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DOSSIER Pays émergents, ces marchés sont-ils encore attractifs?

INVESTIR Ces fonds de fonds suisses qui séduisent

IT BANCAIRE Les banques sont-elles social media friendly?

BANQUE & FINANCE

BANQUE &

FINANCE

BILAN 2013

L E M AGA ZINE DE L A PL ACE FINA NCIÈRE SUIS S E Ce qu’il faut retenir de l’année qui vient de s’achever

N ° 122 Janv/Fév 2014

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«N’ayons pas la mémoire courte»

PERSPECTIVES Ce qui attend nos cinq places financières dans les mois à venir

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Editorial

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FINANCE LE MAGAZINE DE LA PLACE FINANCIERE SUISSE

Editeur délégué et Rédacteur en chef Frédéric Barillet Ont collaboré à la rédaction Dieter Bachmann, Cyril Demaria, Lucile Dubost, Mohammad Farrokh, Odile Habel, Charlotte Pénet, Gianluigi Trucco. Design et Infographie Lucile Dubost Marketing Florence Ray Publicité Médiapresse Pub SA 3, voie du Chariot P.O. Box 6836 CH-1003 Lausanne Tél + 41 (0)21 321 30 60 Fax +41 (0)21 560 56 10 Responsable: Pierre Chappuis e-mail: p.chappuis@mediapresse.ch Pages Partenaires Media Live SA Oetlingerstrasse 10 4057 Basel Tél. + 41 61 561 52 80 Responsable: Lila Maalem e-mail: ap@medialive.ch Abonnements E-mail: abo@banque-finance.ch CCP: 12-17931-5 1 an d’abonnement (6 numéros) CHF 70.2 ans d’abonnement (12 numéros) CHF 100.Responsable: Maïssa Naufal Tel. +41 22 809 94 53 Diffusion 77 logistics - Carouge Edition déléguée Alter Ego Médias SAS succursale de Genève Boulevard Georges Favon 43 1204 Genève Tel. +41 22 501 70 15 E-mail: info@banque-finance.ch Le magazine paraît cinq fois par an et publie un hors-série thématique. © Alter Ego Médias - Janvier 2014

BANQUE&FINANCE est une marque de Promoédition SA, Genève. Editeur: Roland Ray

frÉDÉRIC BARILLET f.barillet@banque-finance.ch

Les cartes en main

L

E DÉBUT D’UNE ANNÉE est traditionnellement l’occasion de faire le bilan des douze mois qui viennent de s’écouler et de regarder vers les douze qui s’annoncent. C’est vrai pour la quasi totalité d’entre nous à titre personnel, c’est aussi vrai dans une optique professionnelle. Banque&Finance commence donc 2014 en se pliant à ce double exercice de mémoire et de projection. Côté mémoire, nous sommes servis! L’année écoulée restera dans les annales comme celle du grand huit. Vous savez, quand le wagon arrive tout doucement en haut de la boucle et que, assis au premier rang, vous voyez devant vous s’ouvrir une descente vertigineuse dont vous imaginez déjà les conséquences! Ici, c’est pareil. Impossible de descendre en marche. Alors allons-y! Une fois les leçons du passé tirées, sachons regarder l’avenir avec un tant soit peu de sérénité et surtout d’objectivité. Oui, le secret bancaire tel qu’il existait a vécu. Oui, le programme US va coûter cher. Très cher, même, pour certains. Oui d’aucuns quitteront le navire ou abandonneront tout simplement leur licence. Oui, il y aura des conséquences sociales et humaines à cette mutation. Oui, la Suisse ne semble plus pouvoir se passer de bonnes relations avec cette Union européenne qui l’entoure. Mais si l’étau s’est ainsi resserré autour de l’industrie financière du pays, c’est aussi parce que ses principaux concurrents font encore la course derrière. Et qu’ils aimeraient profiter de l’occasion pour remonter au classement. Le marché européen? Une nécessité, une chance. C’est en substance ce que disent nos deux invités: Nicolas Pictet, tout récemment nommé à la tête de la Fondation Genève Place Financière et qui en dévoile les dossiers prioritaires. Et Michel Barnier qui, de Bruxelles, nous livre la vision qu’à la Commission européenne de cette nouvelle Suisse. Les cartes se redistribuent? La donne n’est pas si mauvaise. Maintenant, tout est question de stratégie. Bonne lecture! n

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Sommaire

Bilan 2013 .5

Bilan 2013/Perspectives 2014

Ce que l’histoire retiendra de l’année qui vient de s’écouler et les enjeux auxquels va se confronter la place financière suisse dans les mois à venir.

Bilan

2013

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Janvie

+

.5

.13

Mars Avril Mai

place financière suisse? Perspectives 2014

.14 Vu de Genève

.22 Vu de Zurich .24 Vu de Lausanne .26 Vu de Bâle

PERSPECTIVES

Juillet Août

Quel avenir

pour la place financière suisse?

bre Novem bre Décem

.13 Quel avenir pour la

Président de la Fondation Genève Place Financière

Juin

bre Septem Octobre

Perspective 2014

.18 Interview: Nicolas Pictet,

Ce que l’histoire retiendra

r

Févrie

L’année bancaire 2013

2014

Laissez-vous séduire par ces nouveauté high-tech!

.29 Vu de Bruxelles

Interview: Michel Barnier, Commissaire européen au Marché intérieur et aux Services

.32 Vu d’ailleurs

Votre magazine sur le web www.banque-finance.ch Tentations

.27 Vu du Tessin 30

.46

Investir .42 Les fonds de fonds suisses, si prisés par les marchés

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IT bancaire

Janvier/Février 2014

.44 L es banques suisses sont-elles «social media friendly»?

BANQUE &

FINANCE

Vous

LE MAGAZINE DE LA PLACE FINANCIERE SUISSE

.46 TENTATIONS .48 La bibliothèque de...

Olivier Ferrari (Conninco)

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Dossier .33 Pays émergents: ces

marchés sont-ils encore attractifs?

.34 Un bilan très hétérogène .36 La prudence reste de rigueur

.38 Des signes d’embellie encourageants

.39 L’avenir au beau fixe des matières premières

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L’année bancaire 2013

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Bilan

2013 r

Janvie

r Févrie Mars

Avril Mai

Ce que l’histoire retiendra

Juin Juillet Août bre Septem e Octobr bre Novem bre Décem

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1966

C’est l’année de conclusion de la convention franco-suisse de double imposition sur laquelle le gouvernement français décide de revenir de manière unilatérale en janvier 2013.

Fin de collaboration entre Eveline Widmer-Schlumpf et Michaël Ambühl: le 24 mai, le secrétaire d’Etat aux questions financières internationales décide de jeter l’éponge.

Janvier 1er janvier Le sujet a fait débat tout au long de l’année qui vient de s’écouler. Reste qu’en ce premier jour de 2013, les accords dits Rubik voient enfin le jour, tout du moins pour ce qui concerne la Grande-Bretagne et l’Autriche, l’Allemagne ayant finalement repoussé le principe même de ce mode de régularisation du passé. 5 janvier La presse révèle que le gouvernement français a décidé, au lendemain de Noël, de revenir sur les modalités d’application de la convention franco-suisse de double imposition signée en 1966. L’information surprend d’abord puis entraîne de nombreuses réactions à travers tout le pays. La Suisse s’interroge sur l’attitude à tenir face à cette offensive de son voisin. 6 janvier Devant les craintes affichées par les banques et par le gouverneur de la BCE, Mario Draghi, le Comité de Bâle décide de lâcher du leste. Les règles concernant l’adop-

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Février tion du ratio de liquidité à un mois (LCR) sont assouplies pour ne pas bloquer le crédit. Initialement prévue le 1er janvier 2015, la norme entrera finalement en vigueur de manière graduelle jusqu’au 1er janvier 2019. 8 janvier Un mois après la mise en ligne par Mediapart d’un enregistrement laissant à penser que le Ministre du budget français, Jérôme Cahuzac, pourrait avoir détenu un compte non déclaré en Suisse, le parquet de Paris ouvre une enquête préliminaire pour blanchiment de fraude fiscale. 23 janvier A Davos, le Forum économique mondial (WEF) ouvre sa 43e édition. Au programme, quelques sujets chauds : crise de la dette, critiques du système bancaire, chômage, environnement. Pour Klaus Schwab, fondateur et président du WEF, les pays ont malheureusement souvent tendance à prêcher pour leur

paroisse, au détriment de l’intérêt général. 3 février Silvio Berlusconi plus populiste que jamais! Il propose de rembourser la taxe immobilière payée par les Italiens en compensant le manque à gagner par le truchement d’un accord fiscal avec la Suisse. Pour lui, ce compromis permettrait de récupérer très rapidement 25 à 30 milliards d’euros, puis de tabler sur un flux annuel de 5 milliards. 4 février L’accord FATCA, qui prévoit que les comptes ouverts en Suisse par des Américains soient déclarés à Washington, est signé à Berne. La loi fiscale américaine à laquelle il fait reference, le “Foreign Account Tax Compliance Act” (FATCA), a pour but de pemettre aux Etats-Unis d’obtenir l’imposition de tous les comptes détenus à l’étranger par des citoyens américains. 13 février Sur invitation de la Russie, qui préside le G20 cette

Mars

Avril

année, la Suisse assiste pour la première fois aux réunions des Ministres des finances des pays les plus puissants de la planète. Elle tente d’y défendre sa place financière lors d’un rendez-vous qui a pour but d’améliorer le système financier international. 28 février Dans la nuit du 27 au 28, le Parlement européen, le Conseil et la Commission tombent d’accord sur un projet limitant le montant des bonus versés aux banquiers. Un dispositif qui apparaît sans équivalent dans le monde. Le texte prévoit d’interdire aux banques de distribuer à leurs équipes une rémunération variable supérieure au salaire fixe, soit la règle du 1 pour 1. Le variable pourra néanmoins grimper jusqu’au double du fixe (2 pour 1) avec le feu vert des actionnaires de la banque. 6 avril Credit Suisse et Julius Bär s’en prennent désormais à leurs clients allemands qui tenteraient de frauder le fisc


L’année bancaire 2013

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Les Suisses sont le grand peuple d’une grande Nation et ils vont comprendre que le secret bancaire absolu n’aide que les criminels.

Photos DR

DAN REEVES, IRS

Mai de leur pays d’origine. Ceux d’entre eux qui ne produiront pas de déclaration fiscale seront priés de fermer leur compte. Un mouvement qui sera bientôt suivi par d’autres établissements, notamment vis-à-vis de la clientèle française. 10 avril L’échange automatique, nouvelle norme internationale? Un pas de plus est franchi avec l’annonce faite ce jour par l’Autriche et le Luxembourg qui acceptent d’y recourir à partir du 1er janvier 2015. 11 avril Alors que la pression s’accentue, la conseillère fédérale Eveline Widmer-Schlumpf s’explique sur sa stratégie de l’argent propre dans un entretien au quotidien français Le Monde. Pour elle, la Suisse poursuit une stratégie claire en matière de marchés financiers: seul l’argent propre y a sa place. Comme l’ont montré les récents événements, le secret bancaire ne doit pas servir à dissimuler des fonds d’origine

criminelle ou issus de l’évasion fiscale. 13 avril Les Ministres des finances n’ont apparemment pas lu Le Monde. Leurs discussions, à Dublin, portent sur la création d’un front européen visant à lutter contre l’évasion fiscale et pour la levée du secret bancaire. Ils réclament une nouvelle législation avec un adversaire commun: la Suisse. 14 avril Le président de la Confédération, Ueli Maurer, réagit à l’initiative des Européens. Pour lui, seule une pression venue de l’intérieur pourrait amener la Suisse à revoir ses positions concernant le secret bancaire. Il s’agit là, en l’espèce, d’une disposition du droit Suisse qui regarde… les Suisses. 16 avril Le Land de RhénaniePalatinat annonce avoir acheté un nouveau CD contenant des données sur des comptes bancaires secrets en Suisse.

17 avril UBS propose désormais à ses clients européens de signer une «autorisation de divulgation volontaire». Il s’agit d’une sorte d’échange automatique qui ne porte pas son nom. 19 avril L’OCDE s’y met! L’organisation va soumettre aux Ministres des finances du G20 un rapport dans lequel elle indique que la Suisse n’est, à ses yeux, «pas tout à fait à niveau» pour faire face à ses obligations internationales en matière fiscale. Les conventions bilatérales sont, par exemple, jugées insuffisantes. 21 avril Suite du feuilleton. Devant le FMI et la Banque Mondiale, Eveline WidmerSchlumpf annonce que la Suisse est prête à discuter de l’échange automatique d’informations. Elle pose, pour cela, quelques conditions, notamment la nécessité d’une réciprocité entre les pays. Enfin?! 3 mai Les banquiers privés, Nicolas Pictet en tête, estiment

que la Suisse devrait abandonner sa stratégie de l’argent propre au profit de l’échange automatique d’informations. 7 mai Dan Reeves, l’homme qui a conduit l’enquête du fisc américain (IRS) contre UBS, parle. Interrogé par la RTS, il déclare que «les Suisses sont le grand peuple d’une grande Nation et qu’ils vont comprendre que le secret bancaire absolu n’aide que les criminels.» Sic. 24 mai A la tête des négociations fiscales de la Suisse dans l’épineux dossier de la conformité, Michaël Ambühl devrait finalement quitter ses fonctions fin août. L’information, reprise par plusieurs médias depuis quelques jours, est confirmée par le Département fédéral des finances. le secrétaire d’Etat aux questions financières internationales rejoindra la sphère universitaire pour occuper une chaire d’enseignement à l’Ecole polytechnique fédérale de Zurich (EPFZ). Un départ feutré

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Fin août: au terme d’âpres négociations, Berne et Washington finissent par tomber d’accord sur les modalités de «règlement du passé».

James M.Cole Deputy Attorney General United States DoJ

Kathryn Keneally Assistant Attorney General United States DoJ

Manuel Sager Ambassador extraordinary and Plenipotentiary of Switzerland to the United States

Mai qui en dit long sur sa vision de la politique suivie par le Conseil fédéral. 27 mai La France publie une nouvelle liste noire de 17 paradis fiscaux. Cette liste vise les Etats que Paris juge insuffisamment coopératifs. Au rangs desquels figure la Confédération, aux côtés de Panama, les Iles Marshall et autres place offshore. Etablie par le ministère français chargé du Développement, cette liste révèle une fois de plus un climat orageux entre Paris et Berne. 28 mai L’ IRS dépose à Berne une demande d’assistance administrative contre des clients de la Banque Julius Bär. 29 mai Le Conseil fédéral dévoile sa solution pour régler le conflit fiscal. Les banques vont être autorisées à collaborer avec le fisc outre-Atlantique et pourront communiquer sur leurs relations d’affaires avec des clients américains et

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Juin sur les personnes impliquées dans les activités des banques concernées aux Etats-Unis. Le projet ne permet pas pour autant la fourniture de données de clients et des informations sur des comptes. Les banques coopérant avec le fisc américain vont garantir la meilleure protection possible à leurs employés. Un fonds de 2,5 millions de francs est d’ailleurs créé à cette occasion. 30 mai Tollé général contre l’accord fiscal tel que présenté la veille par le Conseil fédéral. La presse écrite et audiovisuelle tire à boulets rouges sur les annonces d’Eveline Widmer-Schlumpf. 3 juin La commission de l’économie du Conseil des Etats reçoit les représentants des banques afin d’évoquer la solution proposée par le Conseil fédéral. 4 juin L’initiative sur le droit à la protection de la sphère privée visant à limiter l’accès

des autorités cantonales aux données fiscales est publiée dans la Feuille fédérale. Emanation de la droite, elle veut contraindre ces autorités à n’autoriser la transmission d’informations que dans le cadre de procédures pénales. 6 juin En France, l’affaire UBS, qui remonte a plus de trois ans, prend un nouveau tour. UBS Suisse est en effet mise en examen pour démarchage bancaire illicite. La justice hexagonale place la maisonmère sous statut de témoin assisté pour blanchiment de démarchage illicite et blanchiment de fraude fiscale. UBS doit s’acquitter d’une caution de plusieurs millions d’euros. 12 juin Un pas de plus semble franchi dans le règlement du conflit avec les Etats-Unis. Le Conseil des Etats finit par accepter la loi urgente permettant aux banques de participer à un programme américain pour éviter des poursuites pour fraude fiscale. Le projet

recueille une confortable majorité de 24 voix contre 15 et 2 abstentions. Le Conseil des Etats a néanmoins ajouté une série de réserves: employés de banques, avocats et fiduciaires concernés auront dix jours pour s’opposer à une transmission de données les concernant. En cas de litige, un tribunal devra trancher. 19 juin La conseillère Eveline Widmer-Schlumpf en échec. Elle n’arrive pas à convaincre les conseillers nationaux d’entrer en matière sur ce que l’on appelle désormais la “lex USA”. Malgré le vote du Conseil des Etats, le texte est rejeté et donc définitivement enterré par 123 voix contre, 63 pour et 4 abstentions. Les conseillers nationaux attendent du Conseil fédéral qu’il prenne toutes les mesures à même de permettre aux banques de coopérer avec le Département de la Justice. Pour Eveline Widmer-Schlumpf, les poursuites judiciaires contre des banques suisses s’an-


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123 Juillet noncent désormais inévitables. De nombreux clients pourraient fuir les banques dans le collimateur de la justice américaine, ce qui signerait la disparition d’un grand nombre de banques de la place suisse. L’Association suisse des banquiers (ASB) regrette, elle aussi, la décision du Conseil national. Selon elle, le texte, permettant aux banques de coopérer avec la justice américaine, aurait permis d’instaurer un «climat de sécurité juridique» nécessaire au règlement du conflit. 3 juillet Le Conseil fédéral fixe les principes de la coopération des banques avec les autorités américaines. Elles peuvent désormais lui demander une autorisation individuelle au sens de l’article 271 du code pénal. 8 juillet Au moins deux banques cantonales (celles des cantons de Zurich et de Bâle) seraient dans le collimateur de Washington pour avoir encouragé des clients à frauder le fisc américain. De plus en plus de

Août voix s ‘élèvent pour réclamer la suppression de la garantie étatique dont bénéficient la plupart de ces établissements en mains des cantons. 11 juillet Voyage express d’Eveline Widmer-Schlumpf à Paris pour signer avec son homologue français, Pierre Moscovici, la nouvelle convention franco-suisse sur les successions. Un texte de «compromis», estime la ministre suisse des Finances. 13 juillet Mise en cause par les médias français depuis plus d’un mois dans le prolongement de l’affaire Cahuzac et des “révélations” de Pierre Condamin-Gerbier aux parlementaires français, la Banque Reyl réagit à travers un communiqué de presse à l’annonce de l’arrestation de son ancien cadre: «la Banque Reyl & cie et sa filiale Reyl Private Office ont déposé une plainte pénale contre Pierre Condamin-Gerbier aux motifs, entre autres, de vol, falsification

Septembre

25 juillet René Chopard, directeur du Centre d’études bancaires tessinois, prend la parole: pour lui, un accord de type Rubik avec l’Italie donnerait une bouffée d’air à la place financière tessinoise.

29 août C’est fait. La Suisse et les Etats-Unis signent à Washington un “joint statement” qui met un terme au long différend fiscal entre les deux pays. La solution retenue respecte la souveraineté et l’ordre juridique suisses. Les banques ont jusqu’au 31 décembre pour faire leur choix: coopérer ou risquer des poursuites lourdes de conséquences. Reste que, pour certaines d’entre elles, le règlement du litige se traduira par des amendes salées risquant de mettre leur existence même en danger. L’ASB parle d’amendes «à la limite de l’acceptable». La ministre des finances lui répond que la Suisse «peut vivre avec et regarder vers l’avenir».

22 août Des milliers d’employés de banques suisses dont les données ont été transmises à la justice américaine vivent une situation d’incertitude qui devient pesante. Par crainte de perdre leur emploi, peu d’entre eux se sont pourtant opposés à la divulgation de leur nom.

4 septembre Pour régler le problème des banques helvétiques avec les EtatsUnis, le Conseil fédéral examine la solution proposée par Washington. Il charge la conseillère fédérale Eveline Widmer-Schlumpf d’achever les travaux nécessaires.

de document (faux dans les titres) et violation du secret professionnel et commercial. Les nombreuses déclarations mensongères maintenues en dépit des démentis catégoriques de la Banque, la falsification d’un mémorandum interne de Reyl Private Office, et sa remise à un média français, n’ont laissé d’autre choix à la Banque que de sortir de sa réserve et d’agir à l’encontre de Pierre Condamin-Gerbier.»

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C’est le nombre de voix «contre» enregistré lors du vote des conseillers nationaux sur la Lex USA le 19 juin 2013.

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Jérôme Cahuzac ex-ministre du Budget français

Dominique Reyl, président fondateur de la banque éponyme

François Reyl, son fils, directeur général

Pierre Condamin-Gerbier ex-cadre de la banque Reyl & Cie

Septembre

Octobre

6 septembre A SaintPétersbourg, le G20 soutient le projet de l’OCDE et fixe l’échange automatique à fin 2015. 9 septembre Le Parlement donne son feu vert à la mise en œuvre de l’accord FATCA. 13 septembre Selon une étude conduite par l’agence KPMG et l’Université de St-Gall, un quart de la centaine de banques privées suisses pourrait faire faillite au cours des trois prochaines années, avant même que la justice américaine n’inflige ses sanctions. Selon l’étude, celles qui gèrent moins de 5 milliards de francs d’actifs sont tout particulièrement en danger. 16 octobre La Suisse devient le cinquante-huitième Etat à signer la convention de l’OCDE et du Conseil de l’Europe concernant l’assistance administrative en matière fiscale et prévoyant l’échange spontané d’informations.

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18 octobre A la demande du Conseil d’administration, l’assemblée générale extraordinaire des actionnaires de la Banque Frey & co, implantée à Zurich, décide de mettre fin à l’activité de la Banque. «Cette décision découle des conditions de marché de plus plus difficiles, de la règlementation sans cesse croissante et des exigences insoutenables auxquelles les petites banques privées sont tenues de se conformer, en partie en raison du différend fiscal avec les Etats-Unis», précise la banque. 18 octobre La police italienne arrête à Bologne l’ancien chef de la gestion de fortune d’UBS, Raoul Weil. La justice américaine l’accuse d’avoir organisé une fraude fiscale de 20 milliards de dollars et réclame son extradition. L’arrestation n’est révélée que le dimanche suivant par la police italienne. Raoul Weil sera extradé vers les USA en décembre et libéré sous caution.

Novembre 31 octobre Sur les 31,8 milliards de dollars (29 milliards de CHF) engagés pour sauver UBS à l’automne 2008, le gouvernement a déjà réalisé plus d’un milliard de dollars de bénéfices et la Banque nationale suisse (BNS) espère en engranger 6 au total. «C’est la meilleure opération commerciale jamais réalisée par la banque nationale», déclare l’ancien patron d’UBS, Oswald Grübel. 18 novembre Le Forum mondial de Jakarta évalue les efforts de 50 pays, dont la Suisse, en matière de transparence fiscale. «La Suisse est déjà un bouc émissaire privilégié au niveau international. Même si elle a accompli des progrès notables dans divers secteurs ces dernières années, ceux-ci ont été inférieurs à ceux d’autres pays. Raison pour laquelle elle reste dans le collimateur», déclare Peter Kunz, professeur de droit économique et de droit comparé à l’Université de Berne.

Décembre 29 novembre Sans mentionner leur identité ou leur nom, le Conseil fédéral commence à autoriser les établissements à collaborer avec les autorités américaines dans le cadre du programme américain de régularisation du conflit fiscal. Il faudra attendre la fin janvier 2014 pour apprendre, par la voix la vice-ministre américaine de la justice, Kathryn Keneally, que 106 établissements suisses se sont finalement manifesté pour participer au programme de régularisation. Tous ne sont cependant pas des banques et ne peuvent donc pas prétendre faire partie dudit programme. 6 décembre Dans un communiqué de presse paru vendredi après-midi, la Banque Reyl & cie indique que François Reyl, son Directeur Général, «a été entendu par les juges d’instruction français dans le cadre d’une procédure concernant un petit nombre de clients». La Banque déplore la mise en examen de son directeur général (datant en réalité


L’année bancaire 2013

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Même si la Suisse a accompli des progrès notables dans divers secteurs ces dernières années, ceux-ci ont été inférieurs à ceux d’autres pays. Raison pour laquelle elle reste dans le collimateur. PETER KUNZ, PROFESSEUR DE DROIT ÉCONOMIQUE ET DE DROIT COMPARÉ À L’UNIVERSITÉ DE BERNE

20 milliards de dollars Photos DR

18 octobre: la police italienne arrête à Bologne Raoul Weil. L’ex-chef de la gestion de fortune d’UBS est accusé par les USA d’avoir organisé une méga-fraude fiscale.

de la fin octobre), assortie (c’est la nouveauté) d’une interdiction provisoire de sortie du territoire et d’exercer sa fonction. Il faudra attendre la fin janvier 2014 pour qu’il recouvre son mandat social. 9 décembre Un contrat de sponsoring entre l’Université de Zurich et la grande banque UBS fait débat. Il met ainsi en relief le financement privé des universités publiques, que d’aucuns estiment crucial pour rivaliser avec la concurrence mondiale. Mais des voix critiques craignent pour l’indépendance académique. «C’est un pacte faustien. Après avoir vu sa réputation gravement ternie pendant des années, UBS use d’un marketing sophistiqué pour redorer son image», s’emporte Ursula Jauch, professeure de philosophie à l’Université de Zurich (UZH). 17 décembre Plusieurs banques cantonales helvétiques annoncent participer au

programme de règlement du conflit fiscal avec les EtatsUnis. Les principales institutions publiques se sont rangées dans la catégorie 2. Une des conditions de participation au plan prévoit que les banques suisses se répartissent elles-mêmes dans une des catégories du programme. La catégorie 3 suppose que la banque soit en mesure de prouver aux autorités américaines que sa clientèle n’a pas violé la réglementation fiscale aux Etats-Unis. En choisissant la catégorie 2, les banques se dénoncent aux autorités comme ayant elles-mêmes “éventuellement” contribué à la soustraction fiscale. Elles doivent donc s’attendre à des amendes, même si elles n’ont aidé ne serait-ce qu’un seul client à frauder le fisc américain. 20 décembre La justice française délivre un mandat d’arrêt contre Dominique Reyl,

le fondateur éponyme de la banque suisse. Mis en examen en octobre pour blanchiment de fraude fiscale, Dominique Reyl ne s’est pas rendu à la convocation des juges Renaud Van Ruymbeke et Roger Le Loire, le 11 décembre. Il avait, selon son entourage, fait remettre aux juges par son avocat une lettre d’excuses expliquant son absence. Les deux juges n’ont apparemment guère apprécié l’épisode. n

Sources: presse quotidienne (L’Agefi, Le Temps, La Tribune de Genève, Les Echos, Sonntags Zeitung), sites internet (Google news, B3B, banque-finance.ch, ) et agences de presse (ATS, AFP, Reuters, Bloomberg).

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Perspectives 2014

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QUEL AVENIR POUR LA PLACE FINANCIÈRE SUISSE? Ou plutôt quel avenir pour les cinq

principales places dont les activités cumulées composent ce que l’on a pris l’habitude d’appeler la place suisse? La réponse est dans la question: des places aux caractéristiques différentes les unes des autres, liées à l’histoire, à la proximité de leurs voisins respectifs. Nos journalistes se sont intéressés aux forces et faiblesses de Genève et Zurich, les deux ”grandes”, mais aussi à Bâle et aux centres vaudois et tessinois, qui ne manquent pas d’atouts.

+

PERSPECTIVES

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.14 Perspectives 2014

GENEVE

VU DE

GE

Quand la peur vient de France 2013 a été l’année d’une prise de conscience du risque pénal encouru par les banques. Certes, ce risque était connu s’agissant des clients américains. Mais ce qui était considéré comme un cas un peu à part est devenu la règle, avec l’irruption de la problématique posée par les clients français. Par Mohammad Farrokh (Genève)

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’élément déclencheur de cette prise de conscience du risque pénal désormais encouru par les banques a été la «Circulaire Cazeneuve» du 21 juin qui «offre» une régularisation aux évadés fiscaux français. Ils seraient encore 85’000 dans les banques suisses, et cette clientèle est particulièrement présente à Genève. Faut-il le rappeler, la place financière de Genève, au XVIIIe siècle, était indissociable de la banque protestante française et sa renaissance, avec l’installation du Crédit Lyonnais en 1873, était liée à la souscription de l’emprunt destiné à obtenir la fin de l’occupation allemande qui avait suivi la défaite de 1871. La régularisation des clients français est donc un enjeu autrement plus important que les pressions sur la clientèle américaine dont l’importance est le plus souvent anecdotique. Les listes de clients publiées à la fin des années 1990 dans le cadre de l’affaire des fonds en déshérence avaient d’ailleurs fait apparaître la prépondérance relative des patronymes à consonance française dans la clientèle des banques suisses à la fin des années 1930. Pour compléter ce petit tour d’horizon historique, on peut rappeler le geste courageux de ce banquier privé genevois qui, arrêté à Paris en 1947, avait mangé la liste de ses clients français. Ce geste aussi brave qu’indigeste n’est plus de mise aujourd’hui: au contraire, les banques poussent leurs clients français à régulariser leur situation au risque de commettre de regrettables excès de zèle. D’aucuns se plaignent de ne plus pouvoir clôturer leur compte et faire transférer leurs avoirs ailleurs. Les banques s’y refusent par peur d’être accusées BANQUE&FINANCE N°122 I JANVIER-FÉVRIER 2014

de complicité. Certaines refusent même, surtout depuis le 1er janvier, de verser des espèces à leurs clients qui se retrouvent coincés. LA RÉGULARISATION COÛTE TRÈS CHER Dans le courant de l’été, les banquiers ont commencé à réaliser la réalité de ce risque: depuis trois ans déjà la complicité de blanchiment de fraude fiscale est un délit punissable de 2 millions d’euros d’amende et de sept ans de prison. En théorie, une grande partie sinon la plupart des employés des banques genevoises pourrait se retrouver derrière les barreaux. Mais la peur peut être mauvaise conseillère, comme le relève François Tripet, un avocat parisien à l’enseigne du Cabinet Tripet, qui rappelle qu’en France, l’administration des preuves passe par des documents et que ceux-ci figurent dans le dossier du client, dont il est préférable de se concilier les bonnes grâces. Mais il faudrait plus que ce rappel de droit français pour enrayer un mouvement qui paraît inarrêtable. Malgré cette pression, nombre de clients français, peut-être la majorité, ne profiteront pas de la circulaire Cazeneuve pour se régulariser, à des conditions il est vrai très coûteuses, voire confiscatoires: certes, les comptes provenant d’une succession peuvent n’être ponctionnés que de 25 ou 30%, mais il y a encore le paiement des droits si la succession ne remonte pas à avant 2006. Au final, c’est la perte d’entre les deux tiers et les trois quarts d’un héritage. La proportion est du même ordre, mais cette fois-ci sans les droits de succession, pour un compte «actif» qui ira pour moitié ou les deux tiers au fisc français. De l’avis de l’avocat fiscaliste Philippe Kenel, basé à Lausanne, un règlement politique entre la France et la Suisse est prévisible pour régler la question des clients non déclarés, ceux qui n’auront pas tiré parti de la circulaire Cazeneuve, en échange de l’immunité pour les banquiers suisses. Car les banques, une fois payées les amendes réclamées par le fisc américain, n’auront plus assez d’argent pour faire face à de nouvelles prétentions. n


.15 Programme américain du DoJ: solution ou piège? Les amendes dues dans le cadre du programme du DoJ seront lourdes, tellement même que le quart des banques pourrait jeter l’éponge. Tour d’horizon des éléments connus et de quelques-uns qui ne le sont pas, et mise en perspective. Par Mohammad Farrokh

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e programme volontaire du département US de la justice (DoJ) est finalement un succès pour les Américains: à force d’intimidation, ils sont parvenus à persuader la plupart des banques à s’inscrire dans la catégorie 2, c’està-dire leur faire reconnaître avoir violé le droit américain, même lorsqu’elles n’en ont jamais eu l’intention. Certaines banques ont beaucoup hésité, tentées de passer entre les gouttes. Elles étaient menacées de subir le même sort que les banques déjà inculpées par un juge américain, par exemple la Bank Frey & Co AG. En octobre, celle-ci a finalement annoncé qu’elle jetait l’éponge et renonçait à sa licence bancaire. Cela pourrait être le début d’une longue série d’abandons de licences, de l’avis de Franco Foglia, un avocat d’affaires genevois très au fait de la problématique bancaire. D’une manière générale, l’aggravation des exigences réglementaires, la compliance, rend illusoire la poursuite de leur activité par des banques ayant moins de 10 milliards sous gestion, et c’est le 60% des établissements actifs en Suisse. Mais les considérations générales sur l’évolution du marché, aussi justifiées soient-elles, ne doivent pas faire oublier le rôle moteur des pressions américaines: les banques se retrouvent dans une situa-

tion ingérable: soit elles se déclarent coupables alors qu’elles ne le sont pas, soit elles s’exposent à être traînées devant les tribunaux américains, donc à devoir prouver leur innocence devant la justice d’un pays qui, en toute logique, ne leur est même pas applicable. Certes, le droit américain a des ressources qu’il ne faut pas sousestimer: James George Jatras, un spécialiste en relations publiques basé à Washington, ancien conseiller politique de la fraction républicaine au Sénat, relève que le tribunal doit prouver l’intention d’assistance à évasion fiscale avant de prononcer une condamnation. Pour cela il faut des preuves qui peuvent notamment être fournies par des messages électroniques. D’où le risque qu’il y a pour les banques à s’annoncer en catégorie 2: elles doivent fournir l’ensemble des pièces à leur disposition, y compris les éléments qui serviront à prouver leur culpabilité. Cette démarche est risquée, comme le pense Douglas Hornung, un avocat genevois spécialisé dans cette problématique qui, pour les banques n’ayant que quelques clients américains «accidentels», préconisait l’abstention. Elles étaient au moins une centaine à hésiter début décembre, mais peu nombreuses ont été celles à ne pas se laisser intimider, également par le Finma qui a fait pression sur les banques pour les inciter à participer au programme, donc pratiquement à s’inscrire en catégorie 2. Se déclarer innocent, donc se mettre en catégorie 3, est théoriquement une option, mais implique des moyens de preuve extrêmement astreignants et coûteux. La catégorie 1 est réservée aux quatorze banques déjà inculpées aux Etats-Unis et qui n’ont pas l’opportunité de participer au


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Le Ministère de la Justice américain (DoJ) ne fait pas dans la dentelle. Il devrait condamner les établissements suisses à des amendes de plusieurs millions de dollars.

programme du DoJ. On y trouve le Credit Suisse et HSBC, Julius Baer, Pictet, les banques cantonales de Bâle et Zurich, ainsi que les banques Leumi, Hapoalim et Mizrahi, Bank Frey était également au nombre des quatorze, et cela ne surprend pas au vu de la politique pratiquée par cet établissement qui, de 2009 à 2012 avait triplé le nombre de ses clients américains. POURCENTAGE PARFOIS INFINITÉSIMAL Mais la plupart des banques ne sont pas dans cette situation: la Banca dello Stato Ticino annonce 150 clients américains sur un total de 100’000 clients. La Banque Valiant s’est annoncée en catégorie 2 malgré une proportion de clients américains qui n’excède pas 0,1%. La Banque Coop, qui affirme n’avoir que peu de clients américains, s’est elle aussi annoncée en catégorie 2 parce qu’elle ne peut pas être sûre qu’ils aient tous payé leurs impôts aux Etats-Unis. Des banques qui n’ont en fait rien à se reprocher en arrivent donc à se déclarer coupables, au même titre que des établissements ayant activement recherché la clientèle américaine. Il n’est pas certain que cette politique d’autoflagellation porte ses fruits, car la «déclaration commune» du 29 août 2013 entre le DoJ et le Département fédéral des finances précise bien que les individus ne sont pas concernés par le programme qui se limite à plafonner les amendes entre 20 et 50% des avoirs américains sous gestion. Une générosité toute relative si l’on sait que UBS s’en est tirée à 4% des fonds américains sous gestion. Wegelin, qui a payé 78 millions aux Américains, devrait vraisemblablement s’acquitter d’une amende de l’ordre de 400 millions dans le cadre du programme, si la question pouvait se poser. Car le DoJ ne fera pas de cadeaux: Julius Baer devra verser dans les 500 millions, la Banque Cantonale de Bâle a provisionné 100 millions, Leumi prévoit 130 millions et le Credit Suisse, probablement trop optimiste, pense s’en tirer avec 300 millions. C’est sans parler d’une quinzaine d’autres banques qui sont déjà dans le collimateur du DoJ: elles sont attendues en catégorie 2 dans le cadre du programme. Si elles ne figurent pas dans la liste, elles seront prochainement inculpées par un juge américain. Par contre, pour ce qui est des autres banques, le risque est nettement plus faible. Douglas Hornung relève que je juge doit pouvoir les inculper de «conspiration», ce qui requiert une politique délibérée de la part de la banque. Les éléments dont peuvent disposer les BANQUE&FINANCE N°122 I JANVIER-FÉVRIER 2014

Américains sont les «leavers lists» données par les banques déjà sous enquête, mais aussi les «voluntary disclosures», ces quelque 36’000 contribuables américains qui ont préféré se régulariser sur une base individuelle, dont beaucoup étaient clients des banques suisses. Les Américains peuvent aussi disposer d’autres éléments. Dans le cas de Leumi, ils se seraient procuré le procès-verbal d’une séance de conseil d’administration qui fait état de l’intention de la banque de démarcher d’anciens clients américains d’UBS. Mais pour les banques qui n’ont pas ce genre de casseroles, se déclarer coupable et un état d’esprit inquiétant. Un état d’esprit dont les banques ne sont pas entièrement responsables, car il reflète le lâchage de la classe politique. Il n’est pas si loin le temps où le Conseil fédéral répétait que «le secret bancaire n’est pas négociable». Dans son rapport d’activité de 2011 encore, la Finma rappelait que l’acceptation de fonds non déclarés n’était par contraire à la loi. Elle ne l’est toujours pas, mais les banques appliquent pour ainsi dire de lege ferenda la nouvelle norme du GAFI qui assimile l’évasion fiscale au blanchiment d’argent. L’échec de la récolte des signatures pour un référendum contre FATCA a achevé de démoraliser les banquiers et les conforter dans la conviction que toute résistance est inutile. De fait, FATCA fera apparaître les derniers clients américains non déclarés ce qui rend illusoire une non-participation au programme du DoJ. Ou alors, il faut imaginer que les quelques clients américains d’une banque non participante n’aient pas été détectés par l’administration US. Dans cette hypothèse, il faudrait encore qu’ils se débarrassent de leur nationalité américaine avant le 1er juillet 2014. Même cela ne serait vraisemblablement qu’un répit, car l’échange automatique d’information pourrait entrer en vigueur dès 2015. Dans ces conditions, la plupart des banques abandonnent la lutte et celles qui pensent ne pas pouvoir faire face aux prétentions des Américains s’apprêtent aussi à renoncer à leur licence. Selon certaines estimations, le quart des banques présentes en Suisse pourraient disparaître et même cette perte de substance ne reflétera pas la situation réelle de la place financière suisse. Pour l’instant, en effet, les fonds déclarés restent souvent en Suisse, en raison du manque de confiance lié à la crise de l’euro. Mais il suffira que la confiance dans l’économie européenne revienne pour que le désastre apparaisse dans toute son étendue. n MF


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Nicolas Pictet

le discours et la méthode Depuis le 1er janvier, Nicolas Pictet, associé-gérant de Pictet & Cie Group SCA, a pris les rênes de la Fondation Genève Place Financière. Le nouveau président dévoile les axes stratégiques et les premières actions qu’il entend conduire avec le soutien du conseil et de l’équipe opérationnelle, désormais dirigée par Edouard Cuendet. Propos recueillis par Frédéric Barillet

LE PROGRAMME Nicolas Pictet: La raison pour laquelle j’ai accepté cette mission, c’est effectivement parce que la période le requiert. Nous avons aujourd’hui besoin d’unir nos forces pour agir, tant sur le fond que sur la forme. Sur la forme, notre action va s’articuler autour de trois axes: Tout d’abord, il y aura une activité renforcée de lobbying, et de prises de position plus nettes auprès des pouvoirs publics, car le concours de ces derniers est désormais incontournable. Il nous faut à la fois renforcer nos liens avec les autorités locales, mais aussi être plus présents, tant auprès des représentants de Genève, que de ceux de tout l’arc lémanique, dans nos relations avec la Berne fédérale. Il nous appartiendra de les nourrir autant que possible en informations, afin qu’ils puissent mieux comprendre les besoins de la place financière. Peu d’élus savent ce qui se passe vraiment dans une banque. Il y a énormément de préjugés, d’idées préconçues. Les quelques hommes politiques que j’ai eu le plaisir d’accueillir en nos bureaux ont tous été absolument stupéfaits de voir la sophistication et le nombre d’activités qui s’y déroulent. (Nous allons nous efforcer de multiplier ce genre de contacts ?) Deuxième axe, la communication. Nous devons être plus visibles auprès de plusieurs types de publics, et tout d’abord auprès des collaborateurs des banques. Il y a aujourd’hui chez ceux-ci beaucoup d’incertitudes, et une grande soif d’information. La Fondation peut ici jouer un rôle d’éclaireur et de pourvoyeur d’informations, ce qui nous semble une de ses fonctions cruciales. Sans négliger pour autant une communication plus large auprès d’un public plus large. Mieux communiquer est aujourd’hui essentiel à tous les niveaux. BANQUE&FINANCE N°122 I JANVIER-FÉVRIER 2014

Troisième axe, la formation. Il s’agit là d’un domaine absolument clé pour l’avenir parce qu’on sait que c’est dans un personnel de qualité que nos prestations sont fondées. Nous allons faire un inventaire de tout ce que réalise la Fondation, mais nous avons d’ores et déjà identifié deux terrains prioritaires; l’ISFB d’une part, le monde universitaire d’autre part, avec lequel il est nécessaire de renforcer le lien. NP: Il existe quatre points sur lesquels la Fondation veut mettre l’accent: le premier est la question absolument critique de l’accès aux marchés, notamment au marché européen. Celui-ci risque de se fermer, notamment en raison de la directive MiFID. Une menace non encore avérée, mais qui fait planer de gros risques. Ce sont près de 15’000 emplois directs et indirects qui sont concernés. L’Europe est un très puissant voisin. On ne peut pas ne pas l’entendre. Lorsqu’elle nous dit: il faudrait trouver un moyen de se rapprocher qui soit un peu plus fort que ce qui existe, et qu’elle en fait quelque part une condition, il faut savoir l’écouter. Il n’y a pas d’autre alternative. Rien ne sera possible sans dialogue. Dans cette perspective, je suis heureux, en tant que banquier mais surtout en tant que Suisse, de voir que le Conseil fédéral, le président de la Confédération en tête, Didier Burkhalter, se sont emparés de ce dossier. Notre deuxième objectif: encourager tout ce qu’il convient de faire pour renforcer la compétitivité de la place financière dans un monde de plus en plus ouvert, où il nous faut mettre tous les atouts de notre côté pour être concurrentiels. L’accès aux marchés va nous mettre en concurrence directe avec tous les autres. Il est absolument vital que nous soyons au même niveau qu’eux, voire avec un léger avantage. Cela passera par une législation mieux pensée et des autorités plus sensibles aux besoins du terrain. A ce titre, je veux une nouvelle fois rappeler que notre autorité de surveillance, la Finma, doit aussi a minima s’occuper de notre compétitivité, comme la Loi sur l’Autorité fédérale de surveillance des marchés financiers le mentionne d’ailleurs. N’oublions pas qu’à l’étranger, à Luxembourg et à Singapour par exemple, les autorités de surveillance sont beaucoup plus sensibles à cette notion de compétitivité et vont même jusqu’à assurer la promotion de leur place financière. Chez nous, rien de tel. On se contente de réputation. Or, chacun sait que les réputations n’ont rien d’immuable.


Photos ŠLucile Dubost

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La place financière est un tout qu’il nous faut faire comprendre, au delà du monde économique et financier.

A côté de cela, il y a des problèmes plus spécifiquement cantonaux et sur lesquels la Fondation a décidé de faire porter ses efforts. C’est par exemple le cas de ce que l’on appelle les conditions-cadres atypiques offertes aux collaborateurs de nos établissements financiers. Ce n’est pas le tout d’offrir une place de travail intéressante et un salaire attrayant. Encore faut-il que les gens puissent se loger, trouver des écoles, une activité pour leur conjoint, un accueil pour les diriger vers les bons interlocuteurs, une aide pour appréhender toutes les subtilités du système juridique suisse.

Le troisième axe consistera à faire comprendre à l’ensemble des acteurs en Suisse que la place financière est utile pour le bien de tous. Elle n’est pas un “truc” qui vit en autarcie et qui ne s’intéresse qu’à ses propres besoins. Elle a avant tout des effets directs et indirects sur l’ensemble de l’économie suisse. Si nous avons des taux aussi bas qu’en ce moment, c’est parce que nous recevons des dépôts qui nous permettent de financer les activités de crédit à des conditions très avantageuses. Sans cette clientèle étrangère qui vient aujourd’hui pour la gestion de fortune, il est clair que l’épargne suisse n’y suffirait pas. Il en va de même pour le financement du négoce des matières premières. Si cette activité est devenue aussi prospère à Genève, c’est qu’on trouve ici un très grand nombre de sociétés de négoce, mais aussi toutes les banques qui les entourent et qui contribuent au financement de ce secteur. Beaucoup d’entre elles sont des banques étrangères. Et comme elles trouvent sur place une masse critique, un volant de manœuvre qui leur permet d’assurer cette activité sans être contraintes de faire appel aux capitaux de leur maison mère, tout est du coup beaucoup plus rentable. La place financière est donc un tout qu’il nous faut faire comprendre, au delà du monde économique et financier. C’est aussi la réalité quotidienne de métiers aussi divers que le transport, le commerce, les services qui savent pertinemment que sans la place financière, il n’y aurait plus de travail. Je veux enfin mentionner la fiscalité des entreprises, quatrième et dernier point sur lequel nous mettrons l’accent cette année. Un dossier clé, car il concerne l’ensemble des entreprises organisées en sociétés de capitaux qui vont ainsi bénéficier de ses évolutions, bien plus nombreuses que le simple noyau des sociétés cotées. GENÈVE ET LES AUTRES PLACES FINANCIÈRES SUISSES NP: Sur le plan fédéral, nos intérêts sont communs. C’est un intérêt suisse. La place financière genevoise est représentée dans toutes les organisations professionnelles, l’ASB par exemple. Y aura-t-il un besoin de faire entendre une voix plus spécifiquement genevoise? Peut-être dans le cas de certains dossiers, de type fiscalité des entreprises ou forfaits fiscaux. Ces points se traitent avant tout au niveau de chaque canton, même s’ils donneront lieu à une votation fédérale. En Suisse romande et particulièrement à Genève, ces points sont plus critiques qu’ils ne le sont en Suisse alémanique. BANQUE&FINANCE N°122 I JANVIER-FÉVRIER 2014

A Genève, nous devons aussi être pédagogues pour faire comprendre que la place financière est un cercle vertueux capable de faire cohabiter et de se nourrir de différentes composantes qui interagissent, telles que le négoce, la gestion de fortune, les activités de crédit, mais aussi avocats, experts fiscaux, sociétés fiduciaires, trusts... C’est la mise en commun de toutes ces activités qui donnent un bassin, une taille critique susceptible d’attirer de nouveaux collaborateurs étrangers. Ils peuvent trouver ici une employabilité qui va au delà d’un seul établissement, un environnement dans lequel ils pourront évoluer et passer d’un domaine à l’autre. Cette attractivité peut d’ailleurs s’appliquer aujourd’hui bien hors de notre seul univers. La finance engage de plus en plus de physiciens, de mathématiciens, d’informaticiens, et il n’est donc pas sans intérêt de mettre en avant qu’il existe à Genève un pôle scientifique important. Certes, compte tenu de nos moyens, le rôle de la Fondation restera par définition d’être un relais, un facilitateur. Mais je ne veux pas exclure par hypothèse qu’à un moment donné, nous ne soyons les moteurs d’une initiative. LA MÉTHODE NICOLAS PICTET NP: Le rôle de toute personne acceptant une fonction telle que celleci est d’assumer pleinement les besoins du moment. S’il faut éveiller les consciences et dire noir sur blanc ce qui va et ce qui ne va pas, alors il doit le faire au risque de ne pas remplir sa mission. Jusqu’où cela doit-il aller? Il est toujours mal venu de vilipender en public et de manière trop hâtive alors qu’il y a encore possibilité de construire quelque chose dans un dialogue. Je suis de ceux qui pensent qu’il faut tenir un discours ferme sur les buts poursuivis, mais continuer à dialoguer. On peut ne pas être d’accord avec quelqu’un, mais toute personne mérite le respect, a fortiori lorsqu’elle accepte de telles responsabilités. Je ne suis pas de ceux qui pensent qu’on doit pendre haut et court quelqu’un, même s’il exerce de responsabilités de haut niveau, à la première incartade. La difficulté d’aujourd’hui réside non pas dans un problème particulier mais dans le cumul de quatre problèmes: celui du règlement du passé, qui ne se limite pas qu’aux Etats-Unis même s’il s’agit probablement de la partie la plus douloureuse ; celui de l’excès de réglementation, dont une partie nous est imposée, parce que c’est une tendance générale, mais qui tient aussi au “Swiss finish”, un syndrome contre lequel il nous faut lutter, car il est un vrai souci; celui de l’accès aux marchés mentionné tout à l’heure, fondamental pour une place comme Genève; enfin celui de notre compétitivité. Dans ce monde en plein mouvement, il faut savoir s’adapter, ne pas en faire inutilement trop, et surtout être capables d’anticiper, de manière à toujours garder cette petite longueur d’avance et cette capacité d’innovation qui ont fait le succès de la Suisse jusqu’à présent.n



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ZURICH

VU DE

ZU

Incertitudes, stabilité et recentrage Les multiples événements juridiques et financiers de l’année 2013 ont produit une place renforcée, resserrée, mais également plus conservatrice. Par Cyril Demaria (Zurich)

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n ilot de stabilité dans un océan d’incertitudes: voilà l’image que la place financière de Zurich a d’elle-même. Igor Moser, de la Banque Cantonale de Zurich (ZKB) indique que la banque a affiché «une performance stable dans un environnement financier demeurant incertain». Les incertitudes sont multiples: réglementaires, fiscales, mais aussi concurrentielles, et affectent les modèles d’affaires à moyen et long terme. Parfois, Zurich semble être à des millions de kilomètres de Berne. C’est en tout cas le sentiment qui découle de 2013. La solution «Rubik» a fait long feu. Elle devait permettre aux établissements helvétiques de gérer le passif fiscal de leurs clients privés tout en préservant le secret bancaire. Certes, un accord a été signé avec le Royaume-Uni et l’Autriche, mais l’Allemagne s’est faite le fossoyeur de la généralisation de cette solution. Le sentiment d’une certaine pusillanimité politique et d’un abandon en rase campagne subsiste sur ce dossier. Parallèlement, les Etats-Unis ont mené tambour battant leur lutte médiatique anti-banques helvétiques: mise en examen (et emprisonnement) d’un ancien dirigeant de l’UBS (Raoul Weil), et bien entendu programme de règlement fiscal du différend opposant les banques suisses aux EtatsUnis. La menace d’enquêtes par le DoJ (banques en «catégorie 1» du programme) devait inciter les banques à déclarer à la Finma leur appartenance à la catégorie 2 (établissements ayant des clients étrangers avec risque de fraude), 3 (établissements ayant des clients étrangers sans risque de fraude) ou 4 (clients domestiques uniquement). Il était également possible refuser de participer, ce que les banques étrangères basées en Suisse ont fait, à l’exception de Cembra et de VP Bank. BANQUE&FINANCE N°122 I JANVIER-FÉVRIER 2014

Les banques helvétiques payent donc au prix fort leur stabilité future. Elles ont accepté le renversement de la charge de la preuve: c’est à elles de prouver l’innocence de leurs clients au DoJ, qui peine à recueillir les données (et aura d’autant plus de mal que la jurisprudence récente donne droit aux clients de s’opposer à la communication de données aux Etats-Unis si les requêtes sont imprécises). RETOUR AUX VALEURS TRADITIONNELLES C’est donc une stabilité méritoire, mais fragile, que les acteurs bancaires alémaniques ont atteinte. Ceux qui n’y sont pas parvenus ont soit disparu (la zurichoise Banque Frey en octobre dernier), soit dû faire face à de grandes difficultés. D’autres ont embrassé la concurrence: le Saint-Gallois Wegelin a été repris par Notenstein (Groupe Raffaisen), et le Bâlois Sarasin par Banque J. Safra. Au-delà, «un des principaux défis est l’évolution des attentes des clients dans le secteur de la banque privée», explique Igor Moser. Les modèles d’affaires doivent évoluer, dans un contexte où la concurrence s’exacerbe. En particulier, la décision du Tribunal Fédéral sur les rétrocessions (octobre 2012) commence progressivement à se faire sentir. A moyen terme, ce sont les coûts de compliance, mais aussi prudentiels qui inquiètent. La Confédération a fixé aux banques d’importance systémique des ratios prudentiels renforcés, au premier chef pour éviter de devoir à nouveau voler au secours des géants bancaires. Cela a conduit Crédit Suisse à se séparer de certaines divisions (Private Equity et banque privée en Allemagne) et l’UBS à trouver des ressources (cession de CEFS). Ce sont désormais les banques d’affaires mêmes qui sont sous pression. Jugée d’importance systémique elle aussi, la ZKB fait figure de victime collatérale. Pour l’établissement zurichois, pas de cession ou de créativité juridique: l’augmentation des fonds propres a été nécessaire. En conséquence, Igor Moser conclut que «les années dorées appartiennent désormais au passé. Il est nécessaire que la place suisse revienne aux valeurs traditionnelles qui ont ciselé les banques helvétiques». n


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VAUD

VD

Un positionnement d’avenir Malgré la forte contraction enregistrée depuis 2006 et surtout après 2010, la place financière vaudoise peut s’appuyer sur une clientèle locale et sur les PME. Par Mohammad Farrokh (Genève)

L

a place financière vaudoise existe-t-elle? Oui, si l’on pense à sa place dans l’économie qui reste cependant modeste. Si le secteur financier vaudois représentait 9,2% du PIB vaudois en 2012, il faut faire la part des assurances qui atteint 5%. En 2013, la part du secteur financier est tombée à 8%, en raison de la contraction des services financiers tombée à 2,9%. En 2000, cette part était encore de 5,2%. On observe que le recul des activités financières s’est fortement accéléré ces trois dernières années. On peut donc parler de contraction et évoquer avec une pointe de nostalgie une époque encore récente. Vaud abrite seulement 3,4% des sièges bancaires, ce qui est peu et, de fait, l’historique de la place incite à penser que ses grandes heures sont derrière elle. Lausanne a paru vouloir concurrencer Genève dans les années 1950 à 1970: à l’époque, Gothard et Indosuez l’ont privilégiée et, en 1971, la Banque CIAL (Suisse) SA, devenue depuis lors la Banque CIC, a choisi la capitale vaudoise pour implanter sa pre-

mière succursale hors de Bâle. A l’époque aussi, la Banque Bruxelles Lamber et la Corner Banque étaient des enseignes familières du paysage urbain. En septembre 1987, l’inauguration de la nouvelle bourse, qui comptait alors onze établissements membres, semblait marquer le début d’une ère nouvelle. Mais seulement deux ans plus tard, la bourse fermait pour devenir une salle de marchés. Les années 1990 ont été marquées d’une part par la disparition d’enseignes traditionnelles: Credit Foncier, Caisse d’Epargne et de Crédit, Banque Vaudoise de Crédit, mais cette simplification n’est pas totale, il reste quatre établissements de type caisse d’épargne. 2006, LE DÉBUT DE L’ÉVOLUTION D’autre part, les années 1990 ont été relativement fastes pour la gestion de fortune, notamment avec la création de la Banque Privée Espirito Santo qui a son siège à Pully. A l’époque aussi, la Banque Internationale à Luxembourg avait choisi Lausanne et le Credit Lyonnais amorçait une stratégie de réseau sur le marché suisse, avec même l’ouverture d’un bureau à Montreux. Le non du peuple suisse à l’EEE le 6 décembre 1992 allait mettre un point d’arrêt à cette expansion. De manière presque insensible au début, l’année 2006 a coïncidé avec


le début d’une évolution qui, à plus long terme, pourrait paradoxalement être favorable à la place financière vaudoise. Cette année-là, Wegelin a justifié son installation à Lausanne par un recentrage de sa stratégie sur la clientèle onshore. Sur ce segment en effet, Vaud a de réels atouts qui deviennent une planche de salut pour de nombreuses banques de gestion de fortune longtemps axées sur une clientèle offshore désormais problématique en raison d’une dimension fiscale précédemment négligée.

Toujours la même et pourtant différente:

L’ANCRAGE LOCAL Vaud abrite notamment quelques 1200 bénéficiaires du forfait fiscal, ainsi qu’une nombreuse classe moyenne supérieure qui présente une surface intéressante en termes de fortune totale, même si la fortune financière n’en donne pas immédiatement la mesure. Il faut faire la part de l’immobilier, qui pèse lourd sur un marché fortement évalué, mais aussi de la prévoyance professionnelle susceptible d’avoisiner le million au moment de la retraite. Dans ce contexte, le «seuil d’entrée», parfois abaissé aux environs de 200’000 francs, n’est pas une indication fiable sur les possibilités du client dont l’avoir, en termes de disponibilité immédiate, peut-être relativement modeste. Certaines banques se redéploient pour faire face à cette nouvelle problématique, notamment Piguet Galland qui, bien que dirigée à partir de Genève, reste une banque vaudoise avec un siège à Yverdon. L’idée est d’offrir une gamme de service qui mette notamment l’accent vers les hypothèques et la prévoyance professionnelle. Voilà pour la clientèle privée, mais la perspective s’élargit encore si l’on tient compte d’une autre particularité de la place vaudoise, l’existence d’un tissu économique diversifié qui fait la part belle aux PME et d’un arrièrepays totalement absent dans un canton comme Genève. Certaines banques sont, mieux que d’autres, positionnées pour tirer parti de cet environnement, notamment la Banque CIC, filiale du groupe CIC Holding qui s’inscrit lui-même dans le groupe Crédit Mutuel. Michel Berger, directeur de la succursale de Lausanne, relève les particularités de sa banque, orientée notamment vers une clientèle commerciale, de manière à offrir une palette de services diversifiés susceptibles de répondre aux besoins des PME et des chefs d’entreprises. C’est la stratégie EEE pour Executive Entreprise Entrepreneur. Ce positionnement réaliste offre un avenir jouable à une banque qui sait tirer parti d’un environnement économique toujours porteur et, avec elle, à une place financière vaudoise dont l’évolution est emblématique de celle de la place financière suisse tout entière. n

L’exploitante de la Bourse Suisse des Produits Structurés a un nouveau nom et une nouvelle identité visuelle, mais l’exigence fondamentale reste la même: celle de la qualité, fruit de l’expérience, du dynamisme et de la clairvoyance. six-structured-products.com

Swiss Exchange


.26 Perspectives 2014

BS

BÂLE

VU DE

La concentration se poursuit Au coude du Rhin, le marché du Private Banking est âprement disputé et porte un regard inquiet sur l’Allemagne voisine. Par Dieter Bachmann (Bâle)

S

ur la place bâloise, les banques devraient connaître un coup de frein à leur activité au cours de cette année. Durant les neuf premiers mois de l’année 2013, les effectifs du secteur bancaire bâlois ont reculé de 2,3% selon l’étude économique portant sur la Suisse du Nord-Ouest. Une évolution qui, de l’avis de représentants de la branche, devrait vraisemblablement se poursuivre en 2014. Selon des données fournies par la fédération des banques du canton de Bâle, les patrimoines des clients privés de la région ont, entre 2009 et 2012 (les données de 2013 ne sont pas encore recueillies), reculé de 11%, pour s’établir à 118 milliards de francs suisses. Toutefois, le segment d’activité Clients privés reste majoritairement le plus important des banques bâloises. L’insécurité persistante des clients allemands qui y constituent la clientèle étrangère de loin la plus large explique en grande partie le recul dont nous venons de parler. Suite aux divers achats de CDs de données par des enquêteurs financiers et à l’assouplissement du secret bancaire, de nombreux clients allemands ont décidé de clôturer leurs comptes dans des banques suisses et de retirer leurs fonds. Cette tendance et les exigences accrues en matière de conformité juridique ont incité de nombreuses banques à se limiter à un nombre très faible de clients étrangers. Outre les Allemands, cette démarche concerne également des Français ou une clientèle en provenance du Benelux, pour ne citer que les plus importants. Toutefois, deux départs de la place bâloise en 2013 démontrent qu’il n’est plus guère rentable pour les deux derniers pays cités d’y conserver des bureaux: d’une part, le Crédit Agricole français a fermé son Private Banking à Bâle et n’exploite plus qu’une filiale qui se concentre sur le financement de biens immobiliers dans la région voisine, l’Alsace. D’autre part, la Banque Thaler a fermé sa succursale à Bâle. On ne sent plus l’atmosphère de renouveau qui a BANQUE&FINANCE N°122 I JANVIER-FÉVRIER 2014

marqué les dernières années durant lesquelles quelques acteurs majeurs du secteur ont ouvert une succursale à Bâle en un court laps de temps (Vontobel, Pictet, Valiant, Basellandschaftliche Kantonalbank). L’exception la plus importante est la filiale de Raiffeisen, Notenstein. Celle-ci a débauché en 2013 plusieurs collaborateurs de J. Safra Sarasin. L’effectif a été renforcé, passant de 13 à 60 personnes, car l’activité concernant les clients institutionnels a été transférée à Bâle. LA CONVALESCENCE SERA LONGUE Selon la fédération des banques du canton de Bâle, c’est surtout entre 2009 et 2012 que les patrimoines de clients institutionnels et commerciaux gérés à Bâle ont augmenté, passant de 44 à 49 milliards de francs. Même si la clientèle américaine n’est pas un facteur décisif pour les banques de la place de Bâle, la problématique des avoirs non déclarés des Américains, ne serait-ce que les investigations en matière de participation au programme des autorités américaines, a toutefois engendré un surcroît de travail considérable pour les différentes banques, ce qui pose en particulier un problème financier pour les petites banques privées. En revanche, la croissance de l’effectif d’expatriés à hauts revenus travaillant dans les grands groupes bâlois devrait constituer une opportunité. Mais ce sont surtout les grandes banques de statut international qui profiteront de ce segment de clientèle. On ignore encore l’impact financier qu’aura le programme USA sur la Banque cantonale de Bâle après la clôture des négociations avec les autorités américaines. Toutefois, il est clair que la banque a d’ores et déjà réduit sa présence sur certains secteurs d’activité (par exemple les opérations de négoce) ou poursuit encore cette réduction individuellement. De même, la multiplication de fusions d’activités avec la filiale Coop n’est pas à exclure à moyen terme – globalement, des facteurs qui pointent une tendance à une baisse future du besoin en personnel. «La crise est derrière nous, mais pas les années difficiles» indique un banquier interrogé quant à la situation de la place bâloise. Toutefois, un message positif a été émis pour l’activité de services bancaires bâlois orientés sur l’exportation. Il s’agit de l’accord de principe obtenu dans l’UE concernant la directive sur les marchés d’instruments financiers MiFID II. Contrairement à ce que l’on craignait, aucune obligation de succursale dans l’UE n’est prévue pour la gestion des clients privés. n


Perspectives 2014

.27 27 VU DU

La place tessinoise en transition

TESSIN

TI

Ici, on a le regard tourné vers Rome tout en réfléchissant à de nouveaux modèles d’affaires. Par GianLuigi Trucco (Lugano)

D

ans le Canton du Tessin, l’évolution de la place financière suisse présente des caractéristiques particulières, ce pour au moins trois raisons: la dépendance du marché italien et de la gestion patrimoniale (Private banking), le peu de pouvoir de décision, mais aussi, point positif, l’expérience transfrontalière acquise précisément avec l’Italie par le biais des «boucliers fiscaux» et autres vicissitudes qui se sont succédé au fil du temps. L’année 2013 peut être définie comme une période de transition. La phase de consolidation entre petites et moyennes banques s’est poursuivie. Plusieurs mouvements d’externalisation ont été mis en œuvre dans les secteurs de l’informatique, du back-office et de la conformité, développant des programmes capables de répondre aux nouvelles contraintes de suivi et de compte rendu fiscal «ciblé». Le secteur des gestionnaires financiers indépendants, notamment en ce qui concerne les masses gérées, a «tenu le coup» en attendant les prochains développements règlementaires, mais le départ de clients de petite et moyenne taille et l’incidence des comptes déclarés s’est ressentie en termes de rentabilité. Pour les intermédiaires financiers, la nouvelle loi cantonale, unique en Suisse, rigide quant aux conditions imposées, limite l’arrivée d’une nouvelle clientèle et le développement du secteur. Au niveau de l’emploi (environ 10’000 places directes dans le secteur financier et presque le double avec la sous-traitance), les prévisions catastrophiques ne se sont pas vérifiées pour le moment, mais les boucliers fiscaux, le flou normatif et des pratiques bancaires parfois improvisées ont créée une certaine confusion chez les clients. Cette situation s’est traduite par moins d’actifs sous gestion et une diminution des recettes fiscales (le secteur de la finance représente 11% du PIB tessinois). Sans parler d’une vive préoccupation des collectivités, Lugano en tête, même si les transactions sur les matières premières ont compensé de façon positive. Nombre des clients de la gestion de patrimoine (wealth management) ont transféré leur compte dans d’autres places plus ou moins

exotiques, en quête d’une plus grande confidentialité. La transformation d’un modèle d’affaires fondé sur l’off-shore vers un modèle par définition onshore pour les particuliers, les entreprises et les institutions, sur la base des schémas légaux, réglementaires et fiscaux du pays de résidence du client, implique désormais conformité, structures, compétences et parfois création de nouveaux profils professionnels. Des obligations qui peuvent devenir parfois insupportables pour les acteurs dont la taille et les marges ne sont pas suffisantes. Il est probable que 2014 verra une accélération des processus de consolidation déjà en cours. TROUVER DE NOUVELLES OPPORTUNITÉS L’espoir d’un accord Rubik sur le modèle de ceux mis en œuvre avec le Royaume uni et l’Autriche s’étant évanoui, les négociations avec Rome reprennent. Elles impliquent des aspects complexes: «liste noire», accès à un marché «protégé» (c’est un euphémisme) et autres difficultés à résoudre. Pendant ce temps, Rome travaille sur un projet de «déclaration volontaire» qui prévoit une atténuation des sanctions à l’encontre des résidents qui ont détenu des fonds non déclarés en Suisse: l’aspect qui préoccupe les clients, parallèlement aux coûts de régularisation fiscale, nettement supérieurs à ceux des boucliers précédents, est la responsabilité pénale, dont ils souhaitent la suppression. Toutefois le cadre institutionnel instable en l’Italie et une fiscalité confuse et confiscatoire incitent beaucoup de clients à placer une partie de leurs fonds au Tessin de manière officielle, en déléguant l’exécution des formalités fiscales à la banque de dépôt ou à un intermédiaire italien. Certains vont plus loin, transférant résidence et entreprise. Confrontée à la future mise en œuvre de FATCA, à la stratégie de l’argent déclaré, à l’échange automatique d’informations désormais à notre porte, à la transposition des Recommandations du GAFI en matière d’infractions fiscales graves et de blanchiment de capitaux ou à une FINMA très active dans le «soft lawmaking», la place tessinoise ne se contente pas de faire du lobbying. Le Centre d’Études bancaires élabore des plans de formation transfrontalière à l’image de ceux qui ont également été adoptés à Zurich et à Genève et pousse le thème de la fiscalité internationale. Le Canton et quelques associations privées se sont regroupés pour créer Tessin for finance. Objectif, attirer opérateurs spécialisés de la finance, gestionnaires d’actifs (asset managers), gestionnaires de fonds spéculatifs (hedge funds) et autres courtiers en matières premières (commodity traders). Cela ne suffira pas à remplacer les emplois perdus dans le secteur de la gestion de patrimoine, mais cela aidera au moins trouver de nouvelles opportunités. n BANQUE&FINANCE N°122 I JANVIER-FÉVRIER 2014


.28

Elu Député européen en juin 2009, le Français Michel Barnier est aujourd’hui Commissaire européen au Marché intérieur et aux Services. BANQUE&FINANCE N°122 I JANVIER-FÉVRIER 2014

© Union européenne, 2014

BRUXELLES

VU DE


Perspectives 2014

.29 29

Michel Barnier “N’ayons pas la mémoire courte”

Il a porté depuis plusieurs mois le projet d’union bancaire indispensable, selon lui, pour rétablir des bases solides et une stabilité financière en Europe. Michel Barnier a accepté de répondre à nos questions portant sur cette union mais aussi sur sa vision des rapports Suisse/UE.

Banque&Finance: Les accords arrachés en décembre dernier semblent montrer toute la difficulté des 28 Etats membres à réellement souhaiter cette union bancaire à laquelle vous tenez tant. Comment expliquer ces atermoiements? Quel sera l’agenda retenu et quelles mesures envisagez-vous pour obliger les banques à réellement suivre les directives de l’Union? Michel Barnier: Je ne suis pas d’accord avec vous: les grandes avancées de décembre 2013 montrent que les 28 Etats membres — et plus directement les Etats membres de la Zone Euro puisqu’ils sont les premiers concernés par ce projet —, sont capables de se mettre d’accord en un temps politiquement très court sur un projet aussi ambitieux que l’Union bancaire. C’est sans doute là notre plus grand projet commun depuis la création de l’euro. Le Mécanisme de supervision unique (MSU) a été définitivement adopté le 15 octobre 2013. Il permettra de soumettre toutes les banques de la zone euro élargie à une supervision unique de qualité, sous l’autorité de la BCE. A partir du 1er novembre 2014, la BCE sera responsable de la supervision directe d’environ 130 banques systémiques. Avec le MSU, nous serons en mesure de mieux détecter les risques. Mais encore faut-il être capable, si ces risques devaient se matérialiser, de les affronter ensemble, et non plus en ordre dispersé comme par le passé. Sur ce point, nous avons fait de grands progrès le mois dernier. D’une part, le Parlement européen et les Etats membres ont trouvé un accord sur la Directive sur le redressement des banques et la résolution des défaillances bancaires, dite “BRRD”. Cette Directive nous donne une boîte à outils pour redresser les banques de manière ordonnée, en recourant au

minimum aux contribuables. C’est le passage du bail out au bail in. Nous avons également trouvé un accord permettant de renforcer les systèmes de garantie des dépôts nationaux à hauteur de 100 000 euros par déposant et par banque. D’autre part, les Etats membres se sont mis d’accord sur une approche générale sur le Mécanisme unique de résolution (MRU), avec un Conseil unique de résolution et la création d’un fonds unique de résolution, dont la montée en puissance est prévue sur 10 ans. Je suis convaincu que le Parlement européen et les Etats membres trouveront un accord sur ce texte avant les prochaines élections. Toutes ces réformes auraient été difficilement imaginables il y a encore quelques années. B&F: Ne peut-on craindre que les banques, contraintes par cet accord, ne limitent encore plus leurs risques, quitte à asphyxier un secteur des PME déjà très en danger dans la plupart des pays? Comment les obliger à revenir à leur métier de base, prêter de l’argent? MB: N’ayons pas la mémoire courte: ce qui a pénalisé la croissance en premier lieu, c’est bien le manque, et non pas l’excès de régulation. Et ce manque de régulation, qui en Europe a aussi résulté d’une régulation et d’une supervision dispersées, s’est traduit par un manque de confiance. Les règles que nous mettons en place depuis quatre ans visent justement à consolider les bases de la croissance, à redonner confiance dans notre système financier et à faire en sorte que les banques remplissent leur rôle et financent l’économie. Lorsque nous augmentons les exigences de fonds propres et de liquidité, conformément à l’accord de Bâle III, nous renforçons les banques en leur donnant les moyens de faire face aux chocs économiques tout en continuant à financer l’économie réelle. Toutefois, toutes nos propositions tiennent compte des risques qu’une montée en puissance trop rapide de nouvelles règles ferait peser sur le financement de l’économie. Il faut à tout prix éviter cela. En matière de liquidité, par exemple je n’ai pas hésité à donner l’alerte sur les règles initialement envisagées par le Comité de Bâle en soulignant les risques qu’elles constituaient pour l’économie européenne. Je me réjouis que le Comité de Bâle ait entendu cet appel en décidant par exemple d’une application BANQUE&FINANCE N°122 I JANVIER-FÉVRIER 2014


.30 Perspectives 2014

Nous mettons en œuvre nos engagements dans le cadre du G20, et je me réjouis que la plupart de nos partenaires mondiaux soient engagés dans la même direction, y compris la Suisse.

progressive du ratio de couverture de liquidité (liquidity coverage ratio), entre 2015 et 2019. Nous avons également veillé à calibrer le texte de CRD IV pour faire en sorte que le renforcement des exigences de fonds propres se concentre sur les activités les plus risquées et ne se traduise pas par une restriction du crédit aux PME.

groupe bancaire établi dans un pays tiers, elles continueront à profiter du passeport européen. Parmi ces filiales, celles qui dépassent les seuils indiqués dans le règlement MSU seront directement supervisées par la BCE; les autres continueront à relever de la compétence des autorités nationales.

B&F: Les consommateurs devraient être, a priori, les grands bénéficiaires des accords de décembre. D’aucuns craignent pourtant que les contribuables ne doivent, in fine, mettre une fois de plus la main à la poche. Comment les protéger de possibles dérives?

B&F: Les deux premières banques suisses, UBS et Crédit Suisse, viennent de lancer une initiative de lobbying en créant à Bruxelles le Swiss Finance Council. Que pensez-vous de cette initiative et est-elle en mesure d’influencer la position de la Commission et des Etats membres?

MB: Mais l’union bancaire devrait justement éviter aux contribuables d’avoir une nouvelle fois à payer les conséquences d’une crise financière! Je rappelle que les aides d’Etat octroyées au secteur financier entre octobre 2008 et le 31 décembre 2012 (sous la forme de mesures de recapitalisation et de sauvetage des actifs) s’élèvent à 591,9 milliards € (soit 4,6% du PIB de l’Union en 2012). Le MSU devrait permettre de mieux détecter les risques en amont et de les traiter efficacement, grâce notamment aux nouveaux pouvoirs de supervision dont disposera la BCE (autorisation/retrait d’agrément, exigence de fonds propres supplémentaires, etc.). La directive “BRRD” prévoit que les pertes liées à la faillite d’une banque seront assumées en priorité par les actionnaires et les créanciers de la banque, et non pas par les contribuables. Et toute une autre série de règles renforce la gouvernance des banques. Tout ce que nous faisons c’est justement pour éviter qu’à l’avenir les contribuables soient en première ligne et pour que ce soient les banques qui paient pour les banques.

MB: Cette initiative me semble être une simple reconnaissance d’une réalité nouvelle. Avec la mise en œuvre de la réforme financière, la dimension européenne est beaucoup plus importante que par le passé. La Commission a l’habitude de travailler avec toutes les parties intéressées: établissements bancaires européens ou non européens, mais aussi investisseurs, consommateurs. Une voix de plus au débat est certainement utile. J’espère que cette initiative sera le signe d’un engagement ouvert et transparent.

B&F: Une fois ce projet mené à bien à l’intérieur de l’UE, comment envisagez-vous les relations entre l’UE et les Etats tiers en termes de pratiques bancaires?

B&F: La volonté de la Commission de voir se généraliser des politiques “communes” en matière fiscale, telles que l’échange automatique de renseignements, se heurte notamment à l’opposition des autorités suisses qui, si elles déclarent pouvoir en accepter le principe, mettent en avant leur caractère nécessairement généralisé (au moins à l’échelle de l’OCDE). La position ambiguë de certains membres de l’UE en matière de paradis fiscaux, Royaume-Uni en tête, n’est-elle pas finalement un obstacle à cette volonté? La Commission dispose-t-elle de réels moyens de pression pour influencer ses membres et “faire avancer” ce dossier?

MB: Les mesures décisives prises par l’UE depuis quatre ans pour rendre les marchés financiers plus solides, plus transparents, plus résistants, plus orientés vers l’économie réelle et la croissance bénéficieront à la stabilité du système financier global. Avec ces mesures, nous mettons en œuvre nos engagements dans le cadre du G20, et je me réjouis que la plupart de nos partenaires mondiaux soient engagés dans la même direction, y compris la Suisse. Nous devons continuer à coordonner nos réformes pour mettre en place un cadre cohérent qui crée les conditions d’une concurrence équitable et ne nuise pas à l’ouverture du système financier qui est un système global. En ce qui concerne les relations entre l’UE et les Etats tiers, le cadre existant reste en place. Les succursales (branch) dans l’UE d’une banque établie dans un pays tiers continueront à relever de la compétence des autorités nationales. Quant aux filiales (subsidiary) dans l’UE d’un

MB: La détermination de la Commission Européenne à lutter contre la fraude et l’évasion fiscale est très grande. La Commission a présenté en décembre dernier un plan d’action comportant plus de trente mesures concrètes. Ce plan d’action était accompagné d’une recommandation très claire aux Etats membres sur la nécessité et la façon de revoir leurs relations avec les juridictions fiscales non coopératives y compris évidemment les “paradis fiscaux”. La politique fiscale étant essentiellement une compétence des Etats Membres, nous devons nous appuyer sur la pression de l’opinion publique telle qu’elle est relayée par le Parlement Européen et sur la pression entre pairs au niveau global pour avancer. Et cela porte ses fruits, les Etats Membres ont pris des engagements à l’occasion des derniers Conseils Européens ainsi qu’au sein du G20 sur l’échange automatique d’information ou l’érosion des bases imposables. n

BANQUE&FINANCE N°122 I JANVIER-FÉVRIER 2014


(Publi-information)

Net New Money, Revenues, Profitability, comment piloter l’activité “gestion privée” avec succès et conjurer les défis humains avec l’introduction d’un cockpit de pilotage? Performance opérationnelle, réduction des coûts, accords RUBIK et FATCA, nombreux sont les défis auxquels les directions doivent faire face ! Le pilotage de l’activité prend tout son sens et devient désormais critique pour bon nombre d’établissements bancaires. Mais comment conjurer les défis humains avec l’introduction d’un cockpit de pilotage?

C

omme évoqué dans la précédente édition, Integraal Solutions a pour vocation de fournir les éléments décisifs aux comités de direction des établissements bancaires afin de leur permettre de piloter leurs activités de manière fiable et avisée. Notre mission consiste à délivrer, en moins d’un trimestre, un cockpit de pilotage destiné aux directions générales en y associant du conseil ciblé dans le but de soutenir la stratégie de l’entreprise.

De l’expérience et une vision Avec plus de 20 ans d’expérience dans la conduite de projets informatiques internationaux et d’accompagnement du changement organisationnel, Daniel Wagner rejoint en 2013 la société Integraal Solutions avec pour mission d’augmenter la productivité des établissements grâce à l’adhésion des utilisateurs à la solution “Integraal for Finance”.

Rapidité et agilité de mise en œuvre Comment disposer d’un cockpit opérationnel au prochain trimestre? «La solution “Integraal for Finance” répond à la majeure partie des besoins de pilotage d’une banque privée: “Wealth Management”, “Profitability Management”, “Activity Based Costing Management” et ‘“Client Fees Management”. Se concentrer sur l’essentiel, délivrer à court terme et mettre l’accent sur les données critiques: voilà notre cible.» Durant l’année 2013, plusieurs banques ont opté pour notre solution et ont pu disposer du cockpit global de pilotage au trimestre suivant. «Force est de constater que le marché est sensible à

notre approche. Un modèle de mise en œuvre agile et accompagné par du conseil au niveau du capital humain séduit par son ROI rapide.»

Défi technologique ne rime pas avec défi humain Trois phases rythment l’implémentation de la solution. Notre modèle repose sur notre «Integraal Foundation Framework» lequel s’adapte aux besoins spécifiques des établissements et permet de disposer d’une solution opérationnelle dès la deuxième phase, soit en moins d’un trimestre. «Avec l’évolution technologique, l’expérience montre que si l’on peut désormais disposer d’une solution de pilotage “Wealth Management” en un temps record, la maturité organisationnelle n’est quant à elle pas systématiquement au rendez-vous. A l’instar de la technologie qui a évolué au fil des ans, l’humain face au changement reste un défi majeur incontournable. L’ attitude de rejet et de résistance qui se manifeste dans une structure avec l’introduction d’un cockpit de pilotage fait partie des lignes de forces à maitriser ; la non atteinte des objectifs stratégiques cibles de l’établissement en découle.»

Vos enjeux sont nos objectifs; un partenaire qui accompagne vos changements “Organisation don’t perform, people do!” Expert en “Business Intelligence” et en “solutions bancaires”, nous accompagnons les établissements afin de gérer les effets pervers des indicateurs d’un cockpit financier auprès des individus et dans l’organisation. Nous associons expertise technologique et humaine afin de sécuriser les projets, accélérer la transformation sur le plan organisationnel et augmenter la productivité. Vous fournir les indicateurs pertinents pour piloter au niveau de l’établissement est notre mission afin de vous permettre de gagner en souplesse, réagir et accroître votre compétitivité sur le marché.

Daniel Wagner – Directeur daniel.wagner@integraal-solutions.ch www.integraal-solutions.ch

integraal solutions sa 15, rue Eugène-Marziano CH - 1227 Les Acacias t +41 22 310 50 40 m +41 79 500 98 33


.32 Perspectives 2014

AILLEURS

VU D’

Les banques suisses ont été récemment liées à des scandales politiques en France, en Grèce et en Espagne. On a parlé de comptes secrets utilisés par des hommes politiques ou par leur entourage pour mettre en place des caisses noires, contourner la fiscalité ou détourner des millions, faisant monter la colère populaire au moment où l’on demande aux citoyens de payer plus d’impôts tout en acceptant des coupes sombres dans les prestations sociales, les retraites et l’enseignement. Les décisions que viennent de prendre le Luxembourg et l’Autriche fragilisent encore plus la position de la Suisse, devenue le plus grand centre de gestion de patrimoine privé au monde au cours des décennies grâce à des banques qui ont compté sur une neutralité politique et une stabilité juridique savamment étudiées attirer de riches clients (...) Les conséquences pourraient être dévastatrices si les Suisses ne prenaient pas soin de suivre la même voie… New-York - 24 mai 2013

Quant à la question de l’origine de ce secret bancaire, elle a joué pendant un certain temps un rôle ambigu. Dans les années 60, la banque suisse a répandu l’idée selon laquelle le secret bancaire avait été mis en place pour protéger les victimes des persécutions nazies : un effort de propagande démenti par les faits. En réalité, il répondait aux intérêts de la classe dominante du pays et à ceux des banques et établissements financiers eux-mêmes, et il fut lié à leur désir d’aider le nazisme et le fascisme… Buenos Aires - novembre 2012

Selon le Droit Suisse, les tricheurs en matière fiscale peuvent avoir simplement “oublié” de déclarer leurs avoirs, ce qui veut dire que l’évasion fiscale n’est pas un délit tombant sous le coup de la loi sauf si elle fait appel à la contrefaçon, sanctionnée alors par une peine pouvant aller jusqu’à trois ans d’emprisonnement. La fraude fiscale, elle, est considérée comme un acte délibéré. Les législateurs devront donc revisiter ces deux textes dont les ambiguïtés ont permis aux fraudeurs d’éviter de déclarer des fonds … Tokyo - 16 octobre 2013

Ces règlementations ont menacé la capacité de la Suisse à préserver la vie privée de ses clients et en ont inquiété plus d’un. Mais le vice-président de l’Association de banques privées suisses, Christoph Gloor, a souligné que la certitude juridique et que la prévisibilité de la loi de la Confédération étaient des atouts de la plus haute importance lorsqu’il s’agit de se mettre en conformité avec de nouveaux règles internationales. C’est d’ailleurs une des raisons pour lesquelles la clientèle a eu si longtemps confiance dans cette place financière. Là où d’autres jonglent avec les nouveaux règlements et ont tendance à chambouler leurs propres règles, fragilisant par là même les avoirs de leurs clients... La Suisse est aujourd’hui confrontée à de sérieuses problématiques juridiques et réglementaires qui redéfiniront son secteur bancaire dans les années à venir. Mais les clients continuent à faire confiance au gouvernement Suisse dans la mesure où il continue de légiférer en tenant compte de la clientèle. La dernière chose à faire pour la Suisse serait de changer la loi de telle manière qu’elle introduise le doute et la spéculation sur l’action du Conseil Fédéral… Hong-Kong - 29 mars 2013

Les mesures de répression de la délinquance fiscale prises à l’échelle mondiale diminuent l’attractivité de la Suisse. Selon l’étude “Global Private Banking and Wealth Management”que réalise PricewaterhouseCoopers, la Suisse demeure le plus grand centre financier offshore du monde avec quelque 2’000 milliards de dollars d’actifs sous gestion, devant Singapour, Hong-Kong, Londres et New York (...) Mais si la tradition suisse du secret bancaire a longtemps aidé son secteur financier à prospérer, ce dernier est désormais place sous la très forte pression des États-Unis et d’autres pays, au moment où les gouvernements à court de liquidités cherchent à mettre un terme à l’évasion fiscale et à annihiler toute tentative d’échappatoire … Singapour - 9 juillet 2013

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DOSSIER

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Pays émergents

© The-Tor

PAYS ÉMERGENTS

Ces marchés sont-ils encore attractifs?

Les marchés émergents représentent désormais la moitié du PIB mondial. Au cours des dernières années, les investisseurs étrangers en recherche de performance sont arrivés en masse sur ces marchés locaux. Reste qu’aujourd’hui la liquidité de ces marchés se détériore et qu’il est donc plus difficile sortir de ces marchés. Quel est l’avenir de la créance émergente? Votre opinion à ce sujet dépendra probablement de la manière dont vous évaluez les différents moteurs de performance de cette classe d’actifs.

BANQUE&FINANCE N°122 I JANVIER-FÉVRIER 2014


.34 Un bilan très hétérogène ... ?

4-POLOGNE 24e puissance mondiale PIB (en millions de USD) 513 930 Habitants 39 millions PIB/habitant 13’333 USD Taux de croissance Inflation 1,4%

1,3%

5-RÉPUBLIQUE TCHÈQUE 51e puissance mondiale PIB (en millions de USD) 198 630 Habitants 11 millions PIB/habitant 18’868 USD Taux de croissance -0,4% Inflation 1,8%

TAUX DE CROISSANCE

< à 0% 0 à 4% > à 4%

PAYS ÉMERGENTS

7-SLOVÉNIE 82e puissance mondiale PIB (en millions de USD) 46 820 Habitants 2 millions PIB/habitant 22’718 USD Taux de croissance: -2,6% Inflation 2,3%

4 5

6 8

7 9

1

Source: Banque Mondiale, 2013

1-MEXIQUE 14e puissance mondiale PIB (en millions de USD) 1 327 000 Habitants 121 millions PIB/habitant 11’224 USD Taux de croissance 1,2% Inflation 3,6%

2-BRÉSIL 6e puissance mondiale PIB (en millions de USD) 2 253 000 Habitants 199 millions PIB/habitant 10’957 USD Taux de croissance 2,5% Inflation 6,3%

9-TURQUIE 17e puissance mondiale PIB (en millions de USD) 821 800 Habitants 74 millions PIB/habitant 10’744 USD Taux de croissance Inflation 6,6%

3,8%

2

10 3 3-ARGENTINE 26e puissance mondiale PIB (en millions de USD) 484 600 Habitants 41 millions PIB/habitant 11’679 USD Taux de croissance 3,5% Inflation 10,5%

BANQUE&FINANCE N°122 I JANVIER-FÉVRIER 2014

10-AFRIQUE DU SUD 29e puissance mondiale PIB (en millions de USD) 353 910 Habitants 51 millions PIB/habitant 6’847 USD Taux de croissance Inflation 5,9%

2,0%


DOSSIER

12-RUSSIE 8e puissance mondiale PIB (en millions de USD) 2 014 800 Habitants 144 millions PIB/habitant 14’973 USD Taux de croissance 1,5% Inflation 6,5%

8-HONGRIE 58e puissance mondiale PIB (en millions de USD) 130 560 Habitants 10 millions PIB/habitant 13’171 USD Taux de croissance -1,7% Inflation 2,4%

14-CHINE 2e puissance mondiale PIB (en millions de USD) 8 227 000 Habitants 1,351 milliard PIB/habitant 6’569 USD Taux de croissance 7,6% Inflation 2,7%

15-CORÉE DU SUD 15e puissance mondiale PIB (en millions de USD) 1 156 000 Habitants 50 millions PIB/habitant 23’837 USD Taux de croissance 2,8% Inflation 1,4%

12

16-THAÏLANDE 32e puissance mondiale PIB (en millions de USD) 400 920 Habitants 67 millions PIB/habitant 5’878 USD Taux de croissance 3,1% Inflation 2,2%

15 17-TAÏWAN 27e puissance mondiale PIB (en millions de USD) 484 670 Habitants 23 millions PIB/habitant 20’706 USD Taux de croissance 2,2% Inflation 1,2%

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11-PAKISTAN 45e puissance mondiale PIB (en millions de USD) 236 520 Habitants 179 millions PIB/habitant 1’295 USD Taux de croissance 3,6% Inflation 7,4%

20

18-PHILIPPINES 41e puissance mondiale PIB (en millions de USD) 250 270 Habitants 97 millions PIB/habitant 1’501 USD Taux de croissance 7,0% Inflation 2,8% 13-INDE 10e puissance mondiale PIB (en millions de USD) 1 841 700 Habitants 1,237 milliard PIB/habitant 1’414 USD Taux de croissance 3,8% Inflation 10,9%

19-MALAISIE 35e puissance mondiale PIB (en millions de USD) 312 410 Habitants 29 millions PIB/habitant 10’428 USD Taux de croissance 4,7% Inflation 2,0%

20-INDONÉSIE 16e puissance mondiale PIB (en millions de USD) 867 470 Habitants 247 millions PIB/habitant 3’498 USD Taux de croissance 5,3% Inflation 7,3%

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PAYS ÉMERGENTS

6-SLOVAQUIE 62e puissance mondiale PIB (en millions de USD) 96 960 Habitants 5 millions PIB/habitant 17’929 USD Taux de croissance 0,8% Inflation 1,7%

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... qui explique pourquoi PAR MIKE RIDDELL

PAYS ÉMERGENTS

Fund Manager M&G Investments

D

epuis deux ans, l’évolution des marchés émergents inquiète. L’explosion des flux de portefeuille, l’amélioration des perspectives du dollar US et le resserrement historique des valorisations avaient tout d’abord attiré notre attention. Mais récemment, la détérioration des fondamentaux de ces marchés a pris le pas sur tous les autres facteurs. En mai 2013, l’association d’une mauvaise communication et d’une mauvaise interprétation du discours de la Fed a précipité les événements, et, même si cette classe d’actifs a récupéré environ la moitié de ses pertes depuis, la créance des pays émergents a chuté de mai à juillet. Où en sommes-nous aujourd’hui ? Commençons par les mouvements de fonds. En juillet et en août, les capitaux ont quitté les marchés émergents pour y revenir brièvement à la mi-septembre, immédiatement après la décision de la Fed de ne pas réduire ses plans de relance. Depuis lors, les investisseurs ont largement déserté ces marchés (voir graphique ci-dessous). Depuis le 23 mai, les marchés de la créance émergente ont, en effet, perdu 28 milliards de dollars, dont plus de 3 milliards depuis le 23 septembre. Toutefois, les données, désormais souvent citées, de la firme EPFR sur ces mouvements de fonds ne s’appliquent qu’aux fonds communs de placement. Mais, si elles donnent une idée globale de la situation, elles ne représentent qu’un fragment de la réalité. En effet, il est désormais clair qu’une partie importante des ventes de devises des marchés émergents sont sans doute le fait des banques centrales. La base de données sur la composition monétaire des réserves officielles de change (COFER) du FMI, qui fournit des données trimestrielles (limitées), montre que les avoirs en «autres devises» des banques centrales des économies avancées ont fondu de 27 milliards de dollars au deuxième trimestre et il est fort probable que ce panier «autres devises» se compose de devises émergentes liquides. Cette chute a peut-être découlé pour moitié des valorisations, mais l’autre moitié est probablement due à la vente massive des réserves monétaires en devises émergentes. Les limites des données d’EPFR apparaissent clairement, car en nous basant sur ces dernières, nous constatons qu’au cours du mois une fuite lente est intervenue au niveau des fonds communs de placement qui investissent dans la créance des pays émergents. Or, ce constat ne correspond pas vraiment aux cotations du marché, car la créance et les devises émergentes ont grimpé au mois d’octobre.

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Un renouveau de l’appétit pour le risque parmi les gérants de fonds en créances émergentes pourrait rendre compte d’un tel différentiel, mais il est plus probable que les investisseurs institutionnels et autres aient représenté des acheteurs nets. Par ailleurs, une stabilisation relative des mouvements de fonds ne signifie pas que l’univers des marchés émergents se porte mieux. Suite aux commentaires négatifs des dernières publications phares du FMI que sont les Perspectives de l’économie mondiale et le Rapport sur la stabilité financière dans le monde (GFSR), les récentes réunions FMI/ Banque Mondiale ont été fortement orientées sur les marchés émergents. Le FMI a de nouveau exprimé ses craintes concernant l’ampleur des flux des portefeuilles de créance émergente. Le graphique ci-dessous laisse supposer que ces flux se sont fortement écartés de ce que le FMI considère comme une légère tendance à la hausse de la répartition des investissements sur les marchés émergents. Une inversion des entrées de capitaux de ces dernières années vers le niveau tendanciel à long terme serait extrêmement difficile. Et, si les sorties de capitaux de 28 milliards, enregistrées depuis le 23 mai, semblent considérables, elles ne représentent que l’équivalent des entrées de capitaux depuis le début de l’année (jusqu’au 23 mai), sans compter les entrées des années précédentes. Les investisseurs étrangers sont arrivés en masse sur les marchés émergents locaux. Aujourd’hui, la liquidité de ces marchés se détériore, et sortir de ces marchés devient plus difficile. UNE VULNÉRABILITÉ GRANDISSANTE Dans ce contexte, quel est l’avenir de la créance émergente? Votre opinion à ce sujet dépendra probablement de la manière dont vous évaluez les différents moteurs de performance de cette classe d’actifs. Ces dernières années, nous avons assisté à un débat houleux pour savoir si les mouvements des portefeuilles de titres émergents sont mus principalement par des facteurs de «poussée» (exemple: assouplissement monétaire et taux d’intérêt réels négatifs associés des pays développés qui poussent les capitaux vers les pays dont les taux sont plus élevés) ou de «traction» (facteurs domestiques comme les réformes ou la libéralisation financière). Pour les pays émergents, les facteurs de poussée dominent, le ministre des Finances brésilien Guido Mantega allant jusqu’à accuser les dirigeants politiques du G3 de manipulation monétaire, tandis que Ben Bernanke, actuel président de la Fed, et


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la prudence reste de rigueur ...

LA MOITIÉ DU PIB MONDIAL Pour être honnête, quelques-uns de ces indicateurs de crise pointent vers une légère amélioration. Les réserves de change, notamment, sont à nouveau en hausse – JP Morgan a souligné que les réserves de change d’un panier de pays émergents, à l’exclusion de la Chine, avaient chuté de 40 milliards de dollars entre avril et juillet, mais que cette chute s’était totalement inversée d’août à septembre, même en tenant compte de la dépréciation du dollar US (qui pousse vers le haut la valeur en dollars US des avoirs non libellés dans cette devise). Les devises d’un certain nombre de pays émergents ont fait l’objet d’une correction nominale conséquente et plus que nécessaire. Il est toutefois important de souligner que, en dépit de la chute des taux de change nominaux, le fait que les taux d’inflation aient tendance à être très supérieurs dans les pays émergents par rapport aux marchés développés implique que les taux de change réels ont seulement chuté de 5 % environ en moyenne. Il n’en reste pas moins que la majeure partie des devises émergentes restent surévaluées et doivent passer par une autre correction importante. Le

Brésil, en particulier, a beaucoup de chemin à parcourir pour annuler une partie de l’appréciation colossale enregistrée de 2003 à 2011. Le Vénézuela semble en sérieuses difficultés, ce qui n’est guère surprenant étant donné qu’il tente de suivre le cours du dollar US alors que, dans le même temps, son taux d’inflation officiel a explosé à 49,4 % (les réserves monétaires du Venezuela ont diminué de moitié en cinq ans et ont atteint un plancher historique depuis 2004). Mais la persistance de déficits imposants ou l’effritement rapide des soldes des paiements courants peut indiquer une situation anormale, et il me semble bien que de nombreux pays émergents se trouvent dans un tel cas de figure aujourd’hui. Morgan Stanley a inventé l’expression accrocheuse des «fragile five» (les 5 pays fragilisés) pour décrire les grands pays émergents présentant les déséquilibres extérieurs les plus évidents (Indonésie, Afrique du Sud, Brésil, Turquie et Inde), et on peut facilement imaginer que ces pays ne sont pas ravis de cette expression (le terme BRICS étant beaucoup plus sympathique...). D’un autre côté, les marchés émergents représentent désormais la moitié du PIB mondial. Un coup direct porté à ces pays pourrait avoir un effet boomerang sur les États-Unis. La Réserve fédérale a totalement pris conscience de ce fait au cours des derniers mois (si elle ne l’avait pas déjà fait auparavant) au vu des variations extrêmes des prix des actifs émergents. Lors des conférences de presse de juin et de septembre, M. Bernanke a donc pris soin de souligner que la Fed disposait d’un grand nombre d’économistes dont le seul travail consistait à évaluer l’impact mondial de la politique monétaire américaine et que ce qui est bon pour l’économie américaine est bon pour les marchés émergents. Cela étant dit, si la croissance des États-Unis atteint 3 % l’an prochain, ce qui est possible, il sera délicat pour la Fed de ne pas entamer un durcissement de sa politique monétaire, quel que soit l’état des pays émergents. La détérioration des soldes des paiements courants des marchés émergents semble toutefois indiquer que certains d’entre eux n’auront pas à attendre une impulsion de la Fed et pourraient basculer d’eux-mêmes. Le creusement du déficit des paiements courants implique qu’un pays a besoin d’attirer des capitaux toujours plus importants pour financer ce déficit. Si l’attrait des pays développés en tant que marchés d’investissement s’améliore alors que l’attrait d’un pays tel que l’Afrique du Sud se dégrade en raison d’une détérioration de ses fondamentaux économiques ou autres facteurs domestiques, alors les investisseurs commenceront à s’interroger sur la pérennité de ces déficits, ce qui risque d’entraîner une crise de la balance des paiements. Les investisseurs dans les marchés émergents doivent être récompensés pour ces risques par des rendements supérieurs. Toutefois, dans la plupart des cas, les rendements ne me semblent pas suffisamment élevés, ce qui m’incite à réduire mes fonds sur la créance émergente. n MR

Regardez l’interview de Mike Riddell sur notre channel TV BanqueFinance

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Janet Yellen, qui lui succédera, pensent que les pays émergents devraient laisser leurs devises s’apprécier. Un récent article de la Réserve fédérale souligne toutefois la présence de facteurs de poussée et de facteurs de traction. L’année 2013 a été difficile pour les marchés émergents, mais il s’agit plus d’un «blocage sporadique» des flux de capitaux que d’un «arrêt brutal». Les investisseurs en créance émergente devraient donc sérieusement considérer la vulnérabilité grandissante des pays émergents face aux sorties de capitaux des portefeuilles et aux «arrêts brutaux» dans l’éventualité où la politique monétaire américaine se durcirait. L’histoire laisse penser qu’un « arrêt brutal » traditionnel serait accompagné par une crise bancaire et, dans un certain nombre de pays, par une crise monétaire. De multiples variables sont à notre disposition pour évaluer les vulnérabilités extérieures, et nombre d’experts ont commencé leur analyse depuis le mois de mai (ex. : The Economist ou l’article de Nomura). En janvier, j’ai souligné certains des principaux indicateurs de crise des marchés émergents, cités régulièrement dans les publications traditionnelles, à savoir les mesures des réserves monétaires, les taux de change effectifs réels, la croissance du crédit, les PIB et les soldes des paiements courants.

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... malgré des signes d’embellie encourageants ... PAR Haiyan Li-Labbé

PAYS ÉMERGENTS

Analyste Chine Carmignac Gestion

C

es dernières semaines, les perspectives au sein des marchés émergents se sont améliorées, sur fond de report de la normalisation monétaire américaine et d’une meilleure conjoncture chinoise. En effet, le ralentissement chinois et le resserrement monétaire vigoureux entrepris par les autorités monétaires avaient ajouté au stress de marché provoqué par l’annonce du changement de cap de la politique monétaire américaine. La mini-crise émergente de maijuin qui en est résulté fut le révélateur d’un univers émergent scindé en deux blocs. D’un côté, des pays en situation d’autofinancement (Chine, Corée, Taïwan…) et de l’autre, les pays largement dépendants des financements extérieurs (Inde, Brésil, Turquie, Afrique du Sud…), dont les taux de change et les marchés de taux restent affaiblis par la menace d’une moindre liquidité. Le report de la normalisation monétaire américaine mais aussi la meilleure conjoncture chinoise ont cependant amélioré les perspectives globales des pays émergents. RÉFORMES STRUCTURELLES À VENIR En Chine, les indicateurs avancés de l’activité industrielle, la production industrielle elle-même mais aussi l’activité de crédit se sont améliorés au cours de ces derniers mois. En outre, la 3ème session du dix-huitième congrès du Parti communiste qui s’est tenue ce mois de novembre a proposé d’importantes réformes de nature à contribuer positivement à l’amélioration structurelle des perspectives économiques, mais également politiques, juridiques, administratives et sociales de la Chine. Le gouvernement nous semble déterminé à mener à bien ces réformes qui devront être accomplies en 2020 selon le plan. Nous sommes convaincus que ces reformes auront un impact déterminant sur le pays au cours des dix ans à venir. Parmi les principales mesures envisagées, la constitution d’une commission chargée de veiller à l’élaboration, à la coordination ainsi qu’à l’implémentation des reformes, nous apparait très positive. Il est fort probable que Xi Jingping prenne la direction de cette entité. Si cela se produit, ce sera la première fois depuis les années 80 qu’un secrétaire général du Parti occupera un rôle décisif dans la mise en place d’un programme de réformes. Sur le plan fiscal, le système d’imposition actuel devrait être modifié en profondeur, et ainsi redéfinir les rôles et les responsabilités des gouvernements locaux et du gouvernement central. Ainsi, une part plus importante des levées d’impôts devrait échoir au gouvernement central, qui pourra développer sa poli-

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tique sociale et favoriser la consommation au détriment d’une épargne trop élevée. Dans le même esprit, la réforme du Hukou, un système d’enregistrement et de contrôle de la population instauré à l’époque maoïste, pourrait également changer la donne. Ainsi, les 230 millions de travailleurs déplacés pourront obtenir un véritable statut dans leur région d’activité. Cela leur permettra de bénéficier des services publics au même titre que les autres habitants de cette région et libérera, là aussi, leur potentiel de consommation. Une autre réforme, concernant les terrains agricoles, vise à offrir plus de protection aux agriculteurs quant à leurs droits à la propriété. Ils devraient bénéficier d’une plus grande liberté et d’une meilleure compensation financière lors de la cession de leurs terres. Par ailleurs, la lutte anticorruption, très populaire, pourrait s’intensifier et contribuer à une meilleure efficacité économique. Enfin, deux thèmes majeurs que sont la politique de l’enfant unique et les entreprises détenues par l’Etat vont également connaitre des évolutions dans les années à venir. En effet, la loi autoriserait les familles à avoir deux enfants, si au moins un des parents est un enfant unique. Concernant les entreprises détenues par l’Etat, les mesures envisagées viseront à augmenter leur efficience en incluant, par exemple, des équipes de direction professionnelles et l’augmentation du taux de paiement de dividende. Toutefois, nous attendons encore quelques éclaircissements sur ce point. Nous estimons également que la vigueur du yuan face à l’ensemble des devises émergentes lors de la crise du printemps est aussi de nature à crédibiliser le projet chinois d’imposer une monnaie d’échange et de réserve qui inspire confiance aux différents acteurs de la zone tout en renforçant la position monétaire chinoise. VERS UNE ÉCONOMIE PLUS DYNAMIQUE Au Mexique, les dernières élections ont laissé la place à des reformes importantes. Peña Nieto, dont la cote de popularité semble au plus haut, entend entreprendre des changements forts en faveur de la fin des monopoles, entre autres dans l’énergie avec la société Pemex. Le potentiel énergétique est immense, notamment dans les domaines de l’exploration en eaux profondes et du gaz de schiste. Par ailleurs, au cours de ces derniers mois, plusieurs autres mesures ont été annoncées, visant notamment à améliorer la flexibilité du marché du travail. Peña Nieto a également ouvert le secteur des télécommunications aux investisseurs étrangers et a annoncé que tout opérateur affichant plus de 50% de parts de marché sera confronté à des


règles spécifiques en termes de traitements et de fixation de prix. Une bonne nouvelle pour le Mexique dont l’infrastructure de télécommunications souffre d’un manque d’investissement criant. Enfin, dans le domaine de l’éducation, Peña Nieto a lancé un signal fort à l’encontre des syndicalistes et politiciens qui entendraient mettre des freins au bon développement des réformes, en emprisonnant le directeur du syndicat lié à l’éducation pour corruption. Ces mesures devraient contribuer à une économie plus dynamique, si la croissance américaine ne déçoit pas. 2014, UNE ANNÉE ÉLECTORALE Au cours de l’année à venir, l’Inde mais également le Brésil, l’Indonésie et la Turquie vont connaître une activité politique intense. Si peu de changements sont attendus en Indonésie et en Turquie, les élections indiennes constituent un événement majeur pour le développement du pays. L’Inde voit se profiler déjà les élections présidentielles de mai 2014, capables de débrider les initiatives dans un pays où le besoin de réformes est crucial. En effet, le manque d’investissement en Inde a constitué un véritable problème au cours de ces dernières années. Le poids du poli-

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tique dans les décisions prises en termes de développement d’infrastructures notamment est fort dans ce pays. Aussi les prochaines élections pourraient aboutir à un changement de gouvernement, profitable au développement de nouveaux projets. Au Brésil, la politique populiste de Dilma Rousseff dans la perspective de l’élection de l’an prochain pousse la croissance par l’intermédiaire d’une production de crédits dynamique mais peu saine. L’interventionnisme du gouvernement reste très fort au Brésil, et le système de sécurité sociale notamment semble en inadéquation avec la situation économique du pays. Ainsi, nous pensons que le modèle économique brésilien prendra du temps avant de se mettre en place. Néanmoins, en tant qu’investisseurs, le Brésil est un marché sur lequel nous sommes présents du fait de la qualité de ces entreprises. Ainsi, l’amélioration des perspectives globale des marchés émergents s’inscrit toutefois dans un contexte politique globalement agité. Dans cet environnement, une approche plus thématique que géographique nous semble à privilégier. Face à cette dynamique positive au sein des marchés émergents, les segments les plus défensifs, tels que la consommation de base, ont souffert d’un mouvement de rotation sectoriel en faveur de domaines plus sensibles aux cycles économiques. Toutefois, l’alimentation et les biens de consommation restent une thématique forte de long terme dans les pays émergents. De nouveaux potentiels s’offrent aux investisseurs dans des secteurs tels que l’industrie, l’aéronautique ou bien encore la robotique où il est possible de trouver des valeurs de qualité capables de profiter de rebonds de marché. n HL-L

... et l’avenir au beau fixe des matières premières PAR NITESH SHAH Research Analyst ETF Securities

L

e super-cycle des matières premières, entamé à la fin des années 1990, est loin d’être terminé. Les principaux facteurs de cette tendance haussière résident dans le phénomène d’urbanisation et d’industrialisation, qui touche des pans entiers de la population des pays émergents et mobilise une quantité importante de ressources, ainsi que l’augmentation du coût de production de la plupart des matières premières. Ces deux dynamiques sont encore fortement à l’œuvre. Avec une croissance économique mondiale appelée à ralentir au cours de la prochaine décennie, la hausse du revenu moyen de la population des pays émergents promet d’entraîner une augmentation de la consommation par habitant d’un grand

nombre de matières premières et, par là, une hausse potentiellement massive de leur demande en valeur absolue. Une hausse des cours s’imposera pour que l’offre s’adapte à cette demande en augmentation. Le renchérissement des matières premières entraînera un usage plus efficient des ressources limitées de notre planète et à des investissements et innovations destinés à améliorer l’approvisionnement et la productivité de l’exploration particulièrement coûteuse. La croissance économique et l’utilisation intensive des ressources vont continuer à soutenir la demande en matières premières des pays émergents Même si une partie des pays émergents les plus peuplés, qui entretiennent actuellement le super-cycle des matières premières, devraient voir la courbe de leur PIB s’in-

fléchir, au cours des prochaines années, à mesure que leur économie se rapprochera de la maturité, leur croissance devrait rester forte. Si l’on en juge par la voie empruntée par d’autres économies d’Asie à mesure qu’elles se sont industrialisées, la Chine et l’Inde, par exemple, n’en sont encore qu’à un stade très précoce de leur développement. RÉPONDRE À LA DEMANDE D’après les prévisions de l’OCDE, le PIB par habitant va croître de 6,4 % et 5,6 % par an en Chine et en Inde respectivement, entre 2011 et 2030. Ces taux sont certes inférieurs à leur niveau sur la période 19952011 (9,3 % et 5,8 % respectivement) mais d’ici à 2030, le PIB par habitant fera plus que tripler en Chine et triplera pratiquement en Inde, si l’on s’en tient à ces projec- lll

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tions. Même si la nature de la croissance économique en Chine évolue et que la consommation supplante progressivement l’investissement en tant que moteur principal, les biens et services faisant l’objet de la demande des foyers chinois nécessiteront un important apport en matières premières. Bureaux, logements pour la classe moyenne, automobiles, infrastructures routières, ferroviaires et autres, aéroports, réfrigérateurs, machines à laver, appareils informatiques ou même viande: tous ces produits sont de gros consommateurs de matières premières. L’ANTICIPATION D’UNE URBANISATION ININTERROMPUE EN CHINE ET EN INDE Le taux d’urbanisation de la Chine vient tout juste de franchir la barre des 50% et si l’on en croit les projections de l’ONU, il avoisinera les 70 % en 2030, tout en continuant de s’élever au-delà. Le gouvernement nouvellement élu à Pékin a exprimé sa volonté politique de poursuivre l’urbanisation en accélérant son programme visant à faire augmenter de 400 millions la population urbaine: ce projet d’un montant de 6,4 milliards de dollars a vu son échéance ramenée de 20 à 10 ans. Installer une telle population dans les villes existantes imposera d’améliorer et de développer les infrastructures, ainsi que de construire de nouveaux logements, ce qui suppose une utilisation très intensive.

L’AUGMENTATION DU NIVEAU DE VIE VA SOUTENIR LA HAUSSE DE LA CONSOMMATION MONDIALE Le développement de la classe moyenne dans les pays émergents s’accompagne d’un appétit accru pour la consommation de produits finis. La demande internationale en matières premières nécessaires à leur fabrication va donc augmenter. Le taux d’équipement en véhicules particuliers dans les marchés émergents, par exemple, est très inférieur à celui des pays développés. Avec la hausse du revenu, la demande en voitures va augmenter dans les marchés émergents. Si le taux d’équipement suit la courbe des pays plus développés, les projections de l’OCDE pour la croissance du PIB par habitant permettent de prédire que le nombre de véhicules en Chine devrait passer de 44 à 200 pour 1 000 habitants entre 2011 et 2030. Cette augmentation d’un facteur proche de cinq revient à produire l’ensemble du parc automobile des États-Unis et de l’Allemagne en l’espace de 19 ans. La demande en minerais (platine, palladium, nickel et fer) et autres matières premières utilisées en construction automobile va se maintenir à un niveau élevé, tout comme la demande en hydrocarbures. LES CONTRAINTES DU CÔTÉ DE L’OFFRE VONT SOUTENIR LES COURS SUR LE LONG TERME L’offre à long terme de la plupart des matières premières va rester contrainte du fait de leur raréfaction et de la hausse des coûts de production. Les cours devront donc augmenter pour que l’offre s’adapte à la demande. Le coût de l’extraction des métaux, par exemple, augmente du fait de la hausse des dépenses et investissements liés à l’énergie, aux biens d’équipement et à l’exploration, en plus de la main-d’œuvre. Les sociétés d’extraction d’uranium ont vu leur coût marginal de production quintupler au cours des dix dernières années. Le coût de l’extraction du cuivre à travers le monde a progressé de 30 % entre 2007 et 2012, en raison de la main d’œuvre et des carburants, principalement, mais aussi du fait de la baisse de la teneur du minerai selon le cabinet CRU. La hausse du coût d’exploitation rend la production et l’exploration de moins en moins rentables pour les sociétés minières, d’où une pression qui ne cesse de s’accroître sur les cours à long terme. n NS

Votes à hauts risques SEAN TAYLOR Head of Emerging Market Equities Deutsche Asset & Wealth Management

Pour Sean Taylor, les risques de difficultés sont certains dans une bonne partie des pays dits émergents, notamment en raison des échéances électorales qui vont marquer l’actualité de ces économies émergentes en 2014.

Ecoutez l’interview de Sean Taylor sur notre site banque-finance.ch

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.42 Investir 14% du marché mondial du fonds de fonds de private equity est suisse. Ses acteurs sont des cibles prisées dans le grand jeu de la concentration actuelle.

Les fonds de fonds suisses, si prisés par les marchés

C PAR CYRIL DEMARIA Funds Manager

oup sur coup, l’industrie suisse des fonds de fonds de private equity a vu l’annonce de la reprise de Crédit Suisse Strategic Partners par Blackstone (6/8/2013), et de Crédit Suisse Customized Fund Investment Group par Grosvenor Capital Management (1/8/2013). Ces opérations ne sont pas isolées: GP Investments a construit une position dans le coté APEN (21/5/2013), Blackrock a acquis Swiss Re PEP (4/9/2012) et Harbourvest a pris le contrôle de Absolute Private Equity (26/4/2011). Cela fait des acteurs suisses des cibles de choix dans le mouvement de consolidation mondiale en cours. Cette tendance, annoncée dès 2008 par une étude BCG/IESE, est alimentée par le fait que de nombreux acteurs n’ont pas la masse critique d’actifs sous gestion leur permettant de développer des économies d’échelle et donc de réduire leurs frais de gestion (une des principales critiques adressées par les investisseurs aux gérants). Les rendements des fonds de fonds étant relativement médiocres (multiples nets moyens de 1,1 à 1,2), les coûts sont une cible évidente. Une autre est de désintermédier : les investisseurs allouent eux-mêmes leurs capitaux aux fonds de private equity sans aide sur les marchés à maturité. Certaines caisses de retraites américaines ont annoncé leur volonté d’investir seules directement dans les entreprises non cotées (la plupart co-investissent avec des fonds de private equity où elles ont par ailleurs investi). L’industrie des fonds de fonds est à la pointe des tourments que subit le private equity. Les équipes de gestion ont pendant longtemps

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poussé des produits faiblement différenciés, ce qui était possible tant que le marché était demandeur. La croissance du marché des fonds de fonds étant inférieure à 5% pour 2012-2016 d’après le BCG, la pression croît sur les gérants pour réduire leurs bases de coûts ou innover. L’une des innovations consiste à développer des stratégies d’investissement sur des marchés de niche (géographiques et stratégiques). Toutefois ces stratégies requièrent des investissements en ressources humaines rares (donc chères) et des présences locales pour être au contact des gérants, ce qui va à l’encontre de la réduction de coûts. Une autre option est d’innover en termes de produits et de services, ce qui implique une expertise coûteuse dans la structuration. Les trois objectifs (réduction de coûts, lancement d’offres différenciées, innovation de produits) ont alimenté le moteur de la consolidation. Parmi les 168 acteurs internationaux privés du fonds de fonds de private equity recensés par nos soins, 157 communiquent leurs actifs sous gestion, leur date de création et l’étendue de leur expertise. En 2013, ces 157 general partners gèrent environ 818,2 milliards de dollars. Les actifs médians sous gestion sont de 2,1 milliards et la moyenne de 5,2 milliards. En 2013, l’industrie mondiale du fonds de fonds devait récolter entre 4 et 8 milliards de dollars en frais de gestion (en faisant l’hypothèse de frais de 0,5 à 1%). Pour le gérants de fonds médian, cela représente entre 10,5 et 21 millions de dollars cette année. Sachant que les fonds de fonds sont actifs pendant 13 à

15 ans, cela en fait une source de flux de trésorerie attractive. En faisant l’hypothèse d’un multiple de 1,1 à 1,2 et d’un carried interest de 5 à 10% (hors hurdle rate), le profit devrait être équivalent à 4-8 milliards de dollars (soit 7.6% de la compensation totale du gérant). Les Suisses gèrent 14% du total mondial, et devaient récolter en 2013 entre 500 millions et 1,1 milliards de dollars en frais de gestion. L’attractivité des gérants dans le cadre des consolidations vient du fait qu’à expérience équivalente en nombre d’années, ils gèrent plus que les gérants européens et nord-américains et qu’ils sont également plus diversifiés en termes d’offres. Plus d’économies d’échelle et plus d’innovation potentielle: on comprend pourquoi ils sont des cibles de choix. En revanche, pourquoi les gérants suisses ne participent-ils pas à la consolidation du secteur? Partners Group et LGT, les plus gros acteurs suisses, ont privilégié la croissance organique, un contrôle de la marque et de la chaîne de distribution. Ceux qui s’y sont essayés à la croissance opportuniste via des acquisitions,, comme Capital Dynamics, ont essuyé des revers majeurs (notamment dans l’acquisition de HRJ aux EtatsUnis). Est-ce à dire que la stratégie actuelle des gérants suisses, restés à l’écart de la consolidation, est la bonne? Rien n’est moins sûr. Parmi les 17 gérants recensés, seuls 5 ont une taille supérieure à la moyenne mondiale (Partners Group, LGT, Capital Dynamics et les deux ex-filiales de Crédit Suisse). Cela signifie que de fait, les groupes suisses sont soit des cibles potentielles (cinq en particulier


Investir

.43 43

Gérants internationaux (par région) et suisses de fonds de fonds de private equity,

par nombre d’années d’activité, montants sous gestion et degré de diversification de leur offre Région ou pays du siège social

Nombre d’acteurs

Nombre moyen d’années d’activité

Actifs sous gestion

Actifs moyens sous gestion

Degré moyen de diversification de l’offre*

Asie pacifique

15

12,4

29,3

2,0

2,9

Europe (inc. Suisse)

67

13,7

374,9

5,6

3,1

Europe (exc. Suisse)

50

13,7

260,2

5,2

3,1

Amérique latine

2

4,5

0,6

0,3

2,0

Moyen Orient et Afrique

4

8

2

0,5

3,8

Amérique du Nord

69

16,6

411,5

6

3

Suisse

17

13,4

114,6

6,7

3,3

Total

157

14,6

818,2

5,2

3,0

dont la taille est située entre 1 et 5 milliards) – ou resteront cantonnés à des marchés de niche pour les sept autres. Cela pourrait signifier une perte de compétences helvétique à long terme. En effet, la taille des actifs sous gestion et la diversification de l’offre sont corrélées. L’agrégation d‘actifs sous gestion par acquisition d’un acteur suisse par un étranger signifie que l’acquéreur va rationaliser sa base de coûts. S’il conserve une présence commerciale helvétique, les centres d’expertise en structuration de produits (principale voie de développement hors d’une logique de cost cutting)

ne seront pas implantés en Suisse mais au siège des acquéreurs (USA et Royaume-Uni). Le degré de diversification de l’offre conditionne le changement de stratégie de produits standardisés vers des produits ciblant les besoins effectifs des clients, comme les caisses de retraites helvétiques. Or, pour ces institutions, les paramètres essentiels sont le passif (défini par les réglementations) et les rendements en déclin marginal à long terme. Les paramètres annexes sont les coûts et la liquidité (encore perçue comme un risque, même si c’est une dimension inévitable du private equity).

Les gérants de fonds de fonds ont manqué l’opportunité historique de faire reconnaître les vertus de leurs produits (très faible risques) lors des négociations de Bâle II/III et Solvabilité II. La structuration de produits (capital garanti partiel ou total, gestion de l’illiquidité, fonds de fonds à effet de levier…) peut offrir un nouveau souffle à l’industrie des fonds de fonds. Les gérants suisses ont l’opportunité de saisir cette chance de capitaliser sur leurs forces et l’expérience acquise (produits Pearl et Princess chez Partners Group, structuration pour fonds souverains chez Capital Dynamics). n CD

* compte comme degré de diversification: fonds de fonds primaire, fonds de fonds secondaire, investissements direct et co-investissments, conseil/gatekeeping, gestion de fortune, autres services de gestion d’actifs (hedge funds...). min = 1; max = 6. Source: AltAssets, Preqin, Thomson Reuters, FindTheBest, Towers Watson, sites web des gérants, Auteur (2013).

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.44 IT bancaire

Pour Nils Hafner, professeur à l’Université de Lucerne et spécialiste des réseaux sociaux, la bonne santé du secteur comporte un désavantage: elle freine les banques suisses sur la voie de la communication digitale, d’où leur par rapport à leurs concurrentes européennes, notamment en Angleterre et en Allemagne.

Les banques suisses sont-elles “social media friendly”? Nils Hafner estime que la crainte principale des banques réside dans la problématique du contrôle.

P

ourquoi les banques suisses s’engageraientelles dans une voie nouvelle, qui demande un engagement et un investissement importants et qui comporte certains risques, s’il n’y a aucun sentiment d’urgence? La réponse se résume en un mot: “Confiance”. Le manque de confiance du consommateur vis-à-vis du secteur bancaire est une réalité qui refuse de disparaître 1. Parmi les composantes de cette confiance, une étude Deloitte 2 pour le secteur cite les qualités d’écoute, l’intérêt porté au client et la transparence en termes de communication. Le consommateur veut être valorisé en tant qu’individu. Aujourd’hui, la mise en place de ce genre de relation proche passe obligatoirement par les échanges en temps réel, sur les plateformes de réseaux sociaux. LES OPPORTUNITÉS Ainsi, la transition vers une présence stratégique sur les réseaux sociaux représenterait un puits d’opportunités pour les banques suisses. Elle permettrait de: • Reconstruire la confiance Selon une étude globale d’Ernst & Young, 71% de consommateurs recherchent des conseils sur les

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produits et services bancaires de la part de leurs amis, leurs proches ou leurs collègues 3. Favoriser les échanges de consommateurs sur les réseaux sociaux permet de fonder la confiance, directement à la source. • Augmenter la fidélité La fidélité se nourrit d’une attention personnalisée. Une communication ciblée avec un contenu pointu, intéressant et pertinent augmente ce sentiment, tout comme la réactivité et les réponses aux questions en temps réel, atout des réseaux sociaux lorsque la stratégie est bien menée en interne. • Présenter de nouveaux produits Les réseaux sociaux représentent une vitrine à portée illimitée, avec feedback intégré. • Reconnaître les tendances et adresser les problèmes en temps réel. La réputation fait partie intégrale du capital de la banque. Une présence intelligente sur les réseaux sociaux permet de la sonder en permanence, et d’intervenir efficacement et rapidement en cas de crise. RISQUES ET DIFFICULTÉS Face à de tels arguments, pourquoi ce manque d’engouement?

Hafner explique que l’obstacle principal qui freine le secteur bancaire suisse à s’imposer dans cette nouvelle dimension communicationnelle, hormis le manque d’urgence, est la problématique de contrôle. «Les banques “leader” telles que Crédit Suisse ou UBS cherchent aujourd’hui des outils efficaces de suivi et contrôle des conversations en ligne de leur personnel. Sans cet élément de contrôle, elles tardent à aller de l’avant, ou pour certaines comme Zürcher Kantonalbank, choisissent l’abstention.» Dans la banque de détail, une difficulté particulière se présente: celle de la confidentialité. Aucun problème individuel ne peut être résolu en ligne, puisque les données personnelles ne peuvent être dévoilées. Les réseaux sociaux ne représentent donc qu’une porte d’entrée pour entamer une conversation, qui devra ensuite se poursuivre via des voies plus traditionnelles et “fermées”. Pour ce qui est de créer et de partager du contenu pointu sur tous les thèmes touchant la cible, il s’agit pour les banques d’effectuer un changement culturel en interne, entrainant plus de travail en commun entre les services et une implication importante de la


IT bancaire

part de la hiérarchie. La décision d’un tel engagement doit venir d’en haut et pour l’instant, selon Hafner, elle ne figure pas dans les priorités. LES SOLUTIONS INNOVANTES Les banques suisses ne sont toutefois pas entièrement absentes de cette révolution digitale, notamment dans la banque privée ou dans les services b to b où présence digitale rime avec communauté d’experts. C’est le cas pour Lombard Odier, la banque privée primée en 2011 pour sa communauté en ligne “e-merging”, un réseau d’experts financiers indépendants qui bénéficient tous d’échanger leurs contacts et contenus sur une

plateforme dédiée. Ce concept de communauté d’experts a également été adopté par Crédit Suisse avec la création d’EAM Xchange, plateforme pour les gestionnaires de fortune externes. C’est un outil marketing pour la banque qui assoit sa position d’expert et communique sur ses services, tout en apportant une valeur ajoutée à ses partenaires. En conclusion, l’intérêt pour les banques suisses serait de porter un regard ouvert et innovant sur les réseaux sociaux. Selon Hafner, elles doivent «comprendre qu’il est possible de s’éloigner des plateformes ouvertes comme Facebook ou Twitter et de se concentrer sur une approche hybride, avec des communautés fermées offrant du

Trade Finance Trade Finance Trade Finance Trade Commodity Finance Trade Commodity Finance

contenu précieux et de l’échange à valeur ajoutée pour tous. Le bon contenu dans le bon contexte». Car le baromètre n’est jamais au beau fixe et plus le temps passe, plus la présence en ligne sera un élément incontournable de la stratégie de communication d’une organisation, quel que soit le secteur. n Charlotte Pénet

.45 45

Ernst & Young, “Global Consumer Banking Survey 2012”

1

Deloitte Financial Services, “Relations Banques et Clients, Comment regagner la confiance du consommateur” Avril 2012

2

Ernst & Young, “Les clients prennent le contrôle, Enquête globale 2012 sur les services bancaires aux particuliers”

3

Interactive Banking Solutions for Global Trade Services

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.46

vous

Tentations

Salon sur routes

A l’heure du SIHH

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Burberry réinvente le Travel Tailoring! Le designer Christopher Bailey, pour la maison Burberry, a pensé à vous. Exigeant en matière d’élégance sans avoir à délaisser votre confort, le Travel Tailoring deviendra votre plus proche compagnon de route. www.burberry.com

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vous

Tentations

Quelque chose à déclarer?

.47 47

SÉLECTION EFFECTUÉE PAR LUCILE DUBOST Journaliste

l.dubost@banque-finance.ch

100 Ways to Love Que ce soit pour déclarer sa flamme, confirmer ses sentiments, exprimer sa reconnaissance, souligner son amitié ou prouver son affection, la collection One 100 Ways to love répond à toutes les formes de déclaration. www.charriol.com

IWC Schaffhausen, un hommage au fondateur de la théorie de l’évolution «Un homme qui ose perdre une heure de son temps n’a pas découvert la valeur de la vie», disait l’infatigable naturaliste Charles Darwin. Il a naturellement semblé logique à IWC de dédier l’un de ses garde-temps au fondateur de la théorie de l’évolution. www.iwc.com

Consort Man, all mountain Ce casque allie sobriété et technicité. De construction légère et robuste avec une bonne capacité d’ajustement et un système d’aération permettant une circulation efficace de l’air ainsi qu’une bonne régulation de la température, en font un modèle confortable et sûr www.marker.de

Transcend, un écran de contrôle intégré Zeal optics et Recon instruments ont combiné le meilleur de la technologie embarquée avec la référence de la qualité optique. Ce masqueaffiche des informations sur votre vitesse, votre altitude, le dénivellé parcouru, les kilomètres effectués, votre position GPS, la température extérieure... vous assurant la visibilité la plus performante avec un verre qui s’adapte à la luminosité ambiante. www.reconinstruments.com

Panono: la sphère photographique arrive! Totalement insolite. Un appareil photo sphérique qui nous vient d’une jeune entreprise allemande. Une petite merveille technologique. Il prend en un clic des photos panoramiques hauterésolution soit en le lançant dans les airs, soit en l’accrochant au bout d’une perche ou encore en le tenant dans sa main. Le projet fait actuellement l’objet d’une levée de fond sur la plateforme de financement participatif Indiegogo où l’appareil photo est disponible à la commande. www.panono.com

Original Tecnica Moon Boots® C’est Giancarlo Zannata (Tecnica) qui eut en son temps l’idée de concevoir une botte en s’inspirant de la conquête lunaire de Neil Armstrong. Aujourd’hui «référence» en matière d’après-ski, avec ses atouts thermiques et imperméables, son look à la fois rétro et branché, elle saura se rendre indispensable sur tous terrains enneigés. BANQUE&FINANCE N°122 I JANVIER-FÉVRIER 2014


.48 La bibliothèque de ... vous

Lecteur assidu, Olivier Ferrari a une prédilection pour la philosophie et les ouvrages de réflexion.

Propos recueillis pAR ODILE HABEL Journaliste

o.habel@banque-finance.ch

Olivier Ferrari FONDATEUR ET CEO DE CONINCO EXPLORERS IN FINANCE SA

Banque&Finance: Le mot qui résume votre bibliothèque? Olivier Ferrari: Éclectique. À lui tout seul il résume l’ensemble des ouvrages qui reposent sur les étagères. Je ne suis pas exclusif dans mes lectures.

B&F: Où achetez-vous vos livres? OF: À Paris, j’ai deux adresses sur les Champs-Elysées. À chacun de mes déplacements j’y vais en «pèlerinage». Ailleurs, je rentre dans le premier commerce qui peut satisfaire une pulsion B&F: Quel lecteur êtes-vous? d’acquisition de connaissances. OF: Tout m’intéresse et Cela va de la grande surface à la m’interpelle. Mes choix sont vastes librairie du coin. et je suis «addict» d’informations, d’apprentissage, de réflexions, B&F: Comment rangez-vous de philosophies. J’ai plusieurs votre bibliothèque? projets d’écritures que mes propres OF: Il y a les bandes dessinées. lectures nourrissent. J’en ai près de 1 700. J’ai la partie des romans en tout genre, des biographies, des contes, des nouvelles, etc. Derrière un espace vitré se retrouvent des éditions Parcours reliées pleine peau d’auteurs Spécialiste de la classiques et de quelques finance, philanthrope, volumes de La Pléiades. Les passionné d’art, auteur et ouvrages d’Art sont sur plusieurs conférencier, Olivier Ferrari bibliothèques. Car, en fait, j’en ai a fondé en 1990 Coninco 14 mètres de longueur jusqu’à Explorers in finance SA, 3,5 mètres de hauteur. Un espace société spécialisée dans le est consacré à des publications conseil aux investisseurs en langues étrangères. Plusieurs institutionnels, la piles viennent compléter des valorisation d’actifs et rayonnages encombrées. la finance responsable. En 1997, 2010 et 2011, il crée divers fonds de placement et opportunités d’investissement qui convergent vers une démarche de développement durable. En 2007, il cofonde One Nature Foundation qui œuvre en faveur de l’environnement

B&F: Votre bibliothèque idéale? OF: En termes d’espace et de structure, elle serait à l’égal de celle du British Museum qui m’obsède. J’ai cherché à recréer son esprit dans celle que je possède actuellement. En termes d’ouvrages la constituant, elle

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est presque idéale. Il me manque des ouvrages très anciens que je souhaiterais posséder.

fin, et ce en français, en italien ou en anglais. Je reprends également des livres d’Art pour renforcer mes acquis. Tous les autres livres, une Quels sont les livres et fois lus, ont nourri mon exploration auteurs qui devraient y être? personnelle et je les remise. OF: Je ne recherche pas des Certains je m’en rappelle comme si auteurs, mais bien à satisfaire mon je les avais lus la veille et d’autres besoin insatiable de découvertes tombent dans l’oubli. de toute sorte. Des anciens grimoires me plairaient. J’acquière Celui dont vous n’avez parfois des livres uniquement jamais dépassé la 20e page ? pour la beauté de leur façonnage. OF: Je n’en ai pas le souvenir. Principalement ceux liés à l’art. L’écrivain avec qui vous B&F: Le livre qui a marqué voudriez refaire le monde? votre jeunesse? OF: Je suis incapable d’en citer AC: Très jeune je lisais une un. Ils sont tellement nombreux, multitude de bandes dessinées. ceux qui me nourrissent et qui J’ai commencé à lire des ouvrages me conduisent dans mes propres tard. Un livre a déclenché ma réflexions. Celles-ci alimentent au boulimie de lecture en 1980. quotidien mon engagement dans «Le cinquième cavalier», coécrit mes diverses actions. par Larry Collins et Dominique Lapierre qui transcrit le 1er Le livre que vous offrez chantage nucléaire. Politique, spontanément à un ami? histoire, chantages, intrigues, OF:Je me souviens du jour géographie, suspense, tout y où j’ai offert «Astérix chez les était. J’ai commencé le livre dans Corses». Il a créé une amitié. Plus l’après-midi et l’ai terminé au généralement, ils sont divers. Le milieu de la nuit. Je m’en souviens dernier offert est «Le livre sacré de comme si c’était hier. New York la Voie et de la Vertu» de Lao-Tseu. y est si décortiquée qu’elle est Je partage diverses réflexions devenue, en son temps, l’un de philosophiques avec une personne mes objectifs de voyage. sans préjugé sur l’Humain. B&F: Celui que vous relisez jusqu’à le connaître par cœur? OF: Il n’y a que les bandes dessinées que je peux relire sans

Dernier livre lu ? OF: «Tous les discours de réception des prix Nobel de Littérature» présentés par Eglal Errera publié chez Flammarion.



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