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LE MAGAZINE

N°104

DE LA

PLACE FINANCIERE SUISSE

Juillet / Août 2010

CHF 12.– / 8€

GUY DE PICCIOTTO – UBP «Nous avons réorganisé notre modèle d’affaires»

Jean-Michel Basquiat – Fondation Beyeler

H. TORRIONE – LENZ & STAEHELIN «La Suisse ne doit pas jouer avec le droit»

GESTION ALTERNATIVE FRÉDÉRIC KEMP – AVALOQ Avaloq poursuit sa stratégie à l’international

Quel avenir pour les hedge funds?



ÉDITORIAL Rédacteur en chef: Olivier Vacherand o.vacherand@promoedition.ch

Hedge funds forever

Conseiller éditorial: Marian Stepczynski

M

Rédaction: Véronique Bühlmann, Mohammad Farrokh, Odile Habel, Hélène Koch, Pierre Marquis, Didier Planche, Jaona Ravaloson. Ont collaboré à ce numéro: Me Jean-Yves de Both, Patrick Faoro, Ingo Kellnar, Nicole Kunz, Hélène Lelièvre, Johan Olson, Jean Schneider. Edition: Promoédition SA Editeur délégué et Directeur de publication: Roland Ray

OLIVIER VACHERAND Rédacteur en chef

Production: Maryse Avidor Maquette: Dominique Berthet Mise en page: Ursula Brugger Photos: François Filliettaz Relecture: Viviane Cattin Impression: Atar Roto Presse SA Site internet: www.banque-finance.ch Rédaction et administration: Banque & Finance 35, rue des Bains Case postale 5615 1211 Genève 11 Tél. +41 22 809 94 60 Fax +41 22 781 14 14 E-mail: info@banque-finance.ch Publicité: Médiapresse Pub SA 3, rue de la Vigie Case postale 1119 1001 Lausanne Tél. +41 21 321 30 77 Fax + 41 21 321 30 69 Responsable: Roye Yarden Abonnements: E-mail: abo@banque-finance.ch Ccp: 12-17931-5 1 an d’abonnement (6 numéros) CHF 60.2 ans d’abonnement (12 numéros) CHF 90.Banque & Finance paraît six fois par an et publie un numéro hors-série. © Promoédition SA, Genève, 2010

JUILLET - AOÛT 2010

Accusés de tous les vices, les hedge funds – rebaptisés «fonds spéculatifs» dans une traduction de l’anglais très sarkozienne – se sont immédiatement retrouvés en première ligne dans un amalgame dont on a parfois du mal à cerner la logique tant on sait les réalités différentes qu’ils recèlent.

ême si les choses ne seront plus jamais tout à fait comme avant, les places financières de la planète, et avec elles la place financière suisse, semblent avoir repris le cours de leurs affaires sur un air de «business as usual». Reste que, pendant ce temps, les instances internationales en tout genre – Union européenne, Eurogroupe, G20, GAFI, banques centrales, FMI – poursuivent leur travail de régulation engagé le 2 avril 2009 à Londres, lors du G20. Sous le coup de l’émotion suscitée par la gravité de la situation, les dirigeants de la planète ont livré sans procès les coupables à la vindicte populaire. Accusés de tous les vices, les hedge funds – rebaptisés «fonds spéculatifs» dans une traduction de l’anglais très sarkozienne – se sont immédiatement retrouvés en première ligne dans un amalgame dont on a parfois du mal à cerner la logique tant on sait les réalités différentes qu’ils recèlent. Avec une célérité peu coutumière pour la nébuleuse bruxelloise, les techniciens de l’Union ont mis un peu moins de six semaines pour ficeler un projet de directive – AIFM, Alternative Investment Fund Managers – censée régler le sort de plusieurs centaines de milliards de dollars d’actifs.

De la transparence… Avec la retombée de l’émotion, les choses semblent reprendre un cours plus habituel. Au fil des mois, des rapports et des présidences tournantes de l’UE, le projet initial a subi un certain nombre d’amendements accueillis plutôt favorablement par une industrie qui a commencé à faire son deuil de la période bénie où elle échappait à toute régulation, ou presque. L’introduction du passeport européen, qui oblige les hedge funds à détenir une autorisation tant pour la gestion que pour la distribution, constitue un des points acquis (voir page 36, la contribution de Patrick Faoro, Senior Manager chez Deloitte). Idem pour la nécessité de pouvoir justifier de la qualification et de

l’organisation appropriée pour exercer une telle activité. Egalement au cœur de la nouvelle directive: la transparence. Là encore, l’industrie sait pertinemment qu’elle ne pourra pas se soustraire à cette indispensable exigence: description claire de la politique d’investissement, notam ment en ce qui concerne les types d’actifs et, bien entendu, le niveau de l’effet de levier mis en œuvre. Pour finir de rentrer dans le rang, les hedge funds seront également tenus de décrire leurs procédures d’évaluation, de dépôts, d’administration et de gestion des risques. Plus de transparence encore en ce qui concerne les frais, charges, commissions… et les rémunérations des acteurs!

… et des limites Pour le reste, et c’est là que les choses délicates commencent vraiment, rien n’est encore arrêté. Le flou artistique reste complet en ce qui concerne le mode d’évaluation des actifs, le niveau de l’effet de levier acceptable et les ventes à découvert qui ont fait couler beaucoup d’encre ces dernières semaines avec les spéculations assassines engagées sur la dette grecque. Sur ce point particulier, l’Europe, une fois de plus, a révélé son insuffisance en matière de gouvernance avec la fantasque décision, parce qu’unilatérale, du gouvernement allemand d’interdire les ventes à découvert le 18 mai dernier. Pour lors, l’Europe semble incapable d’instituer un véritable level playing field à l’échelle des 27. On est donc encore loin d’une régulation internationale en la matière. Ce patinage européen pourrait bien s’avérer favorable à la Suisse pour attirer des hedge funds séduits par la législation. Mais ceux qui feraient le voyage se verraient de facto coupés du marché européen du fait de l’abandon du secret bancaire vis-à-vis des pays ayant conclu des accords de double imposition avec la Suisse. Sans compter les pressions habituelles qui s’exerceront sur la Suisse pour qu’elle fasse converger sa législation. Affaire à suivre donc… ■

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SOMMAIRE ÉDITORIAL

JURIDIQUE

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56 Gestion de fortune Rémunération des banques et rétrocessions

Hedge funds forever par Olivier Vacherand, rédacteur en chef

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L’actualité de la place financière

MANAGER 8 P. 22

INTERVIEW Jean-Paul Betbéze – Crédit Agricole SA «Les Etats européens ont surtout besoin d’une croissance forte!»

Guy de Picciotto – Union Bancaire Privée «Nous avons réorganisé notre modèle d’affaires»

12 Henri Torrione Fiscalité et secret bancaire: «La Suisse ne peut se permettre de jouer avec le droit»

22 Jean-Paul Betbéze – Crédit Agricole SA «Les Etats européens ont surtout besoin d’une croissance forte!»

DOSSIER FONDS DE PLACEMENT

GESTION ALTERNATIVE Jean-François Hirschel – Unigestion Hedge funds: rien dans la mode, tout dans la durée

60 Stratégie Deutsche Bank: une solidité sous stress 64 Diversification Investir dans l’art, quel art! 67 Cfinancials.com Produits financiers: l’offre mondiale en trois clics

L’INTERVIEW

INTERVIEW

P. 44

ENJEUX

26 Le palmarès Morningstar Repères du marché de la gestion collective

SOLUTIONS BANCAIRES 68 Logiciels Avaloq poursuit sa stratégie à l’international

À LA UNE 71 News L’actualité des solutions bancaires en bref

HISTOIRE 72 Accord de Washington 1946 La victoire modeste de Walter Stucki

LIVRES 75 Bibliographie financière

OPINION 28 Nouveaux fonds Vers l’indiciel intelligent

88 De norme en norme par Marian Stepczynski

GESTION ALTERNATIVE Quel avenir pour les hedge funds? Accusée ouvertement d’être à l’origine de la crise financière, l’industrie des hedge funds est en pleine mutation. Pour ceux qui n’ont pas disparu, l’avenir reste suspendu aux velléités de régulation en Europe (directive AIFM) et plus généralement dans le monde. Quelle sera la nature des nouvelles régulations et pour quel niveau de transparence? Quid de l’effet de levier et de la possibilité d’effectuer des ventes à découvert? Quelles mesures pour une meilleure gestion des risques? Autant de questions qui, aujourd’hui encore, restent ouvertes.

34 Trillium Vive l’helvético-suisse

DOSSIER GESTION ALTERNATIVE 36 Directive AIFM Quelle régulation pour les fonds alternatifs? 38 Obligations convertibles Ode à l’asymétrie

ART DE VIVRE 78 VOYAGE Panama Pavillon de réjouissances

84 TENTATIONS Les nouveautés

86 LIVRES

80 PEINTURE

Sur les traces de la comète Basquiat

82 AUTOMOBILE P. 50

GESTION ALTERNATIVE Nicolas Maduz – Tiberius Matières premières: le fondamental est essentiel

40 TCW/DoubleLine La dure vie des stars! 42 Hegde funds Gestionnaires vedettes: mode d’emploi 44 Hedge funds Rien dans la mode, tout dans la durée 48 Fonds de fonds Quelles évolutions dans un environnement en pleine mutation? 50 Matières premières Le fondamental est essentiel

P. 67

ENJEUX Michael Heijmeijer – Cfinancials.com Produits financiers: l’offre mondiale en trois clics

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52 Fonds indiciels Le bon sens en ETFs 54 Hedge funds Les hedge funds sont-ils responsables de la crise?

Jaguar XJ, Peugeot RCZ et Alfa Romeo Giulietta Design audacieux, coupé glamour et nouvelle diva. L’art dans B&F – Ce numéro de Banque & Finance présente l’exposition Basquiat, actuellement à la Fondation Beyeler à Bâle jusqu’au 5 septembre 2010. En couverture Jean-Michel Basquiat, Untitled, 1982, acrylique, pastel gras et peinture à l'aérosol sur bois, 183 x 122 cm. Collection privée, Courtesy Tony Shafrazi Gallery, New York, © 2010, ProLitteris, Zurich

L’information financière et bancaire sur www.banque-finance.ch avec B3B Le site www.b3b.ch, partenaire de Banque & Finance, vous propose un accès simple et rapide à l’information bancaire qu’il vous faut. B3B propose des flux d’information continus, personnalisables en fonction de vos centres d’intérêt, et des newsletters thématiques.

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NEWS

L’ACTUALITÉ DE LA PLACE FINANCIÈRE

Un management remanié chez Mirabaud Gilles Morland sera associé de Mirabaud & Cie à compter du 1er janvier prochain. Pour lors, il occupe le poste de président-directeur général de Mirabaud à Londres et président de Mirabaud à Hongkong. Il siège également au conseil d’administration de plusieurs sociétés Mirabaud et assure des fonctions d’administrateur externe, notamment pour HH Management Limited et HH Management Holdings Limited. Agé de 45 ans, Giles Morland, expert-comptable diplômé, a rejoint Mirabaud en 1991 où il se consacre avant tout aux activités d’intermédiation. En outre, l’établissement

privé genevois vient de recruter Cédric Anker pour prendre la responsabilité du développement et du support offert à la clientèle domestique. Celui-ci rejoindra le Comité exécutif de la banque au 1er janvier 2012. Cédric Anker occupait, il y a quelques semaines encore, le poste de directeur général de la banque Vontobel de Genève, membre du Private banking executive committee et responsable de la zone marché Europe latine. Ces nominations interviennent après celles de deux associés: Antonio Palma (1er janvier 2010) et Lionel Aeschlimann (1er janvier 2011) afin de

renforcer la structure managériale de la banque. D’autre part, la banque a annoncé sa volonté de se recentrer sur trois métiers stratégiques: la gestion privée, l’asset management (qui comprend notamment la gestion institutionnelle, les fonds traditionnels et alternatifs) et l’intermédiation (le brokerage, le corporate finance et le debt capital management). Enfin, si elle ne remet pas en cause son statut juridique de société en commandite, la banque veut inciter ses cadres à devenir actionnaires d’une société anonyme qui investira dans le groupe. ■

Patrick Ramsey, CEO de Merrill Lynch Bank (Suisse) SA Croissance externe pour Syz & Co Merrill Lynch Wealth Management annonce la nomination de Patrick Ramsey en tant que CEO et directeur général de Merrill Lynch Bank (Suisse) SA. Basé à Genève, Patrick Ramsey sera rattaché à David Jervis, responsable de l’activité Merrill Lynch Wealth Management EMEA. Dans ses nouvelles fonctions, Patrick Ramsey sera également amené à collaborer étroitement avec les responsables régionaux du Japon, du bassin Asie-Pacifique et d’Amérique latine. Il sera responsable de la plateforme de gestion de fortune déjà en place chez Merrill Lynch Bank (Suisse), du développement de nouveaux actifs et de la conception de nouvelles solutions d’investissement. Patrick Ramsey a rejoint Merrill Lynch en 2002 en tant que gérant de portefeuille senior. Dernièrement responsable des départements Private Banking Europe et Amérique latine, ainsi que du Family Wealth Solutions Group, il a également été directeur adjoint des ventes pour la division Global Private Client EMEA. Avant de rejoindre Merrill Lynch, Patrick Ramsey a travaillé pour des banquiers privés basés à Genève, où il était en charge de la gestion d’actifs institutionnels, et a, notamment, agit en qualité de gestionnaire pour le «United Nations Joint Staff Pension Fund» à New York. ■

EN BREF EFG Bank (Suisse) SA, domiciliée à Zurich, a ouvert deux bureaux de représentation en Uruguay, l’un à Montevideo et l’autre à Punta del Este. Cette ouverture marque l’engagement d’EFG dans cette région prometteuse d’Amérique latine. Les activités y seront dirigées par Mara Mattozo, qui a plus de vingt-cinq ans d’expérience dans le private banking acquis auprès d’American Express Bank et de la Banque Nationale de Paris. Groupama Asset Management vient de recevoir l’agrément de l’Autorité fédérale de surveillance des marchés financiers (FINMA) pour la commercialisation en Suisse de huit de ses fonds de placement. Une équipe dédiée de trois personnes est en charge de ce développement. Avec

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131,7 milliards de francs suisses d’actifs (au 31 décembre 2009), gérés essentiellement pour le compte d’investisseurs institutionnels, Groupama Asset Management se classe aujourd’hui au 8e rang des sociétés de gestion d’actifs françaises. Valiant ouvre une nouvelle succursale à Bienne, au numéro 57 de la rue de la Gare. Sascha Neuenschwander sera le responsable de la zone de marché Bienne. Depuis juin 2009, Sascha Neuenschwander est chargé de développer les activités de Valiant dans le Seeland en sa qualité de responsable de la zone de marché Bienne. Auparavant, cet économiste de 35 ans exerçait en qualité de conseiller à la clientèle entreprise chez UBS à Bienne.

Le groupe bancaire suisse Syz & Co a signé un accord avec State Street Global Advisors (SSgA) pour le rachat des activités de gestion obligataire institutionnelle suisse de SSgA à Zurich. Ce transfert représente des actifs sous gestion de plusieurs milliards pour une clientèle de très haute qualité, qui compte de nombreux fonds de pension, aussi bien publics que privés. L’équipe de gestion de trois personnes rejoindra Syz Asset Management, l’entité de gestion institutionnelle du groupe, et sera basée à Zurich. Cette opération permet à Syz & Co de renforcer de façon significative son activité institutionnelle, tout en offrant une diversification et des synergies intéressantes. Cette opération fait suite au recentrage stratégique opéré par SSgA. Dirigée par Daniel Hannemann, l’équipe de gestion revenu fixe institutionnelle reprise par Syz & Co comprend Martin Oetiker et Luzius Kuster. Les trois membres du team s’installeront prochainement dans les nouveaux locaux de Syz & Co à la Dreikönigstrasse. Depuis son arrivée chez State Street, ce team très expérimenté a obtenu des performances particulièrement attrayantes dans un secteur très compétitif, ce qui lui a permis de faire croître ses fonds en gestion de près de 30% par an. ■

Les fonds de placement sur www.banque-finance.ch avec Morningstar B&F

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NEWS

L’ACTUALITÉ DE LA PLACE FINANCIÈRE

CARRIÈRES Marcelo de la Serna vient de rejoindre la Banque Profil de Gestion pour prendre la responsabilité de l’ensemble des activités de private banking de l’établissement. Au bénéfice d’une expérience de plus de quinze ans dans le domaine financier, Marcelo de la Serna a occupé la fonction de directeur auprès de la banque Julius Baer, où il était responsable du développement des HNWI. Il a précédemment été à la tête d’un family office chez Suntrust Investment Co. à Genève, après avoir développé le marché latino-américain de la Commerzbank (Suisse) SA et géré les HNWI de ce même marché au sein de la Deutsche Bank (Suisse) SA. Stefan Kern a rejoint l’équipe de vente d’AXA Investment Managers (AXA IM) en tant que spécialiste du suivi et du conseil de la clientèle institutionnelle en Suisse. La société de gestion de fortune élargit ainsi stratégiquement son équipe zurichoise. Avant d’entrer chez AXA IM, Stefan Kern occupait la fonction de Senior Client Relationship Manager chez Swiss Life Asset Management SA, où il était chargé de l’acquisition et du suivi de la clientèle institutionnelle depuis 2006. Nicolas Debons rejoint la Banque Cantonale du Valais pour diriger la division private banking. Il devient, par la même occasion, membre de la direction générale de l’établissement. Nicolas Debons est au bénéfice d’une expérience bancaire de vingt ans acquise chez UBS, où il a fait tout son début de carrière en occupant différentes fonctions à Genève et à Londres. Depuis 2008, il dirigeait l’entité de gestion des clients très for tunés pour la Suisse romande. Il succède à Georges Luggen, qui a fait valoir ses droits à la retraite.

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Jean-Baptiste Segard rejoint l’Union Bancaire Privée cet été en qualité de Chief Investment Officer (CIO) des activités long only. Il était jusqu’à présent responsable de l’unité Business Development de GLG Partners à Londres, après avoir été CEO de Société Générale Asset Management, Royaume-Uni. Il a commencé sa carrière il y a vingt-quatre ans dans l’asset management, en tant qu’analyste obligataire. Georges Zecchin est nommé directeur de la Banque Privée de Crédit Agricole Suisse en Asie. Basé à Hongkong, il sera en charge des équipes de Singapour et de Hongkong. Georges Zecchin a commencé sa carrière en 1974 en tant que trader puis, après un Master en droit à l’Université de Genève passé dix ans plus tard, il est admis au barreau de Genève. Il travaille ensuite en tant qu’associé d’une étude d’avocats, puis il prend la responsabilité du département légal de la Banque Populaire Suisse. De 1995 à 2001, il endosse le poste de juge d’instruction, spécialisé dans les affaires de criminalité complexes au sein du pouvoir judicaire de Genève. Il rejoint le Crédit Agricole Suisse en 2001, où il occupe le poste de responsable de la compliance. Il est ensuite nommé secrétaire général, membre du Comité exécutif, puis membre du Comité de direction générale. Jamie MacLeod va rejoindre la filiale anglaise de Bordier & Cie, Berry Asset Management PLC, en tant que CEO. Jamie MacLeod a commencé sa carrière d’abord chez Scottish Widows, puis chez Investec et, plus récemment, chez Skandia Investment Group, où il a exercé la fonction de CEO depuis 2002. Il a contribué, de façon prépondérante, à développer ce qui n’était au début qu’une petite société – avec moins d’un milliard de livres sous gestion – pour en faire un groupe gérant 50 milliards de livres, à son départ en automne dernier.

Alberto Di Stefano est le nouveau président de la Direction générale de CMB Banque Privée (Suisse) SA à Lugano. Il a passé une grande partie de sa carrière auprès de BSIGenerali, où il a rempli diverses fonctions jusqu’à devenir Chief Investment Officer du groupe. En 2004, il a créé et dirigé Thalìa SA, centre de compétences du groupe Generali pour les fonds de hedge funds. Il a ensuite rempli la fonction d’administrateur délégué chez Fedesa SAM, Family Office d’une importante famille italienne d’entrepreneurs à Monaco. En janvier de cette année, il a créé sa propre société de conseil spécialisée en finance et en gestion d’entreprise. A son nouveau poste, il remplace Giancarlo Pianezzi, qui restera chez CMB avec des tâches dans le secteur de l’organisation. Bas Rijke prend la direction de la succursale de la Banque Sarasin & Cie SA à Genève à compter du 1er août 2010. Il sera également responsable régional des marchés néerlandais, belge et français pour les activités de private banking de toutes les succursales. Bas Rijke siégera à la direction de la division private banking et sera directement subordonné à Eric G. Sarasin. Avant d’entrer à la Banque Sarasin à Genève, Bas Rijke travaillait chez Fortis Banque (Suisse) SA, où il était d’abord responsable des activités de banque privée et directeur adjoint, avant d’être nommé directeur général et responsable régional pour la Suisse en 2007. Alain Simon prendra les rênes de la Spar + Leihkasse Steffisburg le 1er août prochain en remplacement de Jürg Schneeberger, qui part à la retraite après avoir passé trente ans à la direction de l’établissement. Alain Simon a occupé diverses fonctions dirigeantes au cours de sa carrière professionnelle, la dernière en date à la Banque Migros – qu’il a intégrée en 2001 –, en qualité de responsable de la succursale de Thoune.

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MANAGER GUY DE PICCIOTTO – UNION BANCAIRE PRIVÉE

«Nous avons réorganisé notre modèle d’affaires» Spécialisée dans la gestion d’actifs pour les institutionnels et les clients privés, l’Union Bancaire Privée, à Genève, a franchi les écueils de la crise mondiale en y laissant quelques plumes, mais avec la ferme volonté de tenir le cap, puis de rebondir. Après avoir réorganisé et recentré ses activités, la banque de la rue du Rhône est désormais repositionnée pour mieux gagner de nouveaux clients et conquérir des marchés porteurs. Son CEO, Guy de Picciotto, se déclare résolument optimiste et confiant en l’avenir de son outil de travail. Didier PLANCHE

C

omme bon nombre d’autres banques suisses et internationales de taille significative, l’Union Bancaire Privée (UBP) a vécu une année 2009 difficile, qui a laissé des traces dans les résultats annuels. Son bénéfice net consolidé a baissé de moitié, à 216 millions de francs à la fin 2009 (431 millions à la fin 2008), et sa masse sous gestion a chuté de 25,7 milliards à 75,0 milliards (100,7 milliards une année auparavant). Cette forte baisse a, cependant, été contenue en raison d’un flux net de capitaux de 6,7 milliards, émanant de clients privés, notamment originaires des marchés émergents. Quant à l’assise financière de la banque, elle est restée solide avec un ratio Tier 1 de 26,4% (trois fois le minimum légal de 8%) grâce à une gestion conservatrice du risque et du bilan, élevant l’UBP au rang «des banques les mieux capitalisées de Suisse», comme se plaît à le souligner Guy de Picciotto.

Repositionnement stratégique Si l’UBP a subi de plein fouet la contraction de la gestion institutionnelle et alternative, les effets de change négatifs, la crise des liquidités, l’extrême volatilité des marchés et l’instabilité des systèmes financiers, elle doit désormais faire face aux changements réglementaires et autres modifications imposés de l’extérieur à la place financière

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«Nous sommes désormais organisés en deux pôles distincts: l’asset management, qui offre toujours un fort potentiel, et le private banking, en particulier pour la clientèle des marchés émergents» GUY DE PICCIOTTO – UNION BANCAIRE PRIVÉE

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GUY DE PICCIOTTO Ses deux plus proches collaborateurs Eftychia (La) Fischer a rejoint l’UBP, en mars 2010, comme directrice générale de sa division Trésorerie & Trading et membre de son Comité exécutif. Son rôle consiste à diriger les opérations de trésorerie pour maximiser le ratio risque/profitabilité, ainsi que les activités du négoce de titres et de devises. Avant de rejoindre l’UBP, Eftychia (La) Fischer a occupé les postes de Global Head of Financial Markets & Treasury, puis Group Chief Risk Officer chez EFG International. Précédemment, elle a travaillé chez Julius Baer, JP Morgan et UBS, de même qu’elle a dirigé sa propre société d’asset management à Zurich. D’origine grecque, polyglotte, Eftychia (La) Fischer est diplômée de l’Imperial College de Londres, où elle a obtenu son Bachelor of Science en Physique.

suisse. Dans ce contexte fragile et pour le moins déstabilisant, Guy de Picciotto et son staff de management ont pris des décisions stratégiques, afin de repositionner les activités de la banque et de dynamiser sa croissance. «Le modèle d’affaires de l’UBP a été réorganisé autour de deux pôles distincts qui concernent l’allocation des actifs des clientèles institutionnelle et privée. Il s’agit de l’asset management, qui offre toujours un fort potentiel en termes de masse d’actifs à gérer, et du private banking, en particulier pour la clientèle des marchés émergents. Ces deux pôles ont fait et vont continuer à faire l’objet d’investissements importants pour assurer leur pérennité», commente le président du Comité exécutif. Comme l’UBP souhaite offrir à ses clients institutionnels (40% de l’ensemble de la clientèle) suisses et internationaux les meilleures solutions d’investissement ou gammes de produits innovants conçues à l’interne, elle focalise notamment son allocation d’actifs sur la gestion alternative et donc les fonds de hedge funds, qui sont une spécificité de la banque depuis une vingtaine d’années. Toutefois, leur proportion est désormais «plus» équilibrée dans les portefeuilles, compte tenu de la demande plus forte de liquidité. La gestion alternative, qui a été restructurée, est maintenant centralisée à New York et son équipe de spécialistes a été étoffée, entre autres, dans les domaines de la recherche, de la gestion du risque et de son analyse structurelle (SRA). Quant à l’activité de private banking pour la clientèle privée (60%), elle aussi suisse et

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Pour sa part, Richard Wohanka est entré à l’UBP en octobre 2009, en tant que CEO de l’asset management et de la gestion alternative. Spécialiste de la finance internationale et actif depuis plus de vingt-cinq ans dans la gestion d’actifs, il a également été nommé membre de son Comité exécutif. Richard Wohanka était auparavant CEO de WestLB Asset Management (1997-2001), puis de Fortis Investment Management (2001-2009). Il a aussi travaillé pendant treize ans pour la Banque Paribas, dont trois comme CEO de l’asset management. Polyglotte, il est diplômé de Harvard et de Cambridge en histoire économique.

internationale, elle a connu un recentrage et s’est caractérisée par l’arrivée de nouveaux gérants, en charge de développer des marchés porteurs. Toujours dans l’optique de la préservation du capital, sa gestion s’oriente vers des produits traditionnels, tels les fonds long-only, volontiers investis sur les marchés d’Asie, du Moyen-Orient, d’Amérique du Sud et d’Europe de l’Est. La construction et la diversification des portefeuilles dépendent cependant des objectifs de rendement et du profil de risque fixés par chaque client.

Anticipation et réactivité Outre sa croissance interne par l’acquisition de nouveaux clients onshore surtout des marchés émergents, l’UBP a aussi des objectifs de croissance externe. Comme elle dispose de liquidités importantes (6,8 milliards de francs en 2009), Guy de Picciotto n’écarte pas l’idée d’acquérir des établissements bancaires en Suisse, de même que des sociétés de gestion locales à l’international, mais de manière sélective. Il poursuit ainsi la stratégie paternelle qui a historiquement fait ses preuves dans cet exercice. Edgar de Picciotto, le fondateur, en 1969, à Genève de la Compagnie de Banque et d’Investissements (CBI), devenue l’Union Bancaire Privée, a, en effet, procédé à sept acquisitions, dont la plus retentissante était la TDB-American Express Bank, en 1990. Plus récemment (2002), l’UBP a repris la Discount Bank and Trust Company. Toutes les acquisitions réalisées ont été fusionnées et intégrées dans le groupe bancaire basé

à Genève. Aujourd’hui, l’UBP contrôle un réseau international d’une vingtaine d’implantations (filiales, succursales, représentations) en Europe, au Moyen-Orient, aux Etats-Unis, en Amérique latine et en Asie, avec un effectif total de quelque 1200 collaborateurs. La culture de l’UBP relève d’une vision entrepreneuriale de la banque, toujours sous l’impulsion de son fondateur, et actuel président du Conseil d’administration, Edgar de Picciotto. «Elle est axée sur les acquisitions, le développement de nouveaux produits, une organisation flexible, des convictions affirmées et une capacité éprouvée d’anticipation et de réactivité», relève Guy de Picciotto qui est entré à l’ex-CBI en 1988, après une formation bancaire au sein d’UBS, Morgan Stanley, Bear Stearns et Sanyo Securities ayant mené le licencié en économie & gestion d’entreprise de la Webster University de Genève à Tokyo, en passant par New York. La réactivité de l’UBP vient une nouvelle fois d’être démontrée avec la mise en place rapide de stratégies offensives en réponse à la tourmente économique et financière internationale. Précédemment, la banque avait aussi été l’une des premières à annoncer publiquement son exposition (moins de 1% de l’ensemble de ses actifs en 2008) dans la société d’investissement Bernard Madoff, Investment Securities LLC. Malheureusement, sa transparence et quelque part son courage n’ont pas été appréciés à leur juste valeur, notamment par certains médias anglo-saxons… ■ D.P.

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PUBLI PORTRAIT

Réplicateur de hedge funds: Un outil de diversification La performance des indices de hedge funds est attractive tant pour son profil rentabilité/risque historique que pour sa corrélation basse avec les classes d’investissements traditionnelles. Bien que les hedge funds soient typiquement associés à des performances absolues élevées, ils ont aussi un potentiel de pertes sévères. Les indices de hedge funds quant à eux représentent la performance d’une vaste sélection de gérants alternatifs, et sont donc moins exposés au risque lié au gérant ou à un changement de tendances. Demande des investisseurs pour les hedge funds. Compte-tenu des caractéristiques attractives des hedge funds, la demande institutionnelle en investissements alternatifs reste forte. Selon une étude réalisée en septembre 2009, 80% des investisseurs institutionnels projettent de maintenir ou d’augmenter leur exposition actuelle aux hedge funds durant les douze prochains mois. De plus, dans le contexte actuel de marchés turbulents, la clientèle privée cherche, elle aussi, des alternatives pour faire fructifier sa fortune, préserver sa retraite, et maintenir une planification financière bien structurée. Malheureusement, nombreux sont les investisseurs qui se souviennent des inconvénients liés à un investissement sur un gérant de hedge funds individuel: frais élevés, périodes de remboursement longues ou prolongées, manque de transparence et de liquidité, contrainte de capacité, et risque inhérent au gérant et à sa gestion. Mais avec les nouveaux produits de reproduction synthétique des hedge funds, la clientèle privée ainsi qu’institutionnelle peut profiter de rendements tels que ceux que peut offrir un hedge fund, mais sans ses inconvénients ni ses restrictions.

Réplication des indices de hedge funds. Deux types de produits ont été développés pour permettre aux investisseurs d’accéder aux performances des indices de hedge funds: Les “trackers” et les “réplicateurs”. Les trackers investissent directement dans les hedge funds et ont

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pour objectif de reproduire la performance de l’indice des hedge funds investissables (HFRX). Ces trackers ne peuvent investir que dans les hedge funds qui sont ouverts à de nouveaux investissements et ne peuvent évidemment pas investir dans les fonds qui sont fermés. Les réplicateurs, de leur côté, utilisent des modèles quantitatifs et investissent dans des produits dérivés ou autres types de supports qui offrent une exposition aux indices de marchés disposant d’un solide pouvoir explicatif eu égard aux composantes «beta» des rendements des indices concernés, et ce, afin de pouvoir copier au mieux leur performance. Un des avantages principaux des réplicateurs de hedge funds est la possibilité de reproduire la performance supérieure de l’indice des hedge funds noninvestissables (HFRI). Cet indice repré-

sente les fonds alternatifs qui sont fermés aux nouveaux investisseurs, souvent dû à de trop grandes entrées d’argent ou de fortes performances, et qui ont montré des performances passées bien meilleures que celles de l’indice investissable (HFRX). De plus, comme ils n’investissent pas réellement dans les hedge funds, les gérants de réplicateurs ne sont pas obligés de conduire d’importantes recherches sur chacun des fonds alternatifs (plus de 8000 actuellement), mais au contraire, peuvent concentrer leurs efforts sur le développement de modèles.

Comment fonctionne un réplicateur d’indice de hedge funds? La performance d’un investissement traditionnel est décomposée en deux éléments: l’alpha et le beta. Les techniques d’investissement des hedge funds sont traditionnellement différentes

Alternative Beta est l’exposition aux marchés traditionnels et non traditionnels touvée dans les fonds alternatifs

Traditional Beta

+ Non-traditional Beta

Positions longues dans les classes d’actifs traditionnels Q Actions U.S. (larges capitalisations) Q Actions U.S. (petites capitalisations) Q Actions étrangères Q Obligations et dépôts à terme

Hedge Fund ou «Alternative Beta» Investissements non-traditionnels Q Matières premières, marché des changes, volatilité, etc Q Positions longues et short sur les marchés Q Allocation dynamique (par ex. 100% long ou -20% dans les larges capitalisations)

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ING INVESTMENT MANAGEMENT de celles employées par l’investisseur traditionnel. Ces techniques leur permettent de vendre à découvert, d’utiliser des effets de levier, de bénéficier de stratégies comportant plusieurs classes d’actifs différentes, de bénéficier également des expositions à des marchés non-traditionnels, et ainsi d’accéder à des primes de risque alternatif. Il en résulte que le beta des hedge funds (aussi appelé «alternative beta») comprend à la fois le «beta traditionnel» et le «beta nontraditionnel». Ce «beta alternatif» est différent du beta des classes d’actifs traditionnels et sa corrélation aux classes d’actifs traditionnelles est faible. Cela en fait donc un diversificateur de portefeuille particulièrement efficace. Le but de l’indice de réplication est donc de délivrer la performance de ce “beta alternatif”. Le modèle de réplication doit identifier les expositions pertinentes aux betas traditionnels, et ajuster de façon dynamique ces facteurs afin de reproduire au mieux la performance de l’indice de hedge funds. Ces produits «alternative beta» restent très liquides grâce à l’utilisation de contrats de futures, swaps, et liquidités. Cette technique peut être très bon marché, transparente et ne comporte aucune barrière d’entrée pour l’investisseur.

«La gestion alternative a sa place dans un portefeuille, mais à son juste prix.» EMMANUEL DELLEY – ING INVESTMENT MANAGEMENT

sélection d’un gérant pose des difficultés additionnelles. Il en résulte qu’un investisseur dans un hedge fund paie souvent des frais très élevés, mais ne reçoit en contrepartie que la performance moyenne du marché.

Pourquoi investir dans un réplicateur plutôt que directement dans un hedge fund?

Eu égard à la difficulté de trouver de l’alpha, une portion importante de la performance des gérants alternatifs peut être expliquée par le beta alternatif. Celui-ci peut capturé par une stratégie de réplication, à moindre coûts et avec moins de restriction qu’un investissement direct.

Les hedge funds cherchent la performance au travers des inefficiences de marché. Cependant, avec plus de 8000 fonds et près de $2 trillions sous gestion, de plus en plus de gérants alternatifs poursuivent les mêmes idées d’investissements. Ceci rend pour un gérant la possibilité de surperformer de plus en plus difficile. Aussi, avec un tel univers, la

Ce beta alternatif reste attractif pour l’investisseur, même en l’absence d’alpha: ses caractéristiques de rentabilité/ risques présentent un ratio de Sharpe très attractif ainsi qu’une corrélation basse aux autres classes d’actifs, ce qui constitue un réel avantage pour un portefeuille.

Dans le passé, seuls quelques investisseurs privilégiés pouvaient atteindre ces objectifs en investissant dans des hedge funds. Mais avec un alpha de plus en plus cher et de plus en plus difficile à trouver, la réplication des indices de hedge funds peut offrir à la clientèle institutionnelle et privée les avantages de diversifications que présentent les hedge funds, mais sans leurs inconvénients. ■ Emmanuel.Delley@ingim.com www.ingim.ch

ING (L) Invest Alternative Beta Fund a été lancé en juin 2008 et a reçu en mars 2010 l’autorisation de la FINMA pour la distribution publique en Suisse. Le fonds gère plus de 100 millions USD. ING Investment Management est le gérant de fonds du groupe financier ING et gère plus de 375 milliards d’euro.

ING Investment Management (Suisse) SA, Zurich, assume les responsabilités de représentant pour les fonds de droit étranger autorisés à la vente publique en Suisse. NPB Neue Privat Bank Ltd., Zurich, exerce les fonctions d’agent payeur des fonds de droit étranger autorisés à la vente publique en Suisse. La performance réalisée dans le passé n’offre aucune garantie quant aux résultats futurs. Les revenus d’un fonds et la valeur de ses parts peuvent aussi bien augmenter que diminuer et ne peuvent donc pas être garantis. Lors du rachat des parts, il se peut que l’investisseur ne récupère pas sa mise initiale. Le présent document ne constitue ni une offre ni une sollicitation d’achat de parts de fonds. Les souscriptions ne sont valables que sur la base du prospectus en vigueur et du dernier rapport annuel (et, le cas échéant, semestriel si ce dernier est plus récent). Les fonds investis à l’étranger peuvent être exposés à des fluctuations de change. La composition d’indices de référence sur mesure et les explications complémentaires relatives aux indices de référence rattachés peuvent être obtenues auprès de la direction du fonds ou du représentant en Suisse. Les actions du fonds n’ont pas été enregistrées selon la loi de 1933 («United States Securities Act of 1933») ou selon les dispositions relatives aux valeurs mobilières de quelque Etat que ce soit des Etats-Unis, et le fonds n’a pas été enregistré selon la loi de 1940 («United States Investment Company Act of 1940»). Les parts du Fonds ne peuvent pas être proposées ou vendues directement ou indirectement aux Etats-Unis, ni à une personne US ni pour le compte ou en faveur de celle-ci, sauf dans le cadre d’une exemption aux lois sur les valeurs mobilières en vigueur aux Etats-Unis ou d’une transaction non soumise à ces lois. Le prospectus, le règlement du fonds ainsi que les rapports annuels et semestriels peuvent être obtenus gratuitement auprès de ING Investment Management (Suisse) SA, Zurich.

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L’INTERVIEW FISCALITÉ ET SECRET BANCAIRE

«La Suisse ne peut se permettre de jouer avec le droit»

Avocat et fiscaliste, Henri Torrione enseigne le droit et la philosophie du droit à l’Université de Fribourg. Il compte parmi les rares juristes à avoir tôt remarqué que la Suisse avait fait fausse route en se cramponnant à la distinction entre fraude et soustraction fiscale, et laissé de la sorte le monde bancaire – ou en tout cas certaines banques – s’engager sur des chemins hasardeux, en conseillant mal la clientèle étrangère sur la soi-disant protection que leur assurerait le secret bancaire façon helvétique. Interview. 12

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HENRI TORRIONE Propos recueillis par Marian STEPCZYNSKI

Banque & Finance: La Suisse a longtemps été un pays respectueux de l’ordre juridique existant… HENRI TORRIONE: Tout à fait. Le Conseil fédéral a d’ailleurs, à la suite du vote sur l’interdiction des minarets, sorti un message traitant de la question des initiatives populaires et du respect du droit constitutionnel de base, s’agissant notamment de l’égalité de traitement, de l’interdiction de la discrimination, de la liberté religieuse, et ainsi de suite. Dans ce message d’une quarantaine de pages, très intéressant, le Conseil fédéral affirme tout à fait clairement que «la force d’un petit Etat, c’est avant tout son bon droit». (Il extrait cette phrase d’un message de 1919.) On ne peut donc pas tout faire sous le prétexte que la Suisse définit souverainement son droit. B&F: N’empêche que, quand on considère ce qui s’est passé récemment dans les rapports entre la Suisse et les Etats-Unis, on peut se demander si nous ne sommes pas tout bonnement en train de basculer dans un régime gouverné par la loi du plus fort! En tout cas, cela n’a, a priori, plus grand-chose à voir avec ce respect sacrosaint du droit. Est-ce que je me trompe? H.T.: Non, vous ne vous trompez pas. Le problème est de savoir quelle est la source de cette situation, et, à ce propos, l’analyse des différents protagonistes et observateurs diverge considérablement. Vous verrez que j’ai une position très précise sur cette question controversée, mais avant de l’expliquer je veux dire clairement que vous avez raison, que nous nous trouvons bel et bien engagés dans une véritable épreuve de force avec les Etats-Unis et que nous devons, en effet, subir la loi du plus fort. Le principe de la non-rétroactivité de nouvelles règles n’est pas respecté, ni par l’accord UBS du 19 août avec les EtatsUnis (livraison de 4450 comptes), ni par l’avenant à la Convention existante, ni d’ailleurs par la livraison par la FINMA de ces 275 noms en février 2008. Le Conseil fédéral nie le problème, mais a-t-il raison? S’agissant de l’accord UBS, le Conseil

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fédéral doit le faire accepter par le Parlement, car le Tribunal administratif fédéral bloque l’application de la plus grande partie de l’accord (4200 comptes sur les 4450). Il a, en effet, décidé que cet accord ne pouvait s’appuyer sur la convention existante de double imposition, pour la raison qu’il allait au-delà de celle-ci quand il exige de transférer des noms de personnes qui ont simplement commis des soustractions (4200 comptes), sans doute des soustractions de montants importants durant des périodes continues, mais néanmoins des soustractions. Si bien qu’il s’agit là d’un nouveau droit par rapport à celui qui est contenu dans la convention existante. Du coup, l’idée (qui a d’ailleurs été évoquée par le Tribunal administratif fédéral) que, dans l’hypothèse où le Parlement accepte, sous forme d’arrêté de portée générale, d’approuver cet accord – déjà valablement conclu par le Conseil fédéral et engageant définitivement la Suisse sur le plan international selon la Convention de Vienne sur le droit des traités, il ne faut jamais l’oublier – alors il n’y aura plus de blocage possible par le Tribunal administratif fédéral. Mais cette approbation ne change rien à la rétroactivité. Même si le Conseil fédéral continue à le nier dans son Message au Parlement, en prétendant que de telles soustractions sont couvertes par l’expression «tax fraud or the like» contenue dans la Convention existante – expression qu’il s’est d’ailleurs engagé, dans un protocole de 2003, à interpréter de façon aussi extensive que nécessaire pour la bonne application du droit américain –, c’est sûr qu’il s’agit là d’un changement rétroactif d’approche… B&F: …puisqu’il valide, après coup, une approche qui a déjà été convenue… H.T.: Surtout puisqu’il s’agit d’une nouvelle approche qui a été convenue comme applicable aux années 2001 et suivantes, donc rétroactivement, par exemple même à un client qui aurait quitté l’UBS en 2004. Mais, à mon avis, il est insuffisant de dire que cette rétroactivité ne va pas, et de s’arrêter là. Il est aussi insuffisant, d’ailleurs, de dire, comme le Conseil fédéral, que cette rétroactivité est acceptable parce que le Tribunal fédéral considère que les règles d’entraide sont des règles de procédure qui peuvent s’appliquer même à des faits antérieurs. (En effet, on ne crée pas, par cette rétroactivité, de nouvelle infraction, la sous-

traction étant déjà illicite en droit suisse avant cette modification.) Il faut, à mon avis, remonter au-delà et voir d’où vient cette situation inextricable, de laquelle le Conseil fédéral et peut-être le Parlement espèrent s’extraire en acceptant de la rétroactivité au détriment des clients de l’UBS. J’ai personnellement tout de suite pris position en relevant, au mois de mars de l’année passée, qu’il fallait chercher en direction d’un problème fondamental dans le droit suisse avec cette distinction entre fraude et soustraction. Cette distinction n’était, dès le départ, pas tenable comme critère en matière d’entraide, et c’est de ce caractère intenable que vient la situation difficile dans laquelle nous nous trouvons. Le système juridique suisse s’est fourvoyé en prétendant imposer cette distinction au niveau international. B&F: A priori, il n’y a rien de choquant à cela. Un pays, souverain, peut fort bien définir les infractions comme il l’entend! H.T.: Ce n’est pas choquant, non. Mais le problème est que la définition ne tient pas la route, qu’elle n’est rien d’autre qu’un château de cartes et que tout reposait, en définitive, sur la puissance qu’on allait pouvoir déployer pour contraindre les autres Etats à l’accepter malgré tout, donc sur la force. Cela ne va pas, non pas parce que c’est choquant, mais parce que c’est une approche impossible sur la durée pour un petit pays comme la Suisse, qui ne peut compter, comme on l’a dit, que sur «son bon droit». B&F: Quel est le rapport avec la pression mise sur la Suisse pour la forcer à accepter l’accord UBS? H.T.: Il faut remonter à l’origine du problème. C’est vrai que l’accord passé avec les Etats-Unis est un mauvais accord, comme d’ailleurs la livraison des 275 noms par la FINMA. Mais il importe de sortir le plus vite possible de cette situation et de tourner la page pour que nos banques puissent à nouveau en toute liberté faire valoir leurs avantages sur la concurrence, avantages qui sont loin d’être inexistants même après l’abandon de la protection que leur apportait cette distinction. Il est vrai qu’on peut difficilement trouver une bonne façon de sortir de la situation où la Suisse s’est mise. L’incendie est tel que les pompiers ne trouvent que des stratégies insatisfaisantes

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L’INTERVIEW en vue de l’éteindre, et il faut bien se résigner à utiliser l’une d’entre elles, surtout quand on s’est déjà engagé de façon juridiquement contraignante vis-à-vis des EtatsUnis à la mettre en œuvre. Encore une fois, la Suisse s’est mise dans cette situation où on la force à faire ce qu’elle ne veut pas faire, parce qu’elle a voulu forcer les autres Etats à accepter une distinction qui ne tenait pas la route en matière d’entraide. Notre ordre juridique a été, en quelque sorte, pris en otage par cette distinction et se trouve maintenant pris au dépourvu, à cause de l’absence de «bon droit» lui donnant la force de résister à la force, et les conséquences sont dramatiques. B&F: J’aimerais bien que vous expliquiez en détail où a résidé l’erreur primitive… H.T.: Cela ne remonte pas si loin que cela. La distinction est devenue la politique générale du Conseil fédéral à partir de fin 2003 et début 2004 seulement, au moment de la discussion des accords bilatéraux avec l’Union européenne. Ce n’est qu’à ce moment-là que la Suisse a fait savoir à l’OCDE qu’elle allait accepter l’article 26 relatif à l’échange d’informations en cas de soustraction, qu’on appelle ici souvent, à tort, évasion (parce qu’on reprend de l’anglais tax evasion, alors que le mot correct est bel et bien soustraction, en allemand Steuerhinterziehung), mais qu’elle ne l’acceptait pas en cas de fraude fiscale (Steuerbetrug). Auparavant, la politique de la Suisse était de n’accorder aucune entraide en matière fiscale quand il s’agissait du droit interne de l’Etat requérant. Elle ne l’acceptait que lorsqu’il s’agissait d’appliquer une convention de double imposition, et pour en assurer la bonne application. Or, comme vous le savez, une convention ne s’applique en matière de double imposition que si le contribuable veut l’appliquer. Avant 2004, il n’y avait que deux exceptions à ce principe: l’ancien accord avec les Etats-Unis (qui contenait déjà la notion d’échange d’informations en cas de fraude fiscale) et l’échange en matière judiciaire pénale, l’EIMP (la loi sur l’entraide internationale en matière pénale) en vertu de laquelle le juge pénal devait accepter de communiquer des informations en cas de fraude fiscale. Pour des raisons uniquement formelles, cette disposition de l’ancien traité avec les Etats-Unis n’a jamais été vraiment mis en œuvre. Le fisc améri-

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cain voulait des documents originaux, faute de quoi il ne pouvait utiliser les informations devant les tribunaux; la Suisse répondait qu’elle n’était pas tenue par la convention de remettre les documents sous forme d’originaux et qu’elle se bornerait à livrer des copies certifiées conformes. De sorte que les Etats-Unis n’ont jamais utilisé cette voie-là. Ce n’est que depuis la nouvelle convention de 1996 qu’ils ont commencé à avoir recours à la notion de «tax fraud and the like», et la situation est vraiment devenue dangereuse pour la Suisse avec l’entrée en vigueur du système du QI en 2001, et surtout en 2003 quand la Suisse s’est engagée à interpréter la notion «tax fraud or the like» de façon aussi étendue que nécessaire pour la bonne application du droit fiscal américain. Quant à l’EIMP, qui contenait également cette distinction, elle a été très peu utilisée depuis les presque trente ans qu’elle existe. Les administrations fiscales n’aiment pas transférer quelque chose au juge pénal, car elles se sentent alors dessaisies du dossier. L’expérience montre que ce n’est que dans le cadre des affaires déjà pénales que cela peut fonctionner. Ce n’est donc, je le répète, qu’en 2004 que cette distinction est devenue cruciale, et que nous autres, Suisses, nous avons commencé à prétendre – ce qui n’est pas exact, comme on va le voir – que l’on accorderait désormais aux Etats étrangers tout ce que l’on pouvait obtenir au niveau interne, en Suisse. Auparavant, l’entraide était refusée, pour un motif politique. La position était claire et nette, sans dissimulation: les délits fiscaux étaient considérés comme des éléments relevant, en quelque sorte, de la sphère politique de l’Etat, au même titre que les délits d’opinion de dissidents politiques. Et les Etats n’ont pas à se prêter mutuellement main-forte dans ce domaine, comme en matière de délits politiques si vous voulez. B&F: Mais où est la faute? H.T.: C’est complexe, mais cela a été expliqué dans un rapport d’experts de 2004 (le Rapport Marti, qui figure en ligne sur le site de l’AFC depuis cette date, et que j’ai repris dans mon étude sur le droit pénal fiscal publié dans un ouvrage de l’OREF de 2005 intitulé Les procédures en droit fiscal). Une première faute est qu’on a caché aux Etats étrangers avec qui on négociait que, au niveau interne, en cas de soustraction de

montants importants pendant des périodes continues, il y a un accès possible selon la loi aux informations bancaires. C’est le fameux article 190 de la LIFD1. Vous aurez peut-être remarqué qu’Eveline WidmerSchlumpf, la conseillère fédérale en charge du Département de justice et police, y a souvent fait allusion. C’est cette procédure où le canton peut demander à Berne d’intervenir, s’il s’agit non seulement de fraude fiscale, mais également de cas de soustraction de montants importants pendant des périodes continues. A ce moment, la loi dit que les autorités fédérales disposent des pouvoirs qui leur sont donnés par le droit pénal administratif. Il y a là quelque chose qui embrouille complètement les cartes. B&F: Cela devient effectivement très compliqué… H.T.: Dans ces cas-là, le droit pénal administratif, qui est applicable en matière de TVA, de droit de timbre et d’impôt anticipé, est aussi applicable en matière d’impôts directs et permet ainsi de percer le secret bancaire, même en cas de simple soustraction. B&F: Il faut pour cela que la soustraction porte sur un montant important et qu’elle ait un caractère répétitif… H.T.: Oui, c’est juste, d’après le texte de la loi. Mais il faut relever que l’article 190 n’a jamais été vraiment appliqué aux cas de pure soustraction. D’après ce que je crois savoir, les cas qui existent ont tous revêtu plus ou moins un caractère de fraude. La Suisse s’est toujours retenue de l’appliquer aux cas de soustraction. Mais l’article existe, et ce n’est pas rien pour un juriste! B&F: Pourquoi cette retenue? H.T.: Parce qu’on était mal à l’aise. Dans le Rapport Marti, le groupe d’experts fiscaux,

1 Art. 190 Conditions Lorsqu’il existe un soupçon fondé de graves infractions fiscales, d’assistance ou d’incitation à de tels actes, le chef du Département fédéral des finances peut autoriser l’Administration fédérale des contributions à mener une enquête en collaboration avec les administrations fiscales cantonales. Par grave infraction fiscale, on entend, en particulier, la soustraction continue de montants importants d’impôt (art. 175 et 176) et les délits fiscaux (art. 186 et 187).

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HENRI TORRIONE dont le professeur Waldburger, s’est livré à une relecture complète de l’ensemble du droit pénal fiscal et de ses procédures, pour constater qu’il y avait, en l’occurrence, quelque chose qui ne jouait pas, qui entrait en contradiction flagrante avec notre position sur le plan international. Pour autant, jamais le législateur ni l’Exécutif n’ont osé proposer une modification de l’article 190, car on risquait alors, en quelque sorte, de mettre en évidence pour les Etats étrangers le problème fondamental que je souligne. Et on était loin d’être sûr qu’une telle modification serait acceptée par le peuple. Comme vous le constatez, la situation est tout sauf confortable. Et que s’est-il passé dans l’affaire UBS? Eh bien, les conseillers juridiques et fiscaux d’UBS se sont fondés sur cet article 190 LIFD pour dire aux EtatsUnis que rien ne s’opposait à la livraison de 4200 comptes supplémentaires aux autorités américaines puisque c’était une chose possible en droit interne suisse… Le Conseil fédéral a trouvé que c’était là une très bonne idée. Il a mis en ligne des avis de droit dont il ressort en substance que, dans la mesure où, en cas d’échange d’informations au niveau international, on a toujours affirmé appliquer aux étrangers le même régime que ce qui était possible en Suisse, compte tenu d’une phrase ambiguë dans le protocole de la Convention existante, compte tenu aussi du vague de l’expression «or the like», les Etats-Unis devaient pouvoir eux aussi en bénéficier. D’où la communication qui est prévue dans l’accord UBS de 4200 comptes de personnes ayant commis de simples soustractions. Je le répète, c’est la Suisse elle-même qui a mis cet élément en avant. Jusqu’à ce moment-là, des gens comme moi et d’autres fiscalistes s’étaient tus (en dehors de rapports d’experts et d’ouvrages spécialisés), de peur que des Etats étrangers ne saisissent la balle au bond pour les cas de simples soustractions. B&F: C’est quoi la soustraction répétée et portant sur des montants importants? H.T.: Personne ne sait de quoi il en retourne, puisqu’il n’y a jamais eu de cas d’application. Dans l’affaire UBS, on a décrété, en fonction du résultat auquel on voulait arriver, qu’un montant était important dès lors qu’il portait sur 100 000 dollars ou plus de revenus par année. Et qu’a dit le Tribunal administratif fédéral? Que c’était là quelque chose qui était possible en droit

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«Le système juridique suisse s’est fourvoyé en prétendant imposer la distinction entre fraude et évasion fiscale au niveau international» HENRI TORRIONE

suisse, puisqu’il y avait l’article 190, mais que la convention avec les Etats-Unis et son protocole ne prévoyaient pas que ce qui est possible en droit suisse en matière de soustraction puisse automatiquement bénéficier à ceux-ci puisque, pour qu’il en aille ainsi, il faudrait qu’il s’agisse d’un cas de fraude. Donc, a estimé le TAF, il n’y a pas de base. Et quelle est la conséquence? Eh bien, c’est que les Etats-Unis sont à présent encore plus furieux qu’ils ne l’étaient auparavant, car à présent, ayant lu l’arrêt du TAF, ils ont complètement compris qu’ils ne pouvaient pas bénéficier de ce qui était possible en droit interne en Suisse, tout au moins si l’accord n’est pas approuvé par le Parlement. Alors que la Suisse leur a tou-

jours laissé croire qu’elle leur accordait le maximum de tout ce qu’il était possible d’obtenir en droit interne dans le cas d’un contribuable suisse avec un compte dans une banque suisse. Or, ce n’est pas vrai. B&F: S’agit-il là de naïveté ou de machiavélisme? H.T.: Lorsque ses propres intérêts sont en jeu et que l’on n’exerce pas suffisamment son esprit critique, on se laisse facilement emporter par des convictions pas suffisamment réfléchies. Plus l’intérêt est fort, plus on se laisse emporter par celles-ci. Et si aucun débat n’est organisé sur le sujet, s’il n’y a pas vraiment de droit de parole laissé à des objections, de contradiction appor-

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L’INTERVIEW en février 2009. Il est le même, dans une certaine mesure, avec l’amendement aux diverses conventions, si l’on ne peut pas trouver de solution pour régler la situation du passé et la transition (on ne l’a pas encore trouvée).

«Il faut que l’on accepte sans réserve le standard international et que l’on cesse avec ces provocations tellement contre-productives, dont Monsieur Merz s’est fait une spécialité» HENRI TORRIONE

tée, comme cela se fait au niveau politique lors des débats au Parlement et au niveau judiciaire lorsqu’un tribunal se livre à l’examen d’un problème, s’il n’y a pas cette opposition des arguments, on parvient difficilement à dégager une bonne compréhension de la problématique. Pour ma part, je vois la Suisse comme ayant été tout entière emportée depuis 2004 dans une espèce d’illusion collective: on avait une position juridique forte, pensait-on, c’était notre ordre juridique qui distinguait les deux choses, imaginait-on, et les autres n’avaient qu’à l’accepter (on disait: la Suisse n’est-elle pas un Etat souverain, ne peut-elle pas adopter l’approche qu’elle veut dans ce domaine?) Malheureusement, on n’avait pas compris que l’on ne peut pas se permettre

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d’approximation quand on prétend interposer la protection de l’ordre juridique suisse pour un contribuable étranger qui ne paie pas les impôts qu’il doit au pays dans lequel il choisit pourtant de continuer de vivre. Et c’est pourquoi le Conseil fédéral a, en quelque sorte, «tourné sa veste» brutalement au moment où le problème devenait manifeste. Désormais, nous sommes dans une situation dans laquelle nous essayons de changer de monde en évitant trop de conséquences négatives. Mais en étant conscients qu’il y a des larmes (des impôts et des amendes à payer) et du sang (de la prison pour certaines personnes). Ce n’est pas seulement dû à cet accord UBS du 19 août: le problème est le même avec les 275 noms transmis aux Etats-Unis par la FINMA

B&F: Ces certitudes longtemps entretenues et qui s’écroulent d’un coup me font penser à l’effondrement de l’URSS, que l’on croyait jusqu’alors invincible… Que vous inspirent à vous, juriste, ces brutaux «changements de paradigme»? H.T.: Personnellement, je me pose la question de savoir si nous, les juristes, nous avons fait correctement notre travail, au cours de ces dix dernières années. Un conseiller fédéral m’a cependant dit un jour que si le Conseil fédéral avait déclaré avant fin 2008 et début 2009 qu’il changeait de politique, il se serait quasiment fait «flinguer» dans la presse et au niveau politique, surtout par ceux qui entretiennent l’illusion qu’il suffit d’introduire le secret bancaire dans la Constitution pour qu’il n’y ait plus de problème. C’eut été bien pire que d’annoncer la retraite à 67 ans! Nous étions quelques-uns à avoir conscience que le discours officiel n’était pas correct, qu’il ne tenait pas la route (voir le rapport de la Commision Marti dont j’ai parlé). Peut-on alors nous reprocher de ne pas avoir suffisamment parlé? Pour ma part, j’ai fait quelques tentatives. En 2000 par exemple, j’ai fait une présentation à Zurich, dans le cadre de la Swiss-American Chamber of Commerce, au moment de l’entrée en vigueur du QI, la réglementation américaine. C’était assez difficile… B&F: Les oreilles ne s’ouvraient pas à ce que vous disiez… H.T.: Non, les réactions étaient carrément négatives. Je soutenais que désormais, compte tenu de cette réglementation, que partout dans le monde elles avaient acceptée, les banques étaient devenues des auxiliaires du fisc américain, et que cela avait des conséquences auxquelles il fallait réfléchir. Il s’agissait là de quelque chose que les gens n’étaient pas prêts à entendre. B&F: Sur le fond, maintenant, de cette question de l’évasion, de la soustraction vs la fraude fiscale: vous vous en accommodez ou vous trouvez complètement faux de faire ce genre de distinction?

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HENRI TORRIONE H.T.: Je trouve faux de faire de cette distinction un critère d’accès aux informations bancaires sur le plan international (comme on va voir, ce n’est, de toute façon, pas non plus le critère qu’on utilise sur le plan interne suisse!) Je vous ai donné un argument de texte, à savoir l’article 190, qui montre que le droit interne va dans un autre sens puisqu’il permet, dans certains cas, d’accéder à des informations bancaires en cas de simple soustraction. Maintenant, il y a plusieurs autres arguments qui montrent que cette distinction n’est pas utilisable dans ce contexte d’accès aux informations bancaires. Le plus fort de tous, c’est le suivant: la distinction que la Suisse a voulu imposer au plan international n’a jamais été utilisée en droit interne suisse, ni d’ailleurs considérée comme utilisable dans notre pays. La distinction qu’on utilise en matière d’impôts sur le revenu et la fortune au niveau interne pour l’accès aux informations bancaires est différente: c’est la distinction entre, d’un côté, soustraction, et de l’autre, usage de faux. Il y a une jurisprudence très claire qui détermine ce qu’est un faux et on sait, dès lors, à quoi s’en tenir; cela fonctionne bien en droit suisse. Il importe qu’il y ait peu d’incertitudes à cet égard, afin que le client de la banque sache à partir de quel instant l’administration a accès aux informations bancaires le concernant. En revanche, ce n’est pas cette distinction-là qui a été utilisée sur le plan international, mais une autre distinction qui existe en droit suisse, non pas en matière d’impôts directs, mais en matière d’impôt anticipé, de droit de timbre et de TVA, à savoir la distinction qu’il convient d’opérer entre soustraction d’un côté, et fraude ou escroquerie fiscale (Steuerbetrug) de l’autre. C’est l’article 14 DPA2. Or, cette notion de fraude, que l’on a voulu imposer à l’international comme si c’était notre droit interne, est sans importance en droit interne pour l’accès aux informations bancaires, parce que, pour ces trois impôts, la loi prévoit que le secret bancaire peut être percé même en cas de simple soustraction! Ces aspects ont été aussi relevés par la Commission Marti. B&F: L’usage de faux et la fraude, n’est-ce pas la même chose? H.T.: Non, il y a une grande différence. La fraude se définit par la présence d’une astuce, et personne ne sait où commence

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l’astuce quand il s’agit de l’administration fiscale, si l’on n’accepte pas de dire qu’elle commence avec un mensonge volontaire dans la déclaration. L’usage de faux n’est qu’un cas d’astuce, le seul cas bien délimité par rapport au mensonge volontaire dans la déclaration. Mais il y en a beaucoup d’autres, comme les édifices de mensonges, les manœuvres difficiles à détecter, etc. Le problème est que cette notion d’astuce est extensible à volonté dès qu’on l’applique en matière fiscale à d’autres situations que l’usage de faux. Par exemple, il y a eu tout le débat sur la question de savoir si l’utilisation de sociétés écran pour ouvrir des comptes, ou transférer des comptes existants, était quelque chose d’astucieux. On pensait, jusqu’à l’année passée, que cela ne l’était pas. On savait, bien sûr, qu’utiliser une société pouvait être abusif. Mais l’abus n’est pas de l’astuce en droit suisse. Utiliser une société ne constituait donc jamais une fraude, pensait-on. Or, voilà que le TAF a décidé, en mars 2009, dans un des cas de clients de l’UBS transmis aux Etats-Unis par la FINMA (et cela est valable pour la totalité des 275 cas transmis par la FINMA), qu’il y avait une véritable fraude, un véritable cas d’escroquerie fiscale, du fait de l’utilisation d’une société pour ouvrir un compte et investir en titres américains, dans la mesure où la personne physique utilisait ce montage sans «jouer le jeu de la société», dans la mesure où elle indiquait le nom de la société, et non pas son propre nom, dans le formulaire américain remis à la banque

pour identifier le titulaire du compte. En l’occurrence, ce client de l’UBS se servait dans le compte de la société, comme si c’était le sien. Il n’y avait pas d’assemblée générale ni de distribution de dividende. Dans ces conditions, on n’avait plus simplement la soustraction fiscale d’origine (commise au moment du dépôt de la déclaration d’impôt américaine), combinée avec une structure abusive mise en place pour la détention du compte suisse, comme le pensaient jusqu’alors presque tous les juristes, mais une véritable attitude astucieuse du contribuable américain, donc une fraude donnant lieu à entraide. On a donc affaire à une distinction qui n’est pas du tout précise… B&F: …qui est de nouveau en train de se déplacer… H.T.: Oui, massivement, si le Parlement suit le Conseil fédéral et approuve l’accord UBS bien qu’il vise la soustraction de montants importants pendant des périodes continues comme rentrant dans la notion de «tax fraud or the like». On a utilisé cette distinction sur le plan international, où elle est cruciale, alors qu’au niveau interne, où elle existait, elle n’a jamais été utilisée dans le même but. Il n’y a, tenez-vous bien, jamais eu de véritable cas d’escroquerie en matière d’impôt anticipé, de TVA ou de droit de timbre devant les tribunaux, avec une décision sur le contenu exact de la notion. Autrement dit, la notion n’a jamais été testée en droit interne. C’est vrai qu’elle n’est pas importante, puisque, comme je l’ai

1 Art. 14 A. Infractions I. Escroquerie en matière de prestations et de contributions 1. Celui qui aura astucieusement induit en erreur l’administration, une autre autorité ou un tiers par des affirmations fallacieuses ou par la dissimulation de faits vrais ou les aura astucieusement confortés dans leur erreur, et aura de la sorte, pour lui-même ou pour un tiers, obtenu sans droit une concession, une autorisation, un contingent, un subside, le remboursement de contributions ou une autre prestation des pouvoirs publics ou aura évité le retrait d’une concession, d’une autorisation ou d’un contingent, sera puni de l’emprisonnement ou de l’amende. 2. Lorsque l’attitude astucieuse de l’auteur aura eu pour effet de soustraire aux pouvoirs publics un montant important représentant une contribution, un subside ou une autre prestation, ou de porter atteinte d’une autre manière à leurs intérêts pécuniaires, la peine sera l’emprisonnement pour un an au plus ou l’amende jusqu’à concurrence de 30 000 francs. 3. Si une loi administrative spéciale prévoit pour les infractions analogues, mais dépourvues de caractère astucieux, un maximum de l’amende plus élevé, celui-ci est également applicable dans les cas prévus aux al. 1 et 2. 4. Si une infraction prévue à l’al. 1 ou 2 est commise dans le but de tirer des gains importants de l’importation, de l’exportation et du transit de produits, et que son auteur agit comme membre d’une bande formée pour commettre de manière systématique des escroqueries en matière de prestations et de contributions (escroqueries fiscales qualifiées), il est puni d’une peine privative de liberté de cinq ans au plus ou d’une peine pécuniaire. En cas de peine privative de liberté, une peine pécuniaire est également prononcée.

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L’INTERVIEW dit, en matière de droit de timbre, d’impôt anticipé et de TVA, on peut accéder aux informations bancaires, même en cas de simple soustraction. B&F: C’est bien compliqué… H.T.: C’est très compliqué, mais c’est là une autre raison pour penser que c’était un peu léger et compromis dès le départ. Il fallait vraiment lever les bras au ciel et se dire «pourvu que ça marche»! Il y a d’ailleurs d’autres illogismes qui minaient la position suisse, notamment celui-ci: si l’on avait vraiment voulu reproduire sur le plan international ce qui existait sur le plan interne, on aurait dû accorder aux Etats étrangers qui prélèvent l’impôt sur le revenu selon le système de l’auto-taxation (la plupart des Etats, mais pas la Suisse) le même régime qu’en droit interne suisse pour les impôts prélevés selon l’auto-taxation (droits de timbre, impôt anticipé et TVA), c’est-à-dire l’accès aux informations bancaires même en cas de simple soustraction! B&F: Y a-t-il, à votre avis, encore d’autres abus, d’autres simulations ou procédés qui risquent de déplacer encore plus le curseur du côté de la fraude? H.T.: Si on l’a déplacé en couvrant les soustractions de montants importants pendant des périodes continues et en assimilant l’usage de sociétés dont on ne joue pas le jeu à de la fraude, on a pratiquement épuisé les possibilités imaginables. B&F: Et les trusts? H.T.: Il peut rester les trusts, oui. B&F: Avez-vous le sentiment que le mouvement va continuer de ce côté-là, que l’on va boucher les derniers trous du filet? H.T.: Pour les trusts, je ne pense pas. Quand ils sont bien faits, ils fonctionnent à l’instar des fondations de famille, à savoir qu’ils impliquent une dépossession totale de l’argent, même s’il est vrai que les descendants, qui n’en sont plus propriétaires, peuvent en bénéficier en cas de distributions. Par conséquent, je pense que cela va continuer, du moins pour les trusts qui parviennent à ce niveau de dépossession. Je ne suis pas d’accord avec ce qui se dit beaucoup à leur propos, car s’il est vrai que le trust est une institution anglo-saxonne, la formule peut être aussi bien utilisée par des

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juristes ou des banques suisses que par des banques étrangères. B&F: D’un point de vue philosophique et moral, estimez-vous que cela se justifie d’opérer une distinction entre fraude et soustraction fiscale? H.T.: Pour ma part, la décision politique prise par le Conseil fédéral en mars 2009 était une bonne décision: on abandonne cette distinction et on passe aux standards internationaux. Je n’ai pas de position philosophique ou morale sur le sujet, mais j’ai de la peine à voir comment la Suisse a pu s’opposer au standard international (celui de l’OCDE sur l’échange d’informations). Le point crucial c’est qu’il s’agit de gens qui choisissent de vivre dans un pays qui ne les force pas à rester, et la Suisse n’a aucun titre à s’immiscer, avec son droit particulier, dans la relation interne entre ces gens et leur propre Etat, si elle ne veut pas la guerre avec cet Etat. C’est évident que, dans cette situation, seul un standard international neutre est acceptable, et pas une solution particulière inventée pour l’occasion par l’Etat où se trouve le compte bancaire. La Suisse a essayé d’opposer l’argument que le standard qu’elle appliquait à l’interne, vis-à-vis de ses propres contribuables, pouvait être appliqué par elle sur le plan international, comme alternative au standard international. Je trouve que c’est un très bon argument en soi, et je comprends la rhétorique libérale de gens comme mon confrère Halpérin, qui amplifie cet argument par des développements sur la «préservation de la sphère privée», la mise en place d’une «administration au service des citoyens et non l’inverse», etc. Cela en soi peut être assez convaincant. Le problème, on l’a vu, est à un autre niveau, très terre à terre: au niveau de la mise en œuvre. Il y a eu bricolage, approximation et artificialité à ce niveau d’exécution, si bien que le produit final, la fameuse distinction entre fraude et soustraction imposée sur le plan international, en place comme politique officielle de la Suisse depuis 2004, était ce que j’ai appelé «un château de cartes». Les fiscalistes connaissent bien le problème d’une exécution défectueuse pour une planification qui, en soi, si elle était bien mise en œuvre, tiendrait la route. B&F: Mais faut-il maintenir la distinction entre usage de faux et soustraction sur le plan interne?

HENRI TORRIONE H.T.: Ah, sur le plan interne, il se justifie toujours de faire cette distinction, parce qu’il existe justement la soupape de sécurité de l’article 190. Personnellement, je suis choqué par le fait que beaucoup de gens parlent aujourd’hui de modifier la situation au niveau du droit interne, en faisant comme si l’article 190 n’existait pas. Que l’on commence par appliquer au niveau interne, en cas de soustraction de montants importants pendant des périodes continues, cet article 190. Mme Widmer-Schlumpf a été tout à fait correcte au moment de ses déclarations; elle n’a pas fait comme s’il n’existait pas, mais reconnu qu’il n’était pas très flexible. Il faut, en effet, demander la signature du chef du Département des finances à Berne, l’enquête ne peut être conduite que par la police financière, en quelque sorte de l’administration fédérale, et ensuite seulement les informations sont communiquées au canton, qui ne peut lui-même conduire l’enquête. Tout cela n’est certes pas très flexible, mais faisons-en d’abord l’expérience pendant deux ou trois ans, et après seulement décidons de modifier si nécessaire le dispositif. Encore une fois, je trouve qu’il y a beaucoup d’hypocrisie à prétendre qu’il faut changer le droit interne en faisant abstraction de l’existence de cette disposition. B&F: Là encore, vous raisonnez en juriste pur et dur… H.T.: Tout à fait. Il ne faut pas jouer avec le droit, c’est trop risqué, il y a des retours de manivelle… B&F: …sauf que la Suisse est bousculée, justement, sur ce plan-là! H.T.: C’est un retour de manivelle! Elle est bousculée sur ce plan-là parce qu’elle a pris des licences avec une certaine rigueur, s’agissant de ce que le Conseil fédéral appelle, en parlant de la Suisse, «son bon droit». La qualité du droit au nom duquel on prétendait s’immiscer dans la relation interne entre un contribuable étranger et son propre Etat n’était pas satisfaisante, malheureusement. Les envolées rhétoriques sur la protection de la sphère privée et les bienfaits du libéralisme ne changent rien à ce problème technique grave. B&F: Comment expliquez-vous le revirement complet d’attitude de la Suisse qui, au tout début des années 2000 si je me souviens bien, était vigoureusement opposée à

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L’INTERVIEW l’adoption d’un texte de l’OCDE condamnant les «pratiques fiscales dommageables» (elle s’était abstenue lors du vote et s’était, du coup, retrouvée dans le statut de simple observatrice), pour se rallier désormais sans réserve à la démarche de cette même organisation? Ce basculement est-il uniquement lié à ce que vous venez d’expliquer ou est-il dû à autre chose? La Suisse aurait-elle finalement reconnu qu’il était impossible de s’opposer à un mouvement de large envergure (l’OCDE, mais aussi l’UE, le G7, etc.) visant à colmater toutes les brèches favorisant l’évasion fiscale? H.T.: A mon avis, la pression internationale joue un rôle, mais la raison véritable de la brutalité du revirement du Conseil fédéral et du caractère inextricable de cette situation de changement de monde sans transition est cette absence initiale de «bon droit». S’il n’y avait pas ce problème, la Suisse aurait pu résister et changer de système progressivement, avec calme et dignité, selon son propre rythme. C’est l’absence initiale de «bon droit» qui crée l’humiliation actuelle. Il faut le dire, je crois, même si certains réagissent à ce genre de propos en parlant d’«auto-flagellation pernicieuse», de «pathologie critique [qui] confine à la traîtrise», de «conspuer… sa patrie», de «détracteurs de l’intérieur qui hurlent avec les loups», de «tout le contraire de l’union sacrée qu’on attendrait d’un corps social mis en danger» (Marie-Hélène Miauton, Le Temps, 12 mars 2010). Il faut faire ces analyses sereinement, comme professionnel de la fiscalité non engagé politiquement, parce que sinon, en se taisant, on favoriserait des thèses xénophobes dans cette crise que traverse notre pays et on se mettrait dans l’impossibilité d’en tirer des leçons utiles pour l’avenir. Qu’a découvert le Conseil fédéral en voyant le cas UBS se développer depuis le début 2008, et même un peu avant, en prenant connaissance du rapport du sénateur Levin au Congrès américain? Qu’a-t-il compris dès la fin de l’été 2008 en voyant de vieux mémos internes d’UBS, des années 2000/ 2006, qui étaient mis sur Internet par l’administration américaine, desquels il ressortait que la banque prétendait qu’elle pouvait proposer aux clients américains des solutions que les autres banques n’oseraient peut-être pas envisager, car elle disposait, elle, de toutes les connexions nécessaires aux Etats-Unis pour s’assurer que, si des questions étaient soulevées au sujet de la

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distinction entre fraude et soustraction telle qu’elle la comprenait, elle obtiendrait un soutien suffisant aux Etats-Unis et pourrait faire cesser de telles attaques? Selon moi, le Conseil fédéral a réalisé que notre système, avec cette fameuse distinction, faisait courir une espèce de risque systémique aux banques et à leurs clients. A savoir que nous nous étions mis dans une situation où nous ne pouvions pas tenir les promesses faites par les banques, ou les promesses de notre système, des promesses de protection découlant de cette distinction. Or, ces promesses ne sont pas claires: où s’arrête la protection? On voit très bien, avec le cas UBS, que certains banquiers ont poussé un peu trop loin. Mais ont-ils été beaucoup plus loin que les autres? On ne le saura probablement jamais. La difficulté, on la saisit très bien lorsqu’on est avocat. Un client vient vous voir et vous demande: «Est-ce que je peux faire ça? Est-ce que je suis protégé?» Si votre réponse ne lui convient pas, il vous rétorquera que vous êtes quelqu’un de peureux, vraiment trop prudent, alors que lui-même est habitué à prendre des risques dans son business. Et il ira voir un autre avocat. Les clients des banques faisaient la même chose. Si la réponse d’une banque ne leur convenait pas, ils allaient en voir une autre. On se rend compte, à lire les mémos internes d’UBS sur Internet, que la banque donnait aux clients l’impression qu’elle était la meilleure parce qu’elle était suffisamment puissante pour ne pas avoir peur. Vous voyez donc que, lorsque la distinction n’est pas claire, on provoque un moins disant éthique et juridique en quelque sorte, et une émulation entre banques à ce propos. Mon sentiment est que le Conseil fédéral s’est rendu compte que notre système juridique créait sur ce point un risque systémique, un risque lié au peu de clarté de la distinction, engendrant pour les banques la tentation d’aller au-delà, afin d’attirer des clients. Jusqu’alors, on n’avait vu que la position du marché suisse par rapport aux banques établies sur d’autres marchés. Et tout à coup, le Conseil fédéral s’est rendu compte qu’il y avait également matière à concurrence entre banques suisses sur ce point-là, sur ce qu’il était prudent ou non de faire, et que certaines banques allaient certainement trop loin en raison de la prime dans la concurrence au moins-disant juridique. On ne peut pas vivre avec un système

juridique qui contient des éléments comme cela, c’est tout simplement trop dangereux. A cause de l’absence de clarté due à l’utilisation de la notion floue de fraude, plutôt que celle, précise, d’usage de faux, le système ne pouvait plus tenir les promesses toujours plus grandes qu’il entraînait ses propres acteurs à faire, pris qu’ils étaient dans une sorte de spirale négative! B&F: Le cas d’UBS aura donc été exemplatif: il fera jurisprudence… H.T.: Dans le mauvais sens. Il aurait mieux valu s’organiser et réfléchir à l’avance, pour éviter ces effets rétroactifs, et toutes ces difficultés à l’heure actuelle. B&F: Que pensez-vous de la proposition émanant de certains milieux bancaires selon laquelle il faudrait désormais que les clients étrangers attestent qu’ils sont en règle avec leur fisc national? H.T.: Personnellement, je trouve que cela va trop loin. Autant je suis pour un échange d’informations qui soit conforme aux standards OCDE – c’est-à-dire sans aucune restriction, bien au contraire, avec une approche positive de dispositions rédigées dans un esprit qui veut que, en cas de doute, on tranche en faveur de l’échange –, autant je suis contre toute espèce de règle supplémentaire qui viendrait s’ajouter au niveau interne. Le standard international qui est prévu pour dissuader les gens de se mettre dans de telles situations, c’est l’échange. Il faut appliquer ce standard, autrement dit il faut que le banquier soit dans la situation où il peut seulement dire à son client que si les avoirs de ce dernier n’ont pas été déclarés, il sera lui, banquier, obligé à la moindre demande de donner toutes les informations exigées et que des recours n’apporteront probablement rien compte tenu du nouveau droit. A considérer l’évolution actuelle, je vois mal comment il pourrait à la longue en aller autrement, même s’il y a encore des tentatives qui sont faites par le chef du Département des finances pour proclamer que la Suisse appliquera un standard interprété restrictivement. Personnellement je trouve cela déplorable, parce que ça montre que l’on n’a rien appris de la présente crise et que l’on est prêt à recommencer à ferrailler à partir d’une autre tranchée, que l’on abandonnera ensuite quand la pression sera assez forte, avec bien entendu un effet rétroactif qu’on mettra sur le compte des pres-

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HENRI TORRIONE sions exercées sur la Suisse. Comme Pascal Saint-Amans, le secrétaire du Forum mondial sur la transparence, l’a indiqué, le standard de l’OCDE est interprété par la communauté internationale en faveur de l’échange, et les informations constituées par le nom du contribuable et celui de la banque ne doivent pas être obligatoirement fournies à l’Etat requis lorsque c’est impossible. La Suisse devrait être la première à savoir qu’il en est bien ainsi, elle qui est le seul pays à avoir une jurisprudence claire dans ce sens. L’arrêt du Tribunal administratif fédéral du 5 mars 2009 explique en effet pourquoi ce n’est pas un problème que les Etats-Unis n’aient pas indiqué le nom des contribuables visés par l’entraide, mais les aient identifiés seulement génériquement, en expliquant le schéma de fraude qui avait été utilisé par le client de Birkenfeld pour protéger ses 100 millions de dollars de la curiosité du fisc américain, et en demandant des informations sur tous les clients de l’UBS utilisant des schémas semblables. Il est évident que les avenants aux conventions existantes, qui sont en train d’être adoptés par le Parlement, étendent l’échange par rapport à la situation existante, notamment aux cas de simples soustractions, et ne peuvent d’aucune façon le restreindre, en particulier pas dans les cas de fraudes du genre de celle qui était décrite dans la demande américaine traitée par le Tribunal administratif fédéral.

simplement que le renseignement demandé soit «vraisemblablement pertinent» pour la bonne application du droit de l’Etat requérant. Cela n’a donc pas besoin d’être un gros soupçon, mais cela ne peut pas être des listes de noms extraites du bottin du téléphone ou toute autre approche mécanique. B&F: Selon vous, ce standard actuel de l’échange sur demande va-t-il s’imposer comme une norme durable? Ne craignez-vous pas qu’à l’OCDE ou, que sais-je, au G7, une tendance se manifeste à aller encore plus loin en direction de l’échange automatique? H.T.: Je ne crois pas. Mais la grande question est celle de savoir si la Suisse a besoin de l’Union européenne pour conclure de nouveaux accords, en matière, par exemple, de services financiers, de libre accès au territoire de l’UE pour ceux-ci. Car, en échange, on lui fera remarquer que la règle au sein de l’UE est celle de l’échange automatique et qu’il faut l’accepter. Il y a là, clairement, une question politique, et je ne sais s’il est ou non important pour les banques d’avoir ce libre

accès. On observe en tout cas une évolution au sein de l’Union européenne, en matière, notamment, de véhicules d’investissement collectifs et dans différents autres domaines. Certains, ici, pensent qu’il faut négocier pendant qu’il est temps. Mais, personnellement, je donnerais encore une chance à l’échange sur demande. Il faut, en tout cas, essayer de voir comment cela fonctionne. On ne peut pas exclure qu’après une période initiale un peu mouvementée, il n’y ait plus beaucoup de cas et que les choses s’endorment gentiment. Mais la condition sine qua non pour cela, c’est que l’on accepte sans réserve le standard international et que l’on cesse avec ces provocations tellement contre-productives, dont Monsieur Merz s’est fait une spécialité. Il faut envisager l’avenir positivement, ne pas y entrer à reculons et cesser avec ces appels à la peur adressés au peuple suisse, à qui on explique que pour les banques il n’y a pas de problème parce qu’elles pourront se développer à l’étranger, mais qu’en Suisse, il y aura des pertes d’emploi dans la place financière. ■ M.Si

B&F: S’achemine-t-on irrémédiablement vers l’échange automatique d’informations? H.T.: C’est l’Union européenne qui le prône. L’OCDE, quant à elle, ne s’est pas prononcée pour l’échange automatique en tant que variante exclusive, du moins jusqu’à maintenant. Le standard international demeure vraiment celui de l’échange sur demande. B&F: Il faut qu’il y ait soupçon pour cela. Car l’échange automatique signifie, au contraire, que l’information soit communiquée dès l’instant où vous avez déposé de l’argent dans une banque… H.T.: L’information concernant tout le monde est alors communiquée. Tandis que, dans l’autre cas, il faut une demande, et une demande qui soit justifiée. B&F: Justifiée par le soupçon? H.T.: Oui, il faut qu’il y ait un certain soupçon. Cependant, le standard est très large en faveur de l’Etat requérant et exige

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INTERVIEW JEAN-PAUL BETBÉZE – CRÉDIT AGRICOLE SA

«Les Etats européens ont surtout besoin d’une croissance forte!» Plutôt optimiste, Jean-Paul Betbéze1 considère que les efforts financiers consentis par l’Eurogroupe pour aider la Grèce à sortir de ses difficultés porteront leurs fruits. Néanmoins, une extrême vigilance s’impose dans l’attente d’un retour à la croissance dans la zone. En mai dernier, l’économiste s’est exprimé, à Genève, sur la crise mondiale devant les membres de la Chambre France-Suisse pour le commerce et l’industrie (CFSCI). Interview. tenu des importants moyens mis à sa disposition, la Grèce est condamnée à repartir sur de nouvelles bases et à réussir, même si les efforts et sacrifices demandés à sa population sont intenses et pénibles. L’heure de vérité a sonné pour ce pays. Si d’aventure, il ne respecte pas les mesures décidées et ne tient pas ses engagements de remboursement, la situation de l’Europe deviendra intenable et ses membres craindront en plus de voir le Portugal, l’Espagne, l’Irlande ou l’Italie suivre le même chemin que la Grèce.

Propos recueillis par Didier PLANCHE

Banque & Finance: Comment l’Etat grec s’est-il retrouvé dans une situation financière si préjudiciable et que pensez-vous du plan de rigueur exigé par les seize membres de l’Eurogroupe et le FMI, en contrepartie d’un programme de prêts total de 110 milliards d’euros? JEAN-PAUL BETBÉZE: Depuis des années, la Grèce connaissait des difficultés budgétaires préoccupantes. Elle vivait nettement au-dessus de ses moyens en empruntant audelà de ses capacités, mais sa croissance, même modeste, lui permettait de poursuivre sur cette voie. Puis la crise mondiale d’automne 2008 a rattrapé les économies européennes, en particulier les plus fragiles d’entre elles. Comme la Grèce appartenait à cette catégorie, sa situation s’est, dès lors, gravement détériorée. En ce qui concerne son plan d’austérité, il correspond à la nécessité de rétablir son équilibre budgétaire en ramenant son déficit public sous le seuil des 3% du PIB en 2014. L’Eurogroupe ne pouvait pas refuser d’aider la Grèce, même s’il s’est révélé que ses comptes étaient truqués, au risque de provoquer une grave crise bancaire, industrielle et de l’emploi qui, d’une manière ou d’une autre, se serait répercutée dangereusement sur les autres économies européennes. Compte

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«Les agences de notation soufflent le chaud lorsqu’il fait chaud et le froid quand il fait froid» JEAN-PAUL BETBÉZE – CRÉDIT AGRICOLE

B&F: Comment avez-vous réagi aux opérations spéculatives suivies de prises de bénéfices sur la dette grecque? J.-P.B.: Ces opérations sont malheureusement inévitables, car les marchés financiers cherchent toujours à tirer profit de situations périlleuses pour gagner de l’argent. Dans le cas précis, des investisseurs paniqués ont vendu leurs positions, alors que d’autres ont profité de cette aubaine pour les acheter à bas prix, tout en maintenant volontairement un climat de peur. Certains d’entre eux ont donc réalisé des gains importants, mais d’autres ont enregistré des pertes non négligeables. Ce ne sont tou-

1 Jean-Paul Betbéze est chef économiste et directeur des études économiques de Crédit Agricole SA, membre de son Comité exécutif, membres du Cercle des économistes, du Conseil d’analyse économique et de l’International Conference of Commercial Bank Economists.

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JEAN-PAUL BETBÉZE tefois pas les spéculateurs qui ont engendré la situation! B&F: Quelles sont les conséquences de la situation de la Grèce sur la zone euro? J.-P.B.: Elles sont encore peu perceptibles, car l’Europe va mieux. Mais insuffisamment du fait d’une croissance économique globale qui reste faible et se situe en deçà de celle des Etats-Unis et des autres grands pays industrialisés. Au sein de l’Europe, l’Allemagne se développe toutefois plutôt bien après avoir beaucoup souffert, car elle bénéfice d’une phase de reprise, en particulier de ses investissements et de ses exportations vers l’Asie. En outre, la zone euro ayant décidé de soutenir financièrement la Grèce, les tensions avec les autres pays membres fragilisés se sont atténuées. Il n’empêche que tout doit être mis en œuvre pour renforcer la croissance européenne de l’ordre de 1,2 à 1,3%, sinon la zone euro connaîtra de sérieuses difficultés en matière de compétitivité, d’emplois et, bien sûr, de déficits budgétaires. Renforcer la croissance implique de mener des politiques de soutien efficaces en faveur de l’innovation, de la création d’entreprises, ainsi que de leur fusion ou regroupement, et de certains secteurs d’activité porteurs. La crise mondiale a mis en exergue la nécessité de développer des leaderships sectoriels et des pôles de compétitivité face à la Chine et à l’Inde, mais également au Canada et à l’Australie, très liés à la zone Asie, qui ont déjà une bonne longueur d’avance en matière d’activité. Il ne faut pas oublier que la Chine veut poursuivre son avancée sans être forcément moins chère, mais de meilleure qualité. B&F: Certains pays pourraient-ils sortir de l’euro pour recouvrer leur monnaie originale? J.-P.B.: Cette éventualité paraît impossible en théorie juridique. En revanche, tout et son contraire peuvent être envisageables en politique! Mais, sérieusement, je ne crois pas à ce cas de figure, eu égard à tout ce qui a été entrepris pour créer une Union européenne forte face aux grandes nations industrialisées comme les Etats-Unis, la Russie et le Brésil, avec une monnaie unique de référence qui compte parmi les devises prépondérantes. Toute sortie de l’euro fragiliserait l’Europe de manière irrémédiable.

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«Les marchés sont toujours excessifs, mais ils n’expriment jamais n’importe quoi» JEAN-PAUL BETBÉZE – CRÉDIT AGRICOLE

Des efforts encourageants B&F: Après la Grèce, le Portugal et l’Espagne, voire l’Italie et l’Irlande, dont les déficits publics sont très élevés, sont-ils eux aussi engagés dans un processus irréversible d’insolvabilité ou ont-ils déjà mis en place des programmes stricts de consolidation budgétaire? J.-P.B.: Tous ces pays ont commencé à appliquer de sérieuses mesures d’économie, car le cas de la Grèce paraît avoir fait école. En plus, il y avait urgence à les décider. Ils doivent restructurer et assainir leur budget en réalisant des économies pour réduire le déficit et la dette publics, et simultanément soutenir leur croissance. La tâche est immense mais réalisable. A titre d’exemple, l’Espagne parvient à résister aux chocs de sa crise immobilière aiguë et de son tissu industriel en perte de vitesse, comme le montrent ses meilleurs indicateurs avancés au 1er trimestre dernier, grâce à la solidité de ses grandes banques. Les efforts consentis pour stopper son hémorragie redonnent ainsi confiance aux marchés et aux autres membres de la zone

euro, même si le rythme de progression de son activité demeure très modeste et si les restructurations industrielles et bancaires ne sont pas terminées. B&F: Quelle importance attribuez-vous aux ratings des agences de notation, désormais sur la sellette, et à l’impact de leur downgrading sur les dettes souveraines? J.-P.B.: Dit poliment, les agences de notation sont procycliques, en ce sens qu’elles attribuent des ratings positifs lorsque l’évolution économique et financière des pays s’avère favorable, et l’inverse en cas de dégradation de leur situation. Elles soufflent donc le chaud lorsqu’il fait chaud et le froid quand il fait froid! Parallèlement, il leur est également reproché de revoir leurs ratings à la baisse beaucoup trop tardivement, n’ayant aucune vision à long ou moyen terme sur l’évolution des économies. En fait, les notations devraient être attribuées par les sociétés de gestion d’actifs qui achètent les dettes souveraines et privées, ainsi que les actions. Les conflits d’intérêt seraient ainsi évités.

B&F

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INTERVIEW B&F: Etes-vous favorable à la création d’un fonds monétaire européen qui adopterait des mesures préventives en matière budgétaire et résoudrait plus efficacement les tensions sur les taux et la marge de manœuvre des Etats en situation difficile, cherchant à se désendetter? J.-P.B.: Mieux vaut effectivement prévenir que guérir. Tous les pays ont fait des efforts en souscrivant des obligations de la dette grecque, y compris la Banque centrale européenne qui s’y refusait précédemment pour éviter toute prise de risque spécifique. Elle a ainsi effectué un virage à 180 degrés, s’engageant même à intervenir sur les marchés obligataires pour, entre autres, acheter des titres de dette souveraine des pays en difficulté, afin de leur apporter de la liquidité et

JEAN-PAUL BETBÉZE du financement. La création d’un fonds monétaire européen à vocation préventive me semble être une bonne idée, même si elle s’identifie quelque peu à un emplâtre sur une jambe de bois car, comme je l’ai mentionné précédemment, les Etats européens ont surtout besoin de retrouver une croissance forte. En fait, les marchés sont toujours excessifs, mais ils n’expriment jamais n’importe quoi. Il faut plus de croissance en Grèce et en Europe, et plus de cohésion en Europe pour obtenir cette croissance.

J.-P.B.: Oui, en théorie, mais des mesures ont été prises rapidement pour éviter cette escalade. Néanmoins, les conséquences de la crise mondiale ne se sont pas estompées et la sortie sera longue et pénible. Les économies européennes doivent donc être observées à la loupe pour intervenir le plus vite possible et ensemble, en cas d’émergence de difficultés réelles. ■ D.P.

B&F: Un effet domino sur les dettes souveraines d’autres membres de l’Eurogroupe serait-il susceptible de provoquer une nouvelle crise mondiale?

L’ART

DANS

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Jean-Michel Basquiat, Untitled (Boxer), 1982, acrylique et pastel gras sur toile de lin, 193 x 239 cm. Collection privée © 2010, ProLitteris, Zurich

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B&F

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FONDS DE PLACEMENT REPÈRES DU MARCHÉ DE LA GESTION COLLECTIVE Palmarès sur un an des catégories de fonds avec au moins 5 fonds Moyennes des catégories MORNINGSTAR

Perf. en % sur 1 an

Perf. en % annualisée sur 3 ans

Volatilité annualisée sur 3 ans

Perf. en % annualisée sur 5 ans

MEILLEURES PERFORMANCES DES CATÉGORIES MORNINGSTAR - FONDS ACTIONS & MIXTES

Actions Turquie Actions Asie-Pacifique Autre Actions Russie Actions Israel Petites Cap. Actions Amérique Latine Actions Pologne Actions Etats-Unis Petites Cap. Actions Afrique du Sud et Namibia Actions ASEAN Actions Suède Petites et Moyennes Cap.

62.95 49.20 46.85 41.91 40.83 40.64 39.92 39.78 39.54 39.42

-4.97 -0.59 -11.18 -9.80 -2.56 -22.90 -10.08 -5.03 -5.10 -11.71

48.63 29.55 42.69 35.20 34.05 31.47 25.69 30.06 27.42 30.39

10.67 12.30 12.43 4.62 17.92 4.15 0.55 10.86 11.70 6.80

MOINS BONNES PERFORMANCES DES CATÉGORIES MORNINGSTAR - FONDS ACTIONS & MIXTES Mixtes Euro Prudent Actions Italie Actions Espagne Actions Portugal Actions Grèce

1.30 -3.65 -4.44 -9.20 -29.64

-5.25 -23.74 -17.67 -22.65 -32.11

9.21 25.20 24.82 27.20 31.89

0.12 -7.13 0.00 -2.11 -9.94

MEILLEURES PERFORMANCES DES CATÉGORIES MORNINGSTAR - FONDS OBLIGATAIRES Obligations à Haut Rendement Dollar Obligations à Haut Rendement Livre Sterling Obligations Privées Dollar Obligations à Haut Rendement Euro Obligations Marchés Emergents Obligations Globales Islamiques Obligations Asie Obligations Privées Livre Sterling Obligations Diversifiées Dollar Obligations Globales Dollar

31.77 26.52 23.15 22.91 22.18 21.35 20.34 18.87 18.69 18.44

-0.87 -7.83 2.08 -3.44 0.56 1.88 1.86 -7.97 2.68 2.67

17.25 21.28 11.41 19.10 14.82 11.55 11.43 16.18 11.33 9.93

2.91 -0.79 2.02 2.07 4.09 4.81 2.86 -2.67 2.43 2.43

MOINS BONNES PERFORMANCES DES CATÉGORIES MORNINGSTAR - FONDS OBLIGATAIRES Obligations Euro Diversifiées Obligations Euro Indexées Obligations d´Etat Euro Obligations à CT DKK Obligations à CT Euro

2.24 1.75 0.27 -0.14 -2.93

-0.96 -0.25 0.50 -0.28 -2.44

7.44 8.65 7.10 6.93 6.67

0.96 0.89 1.47 1.96 0.50

FUND PROFILE: ANALYSE DE FONDS: BLACKROCK NEW ENERGY – LU0171289902 Un secteur bourgeonnant où l’expertise et l’expérience font la différence Les «green tech» seront-elles aux marchés boursiers ce que les technologies et la nouvelle économie ont été pour les investisseurs à la fin des années 90? La question se pose alors qu’on assiste à une multiplication des initiatives dans ce domaine et qu’il n’est pas toujours aisé de distinguer le bon grain de l’ivraie. D’où l’importance, lorsque l’on souhaite investir sur le thème des énergies alternatives, d’identifier un fonds qui, au-delà d’éventuelles bonnes performances de court terme, dispose d’une vraie légitimité. Cela nous semble être le cas avec le fonds BlackRock qui est géré par un duo, Robin Batchelor et Poppy Allanby, qui travaille ensemble depuis une dizaine d’années. Ils font partie de l’équipe «ressources naturelles» et bénéficient du support de deux analystes. Pragmatiques, les gérants s’intéressent aussi bien aux «anciennes» qu’aux nouvelles énergies, façon pour eux d’être sûrs de ne pas perdre pied et de garder le contact avec les réalités industrielles et commerciales du

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B&F

secteur. La construction du portefeuille comprend une phase «top-down» afin d’identifier les grandes tendances du secteur. Cela est d’autant plus nécessaire dans un domaine fortement dépendant de la réglementation, des incitations fiscales et plus généralement des politiques publiques. C’est en fonction de ces analyses de tendances que l’équipe fixe la pondération de six thèmes allant des énergies renouvelables aux technologies de support, en passant par le stockage ou les unités autonomes de production. A ce niveau, l’allocation n’est pas contrainte et les gérants peuvent librement être absents d’un ou plusieurs de ces thèmes. Au niveau de la sélection de valeurs proprement dite, les gérants recourent à l’analyse des fondamentaux et des ratios financiers classiques. Mais, en outre, ils attachent une importance particulière à la compréhension du business model de l’entreprise. La rencontre des entreprises fait donc partie intégrante du processus de gestion, ce qui nous semble indispensable dans la mesure où la

plupart des entreprises du secteur sont des petites ou moyennes valeurs. Le portefeuille du fonds compte entre 50 et 90 titres. Coté performances, il convient d’être prudent dans l’analyse. En effet, comparée à la moyenne de la catégorie, la performance à cinq ans est séduisante. Néanmoins, si on tient compte des performances du fonds depuis sa création, alors on intègre des périodes de sous-performance comme en 2002. Toutefois, compte tenu du fait que, depuis cette date, l’univers d’investissement a très sensiblement évolué, ces performances de début de décennie ne doivent sans doute pas être trop surestimées. Noté «Supérieur» au niveau qualitatif, ce fonds présente plusieurs points forts qui en font une option sérieuse pour les investisseurs. Ces derniers garderont toutefois à l’esprit que le secteur des nouvelles énergies est volatile et qu’un tel fonds n’a certainement pas vocation à jouer le rôle de cœur de portefeuille, mais qu’au contraire, sa vocation est de servir de support de diversification. Frédéric Lorenzini 10/06/2010

BGF New Energy vs Catégorie Morningstar Time Period: 01/06/2005 to 31/05/2010

240 232.5 225 217.5 210 202.5 195 187.5 180 172.5 165 157.5 150 142.5 135 127.5 120 112.5 105 97.5 90

2005

2006

BGF New Energy A2 EUR

2007

2008

2009

2010

107.13

Europe OE Sector Equity Alternative Energy

123.37

Calcul de la performance en CHF, dividendes réinvestis, arrêté au 31/05/2010 Source © 2010 MORNINGSTAR, Inc. Tous droits réservés.

JUILLET - AOÛT 2010


REPÈRES Les plus grandes catégories de fonds passées au crible du 1er quartile Time Period: 01/06/2005 to 31/05/2010

220

Asia-Pacific ex-Japan Equity

210

151.92

Europe Large-Cap Blend Equity

95.84

Global Large-Cap Blend Equity

98.65

200 190 180

U.S. Large-Cap Blend Equity

170

CHF Aggressive Balanced

106.15

92.01

160

CHF Cautious Balanced

108.55

150 140 130 120 110 100 90 80 70 60

2005

2006

2007

2008

2009

2010

Le graphique ci-contre indique l'évolution des catégories de fonds sur cinq ans. Dans chaque numéro, Banque & Finance vous présente également une sélection de fonds. Découvrez avec nous les rares produits qui réussissent à se hisser dans le premier quartile sur toutes les périodes analysées. Nous publions au maximum les cinq premiers fonds sur un an.

Sur 101 fonds de la catégorie MORNINGSTAR «Actions Suisse Grandes Cap.», 8 fonds restent dans le 1er quartile sur 6 mois, 1 an et 3 ans. Actions Suisse Gdes Cap. Nom du fonds

Promoteur

Code ISIN

SVM Value SL iFunds (CH) Equity CH (CHF) UBS (CH) Mgr Sel Eqs Switzerland XT2 B DWS (CH) - Swiss Equity Plus A UBS (CH) Mgr Sel Eqs Switzerland XT1 B Moyenne

SIF Swiss Investment Funds SA Swiss Life Funds AG UBS State Street Fondsleitung AG UBS

CH0013610248 CH0023989467 CH0015312546 CH0022012717 CH0015312512

Perf. en % sur 6 mois

Perf. en % sur 1 an

11.37 8.47 5.67 4.20 5.05 3.00

26.72 26.45 23.46 22.67 22.16 18.72

Perf. en % annualisée sur 3 ans -7.04 -9.85 -8.57 -6.82 -9.75 -11.34

Volatilité annualisée sur 3 ans 19.16 18.07 16.26 18.60 17.57 17.94

Etoiles MORNINGSTAR ★★★★★ ★★★★ ★★★★★ ★★★★★ ★★★★★

Sur 37 fonds de la catégorie MORNINGSTAR «Actions Suisse Petites & Moyennes Cap.», 3 fonds restent dans le 1er quartile sur 6 mois, 1 an et 3 ans. Actions Suisse Petites & Moy. Cap. Nom du fonds

Promoteur

Valartis Swiss S/M Cap Selection LB(Swiss) Investment AG LO Swiss Cap ex-SMI I D Lombard Odier Darier Hentsch & Cie UBS (CH) IF Small & Mid Cap Eqs CH IB UBS Moyenne

Code ISIN CH0021864977 CH0020299548 CH0011764310

Perf. en % sur 6 mois

Perf. en % sur 1 an

9.35 14.15 9.86 7.39

34.28 31.54 28.42 22.70

Perf. en % annualisée sur 3 ans -5.87 -8.88 -8.08 -10.58

Volatilité annualisée sur 3 ans 25.51 24.47 22.80 23.26

Etoiles MORNINGSTAR ★★★★ ★★★ ★★★★

Sur 128 fonds de la catégorie MORNINGSTAR «Actions Europe Grandes Cap. Mixte», 13 fonds restent dans le 1er quartile sur 6 mois, 1 an et 3 ans. Actions Europe Gdes Cap. Mixte Nom du fonds

Promoteur

Code ISIN

GLG European Equity A Echiquier Major ING (L) Invest Europe Opp I Reyl (LUX) GF European Equities B BL-Equities Europe B Moyenne

GLG Partners LP Financière de l'Echiquier ING Investment Mgmt Luxembourg Reyl & Cie (France) Banque de Luxembourg

IE0004451849 FR0010321828 LU0262019002 LU0160155981 LU0093570330

Perf. en % sur 6 mois

Perf. en % sur 1 an

15.95 7.69 2.30 1.20 0.72 -2.03

26.62 26.19 22.21 21.14 19.49 11.71

Perf. en % annualisée sur 3 ans -15.29 -10.15 -10.29 -14.03 -12.11 -16.77

Volatilité annualisée sur 3 ans 23.91 24.22 29.35 23.16 20.61 23.68

Etoiles MORNINGSTAR ★★★★ ★★★★★ ★★★★★ ★★★★★ ★★★★★

Sur 119 fonds de la catégorie MORNINGSTAR «Actions Etats-Unis Grandes Cap. Mixte», 9 fonds restent dans le 1er quartile sur 6 mois, 1 an et 3 ans. Actions Etats-Unis Gdes Cap. Mixte Promoteur Nom du fonds

Code ISIN

CONNECT Equity USA GREEN I Reyl (LUX) GF North Amer Equities B Harris Associates US L-C Val Fd I/A USD Gutzwiller ONE Fidelity Instl America Moyenne

CH0027988838 LU0160156013 LU0130102931 CH0012453558 GB0003367504

Credit Suisse Asset Management Reyl & Cie (France) Natixis Global Associates Gutzwiller Fonds Management AG Fidelity (FIL Investment Svcs (UK) Ltd)

Perf. en % sur 6 mois

Perf. en % sur 1 an

27.98 23.92 16.44 16.31 18.19 14.16

43.99 40.61 39.01 36.90 33.07 27.89

Perf. en % annualisée sur 3 ans -4.03 -9.76 -7.65 -9.41 -8.84 -11.90

Volatilité annualisée sur 3 ans 25.22 21.72 23.62 24.56 23.72 21.78

Etoiles MORNINGSTAR ★★★★★ ★★★★ ★★★★ ★★★★ ★★★★

Sur 123 fonds de la catégorie MORNINGSTAR «Actions Asie-Pacifique hors Japon», 9 fonds restent dans le 1er quartile sur 6 mois, 1 an et 3 ans. Actions Asie-Pacifique hors Japon Nom du fonds

Promoteur

Code ISIN

Aberdeen Global Asian Smaller Cos D2 Templeton Asian Growth A YDis $ T. Rowe Price Asian ex-Japan Eq I AXA Rosenberg AC AsPac ex Jap A USD Aberdeen Global Asia Pacific Equity A2 Moyenne

Aberdeen AM (Lux) Franklin Templeton Investment Funds T. Rowe Price Global Inv. Services Ltd AXA Rosenberg Management Ireland Ltd Aberdeen AM (Lux)

LU0231459958 LU0029875118 LU0266341725 IE00B03Z0P68 LU0011963245

JUILLET - AOÛT 2010

Perf. en % sur 6 mois

Perf. en % sur 1 an

28.15 17.07 15.85 12.31 16.53 10.50

57.78 47.49 39.78 35.72 35.41 28.39

Perf. en % annualisée sur 3 ans 4.52 0.07 -0.68 -2.36 -1.37 -5.76

Volatilité annualisée sur 3 ans 23.59 34.65 36.71 29.41 26.83 29.24

Etoiles MORNINGSTAR ★★★★★ ★★★★ ★★★ ★★★★ ★★★★★

B&F

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FONDS DE PLACEMENT

Vers l’indiciel intelligent En mars et avril, la FINMA a autorisé une trentaine de nouveaux fonds indiciels, sans compter les nouveaux fonds de fonds qui accordent une large part à la gestion passive. Après la bagarre sur la couverture aussi large que possible de tous les marchés et stratégies au moyen d’ETFs, puis la bataille sur les prix, Invesco ouvre un nouveau front en proposant des indices qui ont l’intelligence de l’économie. Le jeu en vaut-il la chandelle?

Véronique BÜHLMANN

C

réé aux Etats-Unis en 2002 et intégré à Invesco en 2006, Invesco PowerShares offre une gamme de 150 produits représentant 47 milliards de dollars d’actifs sous gestion. Présent en Europe depuis 2007, le groupe y propose actuellement 19 ETFs représentant 1 milliard de dollars d’actifs. Tous ces ETFs sont des fonds de droit irlandais de type UCITS III. Tous utilisent une méthode de réplication physique (détiennent directement les titres de l’indice). Depuis début mai, Invesco a coté sur la Bourse suisse des ETFs qui répliquent les indices RAFI (du nom de la société Reasearch Affiliates qui les a élaborés). Ces indices représentent les entreprises en fonction de leur puissance économique et non, comme la plupart des indices, en fonction de leur capitalisation boursière. Cette pondération des composants d’un indice sur la base de leur valeur économique (chiffre d’affaires, bénéfices, etc.) paraît intuitivement très séduisante. Et sur le long terme, d’un point de vue théorique, de tels indices devraient s’avérer plus performants, ne serait-ce que parce que les marchés ne sont pas parfaitement efficients. C’est ce que tendent à montrer les résultats des indices RAFI sur les cinq dernières années. Partant de l’univers des indices Footsie, les composants des RAFI sont sélectionnés et pondérés selon quatre critères, à savoir: le cash-flow, le chiffre d’affaires, les dividendes (pour ces trois critères, la moyenne des cinq dernières années est retenue) et la valeur comptable telle qu’elle est donnée dans le dernier rapport annuel des entreprises considérées. Le rebalancement de l’indice est annuel. La

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B&F

«Selon les périodes, les résultats des indices RAFI sont nettement plus intéressants que ceux des indices traditionnels et ce, avec une volatilité légèrement inférieure» THIBAUD DE CHERISEY – INVESCO

méthode de construction est donc assez simple et les ETFs sont construits à partir de ces indices totalement transparents puisqu’ils reposent sur la réplication physique. Comme le souligne Thibaud de Cherisey, responsable du développement européen des ETFs Invesco PowerShares, «cette méthode de réplication n’est pas systématiquement plus onéreuse que son équivalent synthétique, car, sur des marchés suffisamment liquides, les coûts de frottement de ce type de réplication sont négligeables.» La différence de commissions pour l’investisseur, de l’ordre de 20 à 25 points de base par rapport aux indices basés sur les capitalisations, tient au fait que ces indices de base sont généralement plus chers.

Selon les périodes, les résultats des indices RAFI sont nettement plus intéressants que ceux des indices traditionnels et ce, avec une volatilité légèrement inférieure. Par exemple, sur les marchés émergents, le FTSE RAFI a dégagé une performance annualisée de 19% contre 10,09% pour le MSCI (backtest du 31.12.99 à 31.12.09). Depuis son lancement effectif en juillet 2007, cet indice a également surperformé, +3,91% en 2008 (année fortement négative) et +2,86% en 2009 (année fortement positive). Si l’on prend le cas du RAFI Switzerland, la comparaison est moins favorable sur le long terme. Depuis le lancement de l’indice en novembre 2005, sa performance a été de 8,2%. Ce résultat est certes nettement meilleur que celui du MSCI (2,8%) ou du SMI (3,7%), mais seulement légèrement supérieur à celui du SPI (7%). Par ailleurs, en 2007 et 2008, il a perdu plus que le SPI ou le SMI. En revanche, il s’est très largement rattrapé en 2009, réalisant une progression de 33,6% contre respectivement 22,1% et 23,2% pour ses deux autres concurrents (22,6% pour le MSCI), soit une avance de près de 11%. Comme l’explique Thibaud de Cherisey, «l’année passée, le RAFI Switzerland a profité de son tilt “substance” engrangé en 2008, de son biais vers des capitalisations légèrement plus petites ainsi que d’un biais sectoriel.» Par construction, les indices RAFI présentent un biais «substance», un facteur qui explique que leurs performances relatives (aux indices basés sur les capitalisations) peuvent présenter une certaine cyclicité et donc être négatives sur certaines périodes, d’où l’intérêt de les intégrer dans une stratégie à long terme. Comme le précise Thibaud de Cherisey, ils peuvent être utilisés dans les poches indicielles des portefeuilles comme instrument de diversification. ■ V.B.

JUILLET - AOÛT 2010


NOUVEAUX FONDS ACTIONS AMÉRICAINES

ACTIONS ASIE

Ignis International North American

Groupama Asie

NOM DES GÉRANTS: Terry Ewing et Alison Porter (également cogérants du American Growth Fund), Ignis Asset Management. La société britannique, dont les actifs sous gestion s’élèvent à 67 milliards de livres sterling, est totalement indépendante. Elle est composée d’équipes d’investissement spécialisées, chacune sur un secteur (Royaume-Uni, Europe, Etats-Unis, Asie Pacifique, actions monde, taux fixes et immobilier commercial) ainsi que de «boutiques» avec lesquelles elle a conclu des accords de joint-venture (Argonaut Capital Partners, Hexam Capital Partners et Cartesian Capital Partners). FORTUNE: EUR 28,7 millions (30.04.2010) POLITIQUE D’INVESTISSEMENT: Portefeuille géré activement de 45 à 85 actions d’Amérique du Nord. Les gérants se concentrent sur les entreprises bénéficiant de perspectives de croissance supérieures à la moyenne et susceptibles de bénéficier, directement ou indirectement, de tendances émergentes. Leur sélection de titres est totalement indépendante des indices et repose sur une approche qu’ils décrivent comme «utilisant aussi bien le périscope que le microscope». INDICE DE RÉFÉRENCE: S&P 500 PERFORMANCE (EUR) DOUZE MOIS AU 30.04.2010: 35,4% vs 37.5% (indice) DATE DE LANCEMENT: 15.11.2007

NOM DU GÉRANT: Groupama Asset Management. Avec 131,7 milliards de francs d’actifs (au 31 décembre 2009), gérés essentiellement pour le compte d’investisseurs institutionnels, le groupe se classe au 8e rang des sociétés de gestion d’actifs françaises. Filiale de Groupama, 1er groupe d’assurance mutuelle français, la société est reconnue pour sa gestion active sur la zone Europe. En 2010, et pour la 4e année consécutive, Eurofonds-FundClass l’a classée 1er gestionnaire français et européen de sa catégorie pour la régularité de ses performances. FORTUNE: EUR 67,5 millions (03.05.2010) POLITIQUE D’INVESTISSEMENT: Fonds actions largement diversifié qui investit sur les grandes capitalisations des principales places d’Asie hors Japon. Un partenariat de recherche avec Nomura AM Singapour permet au gérant de s’appuyer sur des experts locaux et de couvrir un large univers de valeurs. INDICE DE RÉFÉRENCE: MSCI AC Asie Pacifique ex-Japon € PERFORMANCE 1 AN: 66,70% vs 68,78% (indice) (31.03.2010) PERFORMANCE CUMULÉE SUR 5 ANS: 71,08% vs 55,83% (indice) (31.3.2010) DATE DE LANCEMENT: 02.08.2001

Performances sur cinq ans

Neuberger Berman Straus US Equity Fund NOM DU GÉRANT: Straus Group, lequel applique la même stratégie d’investissement dans la gestion de ses portefeuilles actions américaines depuis 1989. L’équipe d’investissement compte six gérants qui totalisent ensemble plus de 229 années d’expérience. FORTUNE: USD 8 millions (30.04.2010) POLITIQUE D’INVESTISSEMENT: Le fonds vise à obtenir des plus-values à travers des actions américaines sélectionnées sur la base d’une analyse fondamentale. INDICE DE RÉFÉRENCE: S&P 500 Index. PERFORMANCE DEPUIS LANCEMENT : –16,90% vs –24,11% (indice) (30.04.2010) DATE DE LANCEMENT: 18.12.2007

Performances depuis le lancement (avril 2010)

JUILLET - AOÛT 2010

Fin avril 2010, Groupama Asset Management a reçu l’agrément de la FINMA pour la commercialisation en Suisse de huit de ses fonds de placement. La gestion de ces fonds s’appuie sur un processus fondé sur la recherche macroéconomique et l’analyse financière et extra-financière. Parmi ces fonds, Avenir Euro, fonds de pur stock picking, est axé sur les petites et moyennes capitalisations de la zone euro. Euro Capital Durable, créé en 2001, est un fonds actions ISF, dont la sélection des valeurs repose sur une approche «Best in Class». Euro Stock se concentre sur les grandes capitalisations (approche fortes convictions) et couvre toute l’Europe occidentale (gestion opportuniste). Croissance est un pur fonds de stock picking dédié aux valeurs françaises. Japon Conviction investit sur un nombre restreint de valeurs et il est géré avec le partenaire local de Groupama Nomura AM Tokyo. Enfin, Monde Gan vise à battre le MSCI World à travers une approche top down et bottom up.

B&F

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FONDS DE PLACEMENT VITRUVIUS – Asian Equity Portfolio

ING (L) Invest – Middle East & North Africa

NOM DU GÉRANT: Belgrave Capital Management Ltd. (Groupe Banca del Ceresio), Indus Capital Partners LLC FORTUNE: USD 30,8 millions (31.03.2010) POLITIQUE D’INVESTISSEMENT: Le fonds vise une croissance du capital à long terme à travers des investissements en actions asiatiques (Corée du Sud, Taïwan, Singapour, Indonésie, Inde, Malaisie, Hongkong, Chine, Thaïlande et Philippines). La classe Euro du fonds est systématiquement couverte contre le risque de change. INDICE DE RÉFÉRENCE: MSCI Asia Pacific PERFORMANCE DEPUIS LANCEMENT: 5,3% DATE DE LANCEMENT: 29.01.2010

NOM DES GÉRANTS: Fadi Al Said et Yazan Abdeen, ING IM Middle East. L’équipe de gestion compte six personnes localisées à Dubai. En janvier 2010, le fonds a été noté AA par S&P Fund Services, une notation qui, selon l’analyste, repose «sur la performance impressionnante et régulière du fonds qui reflète la qualité de l’équipe d’investissement, laquelle possède un historique de surperformance sur cette région». FORTUNE: EUR 30,91 millions (30.01.2010) POLITIQUE D’INVESTISSEMENT: Portefeuille diversifié d’actions de sociétés établies, cotées ou négociées en Afrique du Nord et au MoyenOrient (hors Israël) ou présentant une exposition à l’Afrique du Nord et au Moyen-Orient. Le gérant se concentre actuellement sur les marchés les plus liquides (Qatar, Egypte, Arabie Saoudite, Oman, Koweït, Maroc, Afrique du Sud et Emirats arabes unis) mais prévoit d’ajouter à long terme des marchés encore peu développés tels que le Royaume de Bahreïn, la Jordanie ou le Sénégal. Au total, l’univers investissable compte 1260 titres, mais 292 seulement font l’objet d’une recherche par des analystes tiers, d’où l’intérêt d’une approche basée sur la sélection des valeurs. INDICE DE RÉFÉRENCE: n.c. PERFORMANCE ANNUELLE 2009: 27,13% COMMISSION DE GESTION ANNUELLE: 1,5% maximum DATE DE LANCEMENT: 13.11.2008

ACTIONS AFRIQUE CORONATION AFRICA FUND NOMS DES GÉRANTS: Coronation Fund Managers, Peter Leger et Peter Townshend. Le premier a rejoint Coronation en avril 2005 en tant que gérant d’un fonds domestique agressif et d’un fonds équilibré global. Il possède dix ans d’expérience en tant que gérant et analyste. Le second est entré à Coronation en 2008 après avoir travaillé en tant qu’analyste auprès d’un hedge fund. Géologue de formation, il a passé six ans comme analyste chez Barnard Jacobs Mellet et s’est vu décerner le titre de meilleur analyste sur l’or. FORTUNE: n.c. POLITIQUE D’INVESTISSEMENT: Portefeuille d’actions africaines (20 à 45 titres) géré activement et diversifié géographiquement, qui vise une progression du capital à long terme (en USD). Le style d’investissement est de type substance avec un horizon long terme, les gérants mettant l’accent sur la limitation du risque de baisse pour chaque titre entrant dans le portefeuille. Etant donné la rareté de l’information au sein de nombreux pays africains, les analystes consacrent une partie importante de leur temps à la recherche sur le terrain dans les différents pays. La répartition des actifs est totalement indépendante des indices. L’allocation régionale stratégique est la suivante: 50% Afrique du Sud (entreprises susceptibles de se développer sur tout le continent), 25% Afrique du Nord et 25% ensemble de l’Afrique. INDICE DE RÉFÉRENCE: US$ Libor +2.5% PERFORMANCE SUR 1 AN: 58,1% vs 2,9% (indice) (30.04.2010) PERFORMANCE DEPUIS LANCEMENT: 17,1% vs 3,6% (30.04.2010) DATE DE LANCEMENT: 01.08.2008

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B&F

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ACTIONS MARCHÉS ÉMERGENTS PowerShares FTSE RAFI Emerging Markets Funds NOM DU GÉRANT: Invesco PowerShares POLITIQUE D’INVESTISSEMENT: Réplication physique de l’indice composé de 350 entreprises de l’univers FTSE Emerging All Cap Index, entreprises sélectionnées sur des critères fondamentaux. Monnaie de référence: USD. Sur le plan géographique, la plus forte déviation par rapport au MSCI concerne la Chine, qui représente 33,15% du FTSE RAFI contre 17,29% du MSCI. En moyenne, les titres du RAFI sont meilleur marché (cours/valeur comptable 1,66 vs 2,26 pour le MSCI) et leur capitalisation inférieure (26 milliards vs 34 milliards). INDICE DE RÉFÉRENCE: FTSE RAFI TOTAL EXPENSE RATIO: 0,85% PERFORMANCE DE L’INDICE DEPUIS SON LANCEMENT (JUILLET 2007): 2,09%, ce qui le place en 8e position par rapport à 164 fonds investis sur les marchés émergents. PERFORMANCE DE L’INDICE EN 2009: 81,88% (35e sur 215 fonds) DATE DE LANCEMENT: 01.02.2010, coté à Swiss depuis le 03.05.2010

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NOUVEAUX FONDS Sarasin Sustainable Equity — Global Emerging Markets NOM DU GÉRANT: Sarasin & Partners LLP, Londres FORTUNE: USD 23,85 millions (05.2010) POLITIQUE D’INVESTISSEMENT: Au minimum 75% des actifs sont investis dans les actions de sociétés domiciliées dans des pays émergents qui tiennent compte des aspects écologiques et sociaux de la durabilité dans le cadre de leur activité. Par marchés émergents, il faut entendre les pays émergents d’Asie, d’Amérique latine, d’Europe de l’Est et d’Afrique. La politique d’investissement est basée sur un processus systématique reposant sur un concept d’investissement quantitatif. INDICE DE RÉFÉRENCE: MSCI Emerging Markets FRAIS DE GESTION: 1,75% p.a. + commission de performance DATE DE LANCEMENT: 12.03.2010

Sarasin Equity – Swiss Dynamic NOM DU GÉRANT: Marco D’Orazio, Banque Sarasin & Cie SA, Bâle FORTUNE: CHF 39 millions (31.03.2010) POLITIQUE D’INVESTISSEMENT: Le fonds vise la croissance du capital à long terme en investissant en actions suisses. La gestion est systématique, basée sur un modèle quantitatif. Le fonds peut détenir jusqu’à 20% d’obligations en francs suisses (il appartient à la catégorie «autres fonds en placements traditionnels»). Selon la fiche mensuelle de mai 2010, la première position du fonds (12,49% des actifs) revient à Saraselect, fonds de Sarasin axé sur les petites et moyennes capitalisations suisses. Par secteur, la plus importante pondération est celle des financières, à 29% des actifs. INDICE DE RÉFÉRENCE: SPI FRAIS DE GESTION: 1,5% (classe P CH) DATE DE LANCEMENT: 31.03.2010

Répartition géographique mai 2010

FONDS DIVERSIFIÉS Clariden Leu (D) Optima Konservativ

ACTIONS SUISSE PowerShares FTSE RAFI Switzerland Fund NOM DU GÉRANT: Invesco PowerShares POLITIQUE D’INVESTISSEMENT : Réplication physique de l’indice composé des 31 titres d’entreprises suisses appartenant au FTSE RAFI Developed ex-US 1000 Index. Par rapport au SMI, les écarts les plus importants concernent Nestlé, Novartis et Roche Holding, à respectivement 16,3%, 13,4% et 11,7% dans le RAFI (vs 23%, 17,3% et 14,7% dans le SMI). Certains titres du SMI sont absents du RAFI et inversement. C’est le cas de Lonza Group AG et Actelion Ltd, absents du RAFI, et de Clariant AG présent dans le RAFI. Par secteur, les financières sont actuellement surpondérées dans RAFI (39,67% vs 23% dans le MSCI) et la santé sous-pondérée (25% vs 31,64% dans le MSCI). La capitalisation moyenne des titres du RAFI est de 68 milliards de dollars (vs 104 pour le SMI). INDICE DE RÉFÉRENCE: FTSE RAFI Switzerland Index PERFORMANCE DE L’INDICE DEPUIS LANCEMENT LE 28.11.2005: 8,2% vs 3,7% (SMI) vs 7% (SPI) vs 2,8% (MSCI) (au 31.03.2010) TOTAL EXPENSE RATIO: 0,55% DATE DE LANCEMENT: 01.02.2010, coté à Swiss depuis le 03.05.2010

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NOM DU GÉRANT: Clariden Leu, Zurich FORTUNE: EUR 32,9 millions (30.04.2010) POLITIQUE D’INVESTISSEMENT: Fonds global diversifié dans toutes les classes d’actifs, y compris les investissements alternatifs, l’immobilier et les matières premières, il vise une progression «durable» et des revenus réguliers. A l’heure actuelle, le fonds est largement investi en titres à taux fixes (64,7%), la dette d’entreprise étant surpondérée par rapport à la dette gouvernementale. Le fonds s’est également positionné sur les emprunts émergents. Un cinquième des actifs est placé en actions du monde entier à travers des véhicules de type indiciels. Le fonds est également exposé aux matières premières. Au total, à fin avril, le fonds est réparti sur 29 positions (actuellement 7,4% pour les investissements alternatifs). INDICE DE RÉFÉRENCE: 70% Citigroup EuroBIG TR/10% Citigroup EUR 3 Months Eurodeposit/12% MSCI Europe NR LC/4% MSCI North America NR USD/2% MSCI Japan NR/2% MSCI EM (Emerging Markets) NR USD PERFORMANCE DEPUIS LANCEMENT: n.c. TER (28.02.2010): 1,69% p.a. DATE DE LANCEMENT: 18.12.2009

Principales positions au 30.04.2010 en %

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FONDS DE PLACEMENT FairWorldFonds NOM DU GÉRANT: Union Investment Luxembourg SA FORTUNE: EUR 39 millions (30.04.2010) POLITIQUE D’INVESTISSEMENT: Fonds global investi essentiellement en obligations et jusqu’à un plafond de 10% en actions de fonds axés sur la microfinance. La sélection des titres se fonde sur des critères éthiques et durables tels que définis par «Brot für die Welt» (Du pain pour le monde) en collaboration avec le SüdWind Institut für Oekonomie und Oekumene (critères d’exclusion tels que nonrespect des droits de l’homme ou activité dans l’armement, semences génétiquement modifiées, non-respect des droits des travailleurs selon les normes OIT, etc.) INDICE DE RÉFÉRENCE: n.c. PERFORMANCE DEPUIS LANCEMENT: 1,6% (30.04.2010) DATE DE LANCEMENT: 11.03.2010

Swiss Life Fund of Funds (CH) – Dynamic Indexing 35 (CHF) NOM DU GÉRANT: Swiss Life Asset Management AG, Zurich POLITIQUE D’INVESTISSEMENT: L’objectif est de dégager un rendement stable en francs suisses à travers un portefeuille diversifié. Le fonds investit essentiellement en obligations et, au maximum, 45% en actions (en moyenne 35%). Il existe également une classe 50, dans laquelle la part actions maximale s’élève à 60%. Au mininum, 51% des actifs seront investis en fonds (en particulier en ETFs). La sélection des fonds se fera selon des critères quantitatifs et qualitatifs. INDICE DE RÉFÉRENCE: n.d. DATE DE LANCEMENT: 30.04.2010

OBLIGATIONS AXA IM FIIS US Short Duration High Yield F ING Alternative Beta Fund NOMS DES GÉRANTS: Frank van Etten, responsable des investissements en produits structurés, Bas Peeters, managing director, produits structurés, et Willem van Dommelen, investment manager senior, produits structurés. FORTUNE: EUR 42 millions (mars 2010) (Il existe également une tranche USD.) POLITIQUE D’INVESTISSEMENT: Le fonds vise à offrir des rendements/risques similaires à ceux de l’indice de hedge funds HFRI Fund Weighted Composite, qui se compose de plus de 2000 hedge funds. Il investit exclusivement dans des instruments de marché liquides tels que les ETFs ou les produits dérivés suivant l’évolution des indices d’actions, de matières premières, de devises ou de volatilité (au total sept indices de marchés liquides). Via ces investissements et sur la base d’un modèle développé en interne, le gérant cherche à répliquer le béta des rendements des fonds composant l’univers HFRI. Le fonds peut prendre des expositions short et utiliser la marge totale de risque de façon flexible. Ses rendements afficheront une certaine erreur de suivi par rapport aux performances HFRI. A long terme, les indices de hedge funds pourraient surperformer si un alpha positif unique est généré. Le HFRI a été choisi comme référence pour la stratégie de réplication du fonds parce qu’il présente d’excellentes caractéristiques de risque/rendement. Etant donné que cet indice est non investissable, le gérant utilise une alternative investissable, le HFRX, comme indice de référence pour les performances. INDICE DE RÉFÉRENCE: HFRX PERFORMANCE SUR 1 AN AU 30.04.10: 9,98% et 13,17% (indice) COMMISSION DE GESTION ANNUELLE: 1% DATE DE LANCEMENT: 09.06.2008

NOM DU GÉRANT: Axa Investment Managers FORTUNE: USD 4984 millions (30.04.2010) POLITIQUE D’INVESTISSEMENT: Le fonds vise à dégager des plus-values élevées en investissant dans le segment des titres à haut rendement qui offrent la meilleure qualité et, notamment, ceux émis par des entreprises dont les fondamentaux s’améliorent. Le gérant sélectionne des emprunts proches de leur échéance (trois ans ou moins ou susceptibles d’être remboursés avant leur échéance), il pratique une gestion active et se soumet à une stricte discipline de vente afin de limiter l’impact du risque débiteur. Le fonds est très diversifié (261 lignes – 5,36% pour les cinq plus grosses positions) et, comme l’écrivait le gérant, ceci «est un élément important de cette stratégie, notamment parce qu’elle améliore la gestion du risque». En ce qui concerne les échéances, à fin avril, 43% du portefeuille étaient investis dans des titres d’échéance inférieure ou égale à trois ans, ce qui «témoigne des conditions de refinancement favorables qui incitent les entreprises à s’attaquer de manière anticipée à leur dette dont l’échéance est supérieure à trois ans». Fin avril, la duration du fonds était de 1,6 an et les notations B et BB représentaient plus de 75% de ses actifs. INDICE DE RÉFÉRENCE: Merrill Lynch Master II High Yield PERFORMANCE SUR 1 AN: 18,06% (annualisée sur cinq ans: 5,75%) VOLATILITÉ ANNUALISÉE (3 ANS): 6,97% DATE DE LANCEMENT: 01.04.2004

Performances sur un an

Les fonds de placement sur www.banque-finance.ch avec Morningstar

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FONDS DE PLACEMENT TRILLIUM

Vive l’helvético-suisse Trillium, un gérant indépendant, passe à l’offensive et utilise les possibilités de la LPCC pour offrir à sa clientèle une gestion efficace, transparente et suffisamment flexible pour capter les opportunités de marché sur toutes les grandes classes d’actifs.

F

ort de l’obtention, fin mars 2010, de l’agrément de gestionnaire LPCC, agrément octroyé par la FINMA, Trillium lance, début juin, le Global Opportunity, premier compartiment du fonds ombrelle Manavest. Jusqu’ici, l’essentiel des mandats de Trillium étaient de type discrétionnaire, la société proposant trois profils de risques. Ce passage à une gestion à travers un fonds de placement répond à un souci d’efficience. «Pour mettre en place certaines stratégies, il est beaucoup plus efficace de le faire via un véhicule collectif, ne serait-ce que du fait des coûts de transaction qui peuvent très vite s’avérer disuasifs», explique Marc Amyot, fondateur de la société, qui poursuit: «Avec Manavest, nous voulions créer un nouveau label, un produit helvetico-suisse.» Le gérant estime, en effet, qu’au vu des incertitudes caractérisant le contexte réglementaire actuel, il est intéressant «de promouvoir les structures de notre pays». A la question de savoir si la LPCC ne restreint pas trop sa marge de manœuvre, le gérant répond: «Elle nous laisse une grande liberté quant aux choix des actifs dans lesquels nous pouvons investir et convient parfaitement à la politique de gestion que nous entendons appliquer.» En effet, le fonds appartient à la catégorie des «autres fonds en investissement traditionnels», ce qui lui permet d’investir dans les métaux précieux,

les produits structurés et les fonds de fonds. Mais chacun de ses actifs étant plafonné à 20% du total des avoirs du fonds, cela contraint le gérant à une certaine diversification.

Du solide… Quoi qu’il en soit, l’objectif du fonds est plutôt conservateur: il vise, avant tout, la préservation du capital, c’est-à-dire battre l’inflation, et un rendement annuel de l’ordre de 5-10%. «Cela ne signifie pas qu’il n’y aura pas d’années négatives, mais les baisses devraient être bien inférieures à celles des marchés», précise Marc Amyot. Dans le domaine du risque, c’est Isaac Djemal qui veille, chargé de s’assurer que le portefeuille reste à l’intérieur de paramètres prédéfinis. Et bien que le règlement du fonds l’autorise à un engagement qui peut aller jusqu’à 225% de sa fortune nette, il ne sera pas fait usage du levier. Marc Amyot précise: «Tout au plus pourrions-nous avoir une brève période d’endettement: imaginez que nous voulions investir à l’instant T et que nos dépôts fiduciaires arrivent à échéance en T + dix jours, dans ce cas, nous pourrions, sur ces dix jours, recourir à un levier transitoire.»

… et du transparent Durant la phase de démarrage, et pour tenir compte de l’environnement actuel, les actifs

La société en bref Trillium SA a été fondée en 2002 par deux gérants issus de Republic National Bank of New York, Marc Amyot et Isaac Djemal. Rappelons que RNB, détenue par Edmond Safra, a été acquise par HSBC après le décès d’Edmond Safra en 1999. Elle passait ainsi du statut de banque privée de type patriarcal à celui d’un très grand établissement commercial. Pour des gérants dont le souci premier est de rester au plus près des marchés et de leurs portefeuilles clients, le moment était donc venu de s’aventurer dans l’indépendance. Après six ans de fonctionnement en binôme, Marc Amyot, en direct sur les marchés, et Isaac Djemal, au contrôle des risques, ont été rejoints en 2009 par Giorgio Frazzetto, venu du Credit Suisse. Ce dernier est en charge de l’exécution des opérations et de la recherche. A l’heure actuelle, les actifs sous gestion de la société s’élèvent à plusieurs centaines de millions. ■

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«Nous voulons rester aussi souples que possible et prendre des positions très claires» MARC AMYOT – TRILLIUM

du fonds seront alloués de manière très conservatrice: 50 à 60% seront placés en instruments très défensifs tels que obligations de qualité à échéances courtes, les obligations liées à l’inflation ou encore des sous-jacents assortis d’une protection de capital fiable. «Pas de Lehman», ironise Marc Amyot. Pour la partie actions, 20 à 25% des actifs, celles-ci posséderont une certaine protection à la baisse, par exemple sous forme des dividendes élevés et pérennes distribués par de très grandes capitalisations. A contre-courant de la frénésie actuelle, l’investissement sera direct et non pas par le biais d’ETFs. «Essayez de trouver un ETF sur la technologie LED (lumière sans chaleur)! Les ETFs ne répondent pas à nos besoins d’investissement spécifiques. En outre, nous voulons rester aussi souples que possible et prendre des positions très claires. Tout cela explique pourquoi nous les utilisons peu.» ■ Véronique BÜHLMANN

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GESTION ALTERNATIVE DIRECTIVE AIFM

Quelle régulation pour les fonds alternatifs? Depuis notre point de vue de la Suisse, le Conseil européen des affaires économiques et financières, composé des ministres de l’Economie et des finances des Etats membres, a une nouvelle fois repoussé, lors de sa séance tenue à la mi-mars de cette année, l’adoption du projet de directive européenne sur les gestionnaires de fonds d’investissement alternatifs (AIFM: Alternative Investment Fund Managers). Mais jusqu’à quand? Patrick FAORO Senior Manager, Deloitte SA, Genève

A

près la crise financière qui a secoué les marchés, les hedge funds et autres fonds alternatifs ont été désignés, entre autres, comme responsables des excès et maux liés à la crise financière. Les politiciens se sont émus de l’absence de régulation et de transparence dans ce domaine et, encore aujourd’hui, au vu des résultats et des performances qu’ils sont en train de réaliser, les hedge funds suscitent la polémique et de constantes critiques. Le projet de directive AIFM est, avant tout, une réponse politique, née de la crise financière et reflétant la volonté d’établir un dispositif complet et commun de surveillance des gestionnaires de fonds d’investissement alternatifs (ci-après dénommés «fonds alternatifs») en vue de cadrer leurs activités, d’amener une transparence nécessaire et de réduire le risque systémique pouvant découler des excès de leur gestion ainsi que de l’utilisation d’effet de levier. L’établissement en un temps record (moins de six semaines) de ce projet de directive permet sans doute, mais pas seulement, d’expliquer le nombre de critiques émises à son encontre par les acteurs du marché. Ainsi, le projet initial a déjà été partiellement remanié durant la présidence suédoise, puis, le Parlement européen, sous les

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recommandations du rapporteur français Jean-Paul Gauzès (référence au rapport Gauzès), a encore réduit la portée de la directive jusqu’à ce que, sous la férule de la présidence espagnole, on arrive à la version actuelle. Toutefois, cette version ne rassure toujours pas les intervenants.

Champ d’application et principales dispositions L’introduction d’un passeport «UE» constitue la nouveauté du projet de directive avec l’obligation pour les gestionnaires de fonds alternatifs d’obtenir une autorisation tant pour la distribution que la gestion dans leur Etat membre d’origine. Rentrent dans le champ d’application, tous les placements collectifs indépendamment de leur forme

«Tout gestionnaire souhaitant opérer sur le sol européen devra démontrer qu’il possède les qualifications nécessaires et une organisation appropriée»

juridique, les hedge funds, les fonds de private equity, les fonds immobiliers et, de manière générale, tous les placements collectifs ouverts et fermés non soumis à la directive UCITS (Undertakings for Collective Investment in Transferable Securities) et qui sont prévus à l’intention des «investisseurs professionnels». (La définition

d’investisseur professionnel ressort de la directive MIFID.) Le projet de directive ne s’applique toutefois pas aux gestionnaires gérant des portefeuilles de fonds alternatifs dont les actifs se montent à moins de 100 millions d’euros ou à des fonds alternatifs de moins de 500 millions d’euros, pour autant que, pour ces derniers, le gestionnaire ne recoure pas à un effet de levier et pour lesquels aucun droit au remboursement ne peut être exercé pendant une période de cinq ans (article 2 ter). Tout gestionnaire souhaitant opérer sur le sol européen devra démontrer qu’il possède les qualifications nécessaires et une organisation appropriée. Les gestionnaires doivent ainsi fournir une description claire de leur politique d’investissement, incluant une description des types d’actifs et le recours à l’effet de levier. Ces derniers sont également tenus de décrire les procédures d’évaluation, de dépôts, d’administration et de gestion des risques. Bien évidemment, une description des frais, des charges et commissions associés à l’investissement sont requises. Par ailleurs, et c’est dans l’air du temps, le gestionnaire dont les activités professionnelles ont une incidence significative sur les profils de risque des fonds alternatifs doit disposer d’une politique et de pratiques de rémunération (art. 9 bis). Ces éléments doivent être publiés dans le rapport annuel lié aux fonds alternatifs et être ventilés entre les rémunérations fixes et variables avec mention du nombre de bénéficiaires, repartis entre les cadres supérieurs et les employés (art. 19).

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DIRECTIVE AIFM Points de controverse de la directive Parmi le nombre de propositions dont la portée juridique n’est pas clairement définie, le projet de directive laisse cette impression qu’il y a encore un champ libre à la Commission et aux Etats membres de décider de points importants, soit au moment de l’adoption du texte, mais aussi après son adoption, par le biais d’actes délégués. Au nombre des points encore ouverts, nous relèverons, notamment, les

«Les gestionnaires devront fournir une description claire de leur politique d’investissement, incluant une description des types d’actifs et le recours à l’effet de levier»

procédures d’évaluation applicables aux actifs, la fixation des niveaux maximaux de levier, les opérations de short-selling. Un autre point de controverse important est constitué des relations avec les pays tiers. Les gestionnaires non européens qui voudraient commercialiser et (accessoirement) gérer des produits auprès des investisseurs institutionnels européens devront passer un contrat de sous-délégation avec un gestionnaire agréé (au sens de l’art. 19). Outre la constitution d’un dossier complet pour soumission à l’Etat membre où est enregistré le fonds alternatif, le projet de Directive prévoit encore pour le gestionnaire d’un pays tiers une série d’obstacles, et non des moindres, dont notamment: a) le pays tiers dans lequel le gestionnaire est domicilié doit avoir signé un accord de double imposition avec le pays où le fond est domicilié; b) des accords de réglementation réciproques entre les pays doivent exister; c) des accords de partage d’informations entre les pays doivent exister. Cette série d’obstacles ne doit pas faire perdre de vue que le projet de Directive s’est déjà bien amélioré. En effet, avant les amendements Gauzès, le projet de Directive prévoyait que si d’aventure un courageux gestionnaire d’un pays tiers ambitionnait d’obtenir l’autorisation de sous-délégation en matière de commercialisation et de

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gestion, son parcours ne s’arrêtait pas là. En effet, il aurait dû attendre trois ans avant de pouvoir commencer à agir sur le marché européen. Ce délai ne figure plus dans la version actuelle du projet de Directive. Toutefois, aujourd’hui encore, on trouve toujours référence à ce délai de trois ans dans plusieurs articles spécialisés. Les actes délégués peuvent encore réserver des surprises dans ce domaine.

Du point de vue de la Suisse Les critiques protectionnistes que la commission européenne et, en particulier, un pays voisin proche du canton de Genève, se sont vus attribuer ont toutes été balayées jusqu’ici. Force est de constater que le projet de Directive va accentuer la séparation entre les fonds au sein de l’UE et ceux hors de l’UE. Les limitations d’investissements, les limites sur le levier et les contrôles supplémentaires vont influencer l’innovation stratégique des fonds et les gestionnaires du marché européen qui pourraient envisager de s’expatrier dans des pays d’accueil parmi lesquels figure, en bonne position, la Suisse. D’ailleurs, on constate déjà, mais pour d’autres motifs, que certains gestionnaires de hedge funds jusqu’ici domiciliés en

L’ART

Angleterre ont choisi la Suisse comme terre d’accueil. Certains pensent que la législation suisse présente des avantages non négligeables pour les hedge funds et que notre pays pourrait accueillir les gestionnaires et leurs fonds alternatifs, ceci pour autant que nous améliorions notre offre d’accueil. Cependant, notre marché présente-il la surface nécessaire permettant de prétendre à une offre suffisamment forte pour les acteurs du marché et les investisseurs professionnels dans le domaine des fonds? D’autres pensent que nous ne pourrons pas nous passer du marché européen et que, fatalement, nous allons assister à une migration de gestionnaires qui agissent actuellement depuis la Suisse vers certains Etats membres de l’UE en vue d’y fonder un établissement stable pour garder l’accès à cet important marché. En fin de compte, la vérité se situe peut-être entre les deux voies précédemment évoquées: nous allons vraisemblablement assister à une migration de part et d’autres des frontières. Le prochain vote pour l’adoption de la Directive est prévu pour la session du mois de juillet 2010 et il est impossible d’en prédire l’issue. ■ P.F.

DANS

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Jean-Michel Basquiat, Untitled, 1982, acrylique et pastel gras sur toile, 193 x 238,8 cm. Collection privée / New York, Courtesy of Meridian Gallery © 2010, ProLitteris, Zurich

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GESTION ALTERNATIVE OBLIGATIONS CONVERTIBLES

Ode à l’asymétrie Les obligations convertibles permettent de faire 60% de la hausse et un maximum de 40% de la baisse des marchés actions. Pour les investisseurs échaudés, c’est l’instrument idéal pour se hasarder à nouveau sur les Bourses, d’autant plus que les convertibles présentent des valorisations attrayantes. Telle est l’analyse d’une passionaria du secteur, Natalia Barazal de Lombard Odier.

Q

uel rendement attendre des convertibles pour 2010? Tout dépend du scénario économique envisagé. Dans le cadre d’un fonds convertible global relativement conservateur tel que celui géré par Lombard Odier, Natalia Barazal estime qu’en cas de hausse de 10% des marchés actions, sa performance avoisinerait les 4-5%. En cas de stagnation, elle serait de 2 à 3% et, en cas de baisse, le résultat serait nul à baissier de 3% (dans l’hypothèse d’une chute brutale, le fonds ferait un maximum de 30% de la baisse). Cette confiance en l’avenir n’est pas étrangère au fait que l’équipe de gestion du fonds a traversé avec succès les tourmentes de ces dernières années. Sur cinq, comme sur trois ans, le LOF Convertible Bond Fund devance nettement l’indice global des convertibles et ce, avec une volatilité légèrement inférieure. Ces écarts à l’indice s’expliquent par une gestion axée sur des convictions. Ainsi, la surpondération actuelle du fonds en titres de la zone Asie-Pacifique repose sur la conviction du potentiel économique de la région à moyen et long terme.

L’afflux de capitaux: un risque? Quelle est la situation actuelle sur le marché mondial des convertibles? Les nouvelles émissions, qui constituent toujours «le point d’interrogation de cette classe d’actifs», sont nombreuses, à plus de 20 milliards depuis le début de l’année (100 milliards en 2009). Sur le plan de la qualité, les émetteurs notés «investissables», soit BBB ou supérieurs, représentent 60,4% de l’univers, suivis des émetteurs «haut rendement», notés BB ou B (34,6%). Pour deux tiers, les émissions en dollars US sont le fait de grandes capitalisations. Le gisement de papier est donc important, mais les fonds en convertibles connaissent des afflux importants de capitaux, aussi

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«Le grand jeu consiste à rechercher les titres les plus asymétriques possibles» NATALIA BARAZAL – LOMBARD ODIER

«mixtes» c’est-à-dire celles qui offrent une bonne protection à la baisse et permettent néanmoins de tirer parti de la hausse des actions sous-jacentes. Elle insiste également sur la nécessité de pratiquer une gestion «proactive»: ne pas laisser son portefeuille évoluer au gré du marché – et donc de vendre lorsque la convertible s’approche trop d’un risque action du fait de la hausse du sous-jacent, mais le maintenir «dans le filet technique protecteur» déterminé par la stratégie du fonds. Avec une duration de 1,8 an contre 6,6 pour l’indice et un delta de 32% contre 44% pour l’indice, le fonds reflète le souci de prudence de la gérante (au plus haut depuis juin 2005, le delta se situait à plus de 55%), laquelle est toutefois revenue à un niveau de cash minimal, un signal d’autant plus fort qu’elle confesse: «La crise nous a appris l’importance du cash…» ■ Véronique BÜHLMANN NB: Données à fin mars 2010

pourrait-on craindre un renchérissement de ces titres. S’appuyant sur une étude réalisée par Merrill Lynch, Natalia Barazal montre qu’il n’en est rien et l’explique, en partie, par l’hécatombe qu’ont subie les arbitrageurs. A leur heure de gloire, ils ont représenté jusqu’à 90% des volumes échangés sur ce marché, mais ils sont aujourd’hui repassés nettement au-dessous de 50%. En conséquence, les «bonnes occasions» sont plus nombreuses et persistent plus longtemps.

Rester dans le filet Cela n’exclut pas le besoin de sélectivité, surtout dans le cadre d’une gestion prudente telle qu’elle est pratiquée dans le fonds de Lombard Odier. «Le grand jeu consiste à rechercher les titres les plus asymétriques possibles», affirme Natalia Barazal. La gérante se concentre donc sur les convertibles dites

L’Asie: un eldorado pour les convertibles L’examen des expositions à la zone AsiePacifique (hors Japon) de différents fonds globaux de convertibles montre que cette zone ne fait pas l’unanimité, certains continuant à surpondérer l’Europe (essentiellement France et Allemagne). Pourtant, les fondamentaux paraissent très favorables à cette région: un marché liquide de plus de 50 milliards de dollars, des émetteurs de qualité, des rendements attrayants, des durations courtes et une assez bonne diversification géographique et par secteur. Depuis son lancement, en décembre 2008, le LOF Convertible Bond Asia a réalisé une performance de 30% (en USD). Aussi, comme l’écrit l’analyste de Morningstar en mars 2010, il représente «une option sérieuse pour investir dans les convertibles». ■

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GESTION ALTERNATIVE TCW/DOUBLELINE

La dure vie des stars! Le conflit TCW/DoubleLine se situe dans le monde de la gestion traditionnelle, mais possède de nombreuses caractéristiques d’un «scénario du pire» tel qu’il se matérialise parfois avec les gérants-vedettes de hedge funds. Le titre – Un des dix plus gros désastres de la décennie – que lui a décerné la revue US News & World Report n’est pas volé, du moins si l’on se place du point de vue de l’investisseur lambda. Véronique BÜHLMANN

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nvesti depuis dix dans le TCW Total Return Fund qui lui rapporte près de 8% par an, lambda est convaincu de la qualité de son gérant Jeffrey Gundlach. Il est d’autant plus serein que les performances 2009 sont exceptionnelles, approchant les 20%, et qu’en novembre 2009, «sa» vedette est nominée par Morningstar pour le titre de Gérant taux fixes de la décennie. Soudain, il se réveille le 4 décembre et apprend l’acquisition de Metropolitan West Management par TCW et la nomination, dès la clôture de la transaction, de Tad Rivelle au poste de CIO des stratégies de taux «high grade» du groupe TCW. Quid de Jeffrey Gundlach, l’actuel patron de ces stratégies? Il lui faut lire jusqu’au bas de la 4e page du communiqué qui en compte cinq, pour apprendre que ce dernier «a été démis de ses fonctions de CIO et gérant des fonds et mandats de taux high grade de TCW, et destitué de ses fonctions d’administrateur de TCW Group, Inc. TCW regrette d’avoir été obligé de prendre cette décision». Faible consolation, les nouveaux venus et leur CIO Tad Rivelle possèdent «des stratégies de taux reconnues et primées», affirme le communiqué.

Quid du style? En investisseur consciencieux, lambda saute sur son site Morningstar et y trouve cette analyse titrée Un tremblement de terre virtuel dans le monde des taux à LA (Los Angeles). Virtuel en effet, parce que, finalement, le changement est mineur: l’équipe taux fixe spécialisée dans les hypothèques de MetWest est «talentueuse» et, en 2005,

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Tad Rivelle et son équipe se sont vus primés pour leur gestion taux fixe. Ainsi conclut l’analyste, «cela devrait rassurer les investisseurs quant aux capacités de TCW». Peutêtre, mais pour lambda, le coup est rude, ce qu’il recherche, c’est un style de gestion particulier et il n’apprécie guère que sa vedette soit remplacée, même par de bons élèves. Dans l’immédiat, que faire? Après tout, Philip Barach, qui a fondé le Total

«Ne comparez pas pommes et poires: TCW et MetWest ne jouent pas sur le même terrain (obligataire)»

Return avec Jeffrey Gundlach en juin 1993 et qui est, lui aussi, très réputé dans les MBS, le domaine d’excellence de Gundlach, reste en poste. Nouvelle secousse pour lambda le 9 décembre: le Trésor américain annonce le gel de la participation de TCW au programme d’investissement public-privé (PIPP) de délestage des actifs toxiques des banques, gel rendu nécessaire à la suite d’un «Key Person Event»1. Ne nous affolons pas, c’est la routine institutionnelle; au moindre changement, on «gèle»! Mais quelle est la part d’institutionnels dans le fonds? S’ils doivent tous sortir et que les gérants doivent liquider rapidement leurs positions dans un fonds qui pèse tout de même 12 milliards, quel sera l’impact sur la performance? Heureusement, il y a Morningstar qui, midécembre, titre: «Faut-il rester ou sortir du TCW Total Retun?» et y répond aussitôt: «Il est rare que le départ d’un gérant soit une raison suffisante pour fuir immédiatement!»

L’analyste défend la qualité de gestion de MetWest et invite les investisseurs à ne pas comparer des pommes et des poires; en d’autres termes, les performances de l’équipe MetWest avec celles de l’équipe TWC: ils ne jouaient pas sur le même terrain (obligataire). L’analyste écrit d’ailleurs: «Il est tout simplement impossible de savoir si les gérants de MetWest auraient égalé ou pouvaient égaler les performances de Gundlach s’ils avaient géré leur fonds d’une manière plus proche de la sienne.» Cela vient «en partie du fait que l’équipe mortgage de MetWest n’a, jusqu’ici, géré aucun portefeuille consacré à ce segment et que la société n’a aucun historique de performances comparable dans ce domaine». Vraiment très encourageant pour lambda! Il doit laisser son argent à des spécialistes certes, mais qui n’ont pas d’historique. La tentation de sortir devient forte.

Le chêne à l’aide du roseau Et voici que Jeffrey Gundlach annonce le lancement prochain de sa nouvelle société, DoubleLine Capital, avec, à ses côtés, pratiquement les trois quarts de son ancienne équipe, composée d’une soixantaine de personnes, et, en particulier, Philip Barach. De plus, il va être aidé dans son démarrage par Oaktree Capital Management, société fondée en 1995 par une équipe de transfuges de TCW. Ironie de l’histoire, Marc Stern, l’actuel CEO de TCW, et, à l’époque, son président, déclarait alors au Wall Street Journal: «Nous sommes dans ce métier depuis vingt-cinq ans et cela représente un immense

Il s’agit d’une clause qui se trouve dans les mandats de gestion et, notamment, les prospectus de hedge funds, qui permet, en général, aux investisseurs de sortir plus rapidement si le ou les gérants principaux ne sont plus en mesure d’exercer leur mandat. 1

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TCW/DOUBLELINE avantage compétitif… [Oaktree] paraît sousestimer le temps nécessaire à l’obtention des autorisations réglementaires et à la mise en place d’une nouvelle affaire.» (A l’heure actuelle, Oaktree, spécialisée dans les obligations haut rendement, la dette distressed et le private equity, gère 76 milliards de dollars.) Pourquoi ne pas suivre son gérant vedette dans cette nouvelle aventure, d’autant plus que TCW annonce, début janvier, s’être retirée volontairement (sic) du PIPP. Pauvre lambda, il va bientôt avoir de quoi s’étonner bien davantage, car voici que les consultants y mettent du leur. Ennis, Knupp & Associates recommande à tous ses clients ayant une exposition taux fixes auprès de TCW de mettre fin à leurs rapports avec ce gérant. En outre, il a exclu TCW et MetWest de ses listes de gérants approuvés dans le domaine des taux fixes, ce qui signifie qu’ils ne seront plus pris en considération lors des sélections de gérants conduites par Ennis sur mandat de ses clients2. Pour couronner le tout, voici que TCW porte plainte contre Jeffrey Gundlach, d’autres ex-collaborateurs et la société DoubleLine pour déloyauté, vol de données confidentielles et conspiration. TCW réclame 200 millions de dollars de dommages et intérêts. Dans sa réponse à cette plainte, un mois plus tard, Jeffrey Gundlach nie fermement toutes les accusations. Il affirme au contraire que: «Incapable de concurrencer DoubleLine sur le marché, […] TCW cherche à concurrencer la nouvelle entreprise de manière déloyale en déposant et faisant la publicité d’une plainte qu’elle sait infondée.» Il précise également que DoubleLine a mis en place un programme pour s’assurer qu’aucune donnée revenant à TCW n’était en sa possession et qu’un expert informatique indépendant avait été engagé dans ce but. Et Jeffrey Gundlach dépose à son tour plainte contre TCW et lui réclame entre 600 millions et 1,25 milliard de dollars. Il estime que son licenciement était dénué de fondements et affirme qu’il n’a volé aucune donnée confidentielle. De plus, il accuse TCW d’un coup monté permettant de subtiliser des revenus qui lui étaient dûs.

Qui croire? Dans le doute, les investisseurs sortent. Les montants annoncés varient fortement, mais, lors de l’annonce du rachat de

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Jeffrey Gundlach, ex-CIO du TCW Total Return Fund, dans la tourmente. MetWest, les actifs combinés des deux entités étaient de 140 milliards, alors que, dans un communiqué de février, TCW donne un total d’actifs sous gestion pour les deux entités de 115 milliards à fin janvier, soit un recul de 25 milliards. Depuis, rien ne vient éclairer la lanterne de lambda. Début mai, dans sa première grande interview accordée depuis décembre, Marc Stern annonce un plan d’intéressement des employés de la société. Jacques Ripoll, à la tête de Société Générale Global Investment Management & Services à Paris, précise: «Ce nouveau plan d’intéressement servira à créer une culture d’actionnaires à TCW et, effectivement, à aligner les intérêts des employés avec ceux de TCW et de la Société Générale.»3 Comment se fait-il que la société de gestion n’ait pas pensé à «créer une culture d’actionnaires» et à «aligner les intérêts des employés avec ceux de l’entreprise» avant d’en arriver à une décision aussi lourde de conséquence que celle de licencier un CIO qui avait passé

plus de vingt années dans l’entreprise? Comme le soulignait l’auteur de l’article de News & World Report: «Les investisseurs sont souvent beaucoup plus attachés aux individus qu’aux institutions et, dans le cas de TCW, Gundlach et son équipe possédaient d’énor mes atouts.» Aujourd’hui, lambda peut investir dans les trois nouveaux fonds lancés par DoubleLine. Gageons qu’il ira frapper à la porte d’équipes bien rôdées à la due diligence et suivra le conseil de sortir lorsqu’il doute, car, comme le dit l’un de nos interlocuteurs dans l’enquête qui suit (cf. Gestionnaires vedettes: mode d’emploi, pp. 42-43): «Au mieux, on évite les pertes, au pire, on prend un risque d’opportunité.» ■ V.B.

2 Ennis, Knupp Recommends Axing TCW, Taylor Riggs & Anastasia Donde, Money Management Letter, iisearches, Institutional Investor News. 3 TCW a été acquise par la Société Générale en 2001.

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GESTION ALTERNATIVE HEGDE FUNDS

Gestionnaires vedettes: mode d’emploi L’industrie des hedge funds reposant essentiellement sur le talent, le vedettariat y est donc plus prégnant que dans la gestion traditionnelle. Certes, la présence de vedettes dans un portefeuille rassure et flatte les investisseurs et la société de gestion, mais si, pour une raison ou une autre, cette personnalité vient à disparaître, tout le portefeuille peut se trouver durablement déséquilibré. Propos recueillis par Véronique BÜHLMANN

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omment les gérants de fonds de hedge funds abordent-ils ce problème? Alexandre Rampa, analyste, 3A SA (Alternative Asset Advisors), Elisabeth Brugger, Daytona Alternative Investments, PKB Privatbank AG, LouisFrédéric de Pfyffer, Banque Heritage, Clive Lang, Risk Manager, et Romain Pidoux, analyste, Peak Partners, ont répondu à nos questions. Banque & Finance: Avez-vous déjà été confrontés au problème du vedettariat? CLIVE LANG: A l’origine, les hedge funds étaient bâtis sur ce concept: des gérants de haut vol, tenant à leur indépendance, créaient des portefeuilles concentrés sur leurs savoir-faire particuliers. Par un effet de mode, ce type d’approche a attiré beaucoup d’imitateurs avec, pour conséquence, une dilution des performances. Néanmoins, parmi les nouveaux venus, certains ont obtenu d’excellents résultats: ces gérants ont été capables de se concentrer sur des domaines très spécialisés, dans lesquels ils étaient capables de générer de l’alpha… Plus récemment, certains des meilleurs ont ajouté de nouvelles stratégies, étendant ainsi leur champ d’expertise. Ils ont pris une grande ampleur et ces acteurs ressemblent de plus en plus aux entreprises de gestion traditionnelles. LOUIS-FRÉDÉRIC DE PFYFFER: Je distinguerais les légendes de type Tudor, c’est-à-dire des

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gérants qui ont construit progressivement leur renommée, de ceux qui réussissent à court terme, créant un buzz qui leur permet d’amasser rapidement des actifs importants. Ces derniers n’ont pas d’histoire et n’ont pas été testés en phase de crise. Généralement, ils promettent des rendements très élevés et sont agressifs. Tôt ou tard, ils explosent en vol, car il est rare que,

«La performance se construit dans le temps: pour connaître la valeur de l’argent, le respecter et, par suite, respecter ses clients, il faut passer par les difficultés liées à la collecte d’actifs» LOUIS-FRÉDÉRIC DE PFYFFER BANQUE HERITAGE

lorsqu’un gérant démarre très fort, son succès dure. Nous sommes donc rarement investis dans ce type de configuration… La performance se construit dans le temps: pour connaître la valeur de l’argent, le respecter et, par suite, respecter ses clients, il faut passer par les difficultés liées à la collecte d’actifs. ALEXANDRE RAMPA: Lorsque nous sommes confrontés à la question du vedettariat, nous la traitons au cas par cas. Ce n’est pas ainsi que procédent certains institutionnels, je pense par exemple à certaines caisses de pension américaines qui, liées par leur processus d’investissement, vendent leurs

positions dès que le nom d’un de leurs gérants apparaît dans les titres de la presse. ELISABETH BRUGGER: Je me suis peu intéressée à des cas de gérants vedettes intégrés dans une grande maison, sans doute parce que je suis relativement méfiante par rapport à ce type de situation. En cas de conflit, elle débouche sur des combats de type «David contre Goliath». Et si le gérant se sert seulement de l’entreprise pour arriver à ses fins (i.e. gonfler ses actifs sous gestion), ce n’est pas non plus bon signe puisqu’il y aura presque inévitablement rupture, une situation qui n’est jamais favorable pour les investisseurs. J’ajouterais que la vedette, c’est, en quelque sorte, «de la marque», et en recherchant ce type de confort, les investisseurs se privent d’ambitions qui ne peuvent pas vraiment s’épanouir au sein des grandes organisations. B&F: Quelle serait votre réaction lors du départ d’une vedette? ELISABETH BRUGGER: Dans le cas d’un gérant vedette au sein d’une grande organisation, notre conseil est de sortir, même à perte, car les chances que le gérant ou l’équipe vedette soient remplacés par des personnes possédant des capacités identiques sont plutôt faibles. Mais ce type de décision n’est qu’un pis aller; une bonne due diligence faite en amont, c’est-à-dire au stade du choix des gérants, doit permettre d’éviter ce genre de situation. LOUIS-FRÉDÉRIC DE PFYFFER: En général, nous vendons nos parts, à une vitesse inversement proportionnelle aux informations dont nous disposons. Un bon gérant n’a raison que dans 55% des cas et si vous changez la configuration d’une équipe autour d’une table, vous avez toutes les chances de

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HEDGE FUNDS changer la qualité des décisions, car la bonne décision tient à une alchimie très subtile. ALEXANDRE RAMPA: Lors du départ d’une personne clef, nous vendons systématiquement. En effet, si cette décision est justifiée parce que la nouvelle équipe s’avère médiocre, nous évitons aux clients de perdre de l’argent. Et si nous avons tort, le seul risque que nous ayons pris est un risque d’opportunité. Or, l’univers est suffisamment large pour trouver des gérants compétitifs. Mais c’est en amont que se gère le vedettariat. Un gérant qui dégage des performances exceptionnelles attire un grand nombre d’investisseurs qui n’achètent que «de la réputation». Ils ne s’intéressent pas à la stratégie suivie et courent le risque d’être déçus par des performances qu’ils ne comprennent pas. Nous n’aimons pas ce type de situation. B&F: Au niveau de votre processus de due diligence, existe-t-il des éléments qui traitent des vedettes? ROMAIN PIDOUX: Le fait qu’un gérant soit une star n’est pas un gage de qualité: même si, sur le court terme, ces gérants ont tendance à voir leurs bons résultats persister, sur le long terme, ce n’est pas le cas. Lors d’une due diligence, la notion de «key person» est un drapeau jaune, voire même rouge. CLIVE LANG: Une due diligence solide doit identifier non pas une mais toutes les personnes clefs, et évaluer la vulnérabilité du processus d’investissement en cas de départ de l’une ou l’autre d’entre elles. Elle doit également comporter des règles précises concernant les mesures à prendre en cas de départ. En général, la prudence dicte

«Lors du départ d’une personne clef, nous vendons systématiquement» ALEXANDRE RAMPA – 3A SA

de désinvestir jusqu’à ce que l’impact du départ de la ou des personnes clefs puisse être évalué. Une telle approche se justifie par le fait qu’il est tout simplement impossible de prévoir quelle sera l’attitude des autres investisseurs. Si le départ de la personne clef déclenche un exode massif, il y a toutes les chances que ceux qui restent se

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trouvent finalement «coincés» dans le fonds et ne puissent plus sortir. Ce risque augmente en fonction de l’illiquidité des actifs gérés.

«Un changement de mode de vie (soudain engouement pour l’art ou les voitures de luxe) peut être un indicateur avancé d’un problème à venir…» ELISABETH BRUGGER DAYTONA ALTERNATIVE INVESTMENTS

ELISABETH BRUGGER: Lors des opérations de due diligence, nombre d’analystes restent rivés à leurs questionnaires, souvent parce qu’ils ne sont pas assez préparés. Ils se laissent facilement impressionner: face à un Prix Nobel, ils oublient qu’en fin de compte, ils ont à faire à un être humain. Selon moi, en plus de la discipline de due diligence formelle, le jugement personnel constitue le meilleur guide. Il s’agit d’une approche assez peu conventionnelle j’en conviens, mais elle repose sur l’expérience, sur mes entretiens avec plusieurs centaines de gérants pendant une quinzaine d’années. Choisir un gérant, c’est d’abord s’interroger sur ses motivations à se lever chaque matin. Lorsque je rencontre un gérant, j’évite de regarder son historique de performances afin que mon jugement sur la personne ne soit pas biaisé par les chiffres. Ils me servent seulement à vérifier, après coup, quels ont été les résultats de la gestion et dans quelles conditions de marché. L’essentiel est d’avoir un contact direct avec le gérant: cela permet d’être informé, un peu à l’avance, d’éventuels changements. De plus, le contact doit être suivi et régulier, car c’est la seule manière d’établir une relation de partenariat, qui va bien audelà de la relation purement commerciale. Suivant le principe selon lequel «dis-moi qui sont tes amis, je te dirais qui tu es», j’accorde également une grande importance à l’entourage professionnel et, si possible, social du gérant. Un changement de mode de vie (soudain engouement pour l’art ou les voitures de luxe) peut être un indicateur avancé d’un problème à venir…

B&F: Quelles indications tirez-vous de la taille des actifs sous gestion et de leur évolution? ROMAIN PIDOUX: Certains hedge funds ont tellement grandi qu’ils commencent à avoir une inertie similaire à celle des banques. Je pense, par exemple, à des Paulson, Brevan ou Bluecrest, qui se trouvent dans une situation d’un excès d’actifs en regard des opportunités que présente le marché. ALEXANDRE RAMPA: Suivant les stratégies, une trop grande masse d’actifs sous gestion peut rapidement devenir contre-productive. Nous surveillons donc de près les flux d’actifs et les montants totaux gérés dans une stratégie. Ceux-ci ne doivent pas dépasser une limite prédéterminée. Dans le cas contraire, nous sortons. Par exemple, un gérant en microcapitalisations qui passerait rapidement de 500 millions à 1 milliard d’actifs nous inciterait à envisager une sortie, d’autant plus rapide que ces actifs sont peu liquides. En effet, si ces nouveaux clients décidaient de sortir, ce serait prendre un grand risque que de rester, du fait de cette faible liquidité. ■ V.B.

L’ART

DANS

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Jean-Michel Basquiat Untitled, 1981, acrylique et pastel gras sur toile, 207 x 176 cm. The Eli and Edythe L. Broad Collection, Los Angeles Photo: Douglas M. Parker Studio, Los Angeles © 2010, ProLitteris, Zurich

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GESTION ALTERNATIVE HEDGE FUNDS

Rien dans la mode, tout dans la durée En plaçant Philippe Gougenheim à la tête de son département hedge funds, Unigestion consolide encore ses assises. Elle intègre un «trader» qui a, durant plus de vingt ans, participé en direct à l’histoire de la gestion moderne des actifs et qui connaît aussi bien le quotidien des salles des marchés les plus pointues que la conduite d’équipes multiculturelles. Un maître dans la gestion du chaos. Propos recueillis par Véronique BÜHLMANN

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e 3 septembre 2008, Unigestion annonce la nomination de Kostas Iordanidis en tant que directeur exécutif, responsable des fonds de hedge funds. Cinq mois plus tard, celui-ci quitte la société et Patrick Fenal, CEO, reprend les rênes de la gestion de fonds de hedge funds. Le 13 avril 2010, on apprend que Philippe Gougenheim prendra le poste de Managing Director, Head of hedge funds, à partir du 1er mai. Unigestion étant plutôt caractérisée par la stabilité de ses équipes, cette «valse» à la tête du département hedge funds paraît quelque peu étonnante. Entretien croisé avec JeanFrançois Hirschel, Managing Director, responsable du marketing et du développement, et Philippe Gougenheim. Banque & Finance: La nomination de Philippe Gougenheim est-elle liée au contexte difficile qu’ont connu ces véhicules de placement depuis le 12 décembre 2008, date de la révélation de l’affaire Madoff? JEAN-FRANÇOIS HIRSCHEL: Non. Ces changements sont à remettre dans le contexte du développement de l’activité fonds de hedge funds au sein d’Unigestion. Celle-ci ayant connu une forte croissance, Patrick Fenal, à l’origine de sa création en 1986, n’était plus en mesure d’en assurer la conduite tout en exerçant également la fonction de CEO. Par conséquent, il avait été décidé de recourir à des compétences externes, en l’occurrence

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celles de Kostas Iordanidis. Malheureusement, il s’est vite avéré que ses options managériales n’étaient pas en phase avec celle d’une équipe bien rôdée et de grande valeur. D’où la décision de se séparer et d’engager immédiatement un processus de recrutement approfondi qui mette l’accent sur le dialogue entre le gérant et une équipe qui compte actuellement 37 personnes entièrement dédiées aux hedge funds. B&F: Ainsi, «la culture d’entreprise» ne serait-elle pas un vain mot? J.-F.H.: Effectivement et cela ne s’applique pas seulement à notre département hedge funds. Partant de l’idée que l’on ne réussit généralement pas tout seul, mais seulement grâce à la solidarité du groupe, nous insistons beaucoup sur l’esprit d’équipe. Chez nous, pas de star-system! Comme nous travaillons essentiellement avec une clientèle institutionnelle, dont l’horizon d’investissement est plutôt long, il est essentiel de pouvoir mener des réflexions dans la durée et d’être capables de résister aux effets de mode. Cette attitude nous a d’ailleurs été très favorable durant la crise de liquidité de 2008. En 2007, Patrick Fenal avait écrit qu’il existait «une bombe cachée dans la liquidité des fonds de hedge funds». Pour être cohérents avec cette analyse, nous ne proposions sur tous nos produits qu’un remboursement trimestriel. A l’époque, cette restriction nous a certainement fait manquer des affaires, mais à partir du moment où la crise de liquidité s’est matérialisée, elle nous a permis de protéger nos clients. B&F: Philippe Gougenheim, vous êtes resté longtemps fidèle à vos premiers

employeurs, mais le rythme de vos changements de poste semble s’accélérer. Hasard ou nécessité? Pouvez-vous nous décrire votre parcours professionnel? PHILIPPE GOUGENHEIM: Voici vingt-deux années que j’exerce dans la finance. JP Morgan a été mon premier employeur et, à mon avis, c’est celui qui vous forme à votre culture et à votre métier. Or, la caractéristique principale de JP Morgan était l’esprit d’équipe. A l’époque, j’ai commencé à la vente auprès des institutionnels et ceci n’est pas anodin. Je pense, en effet, que tout le monde devrait commencer ou passer par la vente, c’est-àdire prendre conscience qu’il est d’abord au service des clients avant d’être à celui des golden boys!

«Bernard Sabrier, le président d’Unigestion, dit toujours que la gestion peut se résumer à trois décisions: acheter, vendre ou ne rien faire. Et la plus difficile des trois est bien de ne rien faire…» JEAN-FRANÇOIS HIRSCHEL – UNIGESTION

Pour revenir sur votre remarque concernant ma fidélité à JP Morgan, chez qui je suis resté dix ans, il faut vous souvenir qu’à l’époque, il était encore possible d’avoir une mobilité interne. Ça n’est plus guère le cas aujourd’hui! Après la vente, je suis passé à la gestion actifs/passifs, le principal centre

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HEDGE FUNDS de profits de la société à l’époque, l’équivalent de la gestion pour compte propre aujourd’hui. Cette expérience a eu pour moi le double avantage de garder le contact avec les salles de marchés, tout en ayant à m’assurer que nous satisfaisions à toutes les contraintes réglementaires. Cette position m’a permis d’acquérir une vision globale de la banque. En 1992, je suis passé à la tenue de marché dans le secteur des dérivés de taux d’intérêt et de change sur le court terme. Rappelezvous qu’à l’époque, les marchés étaient très chahutés, avec, notamment, la dévaluation de la livre sterling et le référendum danois contre Maastricht. C’est à ce moment-là que j’ai eu mes premières expositions aux grands hedge funds (n.d.l.r.: Soros défrayait la chronique, notamment avec sa spéculation contre la livre). Une année plus tard, JP Morgan opérant un rapatriement vers Paris de ses unités responsables de la gestion des devises centrales européennes; j’ai alors été chargé de fusionner des équipes de cultures très différentes. C’est également à cette époque que j’ai, avec mon équipe, «inventé» un produit: le overnight index swap (taux indexé au jour le jour), qui présentait l’avantage sur les alternatives existantes de ne pas receler de risque débiteur. Ce swap offrant une excellente liquidité assortie de coûts de transaction faibles, le succès a été immédiat. B&F: Vous quittez alors JP Morgan pour entrer à la Société Générale en novembre 1997 et vous devenez responsable, non seulement du court terme, mais aussi du long terme… PH.G.: En effet, la Société Générale était très active sur les options et la partie longue de la courbe des taux, un domaine qui complétait bien mon activité précédente. Mais le changement s’est traduit par un véritable «choc culturel». D’une entreprise caractérisée par l’esprit d’équipe, je passai à «une somme de PME», des équipes indépendantes, très jalouses les unes des autres mais qui, en contrepartie, présentaient une sophistication élevée et offraient une grande liberté. Ma première tâche a consisté à fusionner quatre équipes au sein de la mienne, soit près d’une quarantaine de personnes, dont les cultures de travail étaient totalement différentes. J’ai donc créé une plateforme commune standardisée qui a rapidement permis de dégager des revenus très impor-

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«C’est un mythe de penser que trader rime avec jeunesse. J’aime le trading et je pense que c’est un métier que l’on peut pratiquer longtemps, pour autant que l’on n’oublie jamais qu’il existe une vie en dehors de la gestion de ses positions» PHILIPPE GOUGENHEIM – UNIGESTION

tants. En 2003, j’ai pris conscience qu’il était impossible d’aller plus loin dans ce domaine et j’ai entrepris de travailler sur le projet de lancer notre propre hedge fund, en créant d’abord une équipe de trading pour compte propre de la banque. B&F: C’est alors que vous êtes approché par la société de hedge funds new-yorkaise Millenium Partners, chez qui vous entrez en décembre 2005 et au sein de laquelle vous resterez jusqu’en septembre 2008. Vous étiez alors directeur exécutif, quelle a été votre tâche? PH.G.: A l’origine, Millenium avait l’intention de renforcer sa position en Angleterre. Mais connaissant les importantes ressources de la place de Paris, notamment en traders, je les ai incités à y créer leur plateforme, plateforme que j’ai mise sur pied et développée pendant trois ans, tout en étant responsable d’équipes de trading. En 2008, désireux de réorienter ma carrière, je me suis vu proposer une alternative satisfaisante par Man.

B&F: Effectivement, en bon trader, vous choisissez octobre 2008, juste après la faillite de Lehman et juste avant l’éclatement du scandale Madoff, pour rejoindre Man, ce vieux routier de la gestion alternative – connu pour son produit phare AHL Diversified, pur produit de trading géré selon une approche quantitative systématique – qui avait racheté RMF, laquelle sera durement affectée du fait de ses investissements dans Madoff. Mais quel était précisément votre rôle? PH.G.: J’étais sous la responsabilité directe du CEO et, tout en étant président du Comité d’investissement de Man Investments, mon rôle était de développer de nouveaux produits. Mon expérience à la Société Générale dans le développement de produits structurés et ma bonne connaissance des marchés et produits financiers se sont avérées très utiles, car il faut posséder un «bon sens macro» pour savoir élaborer le bon produit au bon moment. Une de mes idées était de parvenir à marier gestion

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GESTION ALTERNATIVE classique et gestion alternative au sein d’un même produit: elle a trouvé sa concrétisation dans un produit lancé en novembre 2009 et qui allie le AHL Diversified à un ETF sur l’or géré par la Banque Cantonale de Zurich. Entre-temps, le 1er juillet 2009, suite à l’affaire Madoff, Man décide de se réorganiser et de fusionner ses différentes entités, à savoir RMF, Glenwood et Man Global Strategies.

«Dans l’industrie des fonds de hedge funds en général, je pense que l’allocation dynamique n’est pas assez présente» PHILIPPE GOUGENHEIM – UNIGESTION

Cette évolution ayant eu pour effet de dissoudre mon groupe, j’ai été nommé Senior Portfolio Manager pour les produits structurés qui représentaient quelque 15 milliards de dollars et un taux de profit très significatif. Après avoir mis en place les outils pour gérer ce type de produits, leurs allocations étant fixes, il ne restait pas grand-chose à faire pour le trader que je suis. Ma mission auprès de Man était accomplie et il n’était guère possible de progresser au sein de l’entreprise réorganisée. C’est alors que j’ai rencontré Patrick Fenal, avec qui le courant a immédiatement passé. Nous possédions une culture commune si bien que, des deux côtés, la décision a été évidente. B&F: Ce n’est cepedant pas tout à fait la même taille d’entreprise que celles au sein desquelles vous aviez opéré jusqu’alors… PH.G.: La taille n’est pas fondamentale; l’important, c’est le plaisir de travailler ensemble. Pour moi, l’essentiel est de rejoindre une structure de type entrepreneurial dans laquelle les possibilités de développement sont nombreuses et qui possède des bases solides. Par là, j’entends une bonne équipe, des produits robustes dans toutes les conditions de marché, des processus de gestion solides et une gestion rigoureuse des risques. B&F: A première vue, pour un «trader», Unigestion représente plutôt un environne-

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ment très «cosy», une quête permanente de recherche de faible volatilité, jusque dans les actions où elle se distingue par son approche «minimum variance». Ne craignezvous pas l’ennui d’un long fleuve tranquille? PH.G.: Le trading c’est avant tout la gestion des risques. J.-F.H.: Bernard Sabrier, le président d’Unigestion, dit toujours que la gestion peut se résumer à trois décisions: acheter, vendre ou ne rien faire. Et la plus difficile des trois est bien de ne rien faire…

J.-F.H.: Dans le domaine des hedge funds, nous ne croyons guère à la liquidité mensuelle, voire plus fréquente. Par ailleurs, la position dans un hedge fund donné est limitée à 10% des actifs d’un fond de fonds. En revanche, le levier que peut prendre ce hedge fund n’est pas limité. Par conséquent, et cela a été démontré, dans le cadre de UCITS III, il est possible de reproduire une structure de type LTCM. Je pense que le gros risque de cette nouvelle «enveloppe», c’est précisément un accident de ce type.

B&F: Vous avez passé le seuil d’Unigestion il y a peu. Quelle sera votre première tâche? PH.G.: Je ne vais rien révolutionner, ni en termes de processus, ni en termes d’équipe, ni en termes de produits. Ma tâche première sera d’établir le dialogue avec les équipes et la clientèle, tout en appronfondissant ma connaissance des produits. Dans l’industrie des fonds de hedge funds en général, je pense que l’allocation dynamique n’est pas assez présente.

B&F: Malgré l’affaire Madoff, on a parfois l’impression que rien n’a changé. Les nouveaux fonds promettent des rendements à deux chiffres et, comme le montre une récente étude, la transparence reste toujours le parent pauvre de votre industrie. Qu’en pensez-vous? PH.G.: Les partisans de la transparence sont très nombreux, mais, concrètement, que peuvent-ils en tirer? Même si un gérant donne toutes ses positions, l’investisseur obtient au mieux une photo statique. Imaginez qu’il s’agisse d’un CTA, cette photo ne correspond déjà plus à la réalité de son portefeuille puisque ses positions bougent sans arrêt. Même sans cela, quel investisseur est réellement en mesure d’analyser toute l’information qui lui est fournie?

B&F: Compte tenu des contraintes de liquidités imposées par les gérants sousjacents, n’est-il pas difficile de faire varier ses allocations? PH.G.: Certes. Je suis bien conscient de conduire un pétrolier et non pas un horsbord, mais cela n’empêche pas de regarder loin devant. Le fait que, sur le long terme, les incertitudes soient nombreuses n’est pas une raison suffisante pour se cantonner à l’immobilisme. Paradoxalement, l’industrie financière a la mémoire courte; elle regarde trois mois en arrière mais jamais sur les vingt dernières années. En ce qui me concerne, j’aurais plutôt tendance à travailler sur un horizon de deux à cinq ans et à tâcher d’identifier les stratégies les plus prometteuses. Evidemment, cela suppose d’être en mesure de bien analyser l’environnement de marché et de très bien connaître ses gérants. Chez Unigestion, la plupart des analystes de hedge funds possèdent des expériences directes du marché et, à mon avis, il s’agit une condition essentielle pour comprendre les gérants auxquels ils s’adressent, l’analyse seule ne suffit pas. B&F: Venons-en à la situation générale sur le marché des hedge funds. Les UCITS III font couler beaucoup d’encre. Unigestion paraît plutôt sceptique vis-à-vis de cette nouvelle enveloppe. Pour quelles raisons?

«Vous n’avez jamais vu quelqu’un demander à l’UBS toutes ses positions avant de procéder à l’achat d’une de ses actions!» PHILIPPE GOUGENHEIM – UNIGESTION

J.-F.H.: J’ajouterais que, suivant les fonds, le portefeuille peut arriver jusqu’à 10 000 lignes… PH.G.: Je trouve tout de même paradoxal que l’investisseur actions se montre beaucoup moins pointilleux que l’investisseur en fonds de hedge funds. Vous n’avez jamais vu quelqu’un demander à l’UBS toutes ses positions avant de procéder à l’achat d’une de ses actions! B&F: Il n’existe donc aucun espoir d’amélioration de la transparence pour

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HEDGE FUNDS l’investisseur lambda. Sa seule alternative réside-t-elle dans le recours aux professionnels de l’analyse? J.-F.H.: Effectivement, mais cela ne nous empêche pas d’œuvrer pour une meilleure transparence. J’en veux pour preuve l’engagement de Patrick Fenal, qui a présidé le projet de l’AIMA (Alternative Investment Management Association) concernant les recommandations de transparence et les règles de bonne conduite. L’avantage de ces règles, établies par des spécialistes de l’industrie, réside dans le fait qu’elles collent à la réalité, ce qui n’est pas forcément toujours le cas de celles édictées par le régulateur. Nous avons vu récemment un régulateur demander à un client qu’il lui élabore un stress test sur la base d’une hypothèse de baisse des taux de 3% en Suisse! B&F: En ce qui concerne vos processus de due diligence, ont-ils évolué? J.-F.H.: Leur structure fondamentale ne change pas, mais ils sont constamment adaptés. Notre due diligence est effectuée par quatre équipes différentes; chacune, examine le fonds sous un angle différent, à savoir l’investissement, l’opérationnel, la réputation, l’analyse quantitative. Chaque équipe possède un droit de veto sur le choix d’un fonds: souvent le veto vient d’ailleurs de l’opérationnel, ce qui est assez logique, puisque c’est là le principal point faible des hedge funds en général. Bernard Sabrier et Patrick Fenal peuvent également imposer leur veto, mais ils n’ont pas la possibilité de favoriser un fonds. Et, en tout temps, le processus et les veto sont respectés, ce qui évite les dérapages. B&F: Avez-vous constaté une évolution au niveau des consultants? J.-F.H.: Ils se comportent avec nous de la même manière que nous avec nos gérants. Et je constate qu’ils s’attachent désormais beaucoup plus à l’analyse des risques opérationnels (solidité de la société, règles déontologiques, absence de conflits d’intérêt, etc.) B&F: Concernant les performances des fonds de hedge funds suisses, les derniers chiffres publiés ne sont pas très affriolants. Qu’en pensez-vous? PH.G.: Vous connaissez le danger des moyennes… Il faudrait analyser les résultats en détail et distinguer les fonds affectés

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«Dans le domaine des hedge funds, nous ne croyons guère à la liquidité mensuelle, voire plus fréquente» JEAN-FRANÇOIS HIRSCHEL – UNIGESTION

par Madoff des autres. Cela dit, considérer simplement la performance est trompeur. Je pense qu’il faut regarder ce qu’apporte la performance des hedge funds à un portefeuille dans une optique de gestion globale des actifs. B&F: Bien des publications ont fait leurs titres sur la fin des fonds de hedge funds. Vous sentez-vous moribonds? J.-F.H.: Savez-vous que les fonds de pension anglais, entrés tardivement sur ce marché dans l’optique d’utiliser leurs positions en hedge funds comme substituts aux actions, sont les premiers à être revenus sur les hedge funds? PH.G.: Les hedge funds représentent 1,5% d’une épargne mondiale en croissance. Certains institutionnels leur allouent 10%. Je ne pense pas que, globalement, la part dévolue à la gestion alternative atteigne une telle proportion, mais il existe une énorme marge de croissance… pour les hedge funds comme pour les fonds de hedge funds. Et ce qui parle en faveur de ces derniers, c’est que la sélection est un métier compliqué, qui exige des moyens importants et une grande expérience. J.-F.H.: Aujourd’hui, les caisses de pension se trouvent décontenancées. Sur un, trois,

cinq et dix ans, les actions n’ont pas vraiment dégagé les rendements que l’on aurait pu en attendre, une situation d’autant plus préoccupante qu’elle remet en question les schémas d’allocation d’actifs traditionnels. C’est la raison pour laquelle de nombreuses caisses de pension s’intéressent aujourd’hui aux hedge funds, la barrière étant évidemment le risque de réputation. B&F: Et la difficulté de vendre «de la pure spéculation»… une image qui colle à la peau des gérants de hedge funds. Même aux plus conservateurs d’entre eux? J.-F.H.: Oui, mais je constate également que ces institutionnels sont en train de passer d’un raisonnement très «benchmarké», c’est-à-dire axé sur les résultats par rapport à un indice de référence, à une approche pragmatique qui consiste à répondre à la question: comment dégager suffisamment de rendements pour payer ce que je dois à mes cotisants? Partant de là, la réponse est naturellement le rendement absolu, que ce soit à travers des hedge funds ou, comme nous le voyons de plus en plus, à travers des stratégies telles que la «variance minimale». ■ V.B.

B&F

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GESTION ALTERNATIVE FONDS DE FONDS

Quelles évolutions dans un environnement en pleine mutation? Les événements de ces deux dernières années ont créé de grandes incertitudes pour l’industrie des fonds alternatifs et de nombreuses questions fondamentales persistent. En particulier, savoir si l’avenir se placera sous le signe du onshore ou du offshore, de UCITS III ou des plateformes de comptes gérés, s’il sera régulé ou non régulé, ou encore liquide ou illiquide. Johan OLSON Responsable des relations investisseurs Mirabaud & Cie Banquiers Privés

S

uite à la crise financière, quatre facteurs principaux ont été la source de questionnements fondamentaux pour l’industrie. Ces facteurs détermineront son avenir. La liquidité: en particulier l’écart entre celle offerte aux investisseurs de fonds de fonds alternatifs et celle des fonds sous-jacents. La transparence: de nombreux investisseurs n’étaient pas conscients des investissements sous-jacents de nombre de leurs fonds. La performance: même si les fonds alternatifs ont réalisé de meilleures performances que les investissements actions, ils n’ont pas offert autant de protection qu’espéré. La fraude: celle-ci a affecté la confiance des investisseurs. Outre ces facteurs, il faut encore tenir compte d’une presse négative, au bénéfice d’une connaissance superficielle des fonds alternatifs et de leurs modes d’opérations, ainsi que de politiciens qui font porter la responsabilité de la crise financière aux fonds alternatifs. L’industrie alternative vit donc une période de transition et, pour en sortir tout en assurant son avenir, elle devra revoir les défaillances dans son modèle de fonctionnement. Les avoirs sous gestion dans l’industrie ont diminué, passant de 2500 milliards de

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B&F

dollars à 1100 milliards au plus bas. Et la période 2008-2009 a connu un nombre de fermetures de fonds sans précédent. Cer tains de ceux-ci tentent toujours de liquider leurs avoirs bloqués («side pockets») afin de rembourser leurs investisseurs. Ceci étant, l’industrie des fonds alternatifs a renoué avec la croissance et ses avoirs sous gestion se chiffrent actuellement à 1700 milliards de dollars, preuve s’il en est que l’industrie suscite à nouveau un intérêt certain. Par ailleurs, le rebond relativement rapide des performances de l’industrie a clairement consolidé la conviction que les fonds alternatifs constituent un investissement crucial pour des portefeuilles sophistiqués, offrant de solides bénéfices en termes de diversification. Les gérants alternatifs devront toutefois, pour attirer de nouveaux investisseurs, cerner les conséquences de la crise, leurs clients potentiels et les attentes de ceux-ci en matière d’investissements.

200 fonds UCITS III Deux tendances claires ont émergé de la crise: une régulation croissante, qui impacte les fonds alternatifs onshore, ainsi qu’une demande pour des produits alternatifs avec une liquidité meilleure et/ou alignée avec les sous-jacents. Les investisseurs institutionnels contribuent, par leurs demandes, à façonner le paysage de l’industrie – ils sont maintenant le plus important groupe d’investisseurs, ayant dépassé, en termes d’avoirs investis, les clients fortunés qui étaient à l’origine les pionniers en matière d’investissements alternatifs. La rapide croissance

d’UCITS III est une conséquence de ces tendances: il existe aujourd’hui quelque 200 fonds UCITS III enregistrés, représentant des avoirs de 50 milliards de dollars.

«Les comptes gérés feront toutefois certainement partie de l’avenir de l’industrie alternative, avec leurs avantages et leurs inconvénients» JOHAN OLSON – MIRABAUD

De récents sondages ont toutefois démontré que les investisseurs institutionnels sophistiqués ne recherchent que très peu la liquidité à court terme. En tant qu’investisseurs à long terme, ils sont plus sensibles à la performance de leurs investissements et comprennent le compromis existant entre un accroissement de liquidité et de régulation, et la recherche de performance. Ceci est démontré lorsque sont comparées les performances des fonds UCITS III et leurs contreparties offshore. Pour les grandes sociétés distribuant des produits au segment institutionnel ainsi qu’aux clients privés, UCITS III peut servir de bouclier à une régulation de plus en plus contraignante. Il est, de ce fait, trop tôt pour conclure à une véritable tendance de migration du offshore vers l’onshore – d’ailleurs, la plupart des fonds alternatifs gèrent les deux variantes en parallèle.

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FONDS DE FONDS UCITS III pourrait toutefois, à terme, être le point de convergence entre la gestion traditionnelle et alternative – le moteur principal de cette tendance est l’intérêt institutionnel en matière de gestion active et de retours absolus, en lieu et place de gestion passive qui suit des indices. En Europe, l’inconnue liée à l’impact de l’AIFM (projet de directive relative aux gérants de fonds dits «alternatifs» de la Commission européenne) entraîne un manque de visibilité pour les gestionnaires. Aux Etats-Unis, le modèle des îles Caïmans domine toujours et la régulation est clairement axée sur le gestionnaire plutôt que sur le fonds.

L’essor des comptes gérés Une tendance parallèle a été le développement des comptes et plateformes gérés afin de répondre à la demande de transparence des investisseurs. Les comptes gérés ne sont rien de nouveau, ceux-ci ont servi, dès les années 80, d’accès aux CTA (Commodity Trading Advisors) – les investisseurs importants préfèrent ne pas être co-investisseurs dans des fonds afin d’éviter d’être victimes des nerfs des investisseurs privés lors de périodes de stress en souffrant de remboursements massifs. Le nombre de fonds accessibles par plateforme de comptes gérés est actuellement en croissance, mais ne suffit toujours pas pour répliquer l’offre existante de fonds de fonds alternatifs offshore. Certains des gérants les plus talentueux ont, pour l’instant, fait l’impasse sur les comptes gérés pour des raisons de complexité opérationnelle, de simplicité des affaires et de confidentialité avec un risque que les comptes gérés soient peuplés de gestionnaires moyens. La transparence a un prix: dans le cas des comptes gérés, entre 0,5% et 1%. Les comptes gérés feront toutefois certainement partie de l’avenir de l’industrie alternative, avec leurs avantages et leurs inconvénients.

Nouvelle catégorisation De nombreuses études indiquent que les fonds de fonds alternatifs resteront, à l’avenir, la filière principale d’accès aux investissements alternatifs pour les investisseurs institutionnels et privés. Les raisons principales évoquées sont la recherche de nouveaux gérants, l’analyse approfondie, le suivi et le contrôle ainsi que la diversification exigeant des capacités que la plupart des investisseurs ne possèdent pas. Il reste

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qu’un des défis majeurs auquel les fonds de fonds alternatifs devront faire face, outre la quête de la performance, sera d’aligner les intérêts des investisseurs et des fournisseurs de fonds quant aux frais et, surtout, à la liquidité. La notion de fonds de fonds alternatifs regroupant des stratégies différentes tant au niveau de leur approche que de leurs conditions de liquidité est amenée à disparaître. Un nombre croissant d’investisseurs reconnaissent que l’alternatif n’est pas une classe d’actifs, mais plutôt une palette de stratégies permettant de gérer des classes d’actifs classiques. Les fonds de fonds alternatifs seront reclassés comme «directionnels liquides», «classiques liquides» ou «stratégies illiquides». Les investisseurs pourraient ainsi intégrer des stratégies alternatives dans d’autres parties de leur portefeuille, telles que les actions ou les obligations.

2600 milliards en 2013 L’industrie alternative n’est pas morte. Au contraire, la crise financière a prouvé que la plupart des fonds ont mieux protégé le capital que les investissements actions, et qu’ils continuent de délivrer un ratio performance/risque supérieur. Les investisseurs institutionnels sont, en grande partie, à l’origine de la récente augmentation de la masse sous gestion des fonds et fonds de fonds alternatifs. L’investisseur privé qui aime «acheter haut et vendre bas» suivra. Les politiciens et une presse financière ten-

dancieuse véhiculent des idées reçues erronées qui focalisent sur les performances à court terme. Il est nécessaire d’y répondre, ainsi que de dissiper les mythes, afin de regagner la confiance des investisseurs. L’industrie, quant à elle, évoluera et s’adaptera – c’est d’ailleurs une des raisons principales pour investir avec des fonds alternatifs. L’implémentation d’UCITS III et la création des comptes gérés ont démontré la flexibilité, la capacité d’adaptation et la vitesse de réaction des fonds alternatifs dans des conditions changeantes. L’industrie alternative est saine, les joueurs les plus faibles ne survivent pas et l’industrie est donc composée des fonds les plus robustes, ceux qui sont capables de s’adapter, de gérer le risque et de produire des rendements supérieurs pour leurs investisseurs sur le long terme. L’industrie est relativement jeune et chaque nouvelle crise fait partie d’une courbe d’apprentissage qui résulte en un univers plus robuste de produits dans lesquels investir. La liquidité, la transparence et la régulation ont un prix, à savoir la performance. Il est donc très probable que les fonds de fonds offshore traditionnels survivent et continuent à se partager le capital avec les nouveaux venus onshore, que ce soit des fonds de fonds UCITS III ou des comptes gérés, se traduisant, selon les estimations, par une croissance de l’industrie de 1500 milliards de dollars à 2600 milliards d’ici 2013. ■ J.O.

Reclassification de fonds de fonds Alternatifs

Fonds de fonds alternatifs classiques

Directionnelles liquides Long/short equity Global Macro

«Classic» Hedge liquides Multistratégie diversifié

(Allocation unique)

Stratégies illiquides Distressed Special situations Activist Source: The Bank of New York Mellon and Casey Quirk Analysis 2009

B&F

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GESTION ALTERNATIVE MATIÈRES PREMIÈRES

Le fondamental est essentiel L’engouement actuel pour les matières premières encourage les promoteurs à multiplier les véhicules de placement. Pourtant, de magnifiques backtests, assortis d’un matraquage publicitaire intense, ne sont pas garants de bonnes performances. Dans cette classe d’actifs très volatiles, il est conseillé de ne pas faire l’économie de l’analyse fondamentale. Propos recueillis par Véronique BÜHLMANN

P

ionnier de la gestion active sur les matières premières, Tiberius fête ses cinq ans d’activité en 2010. Avec 1,9 milliard de dollars d’actifs sous gestion et une équipe qui est passée de quatre à vingt-six personnes, la société maintient une certaine avance sur ses concurrents grâce à une connaissance des fondamentaux que peu d’acteurs possèdent. Dans l’entretien qui suit, Nicolas Maduz, partenaire de Tiberius, dresse le bilan de ces cinq dernières années et décrit l’évolution du paysage concurrentiel. Banque & Finance: Travaillant essentiellement pour des institutionnels, caisses de pension ou compagnies d’assurance, Tiberius n’a rien du «trader fou». Sa gestion est des plus conservatrices puisque la société investit uniquement sur le marché très liquide des contrats à terme et pratique une gestion systématique. A première vue, les performances de ses différents fonds n’ont rien de «mirobolant». Ont-ils tenu leurs promesses? NICOLAS MADUZ: Absolument. Notre tâche a consisté à dégager, avec une erreur de suivi prédéfinie, une surperformance par rapport à un indice donné. Dans un marché aussi volatil que celui des matières premières, cette contrainte permanente de contrôle du risque – que notre clientèle surveille très méticuleusement – représente une véritable gageure. Les résultats de notre fonds le plus

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B&F

ancien, le premier à offrir une gestion active assortie d’une contrainte de 5% maximum pour la volatilité de la surperformance, en témoignent. Depuis son lancement fin octobre 2005, ce fonds a dégagé une surperformance de 28% par rapport à l’indice Dow Jones UBS Commodity. Démarré avec 30 millions de dollars, il atteint aujourd’hui les 900 millions et possède le plus long historique de performances et le, sinon l’un, des meilleurs en Europe. B&F: En 2008, il a perdu 29%. N’aurait-il pas pu couper davantage les pertes? N.M.: Ce fonds ne prend que des positions longues et, du fait de la contrainte de l’erreur de suivi, il ne peut faire varier que modérément son ratio d’investissement. En 2008, il n’a pas été possible de réduire davantage l’exposition au marché, mais, malgré cette contrainte, nous avons dégagé une surperformance de 6,63%. B&F: Outre vos fonds exposés au bêta du marché, vous proposez également un produit en euros qui vise le rendement absolu. Lancé fin 2007, ce fonds a dégagé une performance de 13,8%, soit presque deux fois celle de l’Euribor trois mois. Quelle est sa stratégie? N.M.: Au contraire du fonds précédent, nous cherchons à dégager uniquement de l’alpha à travers des arbitrages qui permettent de maintenir l’exposition au marché à un faible niveau. En d’autres termes, les positions longues et short tendent à se compenser. Nos principales sources de performance émanent de quatre types d’arbitrages: une matière première contre une autre (ex. long pétrole brut vs short gaz naturel), un secteur contre un autre

(ex. métaux de base vs matières premières agricoles), une place boursière contre une autre (Brent coté à Londres contre WTI coté à New York) ou encore une échéance contre une autre. Au total, nous visons un rendement de 10-12%, assorti d’une volatilité de l’ordre de 5%. B&F: Plus récemment, vous avez lancé un produit qui sort de votre conservatisme habituel. Pouvez-vous le décrire? N.M.: Il s’agit d’un fonds que l’on pourrait qualifier de global macro assorti d’un thème dominant, celui des matières premières. Utilisant du levier, il appartient à l’univers des hedge funds et répond à une demande qui ne craint pas les volatilités élevées. Cette évolution de notre gestion paraissait logique. Possédant une recherche macroéconomique, indispensable dans le cadre de notre analyse des matières premières, il nous a paru opportun d’en tirer parti. Jusqu’ici, les résultats sont plutôt concluants puisque le fonds a dégagé une performance de 18% depuis son lancement en octobre 2008. B&F: Depuis cinq ans, les véhicules investis en matières premières se sont multipliés. Pouvez-vous retracer l’évolution du secteur? N.M.: Initialement, l’essentiel de la gestion était passif et se faisait à travers des trackers. Les résultats étaient peu satisfaisants, car la courbe des prix des contrats sur matières premières est généralement en report1. Dès 2005-2006 sont apparus des indices «enhanced», dont le but était de minimiser le coût du passage d’une maturité à l’autre. Cette amélioration des indices reposant sur une fonction linéaire ne s’est pas avérée très efficace, car les courbes des

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MATIÈRES PREMIÈRES prix à terme des matières premières ne sont pas stables. D’ailleurs, dans notre gestion, nous considérons qu’environ 30% de notre surperformance vient de notre capacité à travailler la courbe, en d’autres termes, à dégager des plus-values lors des achats/ ventes de contrats d’échéances différentes. Plus récemment, les banques ont développé des produits «actifs» qui surpondèrent ou sous-pondèrent les différents composants des indices et ce, sur la base d’algorithmes. C’est ce que l’on entend généralement par «gestion systématique». Dans la majorité des cas, l’algorithme est défini à partir des cours du marché et des indicateurs techniques comme le momentum. Or, dans le cas des matières premières, les fondamentaux (production/consommation/stocks) sont plus fiables que l’analyse technique, par conséquent cette dernière est insuffisante pour développer des produits très performants. B&F: Deutsche Bank propose un fonds, le Commodity Euro Fund, qui fonctionne effectivement sur la base d’un algorithme et qui applique, en outre, le principe du «retour à la moyenne». Pourtant, dans le domaine des actions, les gestions basées sur ce principe se sont avérées décevantes; dans le secteur des matières premières, plus volatil, on peut s’étonner qu’elles puissent être efficaces. Qu’en pensez-vous? N.M.: C’est une piste que nous avons explorée puisque nous avons adjoint à notre équipe un étudiant qui a consacré sa thèse au phénomène de retour à la moyenne dans le secteur des matières premières2. Il concluait en substance qu’un modèle basé sur le retour à la moyenne ne permet pas de dégager des surperformances significatives. Au contraire, ce sont les modèles basés sur le momentum (les trend-followers) qui s’avèrent les plus efficaces. Toutefois, des modèles basés sur le retour à la moyenne permettraient de réduire significativement la volatilité. B&F: En 2008, Tiberius a conclu un accord de joint-venture avec BNP Paribas. Pouvezvous parler de cette coopération? N.M.: Elle capitalise sur nos savoir-faire respectifs. Tiberius fournit la recherche sur les matières premières à travers des recommandations hebdomadaires et BNP, forte de son expérience dans la structuration, crée les indices et les véhicules de placement

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«Parmi les différents types de matières premières, le plus gros potentiel se trouve dans les matières premières agricoles» NICOLAS MADUZ – TIBERIUS

idoines (options, trackers, etc.) A l’origine unique, cette démarche se généralise et l’on voit de plus en plus de banques s’associer à des spécialistes de la gestion des matières premières. En effet, développer une équipe interne prend du temps, sans garantie de résultats. B&F: La plupart des promoteurs de fonds tablent sur une hausse inéluctable du prix des matières premières. Partagez-vous cette analyse? N.M.: Je pense qu’il faut se montrer très sélectif. Parmi les différents types de matières premières, le plus gros potentiel se trouve dans les matières premières agricoles. Mais il ne suffit pas d’acheter l’indice matières premières agricoles pour obtenir de bonnes performances, car les composantes d’un même secteur peuvent avoir des comportements très différents, voire inverses, ce qui annule ou réduit fortement la performance du secteur. ■ V.B.

1 Roll/contango/backwardation: Le roll consiste à revendre le contrat à terme qui arrive à échéance et à acheter le contrat d’échéance suivante afin de rester exposé au marché. Le prix du nouveau contrat dépend de la forme de la courbe des prix à terme de la matière première concernée. Si elle est croissante, le prix du nouveau contrat sera plus élevé que celui du contrat arrivant à échéance. On parle alors de «contango», ou report, et l’opération d’échange de contrat va générer un coût. A l’inverse, si la courbe des prix de la matière première est décroissante, les prix à terme sont inférieurs au cours actuel et l’on parle alors de backwardation, ou déport, et l’échange va générer un gain. 2 Performancegenerierung in Rohstoffportfolios durch Mean Reversion – Hochschule für Wirtschaft und Umwelt Nürtingen-Geislingen (FH) – University of Applied Science, Matthias Banzhaf, Sommersemester 2008.

B&F

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GESTION ALTERNATIVE FONDS INDICIELS

Le bon sens en ETFs Amundi, le 3e gérant d’actifs européen, ambitionne d’appartenir au top 5 des plus gros gérants d’ETFs en Europe d’ici 2012. Il prévoit de doubler sa masse sous gestion et de la porter à 10 milliards d’euros via une centaine d’ETFs. Cette ambition passe par la Suisse, où le gérant vient de coter 20 produits et son objectif est de porter ce nombre à 40 d’ici la fin 2010. seurs des produits de qualité et à prix compétitifs.» Si l’on compare les gammes proposées sur le marché suisse par Amundi et Lyxor, gammes composées respectivement de 20 et 50 ETFs, on constate qu’elles ne présentent pratiquement aucun doublon mais se complètent «harmonieusement» pour couvrir tous les indices et stratégies. Par exemple, les deux proposent un ETF sur le Brésil, mais l’un est basé sur le MSCI alors que le second réplique l’indice Bovespa. Amundi offre un ETF sur les emprunts de l’ensemble des Etats européens alors que Lyxor se limite aux Etats notés AAA. Lyxor propose des ETFs sur les différentes échéances des emprunts d’Etat européens, Amundi offre la version «short» de ces mêmes échéances. Bref, mises ensembles, les deux gammes ont de quoi satisfaire tous les désirs des investisseurs.

Véronique BÜHLMANN

L

e Crédit Agricole, qui détient 75% d’Amundi, est visiblement passé du «bon sens en action», un slogan publicitaire qu’il a martelé des années durant, au «bon sens en ETFs». Au regard de la concurrence, son offensive paraît tardive puisqu’elle n’a démarré qu’en 2008. A cela, Valérie Baudson, directeur exécutif d’Amundi ETF, rétorque: «C’était tout de même plus tôt que d’autres concurrents!» Effectivement, tous les espoirs sont permis. En Europe, hormis les trois leaders qui revendiquent près des trois quarts des actifs sous gestion – il s’agit de iShares, Lyxor Asset Management et dbxtrackers, dont les parts de marché respectives atteignent 36,6%, 19,8% et 16,5%1 –, les parts de marché des autres acteurs sont inférieures à 5%. Avec une part de 2,4%, Amundi se situe en 8e position à la fin du premier trimestre 2010 (en 4e position en nombre d’ETFs offerts, en l’occurrence 79).

La concurrence n’exclut pas l’harmonie Cette marche forcée dans le secteur des ETFs pose cependant une question. Sachant que 25% du capital d’Amundi sont détenus par la Société Générale, laquelle détient 100% de Lyxor Asset Management, quel est l’intérêt de cette dernière de «s’auto-concurrencer» sur le marché des ETFs? Comme le précise Valérie Baudson: «Amundi ETF et Lyxor ETF sont deux concurrents ayant des offres et des stratégies commerciales distinctes. Le rapprochement des activités de gestion d’actifs de Société Générale (SGAM) et de Crédit Agricole (CAAM), ayant donné naissance à Amundi, ne modifie en rien cette

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B&F

Moins cher et plus fidèle

«En interrogeant les institutionnels, j’ai constaté que leurs principales critiques portaient sur les coûts ainsi que sur l’importance des erreurs de suivi» VALÉRIE BAUDSON – AMUNDI ETF

situation. Lyxor ne fait pas partie du périmètre du rapprochement, car cette société appartient à la Banque d’Investissement du groupe Société Générale, alors qu’Amundi ETF est une expertise du groupe Amundi et reste confortée dans sa stratégie marketing et commerciale consistant à offrir aux investis-

Cela dit, la stratégie d’Amundi est efficace: entre fin 2008 et la mi-avril 2010, la société est parvenue à tripler ses encours, passés de 1,5 à 4,5 milliards d’euros. Ce succès s’explique par les caractéristiques de l’offre: «J’ai toujours travaillé dans l’idée de proposer une véritable valeur ajoutée. Et en interrogeant les institutionnels, j’ai constaté que leurs principales critiques portaient sur les coûts ainsi que sur l’importance des erreurs de suivi», explique Valérie Baudson. En conséquence, Amundi propose des ETFs dont les coûts de gestion sont inférieurs de 20% à la moyenne du marché (27 pb vs 34 pb) et les fourchettes de cotation aussi serrées que possible. Par exemple sur le MSCI Europe, le spread de l’ETF d’Amundi est de plus de 8 pb inférieur aux produits

1

ETF Landscape, BlackRock Q1 2010, page 29.

JUILLET - AOÛT 2010


FONDS INDICIELS concurrents les plus chers et sur le short MSCI Europe, il est même inférieur de 50 pb à celui de son «concurrent» Lyxor! En ce qui concerne la minimisation de l’erreur de suivi, Amundi passe par une réplication synthétique qui consiste à «swaper» la performance du panier d’actions détenu par l’ETF contre la performance de l’indice. Selon Amundi, sur une gamme de 14 ETFs offerts sur le marché italien et sur un an, deux font mieux que l’indice, deux nettement moins bien (mais il s’agit de produits short et avec levier et il n’est pas certain que les écarts pris sur une seule période soient très représentatifs), alors que, pour les autres, les écarts sont de l’ordre de 10 à 15 pb, c’est-à-dire généralement inférieurs au TER de l’ETF. Si la réplication synthétique s’avère efficace du point de vue erreur de suivi, en revanche, contrairement à la réplication pure, elle comporte un risque de contrepartie.

Comme le relève Jean-Louis Ruiz, responsable Quantitative & Fund Investments Pictet & Cie, la législation européenne exigeant un nantissement de 90% de la valeur de l’ETF, «cela implique qu’en cas de défaut de la contrepartie, le risque de perte pour l’investisseur se monte, en théorie, au maximum à 10% de la valeur de l’ETF». Pour les ETFs d’Amundi, les contreparties sont Crédit Agricole CIB, la Banque de Financement et d’Investissement du Crédit Agricole pour les ETFs actions et la Société Générale pour les ETFs taux fixes, c’est-à-dire des banques notées respectivement AA- et A+ ce qui, en principe, limite le risque de défaillance.

Du bon sens dans l’innovation Un dernier avantage de la «jeune» gamme Amundi réside dans l’innovation. En Suisse, sur les 14 produits cotés sur la Bourse suisse en avril, sept n’existaient pas jusqu’ici, pas plus que les six nouveaux ETFs

cotés en mai. Selon Valérie Baudson, Amundi a été parmi les premières sociétés à proposer des fonds sectoriels mondiaux, des ETFs d’exclusion (par exemple, un ETF monde, hors la Suisse pour la clientèle Suisse), ainsi que des ETFs short govies euros qui donnent l’inverse de la performance quotidienne par maturité et qui sont destinés aux investisseurs qui veulent se couvrir contre le risque de remontée des taux. Il est également intéressant de noter que le gérant se montre très prudent en ce qui concerne les produits à levier ou ceux qui vont à l’inverse du marché (short). Pour les premiers, le levier maximal est de 2, soit au maximum deux fois la performance quotidienne du marché, et pour les seconds, il est de 1, donc l’inverse de la performance quotidienne du marché (tableau). Pourquoi l’offre d’Amundi se montre-t-elle si timorée? A cela, Valérie Baudson répond: «Notre clientèle n’a pas vocation à spéculer.» ■ V.B.

Les «inédits» sur le marché suisse Indice

Devise

TER

Performance depuis lancement

Amundi ETF MSCI Europe Ex Switzerland

MSCI Europe ex Switzerland (427 titres – 15 pays).

EUR

0,30%

5,28% vs indice 5,33% Lancement: 15/12/10

Amundi ETF Euro Corporates

Markit iBoxx Liquid Corporates (40 obligations en euros d’entreprises notées au minimum BBB–; 20 titres émanent de sociétés financières)

EUR

0,20%

8,75% vs 8,93% indice Lancement: 2/06/2009

Amundi ETF Leveraged MSCI Europe Daily

L’indice offre une double exposition à l’évolution quotidienne du MSCI Europe.

EUR

0,35%

53,58% vs indice 54,37% Lancement: 16/06/09

Amundi ETF Commodities S&P GSCI (Light Energy)

Indice TR calculé à partir de la production mondiale de matières premières et de l’évolution des prix des contrats à terme sur ces matières premières. Répartition (avril 2010): Energie 38,90%; Agriculture 26,36%; Métaux industriels 17,78%; Bétail: 10,17%

USD

0,30%

–1,65% vs indice –1,47% Lancement: 12/01/2010

Amundi ETF Commodities S&P GSCI Agriculture

Répartition: Blé 27,03%; Maïs 20,39%; Soja 19,45%; Sucre 13,30%; Coton 10,67%; Café 5,91%; Cacao 3,26%

USD

0,30%

–13,18% vs indice –13,00% Lancement: 12/01/10

Amundi ETF Commodities S&P GSCI Metals

Répartition: Métaux industriels 72,42%; Métaux précieux: 27,58%

USD

0,30%

2,42% vs indice 2,59% Lancement: 12/01/10

Amundi ETF Commodities S&P GSCI Non Energy

Répartition (avril 2010): Agriculture 43,13%; Métaux industriels 29,11%; Bétail 16,64%; Métaux précieux 11,13%

USD

0,30%

–4,30% vs indice –4,12% Lancement: 12.01.2010

Amundi ETF Short Govt Bond EuroMTS Broad*

Titres gouvernementaux des Etats de la zone euro, toutes maturités confondues (251 valeurs, notation moyenne AA)

EUR

0,14%

–070% vs indice –0,63% Lancement: 15/12/2009

*En outre, Amundi propose des ETFs short sur chacune des maturités suivantes: 1-3 ans, 3-5 ans, 5-7 ans, 7-10 ans et 10-15 ans.

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B&F

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GESTION ALTERNATIVE

Les hedge funds sont-ils responsables de la crise? Les conclusions de l’étude faite par la Financial Services Authority (FSA) au Royaume-Uni sur la contribution des hedge funds au risque systémique sont venues contrecarrer la théorie de l’UE selon laquelle les hedge funds seraient responsables de la récente crise financière. Néanmoins, la crise a mis en lumière les insuffisances du secteur en matière de gestion des risques. Explications. Nathalie BOUCHAIB GAROLLE Kinetic Partners (Switzerland) SA

L’

enquête a été menée sur 50 des plus gros gérants de hedge funds régulés par le FSA, représentant 300 milliards de dollars d’actifs gérés. Ce rapport montre qu’à la fin octobre 2009, l’exposition au crédit pour le plus important de ces gérants, qui finançait ses transactions via plusieurs banques, s’élevait à 1 milliard de dollars au maximum et que le risque de crédit encouru par une seule et même banque contrepartie d’un seul hedge fund s’élevait à 500 millions de dollars au maximum. L’enquête a aussi démontré qu’à fin 2009, la moyenne d’appel de marge exigée par un prime broker se situait à 40%, contre 20% en octobre 2007. Les chiffres mesurés par le FSA durant ces dernières années nourrissent la base de données d’IOSCO (International Organisation of Securities Commissions) et ont permis de définir une liste de paramètres de risque que chaque autorité de surveillance est tenue, dès à présent, d’exiger des gérants de hedge funds. Ces données, qui seront collectées tous les six mois dès septembre 2010, permettront de mesurer le risque systémique du secteur de la gestion des investissements alternatifs. Les informations communiquées peuvent aussi donner quelques éléments quant à la concentration de hedge funds sur certaines stratégies.

Risque systémique Le risque systémique, qui est une notion plutôt académique à l’origine, est arrivé sur le devant de la scène en raison de la crise financière qui a débuté en 2007 avec les sub-

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primes et qui a affecté l’ensemble du système bancaire mondial avant de se propager au système financier. Certains hedge funds, alors importants détenteurs de créances titrisées – 80% des tranches les plus risquées des CDO selon BlundellWignal (2007) – ont perdu de leur valeur et ont peiné à faire face aux appels de marge de leurs prime brokers. Les remboursements exigés par leurs clients paniqués et en manque de liquidité dans un marché des crédits asséché vont accentuer la difficulté des hedge funds à ajuster leurs positions. La crise de liquidité s’étend, poussant l’ensemble des hedge funds à vendre une partie de leurs actifs à perte (deleveraging), ce qui va créer un véritable vent de panique sur les différentes Bourses mondiales.

«La crise financière a mis en évidence les faiblesses de la gestion des risques dans le domaine des fonds, mais aussi le manque de surveillance de la part des banques quant aux paramètres de risques pouvant mettre en péril leur santé financière»

Cette crise en cascade a montré du doigt les hedge funds et leur potentielle participation au risque systémique du système financier, même si le précurseur de ladite crise financière reste le marché interbancaire. Par le passé, le cas de LTCM, en octobre 1998, mettait déjà en lumière le risque encouru par les différentes contreparties exposées

au fonds. Les régulateurs avaient alors demandé aux banques d’êtres plus attentives à la solvabilité de leur clientèle hedge funds. Certaines des contreparties de LTCM s’étaient regroupées afin d’éviter de déstabiliser le système financier en recapitalisant le fonds. Dix ans plus tard, les banques centrales se sont substituées aux établissements privés pour éviter l’effondrement du système, qu’elles ont renfloué en injectant quelque 700 milliards de dollars!

Un soutien aux marchés La conséquence de la crise que nous vivons actuellement a permis la réduction de l’utilisation des effets de levier de la part des hedge funds qui ont, de ce fait, pour certains, réduit leurs investissements. Rappelons que, selon le rapport du FSA publié en 2006, le levier moyen «ante-crise» était de 2,4. Il est aussi utile de rappeler que certains jours de l’année 2007, le tiers des transactions exécutées sur les marchés de dérivés était dû aux gérants de hedge funds qui soutiennent les marchés et apportent la liquidité nécessaire à ces derniers par la diversité et la fréquence des opérations traitées. Par conséquent, les banques bénéficient amplement de ce volume de transactions à travers leurs activités de courtage. Ce qui explique la compétition féroce qui oppose un grand nombre d’établissements privés pour attirer une clientèle toujours croissante de hedge funds. La crise financière a mis en évidence les faiblesses de la gestion des risques dans le domaine des fonds, mais aussi le manque de surveillance de la part des banques quant aux paramètres de risques pouvant mettre en péril leur santé financière. Cette conjoncture a permis aux gouvernements des pays du G20 de se pencher sur les failles du

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HEDGE FUNDS système financier et de faire pression sur les autorités de supervision des marchés. Une des conséquences de cette crise est la directive européenne AIFM. Le projet de directive européenne négocié depuis avril 2009, qui vise à mieux encadrer les hedge funds et les fonds de private equity, a été

«Les investisseurs attendent aussi plus de transparence quant aux opérations et aux instruments sous-jacents à ces transactions»

approuvé à la majorité lundi 17 mai dernier à Strasbourg par les ministres européens. La directive AIFM, si elle est acceptée par le Parlement européen, rentrera en vigueur début 2012 et elle prévoit, entre autres, une obligation d’enregistrement et de transparence pour les gérants de fonds alternatifs (hedge funds/private equity funds/fonds investissant dans l’immobilier ou infrastructures). Cette directive prévoit aussi de mieux encadrer les rémunérations et de forcer les gérants à communiquer sur les niveaux de levier utilisés et surtout de les limiter. Si le Parlement européen, qui défend généralement un point de vue plus libéral, ratifie le projet durant l’été, nous irons vers une réglementation plus accrue pour les gérants de fonds alternatifs (voir p. 36).

et de reporting permettant de comparer les «single managers» entre eux, mais, à présent, la capacité à démontrer comment, pour un niveau de risque donné, la performance est produite devient une préoccupation des investisseurs. Autrement dit, les investisseurs attendent aussi plus de transparence quant aux opérations et aux instruments sous-jacents à ces transactions. Les fonds alternatifs doivent être capables de démontrer aux autorités locales qui les régulent ainsi qu’à leurs investisseurs, la mise en place d’outils permettant de surveiller en permanence les leviers utilisés pour leurs transactions mais aussi de mesurer les risques qui en résultent. Cette tendance est nettement corrélée à l’émergence de la notion de «corporate gouvernance» commune à tous les opérateurs du système financier. Les pressions des régulateurs et des investisseurs obligeant les hedge funds à veiller au monitorage de paramètres tels que le risque de contrepartie, de liquidité, en plus

L’ART

du risque de marché, favorisent l’émergence de nouvelles solutions de gestion des risques intégrées. Cette tendance rappelle vaguement celle résultant des exigences du Comité de Bâle II, relatives à la transparence financière et à la mise en place nécessaire d’outils de gestion des risques pour les banques. Dans son processus de sélection d’investissement, un investisseur peut s’avérer être aussi responsable que le gérant de l’investissement sélectionné si ce dernier utilise maintes sources de monitorage des risques. Dans le même esprit, une banque devrait être capable de mesurer son risque de marché et de contrepartie, ainsi que son niveau de «corporate governance», à travers ses services de courtage grâce à une solution intégrée. Le monitorage des principales sources de risques grâce à une solution intégrée présente chez les prime brokers comme au sein des unités de gestion des fonds alternatifs, permettrait, notamment, de limiter le transfert des risques entre acteurs des marchés. ■ N.B.G.

DANS

B&F

Nouvelle gestion des risques L’implantation de ces nouvelles mesures, combinée aux attentes des investisseurs, pousse à l’émergence de nouvelles solutions de gestion des risques et à repenser le risque de manière plus globale. Les attentes des investisseurs en termes de transparence et de protection sont au centre des préoccupations des autorités de régulation mais aussi des gouvernements des pays membres de l’UE comme d’outre-Atlantique. La crise en cascade de 2007-2008 a modifié la perception des investisseurs qui tendent à être de plus en plus sophistiqués. La conjoncture est favorable à une institutionnalisation croissante des hedge funds. Les investisseurs attendent plus de transparence en général, et plus particulièrement en termes de reporting. Historiquement, le Sharpe Ratio était un élément de marketing

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Jean-Michel Basquiat, Untitled, 1981, acrylique, pastel gras et peinture à l'aérosol sur toile, 198 x 173 cm. Collection Mia et Patrick Demarchelier, © 2010, ProLitteris, Zurich

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JURIDIQUE GESTION DE FORTUNE

Rémunération des banques et rétrocessions Le 10 mai 2010, l’ASB a publié sa nouvelle version des directives concernant le mandat de gestion de fortune. Comme le lui avait demandé la FINMA, ces directives contiennent une nouvelle section traitant de la rémunération des banques. La question centrale en est, évidemment, le sort des rétrocessions de tiers. Explications. Jean-Yves DE BOTH, avocat Schellenberg Wittmer, Genève, Zurich www.swlegal.ch

S

ur la question des rétrocessions, il y a l’avant «arrêt du 22 mars 2006 du Tribunal fédéral» et l’après... Dans cet arrêt de principe, on se souviendra que le Tribunal fédéral s’est prononcé sur le sort des rétrocessions versées par les banques aux gérants de fortune. Se fondant sur l’article 400 al. 1 CO, il a décidé que le gérant de fortune est, en principe, obligé de restituer à son client les rétrocessions reçues en rapport avec la gestion de son compte. Le client peut, cependant, l’autoriser à conserver ces rétrocessions, mais cette autorisation doit être donnée de manière claire et indubitable, sur la base d’une information complète et sincère. Si cet arrêt traite des rétrocessions reçues par un gérant de fortune externe, il ne fait aucun doute que les principes posés s’appliquent aussi à la banque qui se voit confier un mandat de gestion. A la suite de l’arrêt du 22 mars 2006 du Tribunal fédéral, la FINMA s’est penchée sur les rétrocessions d’un point de vue réglementaire. Dans sa circulaire «Règles-cadres pour la gestion de fortune» (FINMA 2009/1), publiée le 18 décembre 2008, la FINMA décrivait ce qu’elle considérait comme standard minimal en matière de rémunération dans la gestion de fortune et octroyait un délai de 18 mois à l’ASB pour adapter ses normes d’autorégulation traitant de la gestion de fortune. C’est désormais chose

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B&F

«Ces nouvelles directives auraient pu clore les points les plus sensibles du débat sur les rétrocessions, en tout cas pour un certain temps. Rien n’est moins sûr» JEAN-YVES DE BOTH – SCHELLENBERG WITTMER

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RÉMUNÉRATION ET RÉTROCESSIONS faite avec la version modifiée des directives concernant le mandat de gestion de fortune. L’objectif de la présente contribution est de commenter les nouvelles dispositions des directives de l’ASB.

Contrat de gestion de fortune «La banque définit la nature, les modalités et les éléments de sa rémunération dans le mandat de gestion de fortune, dans un appendice au mandat ou dans un accord séparé.» De manière pragmatique, les modalités de rémunération ne doivent pas impérativement être contenues dans le contrat de gestion de fortune lui-même. Sinon, toute modification (et elles sont fréquentes vu l’évolution des produits) impliquerait que la banque doive faire re-signer à son client un contrat de gestion amendé. Le contrat signé peut ainsi se référer à un appendice, à une grille tarifaire ou aux conditions générales. Le processus d’adaptation de ces documents est plus simple et ne requiert aucune signature des clients. Le cas échéant, la banque fera parvenir à ses clients une version modifiée des modalités de rémunération et celle-ci pourra être réputée acceptée par le client à moins qu’il ne s’y oppose à sa réception.

Droit aux prestations de tiers «Le mandat de gestion de fortune, un appendice au mandat ou les conditions générales de la banque stipulent qui a droit à d’éventuelles prestations de tiers reçues par la banque en vertu du mandat de gestion de fortune ou lors de l’exécution de celui-ci.» Sur un plan civil, le Tribunal fédéral a précisé que le gérant doit seulement restituer à son client toute prestation reçue «en relation directe avec l’exécution du mandat». Par contre, il peut conserver les autres prestations reçues à «l’occasion de l’exécution du mandat». Le Tribunal fédéral ne s’est pas prononcé sur ce qu’il faut entendre par l’expression «en relation directe avec l’exécution du mandat». Il s’agit d’une question de nature civile et la FINMA ou l’ASB ne se sont pas risquées à y apporter une réponse. Cela étant, on retrouve ici la distinction faite par le Tribunal fédéral, «prestations de tiers reçues par la banque en vertu du mandat de gestion de fortune» ou «lors de l’exécution de celui-ci». On sait que la question des rétrocessions liées à la distribution de placements collectifs de capitaux et de produits structurés

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n’est toujours pas tranchée par les tribunaux. S’agit-il de prestations reçues «en relation directe avec l’exécution du mandat pour un client»? A priori, non. Ces rétrocessions constituent une rémunération pour les activités de distribution conduites par les banques et autres distributeurs (les directions de fonds n’assurant souvent pas ellesmêmes la distribution de leurs produits). Les banques disposent d’équipes dédiées à cet effet. Leurs prestations comprennent, notamment, des démarches de marketing, la formation des conseillers à la clientèle et des devoirs de diligence et d’information. Sur un plan civil, a priori, il n’y aurait besoin de traiter que le sort des prestations reçues «en relation directe avec l’exécution du mandat», les autres restant, de toute façon, acquises au mandataire. Cela étant, la clarté est de mise sur un plan réglementaire. Il y a lieu de traiter de manière express qui a droit aux deux types de prestations, donc aussi les rétrocessions liées à la distribution de placements collectifs de capitaux ou de produits structurés.

calcul (à savoir des pourcentages par rapport aux sous-jacents) ou des fourchettes de montants. La manière dont les banques peuvent communiquer cette information est laissée très libre par l’ASB. Alors que la plupart des banques incorporent ces éléments dans des lettres d’information aux clients (couvrant souvent tous les aspects de tarification), les directives prévoient que cette information peut aussi se faire au moyen de fact sheets, de relevés de dépôt ou même d’Internet. Pour que les prestations reçues «en relation directe avec l’exécution du mandat» puissent être conservées par la banque, on rappellera que le Tribunal fédéral a requis que la décision du client se fasse sur une base informée, mais sans donner d’indications plus précises. Si la FINMA et l’ASB n’ont pas d’emprise directe sur des litiges civils, ce niveau d’information réglementaire s’imposera probablement sur un plan civil afin qu’il puisse être considéré qu’un client a valablement renoncé à la restitution des rétrocessions.

Information préalable

Reddition de compte

«La banque informe ses clients des paramètres de calcul ou des fourchettes de valeurs des prestations qu’elle reçoit ou pourrait recevoir de tiers. Elle peut, à cette fin, regrouper les divers produits en classes de produits.» Il s’agit ici d’une information générale et préalable. L’idée est que le client soit informé d’emblée sur les prestations devant ou pouvant être payées de tiers. Au moment de la conclusion du contrat, il n’est pas possible de donner à son client des informations précises sur le montant des rétrocessions qu’il va recevoir. Comme l’avait préconisé la FINMA, les banques peuvent librement choisir entre des paramètres de

«Sur demande, au cas par cas, la banque révèle aux clients le montant des prestations déjà reçues de tiers dans la mesure où elles peuvent être attribuées à la relation client individuelle sans équivoque et avec des efforts raisonnables.» En application de l’article 400 CO, la banque a l’obligation de déclarer toute rémunération de tiers «en relation directe avec l’exécution du mandat» conféré. Il s’agit ici d’une information a posteriori. Si l’on suit l’argumentation que les rétrocessions dans le domaine des placements collectifs de capitaux et de produits structurés ne reviennent pas au client, on devrait logi-

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JURIDIQUE quement considérer que – sur un plan civil – ces rémunérations ne sont pas sujettes à reddition de compte. Cela étant, d’un point de vue réglementaire, la FINMA considère qu’une information complète pour les prestations reçues «lors de l’exécution du mandat» doit être donnée aux clients, donc aussi pour la distribution des placements collectifs de capitaux et des produits structurés et ce, dans la mesure où elles peuvent être attribuées à la relation client individuelle sans équivoque et avec des efforts raisonnables. S’agissant des efforts raisonnables de la banque, la FINMA a précisé qu’elle attend la mise en place d’une structure appropriée qui permette de satisfaire la demande des clients en informations supplémentaires. Il sera délicat pour une banque d’invoquer le fait qu’il lui est difficile de fournir une quelconque indication, ce d’autant plus que l’ASB précise que l’obligation de déclarer

RÉMUNÉRATION ET RÉTROCESSIONS peut, le cas échéant, se faire au moyen de valeurs approximatives.

Insécurité juridique A priori, ces nouvelles directives auraient pu clore les points les plus sensibles du débat sur les rétrocessions, en tout cas pour un certain temps. Rien n’est moins sûr. Dans son rapport du 2 mars 2010 sur l’affaire Madoff et la distribution de produits Lehman, la FINMA constate que la doctrine diverge considérablement quant à la portée de l’arrêt du Tribunal fédéral du 22 mars 2006: «Les avis sont partagés notamment sur le point de savoir quels rapports juridiques peuvent être considérés comme un mandat au sens de ce qui précède, ce qu’il en est des rapports intragroupes, dans quelles circonstances il n’y a pas de relation étroite, ou encore, quelles rémunérations trouvent leur justification dans l’activité autonome de la banque et à quelles exigences spécifiques doit L’ART

DANS

répondre la renonciation.» Partant, elle en conclut que «compte tenu de l’insécurité juridique considérable qui prévaut, la FINMA va se pencher de façon approfondie sur ces questions et examiner s’il y a lieu de modifier le droit de la surveillance.» En tout cas, les aspects de rémunération sont de plus en plus suivis par la FINMA. On pensera, notamment, à la rémunération des dirigeants et cadres traitée par la Circulaire «Systèmes de rémunération», publiée fin 2009. Ce qui touche à la rémunération des banques et de leurs employés est clairement un aspect central de la gestion des conflits d’intérêts. On notera à cet égard que la seule autre modification des directives concernant la gestion de fortune concerne l’introduction d’une clause spécifique sur l’adoption de mesures appropriées afin d’éviter les conflits d’intérêts. ■ J.-Y.D.B.

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Jean-Michel Basquiat et Andy Warhol 6.99, 1985, acrylique et pastel gras sur toile, 297 x 420 cm. Collection Bischofberger, Suisse © 2010, ProLitteris, Zurich

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STRATEGIE

Deutsche Bank: une solidité sous stress Bousculée comme toutes les valeurs bancaires au plus fort de la crise, la Deutsche Bank s’en est sortie sans avoir recours à l’argent public ou aux fonds souverains. Le groupe peut s’appuyer les résultats exceptionnels de sa banque d’investissement. Néanmoins, elle a lancé un vaste plan stratégique visant à rééquilibrer la contribution de ses différents métiers aux résultats. Une stratégie gagnante. Jaona RAVALOSON (7/06/2010)

D

ébut février, Deutsche Bank annonce en fanfare d’excellents résultats 2009: 5 milliards d’euros de profit contre une perte de 3,9 milliards d’euros l’exercice précédent, soit un ROE avant impôt de 15%. Parallèlement à la profitabilité, la solidité financière a été restaurée: ratio de capital Tier One de 12,6% contre 10,1% l’année précédente avec un ratio de fonds propres durs de 8,7%. Du coup, elle décide une augmentation du dividende de 50%. Comme le premier trimestre 2010 s’inscrit également dans une tendance favorable, le cours de Bourse s’envole, passant de 43 euros à 60 euros mi-avril. Cependant, les turbulences sur les marchés se poursuivent et l’évolution du contexte réglementaire n’est pas accommodante. Des menaces et des incertitudes pèsent ainsi sur les objectifs ambitieux du numéro 1 allemand dont l’essentiel de la rentabilité repose sur la banque d’investissement.

décélération notable des charges d’exploitation et une baisse des provisions sur pertes de crédit. Si l’on considère les différentes divisions du groupe, la banque d’investissement a pesé de tout son poids, générant 2,6 milliards d’euros sur les 2,8 milliards d’euros de bénéfice consolidé avant impôt. En particulier, les activités de trading sur les marchés actions ont été très porteuses et on réalisé leur meilleur exploit depuis 2007, ce qui a permis au passage de compenser le recul des activités de taux et de devises. Pour la direction du groupe, c’est d’autant plus un motif de satisfaction que cette prouesse a été accomplie avec un effet de levier plus faible, des risques en réduction et sans recours au trading pour compte propre. En dehors de la banque d’investissement, les autres divisions (banque commerciale, banque de détail, banque

privée et gestion d’actifs) ont juste maintenu, d’une année sur l’autre, leur contribution à un peu plus de 300 millions d’euros. Une dégradation des ratios de fonds propres par rapport à fin 2009 (7,5% contre 8,7%) peut être notée. Principale explication de cette dégradation: l’acquisition de la banque Sal. Oppenheim et l’imputation sur les fonds propres des actifs illiquides issus de titrisation. Mais, globalement, la solvabilité du groupe n’est pas remise en cause et ne nécessite pas, à moins d’une acquisition importante, une augmentation de capital. Un des motifs de fierté du groupe n’est-il pas d’avoir réussi à absorber la crise et à en sortir sans lancer de signaux de détresse et sans faire appel aux plans de sauvetage, à l’argent de l’Etat ni aux fonds souverains? Cette passion pour la performance est à la base de la vision du groupe sur son futur. Son

Cours de Bourse sur un an Deutsche Bank AG

EUR 62.00

60.55 58.00

Passionnée de performance L’exercice 2009 a permis au groupe de revenir au niveau de profit d’avant-crise. C’est dire que la traversée du désert a été rapide et le retournement réussi. Le premier trimestre 2010 conforte ce redressement, dépassant également de loin les attentes des analystes. Le bénéfice imposable, annoncé fin avril, ressort à 2,8 milliards d’euros en doublement par rapport à la même époque de 2009, soit un ROE avant impôt de 24,7% contre 13%. Les facteurs à l’œuvre ont été une hausse du chiffre d’affaires de plus de 31%, une

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B&F

54.00 50.00 46.00 42.00 39.11 38.00 Juil

Août Sept Oct

Nov Déc

2010

Fév Mars Avril

Mai Juin

Source: société

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DEUTSCHE BANK Bénéfice avant impôt

2009

€ milliards Banque d'investissement Banque de transaction Gestion privée/Gestion d'actifs Banque de détail

Publié 3.5 0.8 0.2 0.5

Consensus analystes 4.5 1.0 0.8 1.1

Objectifs Deutsche Bank 6.3 1.3 1.0 1.5

5.0

7.4

10.1

TOTAL METIERS

2011

Source: société

plan stratégique («Management Agenda»), mis en application depuis quelques années, prévoit une phase 4 dont les objectifs 2011 ont été réaffirmés lors de la Journée investisseurs de décembre dernier. Il s’agit d’enregistrer une croissance annuelle des revenus de 8%, d’atteindre, au niveau des métiers, un bénéfice net avant impôt de 10 milliards d’euros (5,2 milliards en 2009), de dégager un ROE avant impôt de 25% à travers le cycle (15% en 2009) et d’abaisser le coefficient d’exploitation à 65% (72% en 2009), sous contrainte d’un ratio Tier One égal ou supérieur à 10% et d’un effet de levier de 25 (en sensible diminution). Dans cette optique, les quatre axes majeurs retenus portent sur une progression continue des profits de la banque d’investissement avec une discipline renouvelée en matière de prise de risque et d’expansion du bilan, un accent sur les métiers de banque de dépôt et de gestion d’actifs en visant une position de leader domestique, un renforcement de l’Asie en tant que relais de croissance dans tous les métiers et une maîtrise des coûts d’exploitation.

Une volonté de rééquilibrage stratégique Ce qui ressort également de cet Agenda de management est le souci de mieux répartir les sources de performance avec une double orientation, un rééquilibrage des métiers au sein du groupe et un recalibrage au sein de la banque d’investissement. La banque d’investissement est le navire amiral du groupe, les autres métiers étant en sous-régime. Avec 92% des profits avant impôt par exemple au premier trimestre 2010, son poids est supérieur chez Deutsche Bank que chez les leaders mondiaux du secteur comme Goldman Sachs. Cette très forte surpondération des activités de marchés a, depuis des années, été une source de discussion, voire de controverse, au sein du groupe. A certains moments, en pleine ascension du cycle

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Ecart: 2,7 financier, des rumeurs circulaient sur l’abandon total des autres métiers et une concentration exclusive sur la banque d’investissement, avec, à la clé, un déménagement du siège social à Londres. Difficile cependant d’envisager sérieusement une telle option lorsqu’on porte le nom de son pays, bien que le débat puisse ressurgir lors de la succession de Josef Ackermann, le Suisse qui préside la banque depuis 2002 et qui envisage de partir avant 2013. Du coup, l’alternative est une diversification métiers plus prononcée. C’est ce que dénote l’objectif 2011 de la phase 4 de l’Agenda de management: porter les contributions cumulées de la banque de transaction, de la banque de détail, de la banque privée et de la gestion d’actifs de presque rien à 37% du bénéfice courant. La restructuration et le renforcement de ces métiers sont donc amenés à s’accélérer. L’acquisition récente de Sal. Oppenheim dans la banque privée et la gestion d’actifs y participe. Cet établissement gère un portefeuille d’actifs financiers de 137 milliards d’euros. Consolidé pour la première fois au premier trimestre, il a tiré vers le bas le résultat de la division et devrait continuer à le faire le temps de l’intégration, mais l’apport en actifs sous gestion est appréciable (la gestion privée et institutionnelle représentait 686 milliards d’euros fin 2009

«Deutsche Bank a besoin de se diversifier à l’intérieur de ses activités de banque d’investissement et de recalibrer les engagements»

avant la consolidation de Sal. Oppenheim). Sur son marché domestique très atomisé dans la banque de détail, Deutsche Bank s’est offert l’opportunité d’augmenter sa

part et de sécuriser des marges bénéficiaires plus confortables. Le groupe est, en effet, positionné depuis septembre 2008 sur Deutsche Postbank, premier réseau bancaire en Allemagne. En plus de sa richesse en clientèle (14 millions contre 9,5 millions pour Deutsche Bank), Postbank dispose d’une masse de dépôts de 70 milliards d’euros dans sa division banque de détail, ce qui est appréciable à une époque où la liquidité bancaire est une denrée rare. La montée de Deutsche Bank dans le capital de Postbank se fait de manière rampante, au rythme des difficultés de Deutsche Post, la maison mère qui en détenait 62%, à assurer à sa filiale bancaire un ratio de solvabilité normal. Ainsi, Deutsche Bank a acquis 22,9% en février 2009 puis 7% supplémentaires en juin 2009, restant en deçà du seuil de 30% de déclenchement d’une OPA. Elle détient, en outre, des obligations convertibles repré-

«La banque d’investissement est le navire amiral du groupe, les autres métiers étant en sous-régime»

sentant, après conversion, 27,4% du capital ainsi que des options d’achat sur les 12,1% du capital restant encore «libres» entre les mains de Deutsche Post. Il est fort probable, par conséquent, que, dans les deux ans à venir, Deutsche Bank aura fini de prendre le contrôle de Postbank et, de la sorte, jouisse (enfin!) d’une position enviable et d’un profit à la hauteur de son poids sur son marché domestique. Ce faisant, elle assurera un rééquilibrage de ses activités et réduira indéniablement sa vulnérabilité aux aléas des marchés financiers. Dans l’immédiat, pour se désensibiliser des volatilités des marchés, Deutsche Bank a besoin de se diversifier à l’intérieur de ses activités de banque d’investissement et de recalibrer les engagements. Le métier de dettes, incluant les obligations, les financements corporate, les devises et les matières premières, dans leur déclinaison origination, ventes et trading, est dominant chez Deutsche Bank. Un recalibrage est en cours et traverse chaque segment. Une limite a été imposée aux opérations de trading pour compte propre – qui sont passées d’une moyenne 2002-2007 de 15% à

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STRATEGIE des positions à 5% en 2009 – au profit des activités de flux générées par la demande de la clientèle ou des activités de conseil. Une meilleure efficience des ressources en capital a aussi été recherchée, se traduisant par une consommation réduite d’encours pondérés (–35% par rapport au pic du cycle), de fonds propres ou de limites de risques VAR (–38% par rapport au pic) pour un même niveau de revenus. Sur le plan géographique, en dépit de l’ancrage européen et même si l’Amérique est un marché clé, notamment en banque d’investissement (37% des revenus), l’Asie prend son essor. L’objectif du groupe est de multiplier par deux ses activités dans cette zone d’ici 2014, développement s’appuyant essentiellement sur les marchés émergents. Dans les activités de dettes, la part de ce continent entre 2009 et 2010 a bondi ainsi de 5% à 10%.

Des ambitions contrariées Aussi légitimes qu’elles soient, compte tenu des points forts du groupe et de son potentiel en termes de part de marché et d’acquisition, les prétentions de Deutsche Bank pour 2011 ne manquent pas de se heurter à la dure réalité du terrain. En effet, les hypothèses macroéconomiques sous-jacentes

Répartition des revenus de banque d’investissement 1er trimestre 2010 (6 milliards d’euros) 2%

3%

18%

77%

Métier dettes Métier actions Conseil Autres Source: société

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DEUTSCHE BANK aux objectifs de la phase 4 de l’Agenda de management sont, indubitablement, agressives. Elles misent sur une fin des dislocations de marché, une normalisation des valorisations d’actifs, une croissance annuelle de l’assiette mondiale de revenus en banque d’affaires de 9% et un retour au niveau de la période d’avant-crise, des marges qui resteront plus élevées qu’avant la crise, une normalisation des taux d’intérêt à partir du second semestre 2010 et une croissance du PNB mondial supérieur à 2% par an. L’euphorie consécutive à l’annonce des résultats du premier trimestre n’a pas fait long feu. Selon la Banque Centrale Européenne, l’absence de reprise économique impliquera, pour les banques de la zone euro, des pertes sur créances de 123 milliards d’euros en 2010 et 105 milliards en 2011, après 238 milliards ces trois dernières années. En outre, la crise des dettes publiques européennes et la rechute des marchés qui s’en est suivie, sont venues rappeler au bon souvenir de tous les opérateurs les risques effectifs et latents. Deutsche Bank chiffre à 4 milliards d’euros son exposition nette aux emprunts d’Etat des pays les plus touchés par la crise des finances publiques (Grèce, Irlande, Italie). Les provisions et les ajustements de valeur à passer, ne serait-ce que sur ce portefeuille, peuvent être douloureux et, mécaniquement, ramener les ambitions bénéficiaires du groupe dans de justes proportions. D’autant que le patron de Deutsche Bank, Josef Ackermann lui-même, dans un élan de realpolitik, a mis en doute la capacité de la Grèce à rembourser sa dette à terme. Or, si la Grèce tombait, Dieu seul sait quels dominos elle entraînerait dans sa chute. Dans un tel environnement économique et financier, les objectifs de la phase 4 de Deutsche Bank sont-ils vraiment réalistes?

Polémique politicienne Autre motif de contrariété pour Deutsche Bank: la rerégulation et l’interventionnisme étatique. La passion des gouvernements, des banques centrales et des instances multilatérales (G20, Comité de Bâle, etc.) pour la réforme du système bancaire se nourrit des chocs successifs d’une crise financière à répétition. Elle est d’autant plus exacerbée que certains politiques, à la recherche de boucs émissaires, n’hésitent pas à jeter les banques en pâture à une opinion publique elle-même fragilisée par la crise.

Deutsche Bank elle-même s’est trouvée au cœur de ces polémiques politiciennes. Dans un entretien de presse, Wolfgang Schäuble le ministre allemand des Finances, ne s’est pas embarrassé de précautions pour attaquer la banque: «Un homme comme le patron de

«Aussi légitimes qu’elles soient, compte tenu des points forts du groupe et de son potentiel en termes de part de marché et d’acquisition, les prétentions de Deutsche Bank pour 2011 ne manquent pas de se heurter à la dure réalité du terrain»

Deutsche Bank trouve qu’un taux de rentabilité de 25% est approprié. Aucune entreprise productive ne peut y parvenir. Nous devons en conclure que le marché financier ne tourne plus que sur lui-même au lieu de remplir sa mission de financer l’économie.» Ce à quoi Josef Ackermann répondait qu’il ne faut pas opposer la morale et la banque. Ceci donne une mesure de l’ambiance politico-réglementaire dans laquelle évolue le secteur bancaire en ces temps de tourmente. Plus prosaïquement, on s’achemine vers un renforcement des contraintes en matière de capital, de liquidité et d’effet de levier, vers un encadrement plus strict des activités (trading pour compte propre, hedge funds et investissement en private equity) et vers un prélèvement fiscal accru pour doter les places financières ou les gouvernements de munitions en cas de crise systémique. A ce stade, Deutsche Bank ne se considère pas pénalisée outre mesure. Elle estime que ce pourrait être aussi une opportunité de créer de nouveaux produits et de nouvelles solutions. Elle pense disposer de liquidités et de fonds propres même si les exigences augmentent. Et, en ce qui concerne la «règle Volker» que les Etats-Unis sont en train d’adopter, un retour au Glass-Steagall Act, qui prévoyait après la crise de 1929 la séparation banque commerciale/banque d’investissement, Deutsche Bank évalue à 2% seulement de ses revenus les activités impliquées. Une passion pour convaincre! ■ J.R.

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PUBLI

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Investir dans l’art, quel art! Depuis mi-2005, le marché de l’art a connu un véritable boom, mais dès 2008, la crise a entraîné une forte correction. Le premier semestre 2009 marque le retour de la croissance sur ce marché. Alors est-ce le moment d’y investir? Pour ne pas tomber dans les pièges de cette classe d’actifs si particulière, quelques conseils permettront aux amateurs de se lancer. Hélène LELIÈVRE

Evolution des prix des œuvres d’art (base 100 dollars en juillet 1990)

106,4

millions de dollars. C’est le montant adjugé le 4 mai dernier lors d’une vente chez Christie’s à New York pour le tableau Nu au plateau de sculpteur de Pablo Picasso. Il occupe la première place du classement des œuvres d’art vendues aux enchères, détrônant ainsi L’homme qui marche, la sculpture de Giacometti qui s’est vendue 104,3 millions de dollars en février dernier. Face à de tels montants, les investisseurs amateurs qui aimeraient se lancer dans l’achat d’œuvres d’art peuvent se trouver un peu décontenancés. Pourtant, il est possible d’investir dans l’art, notamment contemporain, sans dépenser plusieurs centaines de milliers de dollars, en particulier en s’informant auprès des galeries, en visitant les musées, les expositions, en lisant les revues d’art et, surtout, en évitant d’acheter des œuvres déjà reconnues ou à la mode.

Un marché qui reprend des couleurs En raison de sa relative illiquidité, l’art doit faire partie d’un plan d’investissement. Il permet de diversifier ses placements. Au même titre que l’or, il est souvent considéré comme une valeur refuge. Il n’a toutefois pas été épargné par la crise actuelle. Après plusieurs années de baisse, le marché de l’art a progressivement repris des couleurs depuis mi-2005 jusqu’à connaître un véritable boom. Mais, avec la crise, il a connu une forte correction dès 2008 (voir graphique «Evolution des prix des œuvres d’art»). Selon les experts, dans l’histoire du marché de l’art, 2009 s’est inscrite comme l’année de l’assainissement qui a permis d’éviter un krach tant redouté. Au premier

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Source: Tendances du marché de l’art 2009, Artprice.

semestre 2010, l’Art Market Confidence Index (indice de confiance du marché de l’art en temps réel, calculé par Artprice), une des références dans le marché de l’art, enregistre un retour à la hausse. Cet indice est calculé sur un ensemble de pays représentant 90% du marché de l’art. Selon Artprice, les Etats-Unis ont été les premiers à connaître ce retour à la confiance, alors même qu’ils ont été les premiers touchés par la crise du marché de l’art. Ils ont été suivis par l’Europe et l’Asie.

Bien connaître l’objet Comme pour n’importe quel investissement, il importe de bien appréhender le bien que l’on souhaite acquérir. Ainsi, pour une peinture, il s’agit de connaître l’artiste et son histoire. Les spécialistes conseillent de concentrer son investissement sur un secteur particulier (peinture, photographie, sculpture…), en se focalisant sur un ou deux artistes pour en devenir un spécialiste. Pour se constituer une collection, il faudra éviter les achats

coups de cœur et privilégier la connaissance et la recherche d’informations sur l’objet dans les musées, les galeries et les revues. Il n’en demeure pas moins que le collectionneur investira dans des œuvres qu’il aime. C’est un placement différent de celui en actions ou en obligations; dans la mesure où les œuvres peuvent être exposées, il est donc important d’éprouver un certain plaisir lorsque l’on achète un objet. Toutefois, pour éviter au maximum les risques et payer les œuvres au prix le plus juste, le passionnel ne doit pas prendre le dessus sur le rationnel. La cote donne une évaluation du prix. Elle dépend de la technique utilisée (huile, aquarelle, acrylique…), des dimensions du tableau, de la formation de son auteur (c’est-à-dire s’il a suivi une école d’art, qu’il est autodidacte…) de l’expérience et de la renommée de son auteur (en fonction notamment du nombre d’expositions personnelles et collectives, de sa présence dans la presse…) A noter que la cote doit se rapporter à l’œuvre et non à un

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ART artiste. En effet, pour un même artiste, elle peut varier, selon les œuvres, de plus ou moins 30% à critères techniques égaux. Pour connaître la cote, il existe des bases de données spécialisées en art moderne et contemporain qui fournissent aux investisseurs la cote à un moment donné ainsi que son évolution. La plus connue est ArtPrice, une société française.

Comment acheter… Pour acheter une œuvre d’art, les investisseurs ont plusieurs possibilités. Les ventes aux enchères représentent une des manières les plus utilisées pour accéder à ce marché. Il faut toutefois en connaître les principes et les pièges. La première chose à faire avant d’acheter dans une vente aux enchères, c’est de consulter le catalogue de la vente (quand il existe). Il contient les descriptions détaillées des articles, leur provenance, leur signification historique, des photographies, ainsi qu’une estimation de leur valeur. La visite de l’exposition qui précède la vente est également indispensable. Elle permet aux futurs acheteurs de juger de l’état de conservation de l’œuvre et d’y repérer les éventuels défauts. Lors de cette étape, la présence à ses côtés d’un expert des œuvres en question est un atout pour l’investisseur amateur. Lors des enchères, il ne s’agit pas de payer les œuvres plus cher que leur valeur. L’acheteur devra rester serein malgré l’euphorie de la vente. Il devra se fixer une limite à ne pas dépasser et s’y tenir. Pour rester discret, il lui est possible d’envoyer une personne de confiance chargée d’enchérir à sa place ou d’enchérir par téléphone. En outre, les salles de vente permettent également de passer un ordre d’achat en fixant une limite à ne pas dépasser et de les mandater pour enchérir à la place de l’investisseur sur un lot déterminé. Pour les novices, acheter dans une vente aux enchères n’est toutefois pas le meilleur moyen d’entrer sur le marché de l’art. En attendant de se familiariser avec le monde des enchères, mieux vaut faire ses acquisitions chez un marchand compétent. Toutefois, pour ne pas risquer d’acheter une contrefaçon ni de payer trop cher, mieux vaut connaître le fournisseur. Il est donc préférable de s’adresser à des galeries ou des fournisseurs établis, dont la réputation peut être vérifiée, capables de prouver la provenance et l’authenticité de l’œuvre.

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… et revendre? Lorsqu’il veut vendre, l’investisseur peut également passer soit par des enchères publiques, soit par un galeriste ou un marchand d’art. L’avantage des enchères réside principalement dans leur caractère public; ce qui augmente les chances de vendre les objets. Elles sont transparentes. En outre, le vendeur fixe, en accord avec la salle des ventes ou non, un prix de réserve, c’est-àdire un prix au-dessous duquel il ne vendra pas son objet. Si ce montant minimum n’est pas atteint, il conservera l’objet en question. Cela évite de subir les aléas du marché. Mais les enchères présentent l’inconvénient de faire augmenter la facture. Les salles des ventes se rémunèrent, en effet, en prélevant une commission qui est fonction de la valeur du bien (et non du prix d’adjudication). Par ailleurs, c’est le plus souvent le vendeur qui s’acquitte des frais (transport, assurance, etc.) De son côté, la vente directe ou par l’intermédiaire d’un galeriste ou d’un marchand

L’ART

d’art a aussi ses avantages, notamment des frais limités, la rapidité des transactions – à condition de s’adresser aux bonnes personnes – et la discrétion. Du côté des inconvénients, on compte, par exemple, le manque de transparence lorsque le vendeur commissionne une personne pour vendre à sa place ou le risque de ne pas vendre son œuvre immédiatement.

Les ventes sur le Net Depuis quelques années, Internet a vu fleurir une grande quantité de galeries virtuelles qui proposent de vendre les œuvres des artistes. Une fois encore, méfiance, il convient de bien se renseigner, non seulement sur l’artiste et sur l’œuvre mais également sur le site Internet. Ces galeries permettent toutefois de découvrir des artistes encore méconnus et de réaliser parfois de bonnes affaires. ■

DANS

H.L.

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Jean-Michel Basquiat, Light Blue Movers, 1987, acrylique et pastel gras sur toile, 274 x 285 cm. Collection particulière, Martigny © 2010, ProLitteris, Zurich

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ENJEUX Nous allons loin pour trouver les meilleurs talents!

chasseurs de talents info@job-selection.ch

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ENJEUX

CFINANCIALS.COM

PRODUITS FINANCIERS

L’offre mondiale en trois clics Le portail de données financières Cfinancials.com est opérationnel depuis janvier dernier. A ce jour, il donne des informations factuelles sur 6,5 millions de produits financiers, qui vont des fonds de fonds aux hedge funds, en passant par les obligations, les options ou les swaps, sans oublier les fonds de private equity ou les produits structurés et, prochainement, les CDO et les CDS-MBS. Entretien avec Michael Heijmeijer, fondateur et CEO de Cfinancials.com. Banque & Finance: Pour répondre à quels besoins des investisseurs avez-vous créé le portail Cfinancials. com? MICHAEL HEIJMEIJER: Il s’agit d’offrir aux investisseurs privés, professionnels et institutionnels un outil de travail performant, exhaustif et évolutif en matière d’informations financières factuelles et, de surcroît, gratuites, sur l’ensemble des produits financiers que nous avons répartis en 24 classes d’actifs. Il s’inscrit ainsi à la pointe de la transparence, vue sous l’angle de la visibilité de 98% des produits financiers existants. 6,5 millions de données sont actuellement disponibles selon des critères de recherche et des paramètres spécifiques. Cependant, notre système en totalise déjà 9,5 millions qui seront progressivement distillées dans le portail Cfinancials.com. Cette diffusion de l’information par paliers permet de mieux quantifier les demandes des investisseurs, au nombre de 8000 quotidiennement, et de distinguer précisément les catégories d’internautes visiteurs. Toutes nos données et les cours de clôture à Wall Street sont fournies par nos partenaires Six Telekurs, Thomson Reuters, Dow Jones et Interactive Data. B&F: Sachant que l’accès à Cfinancials.com est gratuit, quelles sont alors ses sources de financement? M.H.: Nous commercialisons des espaces publicitaires sur le portail pour l’insertion de visuels et de promotions de produits

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financiers sous différentes formes. Nous proposons également des services payants, accessibles par login aux investisseurs professionnels et aux institutionnels, qui apportent de la valeur ajoutée aux informations financières fournies. Il s’agit, par exemple, d’études analytiques sur des produits et comparatives entre eux sur la base de données chiffrées et de graphiques, ou de toute autre version personnalisée sur demande. Selon notre plan d’affaires, 90% de nos recettes doivent provenir de nos services payants et le solde de la publicité. B&F: A terme, pourriez-vous offrir des services de gestion active? M.H.: Nous pourrions choisir cette orientation, mais nous ne l’envisageons pas. Nous préférons guider l’investisseur privé vers les prestataires de produits financiers, en lui fournissant des études approfondies sur telle banque ou société de fonds, par exemple. B&F: Pourriez-vous mettre en place des partenariats avec des banques en ligne telles Swissquote ou Saxo Bank, pour ne citer que celles-ci? M.H.: Nous avons rencontré quelques dirigeants de banques en ligne à des fins exploratoires. Il existe de fait des synergies à développer. Mais notre volonté d’exhaustivité et de transparence dans la présentation de tous les produits financiers existants ne correspond ni à leur stratégie commerciale ni à leur plan d’affaires.

«Nous présentons 98% des produits financiers existants» MICHAEL HEIJMEIJER – CFINANCIALS.COM

B&F: Quel a été l’investissement nécessaire à la conception des logiciels, puis au lancement de Cfinancials.com, et de quel montant avez-vous besoin pour financer ses innovations? M.H.: Les développements et la mise en place de Cfinancials ont nécessité plusieurs millions de francs suisses, qui ont été financés par des investisseurs privés et des sociétés de private equity suisses et étrangères. J’ai moi-même investi mes propres fonds acquis au cours de mon activité précédente de banquier d’investissement que j’ai menée durant quinze ans à Hongkong, aux Etats-Unis et en Suisse. Pour financer nos innovations technologiques et recruter une cinquantaine de collaborateurs dans le canton de Vaud, nous sommes en discussion avec des sociétés de private equity et de venture capital pour un montant à investir de l’ordre de 10 à 20 millions de francs. B&F: Pourquoi avez-vous choisi une implantation à Lutry plutôt qu’à Genève ou Zurich, voire même Londres ou New York? M.H.: Le canton de Vaud a facilité grandement l’implantation de notre société à Lutry et l’a exemptée d’impôts sur les bénéfices, pendant dix ans. En outre, la qualité et le cadre de vie y sont tellement superbes! ■

Propos recueillis par Didier PLANCHE

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SOLUTIONS BANCAIRES

Avaloq poursuit sa stratégie à l’international L’éditeur suisse de logiciels bancaires Avaloq continue son expansion en Suisse et à l’international malgré un contexte économique peu favorable à l’industrie financière. Frédéric Kemp, Country Manager Luxembourg pour Avaloq Evolution AG, nous détaille la stratégie et les ambitions du groupe. Interview. Propos recueillis par Olivier VACHERAND

Banque & Finance: Nous connaissons la crise financière la plus grave depuis celle des années 30. Comment le groupe Avaloq traverse-t-il cette période troublée dans les différents marchés? FRÉDÉRIC KEMP: Avaloq a connu un début d’année 2009 fulgurant: cinq banques ont adopté l’Avaloq Banking System quasiment en même temps. Nous avons ainsi franchi une étape importante dans l’histoire de notre entreprise, et avons montré à cette occasion que nous sommes capables de gérer plusieurs projets en même temps et de les mener à bien. En outre, Avaloq a continué de développer sa stratégie d’internationalisation. Nous avons acquis l’an dernier, avec les banques Nomura et DBS, deux références asiatiques importantes, et avons considérablement renforcé notre présence, notamment à Singapour. Parallèlement à cela, nous avons ouvert des succursales sur de nombreux marchés internationaux importants, en Allemagne et en Autriche par exemple. Ces deux marchés offrent un grand potentiel pour les solutions bancaires de base. Les deux années que nous venons de vivre sont empreintes de paradoxes: d’un côté, les banques ont, pour beaucoup d’entre elles, reporté leurs décisions d’investissement, tandis que, d’un autre côté, bon nombre d’établissements financiers se sont montrés plus ouverts que d’habitude aux innovations susceptibles d’améliorer leur efficience et leur productivité dans le cadre de leurs activités de base, et de leur apporter davantage de transparence.

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«Avec la crise, beaucoup de banques ont reporté leurs décisions d’investissement, d’autres se sont montrées plus ouvertes que d’habitude aux innovations susceptibles d’améliorer leur efficience, leur productivité et de leur apporter davantage de transparence» FRÉDÉRIC KEMP – AVALOQ

L’année 2010 s’est, jusqu’à présent, révélée prospère pour nos activités, et nous sommes convaincus que nous sommes sur la bonne voie. De plus, 2009 a été une très bonne année pour Avaloq à Luxembourg, avec la mise en production de l’Avaloq Banking System par deux clients locaux, à savoir la banque LBBW Luxembourg SA ainsi que la prestigieuse Banque de

Luxembourg. Ces mises en production se sont accompagnées de l’augmentation de nos équipes locales. B&F: Comment se porte le marché du logiciel bancaire dans un contexte troublé marqué par les incertitudes sur l’avenir en matière de private banking offshore en Suisse?

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AVALOQ F.K.: Nous sommes convaincus que le contexte particulier que nous connaissons actuellement n’est, fondamentalement, pas négatif pour le marché du logiciel. Celui-ci impose de facto des changements et adaptations aux banques qui nécessitent de plus en plus une architecture logicielle performante, flexible et efficace. De plus, une pression accrue est exercée sur le rapport coûts/revenus (cost/income ratio); ce qui nécessite, pour les institutions financières,

«Avec l’Avaloq Community, nous entretenons une communauté dynamique où les spécialistes informatiques des clients, mais aussi nos partenaires et nos équipes échangent leurs expériences»

d’adresser simultanément les deux aspects de cette équation, à savoir la maîtrise des coûts et l’augmentation de leurs revenus. Nous investissons énormément sur ce dernier point et sur la capacité que nous avons à permettre à nos clients de toujours mieux servir leurs clients. Un regard particulier est accordé aux activités «front» de la banque. Les institutions financières doivent partiellement se réinventer et, dès lors, revoir les systèmes qui supportent leurs processus. Notre objectif est de les accompagner au mieux dans leur évolution. B&F: Vous venez de remporter plusieurs succès commerciaux en direct ou via votre partenaire B-Source. Quelles sont les raisons de ces succès? Quels sont les atouts de votre plateforme par rapport à la concurrence? F.K.: Notre stratégie commerciale est for tement liée à notre réelle volonté de développer des partenariats forts avec nos différents clients. Une des raisons de notre succès réside sûrement dans la confiance que nos clients (et futurs clients) nous accordent quant à notre capacité à accompagner le développement de leur business. Ensuite, du point de vue plateforme, des atouts comme la facilité d’utilisation de notre logiciel, sa puissance fonctionnelle ou son intégration aisée dans l’architecture

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applicative des banques constituent des avantages importants. De plus, nous mettons énormément l’accent sur l’innovation, en collaboration active avec l’ensemble des membres de notre communauté ainsi que sur la qualité de notre logiciel. Nos clients doivent pouvoir s’appuyer pleinement sur l’Avaloq Banking System afin de se concentrer sur le développement de leurs affaires. De plus, début 2010, les banques NBAD Private Bank (Suisse) SA et NZB Neue Zürcher Bank ont mis en service avec succès l’Avaloq Banking System en tant que service proposé par notre partenaire BSource. Les atouts de l’Avaloq Banking System peuvent désormais être également utilisés par les banques de plus petite taille. B&F: Dans quels domaines portent actuellement vos travaux de recherche et développement? F.K.: Les développements d’Avaloq vont aujourd’hui dans le sens de la mise à disposition de solutions préconfigurées pour chaque type de clientèle, que ce soient des banques privées, de détail, transactionnelles, etc. L’ambition est de répondre plus rapidement aux demandes spécifiques de chacun de ces métiers. De plus, dans la logique de «cost/income ratio» évoquée cidessus, nous travaillons activement à la réduction accrue des coûts liés à la possession du système Avaloq (fonctionnement, upgrade, paramétrisation…) En parallèle, nous améliorons en permanence les fonctionnalités «front». La mise à disposition de notre nouvelle interface client (GUI) contribue notamment à accroître l’utilisabilité du logiciel. Dans cette logique, différentes fonctionnalités viendront bientôt compléter les outils du gestionnaire, en vue de lui permettre de toujours mieux servir ses clients. Des

évolutions fonctionnelles dans le domaine du risk management sont également en développement. L’objectif final est donc d’augmenter la «valeur totale de possession» de l’Avaloq Banking System pour nos clients. B&F: Comment êtes-vous organisés en matière d’implémentation de vos plateformes? En interne ou avec des partenaires d’implémentation? F.K.: Notre compétence majeure réside dans la création de logiciels bancaires. Pour pouvoir introduire l’Avaloq Banking System au sein d’une banque, il faut comprendre les spécificités du client et les intégrer au produit, c’est-à-dire qu’à partir de la base de données de référence du système, il faut forger une banque à la fois fortement standardisée et hautement individualisée. Nos partenaires d’implémentation maîtrisent cet art. Actuellement, nous comptons davantage de spécialistes Avaloq certifiés dans notre réseau de partenaires que de collaborateurs internes. La qualité des projets d’implémentation est très élevée. Si le client le souhaite, Avaloq peut également diriger et garantir le projet comme entreprise générale. Avec l’Avaloq Community, nous entretenons d’ailleurs une communauté dynamique où les spécialistes informatiques des clients, mais aussi nos partenaires et nos équipes échangent leurs expériences. Nos clients montrent un vif intérêt à s’investir, à contribuer à façonner l’Avaloq Banking System. L’Avaloq Community concentre des trésors de savoir-faire et d’expertise dont chacun peut profiter. B&F: Vous revendiquez une position de leader en Suisse. Qu’en est-il à l’international? Quelles sont vos ambitions en

Avaloq en bref Le groupe Avaloq se présente comme le leader suisse des logiciels bancaires standardisés. 44 clients avec plus de 65 banques et plus de 300 branches et succursales à travers le monde font déjà confiance à l’Avaloq Banking System, une solution bancaire universelle intégrée et modulaire qui s’adresse à toutes les banques privées, grand public et universelles ainsi qu’aux gestionnaires de fortune et aux banques de transaction. Avaloq offre, en outre, des prestations de services couvrant l’ensemble du cycle de vie du logiciel bancaire. L’Avaloq Academy assure la formation des clients pour leur permettre de développer eux-mêmes leur Avaloq Banking System. L’Avaloq Community constitue, pour plus de 35 000 utilisateurs, partenaires et collaborateurs, une plateforme d’échange de savoir-faire et d’innovations. Avaloq est présente à Zurich et en d’autres endroits de Suisse et possède des succursales à Luxembourg, Francfort, Vienne, Moscou, Dubai, Singapour, Londres et Hongkong. La stratégie d’internationalisation poursuivie par Avaloq prévoit l’ouverture de bureaux supplémentaires. ■

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SOLUTIONS BANCAIRES la matière? Vos ambitions internationales sont-elles liées aux incertitudes quant à la pérennité du modèle de private banking offshore en Suisse? F.K.: La stratégie d’internationalisation d’Avaloq remonte à 2006-2007 et à l’ouverture de nos premières filiales étrangères, à savoir Luxembourg et Singapour. Celle-ci a donc peu à faire avec les incertitudes mentionnées, mais plus avec notre volonté d’accompagner un certain nombre de clients suisses et internationaux dans leur stratégie de croissance. Dans ce cadre, notre ambition est d’être présents dans différents grands centres financiers et de développer notre part de marché également en dehors de la Suisse. Au Luxembourg, où la place financière est relativement comparable à celle de la Suisse, nous occupons maintenant une certaine place sur le marché et disposons d’une réelle reconnaissance. La mise en production de l’Avaloq Banking System par la banque LBBW Luxembourg SA ou la Banque de Luxembourg nous a beaucoup aidés à cet égard. Nous venons d’ailleurs de signer un nouveau contrat à Luxembourg avec une autre banque allemande. Certains clients suisses sont également en passe de déployer notre système dans leur filiale luxembourgeoise. En Allemagne, il est plus difficile de prendre pied sur le marché, notamment parce que les banques proposent souvent ellesmêmes aussi des solutions ASP pour des groupes de banques. Les décisions sont donc fréquemment d’ordre politique. Nous avons constaté que la décision de miser sur la solution d’un prestataire de renom comme SAP est bien souvent mieux assumée par les parties prenantes des

«L’accent est mis sur le “going-onshore” pour nos clients suisses, c’est-àdire l’expansion en Europe ou sur les marchés de croissance»

banques, bien que notre solution n’ait pas à rougir en comparaison, bien au contraire. Par ailleurs, la volonté de remplacer les

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AVALOQ

le «Banking made in Switzerland». Elle est mise au point en Suisse, ce qui est gage d’une grande proximité avec les spécialistes bancaires. Notre succès croissant à l’étranger témoigne de notre capacité à répliquer les besoins de nos clients dans la solution bancaire globale. Nombre de nos clients en Suisse réagissent aux pressions politiques par une stratégie d’expansion onshore. Avaloq leur fournit, sur leurs marchés cibles, la solution informatique de premier plan à laquelle ils sont habitués sur le marché suisse, particulièrement exigeant et réglementé. Nous permettons ainsi à notre clientèle de pratiquer le «Swiss Banking» en Allemagne, en Grande-Bretagne, au Luxembourg, en Europe de l’Est, en Asie ainsi que sur d’autres marchés de croissance. Nous l’accompagnons sur place en créant une filiale ou en nous assurant les services d’un solide partenaire d’implémentation. Dans le cas de l’Allemagne, la proximité culturelle, spatiale et linguistique facilite grandement les choses.

«Les institutions financières doivent partiellement se réinventer et, dès lors, revoir les systèmes qui supportent leurs processus» FRÉDÉRIC KEMP – AVALOQ

anciennes structures par de nouvelles dotées d’une plus grande souplesse est nettement moindre qu’en Suisse, par crainte d’un risque éventuel, d’une opération à cœur ouvert. Quoi qu’il en soit, depuis début 2010, une banque de renom, LGT Group, mise sur l’Avaloq Banking System, pour la première fois en Allemagne. Qu’Avaloq soit né sur le marché financier suisse, un marché complexe, suscite une grande confiance dans tout l’espace de l’UE. B&F: En Suisse, l’Avaloq Banking System vous a permis de devenir le leader du marché. Quelle importance revêt l’aspect «Swiss Banking»? F.K.: Notre solution est imprégnée de l’esprit de qualité du marché financier helvétique. Elle symbolise pratiquement

B&F: Vous disposez de représentations à Luxembourg, Francfort, Vienne, Moscou, Dubai et Singapour. Quelles sont les prochaines étapes de votre développement? F.K.: Sur le marché suisse, il s’agira pour Avaloq de renforcer sa position de leader. En Suisse, le marché est déjà très sophistiqué. En termes de logiciels bancaires, les banques sont à un stade très avancé par rapport à leurs concurrents implantés à l’étranger. L’accent sera mis sur le «goingonshore» pour nos clients suisses, c’est-àdire l’expansion en Europe ou sur les marchés de croissance. Et là, nous sommes sur la bonne voie. En Allemagne, par contre, les banques ne sont pas aussi développées qu’en Suisse pour ce qui est des solutions informatiques bancaires. En outre, les dispositions réglementaires y sont encore plus complexes. Nous entendons montrer aux banques qu’elles ne peuvent plus renoncer à une solution bancaire standardisée. En Asie, nous nous emploierons à consolider notre positionnement favorable sur le marché. Làbas aussi, un grand potentiel s’offre à Avaloq. Enfin, même si des défis de taille nous attendent à l’avenir, nous sommes bien armés pour pouvoir les relever. ■

O.V.

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NEWS Changements à la direction de B-Source

Werner Hoppler.

Markus Gröninger.

Werner Hoppler, CEO de B-Source, prendra sa retraite fin octobre 2010. Il deviendra alors membre du Conseil d’administration du leader suisse de la fourniture de services de back-office et IT (BPO) aux banques privées et universelles. B-Source offre aussi des services d’IT Outsourcing (ITO) à l’industrie financière, aux assurances ainsi qu’à d’autres industries sélectionnées. C’est Markus Gröninger qui succédera à Werner Hoppler à la tête du Directoire le 1er octobre prochain. Markus Gröninger (53 ans) a été vice-président et Country Leader d’Oracle Suisse au cours des trois dernières années. De 2002 à 2007, il a officié en qualité de CEO et administrateur délégué chez CSC Switzerland, ainsi que de Head of Market and Business Development pour l’Allemagne, la Suisse, l’Autriche et l’Europe de l’Est à compter de 2006. Fondée en 1995, B-Source est aujourd’hui présente à Lugano, Bâle, Lucerne, Nyon, Saint-Gall, Winterthour, Zurich et Munich, et dispose de centres de données à Lugano et à Zurich. La société compte aujourd’hui quelque 600 collaborateurs. ■

CARRIÈRE Filiale suisse du groupe MicropoleUnivers spécialisée dans le conseil et l’ingénierie, Cross Systems a nommé Pascal Travers au poste de directeur de Pascal Travers. marché pour les secteurs de la banque et de l’assurance. Sa mission: développer ces secteurs dans les différents domaines de compétence de la société: business intelligence, e-business, génie logiciel et ERP. Depuis 2007 et jusqu’au rachat de l’entreprise par Temenos, Pascal Travers était en poste chez Viveo Trade & Finance, éditeur spécialisé dans la fourniture de solutions aux négociants de matières premières et aux banques de financement du négoce. ■

EN BREF La Caisse d’Epargne de Nyon (CEN) a signé un accord d’outsourcing pour la plateforme e-banking IBServices d’Isys. Isys IBServices sera interfacée avec la solution FinStar délivrée par Hypo Lenzburg. La mise en production est planifiée au 4e trimestre 2010. Isys connaît, ces derniers mois, un succès croissant avec sa plateforme e-banking déjà interfacée avec plusieurs «core systems» du marché. La signature de CEN intervient juste trois mois après la mise en production chez SBT Bellinzone (Società Bancaria Ticinese). Le groupe Avaloq renforce sa présence en Asie en ouvrant une succursale à Hongkong. L’Avaloq Banking System est déjà utilisé à Hongkong par RBS Coutts et deux banques asiatiques, DBS et Nomura, qui utilisent le logiciel depuis début mars dernier. Des développements internationaux (voir p. 68) qui ne marquent pas pour autant un désintérêt pour le marché suisse puisque l’éditeur signe également un beau succès commercial avec la Banque Cantonale d’Argovie qui fonctionne avec Avaloq depuis début mai 2010, tout comme sa filiale AKB Privatbank Zürich AG. C’est la 6e banque cantonale qui fait le choix d’Avaloq.

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New Access SA, éditeur suisse de progiciels bancaires, annonce que la Banque Pâris Bertrand Sturdza SA a choisi la solution Logical Access Suite pour la gestion électronique sécurisée de ses documents. L’établissement a choisi la solution de New Access notamment pour sa modularité, qui lui permettra d’acquérir différents modules métiers spécifiques ou progiciels au fur et à mesure de son développement, comme le reporting client. La RBS Coutts Bank SA a fait appel à Swisscom pour l’infrastructure réseau de son siège de Zurich et de ses trois succursales suisses. L’établissement a choisi LAN-I over IPSS avec DualNet de Swisscom et dispose ainsi de deux infrastructures réseau indépendantes et physiquement séparées, avec réseau d’accès et réseau backbone distincts. Une architecture qui donne la garantie d’un maximum de disponibilité du réseau et de sécurité contre les défaillances. Sterci France, filiale française de Sterci SA, éditeur suisse de solutions STP pour le monde financier, annonce que SCOR, le géant de la réassurance, est en production

depuis le 3 mai 2010 sur sa suite de produits SWIFT – Steform, Stematch et SWIFT Service Bureau. Cette première phase du projet concerne la mise en communication de SCOR Global Investments avec ses dépositaires titres via le réseau SWIFT, l’automatisation et la transformation du passage d’ordres en provenance de Simcorp Dimension et la réconciliation des positions titres et relevés cash. En outre, l’éditeur genevois annonce le renouvellement de sa certification SWIFT pour la version 3.3 de Steform. La société Entris Banking SA a décidé de proposer désormais à ses banques clientes l’outil de contrôle Finnova Control. A la suite de la migration des banques RBA vers la plateforme Finnova, Banque Valiant SA et le groupe Clientis vont adopter Finnova Control. Ce produit dédié à la gestion bancaire intégrée est le fruit de la coopération stratégique et partenariale entre Finnova AG Bankware, CPU Finsys Bankensoftware SA et msgGillardon AG sous la dénomination Finnova GBS. A ce jour, plus de 30 banques se sont dotées de l’outil de gestion bancaire intégrée Finnova Control.

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HISTOIRE ACCORD DE WASHINGTON 1946

La victoire modeste de Walter Stucki Depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, le blocage des avoirs allemands en Suisse entraînait le blocage des avoirs suisses aux Etats-Unis. Pour obtenir une normalisation des relations avec les Etats-Unis, le Conseil fédéral de l’époque a su attendre le moment favorable avant d’engager les négociations. Mohammad FARROKH

L

e lundi 11 mars 1946, c’est dans un Douglas D-C 2 de la Swissair que la délégation suisse, emmenée par Walter Stucki, s’envolait de l’aéroport de Cointrin. A Paris, la délégation suisse prenait place dans un avion américain qui, avec escales en Irlande et à Terre-Neuve, devait la conduire à Washington où elle allait effectivement arriver au soir du 12 mars. Sur les photos d’époque, figurent une dizaine de personnalités dont la Suisse attendait beaucoup. Car, depuis la fin de la guerre, le blocage des avoirs allemands en Suisse entraînait également le blocage des avoirs suisses aux Etats-Unis. La question des listes noires, essentielle pour les banques, restait également en suspens. Dressées par les Alliés, ces listes noires empêchaient notamment les transferts des actions des sociétés qui y figuraient. Plus grave encore, le climat de suspicion qui régnait entre la Suisse et les Alliés l’empêchait de trouver sa juste place dans le monde de l’après-guerre qui se mettait en place autour d’elle.

Le sang froid du Conseil fédéral Pourtant, avec beaucoup de sang-froid, le Conseil fédéral de l’époque, qui disposait encore des pleins pouvoirs du temps de guerre, ne s’était pas précipité aux EtatsUnis dès les premières pressions. Après avoir bloqué les avoirs allemands en Suisse, le 16 février 1945, le Conseil fédéral publiait, le 29 mai, un arrêté instituant l’obligation de les déclarer. Les 3 et 4 août, les représen-

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tants des trois puissances occidentales communiquaient que les Alliés faisaient valoir un droit de contrôle ou de propriété sur les avoirs allemands détenus en Suisse. L’argument était simple: la capitulation allemande avait livré le pays aux puissances occupantes qui pouvaient désormais disposer à leur guise de ses avoirs. Le 30 octobre, les commandements supérieurs des Alliés décidaient le transfert pur et simple des avoirs allemands dans les pays neutres, qui devaient revenir au «conseil de contrôle allié». Pendent ce temps, les Suisses faisaient preuve d’une certaine bonne volonté, informant les Alliés du recensement des avoirs allemands en Suisse, mais sans prendre des mesures pour leur transfert.

«Les Alliés faisaient valoir un droit de contrôle ou de propriété sur les avoirs allemands détenus en Suisse»

Sur les «longs pourparlers, conduits par la voie diplomatique», évoqués par le Conseil fédéral dans un Message du 14 juin 1946, aucune précision. En tout état de cause, la pression allait encore s’intensifier au début de l’année 1946: le 11 février, les Alliés portaient officiellement à la connaissance de la Suisse l’existence de la décision du 30 octobre 1945. Mais déjà le monde de l’après-guerre n’était plus aussi simple qu’à l’automne de 1945. La tension s’accroissait entre les alliés d’hier, rendant à la Suisse un peu de la marge de manœuvre qu’elle avait pour ainsi dire totalement perdue au moment de la

conférence de Potsdam. Le 5 mars 1946, Winston Churchill faisait son fameux discours au Westminster College de Fulton, où il constatait que «de Stettin sur la Baltique à Trieste sur l’Adriatique, un rideau de fer est descendu sur le continent». Le département politique fédéral allait très vite prendre la mesure de ce contexte nouveau: le 11 mars, donc, la délégation suisse s’envolait pour Washington, et le 18 mars, les pourparlers commençaient pour de bon. Ils allaient s’étendre sur deux mois.

Une politique étrangère active Le chef de la délégation Walter Stucki était un personnage considérable. Le 27 août 1944, le diplomate suisse avait reçu l’hommage des vichyssois pour avoir sauvé de la destruction l’éphémère capitale de «l’Etat français» où il avait été Ministre de Suisse pendant les heures sombres de l’Occupation. Revenu à Berne, Walter Stucki avait, sous la direction du conseiller fédéral Max Petitpierre, procédé à la réorganisation du département politique fédéral. En septembre 1945, un plan d’ensemble avait été approuvé par les Chambres fédérales, comportant notamment le renforcement des effectifs et la création de nouvelles légations. Bref, la Suisse se dotait des moyens d’une politique étrangère active. Walter Stucki était accompagné, notamment, du directeur de l’Administration fédérale des finances et du directeur général de la Banque Nationale. La position de William Rappard était un peu particulière: il devait assister les délégués suisses en sa qualité de conseiller, tout en faisant des conférences aux Etats-Unis. Avant de fonder, en 1928, l’Institut universitaire de hautes études internationales, le professeur gene-

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ACCORD DE WASHINGTON vois avait, dans les années 1918-1920, joué de son influence aux Etats-Unis pour obtenir le choix de Genève pour l’installation du siège de la Société des Nations. En 1946, le réseau de contacts du professeur genevois n’était peut-être plus ce qu’il avait été à l’époque du président Wilson. Mais son expérience des relations internationales était précieuse et il pouvait apparaître comme le représentant de cet esprit de Genève en panne depuis 1940, alors que le Palais des Nations, inauguré en 1936, avait sombré dans une léthargie profonde. L’un des mérites de l’Accord de Washington allait être de permettre sa reprise par l’ONU, après la liquidation formelle, en 1947, de la SdN.

Un pénible marchandage Les négociations se déroulèrent en deux phases. Dans un premier temps, Suisses et

Américains campaient sur des positions maximalistes: pour les premiers, il s’agissait d’obtenir la reconnaissance du principe de

«Déjà au cours de la première semaine des négociations, il apparut que les conceptions juridiques des deux parties s’opposaient de façon absolue et inconciliable» CONSEIL FÉDÉRAL – MESSAGE

DU

14 JUIN 1946

la compensation des avoirs allemands en Suisse par les avoirs suisses en Allemagne. Quant aux Américains, ils revendiquaient, au nom des Alliés, la mise à disposition sans L’ART

DANS

contrepartie de tous les avoirs allemands en Suisse, y compris lorsqu’ils appartenaient à des Allemands qui y étaient domiciliés. Dans son Message du 14 juin 1946, le Conseil fédéral résume l’incompatibilité des points de vue dans toute sa brutalité: «Déjà au cours de la première semaine des négociations, il apparut que les conceptions juridiques des deux parties s’opposaient de façon absolue et inconciliable.» Il appartenait, cependant, à la Suisse de faire le premier pas et de céder un peu de terrain, par réalisme politique mais aussi parce que les avoirs suisses en Allemagne étaient beaucoup plus élevés en valeur que les avoirs allemands en Suisse. «Il ne s’agissait plus tant de questions juridiques que de questions d’intérêts matériels», admet le Conseil fédéral avec une étonnante franchise. Dans cette perspective, le Conseil fédéral allait assouplir sa position, permettant

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HISTOIRE l’ouverture d’une deuxième phase des négociations. Le 11 avril 1946, Walter Stucki faisait savoir aux Alliés que la Suisse était disposée à céder une partie du produit de la liquidation des avoirs allemands en Suisse et à verser un «certain montant» en règle-

«Il fut convenu de la répartition à parts égales du produit de la liquidation des avoirs allemands en Suisse»

ment de la question de l’or. Celle-ci était plus difficile encore, les achats de métal jaune de la Suisse pendant la guerre ayant largement excédé les disponibilités de l’Allemagne au début du conflit. Sans mettre la bonne foi de la Banque Nationale Suisse en discussion, les Alliés prétendaient que celle-ci avait acquis de l’or volé par l’Allemagne pour une valeur minimale de 200 millions de dollars. Malgré la bonne volonté manifestée du côté

ACCORD DE WASHINGTON suisse, les négociations allaient reprendre dans un climat toujours tendu. Le Conseil fédéral parle de «marchandages assez pénibles» qui devaient, toutefois, déboucher sur un accord donnant, en partie, gain de cause aux négociateurs suisses. Il fut convenu de la répartition à parts égales du produit de la liquidation des avoirs allemands en Suisse, dont la moitié seulement allait donc venir en compensation des dommages subis. La question de l’or devait s’avérer encore plus épineuse, se soldant par l’obligation pour la Suisse de verser un montant libératoire de 250 millions de francs-or. «Nous pouvons considérer cette somme relativement importante comme une contribution de la Suisse à la reconstruction de l’Europe», devait commenter le Conseil fédéral. En bon diplomate, Walter Stucki s’abstenait de tout triomphalisme à l’issue de l’accord conclu le 26 mai 1946. Le 29 mai, avant de rentrer en Suisse accompagné par le reste de la délégation à l’exception du professeur William Rappard, le sauveur de Vichy avait

L’ART

DANS

qualifié publiquement les résultats de la négociation de «seulement acceptables». Sur les avantages retirés par la Suisse de l’Accord de Washington, il estimait que la suppression des listes noires était «de beaucoup le plus important». Le 30 mai au soir, un quadrimoteur de la TWA atterrissait à Cointrin. Les membres de la délégation étaient particulièrement heureux d’être de retour: les «formalités» de départ des EtatsUnis, même pour ces personnalités de statut diplomatique, avaient duré pas moins de six heures! D’ultimes tracasseries révélatrices d’une réelle frustration américaine: certains observateurs estimaient que Walter Stucki s’en était sorti haut la main. Dans la presse française notamment, la «reconnaissance de la validité de transferts frauduleux d’or pillé», était qualifiée «d’outrageante». D’aucuns regrettaient que la Suisse n’ait pas dû faire plus de concessions en échange de son admission à l’ONU. Mais elle s’était bien gardée de la demander, et la question n’allait pas revenir à l’ordre du jour avant quatre décennies. ■ M.F.

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LIVRES PRO Plaidoyer pour l’analyse de la réglementation Les acteurs des marchés financiers sont soumis à une pression réglementaire croissante et la crise financière récente a accentué cette tendance. Critique vis-àvis de cet interventionnisme, l’industrie financière demande au régulateur qu’il intègre les facteurs coûts et efficacité dans la conception de ces règles. L’utilisation d’analyses coûts/bénéfices pourrait contribuer à mettre en place les bases d’un débat plus serein autour de la réglementation des marchés financiers. Mais, étant donné la complexité du secteur, le recours aux méthodes classiques ne donne pas de résultats satisfaisants: ils sont souvent trop partiels. Une méthode capable d’intégrer éléments quantitatifs et qualitatifs est nécessaire. C’est le cas du «Regulatory Scorecards», une méthode qui permet de dégager systématiquement les coûts/bénéfices des différentes règles et ce, pour l’ensemble des parties prenantes (l’auteur le montre d’ailleurs à l’aide de l’analyse des implications de Bâle II). Cette analyse constitue donc une base solide à partir de laquelle il devient possible d’améliorer l’efficacité de la réglementation et de favoriser son acceptation par les acteurs concernés. Les outils sont disponibles, mais comme le conclut l’auteur, «pour aboutir à une application réellement axée sur la pratique, il faut établir un dialogue étroit entre les régulateurs, les intermédiaires financiers et les chercheurs». ■ Kosten-/Nutzenanalyse mit Regulatory Scorecards – am Beispiel der Finanzmarktregulation, Stephan A. Zwahlen, Band 393, Haupt Verlag, 226 pages, CHF 49.–

Structured Products Guide Switzerland 2010 Destiné à des investisseurs professionnels en quête de transparence dans l’univers parfois confus des produits structurés, l’édition 2010 du Structured Products Guide Switzerland est parue. Ouvrage à vocation pratique présenté dans un format réduit, ce guide présente les principaux émetteurs de produits structurés en Suisse (adresse, personnes de contact, domaine d’expertise, exemples de produits et services). L’édition 2010 a été augmentée de trois nouveaux chapitres: «Food for Thoughts», «Facts and Figures» et «Products Gallery». Le premier d’entre eux présente une collection de tableaux et graphiques sur les marchés financiers, dont le fameux tableau périodique de rendement des différentes classes d’actifs depuis 1990. «Facts et Figures» couvre de nombreuses statistiques sur les produits dérivés en Suisse, tandis que «Products Gallery» introduit des exemples réels et concrets de produits structurés à caractères originaux et différents. ■ Structured Products Guide 2010, Markets Tools Edition, disponible sous www.marketstools.com. CHF 50.–

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Capital Markets & EAM Desks Guide Avec plus de 2000 tiers gérants (EAM – External Asset Managers) et quelque 500 milliards de francs d’actifs sous gestion, le marché des gestionnaires indépendants est stratégique pour les banques. Dans ce contexte, les desks tiers-gérants des banques jouent un rôle clef grâce à leur infrastructure et leurs équipes qui facilitent le dépôt et la gestion des actifs de leurs clients. Capital Markets & External Asset Manager (EAM) Desks Guide est la première plateforme qui permet aux principales banques en Suisse de présenter en détail leurs desks pour tiers-gérants. Il comprend également quelques statistiques sur les sociétés de gestion indépendantes. La liste des EAM desks est disponible également à l’adresse: www.assetsmonitor.com. La deuxième partie du guide est un véritable vademecum des marchés financiers dans un format composé essentiellement de graphiques et de tableaux: rendements des différentes classes d’actifs sur des périodes allant de trois ans à cent cinquante ans, analyses des marchés actions sous la Seconde Guerre mondiale, bulles et krachs boursiers, etc. Un ouvrage synthétique particulièrement instructif pour les professionnels de la finance. ■ Capital Markets & EAM Desks Guide, Markets Tools Edition, disponible sous www.marketstools.com. CHF 50.–

Lettres d’Helvétie Toute ressemblance avec des situations réelles ou avec des personnages existants ou ayant existé ne saurait être que fortuite. Après La poussière du temps, Jean Sans Terre publie Lettres d’Helvétie, le désastre UBS: la présomption fatale, une chronique épistolaire entre CharlesLouis Secondat, plus connu sous le nom de Montesquieu, et différents correspondants. Au fil de ces échanges, les protagonistes analysent les ressorts d’une crise financière qui ressemble à s’y méprendre à celle que nous sommes en train de vivre avec sa grande banque aux abois et les difficultés qui se sont répandues jusque dans l’économie réelle. Sous couvert d’un cadre littéraire fantaisiste, l’auteur analyse, de façon très précise, documentée mais néanmoins intelligible, tous les mécanismes qui ont conduit la plus grande banque suisse, et avec elle toute la planète finance, au bord du chaos. On y retrouve un certain Marcel, présenté comme un fripon par qui le scandale est arrivé et que la justice helvète se refuse à condamner. Au fil des pages, l’auteur profite de son anonymat pour dénoncer à la fois les dirigeants d’UBS mais aussi des autorités suisses à la limite de l’incompétence. Un regard documenté, souvent cruel, sur l’intelligentsia politique et financière suisse et ses pratiques parfois douteuses, souvent décalées. Une lecture acide qui se dévore d’un seul trait. ■ Lettres d’Helvétie, le désastre UBS: la présomption fatale, Jean Sans Terre, éditions Slatkine, Genève, 2010, CHF 18.–

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Art de vivre VOYAGER, DéGUSTER, ACHETER, SORTIR, SE DéTENDRE

PANAMA

Pavillon de réjouissances

Coincé entre le Costa Rica et la Colombie, Panama peine souvent à exister en dehors de son canal et de son paradis fiscal. Et excepté les hommes d’affaires qui s’y pressent pour les qualités de son système d’imposition offshore, rares sont les touristes qui choisissent cette destination encore confidentielle. Et pourtant…

D

éjeuner sur les rivages de l’Atlanti que, dîner sur le Pacifique. Bienve nue, vous êtes à Panama, un petit pays d’Amé rique centrale qui compte parmi les plus riches de la région grâce, notamment, à son canal qui traverse cet isthme d’une largeur de 80 km seulement. Point de passage obligé pour relier l’Atlan tique au Pacifique, Panama concentre un trafic maritime qui donne la mesure du commerce maritime à l’échelle mondial. Les énormes porte-conteneurs qui le

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ART DE VIVRE

Star Fish Bay, une réserve pour étoiles de mer.

parcourent en plein cœur de la jungle panaméenne offrent un spectacle pour le moins saisissant. Spectaculaire également, le passage des écluses de Miraflores que l’on peut observer depuis la terrasse d’un restaurant panoramique. Autre must à ne pas manquer non plus: le trajet Atlantique-Pacifique à bord du Panama Canal Railway, un train qui, à côté des wagons réservés aux pendulaires, dispose de deux voitures touristiques, finition acajou et service en costume digne de certaines lignes mythiques. N’oubliez pas

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Art de vivre

Panama City, gratte-ciel à la mode américaine.

de descendre un instant sur la plateforme ouverte pour profiter du spectacle cheveux au vent et photographier les navires au passage. Pour autant, Panama ne saurait se réduire à son canal. Sa capitale à elle seule vaut largement le détour. Empreinte de culture américaine après un siècle ou presque de présence de l’Oncle Sam, les gratte-ciel poussent comme des champignons, à l’image du Trump Ocean Club à la forme de voilier. Bien heureu-

sement, le centre historique de la capitale au style colonial est préservé grâce à un judicieux classement au Patrimoine mondial de l’Unesco. N’hésitez pas à déambuler dans les rues et aller à la rencontre des Panaméens dans des boutiques ou petits bars authentiques. Et n’oubliez pas de rapporter le fameux chapeau Panama. Léger et confortable, vous ne pourrez plus vous en passer lors de vos sorties estivales. Mais ne vous y trompez pas, ce couvre-chef n’a de Panama que le nom puisqu’il est originaire… d’Equateur.

Iles paradisiaques A une heure d’avion de la capitale, destination l’archipel Bocas del Toro, un chapelet de neuf îles, doublé d’innombrables petits îlots perdus dans la mer des Caraïbes, à deux pas de la frontière costaricaine. Un véritable petit paradis entre

Canal de Panama: 14 000 navires par an Après avoir mené à bien la construction pharaonique du canal de Suez, Ferdinand de Lesseps donne le premier coup de pioche du canal de Panama en 1880. Mais après neuf ans de travaux acharnés, perturbés par des conditions climatiques difficiles et des maladies tropiLe passage des écluses, un cales qui déciment ses équipes, l’ingémoment délicat et spectacu- nieur français doit se résoudre à jeter laire. l’éponge. Le projet est arrêté, la société ruinée. Mais Lesseps ne s’avoue pas vaincu. Il crée une nouvelle société en 1894. Les travaux redémarrent, mais se soldent rapidement par un nouvel échec. La concession est cédée dix ans plus tard aux Américains et il faudra encore dix années, 75 000 ouvriers et 400 millions de dollars pour terminer les travaux. Finalement, le canal est inauguré le 15 août 1914. Il comprend un très sophistiqué système d’écluses qui permet aux géants des mers de se hisser jusqu’au lac Gatun (26 m audessus du niveau de la mer) sur lequel ils voguent sur 80 kilomètres pour passer d’un océan à l’autre. Le canal restera sous tutelle américaine jusqu’en 1999, date à laquelle il est rétrocédé à la République de Panama. Les Américains quittent alors le pays, mais conservent un regard attentif sur cette infrastructure qui compte parmi les points les plus névralgiques de la planète. Avec quelque 14 000 navires qui l’empruntent annuellement, le canal constitue l’une des principales sources de revenus du pays. Son fonctionnement et son entretien occupent 9000 personnes. Depuis 2007, de vastes travaux d’agrandissement ont été engagés pour doubler sa capacité et éviter les embouteillages aux abords des écluses. ■

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terre et mer que l’on parcourt d’île en île à bord d’une lancha, un petit bateau moteur ultrarapide. Sensations garanties et attention requise pour profiter du spectacle des colonies de dauphins qui multiplient les facéties dans le sillage du bateau. Après vingt minutes d’une navigation sans pitié pour les brushings, y compris les plus laqués, accostage sur la plage déserte de Star Fish Bay avec, comme unique comité d’accueil, une escadre d’étoiles de mer géantes qu’on croirait presque irréelles au regard de leur nombre, de leur taille et de leur couleur. A quelques encablures, nouvelle halte sur l’île Batismento dont la côte se partage entre mangrove et plage de sable blanc. En passant par le cœur de l’île, direction Red Frog Beach, une magnifique plage battue par les vagues et les courants de la mer des Caraïbes. Mais de grenouilles rouges, aucune trace! Alors levez la tête et consolez-vous en observant un paresseux qui se prélasse au-dessus de votre tête ou même un singe qui traîne son insouciance d’une branche à l’autre. Paradis de la faune et d’une flore carïbéenne endémique, l’archipel comprend plusieurs spots préservés pour réaliser des plongées mémorables tant les coraux revêtent ici des formes et des couleurs inédites

Des rencontres surprenantes dans une jungle luxuriante.

à des profondeurs accessibles aux snorkeleurs même débutants. Le tout dans une eau turquoise qui affiche une température de 28°C tout au long de l’année. Question hébergement, l’infrastructure hôtelière reste largement à échelle humaine dans cet espace resté pour lors à l’écart du tourisme de masse. Quelques resorts comme l’agréable Playa a Tortuga, quelques auberges de jeunesse où se regroupent de jeunes globe-trotters en provenance des quatre coins du monde ou encore quelques hôtels de grand standing comme le Punta Caracol, bâti entièrement sur pilotis et accessible uniquement par la mer. Un dépaysement total et une tranquillité idéale pour les voyages romantiques. ■ Olivier VACHERAND

Voler vers Panama KLM est la seule compagnie opérant des vols directs depuis l’Europe vers la petite république d’Amérique centrale. La compagnie assure cinq rotations par semaine depuis Amsterdam avec un Mc Donnell Douglas équipé du dernier système de divertissement individuel proposant plus de 500 heures de films et musique. En outre, la compagnie a récemment innové, en créant une nouvelle classe «economy confort» qui offre plus de place pour les jambes et une inclinaison de dossier supérieure. Parfait pour les grands gabarits! Le service est celui de la classe économique et le surcoût pour les voyageurs oscille entre 100 et 200 francs. ■

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Art de vivre PEINTURE Sur les traces de la comète Basquiat Des murs urbains aux galeries prestigieuses, les œuvres sans complaisance de Jean-Michel Basquiat ont marqué l’art du XXe siècle avec une fulgurance aussi violente que sa vie a été brève. Pour le cinquantième anniversaire de sa naissance, la Fondation Beyeler, à Bâle, lui consacre une rétrospective. dent sa mort, Basquiat l est des carrières qui poursuit sa recherche ressemblent à des étoiartistique en introduiles filantes. A l’instar de sant des techniques et James Dean, de Janis des styles nouveaux Joplin ou de Jimmy pour lui. Son sentiment Hendrix, Jean-Michel Basd’être incompris de tous quiat est de ces persons’accroît avec le décès nages dont l’art a marqué d’Andy Warhol en 1987. toute une génération en Une disparition qui le quelques années seuledéstabilise plus encore ment, à la fois par la force et accélère sa descente et l’immédiateté de son dans la drogue. message et par la fraîEn se positionnant à cheur presque enfantine contre-courant de l’art de son dessin. La ville de conceptuel et du miniNew York, avec son paymal art à l’apogée dans sage urbain romanesque, les années 80, Basquiat la création foisonnante ouvre la porte à un dans tous les domaines et souffle nouveau où la la possibilité de faire création semble renaître reconnaître son talent avec une force décuplée. rapidement ont constitué Cette puissance du trait des éléments fondamenet des sujets évoqués le taux pour cet artiste d’oriplacent comme précurgine cubaine et haïtienne, seur de l’art des années dont la production s’éche90. L’exposition de la lonne de 1981 à 1988, date Fondation Beyeler per de sa disparition prématumet de parcourir chronorée due à une overdose logiquement son œuvre d’héroïne. La métropole et d’en apprécier l’imporLa puissance du trait et des sujets évoqués par Basquiat le placent comme américaine est aussi le précurseur de l’art des années 90. tance pour l’art contemlieu où rencontrer les porain. ■ artistes qui comptent, du chaos. La première période de Venu du graffiti – genre qu’il monde de l’art ou du showNicole KUNZ business. C’est là où Jean- pratique dès 1976 avec son ami ses œuvres est marquée par cet univers urbain. De 1982 à 1985, Al Diaz dans les rues de New Michel Basquiat fait justement la connaissance d’Andy Warhol, York –, Basquiat reporte sur les son travail est lié au thème de à qui il essaye de vendre une toiles la même spontanéité, la condition noire, avec des percarte postale de sa création. cette liberté du geste et la vio- sonnages de la boxe et du jazz, Grâce au soutien de la star du lence des propos décapants. deux domaines dans lesquels Basquiat, exposition pop art, Basquiat va connaître, La rue l’inspire directement, les Afro-Américains excellent et jusqu’au 5 septembre 2010, dès 1981, une notoriété extraor- microcosme où il trouve la peuvent battre les blancs. Enfin, Fondation Beyeler à Bâle. dinaire pour un si jeune artiste. beauté et l’horreur, l’ordre et le dans les deux années qui précè- Infos sur www.fondationbeyler.ch

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Art de vivre JAGUAR XJ, PEUGEOT RCZ ET ALFA ROMEO GIULIETTA

Design audacieux, coupé glamour et nouvelle diva

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résentée au Salon de Paris en 1968, cette imposante quadragénaire se métamorphose. Pour la première fois, elle abandonne le style qui lui donnait une personnalité et un charme uniques. Agréable à l’œil, la nouvelle XJ présente des caractéristiques inhabituelles. Ainsi, son long

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profil en deux volumes et demi la rapproche du dessin d’un coupé et lui ôte quelque peu l’aspect statutaire d’une berline de prestige. L’intérieur combine style classique et moderne, matériaux nobles ou contemporains. L’instrumentation traditionnelle fait place à une matrice à cristaux liquides qui reprend la présentation de cadrans. Il faut s’y habituer. La nouvelle XJ possède, grâce à l’emploi généralisé de l’aluminium, une structure de caisse très légère et rigide. Trois moteurs puissants sont proposés: un V8 suralimenté de 510 CV, un V8 atmosphérique de 385 CV et un remarquable Diesel V6 3.0 l, bi-turbo séquentiel de 275 CV. Ce moteur est impressionnant à la

fois par ses performances, 0 à 100 km/h en 6,4 secondes, et son couple de 600 Nm. Avec des rejets de CO2 de 184 g/km, la XJ fait mieux que les hybrides de la catégorie! Silencieuse, sécurisante et luxueuse, la nouvelle Jaguar utilise des technologies de pointe pour devenir une des berlines de prestige parmi les plus agréables à conduire ou pour se faire conduire.

la 308, est recouverte de cuir d’un bel effet. Le conducteur apprécie un siège à l’excellent maintien ainsi que des commandes disposées de manière ergonomique, permettant de

Le style spectaculaire du coupé Peugeot CR-Z met en exergue ses arches de toit en aluminium, son pavillon à double bossage, son capot autoclave enveloppant les ailes avant ou son aileron mobile. A bord, l’ambiance est sportive. La planche de bord, reprise de

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AUTOMOBILE

ment de la RCZ supporte sans problème un rythme très soutenu. L’amortissement typé sport réussit le délicat compromis entre un certain confort et la fermeté qu’attendent les acheteurs de ce type de voitures. Plaisir garanti. très vite se trouver à l’aise au volant. A l’arrière, deux places symboliques peuvent rendre service et permettent d’agrandir le volume d’un coffre généreux. Il passe alors de 321 l à 639 l. Les moteurs proposés pour le lancement sont les 1.6 l turbo de 156 CV et 200 CV pour ce qui est de l’essence et le 2.0 HDi de 163 CV pour le diesel. Le groupe 1.6 l 4 turbo de 200 CV, accouplé à une boîte à six rapports très précise, s’apprécie à tous les régimes et fait preuve d’une belle polyvalence. Peugeot annonce une consommation mixte de 6,9 l/100 km et des rejets de CO2 de seulement 159 g/km. Le 0 à 100 km/h est franchi en 7,5 secondes et la vitesse maximale frise les 240 km/h. Avec un châssis redoutable, le comporte-

Héritière de la 147, la nouvelle Giulietta a fait l’objet de soins attentifs. Il faut reconnaître qu’elle a tout pour séduire: style ravageur, présentation raffinée, comportement et motorisations dignes de cette marque légendaire. La robe de cette belle marie, avec bonheur, élégance et dynamisme. A l’intérieur, la planche de bord flatte l’œil avec son bandeau en aluminium et on apprécie le retour des cadrans séparés. Pour le conducteur, la plupart des commandes sont bien placées et un court levier de vitesse tombe parfaitement sous la main. Une invitation à monter ou descendre rapidement les rapports pour profiter pleinement des qualités routières de la voiture. Plus longue que la plupart de ses rivales, elle accueille les passagers arrière dans d’honnêtes conditions. Pour son lancement, la Giulietta adopte trois groupes performants et dotés du système Stop & Start: deux

essence de 120 et 170 CV ainsi qu’un diesel 2.0 l de 170 CV. Le groupe 1.4 de 170 CV lui convient particulièrement bien, se montrant souple à bas régimes et rageur dès 2000 t/mn. Pour profiter de cette brillante mécanique, un nouveau châssis garantit un plaisir et une efficacité de conduite exceptionnels.

Une très sportive version Quadrifoglio Verde de 235 CV, au caractère entier, complétera la gamme. Cette nouvelle Giulietta fait pleinement honneur à la tradition sportive du Biscione. ■

Pierre MARQUIS

TABLEAU DE BORD ■ Origine des pannes de voitures Le TCS, en collaboration avec le club allemand ADAC, confirme une fois de plus que la partie électrique est la principale source des dérangements techniques, avec 40,8% des pannes recensées en 2009. Les pannes de batterie ont progressé de 13,6%, 10,8% des problèmes concernaient l’allumage et 9,1% l’injection.

■ Emil Frey partenaire de Sauber Le spécialiste automobile Emil Frey SA se lance à nouveau aux côtés de l’équipe de Peter Sauber dans la Formule 1. Il soutient officiellement l’équipe d’Hinwil pendant une période de trois ans. Le dernier Grand Prix de Monaco inaugurait la présence des logos de l’entreprise sur les deux voitures de course.

■ Schindler choisit Ford Ascenseurs Schindler SA complète sa flotte avec 31 Ford Transit qui vont rejoindre les 2000 véhicules composant actuellement sa flotte. Ces véhicules ont été spécialement aménagés pour transporter de nombreux appareils et outils servant aux contrôles finaux des monte-charge et ascenseurs neufs. La société Fami, à Siegerhausen, est une des entreprises ayant participé à ces aménagements sophistiqués qui protègent un matériel délicat et parfois lourd.

■ Volvo partenaire du Bocuse d’Or Volvo Suisse devient partenaire du concours «Bocuse d’Or Europe 2010». 20 grands chefs ont mesuré leurs talents afin de représenter leur pays à la finale du Bocuse d’Or 2011. Cette année, l’épreuve européenne éliminatoire s’est tenue au Palexpo de Genève, sous la conduite de Philippe Rochat (triple étoilé Michelin). A Genève, Volvo assure les déplacements des chefs et du jury.

■ Nouveau DG chez Citroën Après deux années passées à la tête de Citroën Suisse, François Guieysse rejoint l’Italie en tant que directeur général. Son remplaçant, Loïc de La Roche (44 ans), a rejoint le groupe PSA en 1988, à la fin de ses études à l’Ecole supérieure de commerce de Paris. Il a occupé diverses fonctions à la direction Europe puis à la division Moyen-Orient, Afrique, Asie et Pacifique au sein de la direction des opérations internationales de Citroën.

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Art de vivre Nouveautés Infiniti, la montre En langage marketing, on appelle ça du cobranding. La marque automobile de luxe Infiniti et l’horloger francosuisse Bell & Ross viennent de s’associer dans la création d’une montre qui est disponible depuis début juin dans les centres Infiniti de Genève et Zurich. Cette Infiniti Instrument BR 03-92 Phantom Edition Limitée allie design, technologie, précision et luxe. Des valeurs que ne renie pas la marque automobile du groupe Nissan. Ce bel objet est tiré à 100 exemplaires seulement. Il n’y en aura donc pas pour tout le monde! ■ Infiniti Instrument BR 03-92 Phantom Edition Limitée, Bell & Ross Prix: CHF 4728.– Centres Infiniti de Genève et Zurich.

Souris ergonomique Vous souffrez du syndrome de la souris? Pas d’inquiétude, la RollerMouse Pro2 fonctionne mieux que les anti-inflammatoires et sans effets secondaires! En concentrant son système de déplacement de curseur devant le clavier, le dispositif permet de conserver une position des avant-bras centrée sur le clavier. Ce qui évite les mauvaises positions à l’origine des douleurs bien connues des geeks en tout genre. Sans pilote d’installation, la RollerMouse Pro2 est dotée d’un balayage très précis de 1200 dpi et d’un confortable repose poignet. Les cinq touches facilement maniables peuvent être programmées à souhait avec des fonctions fréquemment utilisées. Malin! ■ RollerMouse Pro2, Contour Design Prix: CHF 390.– www.me-first.ch

A l’heure! Si vous ne faites confiance ni à l’alarme de votre téléphone ni au service réveil de votre hôtel, optez pour le nouveau Travel Alarm 2100 Road Tour Limited Edition, le dernier-né de chez Victorinox. Une assurance (presque) tous risques pour être à l’heure à vos rendezvous matinaux. Ce réveil particulièrement élégant affiche un design qui respire la qualité et la robustesse suisses, comme l’ensemble des produits de la marque. Un bien bel objet disponible en édition limitée à 2010 exemplaires. ■ Travel Alarm 2100 Road Tour Limited Edition, Victorinox Swiss Army Prix: CHF 650.– www.victorinox.com

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TENTATIONS

Webcam HD

Volutes dominicaines Vingt ans après l’introduction des premiers cigares Davidoff dominicains, la marque premium lance une nouvelle série dont le mélange de tabacs et la cape proviennent exclusivement de République dominicaine. Disponible en plusieurs formats, cette nouvelle collection, baptisée Puro d’Oro, est issue d’une cape cultivée dans des champs de tabac à la terre rouge, riche en substances minérales. Un terroir qui lui procure un arôme exceptionnel, sublimé par un rigoureux processus de séchage, fermentation et stockage. Une merveille que les aficionados sauront apprécier. ■

Il est temps de placer votre ancienne webcam aux images saccadées dans un conteneur dédié au recyclage. Logitech ne cesse d’innover et présente une nouvelle famille de webcams HD permettant les appels vidéo à 720 points et les enregistrements en full HD 1080 points. Avec son logiciel associé, Logitech Vid HD, un seul clic suffit pour télécharger vos vidéos personnelles sur YouTube ou Facebook… la qualité en plus. ■ Logitech HD Pro C910, Logitech Prix: CHF 149.– www.logitech.com

Série Puro d’Oro, Davidoff Prix: NC www.davidoff.com

Lampe talentueuse Au-delà de son design avantageux et de l’effet qu’elle fera sur votre bureau, «The Most Talented Light» est de ces objets dont on ne peut plus se passer. Non contente d’éclairer tout en étant peu gourmande en énergie grâce à l’utilisation d’ampoules LED, cette lampe révolutionnaire permet de recharger la plupart des appareils mobiles disponibles sur le marché. Grâce à sa prise et à ses adaptateurs, inutile de vous soucier d’avoir toujours avec vous vos chargeurs de laptop, mobile ou MP3. Et en plus, elle est belle, disponible en huit coloris et éclaire pendant 50 000 heures. ■

Bain douche Votre chalet est un peu exigu pour y installer une baignoire classique et madame enrage de ne pas pouvoir s’abandonner dans un bon bain après sa journée de ski? Artweger a la solution avec la Twinline 2. L’encombrement de ce combi baignoire-douche a été optimisé avec sa porte qui s’ouvre vers l’intérieur et un seuil de 5,5 cm, idéal également pour les personnes à mobilité réduite. Un système sophistiqué de verrouillage mécanique combine l’évacuation de l’eau avec la fermeture, ce qui empêche l’ouverture inopinée de la porte pendant le bain ou le remplissage de la baignoire. On est rassuré! ■ Twinline 2 – Artweger Prix: NC http://www.artweger.at

The Most Talented Light, M & C Prix: $ 89.– www.tlight.cc

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Art de vivre LIVRES Le Mystère de Moïse L’ancienne journaliste économique Clara Cancline n’en est pas à son coup d’essai. Son précédent ouvrage, Les Mémoires de JulesCésar, a été récompensé en 1999 par le Prix international Jean Monnet. Plus ambitieux encore, car il s’agit cette fois-ci de remonter le temps de 3300 ans, Le Mystère de Moïse se lit à différents niveaux. C’est d’abord, de la part de cette diplômée de l’Institut de hautes études internationales, un remarquable exercice de géopolitique antique, qui remet l’exode des Hébreux vers le Pays de Canaan dans son contexte, celui de la rivalité entre l’Egypte de Ramsès II et l’Empire des Hittites, lui-même soumis à la pression des ancêtres des Grecs sur le point de prendre Troie. C’est ensuite une mise en situation de Moïse que l’auteure, suivant en cela l’hypothèse de Sigmund Freud dans Moïse et le monothéisme, considère comme un Egyptien. Un ouvrage fascinant qui se lit comme un roman. ■ M.F. Le Mystère de Moïse, L’histoire secrète d’un prince d’Egypte, Clara Cancline, éditions Cabédita, Collection Espace et Horizon, Bière et Divonne-les-Bains.

Burkina Faso Ce pays du Sahel ne se visite pas. Il se découvre au fil des rencontres et des échanges avec un peuple qui, en dépit de conditions de vie particulièrement difficiles, est d’une affabilité et d’une tolérance exceptionnelles. Terre d’accueil et de traditions, le Burkina Faso a su séduire le voyageur en mettant en valeur ses véritables richesses: culture, artisanat, musique. Celles-ci ont donné naissance à de nombreuses manifestations, dont plusieurs se sont imposées au niveau international, tels le Fespaco, le plus important festival de musique francophone, ou le salon international de l’artisanat de Ouagadougou. Les magnifiques sites naturels protégés, où toutes les espèces de grands mammifères d’Afrique de l’Ouest sont présentes, offrent des possibilités intéressantes de safaris vision ou photographiques, qui laisseront des souvenirs impérissables. La cinquième édition complètement mise à jour de ce guide très documenté donne les clés et les informations indispensables pour appréhender les réalités sociales et culturelles de ce pays qui reste épargné par le tourisme de masse. ■ O.V. Guide Olizane Burkina Faso, Sylviane Janin, éditions Olizane, Genève, 2010, CHF 38.–

Pensers Après Terre et Tempête dédiés à notre planète et à l’humain, Robert Fred vient de publier son dernier recueil de poèmes intitulé Pensers. Il explore cette substance merveilleuse qui, d’un œil innocent et d’un accord subtil, ouvre la porte de l’intelligence. Où réside le secret pour se libérer du voile qui occulte le monde? Où réside cette lucidité qui s’échappe devant nos craintes? Comment s’éveiller au monde pour y trouver son regard? La pensée est une palpitation, un jeu dans lequel le poète se lance, libéré de tous préjugés. Regard d’enfant dans un cœur d’adulte, ouvert sur un monde renaissant sans cesse, il doit offrir un œil nu. Il doit aller au-delà de lui-même. La pensée devient ici poésie, force créatrice à l’écoute du monde. Elle explore nos gestes, des plus bas aux plus hauts, jouant des formes et des apparences, une symphonie pour la vie. ■ O.V. Pensers, Robert Fred, éditions Slatkine, Genève, 2010, CHF 22,30

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Voyager sans se faire plumer Vous en avez assez de tomber dans les pièges à touristes et les arnaques en tout genre qui vous guettent lors de vos voyages à l’étranger? Sournois détours du taxi, Hôtel de la Plage planté à 2 km de la mer, faux mendiants et vraies contrefaçons, notre confrère globe-trotter Bernard Pichon dresse, dans ce petit guide, le joyeux inventaire des mille et une entourloupes et fournit les indispensables adresses utiles à d’éventuelles réparations. Au-delà des classiques, il est d’autres arnaques plus malicieuses et perverses. Elles s’appuient sur votre propension à la distraction, votre incompréhension de la langue, votre générosité naturelle, votre méconnaissance du terrain, voire votre désir de rencontre érotique. Qu’elles menacent de vider votre porte-monnaie ou de vous briser le cœur, elles risquent bien de vous pourrir vos vacances! Un guide traité avec de l’humour et illustré par les dessins savoureux de Mix & Remix. Indispensable! ■ O.V. Voyager sans se faire plumer, le guide anti-arnaque, Bernard Pichon avec Mix & Remix, éditions Favre, Lausanne, 2010.

Des nouvelles qui lavent plus noir «Les enfants jouaient, en se poussant doucement à la balançoire. Ils respectaient scrupuleusement leur tour. Elle trouva qu’ils étaient parfaitement assortis au gazon méticuleusement entretenu.» Cet extrait de la nouvelle intitulée Comme si c’était hier reflète le ton et la qualité des descriptions des vingt-deux nouvelles proposées par la jeune auteure genevoise Laure Mi Hyun Croset. Il illustre la maestria avec laquelle elle manie la perfection pour la rendre dissonante. Qu’elle décrive l’écrivain, le golden boy, le voyageur ou le couple idéal, l’auteure parvient à en extraire un délicieux ridicule qui ne peut que faire sourire son lecteur. Cependant, la prouesse de cette écriture ne s’arrête pas à la caricature, car, par la logique cruelle de chacun de ses récits, elle entraîne le lecteur au fond des impasses dans lesquelles se débattent ses personnages. Et dans ce monde fermé sur lui-même, aucune lumière, aucun espoir n’est plus possible. ■ V.B. Les velléitaires, Laure Mi Hyun Croset, éditions Luce Wilquin, Collection Euphémie, avril 2010, CHF 22,80

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OPINION

De norme en norme

L

d’intérêts. Dans les autres cas, l’actif est e commun des mortels éprouve finance, divers amendements et précisions évalué à la juste valeur. Ce qui prime donc parfois de la peine à se retrouver sont venus réduire les divergences d’opidésormais, c’est le «business model», le nion à son propos. Mais, en fin de compte, dans l’enchevêtrement de normes modèle économique adopté en l’occurcomptables imposées aux sociétés et surtout à la suite de la crise financière rence, et non plus, comme précédemment, d’une certaine dimension sous prédont on lui a reproché d’avoir contribué à l’horizon de détention de l’actif considéré. amplifier l’étendue, ce même IASB, encoutexte de protéger «le public et les investisseurs», c’est-à-dire au premier chef leurs ragé dans ce sens par le G20, a décidé l’an dernier de substituer à cette norme contesactionnaires. A peine avait-il vaguement saisi Insécurité normative tée la norme IFRS 9, dont la mise en œuvre ce que recouvrait l’abréviation IAS Le changement est d’importance. Il est (International Accounting Standards) crucial pour les compagnies d’assuqu’on lui apprenait que ces normes, rances, qui ne seront plus obligées publiées pour la première fois en de se plier à la «dictature des 1973 et désignées ainsi jusqu’en marchés» (surtout lorsque ceux-ci 2001, s’appelleraient désormais IFRS, refusent de fonctionner), mais aussi pour International Financial Reporpour les banques, qui pourront – et ting Standards, et qu’elles entredevront – distinguer les actifs raient progressivement en vigueur qu’elles détiennent à des fins stratésur le plan européen à partir de 2005 giques de ceux détenus à des fins de – bien que, relevons-le au passage, transaction. les comptables français continuasMais voilà que beaucoup pourraient sent de leur côté de se référer invaêtre remis en cause par une récente riablement à la norme IAS 39, sans prise de position du FASB (US doute parce que celle-ci a toujours Financial Accounting Standards été fortement discutée depuis son Board), l’autre grand normalisateur adoption. On comprendra d’ailleurs des principes comptables, qui aussitôt pourquoi lorsque l’on aura décide (que) ce qui est bon pour les pris connaissance de son objet, à Etats-Unis (l’est aussi pour le reste savoir: «Financial Instruments – du monde qui voudrait être coté à Recognition and Measurement», Wall Street). Selon cette nouvelle «Instruments financiers – Comptaproposition, qui veut exprimer un bilisation et évaluation». souci de plus grande transparence, «Le FASB suggère ni plus ni moins que la De fait, cette norme concoctée dans le FASB suggère ni plus ni moins que totalité des actifs et des passifs des bilans les cuisines de l’IASB, bras séculier de la totalité des actifs et des passifs l’International Accounting Standards des bilans bancaires soient désorbancaires soient désormais également Committee (IASC), forte d’une soixanmais également évalués à leur valeur évalués à leur valeur de marché, alors que taine de pages serrées, fixe la manière de marché, la fameuse «fair value», l’approche retenue par l’IASB accorde une de présenter dans les comptes tous alors que l’approche retenue par les types d’instruments financiers, à l’IASB accorde une large place, on large place au coût historique» quelques rares exceptions près. Sur le vient de le relever, au coût histoMARIAN STEPCZYNSKI plan européen, son contenu n’avait rique lorsque le modèle d’affaires de que partiellement été homologué par la banque prévoit le maintien d’un un règlement CE daté du 19 novembre 2004 crédit à l’actif jusqu’à son échéance. se déroulera en trois phases. La première, (n° 2086/2004), deux dispositions n’ayant pas On comprendra que les banques tressaillent publiée le 12 novembre dernier, deviendra trouvé la faveur des commissaires euroà nouveau sur leurs bases, et on déduira obligatoire à dater du 1er janvier 2013, le péens, l’une relative à l’option de la juste de ce qui précède que les discussions entre remplacement complet d’IAS 39 devant être valeur («fair value»), l’autre à la comptabilisale FASB et l’IASB, qui jurent tous deux achevé, en principe, fin 2010. Pour l’essention des gains, pertes, produits et charges au depuis dix ans travailler à la convergence tiel, la nouvelle norme retient une manière cours d’une même période (méthode dite de de leurs approches, ne sont pas près de unique de déterminer si un actif financier comptabilité de couverture). s’achever… ■ doit être évalué au coût amorti ou à la juste valeur. L’actif est évalué «au coût amorti» si Coût amorti ou à la juste valeur? l’objectif de la société considérée est de recevoir des flux constituant uniquement le Depuis lors, au gré des multiples incidents Marian STEPCZYNSKI remboursement du capital ou le paiement et accidents ayant émaillé le monde de la

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