découvrent. Néanmoins, l’essentiel du reflux s’est effectué et, s’il reste des dominos cachés, ils seront moins systémiques que les précédents. J’entrevois deux dominos. D’une part, une réapparition de défauts de paiements hypothécaires aux Etats-Unis, car cette année verra de nombreux emprunts hypothécaires accordés avant la crise devoir être adaptés aux conditions actuelles, nettement moins attractives. D’autre part, les endettements étatiques sont inquiétants (les investisseurs sont prêts à payer aujourd’hui des primes de couverture sur les débiteurs étatiques supérieures à celles sur les débiteurs «corporate») et un défaut de paiement dans ce secteur aurait des répercussions importantes sur les banques. Ces dernières ont, en effet, acheté massivement des obligations étatiques avec l’aide appuyée des banques centrales et des Etats… PATRIZIO MERCIAI: Difficile de répondre, car il y a beaucoup de dominos sur la table. Certains ont vacillé mais sont loin d’être stabilisés, l’immobilier en Espagne par exemple. Tout un secteur de la table paraît fragile, mais les autorités voudront le préserver à tout prix: les grands marchés obligataires.

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«C’est un leurre que d’imaginer que la réduction drastique de la taille des grandes banques nous mettrait à l’abri de nouvelles crises financières» MICHEL GIRARDIN – UBP

Cette protection met, cependant, en péril les monnaies concernées. Or, en proportion du PIB, le déficit budgétaire des Etats-Unis et celui du Royaume-Uni sont des gouffres aussi béants que celui de la Grèce. Mais le dollar reste la monnaie de réserve mondiale, et il va bénéficier d’afflux de capitaux maintenant que les Etats-Unis sont sortis de la récession. Financer ou monétiser le déficit britannique, en revanche, risque de mettre la livre sous pression, surtout si l’on songe à la reprise plus tardive, à l’inflation tenace et au contexte préélectoral. B&F: L’or, la prochaine bulle? JEAN-PIERRE BÉGUELIN: Comme celles d’un Chinois en Chine, les tribulations du lingot d’or sont toujours un peu mystérieuses, en grande partie parce que personne ne peut, par manque de données suffisamment longues, estimer avec quelle intensité la demande de métal jaune réagit aux fortes

variations du taux d’intérêt. D’autant que d’autres facteurs jouent aussi leur rôle, comme la préférence changeante pour les biens réels et les profits attendus sur les autres actifs. Qu’en période de taux nuls, de marchés paresseux et de bénéfices déprimés, la demande d’or monte n’a rien d’étonnant. Qu’avec la remontée des taux, de meilleurs profits et moins d’aversion au risque l’or rebaisse, cela n’aurait ainsi rien de surprenant. Alors, l’or prochaine bulle? Peut-être, mais une bulle rationnelle alors… MICHEL GIRARDIN: Je verrais plutôt certains pays émergents tels que la Chine comme candidats à la bulle. L’or reste l’actif vers lequel se tournent les investisseurs pour se protéger des turbulences sur les marchés financiers. Une perte de confiance sur les marchés actions ou le dollar, ou plus généralement sur les monnaies – liée à des politiques de monétisation de la dette jugées excessives –, une résurgence de l’inflation,

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CONJONCTURE rance peu coûteuse. A l’inverse, des taux réels plus élevés décourageraient la détention d’or et redonneraient du tonus aux monnaies. Mais, en pratique, les taux réels ne pourront monter que si les banques centrales resserrent leur politique de façon préventive, avant que l’inflation ne se manifeste. A mon sens, elles n’en ont pas vraiment la possibilité, sinon l’intention. Tant que les fondamentaux des devises seront peu brillants, l’or gardera son lustre. B&F: Pensez-vous que la Banque nationale réussira à maintenir l’euro au-dessus de la barre de 1,50 franc?

«En proportion du PIB, le déficit budgétaire des Etats-Unis et celui du Royaume-Uni sont des gouffres aussi béants que celui de la Grèce» PATRIZIO MERCIAI – BANQUE PROFIL DE GESTION

tels sont les facteurs susceptibles de provoquer un flux d’investissement vers le métal jaune. Nous ne pouvons pas exclure un engouement excessif pour ce dernier, mais il serait lié à une peur tout aussi exagérée sur l’évolution des actifs risqués. MICHEL JUVET: L’or est peut-être dans une bulle, compte tenu du nombre de produits financiers indexés sur son cours qui ont été créés ces dix-huit derniers mois. Mais en soi, ce n’est pas grave, cette bulle ne comporte pas de risque systémique. La bulle de l’économie chinoise est, elle, beaucoup plus inquiétante, car elle a les caractéristiques des plus grandes bulles historiques: excès d’investissements (ils représentent 50% du PIB), excès de crédit (nettement plus grand que le PIB) et imagerie populaire positive (la Chine ne peut pas être comparée aux autres, elle est un eldorado économique et elle sera la puissance des prochaines années). Bon,

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ce qui est néanmoins amusant, c’est que la hausse de l’or repose aussi certainement sur la forte croissance chinoise. PATRIZIO MERCIAI: Une bulle d’or? Je croyais que c’était un privilège pontifical… Plus sérieusement, le cours de l’or est-il aujourd’hui complètement déconnecté des fondamentaux? Pas vraiment, puisque sa hausse n’est, en fin de compte, que le miroir de la dépréciation de toutes les grandes devises. Je reste frappé par l’enthousiasme des banques centrales à galvauder leur monnaie. Bien entendu, le prix de l’or peut redescendre de son pic actuel, mais, à mon avis, seul un revirement des politiques monétaires pourrait provoquer une baisse profonde et durable. Oubliez les analyses trop compliquées, en fin de compte, le cours du lingot est largement déterminé par les taux d’intérêt réels. S’ils demeurent nuls, voire négatifs, l’or restera une assu-

JEAN-PIERRE BÉGUELIN: D’abord un point technique. La BNS réussira toujours à empêcher le franc suisse de s’apprécier contre une devise particulière. Elle peut, en effet, toujours offrir le montant de francs suisses nécessaire pour satisfaire la demande à un cours fixé par elle puisqu’elle peut créer des francs ad infinitum. Qu’une telle politique se traduise par une forte croissance de la masse de francs en circulation avec les risques inhérents de voir l’inflation partir dans notre pays est chose connue, mais c’est un risque que la BNS est prête à prendre de temps en temps. Dans ces conditions, la question à poser est plutôt: jusqu’à quand la BNS décidera-t-elle d’empêcher une montée du franc? Personne ne sait, pas même nos autorités monétaires. En fin d’année 2009, la BNS a décidé de laisser le franc monter, en partie parce que le dollar retrouvait des couleurs, en partie parce que notre économie se porte mieux qu’on ne pensait, en partie parce que les flux de paiements sont toujours troublés en fin d’année pour des raisons comptables et fiscales, les Suisses plaçant moins à l’étranger durant la trêve des confiseurs. Cette récente montée du franc est-elle trop précoce? Nous verrons, mais il ne faut pas oublier que notre monnaie est toujours sous-évaluée et qu’un cours proche de 1,40 franc par euro paraîtra plus raisonnable lorsque nos économies seront revenues sur le droit chemin. En conséquence, ma réponse est non! La BNS ne réussira pas à maintenir l’euro au-dessus de 1,50 franc car elle ne le voudra pas, heureusement d’ailleurs, nos vacances en Europe devenant de plus en plus chères… MICHEL GIRARDIN: Que la BNS ne soit pas parvenue à empêcher une revalorisation du

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L’INTERVIEW franc suisse sous la barre des 1,50 contre l’euro témoigne de la difficulté de mener à bien une politique axée sur le taux de change, surtout lorsque les taux d’intérêt sont au plancher. C’est la nécessité plus que l’envie qui a guidé historiquement les actions de la BNS en matière de taux de change. Comme au Japon, les exportations en Suisse ont toujours joué le rôle d’amortisseur en période de crise. On comprend, dès lors, l’inquiétude de la BNS de voir ce rôle invalidé par une surévaluation de la devise nationale. Si on le rapporte à l’ancien deutsche mark, le cours du franc suisse atteint aujourd’hui un pic de cherté comparable à celui de 1978. A cette époque, l’afflux de capitaux vers le franc suisse était tel que la BNS avait introduit une mesure tout à fait exceptionnelle: les investisseurs étrangers devaient s’acquitter d’un taux d’intérêt négatif pour avoir le

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privilège de détenir du franc. L’histoire se répétera peut-être un jour. M ICHEL JUVET: Certains disent qu’une bonne politique monétaire doit se concentrer sur la stabilité des prix et non sur le taux de change national. C’est vrai, mais en Suisse aujourd’hui, la hausse de la devise menace bien la stabilité des prix, mais avec un biais déflationniste qui nécessiterait donc d’intervenir pour faire baisser le franc. L’expérience montre, cependant, que les interventions des banques centrales sont vouées à l’échec. D’autant plus lorsque ladite banque centrale est esseulée (qui voudrait aujourd’hui aider la Suisse à affaiblir sa monnaie) et que les fondamentaux économiques du pays sont excellents par rapport aux autres (pas d’endettement étatique très élevé, pas d’inflation et un

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Stephen Petyarre (Pitjara), Territoire du Nord, «Sans titre», acrylique sur toile, 121 x 102,5 cm.

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CONJONCTURE excédent de la balance des paiements). Alors ne rien faire? La BNS pourra-t-elle longtemps passer pour l’avocat des ban-

«Il ne faut pas oublier que notre monnaie est toujours sous-évaluée et qu’un cours proche de 1,40 franc par euro paraîtra plus raisonnable lorsque nos économies seront revenues sur le droit chemin» JEAN-PIERRE BÉGUELIN – PICTET & CIE

ques en difficulté et rester insensible aux exportateurs suisses qui doivent affronter une concurrence européenne favorisée par son taux de change? Il y aura donc forcément d’autres interventions, et peut importe si la BNS ne peut garantir un niveau précis sur le taux de change franc/euro. Néanmoins, à 1,40, l’intervention sera plus facile à justifier qu’à 1,51… PATRIZIO MERCIAI: Depuis la crise, la BNS, comme les autres banques centrales, revendique un certain activisme. A en croire ses déclarations antérieures, elle serait prête à ouvrir plus encore les vannes monétaires si le franc se renforce, ce qui paraît inéluctable à terme si l’on songe aux problèmes budgétaires de la zone euro, sans parler de ceux des pays anglo-saxons. Mais avons-nous aujourd’hui tant besoin d’un franc faible? Permettez-moi d’en douter. Un niveau plus favorable face à l’euro n’apportera pas de coup de fouet à la croissance en Suisse tant que l’Allemagne flirtera avec la récession. Et si la reprise aux Etats-Unis soutient quelque peu le dollar, notre compétiti vité hors Europe ne sera pas compromise. Affaiblir le franc face à un euro lui-même faible serait, à mon avis contre-productif. Cela demanderait une création de liquidités supplémentaires qui limiterait la marge de manœuvre de la BNS et augmenterait le risque d’un revirement ultérieur. Si l’on ne peut stabiliser à la fois les taux d’intérêt et le taux de change, il paraît sage de donner la priorité aux premiers. ■ M.Si

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DOSSIER CONSOMMATION DANS LES MARCHÉS ÉMERGENTS

La croissance comme tendance durable Pour mesurer la vigueur de la croissance économique en Chine ou au Brésil, les observateurs se sont basés principalement sur l’aptitude de ces pays à produire des biens et des matières premières. Or, il est aujourd’hui temps de changer d’angle de vue en nous intéressant à la consommation des pays émergents. Ces consommateurs sont, en effet, appelés à jouer un rôle croissant, non seulement dans l’économie locale, mais aussi à l’échelle mondiale. Elizabeth EATON Responsable Emerging Markets Equity, Asset Management, Credit Suisse AG

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elon la science économique et, en particulier, les théories de la croissance économique, la production et la consommation sont deux facettes d’une même problématique. Par le passé, la fonction de consommation était principalement assurée par le monde développé, notamment par les EtatsUnis. Mais ce moteur de l’économie mondiale a été fortement affecté par la récession. Parallèlement, les consommateurs des marchés émergents jouent, depuis plusieurs années, un rôle croissant, que les récentes turbulences ont mis davantage en évidence. Ces dernières années, la consommation a beaucoup mieux résisté dans les pays BRIC (Brésil, Russie, Inde, Chine) – exception faite de la Russie – que dans le monde développé. L’affaiblissement de la consommation dans les pays développés s’inscrit dans une tendance plus vaste et, notamment, dans un mouvement de désendettement des ménages. Dans les pays émergents, au contraire, la consommation est renforcée par plusieurs facteurs structurels de long terme. Premier d’entre eux, la démographie. Les populations des pays BRIC et des autres marchés émergents sont denses et, le plus souvent, en augmentation. Au fur et à mesure que ces économies se développent, de plus en plus de personnes rejoignent la

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classe moyenne et voient croître leur revenu discrétionnaire. Elles ont, ainsi, la possibilité d’améliorer leur niveau de vie, notamment en achetant des automobiles ou des produits électroniques. Les membres de cette nouvelle «classe moyenne globale» s’inspirent de plus en plus des modes de vie de leurs pairs des pays développés, ce qui les pousse à consommer encore davantage.

«La croissance de la consommation mondiale viendra désormais, pour l’essentiel, des marchés émergents» Autre facteur décisif, le faible taux de pénétration des biens de consommation. Dans de nombreux pays émergents, le taux de pénétration des biens de consommation (nombre de biens par habitant) est bien inférieur à celui observé dans le monde développé. En Chine, le taux de pénétration des automobiles est indiscutablement appelé à connaître une forte croissance, tout comme la consommation de biens tels que des réfrigérateurs et des téléviseurs en Inde, en particulier lorsque la population rurale bénéficiera des effets de la croissance économique. Enfin, il faut noter une augmentation des biens à forte valeur ajoutée. Les deux facteurs évoqués ci-dessus (démographie et taux de pénétration) renforcent la consommation de biens à forte valeur ajoutée. Dès 1995, la part des produits agricoles dans les

pays BRIC a commencé à chuter au bénéfice des produits électroniques et des voitures. Il s’agit, certes, d’achats importants, mais différents facteurs les rendent désormais de plus en plus accessibles aux nouveaux consommateurs: ils sont disponibles sur le marché, les revenus sont en augmentation et le crédit est plus largement accessible. L’impossibilité d’emprunter figurait jusqu’ici parmi les principaux obstacles à la consommation. Or, dans les marchés émergents, les consommateurs sont de plus en plus nombreux à avoir accès à des cartes de crédit et à d’autres moyens de financement, ce qui devrait accentuer la demande en biens à forte valeur ajoutée. Ces marchés, dont la sophistication financière s’accroît progressivement, vont ainsi ressembler de plus en plus à ceux du monde développé. Les statistiques rendent déjà bien compte de ces évolutions. Parmi les économies BRIC, la Russie est le seul pays où les ventes de détail ont récemment chuté. Notons que, parmi ces quatre pays, c’est également la Russie qui affiche le taux de pénétration le plus élevé pour les principaux biens de consommation (par exemple réfrigérateurs et téléviseurs).

Des marchés prêts à prendre le relais? Ces dernières années, la consommation a nettement ralenti dans les marchés développés (particulièrement aux Etats-Unis et en Europe), frappés de plein fouet par la crise économique. Tout comme l’essor de la consommation dans les pays émergents, il s’agit d’une tendance à long terme, que le cycle économique ne saurait expliquer à lui seul. Le consommateur américain, en parti-

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MARCHÉS ÉMERGENTS culier, est surendetté. Au niveau macroéconomique, on peut assez facilement observer que, tandis que la Chine produisait et économisait, les Etats-Unis consommaient et s’endettaient, ce qui n’est guère favorable à un équilibre à long terme. Ces évolutions continueront d’influer sur l’économie mondiale. Reste à savoir si la consommation des marchés émergents pourra combler le vide qui s’est creusé. On ne peut malheureusement pas se contenter d’appliquer le niveau de consommation occidental à la population du Brésil ou de la Chine. Chercher à conduire chaque consommateur chinois ou indien au niveau des Américains ou des Européens ne serait pas tenable économiquement. Toutefois, il serait tout aussi ridicule d’affirmer que les consommateurs des pays émergents pourraient se contenter de leur niveau de consommation actuelle. La vérité se situe entre ces deux extrêmes. Ce qui semble évident, c’est que la croissance de la consommation mondiale viendra désormais, pour l’essentiel, des marchés émergents. Selon les prévisions, la Chine fournira déjà 30% de la croissance de la consommation cette année, soit plus de deux fois la part des Etats-Unis. La consommation privée progresse également au Brésil. Et, s’il est difficile de connaître la part de l’Inde dans la consommation, certains chiffres s’inscrivent en hausse, comme les ventes de véhicules et les abonnements de téléphonie mobile. D’une manière générale, la part des marchés émergents dans la consommation mondiale a déjà dépassé celle des EtatsUnis il y a quelques années et cette tendance semble devoir se confirmer. Selon les données les plus récentes, la consommation des marchés émergents représente un tiers environ de la consommation mondiale (contre moins d’un quart il y a dix ans), tandis que les Etats-Unis sont passés de 36% en 2001 – un sommet historique – à 28%.

Des opportunités pour les investisseurs Les investisseurs peuvent tirer deux grandes conclusions de ce qui précède. Premièrement, la part des marchés émergents est appelée à se renforcer dans l’économie mondiale. Deuxièmement, la croissance des marchés émergents s’expliquera désormais de plus en plus par la consommation. Les marchés émergents gagnant du terrain sur les pays développés, tout portefeuille

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«L’affaiblissement de la consommation dans les pays développés s’inscrit dans une tendance plus vaste, et notamment dans un mouvement de désendettement des ménages» ELIZABETH EATON – CREDIT SUISSE

équilibré se doit d’y être exposé. Certains marchés et régions recèlent, bien sûr, un plus grand potentiel, alors que d’autres restent difficiles d’accès pour les investisseurs extérieurs. La Chine commence à peine à s’ouvrir aux investisseurs étrangers. Le Brésil, au contraire, leur offre de nombreuses opportunités intéressantes. Quelle que soit la situation locale, nous sommes convaincus que ces placements s’avéreront payants à long terme. Le meilleur moyen de profiter de la croissance de la consommation consiste, évi-

demment, à investir dans les actions des sociétés qui fournissent leurs biens et services aux consommateurs de ces régions. Il ne s’agit pas obligatoirement d’entreprises locales. Il pourrait être judicieux d’investir dans des fabricants d’automobiles ou de produits électroménagers et électroniques des pays développés. Les sociétés qui ont élaboré des stratégies efficaces pour ouvrir et exploiter ces marchés bénéficieront d’un fort potentiel de croissance au cours des prochaines années. ■ E.E.

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DOSSIER DETTE ÉMERGENTE

Des perspectives toujours plus prometteuses S’agissant des actions, les marchés émergents ont été les plus performants en 2009, surpassant aisément les marchés globaux. Cette performance a concentré l’attention des investisseurs sur des opportunités d’investissement dans de nombreux pays en voie de développement. Cependant, un domaine a été négligé par ceux qui souhaitent profiter de ces économies en développement rapide: la dette émergente. Explications. Important potentiel de croissance

Richard HOUSE Head of Emerging Market Debt Threadneedle

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es sous-jacents fondamentaux se sont considérablement améliorés au cours des dix dernières années dans nombre de marchés émergents. De plus, le secteur de la dette émergente regroupe une variété d’opportunités d’investissement qui vont d’obligations de haute qualité et souveraines à un nombre croissant d’émissions d’entreprises. Bien que les marchés de la dette émergente aient enregistré une très bonne performance en 2009, nous pensons que cette classe d’actifs offre encore un bon rendement et une marge intéressante par rapport aux pays développés. En particulier, les devises de la dette émergente restent attractives en comparaison des marchés obligataires et monétaires US. Nous avons ainsi trouvé des opportunités intéressantes parmi les monnaies locales de la dette émergente. Les gouvernements de nombreuses économies émergentes bénéficient actuellement d’une position financière plus solide que leurs homologues américains ou européens. Des déficits fiscaux significatifs sont devenus courants au sein des économies développées, car les gouvernements ont injecté beaucoup d’argent pour prévenir le prolongement du ralentissement économique. La situation des pays en développement, elle, est nettement différente. Les marchés émer-

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«Beaucoup d’obligations des marchés émergents offrent encore un potentiel attractif et elles bénéficient de fondamentaux économiques forts, en constante amélioration» RICHARD HOUSE – THREADNEEDLE

gents sont des créanciers nets vis-à-vis du reste du monde et leurs finances publiques devraient s’assainir dans la mesure où ces économies se libèrent progressivement des conséquences de la crise financière globale. En effet, aucun gouvernement de pays émergent n’a manqué de s’acquitter de sa dette en raison de l’actuel ralentissement économique.

De plus, les banques des marchés émergents jouissent d’un solide financement et leurs économies sont à un autre stade du cycle financier. Dans les années 80 et 90, les problèmes financiers rencontrés per certains marchés émergents découlaient des conditions domestiques. Par conséquent, les gouvernements de ces pays ont été contraints d’améliorer leur gestion économique et monétaire, puis de restructurer leurs systèmes bancaires. Ceci explique l’endurance dont les marchés émergents font actuellement preuve face à l’incertitude économique globale. Si l’on regarde à plus long terme, le potentiel de croissance des économies émergentes est nettement supérieur à celui des pays développés. Le niveau d’endettement des consommateurs est bas dans la plupart des pays émergents, alors que l’on craint que les niveaux d’endettement élevés des pays développés n’affaiblissent leur croissance pour un certain temps. Les économies en développement bénéficient également d’un meilleur support démographique que leurs homologues plus «mûres», principalement caractérisées par des populations vieillissantes et des taux de dépendance en hausse. En outre, les pays émergents investissent abondamment dans les infrastructures et la technologie, améliorant ainsi leur productivité, moteur clé de la croissance, et aidant par là même leurs entreprises à rivaliser de manière toujours plus efficace avec les firmes globales établies. Les informations disponibles sur les finances des pays émergents se sont aussi bien

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MARCHÉS ÉMERGENTS 14% JPM EMBI Global Diversified 3mth Cash Spread JPM EMBI Global Diversified Sovereign Spread

12% 10% 8% 6% 4% 2% 0% déc.98

oct.99

août.00 juin.01

avril.02

fév.03

déc.03

améliorées ces dernières années. Les principales agences de notation contrôlent la solvabilité des gouvernements, tandis que les Ministères des finances et les banques centrales publient un grand nombre de données et d’analyses. De plus, le FMI, la Banque mondiale et l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) émettent, eux aussi, de nombreux rapports. Les analyses économiques fondamentales sont donc plus fiables que par le passé, lorsque la transparence était moindre et les données insuffisantes. Les marchés émergents suscitent toujours plus l’intérêt des investisseurs, ce qui témoigne à la fois d’une amélioration de leur gestion économique et d’une plus grande transparence, ainsi que du soutien d’organisations telles que l’OCDE. Des pays en développement, comme la Pologne, la Hongrie et le Mexique, sont déjà membres de l’OCDE, alors que d’autres, comme le Brésil, la Chine, l’Inde ou la Russie, sont sur le point de rejoindre l’organisation ou coopèrent déjà avec celle-ci. Ces développements créent des opportunités pour les investisseurs, étant donné que les marges d’intérêt par rapport aux bons du trésor US se resserrent lorsqu’un pays est en voie de rejoindre l’organisation. Par conséquent, pour un pays comme le Brésil, qui aurait jadis eu à payer un taux d’intérêt nettement plus élevé sur ses prêts que les Etats-Unis, ce n’est plus du tout le cas. Les investisseurs se satisfont d’une marge de rendement plus basse, ce qui a des répercussions positives sur la cotation des obligations existantes. En outre, nous croyons que cette tendance au resserrement des marges d’intérêt continuera à caractériser les éco-

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oct.04

août.05 juin.06

avril.07 jan.08

nov.08

sep.09

nomies des marchés émergents dans les années à venir.

Appréciation des monnaies émergentes Nous nous attendons à ce que cette diminution des marges de rendement s’applique, en particulier, à des pays où les investisseurs exigent encore des primes à relativement haut risque. Cette catégorie inclut les pays qui ont été touchés par la récente crise financière globale et dont les gouvernements prennent maintenant des décisions majeures pour renforcer leur économie locale. C’est le cas de la Hongrie, du Mexique, de la Russie et de la Turquie. Bien que ces pays ne bénéficient pas des flux de capitaux massifs qui ont inondé d’autres économies émergentes comme le Brésil, nous pensons que leurs efforts pour stabiliser et renforcer l’économie mèneront à une hausse des obligations et à des baisses de rendement. L’intérêt croissant des investisseurs entraîne aussi une appréciation des monnaies émergentes. Beaucoup d’analystes pensent que cela sera une tendance globale majeure en 2010 et dans les années suivantes. Bien que la dette en monnaie locale soit un secteur relativement nouveau, les détenteurs d’obligations souveraines et quasi souveraines issues en monnaies locales peuvent exploiter les inefficacités tarifaires qui surgissent souvent entre les dénominations de la monnaie locale et de la monnaie forte pour des obligations similaires issues du même organisme. Aux Etats-Unis et dans la zone euro, les rendements sont très bas et vont probablement le rester pour quelque temps, car les

banques centrales adoptent des politiques monétaires très souples pour stimuler leurs économies endettées. En revanche, les rendements sont nettement plus importants dans nombre d’économies émergentes, reflétant des taux d’intérêt locaux plus élevés et la force des économies locales. En décembre 2009, par exemple, le taux d’intérêt officiel moyen des pays développés était de 0,5%. A titre de comparaison, le taux des économies émergentes avoisinait 4,5% et s’élevait à 5,7% en Amérique latine. Nous nous attendons à ce que ce différentiel de taux d’intérêt soutienne les monnaies émergentes en 2010.

Des fondamentaux en amélioration De nouvelles opportunités existent aussi dans des pays où le marché évalue mal le risque. Le Venezuela en est un bon exemple, avec des marchés exigeant une prime de risque non justifiée par les fondamentaux économiques. Les investisseurs se montrent prudents vis-à-vis de la situation politique du pays et du président Chavez. Notons toutefois que ce pays a honoré ses obligations de dette, qu’il demeure un créancier net et qu’il possède des réserves de change non négligeables. Alors que de récents mouvements sur le marché monétaire ont suscité une certaine préoccupation, notre analyse suggère que le risque politique a été surestimé. Nous pensons qu’il est crucial d’évaluer le risque politique parallèlement à l’analyse économique, ce qui permet d’identifier de nouvelles possibilités d’investissement. Nous estimons que les obligations des marchés émergents représentent des opportunités considérables pour les investisseurs en 2010, en prolongement des solides gains réalisés en 2009. Beaucoup d’entre elles offrent encore un potentiel attractif et elles bénéficient de fondamentaux économiques forts, en constante amélioration. Sans parler d’autres opportunités comme la potentielle appréciation monétaire – et les gains qui peuvent en découler en investissant dans des obligations en monnaie locale – ainsi que les mauvaises évaluations de prix dans d’autres domaines du marché. Ces possibilités peuvent être exploitées par un gérant de fonds jouissant d’une solide compréhension tant des fondamentaux économiques que du risque politique. ■ R.H.

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DOSSIER MARCHÉS ÉMERGENTS

Un beau potentiel en Europe du sud-est Après les violents revers essuyés par les marchés actions de l’Europe du sud-est en 2008, ceux-ci ont enfin retrouvé des couleurs. A titre d’exemple, l’indice roumain BET a progressé de 52%, ayant même rebondi à 153% à partir de ses planchers. Actuellement, cet indice s’inscrit à 43% des sommets enregistrés en juillet 2007. Karl KELLER, Hyposwiss

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a région a néanmoins connu une profonde récession en 2009. En effet, le PNB réel a reculé de 5% en Bulgarie, 7% en Roumanie et 6% en Croatie. Par ailleurs, la forte dépendance de cette région à l’égard des capitaux étrangers a exacerbé la crise. Parallèlement, avec l’écartement des spreads sur les Eurobonds et les CDS, le financement des déficits élevés de la balance des opérations courantes a suscité des interrogations. Ces mouvements en dents de scie s’expliquent par le contexte de la crise financière qui sévit à l’échelle mondiale. Il faut savoir qu’une part importante du système bancaire de pays comme la Roumanie, les Etats de l’ex-Yougoslavie ou la République tchèque est entre les mains d’instituts bancaires d’Europe de l’ouest. Or, la dotation en capital actuellement faible de ces banques a alimenté les craintes d’un éventuel abandon des banques d’Europe de l’est par leurs propriétaires, à l’instar de Société Générale, Unicredito ou Erste Bank. Mais, si le pire n’est pas encore derrière nous, les banques locales ont, de leur côté, drastiquement réduit le montant de leurs prêts, ce qui n’a pas été sans conséquences au plan conjoncturel.

Investisseurs sous-investis La base d’investisseurs locaux étant limitée et le système de prévoyance professionnelle encore à ses balbutiements, les Bourses de l’Europe du sud-est sont forte-

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«En 2011, la croissance en Europe du sud-est devrait être près de deux fois supérieure à celle de la zone euro» KARL KELLER – HYPOSWISS

ment dépendantes des investisseurs de l’ouest. Durant la crise financière, la quasitotalité des capitaux a été retiré des nombreux fonds qui investissaient dans la région. Les ventes qui en ont découlé ont eu

de graves répercussions sur les marchés, dont la capitalisation ne représente plus que quelques milliards d’euros. Les fonds dotés auparavant de plusieurs centaines de millions d’euros dépassent désormais rarement les 20 millions. Le risque que des capitaux supplémentaires soient retirés de la région paraît donc limité. Dans la majeure partie des cas, les investisseurs ont vendu leurs fonds composés de titres d’Europe de l’Est, avec la ferme intention de ne plus être exposés à la Russie ou aux Etats baltes, qui traversent de réels problèmes. Par le biais de fonds investissant dans toute l’Europe de l’Est, leurs craintes ont déteint sur les Bourses de l’Europe du sud-est. Globalement, les investisseurs sont sousinvestis sur cette région. S’ils décidaient de retourner leur veste, on assisterait alors à d’importantes entrées de capitaux et, partant, à une envolée des cours. L’évolution économique de l’Europe du sudest correspond à celle de l’Europe de l’ouest. Mais avec un trimestre, voire deux trimestres, de retard. Aussi la région a-t-elle affiché, au troisième trimestre, une baisse de son activité économique, le tournant n’étant prévu qu’au quatrième trimestre. Cette évolution conjoncturelle décalée peut s’expliquer par le fait que la région ne jouit d’aucune marge de manœuvre en termes de politique monétaire et fiscale, contrairement à l’Europe de l’ouest et aux Etats-Unis. En effet, des pays comme la Roumanie ou la Bulgarie ne disposent pas des moyens nécessaires pour s’assurer, sur le marché de l’Eurobond, les ressources nécessaires à des plans de relance. En outre, le marché intérieur de ces pays n’est pas suffisamment développé pour leur permettre de

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MARCHÉS ÉMERGENTS lever des capitaux, une inflation toujours élevée les empêchant de réduire sensiblement leurs taux directeurs.

«Si les investisseurs, jusqu’alors sous-investis en Europe du sud-est, décidaient de retourner leur veste, on assisterait alors à d’importantes entrées de capitaux et, partant, à une envolée des cours»

On peut comparer cette situation à celle d’un malade qui n’a pas l’argent nécessaire pour se soigner et qui essaie tant bien que mal de combattre sa grippe en restant au lit. En conséquence, les niveaux d’endettement en pourcentage du PNB n’ont pas augmenté dans les mêmes proportions que dans les pays développés. Seule la Hongrie, avec 80%, affiche un niveau comparable à celui de l’Europe de l’ouest. Avec 21%, la Roumanie se situe même à un niveau très bas. S’il est vrai que la reprise économique est moins dynamique dans la région, la génération suivante n’aura au moins pas à assumer l’énorme charge financière comme celle que connaissaient l’Angleterre, les Etats-Unis et le Japon.

Des atouts prometteurs A moyen terme, la région d’Europe du sudest bénéficie de nombreux atouts prometteurs. Les économies locales sont, aujourd’hui encore, dominées par des secteurs à faible création de valeur (tourisme en Bulgarie et Croatie, production de masse). Toutefois, le changement structurel vers des secteurs tournés davantage sur les services évolue rapidement, laissant entrevoir un certain potentiel. Le bas niveau des salaires et des prix fait de cette région un endroit de prédilection pour externaliser les services des entreprises occidentales, en situation de concurrence avec les pays asiatiques. Le salaire moyen mensuel s’élève à 446 euros en Roumanie et à 340 euros en Serbie. En outre, le prix du terrain et les loyers sont généralement une fraction de la valeur correspondante en

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Europe de l’ouest, ce qui stimule les investissements étrangers. Tant leur proximité géographique que l’aménagement satisfaisant de leurs infrastructures par rapport à l’Amérique latine ou à certaines régions reculées de Chine ont facilité la mise en œuvre des processus de convergence au sein de l’Europe. Par ailleurs, l’adhésion de la Roumanie et de la Bulgarie à l’UE, entraînant une plus grande mobilité de la main-d’œuvre et des capitaux, devrait avoir des répercussions positives. Le PNB par habitant évolue entre 41% (Bulgarie) et 63% (Hongrie) de la valeur de la zone euro. Par ailleurs, l’insécurité juridique issue du passé socialiste ainsi que l’absence, à de nombreux égards, de gouvernance d’entreprise devraient prendre une orientation positive sous la pression de Bruxelles.

vernement, rendant difficile la mise en place du programme d’aide du FMI et de l’UE. L’investisseur qui souhaite miser dans des actions de la région doit être prêt à accepter un risque supérieur à la moyenne et viser un horizon de trois à cinq ans. Si ces conditions sont remplies, il y a fort à parier qu’il réalisera une nette plus-value par rapport aux marchés traditionnels. Au plan géographique, nous favorisons la Roumanie. Au niveau des titres, nous privilégions les valeurs autrichiennes Erste Bank et OMV ainsi que les fonds de privatisation roumains (SIF), cotés à la Bourse en fractions de parts de leur VNI. Le fonds Hyposwiss Donau Tiger, investissant dans les marchés actions et obligataires de cette région, offre une très bonne alternative aux placements directs. ■ K.K.

Un retour à la croissance En 2010, l’Europe du sud-est devrait retrouver le chemin de la croissance. De l’avis de la plupart des experts, celle-ci devrait être près de deux fois supérieure à celle de la zone euro en 2011. Ainsi, l’activité économique de la région devrait à nouveau atteindre les valeurs maximales enregistrées en 2008. Si cela se confirme, les bénéfices des entreprises et les marchés actions pourraient continuer leur progression. En termes de potentiel de croissance, les évaluations boursières de la Roumanie (PER 2010 de 14), de la Hongrie et de la Serbie (10) ou de la Croatie (6) sont intéressantes. Alors que des marchés plus liquides, comme le Brésil ou la Chine continentale, affichent des évaluations deux à trois fois supérieures. En outre, des devises comme le leu, le lev ou le dinar présentent un avantage de taux non négligeable par rapport à l’euro et sont favorables en termes de pouvoir d’achat. Elles pourraient se raffermir si la conjoncture devait s’améliorer. Une nouvelle crise du crédit serait le risque le plus grave pour la croissance de cette région, la reprise serait alors laborieuse. En effet, les jeunes économies d’Europe du sud-est sont tributaires des investissements étrangers pour soutenir leur croissance, comme cela est le cas des pays asiatiques ou d’Amérique latine. En outre, l’instabilité politique pourrait être un autre risque, à l’image de la Roumanie qui, pendant deux mois, a été privée de gou-

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Michael Nelson Jagamara (Clan Pikilyi, Vaughan Spring, Territoire du Nord), «Kangaroo», acrylique sur toile, 101 x 51 cm.

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DOSSIER MARCHÉS ÉMERGENTS

Nouvelles performances attendues en 2010 Après un impressionnant rallye haussier en 2009, faut-il continuer à se positionner sur les marchés émergents? A cette question, George Iwanicki, de JP Morgan Asset Management, répond par l’affirmative en détaillant les signaux positifs et les précautions à prendre. Certains pays sont néanmoins à éviter. Explications. des bénéfices va vraisemblablement tirer profit d’une croissance économique plus forte, alors que les profits des pays développés risquent de rester à la traîne en raison de l’atonie probable de leur reprise.

George IWANICKI Emerging Markets Macro Strategist JP Morgan Asset Management

Croissance des profits

A

près la hausse impressionnante de 69% des marchés émergents en 2009, il se pourrait bien que certains investisseurs commencent à éprouver un sentiment de vertige. Cependant, plutôt que d’être intimidé par ce rebond, il vaut mieux se rappeler que, au moment où la reprise de 2009 a démarré, les niveaux de valorisation étaient similaires à ceux constatés au plus bas des crises de ces vingt dernières années. Ainsi, la plupart des indicateurs de valorisation n’ont fait que de retrouver leur «juste valeur». Nous anticipons donc de nouvelles performances annuelles positives pour les marchés d’actions émergents, même si celles-ci seront plus en adéquation avec leurs hausses à long terme, de l’ordre de 13 à 15%, plutôt que de l’ampleur du rebond de l’an dernier. La croissance des bénéfices sera le principal moteur des performances au cours de l’année 2010 et au-delà, ce qui refléterait non seulement une croissance économique saine, mais aussi une meilleure utilisation des capitaux des entreprises. Bien que la récente crise financière se soit concentrée sur les pays développés, EtatsUnis en tête, les valorisations des marchés émergents sont, à la fin de 2008, tombées à des niveaux de crise. Or, l’histoire nous a montré qu’après les creux des précédentes crises, les marchés émergents ont, dans la plupart des cas, surperformé les marchés

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«L’histoire nous a montré qu’après les creux des précédentes crises, les marchés émergents ont surperformé les marchés boursiers mondiaux» GEORGE IWANICKI – JP MORGAN AM

boursiers mondiaux, pas seulement sur un an, mais aussi sur trois et cinq ans. L’histoire semble donc militer en faveur d’une surperformance durable des marchés émergents. Leurs PER affichent toujours une décote modérée par rapport à ceux des marchés développés. Surtout, la croissance

Sur les marchés émergents, les valorisations sont revenues à des niveaux proches de leur «juste valeur». Le ratio cours/actif net est légèrement supérieur à 2 et se situe un peu au-dessus de sa moyenne à long terme, car la rentabilité s’est améliorée au cours de la dernière décennie. Les perspectives de bénéfices pour les marchés émergents nous paraissent positives: les économies qui sortent de la récession ou d’une phase de ralentissement génèrent, en général, un impact positif sur la croissance des profits. Plus important encore, l’amélioration frappante de la structure du capital des entreprises entre 2002 et 2009. Après avoir stagné en queue des classements mondiaux dans les années 90, le rendement des capitaux propres a désormais rejoint ou même dépassé celui enregistré chez les leaders mondiaux. Alors que le cycle économique n’est qu’aux premiers stades qui suivent la récession, un coup d’œil sur l’ensemble du cycle suggère que ce dernier est plus avancé qu’on ne l’imagine. En fait, comme le graphique cicontre le montre, le cycle économique a indiscutablement atteint son milieu. Certains signes indiquent déjà un passage de la phase de reprise à la phase d’expansion. Et, bien que nous ne disions pas cela de manière négative, ce facteur mérite d’être souligné, compte tenu de ses conséquences. De notre point de vue, l’une des princi-

MARS - AVRIL 2010


MARCHÉS ÉMERGENTS Les indicateurs du cycle économique

pales implications pour les investisseurs est la nécessité de commencer à arbitrer les préférences sectorielles au sein des marchés émergents et à chercher des secteurs affichant une croissance bénéficiaire durable et des risques limités.

Des marchés à privilégier Nous privilégions donc, au plan tactique (horizon de trois à six mois) et dans une perspective d’investissement de type topdown, des pays comme la Turquie, la Russie, la Corée, l’Afrique du Sud et le Brésil, en raison de leurs valorisations attractives et, dans le cas du Brésil, d’une combinaison de valorisations intéressantes et d’une dynamique positive. Nous sommes très favorables à la Turquie, dans la mesure où une grande partie de la revalorisation durable de ce marché reste à venir. Au contraire, les marchés qui nous semblent les moins attractifs sont la Malaisie, l’Inde et Taïwan, qui apparaissent surévalués. S’agissant de l’Inde, la combinaison de valorisations élevées, d’un enthousiasme soutenu des investisseurs et d’un probable durcissement de la politique monétaire de la banque centrale indienne renforce notre prudence. Au plan stratégique (horizon de trois à cinq ans), nous privilégions l’Asie émergente plutôt que l’Europe émergente, le MoyenOrient, l’Afrique (EMEA) et l’Amérique latine. Notre approche s’articule autour de quatre sources de performance potentielle: croissance des bénéfices, rendement des dividendes, évolution des valorisations et performance de change. Sur la base de nos estimations pour chacune de ces sources, la

MARS - AVRIL 2010

différenciation la plus flagrante parmi les performances régionales concerne la performance de change. Une réévaluation durable de la monnaie devrait stimuler la surperformance en Asie, tandis qu’un retour des taux de change vers leurs niveaux moyens va probablement peser sur la performance en EMEA et en Amérique latine, car plusieurs monnaies liées aux matières premières (real brésilien et rouble russe, par exemple) semblent chères. Cette différenciation liée aux taux de change a tendance à balayer les petites différences au niveau des performances potentielles liées au rendement des dividendes (facteur positif pour l’Amérique latine) et aux évolutions des valorisations (facteur positif pour l’EMEA). Nos préférences à long terme incluent la Thaïlande (valorisation), la Chine et la Corée (performance de change), la Hongrie, la Pologne (reprise, au final, des bénéfices après la récession) et la Turquie (valorisation) au sein de l’EMEA. En Amérique latine, le Brésil (forte croissance des bénéfices, malgré une devise légèrement surévaluée) est préféré au Mexique.

Un risque de correction La volatilité demeure néanmoins inhérente à tout investissement sur les marchés émergents. Par rapport à l’an passé, dans un environnement marqué par une certaine normalisation des performances, ce paramètre mérite notre attention. La confiance à l’égard des actions des marchés émergents s’est révélée assez favorable au cours de ces derniers mois; les capitaux continuent d’affluer et certaines

Les capitaux continuent d’affluer

enquêtes suggèrent que les investisseurs sont neutres ou surpondérés dans leurs allocations d’actifs (voir graphique ci-dessus). Par conséquent, le risque d’une correction en 2010 n’est pas négligeable. Toutefois, il est important de rappeler que durant le rebond des années 2003 à 2008, les actions des marchés émergents ont subi au moins une telle correction chaque année, habituellement marquée par des chutes de 10 à 20%, sur une durée de quatre à six semaines, avant un redémarrage du marché. La plus grande surprise serait sans doute l’absence de correction compte tenu de l’historique des marchés émergents. Nous sommes néanmoins convaincus que l’orientation positive des marchés émergents reste justifiée par une croissance structurelle dynamisée par l’urbanisation, une diminution tant de la dette souveraine que de l’endettement des entreprises, et une amélioration des rendements servis aux actionnaires. ■ G.I.

B&F

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FONDS DE PLACEMENT REPÈRES DU MARCHÉ DE LA GESTION COLLECTIVE Palmarès sur un an des catégories de fonds avec au moins 5 fonds Moyennes des catégories MORNINGSTAR

Perf. en % sur 1 an

Perf. en % sur 3 ans

Volatilité annualisée sur 3 ans

Perf. en % sur 5 ans

MEILLEURES PERFORMANCES DES CATÉGORIES MORNINGSTAR - FONDS ACTIONS & MIXTES Actions Russie Actions Turquie Actions Europe émergente Actions Brésil Actions Australie et Nouvelle-Zélande Actions Inde Actions Amérique latine Actions BRIC Actions Norvège Actions Suède Petites et moyennes cap.

167.33 119.97 100.93 99.73 88.76 87.40 85.43 83.73 81.02 79.30

-13.18 19.05 -20.78 48.33 1.35 -2.20 23.61 -1.34 -14.19 -24.72

42.10 47.67 36.02 38.76 29.80 38.86 34.56 34.33 36.38 30.54

140.50 94.48 61.52 229.96 66.73 110.03 189.70 107.23 65.43 47.90

MOINS BONNES PERFORMANCES DES CATÉGORIES MORNINGSTAR - FONDS ACTIONS & MIXTES Mixtes Dollar Taiwan Prudent Mixtes Euro Prudent Actions Secteur Biotechnologie Mixtes Dollar Prudent Actions Secteur Immobilier (direct)

8.66 8.11 7.23 6.83 -0.11

-15.85 -9.30 -19.30 -15.18 -25.73

9.28 20.73 11.42 8.76

-0.15 4.82 2.81 -2.33 -9.50

MEILLEURES PERFORMANCES DES CATÉGORIES MORNINGSTAR - FONDS OBLIGATAIRES Obligations à Haut Rendement Livre Sterling Obligations à Haut Rendement Euro Obligations à Haut Rendement Dollar Obligations Privées Livre Sterling Obligations et Liquidités Dollar Australien Obligations Convertibles Euro Obligations Convertibles Etats-Unis Obligations Marchés Emergents Obligations Convertibles Asie/Japon Obligations Livre Sterling Diversifiées

48.67 46.74 30.71 29.49 26.04 24.27 22.08 21.91 21.61 20.14

-19.85 -2.40 -7.70 -25.45 11.89 -10.75 -10.38 -2.05 -6.42 -24.57

20.92 18.93 17.08 15.64 13.63 15.36 13.84 14.70 13.92 14.14

-0.80 14.64 7.84 -13.37 29.08 12.58 11.82 22.88 26.62 -11.07

MOINS BONNES PERFORMANCES DES CATÉGORIES MORNINGSTAR - FONDS OBLIGATAIRES Obligations à CT Dollar Obligations Globales Islamiques Obligations Taiwan Obligations d’Etat Dollar Obligations en Yen

-0.73 -2.00 -5.05 -5.59 -8.58

-13.33 -9.53 -11.40 -4.02 14.01

12.50 10.90 11.07 12.77

-4.31 12.70 -7.57 4.08 3.55

FUND PROFILE: ANALYSE DE FONDS: GS JAPAN PORTFOLIO — LU0122976888 Une classe d’actifs difficile où certains gardent le cap Alors que l’année 2009 restera dans les mémoires comme un cru de vigoureux rebond avec l’essentiel des catégories finissant la période dans le vert, la famille de fonds investis en actions japonaises de grande capitalisation a, sur l’année, fait moins de 11%. Un rebond en demie teinte, alors que la catégorie avait tout de même perdu près de 39% en 2008. Depuis de nombreuses années, le marché japonais est saisi de léthargie et on ne compte plus les faux départs du Topix. Quoi qu’il en soit, quelques gérants réussissent à faire la différence et, sans avoir vocation à occuper une place dominante au sein du portefeuille d’un investisseur européen, un fonds actions japonaises peut utilement jouer un rôle de diversification s’il est pris en compte dans une logique de marché de niche, c’est-à-dire en lui accordant une pondération secondaire. Crédité d’une note qualitative «Supérieur», et de 4 étoiles au niveau quantitatif, le Goldman Sachs Japan Portfolio offre une option intéressante pour jouer ce thème. Il

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B&F

dispose d’un gérant actif sur le fonds depuis octobre 2005, Hiroyuki Ito, entouré d’une équipe solide mise en place par David Townshend. Dépêché au Japon en 2005, ce dernier a procédé à une véritable remise à plat des ressources et des process. Parmi les points que nous apprécions, il a, entre autres, calé la partie variable de la rémunération des équipes sur les performances à un an et trois ans. Une bonne façon de faire converger les intérêts des gérants et des investisseurs. La gestion elle-même se veut de conviction: au sein des quelque 1700 valeurs du Topix l’équipe restreint, via des critères de valorisation mais aussi selon une approche qualitative tenant compte de l’équipe de direction et du secteur d’industrie concerné, l’univers à 500 valeurs. C’est dans ce gisement que le gérant va identifier des titres délaissés ou peu travaillés mais offrant, selon lui, des perspectives de dividendes supérieures à la moyenne. A ce niveau, l’équipe concentre ses efforts sur 60 à 100 valeurs pour lesquelles sont fixés des

Du 19 janvier 07 au 22 janvier 10, Nav-Nav, Dividendes: Coupon

objectifs de cours. Ce travail générateur de plus-value se réalise dans le cadre d’un large consensus au sein de l’équipe. Enfin la construction de portefeuille, essentiellement bottom-up jusqu’à ce point, intègre une approche macroéconomique dont le rôle est d’autant plus important en période de forte volatilité. Dans la mesure où le gérant tend à se prémunir des phénomènes de mode et qu’il vise à travailler indépendamment du momentum des valeurs, l’investisseur doit assez logiquement s’attendre avec ce fonds à des périodes de sous-performances relatives, surtout en phases de marchés haussiers. Ainsi, l’année dernière, le fonds a réalisé un gain de 2%, ce qui le place en percentile 62 sur la période, mais il convient de noter, qu’en 2008, il se situait en percentile 11. Sur une durée de cinq ans, il se classe en percentile 11 avec une surperformance significative de 2% par rapport à la moyenne de sa catégorie.

Réinvesti, Devise: Swiss Franc, Investissement: Indexé

C a s h V a l u e s

110

10

105

5

100

0

95

-5

90

-10

85

-15

80

-20

75

-25

70

-30

65

-35

60

-40

55

-45

50

-50

C a s h V a l u e s

-55

45 Avr Jul Oct 08 A vr Jul O ct 09 A vr Jul Oct 10 << GS Japan Portfolio A (SA)-36.39

Les performances passées ne préjugent en rien des performances futures.

Frédéric LORENZINI 29/01/2010

MARS - AVRIL 2010


REPÈRES Les plus grandes catégories de fonds passées au crible du 1er quartile Du 19 janvier 07 au 22 janvier 10, Nav-Nav, Dividendes: Coupon Réinvesti, Devise: Swiss Franc, Investissement: Indexé

C a s h V a l u e s

145

45

130

30

115

15

100

0

-85

-15

-70

-30

-55

-45

-40

-60

C a s h V a l u e s

-75

-25 Avr Jul

Oct

Avr Jul

Oct

Avr Jul

Oct

<< Mstar SA EQ Global (NX) -30.82 << Mstar SA FI EUR (NX) 0.75 << Mstar SA EQ Switzerland (NX) -24.56 << Mstar SA HD Fund of Funds (NX) -15.79 << Mstar SA EQ Asia Pac ex Japan (NX) -10.70 << Mstar SA EQ Europe (NX) -34.87 << Mstar SA EQ North America (NX) -33.09 Les valeurs de votre investissement peuvent monter aussi bien que descendre. Les performances passées ne préjugent pas des performances à venir.

Le graphique ci-contre indique la performance cumulée sur trois ans des principales catégories de fonds. Dans chaque numéro, Banque & Finance vous présente également une sélection de fonds. Découvrez avec nous les rares produits qui réussissent à se hisser dans le premier quartile sur toutes les périodes analysées. Nous publions au maximum les dix premiers fonds sur un an. Catégorie MORNINGSTAR Oblig. EUR Gest. Alt. Fonds de fonds Actions Asie Pacifique hors Japon Actions Suisse Actions International Actions Amérique du Nord Actions Europe Actions Japon

Perf. en % sur 3 ans 1.12 -11.03 -11.43 -24.05 -30.79 -32.44 -34.44 -39.40

Nombre de fonds dans cette catégorie 106 52 101 105 272 212 244 119

Sur 106 fonds de la catégorie MORNINGSTAR «Oblig. EUR», 7 fonds restent dans le 1er quartile sur 6 mois, 1 an et 3 ans. Oblig. EUR Nom du fonds

Promoteur

Code ISIN

Base Inv Bonds EUR AXA WF Euro 10+LT IC EUR BNY Mellon Euroland Bond C EUR HSBC GIF Euro Core Bond A Acc Nordea-1 Euro Bond BP Schroder ISF Euro Bond A Acc AXA WF Euro 5-7 IC EUR Moyenne/Nombre

Banca del Sempione SA AXA Investment Managers Paris S.A BNY Mellon Asset Management HSBC Investment Funds (Luxembourg) S.A. Nordea-1 SICAV Schroder Investment Mgmt (Luxembourg) AXA Investment Managers Paris S.A

LU0133519883 LU0227144903 IE0032722484 LU0165129312 LU0076315455 LU0106235533 LU0227128450

Perf. en % sur 6 mois

Perf. en % sur 1 an

Perf. en % sur 3 ans

4.77 4.50 3.94 2.27 4.88 3.88 2.16 0.87

17.38 14.48 14.33 14.09 14.00 10.53 10.07 7.02

13.92 11.03 14.00 6.61 5.23 6.39 9.32 1.12

Volatilité annualisée sur 3 ans 7.72 11.35 8.27 8.18 8.39 6.94 7.55 8.20

Etoiles MORNINGSTAR ★★★★★ ★★★★★ ★★★★★ ★★★★ ★★★ ★★★★ ★★★★★

Sur 105 fonds de la catégorie MORNINGSTAR «Actions Suisse», 10 fonds restent dans le 1er quartile sur 6 mois, 1 an et 3 ans. Actions Suisse Nom du fonds

Promoteur

Code ISIN

BGF Swiss Opportunities A2 CHF BCGE Synchrony Small & Mid Caps CH A Ethos Equities CH Mid & Small Raiffeisen Futura Swiss Stock A SVM Value BB Entrepreneurial Switzerland A SL iFunds (CH) Equity CH (CHF) NZB Swiss Opportunity Inc Pictet(CH) Swiss Equities I AXA WF Frm Switzerland AC CHF Moyenne/Nombre

Blackrock (Luxembourg) S.A. PKB Privatbank Ethos Vontobel Fonds Services AG SIF Swiss Investment Funds SA Wegelin Fondsleitung AG Swiss Life Funds AG LB(Swiss) Investment AG Pictet Funds SA, Geneva AXA Investment Managers Paris S.A

LU0376446257 CH0026517968 CH0023568022 CH0011980981 CH0013610248 CH0023244368 CH0023989467 CH0021778029 CH0019087102 LU0087657150

Perf. en % sur 6 mois

Perf. en % sur 1 an

Perf. en % sur 3 ans

23.07 17.04 19.86 19.46 25.62 15.67 19.63 15.33 15.93 15.36 14.08

49.73 47.31 46.83 42.15 36.64 35.61 34.15 33.39 32.90 31.40 28.75

8.53 -14.29 -17.96 -19.02 -16.17 -17.00 -21.88 -18.21 -20.41 -20.97 -24.05

Volatilité annualisée sur 3 ans 21.52 23.81 25.17 23.45 18.98 20.20 17.60 18.57 18.91 17.57 18.45

Etoiles MORNINGSTAR ★★★★★ ★★★★ ★★★ ★★★★ ★★★ ★★★★ ★★★★ ★★★★★ ★★★★ ★★★

Sur 101 fonds de la catégorie MORNINGSTAR «Actions Asie Pacifique hors Japon», 6 fonds restent dans le 1er quartile sur 6 mois, 1 an et 3 ans. Actions Asie Pacifique hors Japon Nom du fonds

Promoteur

Code ISIN

HSBC GIF Asia ex Jap Eq Sm Co A Templeton Asian Growth A YDis $ UBS (CH) EF Pacific P Fidelity Instl Pacific ex Japan Fidelity Instl South East Asia FF - Instl Pacific (ex-Jap) I Acc USD Moyenne/Nombre

HSBC Investment Funds (Luxembourg) S.A. Franklin Templeton Investment Funds UBS Fund Management AG Fidelity (FIL Investment SVCS (UK) Ltd) Fidelity (FIL Investment SVCS (UK) Ltd) Fidelity (FIL (Luxembourg) S.A.)

LU0082770016 LU0029875118 CH0002791884 GB0009505479 GB0003371407 LU0195661029

MARS - AVRIL 2010

Perf. en % sur 6 mois

Perf. en % sur 1 an

Perf. en % sur 3 ans

18.39 17.64 20.39 18.88 16.07 18.82 10.95

97.94 91.38 85.40 78.19 77.75 75.34 60.04

-3.68 9.37 -3.32 -3.07 12.73 -1.09 -11.43

Volatilité annualisée sur 3 ans 34.70 35.57 27.98 30.48 29.44 29.30 29.54

Etoiles MORNINGSTAR ★★ ★★★★ ★★★★ ★★★★ ★★★★★ ★★★★★

B&F

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FONDS DE PLACEMENT NOUVEAUX FONDS

Une Ferrari sous le jet d’eau Après avoir géré jusqu’à 9 milliards en emprunts gouvernementaux de marchés émergents et occupé la première place des classements durant près de dix ans, Raphael Kassin s’installe chez Reyl Asset Management pour gérer le fonds en obligations émergentes lancé début janvier. Gérant très attaché à sa liberté, il explique ainsi ce choix: «Je vais me mettre au volant d’une Ferrari, par conséquent, j’ai besoin d’excellence opérationnelle.»

R

aphael Kassin a également besoin d’une grande liberté de manœuvre, une flexibilité qui lui est refusée au sein de grands groupes de plus en plus obsédés par des erreurs de suivi de moins en moins importantes. D’ailleurs, dans son nouveau fonds, le gérant pourra sortir totalement du marché et se positionner à 100% en liquidités si telle est sa conviction. Cette situation devrait, toutefois, être rare dans la mesure où Raphael Kassin estime que la dette émergente représente une classe d’actifs «quatre saisons», c’est-à-dire qui permet de dégager en tout temps des rendements intéressants.

Eloge de la simplicité Outre la conviction, Raphael Kassin prêche pour la simplicité: le fonds sera concentré sur les obligations libellées en dollars et marginalement en euros car, les obligations émergentes constituant déjà des actifs risqués et les titres étatiques offrant déjà des rendements annuels de l’ordre de 1015%, il ne paraît pas nécessaire de prendre un risque de change, un risque difficile à prévoir et, par conséquent, très important. En ce qui concerne la recherche, le gérant ne s’embarrasse pas d’un vaste comité. Il recourt, d’une part, aux analyses fournies par les banques et les organisations supranationales et, d’autre part, a un bâton de pèlerin qu’il est allé promener récemment jusqu’en Patagonie (Argentine): «Je me déplace beaucoup, car j’apprends bien davantage sur le terrain, en discutant avec les locaux, qu’en consultant des rapports.» Une telle approche est possible puisque l’univers d’investissement de Kassin se limite à une trentaine de pays qu’il suit «activement». Selon lui, pour faire de la performance dans ce secteur, il faut savoir qui

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B&F

«J’apprends bien davantage sur le terrain, en discutant avec les locaux, qu’en consultant des rapports» RAPHAEL KASSIN – REYL ASSET MANAGEMENT

sont les détenteurs de la dette et anticiper leurs mouvements, sachant, en outre, que nombre de transactions s’effectuent hors Bourse. En accueillant ce pilote de Ferrari, Reyl Asset Management démontre une fois encore sa volonté de «privilégier une gestion active fondée des convictions» et, pour un groupe dont les actifs sous gestion s’élèvent actuellement à 3 milliards de francs suisses,

sa capacité à ne pas se montrer timoré dans le choix de ses gérants. ■ Véronique BÜHLMANN

Les fonds de placement sur www.banque-finance.ch avec Morningstar MARS - AVRIL 2010



FONDS DE PLACEMENT FONDS DIVERSIFIÉS SEB Asset Selection Fund NOM DU GÉRANT: Hans Olov Bornemann qui chapeaute une équipe quantitative totalisant ensemble soixante années d’expérience des marchés. En janvier 2009, il s’était vu décerner le titre de «gérant de l’année». SEB Asset Management est la filiale de gestion allemande du groupe suédois SEB. Elle est spécialisée dans les stratégies de rendement absolu. FORTUNE: CHF 1417 millions (18.01.2010) POLITIQUE D’INVESTISSEMENT: Le fonds vise un rendement net absolu supérieur au taux sans risque +5% avec une volatilité de l’ordre de 10%. Les plus-values proviennent de décisions d’allocation parmi les principales classes d’actifs (actions, taux fixes, devises et matières premières). Les expositions sont prises à travers des positions longues ou à découvert. L’équipe de gestion a développé en interne un modèle quantitatif basé sur des facteurs fondamentaux, techniques et comportementaux, modèle qui sert de base à ses décisions. Le processus de construction du portefeuille vise à maximiser les rendements absolus ajustés au risque, tout en maintenant les corrélations avec les marchés actions et obligataires aussi faibles que possible (l’objectif de corrélation à long terme est de +/–0,20). INDICE DE RÉFÉRENCE: Euribor un mois PERFORMANCE 2009: –1,85% vs 0,82% (indice) PERFORMANCE 2008: +24,5% vs 4,35% (indice) PERFORMANCE DEPUIS LANCEMENT: 38,66% vs 10,53% (indice) DATE DE LANCEMENT: 03.10.2006

BL Equities America NOM DES GÉRANTS: Steve Gold et Luc Bauler depuis 2006 et 2005, Banque de Luxembourg, Fund Research & Asset Management. Le fonds est noté cinq étoiles par Morning Star et AAA par Citywire. Sur le plan qualitatif, Morningstar note le fonds «standard». Malgré les bons résultats de ses gérants, Morningstar estime qu’à défaut du soutien d’analystes, ils risquent la surcharge. Par ailleurs, leur processus de sélection quantitatif initial (qui privilégie les valeurs sous-évaluées et présentant des bilans solides et transparents) est tel qu’il exclut complètement certaines industries. FORTUNE: USD 259,32 millions (18.12.2009) POLITIQUE D’INVESTISSEMENT: Le compartiment est investi en actions américaines sans restriction quant à leur capitalisation boursière. La structure du portefeuille n’est pas fonction de l’indice de référence mais résulte de l’addition d’opportunités d’investissement individuelles. Le fonds est assez largement diversifié puisque ses cinq premières positions représentent environ 15% de ses actifs. INDICE DE RÉFÉRENCE: n.a. PERFORMANCE DEPUIS LANCEMENT: 214,94% vs 217,83% (Lipper Equity North America) (18.12.2009) PERFORMANCE 2009: 28,92% vs 26,46% (S&P 500 TR) DATE DE LANCEMENT: 03.01.1992

Performance sur trois ans (31.12.2006 – 30.12.2009)

Carlson Fund – China Micro Cap

FONDS ACTIONS Baring Global Agriculture NOM DU GÉRANT: Jonathan Blake, Barings FORTUNE: GBP 115,7 millions (31.10.2009) POLITIQUE D’INVESTISSEMENT: Le fonds vise une plus-value à long terme à travers des investissements dans des entreprises dont la majeure partie des bénéfices provient d’activités liées aux matières premières agricoles. A l’heure actuelle, les principaux thèmes du gérant portent sur les plantations d’huile de palme, les producteurs d’engrais et l’agriculture brésilienne. A moyen terme, le gérant reste positif: «La demande pour les produits alimentaires et énergétiques reste orientée à la hausse et offre donc un certain soutien aux cours des matières premières agricoles ainsi qu’aux entreprises actives dans le secteur.» INDICE DE RÉFÉRENCE: MSCI World Total Return PERFORMANCE ANNUALISÉE DEPUIS LANCEMENT: 32,7% vs 30,2% (indice) (31.12.2009) DATE DE LANCEMENT: 15.01.2009

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B&F

NOM DU GÉRANT: Anna Ho, Hongkong. Carlson Fund Management Company SA est détenue par DnB NOR Group, le 3e plus grand fournisseur de services financiers des pays nordiques. Il est coté à Oslo. Sa division gestion d’actifs occupe 300 personnes et gère 63 milliards d’euros. FORTUNE: EUR 105,1 millions (31.12.2009) POLITIQUE D’INVESTISSEMENT: Viser une croissance du capital à long terme à travers un portefeuille concentré de petites capitalisations chinoises (à fin décembre, les dix premières positions représentaient un peu plus de 50% des actifs du fonds). L’approche de sélection de titres de croissance est complétée par une stratégie selon des thèmes (40% du portefeuille est dédié à la «consolidation industrielle»). A l’heure actuelle, le gérant estime que le marché est entré dans une phase durant laquelle la sélection des titres est prépondérante. Il se concentre sur les entreprises clairement orientées croissance et, parmi elles, celles actives dans la protection de l’environnement, la consommation domestique et, en particulier, les services. Il sera plus spécifiquement attentif à celles susceptibles de bénéficier de la tendance à la substitution des importations. INDICE DE RÉFÉRENCE: MSCI China Small Cap Index Net PERFORMANCE 2008: –62,6% vs –54,5% (indice) PERFORMANCE 2009: 135,6% vs 142,6% (Indice) (31.12.2009) DATE DE LANCEMENT: 20.11.2007

MARS - AVRIL 2010


NOUVEAUX FONDS Carlson Fund – DnB NOR Navigator

Griffin Eastern European Fund

NOM DES GÉRANTS: R. Kaland, W. Kirkeby FORTUNE: NOK 75,5 millions (31.12.2009) POLITIQUE D’INVESTISSEMENT: Croissance du capital à long terme en investissant dans les secteurs des services pétroliers et des transports maritimes à travers des sociétés cotées à la Bourse d’Oslo (à fin décembre la répartition entre ces deux secteurs était de 2/3 vs 1/3). Le fonds peut également investir jusqu’à 50% de ses actifs sur les marchés internationaux. A fin décembre, les gérants écrivaient: «Le fonds demeure surpondéré sur les services pétroliers qui devraient bénéficier d’un prix du pétrole solide et d’un accroissement des dépenses d’exploration et de production…» INDICE DE RÉFÉRENCE: 50% OSE101010, 50% OSE203030 PERFORMANCE 2009: 61,6% vs 56,7% (indice) (31.12.2009) PERFORMANCE SUR 3 ANS: –26,7% vs –37% (indice) DATE DE LANCEMENT: 18.10.2006

NOM DU GÉRANT: Thomas Farthofer depuis octobre 2007, Griffin Capital Management Ltd. Avec une progression de 319,28%, ce fonds compte parmi les fonds les plus performants de la décennie, selon Citywire. FORTUNE: EUR 319,7 millions (31.12.2009) POLITIQUE D’INVESTISSEMENT: Actions d’Europe de l’Est. Le gérant pratique une stratégie top-down et sélectionne des thèmes d’investissement avec un horizon de six à douze mois. Les différentes positions représentent des entreprises dont l’évolution des cours dépend d’un élément catalyseur susceptible de se présenter à court terme. A fin janvier 2010, le gérant soulignait: «Nous sommes entrés dans la phase de correction avec une exposition globale d’environ 93%, ce qui nous a permis de freiner le recul. De plus, la composition défensive du portefeuille, le fait que nous ayons évité les pondérations très agressives dans le secteur des matières premières ainsi que l’utilisation de dérivés se sont avérés fructueux.» Pour l’année à venir, il se montre «raisonnablement optimiste» vis-à-vis de la croissance polonaise et il participera, de manière sélective, aux nouvelles entrées en Bourse. INDICE DE RÉFÉRENCE: MSCI EM Europe 10/40 (depuis le 01.01.2009) PERFORMANCE 2009: 73,3% vs 84.1% (indice) PERFORMANCE ANNUALISÉE DEPUIS LANCEMENT: 22,5% vs 13,5% (indice) DATE DE LANCEMENT: 07.10.1998

Deka-ConvergenceAktien NOM DU GÉRANT: Deka Bank. Le fonds est noté cinq étoiles par Morningstar (Allemagne). FORTUNE: n.d. POLITIQUE D’INVESTISSEMENT: Le fonds investit essentiellement en Europe centrale et de l’Est, ainsi qu’en Russie. Il peut également prendre des positions en Turquie, au Maroc, en Israël et Syrie. La stratégie combine les approches top-down (sélection des pays et des secteurs) et bottom-up. Le but de l’analyse fondamentale est d’assurer une répartition géographique et sectorielle optimale, ainsi qu’une bonne gestion des liquidités et des devises. L’analyse bottom-up permet de sélectionner les titres. A fin décembre, les dix plus grosses positions du fonds représentaient près de 45% de ses actifs et la pondération de la Russie s’élevait à 68%. Les trois principaux secteurs représentés étaient l’énergie (31%), la finance (17%) et les matières premières (14%). INDICE DE RÉFÉRENCE: MSCI EM Europe 10-40 NR en EUR PERFORMANCE 2009: 87,64% vs 77,36% (indice) PERFORMANCE 2008: –63,07% PERFORMANCE SUR 5 ANS: 112,34% DATE DE LANCEMENT: 13.08.2001

Performances depuis cinq ans (03.01.2005 – 31.12.2009)

Performance depuis dix ans

Ont également été approuvés par la FINMA, le Griffin European Opportunities, fonds long/short de 70,8 millions d’euros géré par Markus Rezny et lancé mi-août 2009 (parts B) ainsi que le Griffin Ottoman Fund, fonds couvrant la Turquie, la Russie ainsi que les Etats du Golfe (Gulf Cooperation Council). Lancé début 2006, le fonds est géré par Aziz Unan et sa fortune se monte à 36,9 millions d’euros. Le Griffin Eastern European Value Fund a été autorisé en décembre 2009.

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FONDS DE PLACEMENT NOAM Ambition

SGKB (Lux) Fund – Multi Spectra (CHF)

NOM DU GÉRANT: François Mouté. Filiale à 100% de la Banque Neuflize OBC, Neuflize OBC Asset Management affiche environ 13 milliards d’euros d’actifs sous gestion. Elle compte 24 gérants avec une expérience moyenne des marchés financiers de plus de quinze ans et propose une gamme d’une vingtaine de fonds qui couvre toutes les classes d’actifs, les différents marchés mondiaux et des styles de gestion variés. FORTUNE: USD 234 millions (31.12.2009) POLITIQUE D’INVESTISSEMENT: Participer à la hausse des marchés tout en limitant l’exposition au risque actions en période de baisse. Le fonds investit principalement en actions nord-américaines. L’allocation d’actifs est gérée de manière active avec une exposition actions qui peut varier de 0% à 100%, ajustée avec des contrats à terme sur indices. Le processus de gestion découle d’une approche top-down. A fin décembre 2009, l’exposition nette actions du fonds était de 11,66%. INDICE DE RÉFÉRENCE: Fonds fédéraux capitalisés US +4% PERFORMANCE 2009 (USD): 25,51% vs 4,25% (indice) PERFORMANCE 2008: –14,77% vs 6,16% DATE DE LANCEMENT: 01.07.2005

NOM DU GÉRANT: Alfred Steininger, Hyposwiss FORTUNE: CHF 45,68 millions POLITIQUE D’INVESTISSEMENT: Le fonds vise à tirer systématiquement parti des tendances et thèmes d’avenir prometteurs. Les facteurs géographiques ou sectoriels jouent un rôle secondaire dans la sélection des titres. Ainsi, à fin décembre 2009, la répartition par thème du portefeuille était la suivante: infrastructures (20%), démographie (18%), gagnants de la crise (16%), rendement des dividendes (14%), numérisation (9%), protection contre le réchauffement climatique et convergence (8% chacun), le solde allant à divers. Le fonds paraît très diversifié, ses dix premières positions ne représentant guère plus de 20% de ses actifs (la plus grosse position est Microsoft, avec 3,9% des actifs). I NDICE DE RÉFÉRENCE: MSCI World CHF TR net PERFORMANCE DEPUIS LANCEMENT: –31,7% (31.12.2009) DATE DE LANCEMENT: 12.05.2008

Evolution de la performance nette de frais

Autres fonds NOAM autorisés: Optimum (fortune: EUR 780,6 millions; but: battre l’Euribor 6 mois +2%; performance 2009: 14,67% vs 3,52% pour l’indice; performance 2008: –10,33% vs 7,04%). Europe Long/Short (fortune: EUR 97,2 millions; but: performance annuelle supérieure à 4% avec une volatilité entre 6 et 8%; indices: 4% p.a. et DJ Stoxx 600; performance depuis lancement le 14.09.2007: 7,68% vs 9,21% (4% p.a.) vs –30,96% (DJ Stoxx 600). USA Opportunities $ (fonds noté cinq étoiles Morningstar; fortune: EUR 365 millions, indice: S&P 500; performance cinq ans glissants en USD: 41,12% vs –7,99%, exposition nette au risque actions fin décembre 2009: 58,43%).

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WestLB Mellon Compass Fund – Euro Small Cap Equity Fund NOM DES GÉRANTS: Stefan Möckel, Jürgen Heinz, Vinay Sharma, West LB Mellon Assset Management FORTUNE: EUR 51,3 millions (30.11.2009) POLITIQUE D’INVESTISSEMENT: Titres d’entreprises cotées de la zone euro dont la capitalisation boursière (free float) est inférieure à 3 milliards d’euros. Le fonds est diversifié par pays et par secteur. A l’heure actuelle, les gérants privilégient les entreprises affichant une valorisation intéressante et qui sont susceptibles de tirer parti d’une reprise économique. A fin novembre, les secteurs les plus fortement surpondérés étaient la construction et les matériaux ainsi que les biens et services industriels. L’Allemagne, légèrement surpondérée, représentait 23% des actifs du fonds. Les dix premières positions représentaient moins de 20% de ses actifs. INDICE DE RÉFÉRENCE: Dow Jones Euro Stoxx TMI Small (Net Return Index) PERFORMANCE 12 MOIS: 48,29% vs 49,49% (indice) (30.11.2009) PERFORMANCE ANNUALISÉE DEPUIS LANCEMENT: –6,69% vs –9,04% (30.11.2009) DATE DE LANCEMENT: 15.11.2006

ACTIONS – GESTION DURABLE ESPA VINIS Stock Global NOM DU GÉRANT: Erste Spar Invest FORTUNE: EUR 145,2 millions (30.12.2009) POLITIQUE D’INVESTISSEMENT: Gestion active d’actions internationales basée à la fois sur des critères économiques et des critères durables. Sur le plan sectoriel et des devises, la répartition des avoirs s’apparente à celle de l’indice MSCI Monde. Le fonds paraît très diversifié puisque ses cinq premières positions, toutes inférieures à 4%, représentent environ 15% de ses avoirs. INDICE DE RÉFÉRENCE: aucun PERFORMANCE 2009: 29,66% DATE DE LANCEMENT: 11.07.2003

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FONDS DE PLACEMENT FONDS OBLIGATAIRES Deka-Global ConvergenceRenten NOM DU GÉRANT: Deka Bank FORTUNE: n.d. POLITIQUE D’INVESTISSEMENT: Obligations de marchés émergents disposant d’une Bourse locale ouverte. Le fonds peut aussi bien investir en devises fortes qu’en devises locales et se positionner en emprunt d’Etats ou de débiteurs privés. Pour la sélection des titres, l’approche est à la fois top-down et bottom-up. A fin décembre 2009, l’échéance résiduelle moyenne des titres en portefeuille était de 9,2 ans et leur coupon moyen de 7,5%. INDICE DE RÉFÉRENCE: 55% JPMORGAN GBI-EM Diversified (EUR), 45% JPMORGAN EMBI Global Diversified (EUR Hedged) PERFORMANCE 2009: 23,22% vs 23,26% (indice) PERFORMANCE 3 ANS: 10,42% vs 3.36% (indice) DATE DE LANCEMENT: 03.05.2006

Invesco Euro Corporate Bond Fund NOM DES GÉRANTS: Paul Causer, Paul Read, Henley, Invesco Asset Management. Le fonds est noté cinq étoiles par Morningstar. Il est situé dans le 1er quartile des fonds obligataires de débiteurs privés en euros, soit un peu moins de 100 fonds, sur un mois, un an et trois ans, ce qui est l’objectif déclaré des gérants. FORTUNE: EUR 935,9 millions (31.12.2009) POLITIQUE D’INVESTISSEMENT: Le fonds vise à dégager, à moyen-long terme, un rendement global compétitif de ses placements en euros, tout en assurant une relative sécurité du capital par rapport à des actions. Il peut investir jusqu’à 30% de ses actifs en obligations à haut rendement et 30% en emprunts d’Etat, sans restriction de duration. Le risque de change est généralement couvert. INDICE DE RÉFÉRENCE: Mstar IM FI EUR Corporate PERFORMANCE 2009: 30,22% vs 15,58% (indice) PERFORMANCE DEPUIS LANCEMENT: 22,90% (31.12.2009) RATIO DE FRAIS TOTAUX: 1,38% DATE DE LANCEMENT: 03.2006

Répartition par pays au 31.12.2009 Répartition par pays au 31.12.2009

Les fonds Deka-ConvergenceRenten, Deka-Corporate Bond Euro et DekaLux-Bond ont également été autorisés à la commercialisation en Suisse en novembre dernier.

DWS Invest Diversified Fixed Income Strategy NOM DU GÉRANT: Mark Dowding, DWS Investments FORTUNE: EUR 146,6 millions (30.12.2009) POLITIQUE D’INVESTISSEMENT: Viser des rendements indépendants des marchés à travers différentes stratégies obligataires (débiteurs et devises). Par exemple, en décembre dernier, la surperformance du fonds est venue, essentiellement, de positions sur la duration et les monnaies (en particulier une position short yen contre USD). Afin de limiter les fluctuations de valeur, le fonds est soumis à des contraintes de risque prédéterminées. Depuis le lancement, son recul maximal a été de 3,2% (contre –6,8% pour l’indice JPM Global Gvt Bond) et sa plus forte baisse mensuelle s’est élevée à –1,8% (–2,4% pour l’indice global). INDICES DE RÉFÉRENCE: 3M EURIBOR (RI), iBoxx Sov. Eurozone 1-3Y (RI) PERFORMANCE 2009: 10,9% PERFORMANCE ANNUALISÉE DEPUIS LANCEMENT : 7,7% vs 2,6% (3M EURIBOR (RI)) vs 7,2% (iBoxx Sov. Eurozone 1-3Y (RI)) (30.12.2009) DATE DE LANCEMENT: 01.07.2008

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Autres fonds Invesco autorisés: Euro Reserve Fund (fortune: 385 millions d’euros; indice: EONIA). Global Absolute Return Fund (fortune: 6,24 millions d’euros; objectif: rendement absolu supérieur au marché monétaire; performance depuis lancement mars 2008: –8,60%). Emerging Local Currencies Debt Fund (fortune: 168 millions de dollars; indice: JPM GBI-EM GL Diversified Composite (USD); performance 2009: 27,35% vs 21,98 pour l’indice). Global Investment Grade Corporate Bond Fund (fortune: USD 8,63 millions; indice: Barclays Global Agg. Corporate Index; gérant: David Todd, Londres; performance trois mois, depuis le lancement en septembre 2009: 2,73%).

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FONDS DE PLACEMENT Thames River Credit Select Fund NOM DES GÉRANTS: Stephen Drew et Mehrdad Noorani, aidés par une équipe de dix personnes dont des spécialistes de l’analyse crédit, des économistes, des traders et des administrateurs. Fondée en 1998, Thames River Capital emploie 166 personnes et ses actifs sous gestion s’élèvent à 12,3 milliards de dollars. FORTUNE: EUR 36,3 millions (30.11.2009) POLITIQUE D’INVESTISSEMENT: Sélection d’obligations de débiteurs privés ayant une notation moyenne A. L’approche est essentiellement bottom-up, mais elle inclut également les résultats d’une analyse macroéconomique thématique. Le fonds vise un rendement annuel de 4-5% (distribué trimestriellement), assorti d’une volatilité basse à moyenne. Son objectif principal est de dégager un rendement régulier, tout en minimisant le risque de baisse (utilisation de techniques de couverture pour protéger le capital durant les phases baissières). Il se veut une alternative de qualité au cash. I NDICE DE RÉFÉRENCE: n.d. DATE DE LANCEMENT: 23.10.2009

FONDS SUR DEVISES Thames River Currency Alpha Fund NOM DES GÉRANTS: Bill Muysken, Ken Kinsey-Quick, Thames River Capital FORTUNE: EUR 19,7 millions (30.11.2009) POLITIQUE D’INVESTISSEMENT: Le fonds vise un rendement annuel net à long terme supérieur à celui du cash +10%, rendement assorti d’une volatilité de l’ordre de 10%. La durée de ses phases baissières ne devrait pas excéder douze mois et sa corrélation aux autres actifs (actions, obligations et marché immobilier) devrait être nulle. Pour atteindre ses objectifs, le fonds investit dans dix à vingt gérants spécialistes des devises ayant des stratégies très diversifiées. P ERFORMANCE NOVEMBRE 2009: 0,4% DATE DE LANCEMENT: 30.10.2009

STRATÉGIES ALTERNATIVES Le Thames River Global Credit Fund, lancé au même moment que le Credit Select, est géré par les mêmes gérants. Il investit dans des titres notés BBB en moyenne et émanant des marchés développés. Il peut investir jusqu’à 40% de ses actifs dans les emprunts à haut rendement ou ceux émanant de marchés émergents. Ce fonds vise une performance annuelle de l’ordre de 1012%, assortie d’une volatilité inférieure à 10%. A fin novembre, sa fortune s’élevait à 97,7 millions d’euros.

FONDS EN OBLIGATIONS CONVERTIBLES NOAM Europe Convertibles NOM DU GÉRANT: Luc Varenne, Neuflize OBC Asset Management FORTUNE: EUR 307,4 millions (31.12.2009) POLITIQUE D’INVESTISSEMENT: Le fonds vise un rendement moyen proche de celui des marchés actions, avec une volatilité inférieure de moitié, grâce à un solide plancher obligataire et la couverture du risque devises. Le gérant sélectionne les sociétés les plus prometteuses pour leur risque action ou crédit. Puis, le ou les titres sont analysés et choisis: principalement des obligations convertibles en actions européennes (classiques, synthétiques) et, en complément, des obligations, actions ou options. Leur pondération permet d’atteindre les objectifs de sensibilité globaux (taux, action, crédit, secteurs économiques). A fin décembre 2009, le gérant estimait que le fonds affichait «un profil toujours attractif en matière de rendement (3,5%), une sensibilité aux marchés actions raisonnable (35%) et idéale en convexité». INDICE DE RÉFÉRENCE: UBS Convertible Europe (C) PERFORMANCE 2009: 43,55% vs 37,76% (indice) DATE DE LANCEMENT: 19.11.1997

CCR Active Alpha NOM DES GÉRANTS: Hatem Dohni (responsable du pôle volatilité), Antoine Lim (cogérant), Cyril Legoeuil (cogérant), CCR Asset Management, centre de compétence d’UBS Global Asset Management en gestion de volatilité. FORTUNE: EUR 85,74 millions (31.12.2009) POLITIQUE D’INVESTISSEMENT: Le fonds met en œuvre des stratégies de volatilité sur les marchés actions et des stratégies directionnelles actions, taux et crédit. Les stratégies de volatilité constituent le moteur de performance principal du fonds. Elles sont classées en deux grandes catégories: les stratégies d’arbitrage, c’est-à-dire non dépendantes de l’évolution des marchés sous jacents, visent à exploiter la convergence ou la divergence anticipée entre différentes volatilités, par exemple la volatilité entre deux indices boursiers ou entre deux valeurs d’un même secteur d’activité; les stratégies directionnelles visent à tirer parti des variations de la volatilité des marchés actions, à l’achat ou à la vente. Les stratégies directionnelles et d’arbitrages de volatilité représentent au minimum 50% de l’allocation du budget de risque global du fonds. Les stratégies directionnelles sur les taux, les actions et le crédit sont utilisées de façon discrétionnaire, leur pondération est déterminée par la vision de marché et son appréciation du risque. Le fonds vise à réaliser une performance de Eonia +3% avec une volatilité annualisée de 4% sur une durée de placement recommandée de deux ans. INDICE DE RÉFÉRENCE: Eonia PERFORMANCE DEPUIS LANCEMENT: 11,66% (part R) vs 4,76% (indice) (31.12.2009) DATE DE LANCEMENT: 31.12.2007

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FONDS DE PLACEMENT FONDS IMMOBILIERS

Qui veut jouer au gratte-ciel? Pas plus que les arbres, l’immobilier ne peut pousser jusqu’au ciel. Après une progression de 20% en 2009, les cours des fonds immobiliers devraient se stabiliser. Pourtant l’appétit des investisseurs pour ces produits reste élevé. Est-ce parce qu’ils n’ont pas réellement conscience des risques liés à des agios élevés et à un marché relativement sec, du moins pour les immeubles bien situés et offrant un bon rendement? Propos recueillis par Véronique BÜHLMANN

L

a «double liquidité» compte au nombre des arguments les plus utilisés pour séduire les acheteurs potentiels de parts de fonds immobiliers (pour mémoire, la liquidité des fonds est double puisqu’il existe une possibilité de rachat annuel des parts par la direction de fonds et les parts peuvent être échangées en Bourse pour les fonds cotés). Dans les faits, cette liquidité est très relative et l’arrivée de la gestion passive sur le marché des fonds immobiliers suisses n’est pas une bonne nouvelle pour les investisseurs traditionnels qui y prennent des positions à long terme. Dans l’entretien qui suit, Roland Vögele, associé de MV Invest AG à Zurich, porte un regard d’investisseur averti sur un secteur qu’il «pratique» depuis quinze ans. Résolument attaché à l’analyse fondamentale, il se méfie des modes.

Banque & Finance: Lors d’une récente conférence, vous affirmiez: «Il n’y a pas d’amélioration de la liquidité depuis huit ans (dans les échanges de parts de fonds immobiliers).» Pourriez-vous nous donner quelques chiffres? ROLAND VÖGELE: Effectivement, en volume annuel, les échanges représentent, grosso modo, 25% de la capitalisation boursière des fonds de placement immobiliers et cette proportion reste assez stable (cf. graphique capitalisation boursière et volume). En revanche, on constate une nette évolution du

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côté des actions immobilières avec un volume d’échange qui, selon les données de la Bourse suisse, représentait 60% de la capitalisation boursière en 2009, soit une proportion double de celle observée en 2003. B&F: Une amélioration de la liquidité n’impliquerait-elle pas une augmentation de la volatilité et, par conséquent, un changement fondamental (par exemple au niveau

des corrélations avec d’autres actifs) de l’actif immobilier? R.V.: Fondamentalement, l’immobilier représente un investissement à long terme et c’est précisément ce que les investisseurs recherchent, des positions qu’ils gardent longtemps en portefeuille. Par conséquent, il faut «vivre» avec cette faible liquidité. L’année passée, nous avons observé une hausse de la corrélation des fonds immobiliers avec le

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IMMOBILIER marché, mais cela résulte essentiellement du fait que ce type d’investissement est devenu «une mode», la solution à la difficulté de trouver des alternatives aux obligations. Une telle évolution pose des problèmes, surtout pour l’investisseur à long terme, qui se trouve confronté à une volatilité totalement indépendante du sous-jacent. B&F: Certains affirment que la création de fonds de fonds immobiliers va encore renchérir les parts de fonds (même une gestion active ne peut totalement ignorer l’indice) et augmenter la volatilité. Qu’en pensez-vous? R.V.: La demande est là et les banques sont toujours à la recherche d’alternatives à présenter à la clientèle, une clientèle qui n’est pas toujours très consciente des risques qu’elle encourt. Prenez un produit tel que le Mixta-LPP Index 45 du Credit Suisse, dont l’allocation prévoit une part de 5% attribuée à l’immobilier que l’on achètera sous forme d’indice. Pensez-vous que le client final connaisse la composition de l’indice immobilier sélectionné? Croyez-vous qu’il soit conscient d’investir essentiellement dans de l’immobilier résidentiel avec un agio de l’ordre de 30%? Sur un marché aussi étroit que celui des fonds immobiliers suisses, je pense qu’une gestion passive de ce type – L’indiciel: vraiment diversifié? Le 1er octobre dernier, le Credit Suisse lançait le CSF Mixta-LPP Index 45, «une solution de placement indexée pour les investisseurs privés dans le domaine de la prévoyance» (2e ou 3e pilier). Les capitaux sont gérés conformément à l’OPP2 et investis dans six catégories de fonds indiciels, l’immobilier représentant 5% des actifs. Selon le Credit Suisse, ce véhicule offre «une large diversification par des placements indirects dans quelque 3500 titres individuels» pour une commission forfaitaire annuelle de 0,78% (et des commissions d’émission et de rachat de 0,15%, chacune affectées au groupe de placement). Pour ce qui concerne l’immobilier suisse, l’indice utilisé est le SWX Immofondsindex, (RI) devenu, entre-temps, le SXI Real Estate Funds qui couvre les 19 fonds immobiliers suisses cotés. Ensemble, les deux premières positions de l’indice, avec un fonds UBS et un fonds CS, représentent plus de 30% de cet indice alors que les cinq dernières positions pèsent, ensemble, à peine plus de

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on achète l’indice quel que soit son niveau parce qu’il faut 5% d’immobilier –, va créer des exagérations et donc des risques supplémentaires. B&F: J’imagine, par conséquent, que vous ne voyez pas d’un bon œil la création d’ETF sur les indices de fonds immobiliers suisses? R.V.: Il s’agit typiquement d’un produit venant du monde financier et qui tend à faire oublier le fondamental. Outre la faible liquidité du secteur, l’indice lui-même ne se prête guère à une gestion passive: il est beaucoup trop concentré sur un trop petit nombre de valeurs. B&F: Vous avez affirmé que les fonds immobiliers comportent aujourd’hui beaucoup plus de risques qu’il y a dix ans. Pourriezvous préciser pour quelles raisons? R.V.: Avec des taux de vacance proches de zéro dans le résidentiel et des risques qui vont s’accroître dans le secteur commercial, le potentiel de progression des bénéfices, et donc de rendement des fonds, est très limité. Par ailleurs, les nouveaux fonds proposés sur le marché prennent des risques que les fonds traditionnels ne prenaient pas puisqu’ils investissent dans des promotions ou des projets. Par conséquent, 10%. Côté gérants de fonds, l’UBS et le CS dominent très largement (plus du tiers des fonds cotés sont des fonds UBS). Par conséquent, il est difficile de parler d’un indice particulièrement diversifié, tant au niveau des tailles que des émetteurs des produits! Risque réduit? Lancé début novembre, le UBS-IS – SXI Real Estate Funds ETF investit dans l’indice du même nom avec, pour objectif, de «répliquer (de manière non synthétique) l’évolution du cours et du rendement de l’indice avant déduction des commissions». La commission de gestion annuelle est de 0,45%. Selon la fiche descriptive du fonds, «le risque est réduit grâce à la diversification par immeubles, régions, secteurs et primes (écart, exprimé en pourcentage, entre le cours boursier actuel et la valeur d’inventaire corrigée de la distribution et comprenant la dernière distribution par part) des fonds immobiliers sous-jacents». Au chapitre des risques, l’UBS précise: «L’évolution du cours des parts des fonds

on peut dire que, globalement, le risque des fonds immobiliers est aujourd’hui plus élevé qu’il y a dix ans. B&F: Vous affirmiez également qu’il y a aujourd’hui «beaucoup trop de produits en Suisse pour un petit gâteau». Qu’entendezvous par là? R.V.: Je pense qu’il existe trop de produits dont la taille est sous-optimale et qui, par conséquent, ne peuvent pas intéresser les institutionnels. Ce problème de taille peut, en partie, être imputé au fait qu’il est difficile de trouver des immeubles offrant un bon rendement (ndlr: à l’heure actuelle, les fonds immobiliers affichent, en moyenne, un taux d’endettement assez faible. Outre des considérations stratégiques, cela tient également au fait qu’ils ne trouvent tout simplement pas d’objets intéressants à acquérir: ils sont trop chers et/ou d’un rendement potentiel insuffisant). Je pense également que l’on manque de produits très ciblés comme on en trouve dans d’autres pays, par exemple, des fonds investis uniquement dans les hôtels ou encore les cimetières… Souvent, les stratégies proposées ne sont pas très claires ou reposent davantage sur un facteur mode que sur une analyse fondamentale. Prenez l’immobilier «vert»: compte tenu des impératifs de sous-jacents n’est pas calculée sur la base d’estimations de la valeur vénale, mais repose sur l’offre et la demande des investisseurs à la Bourse.» Etant donné le niveau élevé des agios des fonds immobiliers suisses, c’est un risque non négligeable! Précisons, par ailleurs, qu’il existe deux mesures de calculs des agios, l’une basée, comme celle de l’UBS, sur la valeur nette d’inventaire et l’autre, utilisée notamment par Roland Vögele de MV Invest, basée sur la valeur de rachat des parts, une valeur calculée annuellement par la direction du fonds. Cette dernière donne des agios plus élevés puisqu’elle tient compte de tous les frais, y compris impôts dus par le fonds en cas de liquidation, mais elle a l’avantage de représenter, pour l’investisseur, une sorte de «scénario du pire». Quelle que soit la mesure choisie, les agios se situent à un niveau historiquement élevé et la gestion passive ne pourra guère qu’accentuer la volatilité du secteur. ■ V.B.

B&F

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FONDS DE PLACEMENT pas d’un actif aussi facile à gérer qu’il y paraît au premier abord.

«Avec des taux de vacance proches de zéro dans le résidentiel et des risques qui vont s’accroître dans le secteur commercial, le potentiel de progression des bénéfices, et donc de rendement des fonds, est très limité»

B&F: Concernant la structure administrative des nouveaux fonds immobiliers, en particulier en Suisse romande, vous affirmez: «Les promoteurs des nouveaux produits ne participent plus au capital-actions de la direction de fonds mais se lient au projet par différents contrats. Cette situation n’est pas facile à évaluer étant donné que le propriétaire des immeubles – la direction de fonds – n’est pas le gestionnaire principal du portefeuille immobilier.» Pouvez-vous préciser ce que vous entendez par «n’est pas facile à évaluer»? R.V.: Par le passé, lors de la création d’un fonds, le promoteur amenait un parc d’immeubles, la banque, les investisseurs, et le gérant assurait le suivi en fonction de la stratégie déterminée par le promoteur qui

se trouvait dès lors beaucoup plus concerné. Aujourd’hui, les rôles des uns et des autres sont devenus beaucoup plus flous au point que l’on ne sait plus qui gère réellement le parc. Cette faiblesse des structures tend à augmenter les coûts et accroît naturellement les risques. B&F: Vous vous montrez préoccupé par le niveau d’agio de certains fonds. A votre avis, quel type d’investisseur peut encore être intéressé à s’engager à un tel niveau et/ou quel peut être le raisonnement qui préside à de tels achats? R.V.: Ce sont clairement les investisseurs qui cherchent une alternative à l’obligataire ou ceux qui investissent dans une stratégie passive (ie achat d’indices immobiliers). B&F: Quelles sont vos perspectives pour le secteur pour 2010 et au-delà?

Des rendements en baisse

ROLAND VÖGELE – MV INVEST AG

construction Minergie, tout l’immobilier tend à devenir vert, on ne peut donc pas parler d’une stratégie clairement définie. B&F: Une gestion active telle que la vôtre, un produit à liquidité quotidienne, la possibilité de vendre à découvert, cette liberté de manœuvre ne contribue-t-elle pas à augmenter la volatilité? R.V.: Non, c’est le contraire. D’ailleurs, notre volatilité est inférieure à celle du marché et c’est précisément ce que nous recherchions. Par nos arbitrages, nous augmentons la liquidité, pas la volatilité. B&F: Vous avez également affirmé: «Il ne faut pas sous-estimer la complexité des produits.» Pourriez-vous préciser quels éléments vous paraissent particulièrement «complexes»? R.V.: Parce qu’ils habitent dans une maison, nombre d’investisseurs ont tendance à croire qu’ils savent ce qu’est la pierre et que l’immobilier est un actif relativement simple. En réalité, il existe de multiples stratégies d’investissement et toute une série de risques (locataires, vacances, financement, situation, etc.) qui font qu’il ne s’agit

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Des agios en hausse

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IMMOBILIER R.V.: Avec des taux de vacance Le portefeuille du sceptique proches de zéro, il faut s’attendre à une stagnation des loyers. Je vous rappelle qu’il y a sept ans en arrière, un fonds comme le FIR (concentré sur le résidentiel) affichait un taux de vacance de 7%. Face à cette situation, il y a nécessité de construire et, par conséquent, de prendre davantage de © MV Invest risques. Concernant le commercial, on constate une diminution des demandes Globalement, le potentiel de progression est d’autant plus réduit que l’on envisage une de surfaces et il faut s’attendre à ce que les hausse des taux au cours du 2 e semestre de estimations de valeur des experts revues à la hausse soient plutôt l’exception que la règle. 2010. Tout dépendra de la vitesse à laquelle Par conséquent, il paraît raisonnable de s’atcette hausse se produira. tendre à une réduction des dividendes (cela a d’ailleurs déjà été le cas pour Solvalor cette B&F: Ces anticipations prudentes se année, dont le dividende a diminué de reflètent bien dans votre portefeuille et 4,92%). A cela s’ajoute le fait que l’on devrait vous ont coûté quelques pourcents de assister à de nombreuses augmentations de performance par rapport à l’indice… R.V.: Nous avons réduit nos positions capital de la part des fonds. Par conséquent, depuis le mois de septembre, estimant que il faut s’attendre à une stagnation des cours les cours étaient trop élevés. C’était un peu plutôt qu’à une hausse de 15% à 20% telle tôt et nous n’avons pas fait la dernière que nous l’avons connue l’année passée.

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montée. A l’heure actuelle, nous disposons de 30% de liquidités afin d’être en mesure de saisir les opportunités au moment des augmentations de capital. Par ailleurs, notre position short est, à 23,5%, pratiquement au maximum autorisé par notre règlement. Pour une moitié, cette position représente une couverture contre les risques que nous estimons trop élevés de certains sous-jacents. L’autre moitié est affectée à des arbitrages. L’écart de nos résultats par rapport à l’indice démontre deux choses. La première est que nous sommes véritablement actifs, ce qui n’est pas toujours le cas d’autres produits existants. La deuxième est que nous appliquons la stratégie annoncée, à savoir limiter les risques. Nos clients comprennent et approuvent cette stratégie. A long terme, elle devrait permettre de faire mieux que les indices parce qu’elle repose véritablement sur l’analyse des fondamentaux. ■ V.B.

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FONDS DE PLACEMENT FONDS IMMOBILIERS

Des perles romandes pour institutionnels L’enthousiasme des caisses de pension pour l’immobilier demeure inentamé, comme en témoigne la récente émission de la fondation de placement Sarasin, sursouscrite plus de deux fois pour un montant total de 172 millions de francs. Economies fiscales et de frais de gestion, ainsi qu’une amélioration de la liquidité du portefeuille immobilier, expliquent cet engouement pour les véhicules indirects, estime Christian Piguet, directeur général de Solufonds SA.

L’

immobilier représente, à l’heure actuelle, 13 à 20% de la fortune des caisses de pension et près de 80% de cet investissement concerne les placements directs. Par conséquent, bien que la révision de l’OPP2 ait ramené la part autorisée des investissements immobiliers de 50 à 30%, son potentiel d’accroissement reste important. Par ailleurs, la part très élevée des investissements directs indique qu’il existe un fort potentiel de rationalisation, notamment à travers des véhicules de placement collectifs. Ces derniers présentent, en effet, plusieurs avantages par rapport à la détention directe d’immeubles. Du point de vue liquidité, il est plus facile de vendre des parts de fonds de placement que de se séparer d’un immeuble. En outre, le véhicule collectif qui dispose d’une fortune importante sera mieux à même d’offrir une bonne diversification. Enfin, le placement indirect devrait s’avérer plus compétitif sur le plan des rendements. Comme l’explique Christian Piguet: «Il paraît difficile d’optimiser la gestion d’un portefeuille immobilier lorsque celui-ci compte moins de dix immeubles.» Cependant, le chiffrage des économies potentielles est difficile, car «la comptabilité analytique des caisses de pension ne permet pas de mesurer avec exactitude les coûts réels de leur gestion immobilière, des coûts qui sont souvent inclus dans les frais généraux de l’entreprise», constate le directeur de Solufonds. Il estime, néanmoins, que les véhicules indirects devraient permettre aux gérants de caisse de dégager de meilleures performances: «Déchargés de la gestion des

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immeubles, ils peuvent se concentrer sur leur rôle d’investisseur et avoir une approche plus active.»

Sur le continuum Genève-Berne Sur le plan fiscal, tous les véhicules indirects ne se valent pas et ne sont pas concurrentiels par rapport à la détention directe. D’où l’idée de Solufonds de proposer le fonds Immobilier-CH pour institutionnels 56J, dont la souscription sera close début avril 2010. Il s’agit du premier fonds animé par des Romands et réservé aux investisseurs exonérés d’impôts, notamment les caisses de pension. Il s’agit, en quelque sorte, la version romande du Immo 1a PK, fonds du Credit Suisse lancé en 1999. Le fonds vise un rendement annuel égal ou supérieur à celui des obligations de première qualité et supérieur aux taux de rémunération minimum des avoirs LPP. Il sera investi à la fois dans le résidentiel et le commercial, dans une proportion de 2/3-1/3. Les immeubles seront situés le long des axes de communication ou dans des régions bénéficiant d’un bon accès à un réseau de transports publics performant et ce, sur le territoire allant «de la Genève internationale à la Berne fédérale». A moyen terme, la taille visée est de l’ordre de 500 millions de francs. Le fonds bénéficie du soutien de plusieurs partenaires. Côté régies, il s’agit de Naef, Acanthe et Weck & Aeby et, côté investisseurs, se trouvent la société KIS ainsi que Fortune Fund Services. La gestion proprement dite sera assumée par un spécialiste de l’immobilier, Dan Bihi-Zenou de la société Akssior. Ce dernier, après étude

Le placement indirect devrait s’avérer plus compétitif sur le plan des rendements. d’une quarantaine d’objets, est en discussion active sur une dizaine d’entre eux et table sur un rythme d’acquisition de l’ordre de cinq à dix objets par an, représentant un investissement annuel moyen de 100 à 120 millions (précisons que la participation au fonds peut se faire soit par apport de capitaux, soit par apport d’immeubles, lesquels seront swapés en parts de fonds). Pour 2010, Christian Piguet se montre relativement serein. S’il craint une volatilité accrue, il espère obtenir, grosso modo, les mêmes résultats qu’en 2009 (hors les quinze derniers jours de décembre), notamment du fait de la bonne tenue du résidentiel. Côté fonds, il plaide pour les jeunes véhicules, qui ont l’avantage de ne pas se traiter avec un agio par rapport à leur valeur nette d’inventaire et qui présentent donc un risque moindre pour l’investisseur. «Il est temps de jouer les perles romandes», conclut-il. ■ Véronique BÜHLMANN

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GESTION DE FORTUNE FRANÇOIS-MICHEL ORMOND – 1875 FINANCE

«Nos autorités doivent mieux défendre la sphère privée» Associé-gérant et cofondateur de 1875 Finance, François-Michel Ormond affiche plus de quarante ans de carrière dans la gestion de fortune. Une expérience qui lui confère un regard aiguisé sur le métier et sur les soubresauts dont il est l’objet avec la crise financière. Il défend la structure de gestionnaire indépendant, la plus à même de répondre aux exigences de proximité du client. Interview. Propos recueillis par Richard BRUN

Banque & Finance: Comment êtes-vous devenu gérant indépendant après avoir été banquier? FRANÇOIS-MICHEL ORMOND: J’ai commencé mon activité professionnelle dans une structure indépendante, Ormond et Cie, puis Ormond Burrus puis, avec l’arrivée de la Banque Cantrade dans notre capital, dans une banque affiliée à l’UBS. Cette évolution, bien que favorable initialement (nous proposions le schéma idéal de la sécurité d’une grande banque avec la souplesse d’une petite entité), s’est révélée plus difficile à gérer avec les

Cinq générations de banquiers en héritage 1875 Finance a été fondée en 2006 par trois banquiers liés par quinze années d’expérience professionnelle commune dans le domaine de la gestion privée en Suisse, ainsi que par la famille Ormond, qui a créé sa première gérance de fortune en 1875 et qui apporte un héritage intangible de cinq générations de banquiers. Née de leur volonté commune de mieux servir les intérêts des clients, 1875 Finance est spécialisée dans la gestion de patrimoines privés et les prestations de Multi-Family Office. ■

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changements de direction au niveau de notre actionnaire majoritaire. Le poids de ce grand groupe s’est alors fait sentir et notre indépendance a été de plus en plus entamée. Bien qu’éloignés des centres de décision de la grande banque, nous sentions les changements de la «haute direction» par le poids des directives et des priorités imposées. La fusion avec Ferrier Lullin puis la reprise de cette dernière par Julius Baer nous ont poussés à créer une nouvelle entité pour répondre aux demandes de nos clients les plus proches. B&F: Pourquoi avoir choisi cette structure de gérant indépendant? F.-M.O.: Mettre l’intérêt des clients au centre des préoccupations, tout le monde en parle, mais atteindre cet objectif est compliqué. Cela présuppose une grande disponibilité, une écoute active et une capacité de réaction rapide. La structure du gérant de fortune indépendant, ou tiers-gérant, répond parfaitement à cet objectif. Sans être exclusive, elle permet cette disponibilité en s’appuyant sur des banques de premier ordre, avec leurs outils informatiques performants, leurs services de recherche et leurs réseaux internationaux. L’indépendance du gérant permet aussi d’éviter les conflits d’intérêts, entre autres dans la sélection des produits. C’est dans ce contexte que les associés de 1875 Finance SA travaillent en équipe sur la base d’un modèle intégré, contrairement à la plupart

des gérants qui n’ont de commun que la plateforme. B&F: Qu’est-ce qui a motivé le choix de votre raison sociale? F.-M.O.: La raison sociale, qui fait référence au début de l’activité d’agent de change et de gérant de fortune de Georges Ormond, a été choisie pour montrer l’importance que nous donnons aux relations d’affaires à long terme. Depuis cette date, cinq générations se sont succédées pour exercer le même métier et avoir le privilège de gérer, de père en fils, le patrimoine des familles qui nous ont fait confiance. 1875 Finance SA est une marque aujourd’hui reconnue sur le marché et à laquelle chaque collaborateur ou prestataire s’identifie. B&F: En quoi votre métier a-t-il changé? F.-M.O.: Le métier du gérant indépendant n’a pas changé fondamentalement, mais il est intéressant de constater que son succès, illustré par l’augmentation sensible de sa part de marché (aujourd’hui 20% en Suisse romande), est dû, pour l’essentiel, à ses prestations de base. Le client trouve, en effet, chez son gérant traditionnel la stabilité des relations, la confidentialité, la collaboration et des relations de confiance qui vont bien au-delà de la seule gestion du compte. B&F: Quels enseignements pour votre activité retenez-vous de la dernière crise financière?

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1875 F.-M.O.: La crise financière et ses conséquences sur les marchés boursiers redéfinit les priorités et redonne leur place au service personnalisé, à la protection du capital et à la liquidité. La performance à tout prix est aujourd’hui reléguée plus bas dans le classement. Ce qui n’exclut pas l’utilisation de nouveaux «produits» tels que les hedge funds et autres produits structurés, mais pour une utilisation équilibrée et bien répartie. La diversification, la qualité des placements et leur liquidité demeureront toujours le fondement d’une saine gestion. B&F: Quel regard portez-vous sur les attaques contre le secret bancaire? F.-M.O.: Plutôt que de parler secret bancaire, je pense que le terme de protection de la sphère privée serait plus approprié. En Suisse, nous sommes foncièrement atta chés (72% selon une étude récente de l’Université de Zurich) à la préservation de la sphère privée et je pense que la majorité des Français aussi, n’en déplaise à Monsieur Woerth, ministre du Budget. Ce dernier, se référant au rapatriement de quelque 1500 à 3000 comptes, parle de «formidable succès», mais omet de dire le nombre de citoyens français, «honnêtes fiscalement», qui ont décidé de quitter leur pays, devenu fouineur et inquisiteur, pour la Suisse, l’Angleterre ou la Belgique. Un Etat qui fait du chantage en utilisant les moyens les plus sordides pour arriver à ses fins n’est pas rassurant. A mon avis, ce message de la protection de la sphère privée n’est pas assez mis en avant par nos autorités. B&F: Que pensez-vous des mesures envisagées par nos autorités pour la défense et le développement de la place financière suisse? F.-M.O.: Au lieu de poursuivre dans son projet «Rubik», qui semble mal parti et certainement très lourd dans son application, l’ASB aurait intérêt à rassembler les forces vives autour d’elle pour redéfinir les règles du jeu et permettre à nos autorités de trouver des accords avec les centres financiers étrangers sur une base de réciprocité. Ceci devrait permettre aux acteurs financiers suisses d’être plus compétitifs et de se battre à armes égales sur tous les marchés, tout en maintenant les conditions cadres auxquelles ils sont attachés. B&F: Quel avenir voyez-vous pour votre activité?

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«Au lieu de poursuivre dans son projet “Rubik”, qui semble mal parti et certainement très lourd dans son application, l’ASB aurait intérêt à rassembler les forces vives autour d’elle pour redéfinir les règles du jeu et permettre à nos autorités de trouver des accords avec les centres financiers étrangers sur une base de réciprocité» FRANÇOIS-MICHEL ORMOND – 1875 FINANCE

F.-M.O.: Je suis tout à fait positif sur l’avenir de notre activité pour toutes les raisons déjà évoquées, tant sur le modèle qu’elle offre que sur les possibilités de développement qui existent à partir d’autres places financières. Notre structure légère et indépendante permet une adaptation rapide et efficace. En ce qui concerne 1875 Finance SA, le choix a été, et est d’être plus fort et plus

présent à Genève et en Suisse. Et c’est dans ce contexte que nous avons pris la décision de recruter des gérants partageant les mêmes valeurs que nous. Notre objectif à partir de cette année est de recruter deux à trois gérants par année pour les trois prochaines années. ■ R.B.

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JURIDIQUE TRANSFERT D’ACTIVITÉS BANCAIRES ET FINANCIÈRES

De nombreuses implications juridiques Le transfert d’activités bancaires et financières d’un établissement à un autre est monnaie courante. Les raisons peuvent être très variées, par exemple une réorganisation intragroupe, une intégration d’équipes après acquisition d’un autre établissement, la cession d’une activité moins rentable ou qui n’appartient pas au core business, voire l’acquisition d’une équipe. Aspects juridiques et réglementaires. Jean-Yves DE BOTH & Kim DO DUC, avocats Schellenberg Wittmer, Genève, Zurich www.swlegal.ch

D

ans le domaine bancaire et financier, la typologie des activités qui peuvent être transférées est infinie. On peut aller d’un transfert assez simple dans la banque privée (par exemple, le transfert d’un portefeuille de clients privés ou de mandats de gestion) à des transferts complexes (par exemple, la cession d’une activité de banque d’investissement et/ou d’activités multiples dans le domaine des produits structurés et des placements collectifs de capitaux). A ce titre, la mise en place de transferts peut être plus ardue et technique que l’achat des actions d’un établissement. Malgré les formes diverses et variées, certaines questions sont récurrentes. Dans la présente contribution, nous souhaitons passer en revue un certain nombre de points choisis, sans prétendre à l’exhaustivité.

Les aspects contractuels Le transfert d’activités bancaires repose sur un contrat de vente classique, dont les termes peuvent, évidemment, être âprement négociés pour des transactions entre des tiers. Pour des transactions intragroupes, les contrats de vente sont, de manière générale, plus synthétiques.

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Pour des transactions entre tiers, l’acheteur peut souhaiter effectuer une due diligence relative aux activités à transférer, afin de pouvoir analyser et évaluer les différents risques liés au transfert envisagé, notamment les risques juridiques, fiscaux et financiers. Pour des raisons de respect de confidentialité (découlant du secret bancaire également), aucune donnée des clients ne pourra être remise à l’acheteur potentiel. Cela étant, il est tout à fait possible de remettre les modèles de contrats

«Les autorisations octroyées par la FINMA ne sont pas transmissibles et le transfert d’un pan d’activité soumis à surveillance ne permet pas la conservation d’une autorisation»

utilisés, ou, s’agissant des aspects financiers, des données agrégées ou analyses de rentabilité. Selon le résultat de la due diligence effectuée, l’acheteur pourra renoncer à l’acquisition, exiger une réduction de prix de vente, ou encore, prévoir des garanties contractuelles spécifiques. En pratique, le calendrier d’exécution du contrat de transfert revêt une grande importance. Il convient de définir précisément les différentes étapes devant mener de la signature du contrat à sa mise en œuvre. Comme nous le verrons ci-dessous, de nombreuses

démarches peuvent être nécessaires, typiquement l’obtention du consentement spécifique de chaque client ou des clarifications réglementaires. Les aspects fiscaux, en particulier en ce qui concerne la TVA, doivent souvent être validés avant mise en œuvre.

Les aspects réglementaires Puisque les établissements impliqués dans un transfert d’activités financières seront généralement des banques soumises à la surveillance de l’Autorité fédérale de surveillance des marchés financiers (FINMA), la question des devoirs réglementaires devra également être prise en compte. Rappelons à cet égard que les autorisations octroyées par la FINMA ne sont pas transmissibles et que le transfert d’un pan d’activité soumis à surveillance ne permet pas, par la même occasion, la conservation d’une autorisation. En particulier, il y aura lieu de se demander si le transfert envisagé requiert une annonce ou une autorisation de la FINMA. De manière générale, pour une transaction entre établissements bancaires, la réponse est négative. Cela étant, si le transfert d’activités a un impact sur l’organisation interne de l’établissement – ce qui sera reflété dans son règlement d’organisation – et, en particulier, sur les personnes en charge de la gestion et de l’administration de la banque, alors ces modifications devront être soumises à la FINMA pour approbation préalable. En effet, les autorisations bancaires délivrées par la FINMA sont subordonnées à l’exigence d’une organisation appropriée en vue

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TRANSFERT D’ACTIVITÉS d’exercer l’activité concernée. En outre, l’entité à laquelle l’activité est transférée pourra être appelée à démontrer qu’elle dispose des ressources (humaines et matérielles, notamment en ce qui concerne ses fonds propres et liquidités) lui permettant d’assumer de manière adéquate les tâches transférées. Ces questions se poseront tant pour la banque qui transfère des activités que pour celle à qui elles sont transférées.

Information et consentement des clients Lorsque le transfert inclut des comptes de clients, le consentement de chaque client devra être obtenu. Le consentement du client devra porter sur le transfert de ses relations bancaires – notamment dépôts, mandats de gestion, crédits et garanties – au nouvel établissement, y compris le transfert d’informations et de données le concernant. La forme de ce consentement devra être examinée avec attention. Sous réserve

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d’une documentation contractuelle idoine ou de cas particuliers, un consentement exprès sera souvent nécessaire. En pratique, une lettre circulaire sera adressée à l’ensemble des clients concernés par le transfert et les clients contactés en parallèle afin de leur expliquer les raisons du transfert. Les deux établissements concernés devront coordonner et définir une ligne de conduite claire relative aux communications et informations transmises aux clients afin de faciliter l’obtention des consentements des clients et de permettre une continuité des services. En particulier, il est important que le client soit informé de l’impact d’un transfert de sa relation, notamment en ce qui concerne les conditions et les frais applicables à la relation. En effet, l’établissement acheteur peut souhaiter mettre en place une nouvelle documentation contractuelle en appliquant ses conditions générales et ses tarifs ou, simplement, reprendre les conditions et

frais existants des clients. Cette seconde hypothèse est généralement préférée en pratique puisqu’elle présente l’avantage de faciliter le transfert et la continuité des

«Selon le résultat de la due diligence effectuée, l’acheteur pourra renoncer à l’acquisition, exiger une réduction de prix de vente, ou encore, prévoir des garanties contractuelles spécifiques»

services. Dans un deuxième temps, l’établissement acheteur pourra faire signer sa propre documentation contractuelle à ses nouveaux clients.

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JURIDIQUE Précisons encore que, pour des raisons de confidentialité, les clients seront contactés par l’établissement vendeur avec lequel ils entretiennent une relation contractuelle, et non pas par l’établissement acheteur. Ce n’est que sur autorisation du client que l’établissement vendeur pourra remettre des données le concernant à l’établissement acheteur.

TRANSFERT D’ACTIVITÉS droits et les obligations qui en découlent, au jour du transfert, sauf en cas d’opposition de l’employé. A cet égard, une information des travailleurs ou de leur représentation devra être effectuée au préalable et, en outre, l’ancien et le nouvel employeur répondront solidairement des créances de l’employé pendant une certaine période.

quent, notamment en termes de mise en œuvre. En termes de délais, plusieurs mois peuvent être nécessaires. De manière générale, les aspects de secret bancaire sont importants. Aucune donnée client ne peut être transmise sans l’accord spécifique du client. Le client restera par ailleurs toujours libre d’accepter un transfert de ses relations bancaires ou non. ■

Une mise en œuvre assez lourde Délégation des obligations de diligence Toujours en cas de transfert de clients, l’établissement acquéreur devra s’assurer qu’il respecte toutes les obligations découlant de la Loi sur le blanchiment d’argent, en particulier en ce qui concerne la vérification de l’identité des clients, l’identification des ayants droit économiques ainsi que les informations relatives à l’origine des fonds et à l’arrière-plan économique. En pratique, dans un souci de simplification, l’établissement auquel des clients seront transférés pourra déléguer ses obligations de diligence à l’établissement transférant, ainsi que le permettent les normes d’application de la Loi sur le blanchiment d’argent, en particulier la Convention de diligence des banques. Cette délégation devra être formalisée dans un contrat entre les deux établissements s’ils ne font pas partie du même groupe, et devra prévoir qu’elle sera conditionnelle à l’obtention préalable du consentement des clients concernés, afin de respecter les obligations découlant du secret bancaire. De cette manière, l’acheteur pourra bénéficier du transfert des documents et informations collectés par le vendeur dans le cadre de ses obligations de diligence.

D’un point de vue juridique, les transferts d’activités requièrent un travail consé-

L’ART

DANS

J.-Y.D.B. & K.D.D.

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Transfert d’employés Lorsqu’une activité d’une banque est transférée, les employés qui sont en charge de cette activité au sein de la banque sont souvent amenés à continuer leur emploi auprès de l’établissement acheteur. D’une manière générale, le transfert d’employés peut être effectué par le biais d’une résiliation des rapports de travail existants et la signature d’un nouveau contrat de travail avec l’établissement acheteur. Toutefois, si le transfert concerne une partie des activités d’une entreprise, le Code des obligations prévoit une procédure particulière selon laquelle les rapports de travail passent à l’acquéreur avec tous les

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Michael Nelson Jagamara (Clan Pikilyi, Vaughan Spring, Territoire du Nord), «Rain Dreaming», acrylique sur toile, 122,5 x 91 cm.

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ENJEUX

HSBC: de l’Occident vers l’Orient Sur le devant de la scène ces dernières semaines, à la suite du vol de fichiers dans sa filiale genevoise dédiée au private banking, le groupe HSBC n’a pas été déstabilisé par ce qui fait figure d’épiphénomène au regard de sa taille et de sa diversification tant géographique que dans ses métiers. Le groupe affiche, en effet, une belle santé, dont le principal moteur est la croissance interne, notamment dans la zone Asie-Pacifique. Sans sous-estimer l’importance de ce dossier qui mine les relations traditionnellement courtoises entre les deux nations voisines, cette affaire, à l’échelle de HSBC, est quelque peu anecdotique et passablement folklorique.

Jaona RAVALOSON (28/01/10)

P

armi les sujets chauds abordés au Forum de Davos cette année, il en est un qui n’a rien à voir avec les perspectives économiques mondiales ni avec les grandes manœuvres stratégiques des grandes multinationales. Il s’agit du règlement à l’amiable de la tension qui oppose la France à la Suisse et au centre de laquelle la filiale genevoise de HSBC se trouve, suite au vol des fichiers des présumés évadés fiscaux français perpétré par un ex-employé de cette banque. Le programme des réjouissances inclut une rencontre au sommet entre le président français Nicolas Sarkozy et la présidente de la Confédération helvétique Doris Leuthard, suivie de contacts au niveau des ministres des Finances et des chefs de la diplomatie des deux pays.

Rentabilité record pour la banque privée HSBC est, certes, un acteur reconnu et important dans la gestion de fortune (1,4 milliard de dollars de profit avant impôt dans ce métier en 2008). Son implantation en Suisse est, certes, une composante majeure de cette activité, aux côtés de la présence à Monaco (soit une contribution d’environ 800 millions de dollars US au résultat avant impôt de 2008, représentant près de 55% du profit de la division gestion de fortune). Elle lui a valu même le titre de banque privée la plus rentable du monde avec une marge bénéficiaire de 39,4% en 2009, selon une étude de MainFirst Bank, qui salue également le bon niveau de son coefficient d’exploitation dans ce domaine.

Marge bénéficiaire comparée en gestion fortune

Cependant, au sixième rang des institutions bancaires mondiales, HSBC réalise près de 37 milliards de dollars US de revenus au premier semestre 2009. Moins de 5% seulement proviennent de la gestion de patrimoine. C’est dire que, pour embarrassant qu’il puisse l’être, le scandale de la filiale de Genève a peu de répercussions sur les fondamentaux économiques et financiers du groupe. Par ailleurs, HSBC gère une centaine de millions de clients individuels et trois millions de clients commerciaux à travers 8500 agences réparties dans 86 pays. Le déploiement de l’établissement à travers les différentes zones géographiques et, notamment, ce que Steven Green, son président, appelle «le rebalancement ouest-est» replacent l’incident qui a affecté le microcosme franco-genevois dans sa juste proportion.

Retour aux sources Pendant longtemps, HSBC fut à la fois un sigle et un nom à part entière, la marque la plus réputée dans l’univers bancaire d’après Brand Finance. Mais depuis que le

Contribution métier aux revenus du groupe 1er semestre 2009 (en US$ milliards et en %) 4%

45% 40%

16%

35% 30%

Personal financial services

25% 20%

48%

15% 10% 5%

Global banking & markets Commercial banking Private banking

0% UBS

Credit Suisse

Source: Wealth Bulletin, MainFirst Bank

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Julius Baer

HSBC

32%

Source: société

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HSBC centre de gravité de l’économie mondiale, crise financière aidant, a basculé de l’Occident vers l’Orient et que les marchés émergents, notamment les fameux BRIC, tiennent le haut du pavé, HSBC se rappelle au bon souvenir de tous en ressassant que sa racine se trouve dans le C de BRIC et que HSBC signifie bien Hongkong and Shanghai Banking Corporation. Au-delà des facéties des acronymes et de l’opportunisme des marques, il semblerait bien que HSBC oriente massivement sa stratégie et son équation de croissance future sur l’Empire du Milieu et la zone Asie Pacifique. Etabli à l’origine (en 1865) à Hongkong avec des bureaux à Shanghai, Londres et San Francisco, la banque avait déménagé son siège à Londres en 1993, suite à l’acquisition de la banque anglaise Midland mais peutêtre aussi en anticipation au transfert de souveraineté de cette cité-Etat à la Chine en 1997 et par crainte des risques éventuels entraînés par ce rattachement à la mère patrie. Ces risques ne se sont pas matérialisés et se sont même transformés en opportunités. Décision riche de symbole mais aussi de sens, à partir de février 2010, l’étatmajor de la holding s’installe à plein-temps à Hongkong, tout en conservant le siège social à Londres. Dans une tribune publiée par le Wall Street Journal fin janvier 2010, Michael Geoghegan, le directeur général du groupe, justifie cette décision par le fait que «pour nous tous, les perspectives de succès sur le long terme sont plus étroitement liées que jamais à l’évolution des marchés émergents. Et sur le court terme, la reprise mondiale dépend de la liberté des échanges commerciaux entre l’Ouest et l’Est». A Hongkong, HSBC est la plus grande institution bancaire, de très loin devant le

numéro deux, la filiale de Bank of China (dont le total des actifs est 4,5 fois inférieur), sachant que la troisième position est détenue par Hang Seng, une enseigne appartenant également au groupe. A partir d’une telle base, HSBC est au premier plan pour profiter des flux d’affaires avec la Chine continentale, en particulier avec la province limitrophe (Guangdong), et pour servir de plateforme aux transactions internationales de la mère patrie, que ce soit en devises internationales ou en renminbi. On s’attend, toutefois, à ce qu’à la fin de cette décennie, Shanghai devienne le centre financier le plus important de la zone et éclipse quelque peu Hongkong. Une attache directe sur le continent est donc primordiale. Le groupe a établi le plus grand réseau d’agences parmi les banques étrangères: une centaine répartie dans 20 villes. S’y ajoutent des unités de la Chongqing Dazu HSBC Rural Bank (étonnant que HSBC, vue comme le haut de gamme des banques de détail dans le monde entier, fasse de la «vulgaire» banque rurale, en plus dans les provinces perdues de l’ouest de la Chine!) et 35 agences Hang Seng dans onze villes. Ces points de vente offrent des prestations à une clientèle chinoise, y compris des services en renminbi. HSBC Bank (China), enregistrée localement en avril 2007, est, ainsi, bel et bien une banque chinoise et non pas une banque étrangère. Pour épaissir le tissu, des participations significatives ont été prises dans Bank of Shanghai (8% en 2001), Ping An Insurance (17% en 2002), Industrial Bank (13% en 2003 via Hang Seng) et Bank of Communications (19% en 2004). La valeur de marché de ces participations stratégiques représentait tout de même la bagatelle de 8,2 milliards de dollars à fin juin 2009.

Nombre d’agences de banques étrangères en Chine 12%

12%

L’ensemble de ce dispositif chinois générait 1,6 milliard de dollars en bénéfice avant impôt en 2008. Au premier semestre 2009, le chiffre est de 752 millions, dont 25% en banque de détail, 39% en banque commerciale et 34% en banque de marché.

Au-delà des BRIC Ayant bâti sa solidité et sa rentabilité sur la banque de détail, HSBC se doit d’être amarrée aux contrées où il y a la plus forte poussée de classe moyenne, en passe de consommer des biens et d’utiliser des services bancaires et financiers au même rythme que les occidentaux. De plus, explique Michael Geoghegan, avec la croissance rapide de la Chine et de ses voisins, «la région Asie Pacifique abritera bientôt la plus forte densité de plus grosses fortunes individuelles dans le monde». Ce qui donnera des ailes justement à l’activité de gestion de patrimoine. L’enjeu n’est donc pas uniquement les BRIC, mais aussi, à en croire la forte propension du directeur général du groupe à inventer des formules, les «BRITVIC», incluant Taïwan, le Vietnam et l’Indonésie ou, en poussant plus loin les pions, les «CIVETS», si on rajoute aux précédents la Colombie, l’Egypte, la Turquie et l’Afrique du Sud. La couverture de HSBC devient ainsi de plus en plus planétaire. Sa longue marche pour devenir une banque mondiale, c’est-à-dire une banque locale dans tous les pays du monde selon son fameux slogan, devrait se poursuivre grâce à un socle très solide de profit, à peine égratigné par la crise. A ce stade, manquent à son actif l’Europe de l’Est, l’Asie centrale et l’Afrique. Mais même le continent africain, hors Afrique du Sud, n’est plus impensable avec les bonds spec-

Contribution géographique aux revenus du groupe 1er semestre 2009 (en US$ milliards et en %) 100 90

10%

4% 34%

Hong Kong

80 70

Autres Asie Pacifique

60

Moyen-Orient

40

Amérique du Nord

30

Europe Amérique latine

50

20 10 0 HSBC

28%

Source: société

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Bank of East Asia

Standrad Chartered

Hang Seng

Citibank

ABN AMRO

DBS

Source: société

B&F

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ENJEUX taculaires enregistrés par les échanges commerciaux et financiers entre l’Asie – la Chine et l’Inde en particulier – et l’Afrique. Le groupe renforce ainsi ses positions en Algérie et pourrait bientôt mettre les pieds en Libye. En Afrique subsaharienne, Stephen Green, le président du groupe, estime que «pour des raisons historiques, HSBC y est peu présente contrairement à ses concurrents immédiats. Mais cette zone devrait attirer beaucoup plus d’attention que dans le passé». C’est certain que Standard Chartered, qui a le même ADN que HSBC, est plus visible en Afrique.

Priorité à la croissance organique L’expansion se fera surtout par croissance organique. Le groupe a les moyens de payer. Il a renforcé, au début de l’année dernière, son capital par un appel aux marchés de 17,7 milliards de dollars. A la fin du troisième trimestre 2009, son ratio Tier One a ainsi atteint 10,3%. Son bilan ne souffre d’aucun problème de liquidité puisque le ratio Engagements/Dépôts ne s’élève qu’à 80%. Indépendamment de la holding, les filiales qui opèrent et qui sont régulées localement sont tout aussi bien capitalisées. Le groupe a aussi du temps et les marchés qu’il veut conquérir sont tellement dynamiques que la montée en puissance des nouvelles implantations est rapide. L’approche adoptée au Brésil, caractérisée par un déploiement rapide du réseau d’agences, est souvent citée en exemple et en modèle. En Turquie, aussi, après un premier investissement en 2001, le nombre d’agences a plus que doublé. Les vertus intrinsèques de la croissance organique ne sont pas les seuls arguments. Il faut dire aussi qu’il y a une méfiance du groupe à l’égard des acquisitions. Son expérience en la matière est mitigée. Les succès notoires – comme l’acquisition de Hang

HSBC Seng Bank, dès 1965, à Hongkong ou le CCF, en 2000, en France – côtoient des rachats moins reluisants. La reprise, en 2003, de la société de crédit américaine Household International (devenue HSBC Finance Corporation) a, en l’occurrence, laissé un goût très amer. Et pour cause. Household, pourtant la plus ancienne société de crédit à la consommation aux Etats-Unis, s’est spécialisée dans les crédits hypothécaires subprimes (crédits accordés à des ménages à faible revenu, voire même techniquement insolvables, et rejetés par les établissements de crédit qui ont pignon sur rue) en tant qu’originateur et prêteur de premier rang. Les premières années suivant son acquisition, le groupe HSBC n’éprouvait que satisfaction à l’égard de cette filiale qui dégageait des marges très confortables. Mais la pratique consistant à accorder des crédits à une clientèle de second rang moyennant des taux d’intérêt punitivement élevés pour se prémunir contre les risques d’impayés n’a pas résisté longtemps aux premières crises de solvabilité des emprunteurs et au retournement du marché immobilier. Dès le début 2007, HSBC a diffusé un communiqué sur la forte détérioration du marché américain des subprimes et, dans la foulée, a commencé à réduire la voilure dans cette activité, mais l’œil du cyclone n’était pas loin. Dès lors, en 2009, il ne lui restait plus qu’à annoncer un retrait total de cette activité et une extinction progressive des affaires encore en portefeuille. L’impact de la déconfiture de cette filiale sur le profit avant impôt de la ligne métiers services financiers personnels et sur celui du groupe a été radical. Le désastre a été complet pour cette filiale, mais en plus, vu sous un grand-angle, HSBC, par le biais de Household, s’est donc trouvée être à la racine même de la crise financière qui a failli terrasser l’ensemble

du système bancaire et financier international. La responsabilité est bien lourde quand une erreur de stratégie se double d’une crise systémique. Etant à l’origine de cette acquisition quand il était directeur général entre 2003 et 2006, Stephen Green a fait acte de contrition et exprimé ses regrets. Il l’a fait, entre autres, à travers un ouvrage, paru en août de l’année dernière, qui est, en quelque sorte aussi, sa pierre à l’édifice des réflexions sur la refondation du capitalisme1.

«La longue marche de HSBC pour devenir une banque mondiale, c’est-à-dire une banque locale dans tous les pays du monde selon son fameux slogan, devrait se poursuivre grâce à un socle très solide de profit, à peine égratigné par la crise»

Ce livre a le bon goût d’analyser la problématique bancaire en utilisant une approche alliant économie et finance avec la politique, la psychologie, la morale et la spiritualité. Somme toute, une vision pas très éloignée de la philosophie bouddhiste, tropisme asiatique du groupe HSBC oblige, bien qu’à ses heures perdues, Stephen Green soit, depuis 1988, prêtre ordonné de l’Eglise d’Angleterre. ■ J.R.

Household et son impact sur les résultats du groupe US$ millions Crédits clientèle dont activités en voie d'extinction Résultat avant impôt Profit avant impôt ligne métier Profit avant impôt groupe HSBC Source: société

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B&F

2007 167 000 118 000 -1 546 5 900 20 677

2008 147 000 100 000 -6 664 -410 9 307

S1 2009 131 000 91 000 -2 843 -1 249 5 019 1

Good Value: Reflections on Money, Morality and an Uncertain World, Allen Lane, August 2009

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ENJEUX

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B&F

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ENJEUX AUDIT INTERNE

Principal rempart contre la fraude? La crise que vient de traverser l’industrie bancaire internationale a été marquée par la découverte de cas de fraude sans précédent qui ont coûté plusieurs milliards de francs suisses en pertes directes et amendes des régulateurs mais aussi la perte de confiance des investisseurs et des dommages sévères sur la réputation. Une organisation efficace peut réduire sensiblement les risques en la matière. Explications. Panayotis POURNARAS Directeur Audit, EFG Group David CARAYON Senior Manager Audit, EFG Group

U

ne étude conduite en 2009 aux Etats-Unis par l’ACFE1 a révélé une augmentation sensible des actes de fraude depuis le début de la crise. Bien qu’il n’y ait pas de statistiques pour les marchés européen et suisse, le bon sens suggère que la vieille Europe n’échappe pas à la tendance. On considère généralement que trois facteurs favorisent la fraude: la pression (pour atteindre un résultat), l’opportunité (existence de circonstances, telles l’absence de contrôle ou l’inefficacité des contrôles en place) et la rationalisation (justification morale du passage à l’acte). Les institutions financières sont, en général, les plus exposées car leur outil de travail est l’argent, l’actif le plus exposé à la fraude. L’absence de réflexion sur l’exposition réelle au risque de fraude et l’ignorance de signaux d’alerte pourraient jouer un mauvais tour à certaines banques dans un avenir proche. La lutte contre la fraude: enjeu majeur aujourd’hui? Nul n’en doute. En revanche, les moyens à mettre en œuvre semblent difficiles à élaborer: deux tiers des cas sont détectés par dénonciation ou accident. La fraude est-elle donc une fatalité? Les outils existants sont-ils à ce point inefficaces? L’audit interne 2 est souvent montré du doigt pour ses maigres résultats dans la détection directe des fraudes (on estime que seules

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«Conseil d’administration et direction restent les premiers responsables de la lutte contre la fraude» PANAYOTIS POURNARAS – EFG GROUP

10% des fraudes avérées ont été détectées par les travaux de l’audit interne). Il convient, cependant, de rappeler qu’il n’a pas la responsabilité primaire de la détection et de la lutte contre la fraude même si, nous le verrons, il a un rôle clé à jouer. Conseil d’administration et direction restent les premiers responsables de ce combat. Que doivent-ils faire? Comment l’audit interne peut-il et doit-il les aider?

Une culture forte et des règles de contrôle Les banques qui réussissent à combattre efficacement la fraude sont celles qui ont su créer un système de contrôle interne fondé sur des règles de conduite et d’intégrité

simples et concrètes, portées par le conseil d’administration. Ce dernier est en charge de développer la culture anti-fraude et de fixer les règles éthiques dans le respect desquelles il entend voir conduire les activités de la banque. Ces règles doivent être claires pour tous les collaborateurs afin de faciliter la prise de conscience des risques que fait courir la fraude et de la nécessité de mettre en place des contrôles dans leur organisation. Le régulateur suisse a, lui aussi, souhaité mettre en avant le rôle du conseil d’administration dans la mise en place et le fonctionnement du système de contrôle interne, en rappelant qu’il incombe au conseil de procéder à une évaluation systématique des risques, ainsi que d’instaurer, maintenir et surveiller régulièrement un contrôle interne adapté au profil de risque de la banque3. Le Code des obligations suisse demande également au conseil d’assumer la responsabilité 1

Occupational Fraud: A study of the impact of an economic recession, ACFE Anti-Fraud Resource Guide, 3rd quarter 2009. 2 L’audit interne est une fonction indépendante et objective dont le but est de donner au Conseil et à la Direction une assurance sur le degré de maîtrise des opérations, apporte ses conseils pour les améliorer, et contribue à créer de la valeur ajoutée (traduction officielle par l’ASAI, Association suisse d’audit interne – de la définition de l’audit interne selon l’IIA). En Suisse, «elle doit répondre aux exigences qualitatives de l’ASAI» (Cm 66, Circulaire FINMA 2008/24 Surveillance et contrôle interne dans le secteur bancaire – http://www.finma.ch). La fonction est indépendante de la direction car subordonnée au conseil d’administration (directement ou indirectement via un comité d’audit). 3 Cm 9, Circulaire FINMA 2008/24.

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AUDIT INTERNE de la mise en place et du maintien d’un système de contrôle interne4. La direction a, de son côté, la responsabilité de la mise en œuvre des instructions du conseil en matière d’instauration, de maintien et de suivi régulier des contrôles antifraude avec un objectif triple: décourager toute intention (réduire la pression), prévenir les failles (empêcher toute opportunité), et détecter les malversations en cours.

Le principe des quatre yeux Parmi les exemples de règles et de contrôles ayant fait leur preuve, citons l’instauration d’un code de conduite et d’une directive antifraude, l’application de règles de recrutement strictes, la mise en place de canaux de réception des déclarations de suspicions (whistleblowing), une politique de congé exigeant un minimum de deux semaines d’absence consécutives par an, notamment pour les dirigeants ou les employés occupant des postes exposés, une politique de rotation du personnel, de séparation des tâches, d’enregistrement des lignes téléphoniques, de gestion rigoureuse des courriers de la clientèle conservés à la banque, une politique de rémunération qui n’incite pas à une prise de risque excessive, une protection accrue des données confidentielles et de s applications informatiques critiques, la mise en place de filtres sur les flux d’emails, la définition d’indicateurs de fraude (red flags) et la création d’une unité de détection et d’investigation de ces indicateurs. Notons également que des sanctions lourdes (poursuites judiciaires) à l’encontre des fraudeurs ont bien souvent un effet dissuasif, pour les employés tentés de passer à l’acte. Enfin, les faiblesses dans les contrôles identifiés par l’audit interne et le non-respect du code de conduite peuvent aussi être des critères d’évaluation de la performance des managers. Chacune de ces règles, chacun de ces contrôles, viennent s’intégrer dans les différentes lignes de défense du système de contrôle interne idéal. La première ligne de défense est généralement constituée des contrôles exécutés par les managers et les personnes de terrain. Principe des quatre yeux et ségrégation des tâches sont ici les meilleurs garants de la maîtrise du risque de fraude. La deuxième ligne est assurée notamment par les départements de contrôle des risques et de conformité qui scrutent en permanence les opérations effectuées et les risques géné-

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rés par les équipes de terrain (respect des limites, suivi des suspens, conformité aux exigences réglementaires, analyse des transactions suspectes et des red flags…) Le rôle du contrôle des risques, et en particulier le contrôle du risque opérationnel, est important dans l’effort à mener pour combattre la fraude. La mise en place de programmes d’auto-évaluation des risques et des contrôles est devenue particulièrement utile car ils impliquent et nécessitent la participation de tous les employés et améliorent, ainsi, la sensibilisation au risque de fraude. L’audit interne, troisième ligne de défense, est en charge de surveiller sur une base périodique le fonctionnement et l’efficacité des deux premières lignes. Il doit rendre compte au conseil sur l’exposition au risque de fraude et les contrôles mis en place pour réduire cette exposition. Son rôle dans la prévention, la détection et la mesure du risque de fraude ainsi que la prise en compte du risque lors de la préparation et l’exécution des audits est notamment précisé par les normes de l’IIA5. Une mise à jour de ces normes effectuée au cours de l’année 2008 a ouvert la porte à une implication accrue de l’audit dans la lutte contre la fraude: l’auditeur doit dorénavant évaluer la possibilité de fraude.

Convergence des analyses Les meilleures pratiques dans le secteur bancaire tendent aujourd’hui vers une coopération étroite entre audit interne, contrôle des risques, conformité et audit externe. Chacune de ces fonctions a, en effet, une responsabilité d’identification et d’analyse du risque de fraude même si elles poursuivent des objectifs différents. L’expérience montre qu’une convergence de ces différentes analyses améliore significativement la qualité du système de contrôle interne et son efficacité dans la lutte contre la fraude. Cette convergence nécessite l’utilisation d’une terminologie et de bases de données communes, ainsi que l’échange des différentes évaluations des risques et des résultats des travaux effectués. La clarification du rôle de chacun est une étape fondamentale. Comme nous l’avons vu, la lutte contre la fraude passe par un contrôle interne rigoureux, mis en place par la direction selon les instructions et les règles fixées par le conseil d’administration. Ce contrôle interne doit disposer d’outils de prévention et de détection qui œuvrent, en

«Les meilleures pratiques dans le secteur bancaire tendent aujourd’hui vers une coopération étroite entre audit interne, contrôle des risques, conformité et audit externe.» DAVID CARAYON – EFG GROUP

permanence, à la réduction du risque de fraude. De son efficacité – et de la perception de son efficacité par l’ensemble des collaborateurs – dépendra la capacité de la banque à prévenir et détecter les fraudes. Il reste le premier et principal rempart. L’audit interne doit rester concentré sur sa responsabilité première de surveillance périodique du système de contrôle telle que demandée par le conseil. Ses compétences, sa vision globale des risques et son indépendance vis-à-vis de toutes les fonctions de la banque en font un partenaire indispensable pour l’adaptation permanente des contrôles au risque de fraude. ■ P.P. & D.C.

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Article 716a al. 1 CO. «Les auditeurs internes doivent posséder des connaissances suffisantes pour évaluer le risque de fraude et la façon dont ce risque est géré par l’organisation. Toutefois, ils ne sont pas censés posséder l’expertise d’une personne dont la responsabilité première est la détection et l’investigation des fraudes. Les auditeurs internes doivent apporter tout le soin nécessaire à leur pratique professionnelle en prenant en considération la probabilité d’erreurs significatives, de fraudes ou de non-conformité. L’audit interne doit évaluer la possibilité de fraude et la manière dont ce risque est géré par l’organisation.» (traduction officielle par l’IFACI – Institut Français de l’Audit et du Contrôle Internes – des Normes internationales pour la pratique professionnelle de l’audit interne de l’IIA). 5

B&F

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ENJEUX SECRET BANCAIRE

L’Union européenne maintient la pression Selon l’avocat Philippe Kenel1, le contenu intrinsèque du secret bancaire est intact, en tout cas pour les clients «prudents». Il n’empêche que la convention de double imposition avec la France comme négociée doit être précisée et l’accord sur la fiscalité de l’épargne traité avec la plus grande circonspection, au risque de conséquences dramatiques pour les clients étrangers. Les concurrents européens de la Suisse ne sont pas prêts de céder du terrain. Au contraire. Propos recueillis par Didier PLANCHE

Banque & Finance: Quel bilan tirez-vous de l’année 2009 pour le secret bancaire? PHILIPPE KENEL: La décision du Conseil fédéral en date du 13 mars 2009, qui a consisté à accepter de passer à l’échange d’informations à la demande et de mettre fin à la distinction entre la fraude et l’évasion fiscale, était la moins pire que pouvaient choisir nos autorités, sachant que les Etats concurrents à la Suisse ont agi de la même manière. En fait, cette décision ne modifie en rien le contenu intrinsèque du secret bancaire et n’affecte nullement les clients prudents. Outre son impact psychologique, son unique conséquence concerne le transfert de la responsabilité sur le client. Le véritable coup de poignard porté au secret bancaire vient de la conclusion de l’accord sur la fraude avec l’UE. Les conventions de double imposition doivent néanmoins poser des conditions très strictes sur la mise en œuvre de l’échange d’informations à la demande, afin de limiter les incidences de la décision du 13 mars 2009. B&F: Que pensez-vous alors de la convention de double imposition signée avec la France? P.K.: Contrairement aux autres conventions, elle n’exige pas clairement que le nom de la banque soit connu et mentionné par l’Etat requérant. Il s’agit d’une grave erreur du

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B&F

Conseil fédéral, car, en fin de compte, ce n’est pas le gouvernement qui décidera, mais les tribunaux. Or, l’article 10 lit. e) de l’Avenant à la convention stipule précisément que le nom et l’adresse de la banque doivent être fournis «dans la mesure où ils sont connus». Dans ce contexte, il faut savoir que les tribunaux helvétiques ne sont pas composés uniquement de juges favorables au secret bancaire…

«Les banquiers doivent communiquer pour que les clients ne perdent pas confiance dans le secret bancaire, mais aussi éviter toutes déclarations intempestives, du genre ballon d’essai, qui ont des effets dévastateurs à l’étranger»

B&F: Quelle position doivent adopter nos parlementaires et en cas de ratification de cette convention, un référendum devrait-il être lancé? P.K.: La question est délicate. A ce jour (mijanvier 2010, ndlr), le Conseil fédéral a suspendu la procédure de ratification à cause de l’attitude de la France dans l’affaire des fichiers volés à la banque HSBC. Je doute cependant qu’il conserve cette attitude à

long terme, car la France pourrait imaginer que l’échange d’informations à la demande avec la Suisse n’entre plus en ligne de compte. Dès lors, elle pèserait de tout son poids au niveau européen, afin que les négociations entre l’UE et la Suisse soient le plus défavorables possible à notre pays. La meilleure solution consiste à renégocier l’accord ou à obtenir des garanties de la France sur son interprétation, avant que le Parlement l’accepte et qu’un référendum soit lancé. L’Hexagone a également besoin de l’entrée en vigueur de cet accord. Par ailleurs, les banquiers ne semblent pas favorables à un référendum contre une convention de double imposition, dont le contenu reste acceptable, car s’il était accepté, il déboucherait sur une crise avec la France, et en cas de rejet, la tâche de nos négociateurs au niveau européen serait plus difficile.

Echange automatique d’informations B&F: Quels sont les principaux enjeux pour le secret bancaire cette année? P.K.: Les attaques contre le secret bancaire auront lieu essentiellement dans l’enceinte européenne. Dans un premier temps, la Commission européenne tentera d’obtenir du Conseil le mandat de renégocier avec la Suisse l’accord sur la fraude, en y inscrivant l’échange d’informations à la demande,

1

Philippe Kenel, avocat-associé de Python & Peter (Lausanne, Genève, Bruxelles), président de la Chambre de commerce suisse pour la Belgique et le Grand-Duché de Luxembourg.

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SECRET BANCAIRE lequel débouchera sur l’obligation du Grand-Duché de Luxembourg d’appliquer l’échange automatique d’informations. L’attitude de cet Etat devra être examinée avec beaucoup d’attention, car la Suisse a toujours compté sur lui comme dernier rempart au sein de l’UE. Or, selon différentes déclarations de politiciens luxembourgeois, le Grand-Duché de Luxembourg pourrait renoncer plus rapidement que prévu à son secret bancaire. Dans un deuxième temps, l’enjeu sera la renégociation de l’accord sur la fiscalité de l’épargne. Le scénario catastrophe serait un accord ne prévoyant plus l’exemption des personnes morales, étendant largement le champ des revenus concernés et contraignant la Suisse à prélever un impôt de 35%. Dans ce cas de figure, un certain nombre de clients étrangers paieraient plus d’impôts sur leurs avoirs non déclarés en Suisse, que sur ceux officiellement déclarés dans leur pays! B&F: Croyez-vous au projet Rubik? P.K.: Si le projet Rubik est critiquable dans la mesure où il n’appartient pas aux banques de jouer le rôle de percepteur et où il serait très difficile, et coûteux, de le mettre en œuvre, son acceptation par la Commission européenne et surtout par le Conseil, ce dont je doute, serait une victoire pour la diplomatie helvétique. En revanche, il est illusoire de croire que, dans le cadre de ses négociations, la Suisse pourra obtenir la libre circulation des services financiers si elle refuse l’échange automatique d’informations. En ce qui concerne l’OCDE, le Conseil fédéral a donné satisfaction à ses exigences en acceptant le système de l’échange d’informations à la demande. En revanche, la Suisse doit faire du lobbying actif au sein du GAFI, car cette instance préparerait une recommandation stipulant que les délits fiscaux seraient de nature à être une infraction préalable à un éventuel blanchiment d’argent. Enfin, les banquiers doivent communiquer pour que les clients ne perdent pas confiance dans le secret bancaire, mais aussi éviter toutes déclarations intempestives, du genre ballon d’essai, qui ont des effets dévastateurs à l’étranger. B&F: En qualité de président de la Chambre de commerce suisse pour la Belgique et le Grand-Duché de Luxembourg, quelle est votre appréciation des relations actuelles

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entre la Suisse et l’UE? P.K.: Le bilan des négociations bilatérales, à la suite de la votation du 6 décembre 1992 refusant la participation de la Suisse à l’EEE, s’avère très positif. Certains Etats européens estiment d’ailleurs que la Suisse a beaucoup trop obtenu dans le cadre des négociations antérieures. Mais il faut désormais prendre en considération trois nouveaux paramètres. D’une part, l’UE a concédé un certain nombre d’avantages à la Suisse vu que l’objectif de sa politique étrangère était l’adhésion, ce qui n’est évidemment plus le cas aujourd’hui. D’autre part, le nombre d’Etats membres de l’UE a augmenté et, enfin, le Traité de Lisbonne est entré en vigueur. La future pierre d’achoppement des négociations bilatérales a trait à la question de la reprise de l’acquis communautaire. La Suisse souhaite monter dans un train définitivement à l’arrêt, alors que l’UE veut qu’elle mette le pied dans un train en marche que notre pays ne conduit pas…

Stabiliser l’impôt d’après la dépense B&F: Que va devenir l’impôt au forfait à la suite de la décision du peuple zurichois du 8 février 2009 de le supprimer? P.K.: Nous ne reviendrons plus à l’époque où les statuts fiscaux particuliers de tout ordre n’étaient ni connus, ni contestés. En ce qui concerne l’imposition d’après la dépense, des initiatives populaires tendant à sa suppression seront ou ont déjà été lancées dans certains cantons, notamment alémaniques. J’ai bon espoir que ces initiatives seront rejetées, mis à part, peut-être, dans certains cantons n’abritant quasiment aucun forfaitaire. Aussi, les parlementaires de droite doivent rester unis et un important travail d’information doit être réalisé, ce qui n’avait pas été le cas à Zurich. Dans cette optique, j’ai cofondé l’association Plus-Value Suisse active en Suisse romande et alémanique. B&F: Vous êtes aussi à l’origine d’un mouvement prônant la réforme de l’impôt d’après la dépense, que pensez-vous alors des modifications décidées par la Conférence des directeurs cantonaux des finances (CDF), le 29 janvier dernier? P.K.: Le propre de tout outil de promotion économique est d’être attractif pour les bénéficiaires et accepté par les habitants de

«Il est illusoire de croire que, dans le cadre de ses négociations, la Suisse pourra obtenir la libre circulation des services financiers si elle refuse l’échange automatique d’informations» PHILIPPE KENEL – AVOCAT

l’Etat concerné. Or, autant je suis convaincu que le peuple suisse ne souhaite pas que les résidents étrangers, célèbres ou fortunés, quittent notre pays, autant je pense qu’il souhaite que les forfaitaires paient suffisamment d’impôts, que le système soit plus transparent et que ses conditions d’application soient strictement contrôlées. Par conséquent, j’approuve la décision de la CDF qui est le fruit d’un compromis entre la gauche et la droite, de même qu’entre les grands cantons et les périphériques. Je regrette, cependant, le passage de cinq à sept fois la valeur locative qui pénalise fortement les forfaitaires louant des biens coûteux, à Lausanne ou à Genève. Néanmoins, je l’accepte dans la mesure où c’est le prix à payer pour stabiliser politiquement l’impôt d’après la dépense et disposer de meilleurs arguments pour contrer l’initiative tendant à sa suppression, qui sera lancée dans le canton de Vaud par le POP en mars 2010. ■ D.P.

B&F

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ENJEUX TRUSTS ET TVA

Modifications de la pratique administrative La Convention de La Haye sur les trusts est entrée en vigueur le 1er juillet 2007. En matière de fiscalité, l’imposition des trusts a été réglementée par la Circulaire n°20 en date du 27 mars 2009 tandis que les dispositions applicables pour ce qui est de la TVA sont réglées par la nouvelle brochure n°14 qui a pris effet le 1er octobre dernier. Explications. Avant la nouvelle publication administrative

Alexandre SADIK, Associé TVA Fabienne BOINNARD, Senior Manager TVA PricewaterhouseCoopers SA

L

a Convention de la Haye sur la loi applicable au trust et à sa reconnaissance est entrée en vigueur le 1er juillet 2007. La ratification de cette convention a enfin permis des solutions juridiques reconnues aux questions qui se posaient dans la pratique juridique. L’Administration fédérale des contributions (AFC) a ensuite décidé de réglementer de manière uniforme, en matière d’impôts directs et d’impôt anticipé, l’imposition des trusts par le biais de la publication, le 27 mars 2009 de la Circulaire n°20. Finalement, la TVA a, elle aussi, adapté ses règles d’imposition en la matière et ceci, au sein de la nouvelle brochure n°14, publiée en août 2009 avec effet au 1er octobre 2009. Par ailleurs, nous partons du principe que ces nouvelles règles ne devraient pas être modifiées par l’entrée en vigueur de la nouvelle Loi sur la TVA au 1er janvier 2010. Après un bref rappel des règles écrites et non écrites qui prévalaient sous l’égide de la publication administrative de l’AFC (brochure n°14 ancienne version), nous examinerons les modifications de la pratique de l’AFC au sein de cette nouvelle brochure n°14.

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B&F

«A l’instar de ce qui se produit en matière d’impôts directs, l’imposition des prestations de services rendues à des trusts est désormais fonction du type de trusts et non plus du type de prestataires» FABIENNE BOINNARD PRICEWATERHOUSECOOPERS SA

La précédente publication administrative (ci-après ancienne brochure n° 14) traitait les trusts comme des opérations contractuelles entre fiduciants et fiduciaires dont le lieu d’imposition était fonction du domicile du trustee. Si une pluralité de trustees existait, le lieu d’imposition était celui du trustee titulaire du compte ou du dépôt de titres du trust et le chiffre d’affaires réalisé avec ce dernier n’était pas soumis à l’impôt seulement s’il avait sa résidence ou son siège à l’étranger. En effet, selon cette publication, le domicile tant du(es) constituant(s) (ci-après settlors) que celui des bénéficiaires n’était, en principe, pas déterminant. Toutefois, sur base d’une pratique non publiée de l’AFC, les prestations de services rendues par les trustees aux trusts qu’ils géraient étaient imposables au lieu du(es) bénéficiaire(s) dudit trust. En conséquence, le traitement TVA appliqué aux trusts selon l’ancienne brochure n°14 était fonction de la qualité du prestataire (trustee ou tiers) et non du type de trust. Ainsi, toute prestation de services immatérielle (telle que définie à l’ancien art. 14 al. 3 de la loi fédérale régissant la TVA et au nouvel art. 8 al. 1) fournie par des tiers (c’est-à-dire tout prestataire hormis le trustee) à un trust était imposable au lieu de domicile du trustee titulaire du compte du trust, alors que les prestations de ser-

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TRUSTS ET TVA vices rendues par le trustee, en cette qualité de gestionnaire du trust, étaient imposables au lieu du(es) bénéficiaire(s) du trust.

Après la nouvelle publication administrative La nouvelle publication administrative (ci-après nouvelle brochure n°14) opère un changement radical et bienvenu dans le traitement TVA appliqué aux prestations de services rendues aux trusts. Ainsi, à l’instar de ce qui se produit en matière d’impôts directs, l’imposition des prestations de services rendues à des trusts est désormais fonction du type de trust et non plus du type de prestataires. Un trust peut être révocable ou irrévocable.

non contraignante sur le plan juridique, la façon dont il devrait exercer ses compétences. Si le settlor accorde une importance particulière à certains points déterminés, il peut être prévu dans le «trust deed» que certaines décisions du trustee nécessiteront l’accord préalable d’un «protector». Au sein d’un trust à intérêts fixes, les intérêts des bénéficiaires sont spécifiquement fixés dans les limites de l’acte fiduciaire et l’administrateur n’a aucun pouvoir pour modifier ce dernier alors qu’au sein d’un trust discrétionnaire, l’acte fiduciaire donne à l’administrateur le pouvoir de déterminer l’attribution du revenu et du capital parmi les membres de la classe de bénéficiaires.

1. Le trust révocable Traitement TVA Un trust révocable peut être terminé dès le 1er octobre 2009 ou changé par le settlor à la fin d’une La nouvelle brochure n°14 opère donc période indiquée ou à tout moment. une distinction entre le trust révoLorsqu’un patrimoine est affecté à un cable, le trust irrévocable à intérêts trust de manière révocable, il ne sort fixes et le trust irrévocable discrétionnaire. Alors que dans les faits, elle pas de la sphère économique du n’opère qu’une réelle distinction entre settlor, ce dernier se réservant le droit de révoquer le trust à une date «Si plus de la moitié des bénéficiaires les trusts révocables d’une part et ultérieure et de se faire restituer le irrévocables d’autre part. et/ou trustee(s) résident sur terripatrimoine résiduel, respectivement Ainsi, en ce qui concerne les prestade faire attribuer celui-ci à un tiers. Le toire suisse, la TVA au taux légal en tions fournies à un trust révocable, settlor ne s’est donc ainsi pas dessaisi elles sont réputées fournies au settlor vigueur devra être prélevée sur les (vu définitivement de son patrimoine. Ce que ce dernier ne s’est pas desn’est pas la désignation du trust dans services rendus et facturés au trust» saisi de ses biens de manière irrévol’acte constitutif (trust deed) qui cable en faveur du trust) et partant, ALEXANDRE SADIK est déterminante pour le traitement elles sont localisées, du point de vue PRICEWATERHOUSECOOPERS SA de la TVA suisse, au lieu de résidence fiscal, mais bien sa signification écodu settlor. nomique. Un trust qualifié d’irrévoEn ce qui concerne les prestations cable peut donc aussi bien tomber pas de marge d’appréciation quant à l’attridans la catégorie des trusts révocables si le fournies aux deux types de trusts irrévodessaisissement n’est pas définitif. bution des revenus et/ou des actifs du trust. cables, elles sont réputées fournies aux Les trusts révocables se transforment en Par la création d’un trust irrévocable à intébénéficiaires du trust ou au(x) trustee(s) si trusts irrévocables à la mort du settlor, sauf rêts fixes, le settlor se dessaisit définitiveles bénéficiaires ne sont ni connus ni identisi une autre personne possédait le droit de ment de sa fortune. fiables. En conséquence, si plus de la moitié révocation ou si ce droit est transmis à un Contrairement au cas des trusts discrétiondes bénéficiaires et/ou trustee(s) résident tiers au décès du settlor. naires, pour lesquels les droits des bénéfisur territoire suisse, la TVA au taux légal en ciaires n’ont qu’une nature expectative, le vigueur devra être prélevée sur les services bénéficiaire d’un fixed interest trust dispose rendus et facturés au trust. 2. Le trust irrévocable: d’une prétention patrimoniale qu’il peut Pour conclure, nous saluons l’alignement de Un trust irrévocable peut, à son tour, être faire valoir en justice. Par conséquent, le l’AFC sur certains aspects des impôts qualifié de trust discrétionnaire ou de trust bénéficiaire d’un fixed interest trust peut directs liés aux trusts et espérons que à intérêts fixes. En ce qui concerne les être assimilé à un usufruitier. l’entrée en vigueur de la nouvelle Loi sur la trusts à intérêts fixes (fixed interest trusts), Le settlor peut éventuellement exposer au TVA ne modifie pas le nouveau traitement les détails touchant aux bénéficiaires et aux trustee quelles motivations l’ont poussé à TVA à appliquer aux trusts. ■ droits qui leur sont conférés ressortent constituer un trust dans une «letter of directement de l’acte constitutif. Dans ce wishes» et lui faire connaître, de manière type de trusts, le trustee ne possède donc A.S. & F.B.

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SOLUTIONS BANCAIRES

Nouveaux modèles opérationnels pour la banque privée La décennie qui s’achève laissera son empreinte dans le secteur bancaire helvétique. La crise financière de 2008 a durement touché les plus grands acteurs de la place. L’attaque qui a suivi contre les paradis fiscaux et le secret bancaire suisse n’épargne personne, provoquant un véritable tremblement de terre pour une industrie séculaire, fondée sur les deux piliers que sont la pérennité des investissements et la discrétion affirmée à la clientèle. Philippe JULIA Financial Services Partner IBM Global Business Service

S

i les mauvais rendements des investissements financiers en 2008 se redresseront sur le long terme, l’attaque frontale orchestrée par les plus grandes nations économiques contre le secret bancaire suisse est plus déstabilisante. Elle peut désorienter des organisations dont le succès multicentenaire reposait parfois, en grande partie, sur cet argument. Ce ne sont pourtant pas les premières attaques contre l’un des piliers de la banque privée suisse. L’effritement du secret bancaire suisse est en route depuis de nombreuses années. La chute du bloc soviétique et la traque aux financements mafieux et terroristes l’ont déjà accéléré (procédures et outils de détection contre le blanchiment d’argent). Mais la crise financière de 2008 a vu l’impératif de renflouer les caisses étatiques fédérer les grands pays économiques contre l’évasion fiscale en stigmatisant toujours davantage une suisse isolée, seule face aux grands blocs économiques actuels.

Réglementation de plus en plus contraignante Reviendra-t-on en arrière? Personne ne l’espère. En resterons-nous à la situation actuelle? On peut en douter. Si la discrétion

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des affaires n’est pas remise en cause et l’échange systématique d’information entre pays pas encore à l’ordre du jour, plusieurs facteurs viennent déstabiliser les stratégies établies. La perte de confiance de la clientèle, le reflux des capitaux vers leur pays d’origine mais aussi la réglementation toujours plus contraignante contribuent, en effet, à mettre la profitabilité du secteur sous pression. Nul doute qu’un équilibre nouveau naîtra de cette période d’incertitude. Il semble loin le temps où le gérant de fortune tout puissant attendait patiemment son client étranger à la recherche d’un havre fiscal. Les stratégies de type Onshore Private Banking se mettent en place pour conserver dans l’entreprise la majorité des actifs en régularisation. La Chine, l’Inde, le Brésil, la Russie imposent une proximité que n’offre pas le modèle offshore suisse. Demain, l’Afrique et l’Amérique du sud, à leur tour, posséderont leur Singapour ou Dubaï locaux. La Suisse a de nombreux atouts à faire valoir dans cette multiplication de centres financiers. Sa stabilité politique et monétaire, sa neutralité économique ou encore la qualité, la personnalisation et l’exhaustivité de ses services sont toujours loués par la communauté économique et par ses clients. Mais la présence dans les principaux centres financiers, le positionnement rapide sur les marchés onshore, la diversité croissante des produits et réglementations font éclater le modèle opérationnel standard où l’ensemble des fonctions de front, middle et back-office étaient réalisées dans et par une

seule et même entité en Suisse. L’urgence avec laquelle les structures organisationnelles et les moyens de production doivent s’adapter amène les entreprises à agir plus radicalement que par le passé.

De nouvelles chaînes de valeur Une transformation radicale du monde de la banque privée est en cours. Elle verra naître des associations, des formes de coopération entre établissements bancaires que les années dorées avaient rendues inutiles voire contre-productives. Avec la nécessité d’assumer son histoire dans cette phase de transition, une nouvelle ère s’ouvre; une ère où la capacité de réaction est capitale; une ère où les schémas traditionnels cèdent la place à de nouvelles chaînes de valeur. Les signes sont tangibles sur le marché: rachat de banques et coopération, externalisation des services à faible valeur ajoutée avec l’émergence de fournisseurs crédibles, spécialisation accélérée. Trois catégories d’établissements pourraient ainsi émerger au cours des prochaines années: les établissements de gestion de la clientèle, les entreprises spécialisées dans la création et gestion de produits financiers et les grands centres opérationnels offrant des services back-office à des prix compétitifs. Les défis sont nombreux. Adapter l’argumentaire de vente et les outils de gestion de la clientèle au développement de marchés onshore exige le changement d’habitude des gérants, futurs grands consommateurs d’applications informatiques. Le marketing est à bâtir. La coopération, les synergies

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BANQUE PRIVÉE avec d’autres établissements bancaires ou avec des centres de compétences délocalisés exige toujours plus d’agilité tant décisionnelle qu’informatique, de capacité d’intégration du système d’information dans le plus grand respect des règles de confidentialité des données.

Adaptation des systèmes d’information Ainsi, plus que jamais l’adaptation des règles de gouvernance et des processus d’entreprise pour favoriser l’émergence de centres de compétences locaux ou internationaux, la mise sous forme de composants informatiques adaptables aux différentes organisations du travail («componentisation») sont nécessaires. Tout comme l’«anonymisation» du système d’information est nécessaire pour opérer à distance, à partir d’un centre de compétence, des processus métier, des applications ou des serveurs informatiques. Tous ces éléments jouent un rôle d’accélérateur dans le déploiement rapide de nouvelles solutions en rendant possible de nouvelles synergies, garantes de coûts opérationnels compétitifs. Il existe plusieurs méthodes qui, en rassemblant ces différents éléments, aident à la prise de décision sur le meilleur modèle opérationnel à mettre en œuvre. Par exemple, la méthode Component Business Modeling (CBM) d’IBM donne un cadre à la définition de modèles opérationnels globaux, en assurant la cohérence entre la stratégie métier, son impact sur la gouvernance et sur les choix stratégiques des systèmes d’information.

«La présence dans les principaux centres financiers, le positionnement rapide sur les marchés onshore, la diversité croissante des produits et réglementations font éclater le modèle opérationnel standard où l’ensemble des fonctions de front, middle et back-office étaient réalisées dans et par une seule et même entité en Suisse» PHILIPPE JULIA – IBM

Des choix difficiles Outil de communication, CBM permet de différencier les activités à vocation locale, des fonctions globales délivrées par un centre de compétence. En identifiant les domaines stratégiques ou les services non compétitifs, elle aide au choix du meilleur sous-traitant comme à la matérialisation de services innovants. «Un certain nombre d’organisations tentent d’aligner l’informatique et le métier depuis de nombreuses années. ING grâce à IBM et à leur méthodologie de “mosaïque parlante” appelée CBM a pu créer, en quelques semaines, une compréhension commune des priorités.» Tel est le constat de Christophe Adant, responsable IT applications et organisation, à l’issue de la mission avec IBM qu’il a dirigé

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durant l’été 2009 sous la supervision du COO de la banque, Jean Christophe Bernard. Les aides à la transformation de la banque privée existent aujourd’hui. CBM est l’un de ces moyens, au même titre que les services d’outsourcing bancaire et informatique, la sécurité, l’anonymisation de données, les applications «prêtes à l’emploi» ou partagées entre plusieurs clients. Alors pouvons-nous imaginer les acteurs majeurs de la banque privée et leur modèle opérationnel en 2050? Le pari est devenu risqué. Certains décideront probablement de gérer l’historique en se repliant sur soi et en tentant de retarder l’inéluctable. D’autres, au contraire, préféreront l’utiliser pour mieux repositionner l’entreprise sur les décennies à

venir. Quel que soit le choix – difficile – que l’entrepreneur fera, nul doute que les gestions de l’information et de la relation client resteront capitales et continueront à rassembler des acteurs aussi dissemblables que des entreprises bâties sur le secret des affaires et les organisations incarnant la société de l’information. Nul doute qu’en réduisant les coûts opérationnels et en garantissant la confidentialité des données, les centres de compétences bancaires, synonymes d’une meilleure compétitivité et d’adaptabilité aux défis actuels de la banque, continueront leur développement en servant les modèles offshore comme onshore. ■ P.J.

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SOLUTIONS BANCAIRES TELEINVEST

Un ingénieux couturier de la Bourse en ligne La disparition des Bourses à la criée a constitué une extraordinaire opportunité pour le groupe Teleinvest. Créée par un ingénieux polytechnicien roumain en 1990, elle propose une plateforme novatrice de trading modulaire sur mesure pour les salles de marché. Pierre-Henri BADEL

L

a particularité de l’automatisation des transactions boursières est qu’elle doit offrir une fiabilité sans faille, un fonctionnement sans interruption et une très grande rapidité de transfert des données. Toutes ces qualités sont le reflet de la fébrilité et de la confiance aveugle qui régnaient dans les salles de marché avant l’irruption de l’informatique. Plutôt que d’opter pour une technologie existante, le Roumain Aurel Dan, créateur du groupe Teleinvest SA, a choisi d’opter pour une solution propriétaire, seul moyen de maîtriser totalement son développement et son évolution. Le bus IFIS (Integrated Financial Information System) constitue la colonne vertébrale de la solution Predator de Teleinvest. Il permet d’échanger des données en temps réel entre les différents postes client du système. La vitesse de transmission des données n’est limitée que par la caractéristique des cartes, au maximum 10 Gbits/s. Ce réseau local, qui gère des flux d’informations, à haut débit peut avoir une prolongation au-delà d’un site spécifique en vue d’étendre sa portée à d’autres salles ou bâtiments ou à des sites distants.

Contrôle dynamique et automatique des accès Les données en provenance d’autres systèmes d’informations

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et Bourses mondiales alimentent, en temps réel, le système de gestion des ordres de Bourse Predator de Teleinvest. Des interfaces ont été spécialement développées par la société pour tenir compte des différentes variantes du protocole FIX (Financial Interchange Protocole). Et effet, ses spécificités varient selon les fournisseurs d’information en question. «Ce protocole découle plus d’une philosophie que d’un véritable standard», rappelle en l’occurrence Aurel Dan. La connexion au bus s’effectue selon les différents protocoles adoptés par chacune des différentes Bourses. Des interfaces taillées sur mesure par les concepteurs de Teleinvest Roumanie permettent ainsi à l’applicatif de fonctionner de manière cohérente avec les différentes places de marché. Comme il se doit, un serveur de contrôle gère dynamiquement et automatiquement les accès au système depuis les différents postes clients connectés au réseau.

Une évolutivité à la carte Ce réseau à architecture distribué supporte le clustering, c’est-à-dire que l’on peut interconnecter des postes en grappe autour de l’infrastructure centrale. On peut ainsi y ajouter des postes supplémentaires à sa guise pour suivre la montée en puissance de la banque. Tout nouvel élément qui se greffe sur l’épine dorsale est automatiquement reconnu, ce qui rend l’administration du réseau extrêmement simple et efficace. Un tel mécanisme permet ainsi de faire évoluer l’infrastructure informatique de l’ensemble du système en permanence et en fonction de l’évolution des besoins de la banque. «Avec les techniques de transmissions conventionnelles, il est nécessaire d’ouvrir à chaque fois une session pour chaque transaction, ce qui conduit à une saturation du réseau dès que le nombre des transactions augmente, ce qui n’est pas le cas avec notre réseau de type broadcast», souligne Aurel Dan. Un argument qui n’a pas laissé indifférent des établissements suisses tels que Pictet & Cie, BNP Paribas, la Banque Privée Edmond de Rothschild, Crédit Agricole Indosuez, etc. qui ont tous opté pour la solution de Teleinvest. Au total, une centaine de références pour l’un ou l’autre de ses produits.

Coller aux exigences du métier Le système de gestion des transactions peut, dès lors, fonctionner en temps réel, condition sine qua non pour coller aux exigences du passage des transactions. Conçu de manière modulaire, la solution de gestion des transactions exploite

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TELEINVEST un outil d’automatisation des ordres qui s’avère très efficace et extrêmement performant. Il englobe un routeur d’ordre intelligent (smart order route) et un système de gestion et d’exécution des ordres (OMS/ EMS) multimarché. Inventé par l’équipe de développement d’Aurel Dan en 1995, l’algorithme de passage des ordres démontre combien l’entreprise avait compris les enjeux majeurs. «A l’époque, on les appelait les ordres spéciaux et il fallait les entrer manuellement par petits lots pour ne pas trop influencer les cours de la Bourse, rappelle Aurel Dan. Mais aujourd’hui, l’approche algorithmique que nous avions inventée en 1995 est reconnue comme étant le nec plus ultra, ce qui démontre bien le rôle de pionner que nous avons joué dans la gestion des salles de marché depuis des années.»

Une constante quête de la perfection Cette recherche d’innovation n’a pourtant pas cessé depuis cette époque. La solution Predator a constamment évolué au fil des années pour s’adapter aux desiderata des clients et aux changements technologiques. «Nous n’avions pas les moyens ni le temps de nous attaquer à ce système en établissant un très complexe cahier des charges. Nous avons donc commencé par créer un pilote que nous avons testé en situation réelle», reconnaît Aurel Dan. Une telle approche interactive s’est avérée très efficace car cela a permis de s’approcher toujours plus près des besoins du marché. Et Teleinvest associe ses clients dans le développement de sa solution, ce qui permet de tenir compte de leurs besoins très tôt dans le processus d’adaptations de sa solution. Appelée Xtreme Programming, cette méthode, qui intègre le client dans l’équipe de développement, évite bon nombre d’allers et retours entre la banque et les développeurs et accélère ainsi les travaux de mise au point de la solution. «De cette manière, nos produits sont constamment réactualisés, relève fièrement Aurel Dan. Cela a comme corollaire que cette plateforme est le fruit de 1000 années/ homme de travail.»

Garantir une sécurité à toute épreuve En plus de l’exigence impérative du temps réel, une plateforme de trading doit offrir un niveau de sécurité à toute épreuve. Une

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«L’approche algorithmique que nous avions inventée en 1995 est reconnue comme étant le nec plus ultra, ce qui démontre le rôle de pionner que nous avons joué dans la gestion des salles de marché» AUREL DAN – TELEINVEST

hypothétique panne engendrerait, en effet, des pertes considérables pour ses utilisateurs et ruinerait sa réputation à tout jamais. De plus, la solution Predator offre des capacités de conservation des données permettant de retrouver en tout temps les traces des transactions effectuées par les traders. La sécurité de la solution découle ainsi du fait qu’elle a été entièrement développée par croissance interne. «Cela a l’inconvénient que l’on avance moins vite», reconnaît Aurel Dan. Mais, par contre, le savoir-faire reste entièrement au sein de la société et cela offre une meilleure maîtrise des développements. Au portefeuille du groupe Teleinvest, on trouve aussi un processeur d’intégration vectoriel (ou Vectorial Integrator Processor, ou VIP). Il s’agit en fait d’un tableau tridimensionnel qui est un instrument de rêve pour les salles de marché. Il s’avère particu-

lièrement utile pour les transactions Nostro (property trading) car cela permet de visualiser toutes les propriétés du marché sous la forme d’une seule représentation, ce qui est nettement plus synthétique et plus parlant. Ce véritable carnet d’ordre automatique permet de prendre rapidement des décisions portant sur des processus complexes et qui ont des répercussions lourdes de conséquences. Aurel Dan reconnaît pourtant que le principal intérêt de l’entreprise réside dans ses équipes de développement. Essentiellement constituée d’ingénieurs issus des grandes écoles techniques roumaines, elle est l’élément sans lequel l’entreprise ne pourrait pas exister aujourd’hui. Une réalité que reconnaît bien volontiers Aurel Dan. Comme quoi, c’est parfois quand on a le dos au mur qu’émergent les opportunités les plus folles. ■ P.-H.B.

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SOLUTIONS BANCAIRES © RR DONNELLEY DOCUMENT SOLUTIONS

Leumi passe à la gestion électronique de documents La Banque Leumi a fait appel à la société RR Donnelley, spécialisée dans la gestion électronique de documents, afin d’assurer la mutation vers des dossiers clients électroniques. Particulièrement lourde, l’opération a débuté fin 2007 par la numérisation couleur et l’indexation des archives de la banque (85 000 documents représentant au total près de 600 000 pages). Lors d’une deuxième phase achevée en septembre 2009, la banque a procédé à l’intégration des documents du client reporting ainsi que du Holdmail, une application de gestion du courrier client en banque restante. Quatre autres millions de documents, comprenant plus de dix millions de pages, ont alors été préparés électroniquement et importés ou scannés et traités. Les documents sont tous mémorisés au format d’archivage PDF/A. Dans la troisième phase du projet, les messages SWIFT entrant chaque jour sous forme numérique ont été intégrés dans les processus existants. Jusqu’à fin 2009, la banque a mis en place d’autres fonctionnalités utiles comme l’indexation numérique et l’archivage des contrats. Sur les 140 personnes qui travaillent à la Banque Leumi, environ 110 utilisent ce nouveau système ou ses applications. Ce qui a nécessité de nombreuses heures de formation. Mais le résultat est à la hauteur du chantier: «Nous avons déjà pu réaliser des économies substantielles de 20% sur les frais d’exploitation auxquelles s’ajoutent des gains d’efficacité et de qualité du même ordre de grandeur, une hausse considérable de la qualité du service et des améliorations du milieu de travail des collaborateurs», assure Esther Rölli, la responsable de ce projet au sein de la banque. ■

L’environnement système actuel de la Banque Leumi

B-Source Master, premières implémentations

LGT poursuit l’adoption d’Avaloq

La Neue Zürcher Bank (NZB) est devenue la première banque de Zurich à opérer sur B-Source Master, la nouvelle solution d’externalisation des processus métiers (BPO) «powered by Avaloq» fournie par B-Source. B-Source fournit depuis 2002 à NZB toute sa gamme de services d’externalisation des processus métiers, qui englobe les processus back-office des banques ainsi que l’ensemble des services informatiques. A Genève, c’est la NBAD Private Bank (Suisse) SA qui vient de migrer sur la nouvelle solution de BPO développée par la société tessinoise B-Source. Cette dernière fournit ses services d’externalisation à la NBAD Private Bank (Suisse) SA depuis son implantation à Genève en 2007. ■

LGT Group annonce avoir mis en exploitation Avaloq Banking System dans ses filiales en Allemagne – où c’est une première pour l’éditeur suisse de logiciels bancaires – et à Singapour. LGT avait déjà introduit, il y a une année, le logiciel bancaire Avaloq au Liechtenstein et en Suisse. L’implémentation de la solution n’est pas terminée pour autant dans le groupe. Avec la reprise de Dresdner-Bank Schweiz AG, qui sera migrée au deuxième trimestre 2010 sur Avaloq Banking System de LGT Bank Suisse, et la nouvelle banque à Hongkong, qui passera sur Avaloq fin 2010, il reste encore du chemin à parcourir pour que l’ensemble du groupe ait fini d’uniformiser son système. ■

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NEWS EN BREF

Saxo Bank (Schweiz) AG, la banque spécialisée dans le trading et l’investissement en ligne opérant au niveau mondial, a choisi green.ch comme opérateur pour ses centres de données en Suisse. Le mandat remporté par green.ch comprend l’exploitation d’un centre de données principal et celle d’un centre de données de secours sur un autre site. La fourniture d’une connectivité redondante à haute vitesse, un espace pour le Business Continuity Office et de l’infrastructure de réseau sont également inclus dans ce partenariat. AIM Software, le fournisseur de solutions de data management pour le secteur bancaire et financier, a été choisi par la banque privée zurichoise Finter Bank pour l’implémentation de GAIN Data Management platform. Cette solution permet d’intégrer les données délivrées par SIX Telekurs et Reuters dans le système informatique de la banque, en l’occurrence Apsys de la société Sungard. Au terme d’un processus d’implémentation d’un peu plus de deux ans, la Baloise Bank SoBa a mis en exploitation Avaloq Banking System au 1er janvier dernier. Auparavant, l’établissement tournait avec le système bancaire Boss. La Baloise Bank SoBa utilise désormais tous les modules de Avaloq Banking System. Cornèr Banca SA a choisi d’implémenter Credoc Windows, le logiciel développé par la société lausannoise MIT (Micro Informatique & Technologies SA) pour la gestion de ses opérations de trade finance. Le système mis en place a été interfacé avec le logiciel bancaire maison de la banque et la solution Stelink de Sterci.

L’information bancaire et financière en ligne sur

www.banque-finance.ch avec B3B MARS - AVRIL 2010



HISTOIRE

Novembre 1993: la crise des banques vaudoises Avec le recul, il apparaît que la Banque Vaudoise de Crédit était encore bien plus près de la faillite qu’on ne le croyait. Mise sous pression par la Commission fédérale des banques, la Banque Cantonale Vaudoise allait reprendre une banque dont la faillite avait gravement compromis la renommée du canton. Retour sur un début de panique à la rue Centrale, à Lausanne. Mohammad FARROKH

L

e mercredi 10 novembre 1993, le téléjournal de la TSR évoquait les difficultés de la Banque Vaudoise de Crédit, la BVCréd comme on l’appelait familièrement à Lausanne. C’était aussi pour la distinguer de la Banque Cantonale Vaudoise (BCV), car la BVCréd était un peu une banque cantonale bis avec son réseau de 30 agences pour 380 collaborateurs à l’été 1993. Les Vaudois ne s’y trompaient pas: les dossiers refusés par la BCV avaient tendance à tenter leur seconde chance à la BVCréd qui se montrait souvent moins sélective. Tellement moins que la qualité du portefeuille de crédits de ce qui était tout de même la 3e banque régionale de Suisse s’était passablement dégradée sous l’effet de la crise. Certes, à l’été 1993, la banque Migros avait donné le signal d’un début de reflux du niveau des taux hypothécaires. Mais le mal était fait, même si le montant des prêts à risques au bilan de la BVCréd (3,6 milliards) est, encore aujourd’hui, difficile à établir avec précision: en novembre 1993, alors qu’elle était sur le point de s’effondrer, la banque évoquait un chiffre de provisions inférieur à 100 millions sur l’exercice 1993. En fait, le chiffre réel était vraisemblablement plus proche de 200 millions, montant d’ailleurs tout à fait réaliste dans le contexte de crise immobilière qui était celui de l’époque. D’autres estimations faisaient état d’un portefeuille de crédits à risques situé entre 350 et 400 millions. Sous l’effet de la baisse des prix, la dégradation des bilans des banques avait été

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rapide, d’autant que la concurrence avait été acharnée dans les années 1985-1990. Les banques vaudoises avaient été mises sous pression par l’arrivée sur le marché immobilier de certains établissements étrangers, et, surtout, de la Banque Cantonale de Berne. Depuis le milieu des années 1980, en effet, le «gentleman’s agreement» qui invitait les banques cantonales à s’en tenir à leur marché respectifs n’était plus respecté. Les régions proches des limites cantonales étaient les plus touchées par ces empiétements, notamment l’est vaudois et la Riviera. Ce n’est, d’ailleurs, pas un hasard si la BVCréd avait «fusionné» avec la Caisse d’Epargne du Pays d’Enhaut, basée dans un district où la présence bernoise est traditionnellement forte. C’était en 1991 et, à l’époque, la BVCréd faisait encore figure d’établissement solide.

Panique à la rue Centrale Deux ans plus tard, les 11 et 12 novembre 1993, les clients de la Banque Vaudoise de Crédit allaient être des centaines à affluer au siège de la banque à Lausanne, pour fermer leur compte. Un montant de 100 millions de francs retirés en deux jours était articulé, chiffre qui peut paraître considérable pour une banque de réseau active sur le marché de la clientèle de détail. Mais la banque s’était aussi fait un nom sur le marché de la gestion de fortune et nombre de ses clients avaient des dépôts à sept voire à huit chiffres. Dans ce contexte, le vent de panique qui commençait à se lever sur la rue Centrale était tout à fait compréhensible. Tout le monde avait encore à l’esprit la fermeture des guichets de la Spar und Leihkasse Thun (SLT), deux ans plus tôt presque jour pour jour, et ce précédent

fâcheux avait de quoi alimenter un véritable «syndrome d’anniversaire». Bien entendu, les notables s’employaient à calmer le jeu, mais leurs assurances avaient d’autant plus

«Les banques vaudoises avaient été mises sous pression par l’arrivée sur le marché immobilier de certains établissements étrangers, et, surtout, de la Banque Cantonale de Berne»

de peine à convaincre que, parallèlement, se tenaient des réunions de crise. Une conférence de presse, convoquée le samedi 13 novembre parvenait à calmer le jeu, mais il avait fallu pour cela que la BCV annonce se porter au secours de la BVCréd, avec le soutien de l’Etat de Vaud. Sur le moment, on évitait de parler de reprise pure et simple de la 3e banque régionale de Suisse par la banque cantonale. Mais c’était bien de cela qu’il s’agissait et, en quelques semaines, les précautions oratoires allaient être abandonnées. Le lundi 15 novembre, c’était au tour du Conseil d’Etat vaudois de monter au créneau pour rassurer la population et annoncer une expertise destinée à dessiner les contours de l’avenir des banques vaudoises. L’exercice, qui allait d’ailleurs s’avérer relativement coûteux (plus d’un demimillion), relevait quasiment du rituel, tant le résultat était couru d’avance…

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BANQUES VAUDOISES Le processus qui allait déboucher, en janvier 1996, sur la fusion des deux banques cantonales, BCV et Crédit Foncier Vaudois était engagé. Quant aux deux banques régionales, on en parlerait déjà plus: la crise de novembre 1993 avait entraîné leur disparition en quelques semaines seulement. Pour ces dernières, la solution vaudoise s’était avérée la seule envisageable: au moment pressenti, l’Union de Banques Suisses avait rapidement jeté l’éponge et la Société de Banque Suisse était occupée ailleurs. Le même 15 novembre 1993 était annoncée la reprise, par la grande banque de Bâle, de la Banque du Seeland, la 2e banque régionale de la Suisse avec un bilan de 5 milliards de francs. L’ensemble du secteur des banques régionales était en crise depuis la faillite brutale de la SLT, dont la fermeture des guichets avait lancé une onde de choc qui menaçait de ternir la réputation de sécurité des banques suisses. Tout en minimisant publiquement l’enjeu, on en était très conscient à la Commission fédérale des banques (CFB) dont le directeur, Kurt Hauri, adoptait maintenant une attitude proactive. L’objectif était d’éviter à tout prix un remake de l’affaire de la SLT, quitte à bousculer une certaine forme de sociabilité en vigueur sur la place financière suisse.

fusionner la BVCréd avec l’autre grande banque régionale vaudoise, la Caisse d’Epargne et de Crédit (CEC) dont le siège était, lui aussi, installé à la rue Centrale, mais sur l’autre trottoir. Le seul fait de traverser la rue allait s’avérer impossible pour les dirigeants des deux banques pourtant voisines à bien des égards. Fondée au XIXe siècle par Louis Ruchonnet, l’un des pères du radicalisme vaudois, la CEC avait, à y regarder de plus près, une tradition de banque coopérative que la BVCréd n’avait pas. Banque des artisans et des commerçants, la CEC avait peut-être une orientation sur un segment de clientèle situé très légèrement au-dessous de celui de la BVCréd.

L’ART

Au surplus, la CEC était plus prudente que la BVCréd dont le dynamisme passait plutôt pour une qualité. Un dynamisme qui l’avait, par exemple, amenée à se positionner sur le marché du 2e pilier où elle avait conclu un partenariat innovant avec les Retraites Populaires. Mais ces différences, au demeurant limitées, allaient dans le sens d’une complémentarité, si bien que tout portait les deux banques régionales de la rue Centrale à unir leurs destins. D’ailleurs, la BVCréd était tout aussi radicale que la CEC, tellement même que la reprise de sa direction générale par un libéral, Hubert Reymond, avait pu apparaître comme une surprise. Mais il est vrai

DANS

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Une menace pour le canton La CFB, se souvient Francis Pahud qui, en novembre 1993, était président du Conseil d’administration de la BCV après en avoir présidé la direction générale jusqu’à fin 1992, avait menacé de fermer purement et simplement la BVCréd dans les vingt-quatre heures, au cas où la banque cantonale aurait annoncé son refus définitif de reprendre la banque de la rue Centrale. Or, la disparition brutale de la BVCréd aurait entraîné une grave désorganisation de l’économie vaudoise dans son ensemble. «La BVCréd avait plus de trois milliards et demi à son bilan. Si ces affaires avaient brusquement été bloquées, cela aurait donné une situation chaotique», commente Francis Pahud qui précise que BCV et BVCréd avaient de nombreux clients communs. Si la crise qui allait éclater en novembre couvait depuis plusieurs mois et s’inscrivait dans le contexte de la crise de l’ensemble des banques régionales, elle peut, avec le recul, apparaître comme la conséquence inévitable de l’échec des tentatives de

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HISTOIRE que ce dernier avait la réputation de pouvoir faire ouvrir «bien des portes». Malgré cette relative proximité politique, le mariage ne devait jamais se faire, même si, environ deux ans avant le sauvetage de la BVCréd, on n’en avait pas été loin. L’imminence d’une reprise avait même été annoncée par L’Agefi, mais l’affaire avait tourné court, semble-t-il au dernier moment. Pour expliquer cet échec, Francis Pahud évoque la difficulté de définir les termes de l’échange des actions. L’explication est d’autant plus vraisemblable que la valorisation des actions a, par exemple, fortement compliqué la fusion de la Banque Cantonale Neuchâteloise et du Crédit Foncier Neuchâtelois. Mais l’argument peut aussi avoir recouvert d’autres considérations: lorsque de deux conseils il faut n’en faire qu’un, nombre d’administrateurs perdent leur siège. Autre élément qui a pu jouer un rôle, la différence de taille entre les deux banques qui aurait inévitablement fait penser à une reprise par la BVCréd de la CEC, nettement plus petite avec ses 16 agences et ses 208 employés à l’été 1993. Il convient aussi d’inscrire ces difficultés de communication dans le contexte d’une place financière vaudoise privée de centre depuis que, le 1er février 1991, la Bourse de Lausanne avait définitivement fermé ses portes. Fondée en 1873, celle-ci avait pourtant été la deuxième en ancienneté de Suisse et, le 30 septembre 1987, son installation dans un immeuble moderne du quartier de Sébeillon avait pu donner à penser que l’institution avait encore un grand avenir. Un peu plus de trois ans plus tard, le choc n’allait en être que plus grand.

L’élément déclencheur Il reste que, à la direction de la Banque Vaudoise de Crédit, l’espoir d’une fusion toujours possible à plus ou moins long terme avec la Caisse d’Epargne et de Crédit, entretenu au moins à petit feu, faisait vivre. Dans ce contexte, l’annonce d’un rapprochement entre la CEC et le Crédit Foncier Vaudois allait faire l’effet d’une douche glacée. Le 5 novembre 1993, «l’alliance» entre la CEC et le CFV était rendue publique, ce qui donnait le signal à l’éclatement de la crise des banques vaudoises. Qualifié de fusion, le rapprochement allait plutôt avoir l’air d’un sauvetage à peine déguisé de la CEC par le CFV. Si le 19 janvier 1994 déjà, les actionnaires de la CEC accepteraient l’inté-

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BANQUES VAUDOISES gration de leur banque dans le CFV, c’est que toute autre solution s’avérerait impossible, en raison, notamment, d’un besoin élevé de provisions. Au surplus, la pression de la CFB semble, s’agissant de la CEC également, avoir été déterminante. En d’autres termes, Berne ne laissait pas le choix à des actionnaires qui s’en sortaient mieux que ceux de la BVCréd. Ils avaient été 5500 à se

«Les 11 et 12 novembre 1993, les clients de la Banque Vaudoise de Crédit allaient être des centaines à affluer au siège de la banque à Lausanne, pour fermer leur compte»

réunir à Lausanne vers la fin de décembre 1993, surtout pour partager une expérience douloureuse… En absorbant la CEC, le CFV avait pu croire, un instant, échapper à la dure nécessité d’une fusion avec la BCV. Depuis l’été 1993, cette dernière s’était faite plus pressante, elle-même soumise à des pressions politiques qui n’allaient pas se relâcher. Si la situation du CFV n’était pas aussi grave à court terme que celle des deux banques régionales, ses perspectives de survie à plus de deux ans étaient discutables, sinon passablement compromises. Comme le relève Francis Pahud, le CFV était soumis à une forte pression sur ses marges, et celle-ci aurait vraisemblablement rendu problématique sa survie à plus long terme. Trop visible politiquement pour son bien, le CFV était obligé de calculer la rémunération des hypothèques au plus juste alors même qu’il dépendait notamment pour son refinancement d’obligations de caisse de moins en moins demandées, surtout en période de baisse des taux. Il reste que c’est du côté du CFV que les réticences étaient les plus fortes. A tel point qu’à l’été 1993 encore, Jacques Treyvaud, président de la direction générale de la BCV, parlait prudemment d’étudier toutes les formes de rapprochements possibles. Longtemps d’ailleurs, le «problème politique» posé par la fusion des deux banques cantonales vaudoises avait bloqué, pour ainsi dire d’emblée, tout projet dans ce sens.

Les choses se précipitent Dans les années 1989-1990 encore, celui qui posait la question de la fusion avec le CFV, déjà traditionnelle, lors de la conférence de présentation annuelle des comptes de la BCV, s’attirait une réponse indulgente mais ferme de la part de Francis Pahud. Un tel établissement serait trop grand pour le canton, sans parler du problème politique. Trop grand pour le canton? L’argument faisait sens: ensemble, les deux banques affichaient à l’été 1993 encore, 113 succursales et agences pour 2154 employés, des chiffres à comparer à ceux des grandes banques (Banque Populaire Suisse inclue), soit 66 succursales et 2713 employés. Par rapport à l’évolution de son économie, le canton était surbancarisé, une évolution que reflétait l’article de Francis Kahn sur la place financière vaudoise, dans le numéro d’été 1993 de La banque suisse. Il y citait Jacques Treyvaud qui estimait que, avec une moyenne de 1638 habitants par point bancaire, ceux-ci étaient deux fois trop nombreux. Malgré cela, les résistances s’expliquaient notamment par le rôle joué par la CFV en matière de fixation du taux hypothécaire. Avec près de 40% du marché, le CFV donnait incontestablement le ton, dans un canton où les locataires sont majoritaires. La

«Le 5 novembre 1993, l’alliance entre la CEC et le CFV était rendue publique, ce qui donnait le signal à l’éclatement de la crise des banques vaudoises»

gauche, fortement représentée dans les instances du CFV, craignait de voir son influence diluée dans un établissement plus vaste, moins tributaire du marché hypothécaire. L’argument était cependant relativisé par la situation conjoncturelle qui avait amené une réelle détente sur le front du logement et surtout par la dégradation des ratios financiers. A l’automne 1993, on attendait la fusion pour le début de 1997. Elle allait devenir réalité en janvier 1996 déjà. ■ M.F.

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LIVRES PRO Funds Guide Switzerland 2010

Comment le private equity crée de la valeur Les fonds de private equity gagnent en importance, tant sur le plan de la société dans son ensemble que sur le plan politique, car les entreprises soumises à leur sphère d’influence sont toujours plus nombreuses. Face à la montée en puissance de ces fonds, il paraît important de comprendre leur mode de fonctionnement et d’évaluer leur impact sur les entreprises qu’ils détiennent dans leurs portefeuilles. Dans son ouvrage, l’auteur analyse 90 fonds de private equity ainsi que leurs portefeuilles. Ceci lui permet d’identifier les méthodes les plus efficaces en termes de création de valeur dans les entreprises détenues. Destinée aux professionnels du private equity, cette étude s’adresse également aux chefs d’entreprises désireux de tirer parti des méthodes appliquées avec succès par les fonds. En outre, dans la mesure où elle décrit le mode de fonctionnement détaillé des meilleurs acteurs du private equity, cette analyse permet également une évaluation réaliste de leur activité et contribue par conséquent à l’amélioration de la transparence d’un domaine encore mal connu. ■ Private Equity Buyout Fonds – Value Creation in Portfoliounternehmen, Alexander Becker, Bank-und finanzwirtschaftliche Forschungen, Band 391, Haupt Verlag, 445 pages, CHF 79.–

Bâle II vu depuis la Turquie Comptant au nombre des rares banquiers à avoir prédit la crise actuelle, Vahit Ferhan Benli, du groupe Kiler, l’un des principaux groupes de commerce de détail turcs, présente les méthodes et les procédures nécessaires à mettre en place pour satisfaire aux exigences de Bâle II. Il se propose, en particulier, d’aider les banques des marchés émergents à développer des solutions intégrées dans les domaines suivants, à savoir la création de plateformes de rating interne et la gestion des portefeuilles de crédit. Au-delà de la nécessité de répondre aux critères réglementaires, l’organisation prônée par l’auteur devrait permettre aux banques d’évaluer leurs décisions stratégiques à l’aune de leur impact sur leur capital économique. ■ A critical assessment of Basel II, Internal rating based approach – Implementation in Emerging Markets, The Case of Turkey – Vahit Ferhan Benli, Bank-und finanzwirtschaftliche Forschungen, Volume 392, Haupt Verlag, 294 p., CHF 59.–

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L’édition 2010 du Funds Guide Switzerland vient de paraître. Fidèle à la formule qui a fait son succès auprès des professionnels de la finance, ce petit guide très clair présente un classement répertoire des fonds de placement autorisés à la vente en Suisse. Les principales classes d’actifs sont représentées selon une présentation intuitive: les actions par régions, style et secteur; les obligations par monnaies ainsi que les fonds de convertibles, les fonds absolute returns et fonds de hedge funds sous la catégorie alternatifs. Le classement des fonds est effectué pour les années 2009, 2008, 2007 ainsi qu’annualisé sur cinq années. Seuls les fonds avec un rating minimum de trois étoiles Morningstar ont été pris en considération. Le Funds Guide 2010 comprend également une section sur les ETF listés au SIX, de même qu’un chapitre qui présente des profils détaillés de différents gérants de fonds. Cette nouvelle édition du guide est augmentée d’un chapitre consacré aux nombreuses curiosités sur les marchés financiers, dont les fameux graphiques et tabelles de Ibbotson (Morningstar) ou encore les comparaisons des grands «bear markets» de l’histoire. ■ Le Funds Guide 2010 peut être commandé sous www.marketstools.com pour le prix de CHF 50.–

Petits mais très rentables Il existe des effets marqués de momentum et de retour à la moyenne tant au niveau des marchés développés qu’à celui des marchés émergents. Une simple stratégie de type «contrarian» permet de tirer parti de ces rendements «anormaux». Telle est la conclusion à laquelle aboutit Thomas Züst à la suite de son étude portant sur les indices actions nationaux des marchés développés et des marchés émergents. Comme on pouvait s’y attendre, les excès de rendement sont particulièrement importants sur les marchés les plus petits, vraisemblablement très sensibles aux réactions exagérées des participants aux nouvelles informations. ■ Winner-Loser-Effekte in Developed and Emerging Aktienmärkten – Empirische Untersuchung von Reversal and Momentum bei nationalen Aktienindizes, Thomas Züst, Bank-und finanzwirtschaftliche Forschungen, Haupt Verlag, 2009, 251 pages.

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Art de vivre VOYAGER, DÉGUSTER, ACHETER, SORTIR, SE DÉTENDRE

CLUB MED 2

Et larguer les amarres…

Aujourd’hui, ici; demain, ailleurs. Ce rêve de grand voyageur se vit à bord du Club Med 2, un voilier grand luxe cinq mâts qui sillonne les mers avec élégance. Au programme: paysages à couper le souffle, exotisme de l’autre bout du monde, cabines design et champagne. Bien sûr.

Q

ui n’a jamais eu envie de jeter sur son épaule un gros sac de marin et de tout laisser derrière soi pour parcourir le monde? Tout le monde! Mais à défaut de pouvoir larguer les amarres pour de bon, une croisière sur le Club Med 2 offre un avant-goût – version luxe! – de la vie de baroudeur. Au total: 22 croisières et 46 escales pour savourer, comme l’écrivait le poète turc Seyranî, la beauté des voiles: «Ceux qui ont inventé le

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186 suites, de 18 à 36 m2, toutes avec vue sur la mer.

bateau à vapeur. Que savent-ils du vent qui gonfle les voiles?»

22 croisières et 46 destinations Dans les mers tropicales, chaque halte permet d’admirer des paradis naturels, de se prélasser sur des plages désertes, de découvrir des villes colorées et de visiter des joyaux historiques. Ou encore les rythmes d’Amérique latine. Ainsi, aux Caraïbes, quatre croisières mythiques entraînent les passagers parmi des paysages bleu saphir au gré

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Une cuisine et des buffets qui renouent avec la grande tradition du Club Med.

Art de vivre des «Grenadines», dans «Iles Vierges» au cœur du «Paradis créole» et sur le thème «Bleu caraïbes». Deux croisières, «Escapada latina» et «Latina America» font plonger les voyageurs au cœur de la diversité des cultures sud-américaines: Costa Rica, Venezuela, Jamaïque, Guatemala, Belize, Panama et Colombie. Club Med 2 propose aussi un nouveau «Cocktail Cuba-Mexique», qui conduit à La Havane, à la rencontre d’une culture métissée sur les rythmes enfiévrés de la salsa, puis sur les plages sauvages cubaines et, enfin, vers les côtes mexicaines du Yucatan et ses plus beaux sites mayas, pour une visite de l’ancienne cité de Tulum et du temple de Coba. A bord, ce voilier de 187 mètres de long avec six ponts – trois extérieurs et trois intérieurs – peut accueillir 392 passagers dans une atmosphère raffinée, mais décontractée. Récemment rénové sous la direction artistique de l’architecte d’intérieur française Sophie Jacqmin, le Club Med 2 est une plongée dans l’univers des grands

explorateurs et des voyages au long court, le tout baigné de clins d’œil littéraires.

terrannée qui mélange saveurs gastronomiques et cuisines locales dépaysantes. Au Magellan, pour le dîner, le chef compose des mets français ou exotiques. A ne pas manquer, le tea time vraiment gourmand et surtout, la dégustation de champagne en fin de journée. ■

L’univers des grands explorateurs Cartes du monde imprimées sur de grandes bâches, lampes de coursive, meubles à cartes en hommage à des navigateurs célèbres comme Colomb et Magellan ou encore poèmes du Bateau Ivre de Rimbaud imprimés sur les chemins de lit ou gravés sur les miroirs dans les escaliers. Une mise en scène subtile où l’on découvre chaque fois de nouveaux détails et des allusions tant à l’histoire qu’au monde de la navigation. Ainsi, dans le bar Moby Dick, l’esquisse d’une queue de cachalot se déploie jusqu’à la piste de danse tandis que dans le restaurant Le Magellan, au décor de poulies et de cordages, Sophie Jacqmin a dessiné une carte du monde aux belles tonalités or, corail et noir. Quant au Salon Pacific et son ambiance de club anglais, il plonge au cœur même d’une ancienne machine à écrire Remington.

Vue sur la mer pour les cabines du spa Carita.

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Les 186 suites, de 18 à 36 m2 avec toutes avec vue sur la mer, cultivent cette même poésie dans un espace fluide. Les couleurs de la mer – bleu profond, turquoise translucide, bleu anis – se marient à du bois foncé donnant aux cabines une joyeuse élégance.

Ambiance festive et décontractée.

Côté bien-être, le nouveau spa Club Med 2 by Carita, qui surplombe l’océan, cultive une ambiance zen et intimiste avec seulement cinq cabines de soins avec vue sur la mer. La vie sur le Club Med 2 a des allures de farniente, entre lézarder au soleil auprès des deux belles piscines et s’adonner aux mille et un sports nautiques. Le hall nautique, d’une surface de 85 m2 situé à la poupe du bateau, permet de pratiquer, notamment, la planche à voile, le ski nautique et la plongée bouteille… Enfin, le dépaysement passe aussi par la table avec la cuisine inventive du restaurant Le Médi-

Odile HABEL Photos Karine BAUZIN

Des mets français et locaux au menu du restaurant Le Méditerranée.

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Art de vivre HOTEL NEVAÏ ET KING’S PARC HÔTEL

Vivre le design au cœur de Verbier

Le King’s propose désormais une carte 100% italienne.

Pour tous ceux qui apprécient l’ambiance chic et décontractée de Verbier, le design Hôtel Nevaï ou son pendant classico-rustique King’s Parc Hôtel constitueront un pied à terre idéal pour une villégiature hivernale. Situées à l’entrée du village et partageant le même directeur, Marcus Bratter, les deux bâtisses quatre étoiles viennent de se refaire une beauté, l’une en se parant d’une touche ultra-branchée, l’autre en se plongeant dans la gastronomie italienne. Un avant-goût du style de l’hôtel dans le lobby du Nevaï.

E

t les transformations du géant King’s Group semblent convaincre. Pour preuve, le Nevaï (qui abrite le célèbre Farm Club) vient d’être sélectionné pour l’édition 2010 du Design Hôtels. Quant au King’s restaurant, il n’a pas encore reçu de nouveaux points de la part du GaultMillau (qui lui en avait accordé jusqu’à 14 pour son ancienne carte), mais la fraîcheur de ses mets saura transporter tous les palais, même les plus fins. Bien décidé à confirmer son statut hype, l’hôtel qui abrite l’une des discothèques les plus en vogue des Alpes, a délaissé son nom de Rhodania pour s’appeler Nevaï. Le mot est patois, mais sa consonance est

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moderne, à l’image de ce nouvel intérieur alliant le contemporain à l’ambiance feutrée des chalets. A la fois glacial et sulfureux. La basse mais large entrée de verre du Nevaï donne sur un

lounge bigarré, avec, d’un côté, des tables basses bordées d’une cheminée à l’éthanol, de l’autre un étroit salon constitué d’une vague de fauteuils aussi rouges que hauts. Au fond de la pièce, des hôtesses plus anglophones que francophones – Verbier oblige – donnent les clés des chambres, certes pas gigantesques, mais ô combien agréables (les suites disposent d’un jacuzzi sur le balcon et d’un salon «chill out» avec cheminée…) Le design est évidemment omniprésent. Du gigantesque bar qui ressemble à une piste de saut à ski à la fine gouttelette qui sert de lampe, du magistral bougeoir qui veille dans l’escalier au ciel étoilé qui s’offre depuis certaines baignoires, Une ambiance chaleureuse et design pour le bar lounge du King’s.

rien n’est laissé au hasard dans cet hôtel de luxe qui dispose aussi d’une salle de conférence et… d’un spa.

Des saveurs oubliées Si l’ambiance feutrée du Nevaï bar du premier l’étage comblera plus d’un visiteur à l’heure de l’apéro, les barbecues méditerranéens et asiatiques pourraient ne pas convenir à tous les palais délicats. Mieux vaut dans ce cas se rendre au restaurant du King’s, hôtel de luxe qui ne dispose que de suites. En effet, surfant sur l’envie de se démarquer, le King’s a relevé le pari audacieux d’abandonner sa carte de mets classiques, qui charmaient pourtant ses fidèles depuis dix ans, pour ne proposer une cuisine plus qu’italienne. Mais quelle cuisine! Toutes les saveurs sont là-bas centuplées. Car non seulement les mets sont préparés finement et avec style, mais aussi, et surtout, car le cuisinier apprête ses aliments si bien que ceux-ci se dévoilent entièrement à celui qui les dévore! ■ Ariel CLÉMENT Hôtel Nevaï, route de Verbier 55, Verbier King’s Parc Hôtel, rue de la Poste, Verbier

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ART

Art de vivre

L’art comme dialogue humaniste Jusqu’au 28 mai prochain, la banque Vontobel présente, dans ses locaux de la place de l’Université à Genève, une magnifique collection d’art aborigène. Il s’agit de la 9e exposition que la banque organise, dans une volonté de montrer à chaque événement un artiste ou un genre différent.

L

e lien que la banque Vontobel entretient de manière régulière avec le monde artistique date de l’arrivée à sa direction de Cédric Anker. Dès son entrée, en juillet 2006, dans cette institution bientôt centenaire, ce jeune directeur a instauré un climat de renouvellement qui a vu, dans un premier temps, la modernisation des bureaux, suivie par l’organisation régulière d’expositions d’art. Cette option a été retenue après bien des discussions sur la pertinence de constituer une collection privée d’œuvres d’art. «Cela nous aurait limités à terme, explique Cédric Anker, car nous aurions été rapidement privés d’espaces disponibles pour de nouvelles créations.»

Connaître à travers l’art Certes, l’art est une passion qui anime ce directeur – descendant par ailleurs de la famille du peintre suisse Albert Anker –, mais il représente, pour lui aussi, une manière d’entrer en dialogue avec sa clientèle, d’échanger sur le pourquoi on aime ou non telle œuvre, de s’interroger, bref, de la connaître plus afin de répondre au mieux à ses attentes. Car il s’agit là d’un souci perpétuel chez ce banquier que la presse a souvent qualifié de manière justifiée

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d’«atypique». «Mon but, en présentant un artiste, est de faire parler, de créer une atmosphère autour d’un travail artistique afin d’approfondir la relation humaine que j’entretiens avec mes clients, confirme Cédric Anker. Quelqu’un qui a fait fortune sur une vie entière a, inévitablement, un parcours fascinant qu’il m’intéresse de découvrir humainement. De plus, pour conseiller au mieux un client, j’ai besoin de savoir quel pourcentage de risque il est prêt à affronter, et ceci est un élément profondément ancré dans sa vie et sa personnalité. Avec cette nouvelle exposition sur l’art aborigène, j’aurai certainement envie d’aborder avec mes clients, par exemple, le thème de l’appartenance à la terre, telle que cette population la conçoit et qui s’oppose à notre vision occidentale, ou encore leur organisation sociale non pyramidale, ou bien aussi les efforts qui ont été fournis pour préserver cet art des contrefaçons et pour en assurer la qualité.»

Atmosphères diverses On le sent lorsqu’il en parle, avec enthousiasme: l’art aborigène est un courant qui lui tient à cœur. «J’ai eu la chance, lorsque j’étais en Australie pour apprendre l’anglais, de me familiariser avec ces peintures et l’histoire du peuple aborigène,

Michael Aspinall Murka (Maralinga – Australie méridionnale), «Treeless plain», sable et acryl sur toile, 101 x 76 cm.

confie-t-il. J’ai été donc très heureux d’accepter qu’une telle exposition puisse s’organiser à la banque. D’autant plus que ce sont des œuvres de qualité, faisant partie d’une importante collection privée.» Comme à chaque exposition que la banque organise, les frais de vernissage et d’impression des cartons d’invitation sont pris en charge par l’institution et les bénéfices des ventes sont exemptés de toute commission, car la banque ne se considère pas comme une galerie traditionnelle. En effet, Vontobel serait plutôt à considérer comme un organe de promotion d’artistes qu’elle met ainsi en contact, grâce à son important fichier d’adresses, avec de potentiels clients.

L’originalité de la démarche tient également dans les ambiances très différentes qui sont recréées lors des vernissages. «Pour l’expo de la NASA, j’avais contacté Omega qui avait gracieusement mis à disposition un mannequin avec une combinaison lunaire, raconte Cédric Anker. Il accueillait les invités à la porte de la banque le soir du vernissage. Pour l’art aborigène, j’ai demandé de la bière et du vin australiens et, à l’entrée, un joueur de didgeridoo. Certains collaborateurs m’ont fait part de leurs réserves, mais j’ai envie de créer ce contraste… ce qui entraînera certainement d’intéressantes conversations!» ■ Nicole KUNZ

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Art de vivre BENTLEY SUPERSPORT, NISSAN CUBE ET MAZDA CX-7

Mécanique d’exception, icône zen et 4x4 sportif

C

ette radicale version Supersports reçoit le moteur le plus puissant de l’histoire de Bentley. Son W12 bi-turbo 6 litres fournit désormais 621 CV à 6000 tr/min et son couple maximum est de 800 Nm. Des entrées d’air spectaculaires et la présence d’aérateurs sur le capot assurent l’indispensable refroidissement. Autre particularité de ce groupe, il passe «au vert» et accepte les biocarburants Les lignes épurées de la Supersports confirment sa vocation sportive. Des formes sculpturales qui répondent aux exigences qu’engendre sa nou-

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velle puissance, mais sans trahir le dessin de la légendaire Continental GT. A bord, l’habitacle est entièrement dédié au pilote. Baquets ultralégers mariant cuir et alcantara ou bois précieux remplacé par du carbone, donnent l’indispensable ton sportif et luxueux de cette nouvelle version. L’utilisation de nouveaux matériaux permet un gain de 110 kg; ce qui porte le poids à vide à 2240 kilos. Au volant, pas besoin d’un programme de launch-control pour faire un démarrage canon. Pied au plancher, l’ESP en mode Dynamic, il suffit de lâcher le frein. Grâce à la réactivité des turbos et à la transmission intégrale, la voiture franchit le 0 à 100 km/h en 3,9 secondes seulement et

annonce une vitesse de pointe de 330 km/h. Freins en céramique, changements de rapports ultrarapides et transmission intégrale 40/60 feront le bonheur des amateurs de mécaniques d’exception.

diesel de 110 CV avec boîte 6 vitesses. Une boîte automatique CVT est proposée en option. Ces deux groupes offrent la puissance idéale pour se faufiler dans le trafic. Son comportement rassurant, son excellent confort de sus-

Très prisé au Japon où il roule depuis une douzaine d’années, l’original Nissan Cube a pris le risque de s’expatrier. On l’attend avec plaisir car sa silhouette se démarque de manière sympathique dans le monde des citadines. Compact avec ses 3,98 m de long, le Cube se remarque par une généreuse hauteur de 1,67 m. Mécaniquement, il reprend la plateforme de la Micra et propose un moteur 1.6 l essence avec une boîte 5 vitesses de 110 CV et un 1.5 l

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AUTOMOBILE TABLEAU DE BORD ■ Audi en tête pension, de bonnes aptitudes routières et un vrai plaisir de conduite permettent d’envisager sereinement de plus longs trajets. Mais le principal atout du Cube est ailleurs. Ce qui fait la différence avec ses concurrents du segment c’est son concept. Son look anti-conventionnel joue avec une poupe asymétrique et un arrière dont la porte évoque celle d’un réfrigérateur. A bord, outre l’impression d’espace, c’est l’esprit zen qui règne. Tableau de bord tout en courbes, sièges style salon et nombreux détails évoquant un jacuzzi, ou encore un toit en verre occultable par un claustra translucide, distillent une atmosphère sereine. Equipement très complet, nombreux et astucieux espaces de rangements, crochets détachables ainsi que des éléments décoratifs agrémentent la vie à bord de cette future icône. Il ne manquait plus au crossover Mazda CX-7 qu’une version diesel pour gagner ses galons en Europe. De légères retouches extérieures donnent un caractère plus luxueux et athlétique au CX-7. L’habitacle, toujours

aussi convivial, participe également au sentiment de luxe que veut donner ce SUV. D’utiles retouches améliorent la qualité perçue et procurent un sentiment de qualité et de confort. De série suivant les finitions, le CX-7 propose de nombreux équipements dont un système audio Bose, des phares au xénon, une caméra de recul, un nouveau GPS ou la technologie bluetooth. La liste est encore longue. Le nouveau turbodiesel 2.2 l développe 173 CV et offre un couple de 400 Nm permettant de passer de 0 à 100 km/h en 11,3 secondes. Ce groupe affiche des rejets de CO2 de moins de 199 g/km et une consommation moyenne de 7,3 l/100km. Au volant, on apprécie sa puissance et sa réactivité à bas régime qui lui confèrent de franches reprises. Avec une caisse plus rigide et des réglages de suspensions modifiés, ce CX-7 restylé fait preuve d’une grande stabilité de conduite, même à vitesse élevée. La transmission intégrale augmente l’agilité de cette version et rend sûrs les déplacements sur sols glissants. Avec un espace généreux et confortable pour ses occupants, ce nouveau modèle confirme ses légitimes ambitions au sein du segment des 4x4 sportifs. ■ Pierre MARQUIS

En 2009, les marques Premium ont subi une diminution des ventes de 12,8%, en Europe. Dans ce marché en baisse, Audi prend la tête des marques Premium. De janvier à décembre, Audi a vendu, en Suisse, 15 828 unités (–7,7%). La statistique Mofis de fin novembre 2009 fait état d’une part de marché record pour Audi avec 6,4% (5,8% en 2008).

■ ESP, des progrès à faire Selon le TCS, 22% des petites et minis voitures proposées en Suisse ne sont pas équipées de l’ESP. Dans près de la moitié des cas, ce dispositif de sécurité active est, cependant, disponible en option. Dans notre pays, 27,6% des accidents ayant provoqué des lésions corporelles et 48,2% des accidents mortels résultent d’un dérapage impliquant un seul véhicule. Selon Euro NCAP, la généralisation de l’ESP permettrait d’éviter jusqu’à 4000 issues fatales et 100 000 blessés en Europe. En 2011, le Parlement européen obligera toutes les voitures neuves à être dotées de série de cet indispensable ange gardien.

■ Kia, garantie de sept ans Le constructeur coréen offre désormais une garantie d’usine de sept ans (jusqu’à concurrence de 150 000 km) sur toutes ses voitures de tourisme vendues en Europe. Cette disposition est actuellement la couverture la plus étendue du marché automobile européen. La garantie mobilité «Kia Assistance» sera également prolongée de sept ans. L’objectif avoué de la marque est de devenir le numéro un mondial en termes de satisfaction à la clientèle.

■ Maserati, direction élargie Depuis le 1er janvier 2010, Thomas Hajek (49 ans), Managing Director de Maserati Allemagne, voit ses fonctions étendues aux marchés suivants: la Suisse, la France, la Grande Bretagne, l’Espagne, l’Autriche, le Benelux et le Portugal. Thomas Hajek a commencé sa carrière au sien du groupe Fiat, en 1988. Il a occupé différents postes pour les marques Alfa Romeo, Lancia et Fiat. Depuis 2008, il était en charge de l’ensemble des activités européennes des véhicules utilitaires du groupe Fiat.

■ Un Yeti pour Theodora Par tradition, un artiste suisse décore chaque année une Skoda pour la Fondation Theodora. Cette année, c’est une équipe complète qui, sous le nom «d’Interaction», a transformé un Yeti en objet mobile artistique. La Fondation Theodora s’est fixé pour objectif de soulager, par la joie et le rire, la souffrance des enfants hospitalisés. Elle organise et finance des visites hebdomadaires d’artistes dans 109 hôpitaux et institutions pour enfants avec handicap.

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Art de vivre Nouveautés Concentré de grands espaces

Vélo customisé

Abrité par un flacon laqué entouré d’un bracelet en gomme siglé, le nouveau parfum Burberry Sport pour homme séduit par sa fraîcheur. Une fragrance qui rappelle la beauté de la nature et des grands espaces. Le parfum s’ouvre sur des notes de gingembre givré, de pamplemousse et un accord d’herbe de blé. Le cœur est composé d’un accord marin lié au gingembre rouge et aux baies de genièvre tandis que le sillage révèle des notes d’ambre sec, de bois de cèdre et de musc. ■

Le tuning est dans le vent! Les deux roues – vélos, scooters ou motos – n’échappent pas à la tendance et se personnalisent. Cette mode, dérivée du concept californien appelé «beach cruiser» remporte aujourd’hui l’adhésion de près d’un cycliste sur huit. Dernier gadget: les bouchons lumineux pour vélos qui leur donnent un look esthétique original. En plus, le bouchon lumineux Bicyled offre une meilleure visibilité au cycliste. Les LEDs de couleur de la valve lumineuse s’actionnent avec 32 jeux de lumière différents. Simple d’utilisation, il offre plus de 100 heures d’autonomie. ■

Parfum Burberry Sport Prix: NC

Bouchon lumineux Bicyled Prix: CHF 20.– www.cadeauxtech.com

Son qualité cinéma Qui n’a pas trouvé le son de son ordinateur portable insuffisant dès qu’il s’agit d’écouter de la musique ou de regarder des films? Avec le socle Speaker Lapdesk N700 de Logitech, votre laptop se dote d’un son de «qualité cinéma». Contrairement à la plupart des haut-parleurs pour ordinateurs portables, le socle Logitech Speaker Lapdesk N700 dispose de deux enceintes stéréo haute définition dotées de deux haut-parleurs 2 pouces de hautes performances. Simple d’utilisation, ce socle se connecte à l’aide d’un simple câble USB. Il ne nécessite pas d’alimentation extérieure. ■ Speaker Lapdesk N700, Logitech Prix: CHF 99.99 www.logitech.com

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TENTATIONS

Cravates faites main

Colorez vos conversations Déjà réputé pour son design audacieux, le téléphone BeoCom de Bang & Olufsen est proposé désormais dans une large gamme de coloris vifs et brillants. Les coloris bleu, noir, gris, jaune et aluminium naturel (argent) ont été polis afin de les rendre plus intenses. Outre l’incontestable plus en termes de design, cette nouvelle gamme dispose de toutes les fonctions d’un téléphone moderne. Le son B&O en plus! ■ BeoCom 2, Bang & Olufsen Prix: CHF 1320.– www.bang-olufsen.com

Le galeriste suisse Charles Georges a créé une collection de cravates à sept plis, faites à la main en soies pures – twill et crêpe – et peintes à la main. Les cravates sont toutes numérotées et accompagnées d’un certificat d’authenticité. De même, les motifs ne sont pas simplement répétés sur le tissu mais évoluent au fil des coups de pinceau. Les thèmes majeurs de la collection s’associent avec subtilité autour des diverses couleurs de fonds. ■ Cravates, Charles Georges Prix: entre CHF 200.– et CHF 480.– www.charlesgeorges.ch

Téléphone HD Terminé les photographies de mauvaise qualité que vous prenez avec votre téléphone mobile. Le dernier appareil de Sony Ericsson, baptisé Vivaz, intègre un appareil photo de 8.1 Megapixels et une fonction vidéo HD. Autre nouveauté: il est taillé sur mesure pour les réseaux sociaux avec sa fonction Share qui permet d’accéder très facilement à Facebook ou Twitter. Bien sûr, vous pouvez aussi téléphoner avec! ■ Vivaz, Sony Ericsson Prix: CHF 649.– www.sonyericsson.ch

Clavier déco C’est le dernier-né des claviers mobiles du géant Microsoft. Arc, c’est son nom, se distingue par son design et son ergonomie. Compagnon idéal de l’ordinateur portable en déplacement ou pour ceux qui ramènent du travail le soir, ce nouveau clavier a été conçu comme un véritable objet de décoration. Autre avantage: l’emplacement de ses touches en demi-lune permet de l’utiliser confortablement dans un canapé ou sur un plan de travail dans la cuisine. Pour rester branché en permanence! ■ Clavier Arc, Microsoft Prix: CHF 79.90 www.microsoft.com

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Art de vivre LIVRES Le sentier de la gloire A près de 70 ans, l’anglais Jeffrey Archer reste un conteur né, jouant avec talent sur les ressorts du thriller. Son dernier livre, Le sentier de la gloire, mélange aventure, suspense et éléments historiques. En effet, l’auteur défend la thèse selon laquelle l’alpiniste britannique George Mallory aurait été le premier homme à vaincre l’Everest, en 1924, où il fut aperçu pour la dernière fois avec son compagnon de cordée Andrew Irvine. Soixantequinze ans plus tard, le 1er mai 1999, une expédition américaine découvre à 8229 mètres sur la face nord de l’Everest, le corps très bien conservé de George Mallory. Avait-il pu atteindre le sommet? Il avait promis à sa femme Ruth d’y déposer sa photo, mais celle-ci n’a pas été retrouvée dans le portefeuille de l’alpiniste. Autour de ce mystère, Jeffrey Archer construit un roman palpitant. ■ O.H. Le sentier de la gloire de Jeffrey Archer, éditions First.

Dictionnaire amoureux du ciel et des étoiles Regarder le ciel et les étoiles et rêver. Depuis la nuit des temps, les hommes scrutent le ciel, l’interrogent, le poétisent et le dramatisent. Tout dans l’univers change, bouge, et a une histoire. L’univers a un début, il a un présent et il aura un futur. Docteur et enseignant en astrophysique, Trinh Xuan Thuan raconte l’univers dans son Dictionnaire amoureux du ciel et des étoiles. En quelque 250 entrées et un millier de pages, le livre répond à la plupart des grandes questions sur l’origine et la formation de l’univers, des galaxies et des étoiles, avec l’idée toujours présente d’un agencement cosmique, d’un réglage très fin de la nature, où rien n’a été laissé au hasard. ■ O.H. Dictionnaire amoureux du ciel et des étoiles de Trinh Xuan Thuan, éditions Plon Fayard, Paris, 2009.

Genève, entre ombres et lumières Une ville est comme un paysage sur lequel le soleil, les embruns, l’alternance du jour et de la nuit, le rythme des saisons impriment le mouvement de la vie. Et comme lui, soudain, elle se meut. Arrêtez-vous! Donnez-vous la chance de voir. C’est ce qu’écrit notre confrère Jean-Philippe Rapp dans l’ouvrage qu’il cosigne avec le photographe Stephan Torre. Ses clichés présentent Genève au fil des saisons avec sa panoplie climatique richement dotée: bises violentes, canicules et froids persistants, neige et giboulées. Les nombreux effets météorologiques locaux, certains persistants et connus, d’autres éphémères et rares, ont créé le prétexte à ce livre. Avec plusieurs dizaines de photographies, ce livre est dédié aux amoureux de Genève et à ceux qui veulent la découvrir sous différents angles. On aurait aimé un format plus grand et une présentation version «beau livre». ■ Genève, entre ombres et lumières de Jean-Philippe Rapp et Stéphane Torre, Editions Slatkine, Genève, 2009.

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Tigres de guerre C’est dans une chasse archéologique menée au pas de course que David Gibbins entraîne le lecteur, du Turkménistan en l’an 19 avant Jésus-Christ à l’Inde en 1879 et à nos jours. L’histoire débute lorsque des légionnaires romains, échappés d’une forteresse où ils étaient prisonniers, croisent un marchand sur la route de la soie et lui dérobent un mystérieux joyau. Près de 2000 ans plus tard, le lieutenant John Howard, alors officier aux Indes, découvre une épée dans un temple troglodyte avant de disparaître sans laisser de traces quelques années plus tard. Aujourd’hui, son arrière-arrière petit-fils, John Howard, reprend la piste de son ancêtre dans la jungle du Rajasthan où il découvre la tombe d’un Romain, ainsi qu’une étrange inscription faisant référence à un joyau disparu. ■ O.H. Tigres de guerre de David Gibbins, éditions First, Paris, 2009.

L’envol d’une ville Juriste et historien, Bernard Lescaze vient de publier un ouvrage remarquable dédié à l’histoire de l’aéroport de Genève. Si la ville dispose aujourd’hui d’un aéroport intercontinental, c’est le fruit de la bataille menée par quelques passionnés et quelques visionnaires. Le livre raconte justement le combat mené durant plus d’un siècle pour créer et faire grandir cet équipement. De la piste en herbe au tarmac en béton, il a fallu se battre contre les sceptiques, les égoïstes, les adversaires du progrès technique, les défenseurs d’une Genève passéiste, mais aussi contre ceux qui oubliaient l’exiguïté du territoire ou les nuisances diverses. Parmi les personnalités qui se sont engagées en faveur du désenclavement de Genève figure Louis Casaï, notamment pendant la Seconde Guerre mondiale. L’histoire s’est prolongée jusqu’au XXIe siècle par le vote de crédits renouvelés pour des infrastructures toujours plus performantes. L’ouvrage est agrémenté de nombreuses photographies dont certaines inédites. ■ L’envol d’une ville, histoire de l’aéroport de Genève de Bernard Lescaze, éditions Slatkine, Genève, 2009.

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OPINION

Travaux d’Hercule

K

onrad Hummler, associé-gérant de Wegelin & Co – la plus ancienne banque privée de Suisse – et actuel président de l’Association des banquiers privés suisses, est un banquier qui sort de l’ordinaire. Coqueluche des médias (il a été, entre autres, l’invité du Café économique de la Radio romande en août dernier, est régulièrement interviewé par la presse alémanique, et publie parfois une colonne dans Le Temps), il affectionne les phrases chocs et les prises de position claires, ce qui n’est pas précisément la manière de parler de ses collègues. Ce qui lui a d’ailleurs valu, paraîtil, le sobriquet de «banquier anarchiste». Les raisonnements signés «KH» qu’il tient dans son long Commentaire d’investissement, une sorte de newsletter paraissant six fois par année et traitant des thèmes chauds de l’heure – Travaux de déblaiement (à propos de la réduction de la dette publique), Retour à une situation de conundrum (le mot d’Alan Greenspan), L’adieu à l’Amérique (à propos du différend fiscal) –, se distinguent, en tout cas, par leur côté roboratif, même s’ils tendent parfois à illustrer une vision du monde bancaire helvétique que les événements récents sont en train de reléguer dans un passé qui apparaîtra bientôt révolu.

Les choses n’ont pas changé Mais venons-en justement à son dernier Commentaire, qui soulève la question, si cruciale, de la gestion de la sortie de crise, et, en particulier, de ce «processus difficile et risqué» qu’est la réduction de la dette publique. Hormis les remarques critiques qu’il formule – là sans grande surprise pour ceux qui ont suivi le film des événements depuis avril 2007 – à propos des conséquences problématiques de la garantie implicite dont jouissent désormais les groupes financiers «too big to fail», «KH» met le doigt sur un aspect rarement évoqué de l’évolution des bilans des bancaires, à savoir celui des effets pervers que le soutien étatique exerce sur le comportement des banques. Durant la crise, et aujourd’hui encore, le total des bilans des grandes banques, américaines en tout cas,

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déblaiement s’opère bel et bien, sauf que le contribuable a indirectement remplacé le débiteur hypothécaire.» D’où, conclut-il, «l’étrange impression que les choses n’ont pas tant changé que ça.»

Quelles marges de manœuvre budgétaire?

«C’est le côté structurel de l’endettement public qui inquiète le plus, car la remontée des taux d’intérêt, qui sont tellement bas aujourd’hui que leur hausse paraît inévitable, réduira à néant la marge de manœuvre budgétaire» MARIAN STEPCZYNSKI

n’a pas autant reculé, et de loin, que le total des crédits au secteur privé, tombés quant à eux littéralement au point mort. Où est passée la différence? Eh bien, note «KH», elle a tout simplement servi à alimenter ce débiteur qu’est l’Etat. «Le négoce de titres subprimes, explique notre banquier, a désormais cédé la place à une sorte de négoce pour compte propre sur des obligations d’Etat. […] Le remboursement des prêts du Troubled Asset Relief Programm (TARP) a déjà montré l’effet clément de ce carry trade (soit le financement à très court terme et à bon compte d’obligations gouvernementales à plus long terme) sur le dos de la courbe des taux en dollar. Sur ce point, une forme de

«Business as usual» donc, dans la mesure où, si le négoce pour compte propre de dettes publiques a remplacé celui de dettes privées, la circulation d’une masse monumentale de titres de dette ne vient nullement servir des objectifs de production, mais sert uniquement à enfler un endettement global dans les régions du monde qui en ont le moins besoin: «Si l’existence d’un important endettement devait se justifier quelque part dans le monde, ce serait dans les pays qui font état d’un besoin de rattrapage en termes d’infrastructures publiques, industrielles ou privées. Et s’il devait y avoir quelque part dans le monde un excédent de capital à disposition, cela devrait être dans les pays industrialisés. […] Or, c’est tout le contraire: l’Occident finance ses montagnes de dettes à travers ses établissements bancaires, ses banques centrales et ses “riches” pays émergents. Voilà l’étrange désordre qui règne sur notre monde et que la crise financière a laissé derrière elle.» C’est le côté structurel de l’endettement public qui inquiète le plus, car la remontée des taux d’intérêt, qui sont tellement bas aujourd’hui que leur hausse paraît inévitable, réduira à néant la marge de manœuvre budgétaire. Le retour des coûts de refinancement de la dette américaine à leur niveau de long terme suffira à porter la part des seuls paiements d’intérêt au quart du total des recettes publiques. Et pour peu que ces dernières redescendent, marasme économique oblige, au plancher qu’elles avaient atteint en 1949, eh bien le service de la dette absorberait plus du tiers des recettes publiques. Il en va donc bien, en définitive, de la crédibilité du débiteur USA, conclut «KH». Alors que, pendant ce temps, le monde s’émeut de la dette grecque. ■ Marian STEPCZYNSKI

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