BANQUE & FINANCE
Banque & Finance N°110
BANQUE &
FINANCE LE MAGAZINE DE LA PLACE FINANCIERE SUISSE
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N°110
Juillet/août 2011
CHF 12.- / 8€
Robert-Philippe Bloch Directeur, Membre du Comité exécutif Suisse romande et Marchés francophones de la Banque Julius Baer & Cie SA, Président de l’Association vaudoise des banques
Décryptage Directions de fonds suisses: De nouveaux défis! Investir dans les obligations Libor-isez-vous! Se perfectionner Rajna Gibson: En finir avec la pensée unique
ROBERT-PHILIPPE BLOCH
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L’édito
Didier Planche Directeur de la publication & Rédacteur en chef
@ d.planche@banque-finance.ch
SOS Stiglitz?
I
ndépendamment de la démission de DSK, socialiste d’opérette, du FMI, à cause de ses frasques sexuelles, et de l’hypothétique nomination à sa succession de Madame sourire éternel (Christine Lagarde), ou d’un tout autre obscur ministre des Finances, les pontes de l’institution pourraient profiter de cette situation de vacance, quelque peu délétère, pour remédier à sa politique d’aide aux pays en développement (sans parler des autres), particulièrement dispendieuse et pernicieuse, entre autres sujets controversés. Fondé en juillet 1944 lors de la conférence de Bretton Woods, le FMI avait pour mission essentielle d’assurer la stabilité du système monétaire international d’après-guerre, notamment en prêtant des liquidités aux Etats membres confrontés à un déséquilibre temporaire de leur balance des paiements. Puis ce système a été aboli en 1971, lorsque les Etats-Unis ont supprimé la convertibilité du dollar en or, et le FMI a reçu le mandat de secourir les pays endettés, en particulier ceux du tiers-monde, à coups de milliards de dollars. Des programmes d’ajustement structurel ont alors été appliqués à l’aveuglette, sans connaître les réalités économiques locales, et avec une condescendance aux forts relents colonialistes. Prônant l’austérité budgétaire, et pratiquant la libéralisation du commerce associée à des taux d’intérêt élevés, ces programmes ont surtout causé de graves dommages, détruisant les emplois et répandant le chômage. La crédibilité de l’institution a dès lors subi un sérieux revers, et les changements de cap et autres rapports adoptés ultérieurement n’ont que peu modifié la donne. En fait, le FMI a surtout favorisé l’avènement d’une culture de dépendance, faisant des autorités des pays pauvres de véritables assistés (ce qui ne leur déplaît pas, d’ailleurs). Aujourd’hui encore, et sous couvert de mesures libérales, il soutient massivement des gouvernements autoritaires, incompétents, corrompus et professionnels
de la kleptomanie, en particulier d’Afrique subsaharienne. Sur le papier, la nouvelle orientation du FMI viserait à financer des programmes de redressement économique, uniquement lorsque les réformes entreprises portent leurs fruits. Malheureusement, le doute l’emporte, car les prêts aux dictatures bananières, parmi d’autres, s’avèrent incontournables pour financer les dépenses somptuaires des quelque 2500 bureaucrates de l’institution, dirigeants en tête (palaces, vols en 1ère classe et, pourquoi pas, call-girls, c’est «tendance»...), sachant que l’encours des crédits octroyés par ses bailleurs de fonds, les Etats membres, dont la Suisse, se réduit en peau de chagrin depuis des années, et encore plus depuis la crise financière de l’automne 2008. La boucle est bouclée, et aucune éclaircie ne laisse augurer une saine direction du FMI, ni un brin de clairvoyance chez ses stratèges. Une idée, toutefois: pourquoi ne pas remettre les clés de l’institution à Joseph E. Stiglitz, Prix Nobel d’économie en 2001, ancien vice-président et économiste en chef de la Banque mondiale? Si critique et virulent à l’égard du FMI, il aurait, paraît-il, des solutions viables pour restaurer sa crédibilité et son efficacité.
Clin d’œil
(pardon Mesdames). Messieurs les banquiers (et tous les autres Messieurs d’ailleurs, y compris moi-même), nous sommes rattrapés par l’actualité judiciaire. Donc, un conseil avisé d’ami: ne vous amusez plus à contempler le visage d’une femme, ni même à lui sourire tendrement ou à lui adresser une parole aimable, et encore moins à loucher sur une partie inavouable de son anatomie, car vous connaissez la suite. Pour nous éviter d’inutiles tracas, voire même de goûter la paille humide du cachot, je suggère, à titre préventif, le port du tchador intégral pour toutes les femmes. Ainsi vêtues, elles ne susciteraient plus aucun désir qui, pourtant, partait d’un noble sentiment... masculin. BANQUE&FINANCE N°110 JUILLET/AOUT 2011
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Sommaire
L’invité
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6
Robert-Philippe Bloch
n 110
Aucune honte à être banquier
°
Temps forts
Juillet-Août 2011
10
Décryptage
12
Acteurs
15
la parole est à...
16
En toute liberté
17
a la tribune
18
Actualité
20
sous les projecteurs zurichois
Directions de fonds: de nouveaux défis!
Nominations et promotions
Retrouvez votre magazine sur le web www.banque-finance.ch Photo de Une © Bertrand Rey
BANQUE &
Jean-Baptiste Aveni L’immobilier vaudois en surchauffe
Christophe Reymond Banques-entreprises: relations pacifiées
FINANCE
Jacques Neirynck EWS, une femme indispensable
LE MAGAZINE DE LA PLACE FINANCIERE SUISSE
Jean-Luc Spinardi L’avenir du Trade Finance s’assombrit!
10
L’Arlésienne... immatérielle bancaire
Sous la loupe
LA PLACE FINANCIÈRE VAUDOISE
31 Robert-philippe bloch
Un cadre propice aux activités bancaires et financières
.
29
33 Delia Nilles
Une importance toujours plus confirmée
36 Pascal Broulis
Pierre-antoine Hildbrand La bonne fiscalité est équilibrée
38 christian donze
Une commission active et innovatrice
40 robert-philippe bloch Bertrand barbezat
Une valeur ajoutée croissante
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Sommaire Echos de bruxelles . 22 Le bec dans l’Accis
24
A l’international
Jean-Louis Martin Brésil: solidité du secteur bancaire
Deux poids, deux mesures
Si j’étais banquier
Anthony Colle Soutien aux créateurs de valeur ajoutée
Actions Monde
44
obligations
45
Devises
Une bulle émergente?
Investisseurs, libor-isez-vous!
Savoir gérer le risque de change
Fonds de placement
Maladies orphelines et biotechnologie
normes & régulation
66
diriger
Michel Ferrary Le succès par les femmes
67
prévoir
80
insolite
82
volupté
82
dégustation
83
complications & mouvements
Egypte, pour les voyageurs futés
Le luxe
Roussanne du Valais 2009
Drôles de machines
84
Ma bibliothèque
Les profils opérationnels ont la cote
85
dites-moi que j’ai
69-70
jacques Attali: «Faites ce que je dis mais pas ce que je fais...»
recruter
Nicolas Duchêne Baudelaire, Zola, Vian
tort...
se perfectionner
• Le trust officer optimise le patrimoine • En finir avec la pensée unique
86
72
communiquer
73
banque & internet
74
Savoir
coup de cœur, coup de griffe
La responsabilité sociétale des banques
86
Prédire les marchés grâce à Twitter
morningstar
50
64
68
43
48
Validité de la prorogation de for
Assurer sa planification patrimoniale
Investir
46
droit & Fiscalité
Centres offshore... débusqués!
25 Le dessous des cartes 26
62
cfinancials
Mieux réguler la microfinance
75
suivre
76
Solutions bancaires
Un soutien personnalisé
Haro sur la sécurité informatique!
52 52
finance éthique
54
private equity
55
Art
le banquier tombe la veste
Patrik Loertscher Salut champion
88
INDEX
62
Eliminer le vice chrématistique
Droit & fiscalité
L’âge de raison
Art chinois, une utopie?
87
Hors des frontières La remise en question des clauses de prorogation de for par la Convention de Lugano révisée pose la question de savoir si le client d’une banque est un consommateur.
56 le cocktail du gérant Avec sérénité, contre vents et marées
Opérationnel 58
stratégies
60
stratégies
Wegelin & Co Identifier les courants porteurs Bovay & Partenaires L’enseigne qui ne suit pas les modes
L’information financière et bancaire sur www.banque-finance.ch avec B3B
Partenaire de Banque&Finance, le site www.b3b.ch vous propose un accès simple et rapide aux faits marquants de l’actualité ainsi qu’aux nouvelles tendances. b3b est une cellule de veille stratégique et d’intelligence économique également accessible sur Twitter et Facebook.
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Parcours
Le cinquantenaire Robert-Philippe Bloch est doctorant en économie et diplômé de l’INSEAD (Fontainebleau et Singapour). Après avoir réalisé des mandats pour le Département fédéral des affaires étrangères (Berne), il a exercé la profession de délégué de la promotion économique suisse (Zurich et Lausanne), pendant dix ans. Il s’est ensuite orienté vers l’industrie et a été nommé directeur au sein de l’entreprise Ascom (Berne), en charge de l’exportation de systèmes d’interrupteurs. En 1989, Robert-Philippe Bloch a créé sa propre structure de consultants, Société Economique et Financière SA, à Fribourg. Puis il a travaillé chez UBS (Lausanne) durant neuf ans, comme responsable des crédits internationaux. En 1998, il a été sollicité par la banque privée Julius Baer & Cie SA à Lausanne, où il officie toujours comme directeur et membre du Comité exécutif Suisse romande et Marchés francophones. Depuis juin 2010, il préside l’Association vaudoise des banques. © Photos: Bertrand Rey
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L’invité
ROBERT-PHILIPPE BLOCH
DIRECTEUR, MEMBRE DU COMITÉ EXÉCUTIF SUISSE ROMANDE ET MARCHÉS FRANCOPHONES DE LA BANQUE JULIUS BAER & CIE SA, PRÉSIDENT DE L’ASSOCIATION VAUDOISE DES BANQUES
Aucune honte à être banquier Dans l’exercice de sa profession, Robert-Philippe Bloch privilégie l’écoute et le dialogue, tout en respectant la différence, sans discrimination. Banque & Finance: Pourquoi avez-vous choisi d’exercer la profession de banquier et comment l’êtes-vous devenu? Robert-Philippe Bloch: Lorsque j’étudiais les sciences économiques, je me vantais de ne jamais choisir la voie de la banque ou de l’assurance. Mais de retour en Suisse à la suite de séjours à l’étranger et après avoir exercé diverses professions dans le secteur économique, avec des hauts et des bas, j’ai reçu une proposition intéressante d’engagement dans un grand établissement bancaire de la place, UBS pour ne pas le nommer. J’ai donc décidé de saisir cette opportunité, avec la ferme volonté d’apprendre et de m’imprégner de ce métier de banquier, qui se révèle exigeant et requiert de réelles et nombreuses compétences. B&F: Autrement dit, c’est quelque part le hasard de la vie, ou plutôt votre propre destinée choisie, qui vous a conduit vers cette profession. Avec du recul et une vingtaine d’années passées dans la banque, un autre métier vous aurait-il séduit? R.-P.B.: Effectivement, avant d’épouser la profession de banquier, j’ai entrepris de nombreuses activités, par exemple vendeur de carrelage et de sanitaires lorsque j’étais encore étudiant. Puis je me suis lancé dans la promotion économique, avec la chance de voyager dans le monde entier, en particulier les anciens pays de l’Est, l’Afrique, l’Amérique du Sud, l’Asie et bien sûr l’Europe. Je me suis ensuite retrouvé chez Ascom à Berne, le groupe industriel de télécommunications internationales, et enfin comme consultant indépendant avec, malheureusement, quelques déboires et désenchantements à la clé. J’ai donc été accueilli, si je peux dire, à UBS et, quelques années plus tard, au sein du groupe Julius Baer, l’un des grands
professionnels suisses de la gestion de fortune privée. Si je n’étais pas devenu banquier, j’aurais été tenté par le monde diplomatique, que j’ai eu cependant l’occasion de fréquenter à maintes reprises. Je dirai, cependant, que le monde de la banque privée comporte, aujourd’hui, de nombreuses similitudes avec la diplomatie. B&F: Que représente votre fonction de banquier? R.-P.B.: Il s’agit d’un challenge personnel, afin de pouvoir me surpasser. D’ailleurs, cette profession me permet d’apprendre et de découvrir chaque jour de nouveaux enseignements, ainsi que de me remettre en question, ce qui me paraît fondamental pour progresser. Ce métier contient une dynamique très forte d’évolution, tant sur le plan personnel que professionnel. De plus, le banquier travaille avec des humains, clients et collaborateurs, qui sont une source perpétuelle d’enrichissement. B&F: Que vous apportent, au quotidien, vos activités professionnelles? R.-P.B.: Elles sont très diversifiées, puisqu’elles concernent la finance, l’économie, la géopolitique, la formation, mais aussi le management des femmes et des hommes, les relations avec les clients, les contacts avec la direction générale et les partenaires bancaires, etc. Mes activités professionnelles ont surtout l’humain comme axe central, conférant à ma fonction un caractère particulièrement épanouissant. B&F: Quel est, selon vous, le prototype du «bon et honnête» banquier? R.-P.B.: Les «bons et honnêtes» banquiers, comme vous dites de manière insidieuse, existent partout dans le monde.
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L’invité
Chacun de nous a son côté bling-bling, sa petite folie liée au matériel, mais cela ne l’empêche pas de tendre vers la sagesse, ni de donner à autrui, à ceux qui sont dans le besoin.
Leur priorité concerne l’éthique dans leurs activités, relations et comportement. La pratique du droit chemin constitue leur ligne de conduite, «être droit dans leurs bottes ou droits comme un i», comme diraient certains, sans jamais céder à une quelconque tentation de déviance. B&F: Comment se concrétise l’éthique du banquier dans les actes, bien sûr l’éthique rigoureuse et non celle d’opérette? R.-P.B.: Cette éthique et, ne l’oublions pas, sa dimension sociale se concrétisent au quotidien dans les relations qu’entretient le banquier avec ses clients, ses collaborateurs et à l’extérieur, dans la société civile. Cette éthique signifie savoir refuser toute proposition contraire à la morale et à la loi, et de rejeter tout acte allant dans le même sens négatif et destructeur. B&F: Sa manière de gérer les affaires et de se comporter avec ses clients lui offre-t-elle la possibilité de développer une dimension humaniste, et même philosophique? R.-P.B.: En considérant que le banquier passe la plupart de son temps avec des êtres humains, il a dès lors toute la latitude pour développer la dimension humaniste et philosophique que vous évoquez. Pour ma part, je mets toujours beaucoup d’humanité, de respect et de personnalisation dans mes relations avec autrui. Bon nombre de mes clients sont ainsi devenus des
amis. Il m’est également arrivé d’en perdre. Mais sachez que cette défection m’a affligé, car ils étaient tous des amis. En matière philosophique, j’essaie de prendre de la hauteur par rapport aux événements, de les relativiser, et de communiquer cette attitude à mes clients et à mes pairs. B&F: Pourtant, la vie privée du banquier et ses centres d’intérêt, en général, relèvent plutôt du «bling-bling» et de la matérialité. Dès lors, ils vont à l’encontre de la recherche d’une forme de sagesse humaine... R.-P.B.: Je réfute vos propos péremptoires. Chacun de nous a certes son côté «bling-bling», sa petite folie liée au matériel, mais cela ne l’empêche pas de tendre vers la sagesse, ni de donner à autrui, à ceux étant dans le besoin, autrement dit de se montrer généreux d’une manière totalement gratuite et désintéressée, sans attendre, ni souhaiter un quelconque retour. De nombreux banquiers sont des hommes humbles et très engagés dans la philanthropie, l’aide et le soutien à leurs prochains. Et puis, il faut le souligner, les banquiers fournissent un nombre impressionnant de places de travail, permettant aux salariés concernés d’accéder à leurs souhaits de consommation ou autres. Les banquiers redistribuent ainsi leurs propres revenus. B&F: Malgré vos dires, la compatibilité entre le monde de l’argent et de l’apparat, autrement dit celui de l’avoir, et le monde des idées en particulier empreintes de générosité et d’idéalisme sociétal, c’est-à-dire celui de l’être, semble illusoire... R.-P.B.: Je ne partage absolument pas cette affirmation. Gagner de l’argent n’est pas du tout en contradiction avec le fait de jouer un rôle social, ni de respecter son prochain. Il existe bien sûr des disparités entre les conditions de vie et les ressources financières des personnes. Mais elles relèvent de la dualité existante dans la société, laquelle dualité constitue aussi une complémentarité. B&F: Croyez-vous sincèrement qu’il est possible de «civiliser» l’argent en le dotant d’une «éthique sociale», comme le prônent certains philosophes? R.-P.B.: C’est une question difficile. Référons-nous aux propos de Jean-Jacques Rousseau, qui préten-
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L’invité
© Photos: Bertrand Rey
dait que l’homme naît bon, mais que la société le corrompt. En fait, trop d’argent nuit et corrompt l’homme. Idéalement, il faudrait socialiser le bien-être financier. Mais, malheureusement, ce bien-être implique bien souvent le pouvoir. Et lorsque l’homme détient ce pouvoir, il oublie totalement son rôle et son devoir. Aussi, j’ai beaucoup de peine à concevoir que l’argent concentré entre quelques mains puisse déboucher sur sa socialisation. B&F: Quelle place occupe ou devrait occuper la spiritualité dans l’exercice de la profession de banquier? R.-P.B.: La spiritualité doit être partie intégrante de l’exercice de cette profession. Car il m’est difficile d’imaginer que l’on puisse proposer des services ou vendre des produits sans être intimement persuadé qu’ils correspondent en tous points aux souhaits et aux attentes du client, afin qu’ils lui soient profitables. Le banquier ne doit jamais oublier que son contrat avec le client s’apparente à un partenariat, dont les deux parties doivent être gagnantes. C’est là que se trouve la dimension spirituelle de son devoir de banquier. Hélas, certains professionnels usent et abusent souvent de leurs connaissances pour dominer la relation avec leurs clients, et, parfois, lorsqu’il y a trop d’argent en jeu, ils perdent même le sens et l’obligation d’honnêteté. Le banquier doit œuvrer pour son prochain et non pour son portefeuille. Il doit s’en souvenir à 8 h du matin, mais aussi à 16 h de l’après-midi... B&F: A vous entendre, le banquier devrait être mieux apprécié de l’opinion publique, pour autant qu’il parvienne à exprimer ses réelles valeurs humaines. Malheureusement, les scandales financiers et autres malversations, pour des raisons d’avidité, contrecarrent l’image qu’il pourrait véhiculer à l’extérieur du microcosme financier. Pensez-vous que le banquier du XXIIe siècle saura retrouver une considération pleine et entière dans la société? R.-P.B.: J’en suis profondément persuadé, car la transparence des activités bancaires devient une réalité de tous les jours. En outre, toutes les nouvelles lois en vigueur exigent cette transparence. Aujourd’hui, tout le monde y va de son couplet sur le secret bancaire. Or, il désigne essentiellement la discrétion professionnelle. Internet a favorisé l’avènement plein et entier de cette transparence.
Plus personne ne peut faire n’importe quoi. Par conséquent, l’image du banquier s’améliorera en parallèle à l’application stricto sensu de la transparence, qu’elle concerne ses stratégies, sa rémunération et celle de la banque, le fonctionnement de cette dernière, les produits proposés à la clientèle, etc. Le banquier de demain sera pleinement considéré et retrouvera toute son aura s’il applique une éthique et une transparence hors normes. Je pense aussi que son niveau de salaire, du moins pour certains, sera harmonisé avec celui de la majorité des salariés. B&F: Cette modeste interview avait l’ambition de se pencher sur le banquier en tant qu’être. Votre obligé vous paraît-il s’égarer dans des considérations et rêveries d’un autre siècle, ou au contraire, se profilet-il dans la réalité visant à créer la concordance entre les composantes de la société humaine? R.-P.B.: Nous ne pouvons pas vivre uniquement d’eau et de pain. Toutefois, l’intelligence humaine ne doit pas servir qu’à générer à profusion des dollars, à la manière de Picsou, mais bien davantage à aider l’humain à générer la paix dans le monde et l’harmonie entre les peuples. Finalement, le banquier doit aussi être un vecteur de paix et de stabilité. Je vous remercie donc de votre question, et de votre interview dans son ensemble, qui m’ont permis de présenter une autre facette du banquier, celle en tout cas que je prône. C’est d’ailleurs pour cette raison que je n’ai aucune honte d’être banquier. Propos recueillis par Didier Planche BANQUE&FINANCE N°110 JUILLET/AOUT 2011
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Décryptage
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Directions de fonds: de nouveaux défis!
Nicolas Biffiger Compliance Officer, Gerifonds SA
@ nicolas.biffiger@gerifonds.ch
Le renforcement du marché européen des fonds et la complexification des tâches de leur direction constituent des nouveaux défis auxquels elles doivent faire face, tout en préservant les intérêts des investisseurs.
L
es directions de fonds sont des sociétés anonymes, avec siège et administration principale en Suisse, qui créent, administrent, gèrent et distribuent des placements collectifs de capitaux, en principe sous la forme de fonds de placement contractuels, ouverts au rachat (open-end). Elles peuvent exercer d’autres activités liées aux placements collectifs (gestion collective), ou à la gestion de fortune privée (gestion individuelle). Elles sont donc des sociétés de gestion (management companies). Comme les autres intermédiaires financiers, banques, négociants et gestionnaires de fonds, les sociétés de direction sont soumises à des conditions d’autorisation et de surveillance très strictes, quant à leurs moyens financiers, leur organisation et leur fonctionnement. 48 directions de fonds (treize en Suisse romande) sont actuellement autorisées par la FINMA. 44 sont membres de la Swiss Funds Association (SFA), dont les directives et règles de conduite s’appliquent à toutes les directions de fonds, en tant que standards minimaux reconnus par la FINMA. Les directions de fonds doivent continuellement
s’adapter aux marchés financiers et à l’évolution des conditions-cadres, notamment réglementaires. Le renforcement du marché européen des fonds et la complexification des tâches représentent autant de nouveaux défis. Concurrence européenne La FINMA vient de rappeler que les directions suisses ne doivent créer que des fonds de droit suisse (communication No 21 du 28.02.11, p. 4), lesquels ne peuvent pratiquement pas être enregistrés dans des pays étrangers. La nouvelle directive européenne AIFM facilitera, certes, l’enregistrement de certains fonds de droit suisse dans des Etats membres de l’UE, mais pas avant 2015, voire 2018, et seulement pour les investisseurs professionnels. Sur leur propre marché, les fonds suisses sont soumis à la concurrence de près de 6000 fonds de droit étranger (dont certains de promoteurs suisses), autorisés à la vente en Suisse. Autrement dit, ils sont environ quatre fois plus nombreux que les fonds suisses. L’écart entre les fonds suisses
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Décryptage
Evolution du nombre de fonds suisses ouverts
Protéger les intérêts des investisseurs
Source: Gérifonds
et étrangers ne s’est pas réduit après l’entrée en vigueur de la loi sur les placements collectifs de capitaux (LPCC), en 2007, et l’abolition du Swiss finish en 2009. Les directions de fonds suisses se spécialisent donc plutôt dans l’asset management et la distribution de placements collectifs, suisses ou étrangers. Elles sont d’ailleurs exemptées des autorisations de gestionnaires de fonds, de distributeurs et de représentants de fonds étrangers (Art. 8 al. 1 OPCC). Les directions, qui exercent des activités transfrontières (cross-border), doivent respecter les réglementations des pays cibles et ne peuvent constituer des fonds étrangers que par l’intermédiaire de filiales (Art. 46 al. 1 let. b de l’ordonnance sur les placements collectifs, OPCC). La nouvelle directive européenne UCITS IV octroie, en revanche, aux sociétés de gestion des Etats membres de l’UE un passeport européen. Ce dernier est valable tant pour les sociétés elles-mêmes que pour leurs fonds. Les directions peuvent donc créer des fonds dans d’autres juridictions et les enregistrer dans tous les pays de l’UE (même en Suisse). La commercialisation des fonds UCITS est, en outre, facilitée par un document d’information de base standardisé, le Key Investor Information Document (KIID), qui remplace le prospectus simplifié. Les fonds non UCITS bénéficieront également, en 2013, d’un passeport européen pour le marché des investisseurs professionnels, selon la directive AIFM récemment adoptée suite à la crise financière de 2008. Sur le plan international, ce label AIFM s’ajoutera à la «marque» UCITS déjà bien connue, tous deux facilitant ainsi la commercialisation des fonds des pays
Les porteurs de parts d’un fonds de placement contractuel n’ont, par principe, aucun droit d’intervention dans la gestion d’un fonds. Celle-ci est exercée par la direction ou le gestionnaire délégué. Les porteurs n’ont, vis-à-vis de la direction, qu’un droit d’information et de rachat de leurs parts. La direction doit ainsi protéger les intérêts des investisseurs selon les règles de conduite et les devoirs de loyauté, de diligence et d’information (Art. 1 et 20 ss LPCC). Dans certains cas, la direction est même amenée à agir contre ses propres intérêts pour sauvegarder ceux des investisseurs, par exemple lorsque des placements non liquides ou difficilement évaluables entraînent la suspension de l’émission de nouvelles parts du fonds (soft closing) (cf. communication FINMA No 23 du 29.04.11, p. 5/6). Dans la recherche de solutions aux multiples défis qui apparaissent, les directions de fonds ne sauraient perdre de vue les intérêts des investisseurs. Elles doivent garder une vue d’ensemble et maîtriser tous les processus et intervenants, ceci en toute indépendance (Art. 30 LPCC). Parfois, seules des solutions simples permettront de maîtriser les coûts et les risques du fonds dans l’intérêt de tous les participants, les uns, promoteurs, cherchant la rentabilité, et les autres, investisseurs, la performance.
Sur le web www.finma.ch www.sfa.ch www.gerifonds.ch
membres de l’UE dans d’autres marchés, par exemple en Asie ou en Amérique latine. Rien d’étonnant, donc, à ce que des promoteurs suisses annoncent régulièrement des concentrations, ou des regroupements de leurs activités de fonds, dans l’un des pays de l’UE, le Luxembourg par exemple. De tels mouvements correspondent à des stratégies de développement de distribution transfrontières avec des économies d’échelle. Les promoteurs décidant de rester fidèles à la Suisse sont, de toute façon, quand même soumis indirectement à des normes européennes de par la volonté de notre législateur, par exemple pour les prospectus simplifiés des fonds suisses non eurocompatibles («Autres fonds en placements traditionnels»). Ces derniers étaient au nombre de 1105 pour un total de 1393 fonds suisses autorisés au 31 mars 2011. Complexification des tâches Le développement des techniques de gestion conduit à l’utilisation de véhicules de placement toujours plus sophistiqués (par ex. dérivés, produits structurés, fonds cibles...), ce qui a des impacts sur l’évaluation et la liquidité. Les directions de fonds en sont responsables, même si elles font appel aux services de tiers spécialisés ou de délégataires, ce qui peut d’ailleurs accroître les risques de conflits d’intérêts. Les techniques de gestion complexes alourdissent en outre les processus opérationnels d’exécution, d’administration et de publication (reporting) des fonds. La complexification des tâches résulte aussi de l’entrée en vigueur de nouvelles réglementations, parfois en cascade. La nouvelle directive européenne AIFM sur les fonds non-UCITS a ainsi conduit le Conseil fédéral à mandater le Département fédéral des finances (DFF) pour présenter un projet de modification de la LPCC (pourtant conçue à l’origine comme une loicadre) d’ici à cet été. De l’autre côté de l’Atlantique, le Foreign Account Tax Compliance Act (FATCA) américain obligera dès 2013 les fonds étrangers à identifier les porteurs de parts contribuables US et à retenir, dans certains cas, 30% des revenus et des produits de la vente des valeurs US. Selon la notice 2011-34 de l’Internal Revenue Service (IRS), les fonds pourront, certes, recourir aux services des banques dépositaires, mais resteront responsables de ces obligations fiscales. Les rapports entre les directions de fonds et les banques dépositaires en seront aussi transformés. BANQUE&FINANCE N°110 JUILLET/AOUT 2011
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En partenariat avec
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Christoph Bütikofer (1) rejoint la banque CIC (Suisse) en tant que directeur du siège de Zurich. Pour occuper ce poste stratégique, celle-ci dispose en la personne de Christoph Bütikofer d’un spécialiste financier doté d’excellentes relations au plan international. Peter F. Braunwalder vient renforcer le Conseil d’administration de Banque Heritage. Formé à l’UBS, il y reste vingt ans et occupe différents postes à haute responsabilité entre Tokyo, Londres et Zurich, avant de devenir CEO et Country Manager de HSBC Private Bank pour la Suisse de 2002 à 2008. Vice-président du Conseil d’administration de l’Association des banques étrangères en Suisse et membre du Conseil de l’Association suisse des banquiers jusqu’à fin 2004, Peter F. Braunwalder est également Président du Conseil de Thommen Medical AG. Arthur Caye rejoindra Lombard Odier Darier Hentsch & Cie le 2 août 2011 et deviendra Associé-gérant au 1er janvier 2012. Il a débuté sa carrière en 1993. Titulaire d’un MBA de la
Stanford Business School en 2001, Arthur Caye a rejoint Capital Group à Genève où il a été responsable de la recherche financière et d’investissement, plus spécifiquement dans les domaines de la finance et de la nutrition. Il y a été nommé Associé en 2006 et Research Director en 2009. Bernard de Halleux (2) reprend les rênes de Dexia Asset Management Luxembourg S.A., succursale de Genève. Il est entré officiellement en fonction en mai dernier, àprès le départ d’Ulrike Kaiser-Boeing qui fut responsable de la succursale suisse pendant un peu plus de quatre ans. Lloyds TSB Private Banking a nommé Ricardo Sanchez-Hernandez Senior Wealth Structuring Solutions Consultant pour ses opérations à Genève. Il renforce ainsi l’offre globale de banque privée ainsi que de gestion de fortune de Lloyds TSB en tant que consultant pour l’Amérique Latine, le Moyen-Orient et l’Afrique. Ancien de PricewaterhouseCoopers et de J.P. Morgan. Il a rejoint la filiale genevoise de Lloyds TSB en juin.
KPMG International nomme Michael J. Andrew (3) en tant que Président Monde pour succéder à Tim Flynn. Michael Andrew, 54 ans, va diriger pendant quatre ans le réseau monde du géant des prestations de services d’audit, fiscaux et de conseil. Il présidait jusqu’à présent la branche Asie Pacifique Australie de KPMG. Philippe Rudloff a récemment été nommé au Comité de direction de Bordier & Cie, Banquiers Privés. Agé de 40 ans et de nationalité suisse, Philippe Rudloff travaille au sein de l’établissement depuis dix ans et dirige un des quatre groupes de développement avec, entre autres, la responsabilité du bureau de Berne et de Montevideo. Goldman Sachs Asset Management vient de nommer Alain Barthel (4) au poste de Directeur de Goldman Sachs Asset Management en Suisse. Avant de rejoindre GSAM, il travaillait pour Morgan Stanley où il était à la tête du service de gestion de portefeuilles et en charge des ventes locales suisses. Il est basé à Zurich.
Janus Capital Group vient d’annoncer la nomination de Christopher H. Diaz (5) en tant que Responsable de la gestion taux au niveau monde. Placé sous la responsabilité de Gibson Smith, codirecteur des investissements obligataires de Janus Capital. Il est également cogestionnaire du Janus Global Bond Fund aux côtés des gestionnaires actuels du compartiment, Gibson Smith et Darrell Watters. Janus Capital Group s’est dans le même temps attaché les services de John Kerschner en tant que Responsable des produits titrisés. Gianluca Grissini (6) a été nommé directeur de la succursale de Lugano de la Banque Sarasin & Cie SA. Il est également responsable régional du marché italien pour les activités de private banking et rend directement compte à Eric G. Sarasin, responsable de la division Private Banking. Lugano offre également un partenariat professionnel aux gestionnaires de fortune externes. Ce secteur d’activité est placé sous la direction de Fabio Aragona.
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La parole est à...
Déséquilibre offre - demande
L’immobilier vaudois en surchauffe Malgré la forte progression de ces cinq dernières années et le trend d’augmentation des taux hypothécaires, la demande reste forte et les prix peinent à freiner.
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ous avons encore tous en mémoire les dérapages des années 1990, où la forte augmentation des taux d’intérêt, la conjoncture fortement dégradée et la sous-évaluation des risques de solvabilité des emprunteurs avaient sanctionné lourdement les banquiers, plus particulièrement en Suisse romande. La mise en place de politiques plus strictes en matière d’appréhension des risques de la capacité des débiteurs à faire face à leurs engagements, en période de taux élevés, était arrivée trop tardivement. Il a fallu plusieurs années pour écouler des objets immobiliers considérés comme surévalués à l’époque. Depuis, avec une conjoncture majoritairement positive, un marché épuré et des taux historiquement et progressivement au plus bas, couplé à un taux de vacances nettement en dessous de 1%, le marché immobilier dans le canton de Vaud a repris son envol au-delà de toutes espérances, et a passé sans écueil la crise de 2008. En outre, la forte évolution démographique de ces dernières années due à l’excellente qualité de vie offerte, la proximité des écoles et centres de recherches internationalement reconnus, une imposition fiscale compétitive, la possibilité de faire appel à tout ou partie de son deuxième pilier, et un sentiment de sécurité «où il fait bon vivre» ont également contribué à cette forte augmentation. De même, les investisseurs en mal de performance sur les véhicules de placement à taux fixe, ces dernières années, également échaudés par les soubresauts des places boursières, ont encore attisé ce phénomène. Ce sentiment de sécurité d’investir dans la pierre, garant qu’elle sera encore là pour longtemps, a fini par occulter totalement la difficulté de rendre liquide cet investissement en cas de retournement de conjoncture. Les prix élevés vont probablement se maintenir Si mécaniquement, les prix de l’immobilier, au demeurant hétérogènes d’une région, voire d’une commune ou même
Jean-Baptiste AVENI Responsable Lombard Odier Lausanne, Vevey et Fribourg Vice-président de l’Association vaudoise des banques et Président de la Fondation vaudoise pour la formation bancaire
@ jb.aveni@lombardodier.com
d’un quartier à l’autre, devaient s’affaisser avec l’augmentation des taux hypothécaires, l’offre est déjà loin aujourd’hui, de satisfaire la demande et peine à freiner les prix actuels du marché. En comparaison internationale, force est de constater que notre immobilier reste extrêmement compétitif, avec des prix de marché médian pour des maisons individuelles d’environ 7000 francs/m2 à Lausanne, loin derrière Zurich (9000 francs/m2) et Genève (10 000 francs/m2). Le haut de gamme se négocie, lui, à respectivement 21 000 francs/m2 pour Lausanne, 30 000 francs/m2 pour Genève et 35 000 francs/m2 pour Zurich. Objectivement, les prix du marché sont encore raisonnables, par rapport aux atouts offerts et aux offres pratiquées dans les autres zones géographiques et à l’étranger. En outre, le flux migratoire étranger devrait se poursuivre, puisque les prévisions estimées en sol vaudois sont de 150 000 résidents supplémentaires d’ici à 2035, alors que les taux de vacances sont déjà proches de zéro dans le canton de Vaud. Et ce n’est pas la récente ouverture des huit pays supplémentaires de la zone euro, dans le cadre de la loi sur la libre circulation des personnes, qui viendra contredire ces prévisions ou en atténuer les effets, ni même d’ailleurs le peu de nouveaux logements en construction pour faire face à cette forte demande prévisible. Pas plus que l’allongement de l’espérance de vie ou une société avec toujours plus de divorces, qui réclame plus de surface par personne. Il est donc difficile d’imaginer que les prix actuels vont réellement et brutalement s’affaisser ces prochaines années, à cause d’une demande trop forte et d’une offre véritablement déficiente. Ceci dit, les premiers signaux de surchauffe ont été perçus par bon nombre de banquiers ayant revu dès cette année leurs objectifs de croissance de prêts hypothécaires à la baisse et de resserrement des critères de solvabilité de leurs futurs débiteurs. Tant que le déséquilibre entre l’offre et la demande persistera, les prix élevés vont probablement se maintenir. Les transactions seront peut-être freinées par une politique de prudence de la part des banquiers, mais guère plus.
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En toute liberté
Christophe REYMOND Directeur général du Centre Patronal
Relations pacifiées banques - entreprises
@ creymond@centrepatronal.ch parcours • Né en 1965 • Marié et père de trois enfants • Docteur en droit de l’Université de Lausanne • Titulaire d’un master de droit européen de l’Université de Londres • Entré au Centre Patronal en 1992 et directeur général de l’institution depuis 2007
Il faut tordre le cou à cette idée trop répandue qu’il y aurait d’un côté l’économie financière et de l’autre l’économie prétendument réelle.
L
a crise financière, qui s’était abattue à l’été 2007 sur les places financières internationales, a au moins eu ceci de bon qu’elle a rappelé à quel point les banques occupent une place spécifique dans nos systèmes économiques. Résumé en une phrase, on écrirait que si une banque peut faire faillite, le système bancaire, lui, ne le peut pas. Son rôle s’avère irremplaçable au travers de la transformation des dépôts en crédits et de la création de monnaie, qui en résulte. En définissant l’endettement des agents économiques, en contrôlant leur accès à la liquidité, en gérant une grande partie de leurs actifs et revenus, il constitue à la fois le poumon de l’économie, en général, et un levier de pouvoir sur les entreprises. Ce simple constat suffit à mettre à mal la dichotomie que certains se sont échinés à proclamer entre économie financière et économie «réelle». Celle-ci apparaît d’ailleurs bien mal fondée dans un environnement très dominé par le secteur tertiaire. Que ce soit d’un point de vue macro ou microéconomique, la place industrielle, le secteur des services et le monde financier sont liés sous de multiples aspects et bénéficient réciproquement de leurs différents atouts. Exigences accrues Malgré les moulinets de quelques-uns, on doit observer l’état plutôt réjouissant des relations entre le monde bancaire et les dirigeants d’entreprises. Le phénomène que l’on observe parfois est celui prévalant aussi pour les avocats ou les régisseurs immobiliers: «Les banquiers sont trop comme ceci et pas assez comme cela, mais le mien est excellent». Et il est vrai que lorsqu’on interroge les patrons sur les rapports avec
leur établissement bancaire, on n’enregistre que très peu de plaintes, ce qui était loin d’être le cas lors de la crise du début des années 2000, et plus encore lors de celle des années 1990. Il y a au moins deux raisons à cela. La première tient à ceci que le robinet du crédit ne s’est pas tari lors des turbulences financières internationales. Outre que la récession a frappé considérablement moins fort dans notre pays que chez nos voisins, cela a permis à l’immense majorité des entreprises de s’en sortir sans trop de dégâts. Celles-ci auraient évidemment très mal compris qu’après s’être fourvoyées par milliards sur des marchés que l’on qualifiera pudiquement d’insolites, les banques helvétiques viennent péjorer les ratings des entreprises d’ici, en invoquant un accroissement des risques. Dieu sait qu’elles ont bien fait de continuer à s’engager, car on voit aujourd’hui quelle est la prospérité du pays et à quel point ces entreprises constituent un marché sain et porteur. Le second motif de ces relations pacifiées tient aux rapports désormais plus étroits qu’entretiennent les patrons avec leurs bailleurs de fonds. Depuis maintenant quelques lustres, les banques ont été amenées à gérer leurs engagements de manière plus rigoureuse. Il en est résulté des exigences accrues à l’égard des dirigeants d’entreprises, et donc un certain nombre de récriminations. Mais on doit à la vérité de reconnaître qu’il y a certainement là une des explications aux améliorations très concrètes observables dans la qualité du «management», en particulier dans les petites et moyennes entreprises. C’est ce sérieux, ce suivi, qui constituent l’honneur des banques suisses. Ils montrent que le secteur financier n’est pas qu’une machine à produire des bénéfices, mais aussi l’un des éléments essentiels de cette communauté organique que constitue l’économie.
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À la tribune
incertitudes
EWS, une femme indispensable La Suisse peut-elle se payer le luxe de perdre une excellente ministre des Finances? En décembre 2011, Eveline Widmer-Schlumpf a risqué de disparaître...
S
i je ne devais garder qu’une seule image d’Eveline Widmer-Schlumpf, ce serait celle du 13 décembre 2007, à huit heures du matin. A cette date, elle annonça qu’elle acceptait son élection au Conseil fédéral en lieu et place de Christoph Blocher, candidat officiel de l’UDC. En tant que membre du bureau, j’étais assis face à l’assemblée et à la candidate. EWS était debout au milieu de deux huissiers en cape rouge et blanche, disposée à prêter serment. Cependant, Caspar Baader, président du groupe UDC, se précipita à la tribune en dehors de toute procédure, pour la stigmatiser dans un discours improvisé et violent. Ursula Haller, ma voisine, me glissa à l’oreille qu’il était en train de l’insulter. EWS ne broncha pas. S’ensuivit un cafouillage insensé où le président s’empêtra dans le déroulement de la procédure de serment. Elle ne faiblit pas, très pâle, la mâchoire un rien contractée. On ne trouve, curieusement, aucune trace de ces incidents dans le procès-verbal de l’Assemblée fédérale du 13 décembre, lequel manque sur le site admin.ch. Ce jour-là, les institutions fédérales chancelèrent sous les assauts de l’UDC qui s’efforçait d’imposer sa règle, selon laquelle les partis désigneraient les Conseillers fédéraux. Si Eveline n’avait pas accepté son élection, si elle n’avait pas résisté aux insultes publiques en pleine séance, la partie était perdue pour la Suisse. De même, elle supporta sans broncher l’exclusion de son parti, en juin 2008, pour «traîtrise», ainsi que les menaces de mort dont elle fut l’objet. Sous sa silhouette menue se cachent une intelligence et une volonté telles qu’elle réussit à servir le pays dans des circonstances critiques. Bien
qu’elle fût une femme, c’est-à-dire parce qu’elle est une femme plus sensible au bien public qu’à sa carrière. Que se serait-il passé si elle n’avait pas tenu tête à l’assaut du parti le plus puissant, appuyé par un trésor de guerre sans limites? De guerre lasse, le parlement aurait remis Christoph Blocher en selle. Suppléant de Hans Rudolf Merz, ce serait lui qui aurait géré la crise d’UBS en septembre 2008. Il se serait sans doute montré plus soucieux des intérêts de la banque que de ceux du pays. En outre, il se serait révélé un aussi piètre ministre des Finances par intérim qu’il fut un décevant ministre de la Justice, plus occupé de son ego que du bien public. La maîtrise des dossiers Certes, EWS a des convictions de droite en matière de finance, c’est-à-dire qu’elle gère le budget avec rigueur. Mais cela ne l’empêche pas de posséder une ouverture d’esprit à l’opposé de son parti d’origine. Durant son adolescence, elle milita pour le droit de vote des femmes. Elle soutint l’adhésion de la Suisse à l’ONU et elle s’opposa à l’impôt dégressif. Elle s’est battue en 2004 contre le paquet fiscal proposé par la Confédération, qui sera rejeté en votation populaire. A six mois des élections, son avenir au gouvernement est incertain, tant la concordance est un système absurde. Comme le PBD avec 6 ou 7% des suffrages ne pourra pas revendiquer un Conseiller fédéral, la machinerie parlementaire risque d’éliminer une des meilleures ministres des Finances que l’on puisse trouver, plus intéressée à maîtriser les dossiers qu’à battre l’estrade! A un journaliste, elle a confié: «J’aimerais que les gros projets que l’on a lancés, comme la stabilisation financière, la problématique des entreprises <too big to fail> et la régularisation du marché financier, puissent se faire de manière durable, pour qu’on ne se retrouve pas dans trois ou quatre ans dans la même situation». Peut-on se passer d’EWS?
JACQUES NEIRYNCK Conseiller national PDC
@ jacques.neirynck@epfl.ch parcours Ingénieur de formation, professeur de 1972 à 1996 à l’EPFL, Jacques Neirynck a été auparavant professeur à l’Université de Louvain et directeur adjoint d’un laboratoire de Philips, à Bruxelles. En parallèle, il a déployé une importante activité comme militant consumériste dans des organisations, à la radio et à la télévision. Il a été Conseiller national PDC de 1999 à 2003, puis l’est à nouveau depuis 2007 (jusqu’à cette année). Il a aussi été élu député au Grand Conseil vaudois en 2006. Jacques Neirynck a publié plusieurs romans, dont Les Manuscrits du St-Sépulcre, Le Siège de Bruxelles, L’attaque du Palais fédéral, etc. et quelques essais (Le huitième jour de la création, Peut-on vivre avec l’Islam, La Suisse, un pays qui ne connaît pas son bonheur, Science est conscience, Profession menteur).
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Actualité
Bâle III
L’avenir du Trade Finance s’assombrit! Jean-Luc SPINARDI Sales & Training Manager, MIT - Micro Informatique & Technologies SA
@ jlspinardi@mitsa.ch
Au-delà de la volatilité des cours des matières premières, les acteurs du Trade Finance sont de plus en plus préoccupés par les conséquences de Bâle III.
L
Sur le web www.mitsa.ch www.bis.org
a problématique Bâle III demeure sur toutes les lèvres, lorsque l’on se réfère à l’activité du financement des matières premières. Les nouvelles dispositions risquent en effet d’avoir un impact négatif sur l’avenir du secteur et de ses acteurs, mais également sur l’ensemble du commerce international et la croissance mondiale. Il convient donc de se pencher attentivement sur l’énoncé de Bâle III, dans le cadre des opérations de financement des matières premières, afin de comprendre la raison d’être des nouvelles normes, alors qu’elles risquent d’assombrir le ciel du Trade Finance. Si les premiers accords du Comité de Bâle (Bâle I) restaient relativement discrets à propos du Trade Finance, c’est surtout Bâle II qui allait lui donner des précisions en termes de réglementation, dès son entrée en fonction en 2008. En substance, les accords Bâle II, toujours en vigueur, maintiennent le taux de fonds propres nécessaire à 8% et exigent la mise en place de procédures de surveillance du risque, avec des méthodes de calcul de pondération plus sophistiquées. Dès lors, les banques choisissent la plus adaptée à leurs besoins, à savoir une méthode standard ou une méthode, dite des notations internes, leur permettant de proposer elles-mêmes leur propre grille de notation soumise à l’approbation d’un organe dûment habilité. Il faut ainsi retenir de Bâle II que la pondération des engagements hors bilan (crédits documentaires, garanties, etc.), utilisée dans le calcul des fonds propres, s’élève à 20%. Les normes Bâle III étant désormais édictées, cela signifie-t-il que Bâle II a quelque part échoué ? Non, même si sa critique principale est fondée sur la difficulté pour les banques de fournir des données fiables, et d’implanter une systématique
conforme à ses normes. Bâle II ne représente pas un échec, car elle a contribué à donner un cadre, voire un statut bien que très succinct au secteur. C’est la crise, en 2008, qui a tout compliqué et remis en cause la pertinence de ses normes. Conséquences non mesurées Bâle III constitue la réponse des régulateurs à la crise des subprimes, initiée aux Etats-Unis fin 2007 et qui a contaminé le monde entier. Entérinées par le G20 en septembre 2010, les nouvelles directives seront implémentées dès 2013, jusqu’en 2019. Leur but vise à augmenter la quantité, la qualité et la transparence des fonds propres des banques. Une interprétation beaucoup plus restrictive, en termes de qualité de risque de contrepartie, a aussi été établie. Les exigences des ratios de fonds propres et de liquidité ont également été renforcées, avec la création de «coussins» de sécurité en addition des fonds propres «Capital Buffer». Ces coussins seront utilisés pendant les périodes de crise et reconstitués lors des périodes de croissance. Enfin, et c’est le point central qui inquiète les acteurs du Trade Finance, Bâle III demandera aux banques actives dans ce secteur de détenir cinq fois plus de capital qu’avant pour continuer leurs activités de financement. Si Bâle II demande une pondération à hauteur de 20%, Bâle III l’exigera à 100%. Coûts de financement en hausse Apparemment, les acteurs concernés n’ont pas (encore) mesuré à leur juste valeur les effets collatéraux de ces
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Actualité nouvelles normes sur l’activité de Trade Finance, à terme. Pourtant, le contexte micro et macro-économique pourrait subir de réels changements, en relation avec leur implémentation jusqu’en 2019. La première conséquence devrait être la disparition à terme de nombreuses banques, principalement petites et moyennes, qui ne disposeront pas des ressources nécessaires pour augmenter leur niveau de fonds propres. Les sociétés en quête de financement seraient ainsi condamnées à traiter uniquement avec les grandes banques. Lorsque l’on connaît la rigidité, le manque de réactivité et de capacité de ces dernières à prendre des décisions rapides face à des demandes de financement de plus en plus pointues, on peut bien imaginer que les clients seront les grands perdants. Car la pluralité des banques de petite taille, appelées à disparaître, permet aux sociétés nécessitant des capitaux d’avoir un éventail de possibilités diversifiées, grâce à leurs spécificités dans certains types de financement et à leurs connaissances des pays. La deuxième conséquence serait l’augmentation des coûts de financement et leur répercussion sur les clients. Comme les banques auront une proportion plus importante de fonds propres dans leur bilan et que leur coût sera supérieur aux autres moyens de financement, ce dernier sera bien évidemment supporté par le client final. Il paiera ainsi plus cher ses financements, afin que cette activité demeure
Se mobiliser Sur le fond, la principale faiblesse de Bâle III est de considérer les financements importexport comme toutes autres créances, ou tout simplement comme un classique prêt «en blanc». Alors que dans ce genre de financement, la marchandise financée constitue un gage pour la banque, au niveau de la couverture. Comme cette activité bénéficie d’un très faible taux de perte et d’un ratio de remboursement extrêmement élevé, elle mérite et requiert un statut spécifique et, de facto, la mise en place de normes n’entravant pas son bon déroulement.
De multiples compétences réunies désormais sous une même marque. Swisscom IT Services
attractive pour les banques, en termes de rentabilité. C’est à un niveau plus macro-économique que se situerait la troisième conséquence, potentiellement désastreuse, avec l’impact négatif des normes Bâles III sur les économies des pays émergents. Car les banques implantées dans le tissu économique de ces pays, et qui contribuent à leur développement n’auront certainement pas la capacité d’augmenter leur niveau de fonds propres, afin de continuer à financer les exportations vers l’étranger. Ce handicap entravera fortement les exportations des pays émergents et risquera de provoquer un déséquilibre avec des répercussions politiques extrêmement dangereuses, surtout au cours des périodes d’instabilité politique comme actuellement. Lors de sa dernière réunion à Séoul en novembre 2010, le G20 a officiellement demandé au Comité de Bâle d’étudier les spécificités du Trade Finance, suite aux nombreux commentaires négatifs reçus. Le dialogue est désormais ouvert entre les acteurs du secteur et les régulateurs, puisque d’importants mouvements lobbyistes sont activés, auxquels se sont jointes des grandes banques comme HSBC ou Standard Chartered Bank, pour défendre les intérêts du Trade Finance. Il faut dire que des analyses récentes considèrent que Bâle III pourrait coûter 0,5% à la croissance mondiale et 2% au commerce international...
Les filiales de Swisscom IT Services – Comit, Resource et Sourcag – sont maintenant réunies sous la même marque de Swisscom. Cette nouvelle image d’entreprise souligne nos multiples compétences dans le secteur financier, les solutions SAP, l’externalisation informatique et les services concernant le poste de travail électronique. Grâce à Swisscom IT Services, vous avez un partenaire fort à vos côtés. Plus de 3000 collaborateurs s’engagent à traiter de manière professionnelle les projets informatiques, à assurer la stabilité d’infrastructures informatiques complexes et à conserver en toute sécurité les données confidentielles. www.swisscom.ch/it-services
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Sous les projecteurs zurichois
Le commentaire Cyril DEMARIA Chroniqueur
Prévoir et prévenir Si la mesure de la création de valeur du capital immatériel a progressé via la value added of intellectual capital (VAIC, fonction de l’efficience du capital humain, du capital structurel et du capital employé), la value at risk demeure impuissante à prendre en compte dynamiquement la probabilité et les conséquences d’une crise bancaire. La sousévaluation du risque bancaire, illustrée par l’affaire Jérôme Kerviel à la Société Générale en France, semble généralisée. Yosra Béjar explique que l’«on commence juste à avoir des statistiques des incidents intervenus au cours des dernières décennies pour établir des probabilités d’occurrence.» Même connus, les risques ont été jusqu’à présent gérés de manière insatisfaisante, le transfert de risque partiel vers les assurances ayant conduit à sa propagation. Les actifs immatériels tels que l’éthique, l’intégrité, la qualité, la sécurité, la soutenabilité et la résilience d’une banque sont aussi une source de risques majeurs à anticiper. A cette aune, prévoir et prévenir n’en sont qu’à leurs balbutiements. CD
@cyril.demaria@gmail.com
L’Arlésienne... immatérielle bancaire Le principal actif des banques est leur capital immatériel. Il repose sur deux concepts délicats à valoriser, la confiance et la réputation.
Q
ue valent les banques? La chute de Lehman Brothers a illustré, en 2008, que leur solidité est très relative. Alan Greenspan avait alors déclaré que «dans un marché basé sur la confiance, la réputation a une valeur économique significative». La part «incertaine» des actifs d’une banque est tellement difficile à valoriser qu’elle peut occulter la valeur totale de l’établissement. Pour faire un parallèle, Tepco au Japon commence juste à ressentir les conséquences d’une des plus grandes catastrophes nucléaires civiles de l’histoire. La part immatérielle de son bilan n’est donc pas aussi critique que pour une banque.A l’inverse, le hedge fund de John Paulson a réalisé des gains substantiels sur les cendres du même Lehman Brothers, dont les actifs résiduels ont conservé une valeur de marché. Habituellement, la composition de la valeur des entreprises américaines est estimée à un tiers de capital immatériel (leur
total était estimé à 9,2 trillions de dollars en 2005). Ce ratio est beaucoup plus élevé pour les banques, car la confiance et la réputation sont au cœur de leur activité. Ces dernières sont aussi très volatiles, comme l’illustrent les fortes variations de valeur de ces établissements avant, pendant et après la crise financière (voir schéma). Ce fut l’enjeu des réglementations ayant suivi la crise financière. Les actifs immatériels bancaires comprennent peu de propriété intellectuelle à protéger. Les listes de clients sont volées sans aucune sanction réelle, si elles sont revendues à des autorités étrangères. Il n’y a pas de brevets, ni de copyright bancaire. La marque (seul élément à protéger) est établie sur des avantages concurrentiels aux contours flous, tels que le savoir-faire. Le bilan reflète généralement le coût et non le potentiel de création de valeur du capital immatériel. Il s’incrémente via des ratios quantitatifs d’efficacité, de productivité, de perte et de coûts d’opportunité issus du benchmark routinier du compte de résultat. La gestion du risque lié au capital immatériel est cruciale, à la fois au plan systémique (risque de contrepartie) et structurel La matérialité du risque est mieux appréciée, mais partielle, ce qui est problématique.
Evolution de la capitalisation boursière des banques (2007 – 2011) En milliards de dollars
Bleu : deuxième trimestre 2007 - Vert : au 20/1/2009 - Jaune : au 5/5/2011
Source : JP Morgan, Bloomberg, Google Finance, Auteur.
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Echos de Bruxelles
Le bec dans l’Accis Les vingt-Sept ont débuté l’examen du projet phare de la Commission européenne dans le domaine de la fiscalité des entreprises. Dur, dur. Tanguy Verhoosel Chroniqueur
@ tanguy@verhoosel.be
C
’est le début d’une mission que d’aucuns jugent presque impossible. Les experts des vingt-Sept ont entamé, en mai, l’examen de la proposition de directive sur l’instauration dans l’Union d’une assiette commune consolidée pour l’impôt sur les sociétés (Accis), que la Commission européenne a conçue le 16 mars. La présidence hongroise de l’UE a établi un questionnaire à l’intention des experts des Etats membres, qui a été examiné les 5 et 31 mai. Budapest n’a toutefois pas jugé utile de mettre le sujet à l’ordre du jour d’une réunion des ministres des Finances des vingt-Sept, avant la fin de sa présidence (30 juin), pour une raison toute simple: la Hongrie n’est pas favorable au projet de la Commission. Ce n’est pas le seul pays, tant s’en faut. On a pu s’en rendre compte lors d’un débat préliminaire du groupe de travail du Conseil des ministres de l’UE, qui s’est réuni «à haut niveau» le 28 avril. Certes, remarque-t-on à la Commission, aucun Etat n’a formellement refusé d’entrer en matière. Mais «on est loin, très loin, d’atteindre l’unanimité», précise un diplomate. «La France et l’Espagne soutiennent la Commission. L’Allemagne a des réserves, la Grande-Bretagne et l’Irlande encore plus, et la plupart des pays d’Europe centrale et orientale ont de grosses objections». L’attitude de la Pologne, qui prendra le 1er juillet la relève de la Hongrie à la tête de l’UE, est ambiguë. La Commission est consciente des difficultés qui l’attendent. Elle estime à deux ou trois ans la longueur du processus de décision communautaire, qui d’ailleurs pourrait seulement déboucher sur le lancement d’une coopération renforcée entre un certain nombre d’Etats. Le processus de transposition de la directive dans les législations nationales, quant à lui, devrait ensuite prendre entre un et deux ans. Bref, l’Accis ne verra le jour, au mieux qu’en 2015 ou 2016. La Commission continue de défendre bec et ongles son projet, qui vise à éliminer les derniers obstacles fiscaux auxquels se heurtent les entreprises réalisant des opérations transfronta-
lières dans l’Union, à savoir les coûts de mise en conformité liés à la coexistence de 27 régimes fiscaux différents et aux règles sur les prix de transfert, la double imposition de certains revenus et la surimposition, due à l’impossibilité pour un groupe multinational de consolider aujourd’hui à l’échelle européenne les profits et les pertes des différentes sociétés le composant. Critères d’éligibilité L’Accis instaure des critères d’éligibilité et un ensemble de règles communes pour calculer l’assiette imposable de ces entreprises, sur une base optionnelle (exonérations et déductions fiscales autorisées, etc.). Elle établit par ailleurs un «guichet unique» (la déclaration d’impôt doit être rentrée dans l’Etat où est établie la maison mère d’un groupe) et prévoit un système de répartition de l’assiette fiscale consolidée entre les différents pays où sont actifs un groupe, ou une société, en fonction des trois critères des immobilisations, de la maind’œuvre et du chiffre d’affaires. Les taux d’imposition nationaux s’appliqueraient. Dans son document de travail, la présidence hongroise de l’UE (se) pose de nombreuses questions sur la proposition de la Commission. Elles s’articulent autour de huit axes, qui sont la détermination de la base fiscale, les transactions entre un groupe et des sociétés associées qui n’en font pas partie, la portée de la clause anti-abus générale qui est intégrée dans la proposition de directive, la consolidation (également prévue pour les filiales de groupes étrangers établies sur le territoire de l’UE), les critères de répartition de l’assiette fiscale, les questions administratives, le caractère optionnel du système et toutes les questions économiques relatives à l’Accis (impact budgétaire, surcharges administratives, etc.). «Un problème central à résoudre sera celui de la consolidation», prédit un diplomate. «De nombreux pays craignent, en effet, qu’elle engendre une perte de recettes fiscales pour eux.».
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A l’international
BRÉSIL
Jean-Louis MARTIN Responsable Pays émergents aux Etudes économiques du Groupe de Crédit Agricole SA
@ jean-louis.martin@credit-agricole-sa.fr
Solidité du secteur bancaire
S
elon la publication Eclairage Emergents d’avril 2011 (Groupe de Crédit Agricole SA), l’une des spécificités du Brésil est la robustesse de son système bancaire. Pour Moody’s, seul le Chili dispose d’un système bancaire plus solide parmi les pays émergents. Les banques brésiliennes sont en moyenne un peu mieux notées que les banques françaises ou américaines, assez nettement mieux que les britanniques, et très loin devant les banques indiennes, russes ou chinoises. Leur ratio moyen de capitalisation (12,3% pour le Tier 1 à la fin de 2009) est meilleur que dans la plupart des autres pays, et l’intérêt que leur portent les investisseurs leur permettrait de renforcer encore leur capital (deux des banques publiques, la Banco do Brasil et le BNDES, pourraient le faire assez rapidement, ayant fortement accru leurs encours de crédit pendant la crise de 2008-2009). Les banques brésiliennes sont aussi très rentables. Depuis dix ans, le ratio des profits aux actifs pondérés fluctue autour de 6% (6,8% en 2009; 2008 constitue une exception avec un ratio de seulement 4,4%). Ceci grâce à une réelle efficacité, puisque le coefficient d’exploitation (ratio des dépenses d’exploitation au produit net bancaire) était en 2009 de 54%. Mais surtout grâce à des taux d’intérêt moyens
Brésil: robustesse du secteur bancaire Moyennes pondérées par les actifs (juin 2010)
très élevés, soit 17,2% sur les crédits aux entreprises (acquisition d’équipements), en janvier 2011, et 48,3% sur les crédits aux personnes physiques (pour les «crédits personnels», le crédit automobile étant moins cher). Vers la baisse des taux Ces taux sont amenés à baisser, en particulier en raison de la stabilisation macroéconomique qui ne permet plus de les justifier . Mais cette baisse sera lente et ne devrait pas trop affecter la solidité et la rentabilité du système bancaire. Pour deux raisons: la première est qu’un tiers de leurs revenus sont générés par des commissions, dont la plupart continueront à être perçues, notamment par les grandes banques à réseau; la deuxième est que le système bancaire va continuer à croître. En effet, l’élargissement de la clientèle apporté par la croissance économique des dernières années explique la plus grande partie de la croissance des crédits (en moyenne 25% par an entre 2004 et la crise de mi-2008), mais le ratio crédit au secteur privé/PIB garde, à 45%, un important potentiel de croissance. Il est ainsi de 52% en Inde, 66% en Pologne, 80% en Afrique du Sud, et …139% en Chine.
Brésil: taux d’intérêt moyen annuel pratiqué par les banques
Source: BCB
Source : Moody’s
Sur le web www.credit-agricole.com/ www.bcb.gov.br/ www.moodys.com/gov.br/
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Le dessous des cartes Mohammad Farrokh
Deux poids, deux mesures
L
es banques suisses doivent-elles payer pour la création d’emplois aux Etats-Unis ? C’est ce qui ressort des dispositions fiscales du Hiring Incentives to Restore Employment (HIRE) Act, une loi passée par le Congrès américain en mars 2010. L’idée vise à améliorer le rendement de l’imposition des personnes physiques américaines ayant des comptes à l’étranger, donc de lutter contre l’évasion fiscale. Cet aspect du HIRE Act est d’ailleurs connu sous le sigle de FATCA (Foreign Account Taxation Compliance Act). D’ici janvier 2013, les banques du monde entier devront fournir une documentation précise à l’IRS (Internal Revenue Service), ou alors démontrer qu’elles n’ont aucun client américain. Si l’inquiétude était réelle dans la communauté financière helvétique, celle-ci attendait toutefois avant de se prononcer sur les directives d’application du FATCA. L’IRS les a publiées le 8 avril, et ceux qui comptaient sur une application relativement lénifiante de la loi doivent déchanter. Car seuls les avoirs « américains » d’un montant inférieur à 50’000 dollars seront exemptés des dispositions du FATCA. Aussi, pratiquement toutes les banques suisses sont concernées, à l’exception peut-être de quelques établissements régionaux. Certaines banques tentent de se consoler en estimant que les Américains agissent contre leurs intérêts, dans la mesure où l’inquisition de l’IRS pourrait dissuader les investissements aux Etats-Unis. C’est peu probable.
Chroniqueur
@ m.farrokh@banque-finance.ch
Avertissement à Obama En revanche, si Washington accordait aux autres pays les prérogatives revendiquées pour son administration fiscale, l’investissement aux Etats-Unis pourrait être découragé. A savoir que les banques américaines communiquent aux administrations fiscales des pays étrangers les données sur les comptes détenus par des clients non américains. Pourtant, c’est précisément ce que l’IRS a l’intention d’effectuer. Elle vient d’ailleurs de publier un règlement à cet effet. L’idée est également de faire un geste en direction de la communauté internationale, en particulier les pays de l’OCDE. Or, les avoirs déposés auprès des banques américaines par les NRA, les étrangers non domiciliés aux EtatsUnis, sont estimés à 3800 milliards de dollars. Jusqu’à présent, ces dépôts ne sont soumis à aucune obligation d’être déclarés aux administrations fiscales des pays d’origine, et les banques américaines se gardent bien de leur rendre des comptes. La Weissgeldstrategie, c’est pour les Suisses ! Si le FATCA ne suscite aucune levée de boucliers aux Etats-Unis, il n’en va pas de même du projet de règlement de l’IRS sur les avoirs étrangers, dans les banques américaines. Le 2 mars 2011, l’ensemble des représentants de la Floride au Congrès, emmenés par le républicain Bill Posey, ont adressé une lettre au président des Etats-Unis pour l’avertir des graves conséquences de la réglementation proposée par l’IRS. Les parlementaires de Floride anticipent un retrait massif de leurs avoirs par les déposants étrangers, dont personne n’est assez naïf pour croire qu’ils sont déclarés. La lettre invoque une tradition américaine de libéralisme, qui dure depuis 90 ans. Il y a aussi bien des parlementaires à Berne qui pourraient lire ce texte avec profit, et s’en inspirer. Il est vrai que c’est surtout le courage qui manque…
LE CAFÉ FÉDÉRAL
Entre ignorance et slogans réducteurs La crise de Schengen ? Simonetta Sommaruga plaide pour un renforcement des frontières extérieures de l’UE. Une déclaration de principe qui reflète une ignorance totale de la réalité
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sur le terrain. La Conseillère fédérale évoque la frontière turque. Que peut signifier renforcer le contrôle, lorsque le passage légal de la douane prend déjà entre quatre et dix heures ? Pour les
passages illégaux, la Grèce a déjà commencé la construction d’un grillage sur la portion de sa frontière terrestre ne coïncidant pas avec le fleuve Evros. Certes, de nombreux migrants tentent son passage, mais ils le font à leurs risques et périls. La presse turque a ainsi articulé le chiffre
de 300 noyades en deux ans. Préconiser un renforcement de la frontière extérieure signifie aussi pouvoir en assumer moralement les conséquences sur le terrain. Dans ces conditions, il est en effet préférable de les ignorer et de parler en toute méconnaissance de cause. MF
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Si j’étais banquier
ANTHONY COLLE
ADMINISTRATEUR DÉLÉGUÉ DU GROUPE MK ET DE REALITIM SCPC
Soutien aux créateurs de valeur ajoutée
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parcours • De mars 1989 à la fin octobre 1990: responsable de l’agence Anco Immobilier SA (Morges) • De novembre 1990 à la fin mars 1994: courtier, responsable des ventes chez Piguet & Cie SA (Yverdon) • D’avril à décembre 1994: gérant d’immeubles commerciaux chez Zschokke Immeubles Commerciaux (Genève) • De 1996 à 1997: responsable marketing & ventes chez Naef & Cie SA (Genève) • De décembre 1994 à la fin janvier 2000: directeur de l’agence de Nyon de Naef & Cie SA • De février 2000 à la fin août 2002: directeur de Swissimo (Lausanne) • Depuis septembre 2002: directeur général adjoint, puis directeur général et administrateur délégué du Groupe MK et de ses sociétés (Domicim, Immvestis, Elitim, Batiline, Courtim), à Lausanne
@ acolle@groupemk.ch
e voici, l’espace d’une page, dans la peau d’un banquier. Sans aucune hésitation, je m’oriente vers une politique d’investissement socialement responsable. Je trouve, en effet, particulièrement aberrant qu’une plus-value générée quelque part engendre une moins-value ailleurs. Il n’est, par exemple, pas acceptable qu’il soit possible de s’enrichir en spéculant sur la perte de valeur, voire sur la mort d’une entreprise et de ses emplois. Les activités bancaires et financières doivent reposer sur une éthique. Par conséquent, une bonne politique d’investissement implique une évaluation rigoureuse des entreprises et de leurs activités, avec la possibilité de suivi des investissements. «Ma» banque investit donc dans des sociétés dotées de codes de conduite, qui intègrent des critères sociaux et environnementaux et appliquent des règles de bonne gouvernance. Les investissements sur des marchés particulièrement délicats, denrées alimentaires ou matières premières, par exemple, qui font l’objet de spéculation, doivent être plus transparents. Je chercherais donc à concevoir des fonds d’investissement qui pourraient notifier les transactions, au travers de partenariats avec des associations non gouvernementales, et s’assurer qu’une plus-value n’est pas réalisée par l’acquisition spéculative de ces biens, notamment en raréfiant volontairement l’offre. Les banques et le monde de la finance ne peuvent pas fonctionner en autarcie, déconnectés de la réalité sociale, environnementale et du système de production. Ma banque se considère, au contraire, comme un acteur social, car elle sait rendre compatible ses intérêts particuliers et l’intérêt général. Je suis conscient de mes responsabilités et j’entends assumer pleinement le rôle clé que tout banquier détient potentiellement dans la création de richesse,
de croissance, d’emplois, de biens… Pour autant que les investissements créent de la valeur ajoutée. Le fait que les différents acteurs de la chaîne soient bien rémunérés ne me pose pas de problème. Valoriser la prise de risques Lorsque j’investis dans une société, je suis très attentif au système de rémunération de ses cadres dirigeants. Selon moi, la part variable du salaire ne devrait pas dépasser deux à trois fois la part de rémunération fixe. Lorsque la part variable atteint dix, voire vingt fois la part fixe, il y a danger que les dirigeants perdent de vue les intérêts globaux de l’entreprise et adoptent une vision à court terme. Par ailleurs, des cadres dirigeants, qui ne sont ni actionnaires au sens classique du terme (soit en dehors du système trop répandu des stock options), ni fondateurs, et qui n’ont donc pas risqué leur propre argent, n’ont pas à multiplier leur revenu par dix ou vingt. Je cherche avant tout à valoriser la prise de risques et je soutiens, par conséquent, les entrepreneurs étant des créateurs de valeur ajoutée. Je ne serais qu’un banquier parmi d’autres et mes efforts pourraient être perçus comme une goutte d’eau dans l’océan… C’est sans doute le sentiment des nombreux banquiers qui partagent les valeurs exposées ici, et exercent déjà leur métier avec éthique. Face à des changements d’une telle envergure, deux attitudes sont possibles. La première consiste à renoncer d’avance devant l’ampleur de la tâche. La seconde est de tenter de construire quelque chose. Je vois «ma» banque comme une structure modeste, du type start-up, imprégnée de l’esprit d’innovation et fonctionnant entièrement sur la base des principes évoqués ici. Peut-être, deviendront-ils un jour une nouvelle norme… © Franck Boston
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Sous la loupe PLACE FINANCIÈRE VAUDOISE
PLACE FINANCIÈRE VAUDOISE
Fort développement des assurances
© Eyeidea® © yellowj - Fotolia
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33 Delia Nilles Une importance toujours plus confirmée
36 Pascal Broulis
Pierre-antoine Hildbrand
Un cadre propice aux activités bancaires et financières
Edito
«La bonne fiscalité est équilibrée»
Analyses
38 christian donze Une commission active et innovatrice
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Robert-Philippe Bloch
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Une valeur ajoutée croissante
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Sous la loupe
ROBERT-PHILIPPE BLOCH
PRÉSIDENT DE L’ASSOCIATION VAUDOISE DES BANQUES, DIRECTEUR ET MEMBRE DU COMITÉ EXÉCUTIF SUISSE ROMANDE ET MARCHÉS FRANCOPHONES DE LA BANQUE JULIUS BAER & CIE SA
L
a dernière étude sur la Place financière vaudoise remonte déjà à cinq ans. Il est superflu de rappeler le climat d’alors, avant la crise financière et économique. Depuis cette époque, la Place financière suisse affronte sans cesse des mises en causes intéressées, et dont on ne voit pas l’issue à court terme. Au-delà du tumulte et du fracas des déclarations des différents acteurs internationaux et nationaux, et malgré les changements en cours des conditionscadre bancaires et fiscales, il convient de souligner le rôle croissant de la Place financière vaudoise à l’échelle de la Suisse, son extraordinaire diversité et la promesse que constituent ces multiples centres de formation. Les différents textes de ce dossier démontrent en priorité le retour au premier plan du canton. Pascal Broulis, président du Conseil d’Etat vaudois, explique l’impact du rétablissement des finances et l’attractivité soutenue qu’il exerce à nouveau, sur tous les plans. Par sa démographie, les investissements prévus et l’attrait de sa localisation, le canton de Vaud fournit un cadre propice aux activités bancaires et financières, notamment. Dans le même temps, le paysage bancaire du lieu s’est aussi modifié. Malgré quelques concentrations et rachats, l’Association vaudoise des banques connaît un accroissement du nombre de ses membres. D’autres acteurs prennent aussi toujours plus d’importance, en particulier les gérants indépendants. Des discussions sont d’ailleurs en cours, afin de mieux les intégrer à nos activités. Un coup d’œil sur les membres met en exergue la diversité des établissements bancaires vaudois. Toutes les catégories répertoriées par la FINMA sont représentées dans le canton, soit les banques canto-
nales, les grandes banques, les coopératives actives à l’échelle du pays, les banques régionales et les caisses d’épargne centenaires, les banques boursières et les banquiers privés, les banques étrangères et, enfin, les sociétés financières à caractère bancaire. Le texte de M. Donzé sur la formation rappelle l’éventail des possibilités de formations bancaires. De l’apprentissage aux postgrades les plus pointus, il est possible de répondre à toutes les ambitions, selon les compétences. Au-delà des employés des établissements sur sol vaudois, les centres de formation attirent des apprentis et des étudiants de toute la Suisse romande, y compris de Genève. C’est l’occasion de saluer le travail de la Fondation vaudoise pour la formation bancaire, présidée par Jean-Baptiste Aveni. Ses dons constituent un apport précieux pour la pérennité de certaines formations et permettent aussi de récompenser le mérite. Il faut souligner dans ce domaine, et plus largement aussi, les bons rapports entretenus par l’AVB avec la Fondation Genève Place Financière et l’Union des intérêts de la Place financière lémanique. Rigueur et éthique Enfin, cet éditorial tient à souligner deux éléments. D’une part, que le métier de banquier n’est à l’évidence pas un motif de honte, au contraire. Oui, les banques contribuent à la prospérité, au développement des projets personnels et entrepreneuriaux. C’est mal connaître la finance que de croire qu’il s’agit d’une économie de casino à sommes nulles. On peut sans forfanterie dire que derrière chaque grand projet, se trouvent un ou plusieurs banquiers.
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Un cadre propice aux activités bancaires et financières Ce fait, qui profite à tous, n’est à l’évidence pas assez mis en avant. Les banquiers doivent s’afficher comme tels et expliquer leurs différents rôles. La rigueur et l’éthique bancaire ne sont pas de vains mots dans les établissements que je connais. D’autre part, la situation quasi miraculeuse, dans laquelle notre économie se trouve, doit être l’occasion de préparer l’avenir avec la prudence qui s’impose. Nos atouts restent fragiles. Les exigences extérieures et le suivisme de certains acteurs locaux menacent le bel équilibre de notre économie. Il est vain d’opposer les économies réelle et financière à l’échelle de notre pays. Ne décourageons pas le travail et l’épargne par des impôts trop lourds, ne chassons pas des contribuables intéressants à plus d’un titre et des entreprises, en particulier leur siège, en misant naïvement sur la beauté indéniable de nos paysages et des infrastructures vieillissantes.
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L’intro
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Au cours des cinq dernières années, la valeur ajoutée de la branche de l’intermédiation financière et celle des assurances représentaient chacune en moyenne 5% de la valeur ajoutée totale du canton de Vaud, soit une contribution des services financiers de 10%. Le secteur financier s’y est donc fortement développé dans l’assurance. En 2010, la Place financière a injecté environ 3,7 milliards de francs dans l’économie régionale, soit 9,2% du PIB vaudois. Sans compter sa participation aux recettes fiscales de l’Etat et aux services aux entreprises.
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Une importance toujours plus confirmée
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our situer la Place vaudoise en matière de services financiers, il convient de déterminer le poids économique du canton de Vaud à travers les deux critères du PIB et de la population. Car ces derniers ont une influence directe sur la demande de services bancaires et permettent de positionner l’économie vaudoise dans celle de la Suisse, prise dans son ensemble. En matière de production, le canton de Vaud représente actuellement 7,8% du PIB helvétique, alors que la moyenne observée depuis 2000 s’établit à 7,6%. Autrement dit, le poids économique du canton s’est renforcé au cours des trois dernières années, passant de 7,6% en 2007, à 7,8% en 2010. Quant au poids démographique du canton, il est supérieur à celui économique, puisque la population vaudoise représente actuellement 9% de la population suisse, signifiant que la production vaudoise par habitant est légèrement inférieure à la moyenne nationale. Le poids démographique a donc augmenté depuis 2007, témoignant de l’attractivité du canton, à tous les points de vue. Compte tenu de ce tableau général, l’offre vaudoise en matière de services financiers peut se mesurer, dans un premier temps, à travers le nombre de
comptoirs bancaires situés sur son sol. Parmi les 163 que compte le canton de Vaud, les banques cantonales, les grandes banques et les caisses Raiffeisen regroupent à elles seules environ les trois quarts. Les comptoirs vaudois représentent 6,4% du total suisse, classant le canton en cinquième position derrière Zurich, Berne, le Tessin et Genève. A noter, toutefois, qu’en excluant les succursales de banques étrangères et les banquiers privés, Vaud s’attribue le même poids que Genève. Sous un autre angle de vue, il dispose de 3,4% du total des sièges bancaires, dont 35% sont situés dans le seul canton de Zurich, et de 6,7% des comptoirs juridiquement dépendants. L’offre bancaire du canton de Vaud, mesuré par le nombre de comptoirs, est ainsi globalement inférieure à toute attente au vu de son poids économique, mesuré par le PIB. Alors que Vaud contribue pour presque 8% à la valeur ajoutée nationale, seuls 6,4% de l’offre de comptoirs bancaires émanent du canton. Cette image ne change pas si l’on prend l’ensemble des cantons romands comme point de comparaison. Par conséquent, le poids du canton de Vaud, en termes de nombre de comptoirs (27%), est inférieur à son poids économique (32%).
Secteur financier vaudois Part dans l’économie vaudoise et suisse (2010)
PLACE FINANCIÈRE VAUDOISE
La Place financière vaudoise prend du poids et se spécialise dans les activités d’assurance; en 2010, sa part représentait 9,2% du PIB vaudois.
Delia NILLES Directrice adjointe, Institut Créa, Université de Lausanne
@ delia.nilles@unil.ch
© Photo: PM Delessert
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Sous la loupe Sur le web www.hec.unil.ch/crea/
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www.snb.ch/fr www.hec.unil.ch/crea/publications
Bien que donnant une première idée du poids de la Place financière vaudoise, le nombre de comptoirs est cependant une mesure incomplète de sa représentation réelle. D’autres critères méritent d’être pris en considération, en l’occurrence la valeur ajoutée et le nombre d’emplois engendrés par ses activités, car ils témoignent de façon plus réaliste de la contribution de celles du secteur financier vaudois à l’économie du canton, englobant l’intermédiation financière, de même que les activités d’assurance et auxiliaires. Poids accru de l’assurance Au cours des cinq dernières années, la valeur ajoutée de la branche de l’intermédiation financière et celle des assurances représentaient chacune en moyenne 5% de la valeur ajoutée totale du canton, soit une contribution totale des services financiers de 10%. Le secteur financier vaudois s’est donc fortement développé dans le secteur des assurances, puisque la part moyenne de ses activités dans la valeur ajoutée totale du canton est passée de 3,7% au cours de la période 1992-1999, à 4,8% au cours de la période 2000-2010, alors que celle de l’intermédiation financière est passée de 4,6 à 5,1%, au cours des mêmes périodes. Si la part vaudoise dans le PIB helvétique a pu augmenter à partir de 2007, c’est en partie grâce au développement des services financiers, et plus particulièrement des assurances. Depuis quelques années, le secteur financier vaudois semble ainsi se spécialiser dans ce domaine. Non seulement les activités d’assurance ont pris plus de poids dans le secteur financier vaudois, mais l’effet se fait sentir également au niveau suisse, puisque les activités d’assurance atteignent presque 10% des celles-ci au niveau national. A titre de comparaison, le canton de Genève fournit environ 3% des activités d’assurance au niveau national (mais bien entendu beaucoup plus au niveau de l’intermédiation financière). La productivité des activités d’assurance est dès lors plus élevée que celle de l’intermédiation financière, car environ 2% des emplois en équivalents plein temps assurent 5% de la valeur ajoutée totale vaudoise, alors que ces chiffres sont respectivement de 2,7 et 4,2% pour l’intermédiation financière. Si globalement l’économie vaudoise représente 8,3% de l’emploi total en Suisse, la branche de l’intermédiation
financière atteint 6,5% de l’emploi de cette même branche au niveau suisse, et celle des activités d’assurance se situe à 10,2%. En 2010, la Place financière vaudoise a injecté environ 3,7 milliards de francs dans l’économie vaudoise, soit 9,2% du PIB vaudois, alors que l’emploi en équivalents plein temps représentait 4,7% dans l’emploi total vaudois, témoignant ainsi de la productivité élevée de ce secteur. Il s’agit de l’impact direct de Place financière vaudoise,
Les activités d’assurance
Les activités d’intermédiation financière et d’assurance représentaient ensemble en moyenne 10% de la valeur ajoutée totale du canton de Vaud, au cours des cinq dernières années, et 4,8% de l’emploi total du canton. Depuis 2005, la branche des activités d’assurance n’a cessé de se renforcer et dépasse désormais, assez nettement, la branche de l’intermédiation financière, en matière de contribution au PIB vaudois (voir graphique). Plus de la moitié (54,4%) de la valeur ajoutée des services financiers est désormais à imputer aux activités d’assurance. En 2010, la branche a
auquel il conviendrait d’ajouter d’autres contributions telles que la participation du secteur financier aux recettes fiscales de l’Etat (contribution toutefois très difficile à estimer), l’impact indirect via les dépenses privées (à travers les salaires versés par le secteur financier), les services aux entreprises (hôtellerie, immobilier, informatique, etc.), ou encore les investissements en construction et rénovation. D’où l’importance de la Place financière pour l’économie vaudoise.
contribué à hauteur de deux milliards de francs à la valeur ajoutée totale vaudoise, contre 1,7 milliard pour l’intermédiation financière. Parmi les six cantons romands, Vaud était largement en tête pour sa branche d’activités d’assurance, puisque la part de cette branche dans le PIB cantonal fluctuait entre 1,4 et 3,3% seulement pour les cinq autres cantons. En comparaison nationale, la performance du canton de Vaud en la matière était également remarquable, car la part de ses activités d’assurance représentait 9,6% de la valeur ajoutée de cette branche au niveau suisse. D’ailleurs, la valeur ajoutée de la branche en question s’élevait à seulement 4,1% en 2010, pour la Suisse dans son ensemble.
Part du secteur financier dans le PIB vaudois
intermédiaire financière activités d’assurance
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Sous la loupe
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La surveillance des charges, les investissements dans les infrastructures et les réflexions fiscales préoccupent le président du Conseil d’Etat vaudois. Pierre-Antoine Hildbrand: L’Etat de Vaud a présenté son sixième exercice excédentaire, après quinze ans de déficit. La dette nette passe sous la barre de deux milliards de francs, alors que les charges annuelles se sont élevées à 8,1 milliards. Quels sont les prochains objectifs, défis et enjeux auxquels vous devez faire face comme chef du département des Finances? Pascal Broulis: Préserver cet acquis, qui est l’une des clés du dynamisme vaudois. Nous devons nous souvenir que le rétablissement de nos finances a demandé de grands efforts, et qu’il a bénéficié du passage au système «postnumerando» qui a généré un effet de rattrapage, mais celui-ci est désormais derrière nous. En 2010, le produit des impôts a été le même qu’en 2009. Cela signifie que nous devons surveiller de près nos charges courantes, notamment pour préserver notre capacité d’investissement. Le canton en a besoin pour gérer sa croissance. Je pense en parti-
culier aux transports routiers et ferroviaires, dans le cadre de l’accord Vaud-Genève. Je pense aux 12,7 milliards d’investissements que Confédération, canton, communes et leurs partenaires prévoient dans le canton d’ici 2020. PAH: La dette cantonale est désormais inférieure à celle de la ville de Lausanne. Cette situation a-t-elle un impact sur la notation du canton, actuellement AA+ pour S&P? PB: L’approche de S&P consiste d’abord à évaluer chaque entité pour elle-même. C’est sur cette base que Vaud est passé de A à AA+, en cinq ans. Les éventuelles comparaisons fournies, comme l’exemple du Botswana cité naguère, le sont d’abord à titre informatif. Le fait que les deux dettes se croisent ne devrait donc en soi pas avoir d’influence. PAH: Peut-on parler de garantie implicite? PB: Non ! Le canton dispose d’une autorité de surveillance des finances communales. Agissant comme organe de tutelle il peut organiser un éventuel sauvetage, mais il n’est en aucun cas le sauveteur. Voici quelques années, Chavannes-prèsRenens a dû sortir elle-même de ses difficultés financières en vendant des éléments de patrimoine, en diminuant ses prestations et l’effectif de
son personnel, et en augmentant ses impôts. Cela dit, les destins du canton et de sa capitale seront toujours liés ; il n’est pas sain qu’une ville de cette taille connaisse des difficultés. PAH: La dette cantonale fait-elle l’objet d’une gestion active? PB: Non. Il n’y a pas de gestion active au sens où on l’entend habituellement, impliquant l’emploi de produits dérivés. D’une part, le canton n’a pas des volumes de dette justifiant ces mécanismes très pointus. D’autre part, nous ne cherchons pas à protéger les intérêts de notre dette en vue de son renouvellement, mais nous la remboursons, ce qui améliore notre marge de manœuvre financière. Un outil utile PAH: Comme président du Conseil d’Etat, vous avez assisté à plusieurs reprises à des Landsgemeinde, dernièrement à Glaris, où la population a rejeté une initiative des Verts demandant la suppression de l’imposition d’après la dépense. Vos sentiments et l’évolution de ce dossier? PB: Personnellement, c’est toujours avec émotion que j’assiste à une Landsgemeinde. C’est l’exercice originel de la démocratie. On s’y sent relié aux
« La bonne fiscalité est équilibrée » Pascal BROULIS Président du Conseil d’Etat vaudois, chef du département des Finances et des Relations extérieures
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Cités grecques antiques. Pour ce qui est de l’impôt sur la dépense, je salue la sage décision glaronnaise. Ne nous privons pas d’un outil utile, que de très nombreux pays, à commencer par les Anglosaxons, connaissent sous des formes diverses, et qui permet de toucher une catégorie particulière de contribuables. Impôts fédéraux, cantonaux et communaux ajoutés, ce sont 229 millions qui sont ainsi prélevés sur territoire vaudois, auprès de 1400 personnes. Si nous ne les avons plus, nous devrons les réclamer à d’autres contribuables, ou renoncer à des prestations. C’est un sujet sur lequel il ne faut pas hésiter à débattre et à s’expliquer. Le vote de Glaris montre que les citoyens saisissent parfaitement ce qui est en jeu. PAH: Vous avez effectué une carrière bancaire. Comment percevez-vous l’évolution de la Place financière lémanique et vaudoise, en particulier? PB: Je crois que ce secteur a retrouvé toute son assise, et fait preuve d’un incontestable dynamisme, tout en ayant une perception aiguë des réalités de son marché. Les très bons résultats de la Banque Cantonale Vaudoise et l’excellent climat dans lequel s’est déroulée, début mai, son assemblée générale attestent de la solide confiance qui lie la banque, ses actionnaires et ses clients. Mais la confiance est quelque chose qui s’entretient. Je citerai aussi l’engagement de 225 millions du Crédit Suisse dans le futur Centre de congrès de l’EPFL, et les bonnes relations entretenues avec les banques privées ayant des succursales en terre vaudoise.
PAH: Genève apparaît comme une capitale dédiée au négoce. La fiscalité vaudoise offre-t-elle aussi des niches pour certaines activités financières, afin de permettre l’apparition d’un pôle d’excellence spécifique? PB: Une bonne fiscalité dépend moins de niches particulières que d’équilibres généraux. C’est à ces derniers qu’il faut être attentifs. En outre, le canton de Vaud n’est pas historiquement une place financière. Nous construisons nos pôles d’excellence dans la durée, en faisant attention aux conditionscadres. C’est par exemple le cas avec la «Maison du sport international», financée à parts égales par la ville de Lausanne, l’Etat de Vaud et le CIO, qui conforte notre position forte dans l’accueil des fédérations sportives. Je mentionnerai aussi le secteur des medtechs et biotechs qui se développe en synergie avec l’EPFL, l’Université de Lausanne et les HES. Enfin, c’est par les contacts que l’on «vend» un canton, comme l’a fait une importante délégation politique et économique vaudoise à Moscou en 2009, ou à Pékin et Shanghai en 2010. Une question d’équilibre PAH: Jamais l’Etat n’a autant encaissé, mais dans le même temps, une part importante de la population ne paie aucun impôt, cela peut-il continuer ainsi? PB: Rappelons d’abord que l’Etat n’a pas augmenté ses impôts, au contraire. Ils ont été diminués pour les entreprises et les familles. Nos encaissements sont en lien direct avec la santé
de l’économie, qui est bonne. Pour le reste, c’est encore une question d’équilibre. Actuellement, quelque 76 000 contribuables, soit un peu moins de 20%, ne paient pas d’impôts. Il y a parmi eux de nombreux jeunes, étudiants ou apprentis qui n’ont pas de revenus, ou de très petits. Une taxe individuelle n’aurait guère de sens. A 100 francs par personne, elle rapporterait… moins de 1 pour mille de nos revenus, et encore, sans tenir compte du coût de perception, qui serait élevé. En revanche, il est primordial de ne pas augmenter le nombre des contribuables non imposés, comme le veulent ceux prônant un rabais d’impôt. PAH: Sur le plan fiscal, comment voyezvous évoluer le canton de Vaud en comparaison intercantonale? PB: Le canton de Vaud n’a pas de raison de pratiquer une concurrence fiscale agressive. Sa situation, son niveau d’équipement, par exemple l’entretien d’un hôpital universitaire, sont des atouts dont les prélèvements doivent aussi tenir compte. Mais nous devons faire attention à ne pas nous laisser distancer et pratiquer les ajustements nécessaires, comme nous l’avons fait en imputant l’impôt sur le capital des entreprises de celui sur leur bénéfice. Il existe des réflexions à mener sur l’imposition de la fortune, où nous sommes comparativement onéreux. Propos recueillis par Pierre-Antoine Hildbrand
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L’évolution de la dette vaudoise sur dix ans
Pierre-Antoine HILDBRAND Secrétaire de l’Association vaudoise des banques
@ pahildbrand@centrepatronal.ch
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Sous la loupe
Une commission active et innovatrice PLACE FINANCIÈRE VAUDOISE
CYP - Center for Young Professsional in banking cette Association créée par l’ASB forme dans toute la Suisse plus de 4000 apprentis et stagiaires porteurs de maturité, selon un modèle pédagogique moderne basé sur le «Blended learning» et l’apprentissage autonome. Dans ce concept, c’est l’apprenant et son processus d’apprentissage qui priment, et non pas le formateur. Confucius l’a très bien exprimé: «Le disciple apprend lorsque le maître se tait».
ESBF - AKAD Ecole Supérieure Banque et Finance patronnée par l’ASB et reconnue par la Confédération, l’ESBF a pour but d’offrir aux jeunes employés de banque une formation approfondie dans le domaine Banque et Finance. Le cursus dure six semestres et sa réussite permet de porter le titre de «Diplômé/e en économie bancaire ES».
Christian DONZE Directeur du Centre de formation, Banque Cantonale Vaudoise, Président de la Commission Formation de l’AVB
@ christian.donze@bcv.ch
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Sur le web www.banques-finance-vaud.ch
www.cyp.ch www.akad-hfbf.ch
La Commission Formation de l’Association vaudoise des banques constitue une courroie de transmission entre l’Association suisse des banquiers et les banques de la Place financière vaudoise.
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u travers de son association faîtière, l’Association suisse des banquiers (ASB), le secteur bancaire a toujours voué une grande importance à la qualité et à l’adéquation de la formation de base et de perfectionnement de ses collaborateurs. En engageant annuellement plus de 1600 apprentis et porteurs de maturité, le monde de la banque soutient activement la formation professionnelle, en complément de la voie académique. Afin de s’assurer que les contenus de formation correspondent aux exigences actuelles de la branche, et que les solutions pédagogiques adoptées soient innovantes et tiennent compte des évolutions technologiques, les banques ont créé leurs propres instituts, notamment le Center for Young Professionals in Banking (CYP) et l’Ecole Supérieure Banque et Finance (ESBF). En participant au capitalactions de cette dernière, l’Association vaudoise des banques (AVB) est directement partie prenante de l’ESBF et représentée à son conseil d’administration. Le rôle de la Commission formation de l’AVB n’est donc pas prioritairement de créer des nouvelles filières de formation, mais bien de relayer auprès de ses membres les informations sur l’évolution des conditions-cadres et de la politique de l’ASB, dans le domaine du développement des compétences bancaires. Par son mandat de représentation des banques cantonales à la Commission Formation de l’ASB, le soussigné est de facto le représentant informel des «Romands», à Zurich. Cela permet de participer à la réflexion stratégique et de disposer d’une bonne visibilité de l’ensemble des projets en cours d’élaboration. Ce n’est pas anodin et les résultats sont là! En effet, tant pour le CYP que pour l’ESBF, ces cursus ont été développés parallèlement en allemand, en français et en italien, assurant ainsi une équité de traitement à toutes les régions linguistiques.
A côté du global, il y a le local! La Commission a aussi pour charge de coordonner la réalisation de projets régionaux et de promouvoir la Place financière vaudoise auprès des jeunes, en tant qu’employeur de référence. A titre d’exemple, nous avons créé «les Ateliers du Patrimoine – Module fiscal» en collaboration avec le Centre de droit notarial de l’Université de Lausanne. Il s’agit d’un cursus visant à actualiser les connaissances des participants en matière de droit fiscal du patrimoine et de confidentialité, dans un contexte national et international. Par ailleurs, nous serons présents de façon corporative au prochain Salon des métiers, qui se déroulera début octobre au Palais de Beaulieu, afin d’informer parents et adolescents des possibilités de formation offertes par le domaine bancaire. Même si la concurrence commerciale est vive entre elles, la volonté des banques de collaborer dans le domaine de la formation, en particulier auprès de la jeune relève, est avérée depuis bien des années. Une concentration des moyens permet ainsi de développer des concepts visant l’excellence au niveau pédagogique. Le CYP fait aujourd’hui référence dans ce domaine. La formation n’échappe pas aux évolutions légales. La Commission se charge donc d’analyser les impacts que les différentes lois nationales et cantonales sont sensées produire pour notre secteur. Enfin, Genève n’est pas loin. En tant que membre de la Fondation Genève Place financière, l’AVB est représentée dans la Commission stratégique des compétences bancaires, et bénéficie des informations très complètes figurant sur le site Edubank. Le secteur bancaire connaît d’importantes mutations et il ne fait aucun doute que ce processus évolutif va se poursuivre. Les compétences de la relève dans le secteur bancaire seront donc déterminantes face aux défis du futur, aussi bien au niveau suisse qu’international. La Commission Formation de l’AVB ne manquera pas de travail…
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Une valeur ajoutée croissante Une terre d’accueil Banque & Finance: N’est-il pas présomptueux de parler d’une Place financière vaudoise, puisqu’elle serait plutôt la succursale de celle de Genève? Robert-Philippe Bloch: Faux! Elle n’est pas la succursale de la Place financière de Genève. J’en veux pour preuve que la Place financière vaudoise représente quelque 10% du PIB vaudois et qu’elle concentre l’essentiel de la formation bancaire et financière romande. En outre, elle représente toutes les activités et spécialisations bancaires, alors que Genève est surtout concentrée sur la gestion de fortune et le financement des matières premières. Bertrand Barbezat: J’ajouterai que les banques implantées dans le canton de Vaud ont effectivement une vocation universelle, à l’instar de la Banque Cantonale Vaudoise, laquelle leur permet d’apporter un soutien concret et efficace à toutes les grandes entreprises et PME vaudoises, y compris les sociétés naissantes. B&F: Si Lausanne-Vaud Région financière, comme elle s’intitule précisément, aspire à jouer dans la cour des grands centres financiers, quels sont alors ses atouts pour y parvenir, tout en sachant que ses banquiers ne sont a priori pas plus intelligents qu’ailleurs, ni ses produits de placement plus performants? R.-P.B.: Merci pour eux! Tout d’abord, le canton de Vaud est le plus important centre industriel de Romandie, avec environ 36 000 entreprises qui emploient près de 316 000 salariés, dont 75% travaillent dans des firmes locales. Ensuite, il est l’un des plus privilégiés en termes d’enseignement, grâce aux écoles privées et de formation profession-
La Place financière vaudoise n’a rien à envier à celles de Zurich ou Genève. Elle a aussi ses atouts indéniables, qui lui permettent de grandir à son rythme, mais solidement.
nelle, à l’Université et aux Instituts d’enseignement supérieur comme l’IMD ou l’IDHEAP, à l’EPFL, à l’Ecole hôtelière, etc. Enfin, il constitue une importante plate-forme de recherche et d’innovation technologique, et le troisième centre d’affaires au niveau suisse, après Zurich et Berne. B.B.: Toute cette palette de prestations et services offerts favorise bien sûr l’implantation de nouvelles entreprises européennes et internationales, d’où le fort développement du secteur de la construction et de l’immobilier. Oui, le canton de Vaud connaît une valeur ajoutée croissante, qui lui offre des perspectives assez exceptionnelles.
gine étrangère y sont plutôt bien accueillies, grâce à l’impôt forfaitaire à la dépense. B.B.: Le réel développement du canton de Vaud sur le plan économique, qui va de pair avec la croissance de sa population, nécessite de mettre l’accent sur les infrastructures routières et liées aux transports publics, de même que la mise en place d’une politique d’aménagement du territoire cohérente et réfléchie. Dans ces différents domaines, les autorités vaudoises ont encore du pain sur la planche pour répondre à la dynamique du canton.
B&F: A contrario, quels sont ses points faibles et handicaps à surmonter? R.-P.B.: Certes, Lausanne n’a pas son aéroport international, ni le prestige de Genève ou Zurich. Excepté le CIO qui y siège, Lausanne n’est pas reconnue comme une ville internationale, certainement à tort. Pourtant, bon nombre de décisions y sont prises. Sur le plan fiscal, les entreprises trouvent leur compte dans le canton de Vaud, mais malheureusement pas encore les personnes physiques. En revanche, les grandes fortunes d’ori-
Robert-Philippe BLOCH Président de l’Association vaudoise des banques (AVB), Directeur et Membre du Comité exécutif Suisse romande et Marchés francophones, Banque Julius Baer & Cie SA
@ robertphilippe.bloch@juliusbaer.com
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comme terre de formation, de l’apprentissage au postgrade, en passant par le doctorat. Si bon nombre de professionnels travaillent ensuite sur Vaud, Genève ou Zurich, d’autres s’expatrient en Asie, aux Etats-Unis ou en Europe. A l’inverse, des professionnels bancaires étrangers sont recrutés dans des établissements basés dans le canton de Vaud, lui conférant dès lors une dimension d’universalité.
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Une terre de formation
B&F: Dans une optique concurrentielle, la Place financière vaudoise cherche-t-elle à se démarquer de ses grandes sœurs par une approche spécifique? R.-P.B.: Le canton de Vaud n’a pas besoin de chercher à cultiver une différence, car certains de ses avantages le distinguent déjà des autres places financières. La composition de son tissu économique est ainsi assez remarquable en elle-même, puisque le secteur tertiaire y représente 72%, et les secteurs secondaire et primaire respectivement 16 et 12%. Cette répartition confirme la nette orientation du canton vers les activités de services, laquelle séduit les entreprises étrangères. Elles le sont également par sa qualité de vie, sa sécurité, son climat politique plutôt serein, son offre en matière de scolarisation, d’enseignement et de formation, comme je l’ai dit précédemment, ainsi que de soins médicaux avec le CHUV et les nombreuses cliniques privées, notamment. Sa situation géographique, à quelques encablures de l’aéroport de Genève et de la Berne fédérale, sans oublier de la France, s’avère aussi des plus favorables. De fait, le canton de Vaud compte des avantages indéniables qui font de lui une place économique et financière à part entière. B.B.: Les acteurs de la Place financière vaudoise communiquent aussi un message fort, celui de la fierté d’être banquiers. Il s’agit d’ailleurs de celui de l’AVB. De même, ils louent le canton de Vaud
B&F: Les Vaudois sont considérés comme des «pâtés froids». Ce trait de caractère risque-t-il de déteindre sur les acteurs financiers de la place? R.-P.B.: Les Vaudois sont très ouverts sur le plan humain, y compris en ce qui concerne les idées nouvelles. La Place financière vaudoise est d’ailleurs devenue le centre mondial du trading de coton et l’un des premiers challengers du commerce international, en Suisse. En outre, et c’est un avantage, les Vaudois n’ont aucune arrogance. Cette modestie signifie que les Vaudois sont avant tout des professionnels, qui ne cherchent pas à épater la galerie, mais seulement à progresser. B.B.: Les Vaudois sont peut-être assez réservés, mais cela ne les empêche pas d’être accueillants et fidèles en amitié. En outre, ils sont connus pour être des travailleurs qui œuvrent dans la discrétion. C’est ainsi qu’ils ont parfaitement réussi à construire leur tissu économique et financier.
Bertrand BARBEZAT Membre du Comité de l’AVB, Président de la Fédération vaudoise des Banques Raiffeisen Mont-Aubert Orbe
@ bertrand.barbezat@raiffeisen.ch BANQUE&FINANCE N°110 JUILLET/AOUT 2011
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Investir Andrzej Blachut Head of Emerging Market Equities, Swiss & Global Asset Management
Avis d’expert Quels marchés émergents? Notre préférence va à la Russie. C’est le moins cher des marchés émergents et la croissance de son PIB est stimulée par les prix énergétiques. Les valorisations sont intéressantes, tout comme la croissance prévue des bénéfices en 2011. Sur le plan sectoriel, l’industrie, les matières premières, la consommation et les titres bancaires offrent tous un fort potentiel.
Actions monde
Une bulle émergente? Plusieurs analyses récentes font état d’une éventuelle bulle sur les marchés émergents. Si elle existe, elle sera extrêmement bon marché! Avec un ratio cours/bénéfice de 11, les marchés émergents bénéficient, en effet, d’une véritable décote par rapport aux marchés développés. Quant aux entreprises des marchés émergents, elles sont également moins endettées que celles des marchés développés traditionnels. Dans ces pays en pleine croissance, l’indice des prix à la consommation (IPC) n’a cessé de croître au cours des derniers mois, stimulé par la hausse des prix alimentaires. Parallèlement, l’inflation de base est demeurée globalement stable. La faible récolte agricole de 2010 a exercé une pression sur l’IPC, en attendant les résultats
@ andrzej.blachut@swissglobal-am.com
Croissance réelle PIB % y/y (prévisions FMI)
Source Swiss & Global, FMI
de la production de l’année en cours. L’alimentation représente une part plus importante de l’évolution des prix dans ces pays émergents et, par conséquent, l’inflation y grimpe plus vite que dans les pays industrialisés. Cependant, les chiffres nominaux montrent que l’inflation reste en deçà des niveaux observés en 2008 et que le taux de base n’a rien de préoccupant. Tant que l’inflation courante des marchés émergents ne sera pas corrélée aux prix énergétiques, elle ne constituera pas un souci majeur. Impact du séisme japonais Comme le Japon joue un rôle important en Asie, le récent séisme affectera inéluctablement d’autres régions. En 2010, le Japon est resté l’un des principaux partenaires commerciaux de la Chine, représentant environ 8% de ses exportations totales. La Chine a également importé 13% de ses biens du Japon. De surcroît, 36% des exportations chinoises de charbon et 21% de ses exportations de pétrole brut étaient destinées au Japon, alors que 44% des importations d’acier de la Chine et 27% de ses importations d’aluminium venaient du Japon. Il faudra peut-être quelque temps pour mesurer les incidences réelles du séisme sur leurs relations commerciales. L’industrie automobile chinoise a été particulièrement touchée par le tremblement de terre, même si l’impact s’est avéré limité, dans la mesure où les constructeurs disposent de trois à quatre mois de stocks, ce qui garantit la production des mois à venir. Si
l’approvisionnement en produits japonais continue de poser des problèmes, le temps semble suffisant pour se fournir ailleurs. Croissance vigoureuse Les marchés émergents continuent de proposer aux investisseurs une opportunité de s’associer aux croissances économiques les plus rapides du monde. Les économies émergentes représentent actuellement environ 35% du PIB mondial. Cette part va certainement s’accroître à long terme. La capitalisation devrait également progresser dans le même sens. Les révolutions récentes observées dans le monde montrent que l’instabilité politique peut être plus importante sur ces marchés, ce qui n’est pas sans conséquence. Par ailleurs, la gouvernance d’entreprise y est parfois moins développée. Cependant, ces inconvénients sont largement compensés par de plus bas niveaux d’endettement et une plus grande rentabilité. D’autre part, le niveau relatif de concurrence sur ces marchés sous-évalués permet de dégager des marges supérieures et met en évidence le potentiel de croissance des marchés locaux. Les coûts en intrants peuvent également être inférieurs, car la majorité des ressources proviennent des marchés émergents. En pondérant raisonnablement l’ensemble de ces critères, on peut raisonnablement conclure que les entreprises des marchés émergents présentent un bilan de santé réjouissant et de réelles opportunités d’investissement.
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Investir
Olivier DEBAT
Obligations
Spécialiste Produit Marchés Obligataires, Union Bancaire Privée
Investisseurs, libor-isez-vous! Dans un environnement économique marqué par la remontée de l’inflation et des politiques monétaires des banques centrales plus restrictives, certains sonnent d’ores et déjà l’hallali pour les investisseurs obligataires «les taux montent, les taux montent, fuyez la dette, point de salut hors des actions!». La réalité est plus contrastée. Depuis novembre 2010, les prix des matières premières affichent une progression de près de 20%. Le pétrole en particulier progresse de 30%. Toutes les zones économiques – zone euro, Etats-Unis, Grande-Bretagne, Chine, Australie – connaissent actuellement une accélération rapide des prix à la consommation En l’espace de deux trimestres, ils ont progressé entre 1 et 1.5%. Dans la zone euro, l’inflation annuelle a crû de 1.9% en octobre 2010 à 2.8% en avril 2011. Elle s’est installée depuis cinq mois au-dessus du niveau cible de la Banque Centrale Européenne, fixé à 2%. C’est pour cette raison que la BCE a relevé son taux directeur le 7 avril dernier de 25 points de base, l’établissant à 1.25%. La normalisation de la politique monétaire de la BCE est donc engagée, et les anticipations de marché tablent sur une poursuite de ce mouvement avec un taux directeur à 1.75%, d’ici la fin de l’année. Le contexte actuel est, selon nombre d’acteurs, clairement plus favorable aux actions. Et pourtant, plutôt que de trop rapidement mettre le haro sur les obligations, il est temps de réaliser que les faits
plaident en faveur d’une conclusion plus modérée. D’une part, l’argument en faveur des actions fait l’impasse sur le risque que font peser les pressions inflationnistes sur la rentabilité des entreprises. En effet, ces dernières pourraient à la longue éprouver des difficultés à faire accepter les hausses de prix. Leur rentabilité pourrait se retrouver sous pression et la croissance des bénéfices en souffrir. De plus, les actions doivent vivre depuis 2008 avec de nombreux pics de volatilité. D’autre part, le marché obligataire recèle de réelles opportunités pour naviguer dans l’environnement économique actuel. Sur le marché de la dette, pour à la fois profiter des hausses de taux et se protéger contre l’inflation, les obligations à taux variables sont une solution idoine. Le coupon des obligations à taux variables est indexé sur le taux court libor. Le coupon payé à l’investisseur augmente mécaniquement, lorsque le taux libor augmente. L’investisseur profite ainsi des hausses de taux.
Avis d’expert
été nettement plus élevée que celle du 3 mois euro libor, soit près de 5% contre 0,5%. Grâce à un portefeuille de dettes d’entreprises de qualité, à taux variable, avec une référence courte de type libor, il est possible de profiter de la hausse des taux et de se protéger de l’inflation avec une faible volatilité. Investisseurs obligataires, Libor-isez vous !
Le marché obligataire suisse étant peu liquide, un investisseur helvétique a intérêt à privilégier les investissements en euro couverts en franc suisse. Une fois couverte en franc suisse, une obligation qui paye EUR libor +100 bp paiera CHF libor +100 bp, supprimant ainsi le risque de change sans pour autant réduire la marge de +100 bp.
Le prix de l’obligation augmente quand le taux libor augmente.
@ ode@ubp.ch
Profiter de la hausse des taux Traditionnellement, les investisseurs se protègent contre l’inflation via les obligations indexées sur l’inflation (inflation linkers). Or, lors des deux précédents cycles de resserrement monétaire de la BCE en 1999-2000 et en 2006-2007, la performance du Libor 3 mois euro a été globalement meilleure que celle des obligations indexées sur l’inflation. Par ailleurs, la volatilité des inflation linkers a
Sur le web www.ubp.com
www.ecb.int www.snb.ch
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Investir
Sur le web http://cbr.groupedr.ch
Christian LORENZ Responsable vente institutionnel, Compagnie Benjamin de Rothschild, Groupe Edmond de Rothschild
Avis d’expert En général, les investisseurs institutionnels à la recherche d’une gestion active du risque de change se tournent vers des spécialistes de ce marché, et octroient des mandats dédiés à la gestion de ces risques, appelés currency overlay. Pour l’investisseur institutionnel, extraire le risque induit par le change revient à améliorer les caractéristiques rendement/risque de son portefeuille. Il est donc essentiel d’opter pour une stratégie qui n’obéit pas à des prévisions aléatoires ou à des spéculations hasardeuses. D’où le recours à une gestion dynamique du risque de change qui nécessite une équipe spécialement dédiée et constituée d’experts capables d’appliquer une stratégie disciplinée et quantitative.
DEVISES
Savoir gérer le risque de change Par souci de diversification et afin d’obtenir des performances plus attrayantes, les fonds de pension ont régulièrement investi dans des actifs en devises étrangères. Avec un risque supplémentaire non négligeable, celui du risque de change. Avec un rapport EUR/CHF en dessous de 1.30 et un USD/CHF qui passe la barre du record historique des 0.88, les placements en monnaies étrangères des investisseurs basés en francs suisses ont récemment été très affectés. En 2010, la baisse de l’EUR/ CHF a atteint 15%. Lorsque l’on sait qu’une partie importante des expositions d’investisseurs institutionnels est dénominée en EUR, et que l’évaluation du risque de dépréciation de l’EUR face au CHF était assez faible, ce qui n’encouragea pas les investisseurs à couvrir leur position, on peut imaginer l’étendue des dégâts.
Une étude réalisée sur une période de vingt ans (1989-2010) démontre que pour un portefeuille basé en francs suisses et investi en actions et obligations dans les principaux marchés internationaux, le risque de change peut augmenter la volatilité et également dégrader les rendements. Si l’impact «moyen» des variations des taux de change peut paraître relativement modéré sur un horizon de vingt ans, la magnitude des variations annuelles est d’une dimension tout autre, puisqu’il n’est pas rare de voir des mouvements de plus ou moins 15%, au cours d’une seule année. Ces fluctuations peuvent bien entendu perturber la gestion d’une caisse de pension, notamment lorsqu’une forte baisse de la monnaie d’investissement se produit en même temps qu’une chute du marché sous-jacent.
Exemple de réactivité en USD/CHF
@ clorenz@ctbr.ch
Source: Groupe Edmond de Rothschild
Face à cette situation qui cumule une absence de contribution aux rendements espérés, une augmentation de la volatilité et d’importantes variations intermédiaires des cours de change, les fonds de pension et autres investisseurs institutionnels se tournent de plus en plus vers des solutions de gestion du risque de change. Solutions de couverture Plusieurs solutions existent dans ce domaine. Une première option consiste à couvrir systématiquement une partie ou la totalité de la position de change. On parle alors de couverture passive. Cette solution comporte le grand avantage de garantir une réduction de la volatilité d’un portefeuille international. En revanche, cette approche peut donner lieu à d’importants flux de liquidités, en cas de hausse de la monnaie d’investissement. En outre, elle empêche toute participation aux mouvements favorables des cours de change. L’autre option envisageable est de couvrir plus activement le risque de change. Dans ce cas de figure, la stratégie consiste à faire varier le ratio de couverture en fonction de l’évolution des devises. L’objectif étant d’obtenir un profil de résultat asymétrique pour que les investisseurs puissent participer aux mouvements de hausse des monnaies étrangères, lesquelles sont protégées contre les mouvements de baisse. Une solution plus adaptée aux fluctuations des devises. BANQUE&FINANCE N°110 JUILLET/AOUT 2011
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Investir Rudi VAN DEN EYNDE Gestionnaire du Dexia Equities L Biotechnology Fund, Dexia Asset Management
@ investor.support-dam@dexia.com
Fonds de placement
Maladies orphelines et biotechnologie Le traitement des «maladies orphelines» représente une stratégie de niche permettant au secteur de la biotechnologie d’apaiser la souffrance des patients, tout en générant d’importants bénéfices. Déjà depuis un certain temps, les géants pharmaceutiques poursuivent une stratégie de masse en mobilisant des forces de vente énormes qui visitent des milliers de médecins, afin de promouvoir des médicaments contre les infections, la dépression, les insomnies, l’excédent de cholestérol, etc., autrement dit, des affections qui touchent des millions de personnes. Pendant des années, les patients qui souffraient de maladies rares, telles que la fibrose kystique ou la sclérose
en plaques, ont été délaissés, leur nombre étant jugé insuffisant pour justifier un investissement. Leur unique consolation se limitait donc aux progrès réalisés par la médecine traditionnelle. C’est alors que les sociétés de biotechnologie sont entrées dans l’arène. Au début des années 1990, l’américaine Genzyme a été l’une des premières à percevoir le potentiel des maladies dites «orphelines» et à exploiter les avancées technologies de l’époque, afin de développer des médicaments spécifiquement destinés à cette catégorie de malades. Vingt ans plus tard, une multitude de sociétés biotechnologiques créent des médicaments
Evolution du prix de l’action Vertex
Source: Thomson reuters
contre des maladies extrêmement rares, très peu médiatisées, et connues uniquement des patients malchanceux et de leurs médecins. Néanmoins, les investisseurs ont tout intérêt à s’y intéresser. Aux États-Unis, la FDA (Food and Drug Administration) considère que les «maladies orphelines» concernent près de 200 000 Américains. Afin de promouvoir la recherche médicale, les USA fournissent des avantages fiscaux et garantissent sept ans d’exclusivité de marché pour les médicaments visant de telles maladies. Puis les autorités sanitaires européennes leur ont emboîté le pas, en incluant même des maladies tropicales dans la définition des «maladies orphelines», tout en accordant une exclusivité de marché de dix ans pour lesdits médicaments. Malgré leur nom, les maladies «rares» ne le sont pas. Selon l’Organisation européenne des maladies rares, plus de 5000 d’entre elles sont connues de la communauté médicale. La plupart du temps, il s’agit de maladies génétiques, donc chroniques, qui affectent fortement la qualité de vie des malades, avec parfois une issue fatale. D’ailleurs, 30% des enfants atteints d’une «maladie orpheline» meurent avant leur cinquième anniversaire. Grâce à ses acquisitions particulièrement visionnaires dans les années 1980, la société de biotechnologie américaine Genzyme a finalement été l’instigatrice de la révolution des recombinants génétiques, ayant conduit à la mise au point d’un
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Investir
Sur le web www.eurordis.org
www.alxn.com www.dexia-am.com/funds
ELLES sont extrêmement rares, très peu médiatisées... Néanmoins, les investisseurs ont tout intérêt à s’y intéresser.
médicament améliorant de façon spectaculaire la vie des personnes atteintes de la maladie de Gaucher. Cette maladie génétique, décrite pour la première fois en 1982, est causée par une déficience enzymatique en bêta-glucocérébrosidase, qui affecte le métabolisme des lipides dans l’organisme. Genzyme a été la première société à reproduire cette enzyme au moyen d’un processus de fabrication de recombinants. Le médicament, qui en a résulté, a reçu le feu vert de la FDA en 1994 et est commercialisé sous le nom de Cerezyme. Ses ventes annuelles atteignent aujourd’hui un milliard de dollars et l’action Genzyme (la société a été récemment rachetée par Sanofi) a enregistré une progression de 850% depuis 1994, soit
un rendement annuel composé de 15%. Les recherches sur les «maladies orphelines» revêtent donc bien une importance stratégique au sein du secteur biotechnologique. Rares sont les personnes ayant déjà entendu parler de l’Hémoglobinurie Paroxystique Nocturne. Les patients atteints de cette maladie souffrent d’une déficience du système du complément (partie du système immunitaire), leurs globules rouges étant détruits par leur propre système immunitaire. Les transfusions sanguines étaient la seule option possible jusqu’à ce qu’une autre société de biotechnologie américaine, Alexion, développe Soliris, un médicament qui bloque partiellement le système du complément. Bien
qu’onéreux (390 000 dollars par an), ce médicament est remboursé dans tous les pays développés, où il est autorisé. Soliris a également prouvé son efficacité dans le traitement du syndrome aHUS (Syndrome hémolytique et urémique atypique), une maladie également causée par un dérèglement du système du complément endommageant les reins. Après le syndrome aHUS, Alexion étudie la possibilité d’utiliser Soliris dans le traitement de la maladie des dépôts denses et pour d’autres dysfonctionnements des reins. Les ventes de ce médicament enregistrent une croissance exponentielle, au même titre que le cours de l’action Alexion qui a gagné 65% en 2010, après une hausse de 35% en 2009.
Avis d’expert On a longtemps craint que la fibrose kystique était incurable, son origine sous-jacente étant considérée comme un ensemble spécifique de mutations génétiques. Plusieurs formes de mutations sont identifiées et ont toutes un impact sur le CTFR (cystic fibrosis transmembrane conductance regulator), une protéine complexe assemblée dans la cellule et qui se déplace ensuite vers la
membrane cellulaire. Le CFTR est un conducteur ionique et régule le flux notamment des ions chlorure et d’eau, dans et hors de la cellule. Les patients présentant la mutation G551D ont des protéines CFTR livrées à la membrane cellulaire, mais avec une forme anormale empêchant un fonctionnement correct. Vertex Pharmaceuticals met au point le VX770, un médicament oral qui rend au
récepteur sa forme normale et rétablit la fonctionnalité. Tout récemment, Vertex a annoncé les résultats spectaculaires d’un essai de phase III. Mesurée en termes de FEV1 (volume expiratoire maximal), l’étalon-or en matière de mesure de la fonction respiratoire, les patients ont amélioré leur capacité pulmonaire de 10,5% par rapport au groupe placebo, soit un niveau nettement
supérieur aux souhaits des observateurs. Vertex va soumettre le dossier d’approbation de ce médicament lors de ce 2e semestre, et l’accord de la FDA pourrait intervenir en 2012, soulageant ainsi la vie des 2 à 3000 patients estimés comme touchés par cette mutation spécifique, dans le monde occidental. Dans ce cas précis, la science produit ses plus beaux effets. La connaissance
en profondeur de la structure de la protéine concernée est liée à la conception d’un médicament moléculaire avancé. Les données d’efficacité devraient ainsi permettre une tarification de l’ordre de 200 000 dollars par patient et par année. De plus, ce médicament pourrait rapidement générer des ventes annuelles de 300 millions de dollars, voire davantage, pour Vertex.
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Investir REPÈRES DU MARCHÉ DE LA GESTION COLLECTIVE Palmarès sur 1 an des catégories de fonds avec au moins 5 fonds Thomas Lancereau Analyste Morningstar France
Moyennes des catégories Morningstar
Perf. en % Perf. en % Volatilié sur 1 an annualisée annualisée
Perf. en % annualisée
sur 3 ans
sur 5 ans
sur 3 ans
MEILLEURES PERFORMANCES DES CATEGORIES MORNINGSTAR - FONDS ACTIONS & MIXTES
Actions Amériques Autres Actions Thaïlande Actions Asie-Pacifique Autres Actions Suisse Petites et Moyennes Cap. Actions Suède Petites et Moyennes Cap.
27,90 25,80 22,93 13,02 12,99
-3,88 4,98 0,84 1,08 3,89
28,90 29,08 27,65 21,49 31,45
-3,80 5,27 11,87 3,78 2,20
MOINS BONNES PERFORMANCES DES CATEGORIES MORNINGSTAR - FONDS ACTIONS & MIXTES
Sur le web www.morningstar.fr
Actions Afrique & Moyen Orient Actions Japon Petites & Moy. Cap. Actions Japon Grandes Cap. Actions Grèce Actions Vietnam
-17,24 -17,88 -18,63 -23,75 -36,20
-15,75 -7,25 -12,56 -28,88 -16,53
24,26 19,15 18,65 35,04 32,44
-6,04 -15,23 -13,95 -17,93 -29,97
MEILLEURES PERFORMANCES DES CATEGORIES MORNINGSTAR - FONDS OBLIGATAIRES
Convertibles International Couvertes en CHF Obligations International Couvertes en CHF Obligations AUD Obligations CHF Obligations CHF Court Terme
5,20 2,45 0,67 0,31 0,18
2,47 3,81 5,44 3,45 1,89
12,29 5,37 12,19 4,49 2,17
2,03 2,38 5,05 2,25 1,62
MOINS BONNES PERFORMANCES DES CATEGORIES MORNINGSTAR - FONDS OBLIGATAIRES
Obligations USD Diversifiées Obligations USD Emprunts d'Etat Obligations International Couvertes en USD Obligations HKD Obligations USD Diversifiées Court Terme
«Neuflize USA Opportunités $ AC» - FR0000003493 Ce fonds, unique en son genre, continue à délivrer de bons résultats. Le fonds est géré par François Mouté, également président du directoire de Neuflize Private Assets. Cette filiale du groupe ABN-Amro est détenue par l’Etat néerlandais qui n’interfère pas avec l’entité de gestion. C’est certes un facteur d’incertitude car l’Etat devra bien un jour se désengager mais Mouté a l’habitude de ce type d’environnement. Il a historiquement su protéger les intérêts des investisseurs indépendamment des propriétaires successifs de Neuflize. Au cours de sa très longue expérience, ce vétéran de la gestion a développé une approche particulière qui rend le profil du fonds très différent de ce que l’on attend généralement d’un fonds d’actions américaines. Tout d’abord, son exposition au marché actions varie de 60% à 100%. Celle-ci est fixée sur la base d’une large palette d’indicateurs économiques et financiers que le gérant suit depuis longtemps. Il utilise également des séries historiques très longues de l’évo-
lution des pondérations des différents secteurs dans l’indice S&P 500 et les confronte à ses propres anticipations sur les grandes tendances de l’économie mondiale pour piloter l’exposition sectorielle du fonds. Les paris qui en résultent sont sans appel et maintenus pour le long terme: à fin juin 2010 (mais c’est le cas depuis 2003), les ressources naturelles (essentiellement des valeurs minières dont l’or) représentaient ainsi 35% des actifs contre 3,4% pour l’indice. L’énergie (20,4%) est un autre pari du gérant pour qui ces deux secteurs sont actuellement bien en deçà de leur poids historique dans l’indice alors que la demande, notamment de Chine, ne faiblit pas. A l’inverse, il est resté à l’écart des financières dès 2003 car elles avaient pris à son avis des pondérations insoutenables. Ce fonds a délivré des résultats remarquables. Depuis sa création jusqu’à septembre 2010, il a surperformé la moyenne de la catégorie de
-15,58 -16,28 -16,83 -16,96 -17,17
5,35% par an. Les investisseurs doivent néanmoins rester conscients des risques encourus. Le risque n’a pas de définition unique et les investisseurs doivent l’appréhender par rapport à leurs propres objectifs ainsi qu’à leur portefeuille existant. Par exemple, le fonds a perdu beaucoup moins que ses concurrents dans la chute de l’année dernière mais sa sous-exposition au marché et l’absence de financières l’a pénalisé en 2009. De même, valeur
-1,43 -2,19 -1,95 -2,65 -3,67
11,93 13,14 13,16 14,52 13,29
-2,10 -2,28 -3,20 -3,14 -4,55
refuge pour les uns, l’or est considéré comme spéculatif et très volatil par les autres. Nous sommes donc d’avis que le fonds doit être utilisé à des fins de diversification, par des investisseurs qui ne sont pas déjà directement exposés à ces secteurs. Avec ces réserves, nous pensons que l’expérience de Mouté et le flair indiscutable dont il fait preuve justifient amplement la note «Supérieur» du fonds.
Neuflize USA Opportunités $ AC vs catégorie Morningstar
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Investir Les plus grandes catégories de fonds passées au crible du 1 er quartile
Le graphique ci-contre indique l'évolution des catégories de fonds sur cinq ans. Dans chaque numéro, Banque&Finance vous présente également une sélection de fonds. Découvrez les rares produits qui réussissent à se hisser dans le premier quartile sur toutes les périodes analysées. Nous publions au maximum les cinq premiers fonds sur un an.
Sur 150 fonds de la catégorie MORNINGSTAR "Actions Suisse Gdes Cap.", 13 fonds restent dans le 1er quartile sur 6 mois, 1 an et 3 ans. Actions Suisse Gdes Cap. Nom du fonds
SVM Value Swiss Equity Discovery Fund SL iFunds (CH) Eq Switzerland S&M Cap B & P Vision Q-Selection Switzerland Quantus (CH) Active Prime Selection
Promoteur
SIF Swiss Investment Funds SA CACEIS Fastnet (Suisse) SA Swiss Life Funds AG Crystal Fund Management AG Falcon Fund Manag. (Switzerland) Ltd
Code ISIN
Perf. en % sur 6 mois
Perf. en % sur 1 an
Perf. en % sur 3 ans annualisée
Volatilité annualisée sur 3 ans
Etoiles MORNINGSTAR
CH0013610248 CH0035717070 CH0023989467 LI0022299676 CH0015917344
15,34 14,66 11,11 8,42 10,27
20,29 14,76 14,05 13,02 10,74
4,24 -0,63 3,51 -0,79 -1,17
18,87 26,05 17,29 17,56 17,41
5,06
3,51
-2,28
16,87
Moyenne
Sur 51 fonds de la catégorie MORNINGSTAR "Actions Suisse Petites & Moy. Cap.", 3 fonds restent dans le 1er quartile sur 6 mois, 1 an et 3 ans. Actions Suisse Petites & Moy. Cap. Nom du fonds
SaraSelect AXA Swiss IF Eqs Switzer Sm & Mid Caps 2 Reichmuth Pilatus BEKB Aktien Schweiz Small & M Caps Value Clariden Leu (CH) Swiss Small Cap Equity
Promoteur
Sarasin AXA Reichmuth & Co Investmentfonds AG Balfidor Fondsleitung AG Clariden Leu AG
Code ISIN
Perf. en % sur 6 mois
Perf. en % sur 1 an
Perf. en % sur 3 ans annualisée
Volatilité annualisée sur 3 ans
CH0001234068 CH0035534368 CH0013728990 CH0107535624 CH0005647661
17,48 15,97 20,20 15,47 13,53
27,64 24,98 24,00 19,35 19,06
0,87 2,53 2,56 3,44 0,17
24,02 21,88 18,30 21,69 23,17
10,78
13,47
1,09
21,67
Moyenne
Etoiles MORNINGSTAR
Sur 195 fonds de la catégorie MORNINGSTAR "Actions Europe Gdes Cap. Mixte", 16 fonds restent dans le 1er quartile sur 6 mois, 1 an et 3 ans. Actions Europe Gdes Cap. Mixte Nom du fonds
Promoteur
Code ISIN
Perf. en % sur 6 mois
Perf. en % sur 1 an
Perf. en % sur 3 ans annualisée
Volatilité annualisée sur 3 ans
Etoiles MORNINGSTAR
Arnica European Opportunity Fund JPM Europe 130/30 A (acc)-EUR Threadneedle Pan Eurp Inst Net EUR AXA WF Frm Europe Opportunities AC EUR Skandia European Best Ideas A1
Swiss Life Funds AG JPMorgan Asset Mgt (Europe) S.à r.l. Threadneedle Investments AXA Investment Managers Paris S.A. Skandia Fund Management (Ireland) Ltd
CH0033137149 LU0289089384 GB0030810682 LU0125727601 IE00B2Q0GR60
13,88 9,92 3,96 4,86 6,25
16,33 11,03 9,15 9,06 8,33
2,66 -6,46 -1,41 -8,33 -3,61
20,05 24,70 20,29 23,76 26,43
1,75
0,48
-8,66
23,37
Moyenne
Sur 164 fonds de la catégorie MORNINGSTAR "Actions Etats-Unis Gdes Cap. Mixte", 6 fonds restent dans le 1er quartile sur 6 mois, 1 an et 3 ans. Actions Etats-Unis Gdes Cap. Mixte Nom du fonds
Janus INTECH US Risk Mgd Core A EUR CONNECT Equity USA GREEN I Russell IC US Equity EH A JPM US Eq A (acc)-EUR (Hdg) JPM US Select 130/30 A (acc)-EUR (Hdg)
Promoteur
Janus Capital Funds Plc Credit Suisse Asset Manag. Funds AG Russell Investments Ireland Limited JPMorgan Asset Mgt (Europe) S.à r.l. JPMorgan Asset Mgt (Europe) S.à r.l.
Code ISIN
Perf. en % sur 6 mois
Perf. en % sur 1 an
Perf. en % sur 3 ans annualisée
Volatilité annualisée sur 3 ans
IE0032746970 CH0027988838 IE00B193MG60 LU0278558811 LU0281482918
8,70 12,16 9,66 11,39 6,77
4,18 3,81 2,84 1,11 -0,66
-7,98 5,35 -6,52 -7,70 -6,51
26,06 24,06 27,90 25,67 26,33
1,79
-7,81
-6,22
21,43
Moyenne
Etoiles MORNINGSTAR
Sur 65 fonds de la catégorie MORNINGSTAR "Actions Asie-Pacifique hors Japon", 0 fonds restent dans le 1er quartile sur 6 mois, 1 an et 3 ans Actions Asie-Pacifique hors Japon Nom du fonds
AXA Rosenberg Pac Ex-Jap Sm Cp Alp A Aberdeen Global Asian Smaller Cos D2 First State As Pac Sustainability A BNY Mellon Asian Equity A USD First State Asia Pacific A Moyenne
Promoteur
AXA Rosenberg Management Ireland Aberdeen Asset Managers Ltd Lux First State Investments (UK) Ltd BNY Mellon Asset Management First State Investments (UK) Ltd
Code ISIN
Perf. en % sur 6 mois
Perf. en % sur 1 an
Perf. en % sur 3 ans annualisée
Volatilité annualisée sur 3 ans
IE0008367009 LU0231459958 GB00B0TY6S22 IE0003795394 GB0030183890
2,15 -6,63 -3,07 -1,87 -2,87
4,94 4,54 1,50 1,49 0,92
-6,42 8,79 1,97 -1,29 0,80
30,63 21,82 20,54 24,48 19,78
-2,69
-2,16
-2,43
23,93
Etoiles MORNINGSTAR
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Investir Cfinancials.com un accès simple et gratuit à tous les produits financiers. Un accès à 98% des produits financiers, soit 9,5 millions d’instruments financier.
Sur 1694 Fonds 05.27.2011 (Source ThomsonReuters Lipper)
Fonds avec la meilleure performance depuis le début de l’année. Critère: Domicilié CH en CHF Perf YTD %
Fund Name
Price Date
Fund Type
AssetType
ISIN
57,33 Julius Baer Physical Silver-CHF A
05/27/11
ETF
Other
CH0106405894
57,28 Julius Baer Physical Silver-CHF AX
05/27/11
ETF
Other
CH0106406199
44,07 ZKB Silver ETF A (CHF)
05/27/11
ETF
Other
CH0029792717
17,58 UBS IS - CMCI Oil ETF (CHF) SF-I
05/27/11
ETF
Other
CH0116015477
17,5 UBS IS - CMCI Oil ETF (CHF) SF-A
05/27/11
ETF
Other
CH0116015352
16,8 Swisscanto (CH) Commodity Selection Fund I
05/27/11
Fund
Other
CH0028896592
16,59 Swisscanto (CH) Commodity Selection Fund A
05/27/11
Fund
Other
CH0028896535
15,4 Credit Suisse Commodity Fund Plus (CH) Sfr D
05/27/11
Fund
Other
CH0036133186
14,9 Credit Suisse Commodity Fund Plus (CH) Sfr B
05/27/11
Fund
Other
CH0016912401
14,45 Sarasin Commodity - Diversified
05/27/11
Fund of Funds
Other
CH0023789099
14,19 Sarasin Commodity Dynamic I CHF
05/27/11
Fund of Funds
Other
CH0107418250
13,99 Sarasin Commodity Dynamic P CHF
05/27/11
Fund of Funds
Other
CH0107399211
11,58 UBAM (CH) GOLD + (CHF) AH
05/27/11
Fund
Equity
CH0117983137
11,56 BCV DIAPASON Commodity (CHF) C
05/27/11
Fund of Funds
Other
CH0024637180
11,42 BCV DIAPASON Commodity (CHF) B
05/27/11
Fund of Funds
Other
CH0024636968
11,27 BCV DIAPASON Commodity (CHF) A
05/27/11
Fund of Funds
Other
CH0024634401
11,12 AS Avadis - Immobilien Europa
05/27/11
Fund
Equity
CH0011219844
10,69 Wegelin Equity Active Indexing World Value
05/27/11
Fund of Funds
Equity
CH0017007094
10,41 Reichmuth Pilatus
05/27/11
Fund
Equity
CH0013728990
Sur 1511 Fonds 05.27.2011 (Source ThomsonReuters Lipper)
Fonds avec la meilleure performance sur 1 an. Critère: Domicilié CH en CHF Perf YTD % 153,45 153,45 105,88 48,03 42,87 39,27 38,97 35,77 35,77 31,33 31,14 30,39 29,03 28,62 28,27 28,27
Fund Name Julius Baer Physical Silver-CHF A Julius Baer Physical Silver-CHF AX ZKB Silver ETF A (CHF) PAM Gold & Silver Mining & Metals Fund Quantex Strategic Precious Metal (CHF) All Commodity Tracker Plus Ah All Commodity Tracker Plus Ch Julius Baer Physical Palladium-CHF A Julius Baer Physical Palladium-CHF AX ZKB Gold Aktienfonds UBS (CH) Property Fd-Direct Residential ZKB Gold ETF Hedged (CHF) Sarasin Commodity - Diversified UBS (CH) Commodity Fund - CHF I-X UBS IS - Gold (CHF) hedged ETF I UBS IS - Gold (CHF) hedged ETF I
Price Date 05/27/11 05/27/11 05/27/11 05/27/11 05/27/11 05/27/11 05/27/11 05/27/11 05/27/11 05/27/11 05/27/11 05/27/11 05/27/11 05/27/11 05/27/11 05/27/11
Fund Type ETF ETF ETF Fund Fund Fund Fund ETF ETF Fund Fund ETF Fund of Funds Fund ETF ETF
AssetType Other Other Other Equity Equity Other Other Other Other Equity Real Estate Other Other Other Other Other
ISIN CH0106405894 CH0106406199 CH0029792717 CH0042829561 CH0019182366 CH0049136812 CH0049136820 CH0106407239 CH0106407320 CH0037048078 CH0026465366 CH0103326721 CH0023789099 CH0048804659 CH0106027136 CH0106027136
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51
Michael Heijmeijer
Investir
CEO
@ management@cfinancials.com
La société est privée et indépendante des émetteurs de produits. Les analyses de produits financiers sont objectives et basées sur un traitement informatique des données.
Sur le web www.cfinancials.com
Funds Bonds Warrants Initial Public Offering Shares Structured Products Options
544 000 1 100 000 520 000 1 000 570 000 415 000 2 200 000
Private Equity Hedge Funds Pipeline Products Futures Private Placements Fund of Funds New Products
5 000 8 000 1 000 132 000 400 000 23 000 20 000
Money Markets Financial Reporting ETF Product Issuer News Indices
412 000 135 000 14 000 20 000 221 000
Sur 1147 Fonds 05.27.2011 (Source ThomsonReuters Lipper) Fonds avec la meilleure performance sur 3 ans. Critère: Domicilié CH en CHF Perf YTD % 134,45 69,42 66,46 57,15 53,96 48,82 43,61 34,49
Fund Name ZKB Silver ETF A (CHF) Quantex Strategic Precious Metal (CHF) BAM Equity Trading Fund (CHF) ZKB Palladium ETF AMG Gold Minen & Metalle A ZKB Gold ETF A (CHF) UBS (CH) Property Fd-Direct Residential UBS (CH) Property Fd-Swiss Residential 'Anfos'
Price Date 05/27/11 05/27/11 05/27/11 05/27/11 05/27/11 05/27/11 05/27/11 05/27/11
Fund Type ETF Fund Fund ETF Fund ETF Fund Fund
AssetType Other Equity Equity Other Equity Other Real Estate Real Estate
ISIN CH0029792717 CH0019182366 CH0033224889 CH0029792683 CH0024686773 CH0024391002 CH0026465366 CH0014420829
Fund Type Fund ETF Fund Fund Fund Fund Fund Fund
AssetType Equity Other Equity Equity Real Estate Real Estate Equity Equity
ISIN CH0019182366 CH0024391002 CH0024686773 CH0019597530 CH0002782263 CH0045159842 CH0021864977 CH0015800003
Sur 866 Fonds 5.27.2011 (Source ThomsonReuters Lipper)
Fonds avec la meilleure performance sur 5 ans. Critère: Domicilié CH en CHF Perf YTD % 80,56 64,62 63,11 46,21 43,95 42,06 38,78 38,46
Fund Name Quantex Strategic Precious Metal (CHF) ZKB Gold ETF A (CHF) AMG Gold Minen & Metalle A AMG Substanzwerte Schweiz A LA FONCIERE Credit Suisse Real Estate Fund PropertyPlus Valartis Swiss Small & Mid Cap Selection Fund UBS (CH) Inst Fd-Small&Mid Cap Eq Switzerland I-X
Price Date 05/27/11 05/27/11 05/27/11 05/27/11 05/27/11 05/27/11 05/27/11 05/27/11
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Finance éthique
DENYS RINPOCHÉ Directeur Spirituel de l’Institut Karma Ling & Université Rimay Nalanda
Eliminer le vice chrématistique
parcours Héritier spirituel direct de Kyabjé Kalu Rinpoché, Denys Rinpoché (né à Paris en 1949) est le fondateur et le supérieur du Sangha Rimay, communauté internationale de pratiquants du Dharma reconnue par le gouvernement français, en 1994. A ce titre, il accompagne depuis trente ans de nombreux Occidentaux sur la voie de l’éveil. Sa double formation, universitaire en France et de lama dans la tradition tibétaine, associée à de longues retraites yogiques ont fait de lui un enseignant accompli. Il est particulièrement estimé pour la clarté de sa présentation de l’essence de la voie du Bouddha, dans l’intelligence de notre langue et du monde d’aujourd’hui.
Pour Denys Rinpoché, qui assure la direction spirituelle d’une importante congrégation bouddhiste en France, l’Institut Karma Ling & Université Rimay Nalanda, 90% des échanges financiers quotidiens se révèlent spéculatifs, alors que l’économie réelle ne représente qu’une infime part de 10% sur l’ensemble des transactions mondiales. Ce déséquilibre serait à l’origine de l’ensemble des crises économico-financières. «La spéculation, qui génère des profits colossaux, vient de la volonté de fabriquer de l’argent avec de l’argent, ou «money making money». Elle se caractérise par son aspect chrématistique, désignant une forme de vol ou de détournement d’énergie. En Occident, la notion de chrématistique vient d’Aristote et de ses héritiers chrétiens et musulmans en philosophie. Du point de vue du Dharma ou du bouddhisme, la chrématistique représente la principale source d’égoïsme, ou plutôt d’énergie égoïste et même d’énergie monétaire, utilisée par le mental égotique qui gouverne l’humanité. La chrématistique relève donc du domaine de l’avidité, qui plus est spéculative. Le Bouddha et Aristote, l’Orient et l’Occident, s’accordent ainsi pour prétendre que la chrématistique se révèle profondément malsaine et non éthique, alors que l’économie réelle, entendue au sens des échanges interdépendants, s’avère saine et éthique, et constitue naturellement une part essentielle de la vie sociale», explique Denys Rinpoché. Les crises économico-financières et les désastres écologiques procéde-
raient tous deux de l’avidité humaine, autrement dit de la soif et de l’appétit insatiable de l’ego. Cette avidité, qui a pris la forme d’un vampire financier, serait désormais le leader mondial de la civilisation consumériste, le premier activateur des passions humaines qui suce le sang de la Terre mère. En bref, la cause et la racine des crises et des désastres précités seraient véritablement cette avidité omniprésente et envahissante à l’échelon planétaire. Yes we can! «La cessation, ou en tout cas, la réduction de l’avidité nécessite une régulation financière globale, orchestrée et dirigée par l’ONU, de même que de puissantes lois internationales permettant une stricte gouvernance mondiale qui, seule, parviendra à stopper le vice chrématistique. En parallèle, le contrôle de l’argent implique la mise en place de taxes sur les transactions, particulièrement celles à court terme, afin de stopper cette spéculation. Il pourrait s’agit d’une super taxe Tobin, par exemple. Dans le même ordre d’idées, l’ONU pourrait fixer un taux légal d’intérêt maximum. Quant aux paradis fiscaux, ils devraient devenir des zones bannies. Afin de mettre en place un tel programme, nous avons besoin d’une police financière mondiale placée sous le contrôle de l’ONU, sans laquelle rien ne pourra être accompli», propose Denys Rinpoché, n’hésitant pas à clamer Yes we can! Enfin, de nouvelles normes en termes de bonheur, de santé, de bien-être et d’harmonie non égoïste devraient
être prioritairement édictées, dans l’optique de remplacer le Produit national brut par le Bonheur national brut, la qualité de la vie étant plus importante que la quantité d’argent. Une réalité qui conduit à l’éthique de l’épanouissement de la simplicité volontaire. Une perspective altruiste Dans les manuels traditionnels d’économie, le modèle de base de l’activité économique est souvent représenté par les besoins illimités, contrôlés par la rareté. Or, la rareté nécessite le choix, lequel implique le coût d’opportunité. Quant au but final, il s’apparente à la satisfaction. Les concepts fondamentaux apparaissant dans ce modèle - besoin, choix, consommation et satisfaction décrivent les activités basiques de la vie, selon une perspective économique usuelle. Ces concepts sont focalisés sur certaines hypothèses relatives à la nature humaine, mais celles des économistes sont pour le moins confuses. Pour sa part, la Voie du Dharma ou du Bouddha offre une vision claire et cohérente de la nature humaine, à savoir une vue englobant le rôle de l’éthique. Cette spiritualité loue aussi la sagesse de la modération, qui signifie la reconnaissance de la quantité optimale (combien est «juste assez»). Il s’agit d’avoir conscience du point optimal où l’amélioration du véritable bienêtre coïncide avec l’expérience de la satisfaction. Ce point optimal, ou point d’équilibre, est atteint lorsque l’être
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La consommation doit être contrebalancée par l’atteinte du bien-être dans des proportions appropriées.
Sur votre agenda
fait l’expérience de la satisfaction à avoir répondu à ses besoins de qualité de vie ou de bien-être. La consommation, par exemple, doit être contrebalancée par l’atteinte du bien-être dans des proportions appropriées, plutôt que dans la satisfaction des désirs. Contrairement à l’équation économique classique de la consommation maximale apportant la satisfaction maximale, se substitue ainsi une consommation modérée, ou avisée, appelée encore la simplicité volontaire qui apporte le bien-être. Lors d’achats courants par exemple, il convient de les acquérir avec discernement, en se souvenant que le prix réel d’un produit équivaut à son prix du marché, plus son prix éthique et celui de la pollution engendrée par sa fabrication. Cultiver la simplicité volontaire signifie plus de bonheur, une souffrance réduite et une meilleure qualité de vie, avec moins de
consommation d’énergie et de pollution. Une autre signification du terme «la juste quantité» est de ne pas nuire à soi-même et aux autres. Ce critère fondamental, «Respecte autrui comme toi-même et considère tes semblables comme toi-même», est à considérer comme une règle d’or de l’action, non seulement pour la consommation, mais aussi pour toutes les activités humaines. «Dans une perspective altruiste, les principes économiques sont reliés aux trois aspects interconnectés de l’existence humaine que sont les êtres, la société et l’environnement naturel. L’économie bouddhiste désigne donc l’harmonie, avec la totalité du processus causal. Pour y parvenir, elle doit avoir une relation appropriée avec ces trois sphères qui, elles-mêmes, doivent être en parfaite concordance pour se compléter mutuellement»,
précise Denys Rinpoché. L’activité économique altruiste doit ainsi intégrer la non-nuisance à soi-même pour éviter le déclin de la qualité de vie, ni aux autres, afin de ne pas causer des difficultés dans la société ou un déséquilibre dans l’environnement. De même, elle doit viser à rendre efficientes l’éthique, soit la nonviolence et la simplicité dans la vie, la contemplation ou l’expérience directe et naturelle au sens de moins de saisie égocentrique et de passions, mais plus de présence d’esprit et d’empathie, ainsi que la compréhension qui implique la réalité de l’interdépendance, de la nature et du bonheur. Comprendre l’interdépendance équivaut à expérimenter la solution de l’ego et la réalité au-delà de sa saisie et de ses passions.
L’Institut bouddhiste Karma Ling & l’Université Rimay Nalanda organisent, les samedi 10 et dimanche 11 septembre 2011, un important Forum sur le thème «Economie & Spiritualité, quelles responsabilités individuelles pour quelles actions collectives?», qui réunira des professionnels du secteur économique et financier, des intellectuels et des représentants de traditions spirituelles. Parmi les conférenciers suisses, s’exprimeront notamment des responsables de la Fondation Sustainable Finance Geneva, du Conseil en investissement Wise, du Fonds d’investissement ResponsAbility, etc., ainsi que Sophie Swaton, chercheuse au Centre Walras-Pareto à l’Université de Lausanne, qui vient de publier l’ouvrage «Une entreprise peut-elle être «sociale» dans une économie de marché?». Ce Forum se déroulera sur l’Ecosite d’Avalon à Arvillard (à une vingtaine de kilomètres de Chambéry, en France – à 1 h 30 de Genève). Information: www.universite. rimay.net, www.rimay.net Réservation: karmaling@karmaling.org tél. +(33)79 25 78 00
Didier Planche d.planche@banque-finance.ch BANQUE&FINANCE N°110 JUILLET/AOUT 2011
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Sur le web www.evca.eu www.preqin.com www.lyrique.com
Hans VAN SWAAY
Private equity
L’âge de raison Le private equity arrive à maturité. L’opinion publique ne le sait pas encore, car elle se souvient des excès résultant de sa jeunesse, d’un taux d’hormones élevé et d’un certain manque de bon sens. Une situation qui rappelle la folle période du boom des dotcoms et la récente bulle des leverage buyouts, ces rachats d’entreprises financés par des emprunts, conjuguées à un marché des actions en surchauffe, ainsi qu’à un crédit facile et bon marché. Certes, le private equity n’a pas été aussi fou que le monde du hedge fund, mais il a un aspect romantique. Aider Apple ou eBay à devenir des entreprises de classe mondiale, c’est amusant, romantique (commencer dans son garage, sans costume ni cravate) et parfois immensément profitable. Toutefois, le capital-risque romantique a été peu à peu remplacé par des rachats de firmes matures, bénéficiaires et saines, où le management investit également dans le capital. Les transactions mentionnées ci-jointes ont toutes été de ce type. KKR, «Barbarians at the Gate», a racheté RJR Nabisco, ou plus récemment, Blackstone a acquis Celanese en Allemagne, BC partners a repris Seat (pages jaunes) en Italie, ou Lion Capital et ensuite TowerBrook ont acheté Jimmy Choo (UK), le créateur de chaussures sexy portées par des filles encore plus sexy. Capvis, le leader suisse du private equity, a récemment racheté le bien moins sexy Koenig Verbindungstechnik. Les bénéfices de ces rachats ont été moins spectaculaires qu’un eBay (1000 x l’investissement de benchmark), mais beaucoup plus prévisibles.
Il est arrivé que l’industrie du private equity progresse de façon spectaculaire, mais nous pensons que ces grandes accélérations seront moins fréquentes, voire absentes, à l’avenir. La croissance sera peut-être plus importante, mais elle sera plus lente. Comme dans d’autres secteurs, nous observons une courbe en S, avec un début lent et une croissance exponentielle très rapide, qui ralentit ensuite. Nous nous trouvons probablement dans cette phase de ralentissement. A court terme, même des vendeurs réputés, comme Rubenstein, le cofondateur de Carlyle, admettent que le private equity va freiner. Dès lors, les équipes seront plus petites et moins nombreuses. Certains groupes, parmi les plus importants, comme les américains TPG, Blackstone, KKR, Carlyle, Apollo ou, en Europe, BC-Partners, Permira, Apax, CVC, et EQT seront parmi les survivants. Les grands groupes américains ont opté pour une diversification dans d’autres activités de gestion, alors que les Européens semblent plus puristes. Les groupes plus petits devront se spécialiser ou mourir.
Plus de prévisibilité Que signifie cette situation pour un investisseur souhaitant diversifier son portefeuille avec du private equity, et obtenir une exposition à plus de firmes entrepreneuriales qu’il n’en existe sur les marchés boursiers? Nous pensons que, de manière générale, le secteur du private equity deviendra plus prévisible et, par conséquent, plus facile à comprendre pour les investisseurs. Il faudra éviter certains pièges évidents, comme des banques privées copiant aveuglément des modèles développés pour les investisseurs institutionnels. Ou la tentation de n’investir que dans les gestionnaires frappant à votre porte, à Genève ou à Lausanne, alors qu’il sont quelque 4000 dans le monde. Aujourd’hui, il est parfaitement possible de construire un petit portefeuille de private equity de bonne qualité et de procéder à une allocation pertinente. Mais quelqu’un doit bien faire le travail. Moins l’investisseur ou le gestionnaire est grand, plus il devient logique d’externaliser ce travail.
Valeur globale des transactions de rachat
Partner, Lyrique Sàrl
Avis d’expert Les trois prochaines années • Les surplus de capitaux vont diminuer • Les investisseurs institutionnels réduiront leur exposition au private equity • Moins de recyclage d’actifs entre les différents groupes de private equity (rachats secondaires) • La tentation de ne pas passer par des fonds, mais de procéder à des transactions directes • Une diversification des grands acteurs (US), qui seront de plus en plus comme des banques • La disparition des gestionnaires les plus médiocres; en cours avec le venture capital • La réduction de la taille des équipes et du nombre d’acteurs du private equity
@ hans.vanswaay@lyrique.com
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Investir Michel REYMONDIN Expert en œuvres d’art
ART
michelreymondin@bluewin.ch @
Art chinois, une utopie?
Hors des circuits spéculatifs, nous trouvons maints artistes actuellement sous-évalués comme Carl LINER, 1914-1997. «Emotion vive», 1950, Huile sur isorel, 60x88 cm, signée, datée 1950; valeur 25 000 francs (Catalogue raisonné en préparation).
Courant avril dernier, différents médias spécialisés dans l’art annonçaient que la Chine occupait désormais la première place du marché. Avec 33% des parts, les contemporains chinois prenaient la tête du secteur. A l’image de leur économie, cette fulgurance impose une analyse. Les fils de Confucius nous ont habitués à la maîtrise de la copie des produits manufacturés occidentaux, sans jamais parvenir à atteindre leur degré de qualité. Toujours est-il que le consommateur se précipite sur l’acquisition de ces fabrications d’un second ordre et contribue ainsi à offrir à la Chine le leadership de l’économie
mondiale. Fidèles à ce précepte, les artistes chinois ont investi le monde plastique en imitant nos peintres, afin de gagner un public susceptible de s’intéresser à eux. Un choix délibérément encouragé par les autorités chinoises, dans l’optique d’utiliser pleinement ce vecteur comme outil de propagande d’une redoutable efficacité. Le gouvernement n’a donc pas lésiné sur les moyens. Il a créé la Shenzen Cultural Assets and Equity Exchange (SZCAEE), qui constitue pour la circonstance une véritable Bourse de l’art. Cette dernière soutient non seulement ses artistes autochtones, mais également les cinq
sociétés d’enchères asiatiques chargées de les lancer dans l’arène. On découvre encore que Pékin suggère aux sociétés industrielles, voulant obtenir des marchés intérieurs, d’acquérir des peintures chinoises. Cette politique a pour effet d’augmenter la production d’outils artistiques secondaires en biaisant la qualité créative, pour la ramener à un simple objet décoratif. Ici, la valeur monétaire prime sur toute autre considération, donnant dès lors une connotation virtuelle à ce business. Le résultat de cet engouement se concrétise par l’apparition, depuis cinq ans, de sociétés d’enchères totalement inconnues. Elles s’offrent même le luxe de dépasser le chiffre d’affaires en art contemporain de Christie’s et Sotheby’s réunies. Il faut dorénavant retenir les noms de Hanhai Art Auction à Pékin, China Guardian ou Beijing Council, si l’on entend rester dans la course! De l’artisanat Ce déclin artistique a pour conséquence l’entraînement de l’inversion des valeurs, où les classiques tels que Monet, Van Gogh, Renoir, Matisse, Leger, Bacon ou Warhol sont pratiquement dépassés par la vague chinoise représentée par Zhang Xiagang, Dagim Zang, Guoging Cai, Fanzhi Zeng ou Jianni Geng. Mais un couac apparaît au milieu de ces leaders avec Weiwei Ai, qui a été arrêté devant le Musée National érigé sur la célèbre place Tienanmen pour avoir osé
critiquer son gouvernement l’ayant pourtant entièrement fabriqué. Une ingratitude impardonnable! A la lecture de cette information, d’aucuns auront compris qu’il ne faut pas se laisser abuser par les chiffres trompeurs du volume d’affaires chinois dans l’art. Il convient plutôt de s’interroger sur la valeur spirituelle de l’objet. S’il est naturel qu’une civilisation communique sa réussite à travers une école artistique, il est tout aussi compréhensible de se rendre compte que la qualité ne peut s’obtenir qu’avec le recul et la réflexion. La virtualité est actuellement trop présente dans ce secteur et les intérêts financiers aveuglent notre jugement. N’oublions pas que l’objet façonné est un acte pérenne de l’humain, agissant comme un moteur pour notre espérance de vie dans l’au-delà, liée à notre croyance en la résurrection. A l’opposé, les Asiatiques considèrent notre passage terrestre comme un stade intermédiaire, en relation avec leur croyance en la réincarnation. Face à cette différence essentielle, l’œuvre d’art est considérée par un Chinois comme un symbole traditionnel sans connotation divine, raison pour laquelle elle est réduite à de l’artisanat, d’où cette propension à la copie! Ici, on voit combien l’utilisation déviée de l’art peut nous entraîner vers une décadence que la société actuelle ne cesse de produire. Face à cet exemple, il serait opportun de corriger notre erreur d’appréciation. En tout cas, il s’agit d’un bon sujet de réflexion. Alors, méditons!
Liens sur Google Beijing Hanhai Art Auction, China Guardian Auctions Co Ltd, Beijing Council International Auction Co Ltd BANQUE&FINANCE N°110 JUILLET/AOUT 2011
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Jean Michel GENIN
Le cocktail du gérant
Avec sérénité, contre vents et marées Contrairement à tous ces brillants stratèges financiers à la phraséologie péremptoire qui se trompent avec la régularité de métronomes, nous pratiquons notre métier avec l’humilité de ceux qui savent qu’ils ne sauront jamais. N’y voyez là aucun signe de frustration ou de démission, mais une adaptation réaliste nécessaire à un monde en constante mouvance, où l’émotionnel l’emporte trop souvent sur le rationnel. Dans ce contexte qui devrait perdurer, nous privilégions une gestion basée sur une grande diversification et une constante flexibilité, afin de pouvoir changer notre fusil d’épaule très rapidement. Notre «cocktail», que nous voulons dynamique, mais pas explosif, repose sur une stratégie simple, basée sur une grande qualité des différents véhicules de placement que nous sélectionnons. Nous gardons toujours à l’esprit que quelque soit notre décision de placement, nous devons pouvoir la justifier à nos clients en tout temps, même en cas de tsunamis. Nous privilégions donc une gestion dite équilibrée ou balancée, avec les répartitions actuelles suivantes: 30% en obligations de qualité (au minimum double AA, S&P ou équivalent), avec, compte tenu des faibles rendements actuels, des durées allant de deux à trois ans ; nous estimons inutile de prendre un risque quelconque sur la solvabilité d’un débiteur, pour quelques dixièmes de pour cent de rendement supplémentaire. 15 à 20% en obligations convertibles: leur aspect hybride, combinant potentiel de plus-value de conversion
en actions et coussin de sécurité de l’obligation, nous paraît tout à fait adapté à l’incertitude de la période que nous traversons ; période caractérisée par de bons résultats de sociétés, mais des risques géopolitiques importants, sans parler de déficits abyssaux de certains Etats ; cette approche nous permet surtout de dynamiser une partie obligataire peu rémunératrice, et ce, avec un risque qui ne nous paraît pas exagéré. Nous investissons ici principalement par le biais de fonds LODH et JP Morgan, dont nous apprécions les qualités intrinsèques et les performances passées sur le long terme. 5% en obligations à haut rendement: mis à part un épisode douloureux en 2008, cette classe d’actifs contribue également à améliorer la performance de la partie obligataire de nos portefeuilles ; pour des raisons évidentes de répartition des risques, un tel investissement ne peut se faire que par le biais d’un fonds bien diversifié ; nous avons donc porté notre choix sur le fonds Hygh Yield de Petercam. 40 à 45% en actions internationales: la grande majorité des actions que nous détenons sont des actions de sociétés européennes et suisses, avec un rayonnement mondial ; nous privilégions les actions offrant de bonnes perspectives, avec un rapport cours/ bénéfice modéré et un dividende élevé (France Telecom, Total, Roche, Zurich Financial, etc.). En plus de ces sociétés dont la plupart ne touchent que partiellement les pays dits émergents, nous privilégions également le fonds
emerging markets de Carmignac, qui nous permet un positionnement plus direct sur ce type de pays à forte croissance. 5 à 10% en cash: en attente d’opportunités d’investissement, ces liquidités proviennent de prises de bénéfice ou d’un changement temporaire de stratégie. Au niveau monétaire, nous sommes principalement investis en franc suisse et en euro, avec quelques rentables dollars australiens pour la partie obligataire. Au niveau actuel, nous évitons l’or et sommes peu investis dans les matières premières. Quant à l’immobilier, la majorité de notre clientèle étant directement propriétaire, ce type de placement ne constituerait pas une réelle diversification.
Genin & Cie
Avis d’expert En règle générale, notre philosophie va plus dans le sens d’acheter au son du canon et vendre à celui du clairon que l’écoute béate des docteurs ès finance, qui ont trop souvent la tendance inverse. Dans cet esprit, et après un cocktail que d’aucuns trouveront banal, insipide, voire austère, nous proposons en guise de dessert à ceux qui ont une dose de patience et un zeste d’esprit sportif, un croustillant à la sauce helvétique composé d’actions UBS SA, Petroplus, Logitech et Holcim (cours à mi-mai 2011). De quoi aiguiser les papilles et…les critiques!
@ jmgenin@bluewin.ch
Sur le web www.lombardodier.com www.carmignac-gestion.fr www.genin.ch
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Stratégies
ADRIAN KÜNZI
ASSOCIÉ DE WEGELIN & CO
La Banque Wegelin & Co suit le dossier FATCA avec attention, notamment en raison de ses répercussions potentiellement importantes en termes de charges. Même si elle n’a pas encore arrêté sa ligne de conduite, sa réaction semble très attendue.
Identifier les courants porteurs
A
ssocié de Wegelin & Co, Adrian Künzi est responsable de la Suisse romande pour la prestigieuse banque privée, fondée à SaintGall en 1741. A ce titre, il préside au développement extraordinaire des succursales de Lausanne, à partir de 2004, et de Genève, dès 2007. Un développement qui reflète la pertinence de
choix stratégiques particulièrement appropriés, à savoir privilégier la clientèle domiciliée en Suisse, s’ouvrir aux institutions de prévoyance et, à l’étranger, se tourner vers certains marchés prometteurs, notamment l’Europe de l’Est et l’Amérique latine. De retour de Francfort où Konrad Hummler était allé le rechercher, Adrian Künzi est venu s’installer à
Lausanne. C’était en 2003, et celui qui avait été un temps, vers la fin des années 1990, l’assistant de Konrad Hummler, associé gérant de Wegelin & Co, travaillait depuis deux ans dans la métropole de la finance allemande, après un master à Cambridge. Tout comme en 1995, date de sa première entrée au service de Wegelin & Co, Adrian Künzi se laissait tenter par
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Stratégies
Le commentaire Sur le web www.wegelin.ch
mohammad farrokh Chroniqueur
l’appel de la prestigieuse banque saint-galloise. Quelques mois plus tard, en septembre 2004, il ouvrait la succursale de Wegelin & Co, dans un ancien hôtel particulier de la rue Sainte-Luce, à Lausanne. Si la banque a choisi la capitale vaudoise, au lieu de Genève, pour sa première implantation en Suisse romande, c’est en raison de la position centrale de la ville. Egalement parce que Lausanne correspond bien à un modèle d’affaires privilégiant une clientèle domiciliée en Suisse, plutôt qu’internationale, mais c’est aussi sous l’influence d’Adrian Künzi. Effectifs multipliés Bernois d’origine, donc proche de la Romandie, l’associé gérant de Wegelin & Co, responsable pour la Suisse romande, est tombé sous le charme du Pays de Vaud lors d’une période militaire à Yverdon, alors qu’il était premier lieutenant, dans les chasseurs de chars. Le succès de l’implantation de Lausanne allait très vite déjouer mêmes les anticipations les plus optimistes. De quatre personnes à ses débuts, la succursale de Wegelin est passée à quarante au printemps 2011. En 2009 déjà, la banque a dû, pour faire face à son développement, ouvrir d’autres bureaux, ceux de l’avenue du Théâtre où Wegelin & Co occupe désormais trois étages, en plus de ceux de la rue Sainte-Luce. Genève n’a pas été délaissée puisque Wegelin y a ouvert en 2007, toujours sous la direction d’Adrian Künzi, une succursale qui compte déjà une trentaine d’employés. L’un dans l’autre, les effectifs de
Wegelin & Co en Suisse romande ont été multipliés presque par vingt en moins de sept ans. Mais ce qui est non moins surprenant, c’est que ce développement s’inscrit dans le courant porteur ayant fait de la banque saintgalloise celle dont la croissance a été la plus forte. Adrian Künzi est bien placé pour s’en faire la réflexion. A l’époque de son entrée chez Wegelin, en 1995, la banque occupait une quarantaine de personnes, un effectif qui allait passer à 230 employés en 2004, avant de s’inscrire maintenant à plus de 700 collaborateurs. Les fonds sous gestion ont progressé plus fortement encore. Il était question de huit milliards de francs en 2004, vingt-sept milliards à l’heure actuelle, dont près du quart viennent de la prévoyance professionnelle suisse. A l’écart des USA Ce développement extraordinaire confirme la pertinence de la stratégie mise en oeuvre par Wegelin & Co, axée sur le développement d’une clientèle privée domiciliée en Suisse, qui constitue environ 60% du total. A Lausanne, cette proportion est du même ordre, ce qui ne veut pas dire que tous les clients de cette catégorie sont des Suisses typiques. Il y a aussi une clientèle anglophone, traditionnellement très présente dans la région de Vevey-Montreux. «Surtout des Britanniques et des anglophones non américains», précise le responsable de Wegelin & Co pour la Suisse romande. Car il faut bien dire que les sujets fiscaux américains (US Persons) sont en passe de devenir un cassetête dans la perspective de l’entrée
en vigueur, prévue en janvier 2013, du FATCA, cette loi américaine qui prétend imposer des obligations aux banques du monde entier. Adrian Künzi ne cache pas que sa banque suit ce dossier avec attention, notamment en raison de ses répercussions potentiellement importantes en termes de charges. Il n’en dira pas plus, dans la mesure également où la banque n’a pas encore arrêté sa ligne de conduite. Mais une chose est certaine, l’attitude de Wegelin sur ce dossier est très attendue. En août 2009, Konrad Hummler avait fait sensation, dans l’un de ses commentaires d’investissement publiés périodiquement à l’enseigne de la banque, en préconisant de se tenir prudemment à l’écart du marché américain. Un commentaire qui, avec le recul, prend une résonance quasi prophétique. En mars 2010, donc sept mois plus tard, le Congrès approuvait une loi, le HIRE Act, destinée à stimuler l’emploi, dont le financement passe précisément par une pression accrue sur les banques étrangères. Si Wegelin & Co privilégie la clientèle domiciliée en Suisse, elle n’en délaisse pas pour autant la clientèle internationale. La succursale de Genève abrite une équipe tournée vers les pays de l’Est, essentiellement la Russie et les pays de l’ex-Union soviétique. Autre région prometteuse, l’Amérique latine hispanophone. Une équipe spécialisée sur ce marché, précédemment basée à Genève, va maintenant s’installer à Lausanne. C’est dire si Wegelin contribue à renforcer le statut de ville internationale que revendique désormais la capitale vaudoise... Mohammad Farrokh
Charme discret Que Wegelin soit dirigée par de sages associés, on le sait depuis que Konrad Hummler a eu le courage d’écrire ce que presque tout le monde pense, à savoir qu’il est préférable de se tenir à l’écart du marché américain. Côté action, la stratégie de Wegelin & Co a été de s’en tenir à la Suisse pour son développement, toute la Suisse et pas seulement les trois grandes places financières. En Suisse romande, elle s’est concentrée sur Lausanne, choix salué par une croissance absolument stupéfiante. Ce positionnement se résume en un principe, l’accessibilité, qui se décline à deux niveaux. Proximité géographique d’abord, qui pourrait se traduire par de nouvelles ouvertures en Suisse romande, la prochaine peutêtre à Fribourg. Abaissement du seuil ensuite, dans un pays où les gens héritent souvent à soixante ans passés. Chez Wegelin, on ne parle pas d’un million, mais bien de 200 000 ou même 100 000 francs pour ouvrir un compte qui, un jour, sera grossi par les apports successifs, héritages, avoirs de prévoyance, etc. La clentèle onshore «helvétique» réserve enfin d’intéressante surprises. Elle est maintenant renforcée par l’installation d’étrangers au forfait fiscal. Mais de cela, chez Wegelin & Co, on préfère ne pas parler... MF
@ m.farrokh@banque-finance.ch BANQUE&FINANCE N°110 JUILLET/AOUT 2011
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Stratégies
Fondée par Georges Bovay, dont les deux fils ont pris la succession à la tête de la société et qui sont secondés par Arnaud Isoz, Bovay & Partenaires joue la carte de la proximité avec une approche des plus classiques de la gestion de fortune.
ARNAUD ISOZ
MEMBRE DE LA DIRECTION
NICOLAS BOVAY
PRÉSIDENT DU COMITÉ DE GESTION
PASCAL BOVAY DIRECTEUR
L’enseigne qui ne suit pas les modes
A
près plus de trente ans passés au sein de la Banque Cantonale Vaudoise, Georges Bovay ne pensait plus être en adéquation avec la politique commerciale de cet établissement. En 1992, il décide donc de le quitter avec un collègue, afin de fonder sa propre société de gestion de fortune. La génération suivante
ne tarde pas à suivre. «En ce qui me concerne, explique Pascal Bovay, au bénéfice d’un doctorat en chimie et fort d’une dizaine d’années effectuées dans l’industrie pharmaceutique en Suisse et à l’étranger, je voulais en quelque sorte retrouver la liberté d’entreprendre. Issus du secteur de la production, nous considérions alors les financiers comme des gens insup-
portables. Je n’en ai pas moins décidé de passer de l’autre côté, avec le défi de mettre en place une organisation novatrice. Il m’a fallu également suivre une nouvelle formation, celle d’analyste financier et de gestionnaire de fortune, mais je n’ai jamais regretté ce choix. Il y a une telle richesse dans le métier que j’exerce, tant au niveau des contacts humains, de la maîtrise
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Stratégies Le commentaire
Christophe Roulet chroniqueur
des techniques financières que des exigences liées à l’activité d’entrepreneur, que je me félicite d’avoir pris cette option.» Sa première structure ne sera toutefois pas la bonne. «Nous n’étions pas en parfait accord sur la stratégie, poursuit Pascal Bovay, car la famille Bovay voulait placer la société sous la surveillance de la CFB. Mais cet avis n’était pas partagé par tout le monde, si bien que nous avons procédé à une scission pour créer Bovay & Partenaires, en 1998. Nous avons ainsi rejoint l’ASB et avons été, en Suisse romande, les premiers à obtenir de la CFB le statut de négociant en valeur mobilière. A l’heure actuelle, nous sommes bien sûr contrôlés par la FINMA. Nous n’avions pas d’autres choix, en termes de modèle d’affaires, que de nous conformer à la loi sur les bourses et à celle sur les banques. C’est le prix à payer pour être actif sur ce marché.» Avec ce statut, Bovay & Partenaires s’apparente aux banquiers privés, à la différence que l’établissement, organisé en société anonyme, ne voit pas ses fondateurs indéfiniment responsables de ses engagements. «Le fait d’être une quasi-banque nous permet d’offrir aux clients la possibilité d’ouvrir des comptes chez nous, même si nous fonctionnons également comme tiers gérants, si les clients préfèrent garder leurs relations bancaires existantes, commente Pascal Bovay. Autre particularité de notre société, nous n’avons pas de produits internes. En termes de communication, c’est certes plus difficile, mais cela nous donne toute la souplesse voulue dans l’analyse des meilleurs produits financiers sur le marché. L’envers de la médaille, c’est que nous vendons ce
que tout le monde dit vendre, à savoir le produit le mieux adapté à la situation du client. D’où toute l’importance de l’indépendance, d’autant que si l’industrie financière a souvent de très bonnes idées, cela ne marche plus dès qu’elle les démocratise.» De l’ordre du milliard de francs Pas question donc pour Bovay & Partenaires de suivre les modes. Avec sa quinzaine de collaborateurs, l’établissement, qui gère environ un milliard de francs, préfère se concentrer sur la gestion classique que le client est en mesure de comprendre. «Nous ne touchons pas aux fonds de placement alternatifs. En outre, nous faisons peu tourner les portefeuilles, commente Pascal Bovay, et sommes orientés long terme avec une gestion très individualisée de notre base de clientèle. A n’en pas douter, c’est bien là la force des petites structures. Dans ce même ordre d’idée, notre stratégie ne consiste pas à grandir à tout prix. Ce qui n’exclut d’ailleurs pas une croissance par acquisition. Mais nous sommes très attachés à notre organisation à même d’accueillir ses clients dans des conditions optimales, sur la base de relations personnalisées. Nos gestionnaires n’ont dès lors pas d’objectifs imposés par la hiérarchie, comme c’est généralement le cas dans les grandes banques. Après plus de dix ans d’existence de la société, je constate que les discussions avec mes clients vont bien au-delà des performances de leur portefeuille.» Si la clientèle de Bovay & Partenaires était à l’origine essentiellement offshore, le développement passe actuellement aussi par les relations de proximité. «Nous n’avons pas le droit
de faire de la promotion à l’étranger et avons une seule implantation, celle de Lausanne, rapporte Pascal Bovay. Nous nous focalisons sur un environnement à notre mesure et sur des axes où nous pouvons exercer une certaine influence. Cela explique notre partenariat avec la Fédération suisse des sports équestres, discipline attelage, et notre sponsoring de la manifestation Equissima, qui se tient à Lausanne. Pour marquer les dix ans de notre société, nous avons contribué au financement du système de vidéosurveillance du Musée de l’Hermitage.» Pression accrue Les atteintes au secret bancaire représentent-elles une menace pour un établissement comme Bovay & Partenaires ? «Sur cette question, nous, les Suisses, avons été lamentables, s’insurge Pascal Bovay. Nous avons trahi nos clients étrangers sans avoir rien anticipé pour essayer d’atténuer le choc. Je suis conscient qu’il s’agit d’une pesée d’intérêts au niveau fédéral, mais j’espère tout de même que sur le long terme, il restera quelque chose du secret bancaire. Aujourd’hui, nous assistons à une intrusion phénoménale dans la vie privée des gens. D’où l’importance de garder certaines barrières entre l’individu et l’Etat. D’autant que la pression ne va pas aller en diminuant, vu l’endettement des collectivités publiques. Dans ce contexte, il est très possible que la rentabilité des établissements financiers établis en Suisse se réduise. Mais comparativement à d’autres secteurs économiques, cette évolution serait peutêtre assez saine.» Christophe Roulet
La raison contradictoire Lorsqu’il s’agit de faire sa place au sein des quelque 480 banques et négociants suisses et étrangers autorisés en Suisse par la FINMA, les questions de stratégie et de communication revêtent toute leur importance. D’autant que les mastodontes du secteur ne se privent pas pour occuper le terrain. Les petites boutiques n’ont toutefois pas dit leur dernier mot, tant s’en faut. Et pour la raison bien simple que, sous bien des aspects, le gigantisme fait peur. Tout comme la profusion de produits dérivés ayant envahi le marché, certains pour le meilleur, d’autres certainement pour le pire. Dans ce contexte, et en évitant de mettre les doigts là où le risque existe de se brûler, Bovay & Partenaires va à l’encontre de l’adage selon lequel «la fortune sourit aux audacieux». Cette approche, alliée à un souci de tous les instants de la clientèle, n’en a pas moins un public potentiellement plus nombreux qu’on voudrait bien le croire. Comment comprendre, sinon, l’existence sur le marché de ces enseignes, dont la taille représente un véritable défi à la concentration du secteur? Qui plus est, des établissements pour qui la croissance n’est pas un but en soi. Autant de contradictions susceptibles d’en faire un vrai modèle économique. CR
@ c.roulet@banque-finance.ch
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Droit & Fiscalité
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Samantha MEREGALLI DO DUC Docteur en droit, Conseil, Borel & Barbey
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Validité de la prorogation de for
La remise en question des clauses de prorogation de for par la Convention de Lugano révisée pose la question de savoir si le client d’une banque est un consommateur.
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a Convention de Lugano révisée (CL) du 30 octobre 2007, qui est entrée en vigueur en Suisse le 1er janvier 2011, est un remaniement de la Convention du 16 septembre 1988. D’une manière générale, elle contient les règles sur la compétence judiciaire, ainsi que sur la reconnaissance et l’exécution des décisions. Plus particulièrement, les articles 15 à 17 CL traitent de la compétence en matière de contrats conclus par les consommateurs. Ces dispositions prévoient, de manière impérative, que le consommateur peut agir contre sa contrepartie, à son
choix, au tribunal de son domicile ou à celui du domicile de la contrepartie. En revanche, celle-ci ne peut agir qu’au tribunal du domicile du consommateur. Il n’est pas possible de déroger à ces dispositions, notamment par des clauses stipulées antérieurement à la survenance du litige. Si un client d’une banque suisse domicilié dans un pays ayant signé la CL est ainsi considéré comme un consommateur par les tribunaux de son domicile, les clauses de prorogation de for, qui déterminent contractuellement le tribunal compétent et que nous retrouvons usuellement dans les conditions générales
des banques, n’auront aucun effet. Pour que les dispositions de la CL, en ce qui concerne le consommateur, puissent être appliquées au client d’une banque, il faut, d’une part, qu’il soit une personne physique acquérant des biens ou services pour un usage étranger à son activité professionnelle et, d’autre part, que le contrat soit conclu avec la banque ayant exercé ou dirigé, par tout moyen, son activité commerciale ou professionnelle dans ou vers l’Etat de domicile du client. La première condition délimite la notion de consommateur au client agissant dans un cadre privé, et doit être inter-
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Droit & Fiscalité
Parmi les contrats bancaires visés, nous pouvons notamment mentionner les contrats de compte courant, de crédit ou le mandat de gestion de fortune
prétée par opposition à une activité professionnelle et évaluée selon les éléments objectifs du cas concret. La deuxième condition concerne directement l’activité déployée par la banque. Soulignons, en premier lieu, que les articles 15 et suivants CL s’appliquent à tout type de contrat conclu avec un consommateur. Parmi les contrats bancaires visés, nous pouvons notamment mentionner les contrats de compte courant, de crédit ou le mandat de gestion de fortune. La problématique internet La banque exerce une activité dans le pays de domicile du consommateur, lorsqu’elle s’engage activement dans le pays en question. Même si l’on pense tout d’abord aux succursales, ces dernières ne sont pas visées par cette disposition. En effet, la CL prévoit de toute façon qu’une action judiciaire peut être intentée au lieu de leur situation (article 5 ch. 5 CL). La notion «d’exercice d’une activité» concerne, par exemple, des opérations effectuées par la succursale sans lien avec son activité, mais en rapport avec celle du siège principal ou encore, typiquement, le cas du gérant de fortune qui démarche des clients dans leur Etat de domicile. La banque peut également diriger, par tout moyen, une activité dans l’Etat de domicile du consommateur. Cette condition, qui est à interpréter de façon large, englobe notamment la publicité par des prospectus, des journaux, des transmissions télévisées, des contacts téléphoniques ou l’utilisation d’internet. Une présence physique n’est toutefois pas nécessaire. Des problèmes supplémentaires apparaissent, cependant, pour déterminer si une activité est dirigée vers un Etat lorsqu’elle est déployée
par internet. En effet, à quelles conditions peut-on considérer qu’une page internet s’adresse aux consommateurs dans leur Etat de domicile? Dans une décision récente, la Cour de Justice de l’UE a précisé qu’il ne suffit pas d’avoir un site internet pour donner lieu à l’application de la CL. C’est la volonté de diriger son activité, avant la conclusion du contrat avec le consommateur, vers l’Etat de domicile de ce dernier, qui est déterminante. Cette volonté est à évaluer en fonction d’indices. Certains d’entre eux, comme la mention expresse que les services sont offerts dans d’autres Etats, ou l’engagement de dépenses dans un service de référencement sur internet pour faciliter l’accès au site par les consommateurs des autres pays, sont à eux-mêmes suffisants. D’autres, dont la Cour mentionne notamment les suivants, doivent être combinés pour démontrer une telle volonté. Il s’agit de la nature internationale de l’activité, de la mention de coordonnées téléphoniques avec l’indication d’un préfixe international, de l’utilisation d’un nom de domaine de premier niveau autre que celui de l’Etat du commerçant ou neutre (par exemple «.com» ou «.eu»), de la description d’itinéraires à partir d’autres Etats membres vers le lieu de la prestation de service, de la mention d’une clientèle internationale composée de clients domiciliés dans différents Etats membres, ou encore de l’utilisation d’une langue ou d’une monnaie autre que la langue ou la monnaie habituellement utilisée dans l’Etat membre du commerçant. La Cour ne donne toutefois aucune indication sur la quantification ou la pondération de ces indices. Cela étant, est-ce qu’un site répondant aux critères mentionnés suffit à créer un for selon la CL? Dans le message du
Conseil fédéral et dans la Déclaration commune du Conseil et de la Commission, il est considéré que, pour ce faire, le consommateur doit pouvoir conclure sans effort le contrat depuis son Etat de domicile. Cela signifie que le contrat doit être conclu par tout moyen, sans la présence physique des cocontractants (coupon-réponse, téléphone, e-mail, etc.), c’est-à-dire à distance. A distance La Cour, dans l’arrêt susmentionné, ne s’est pas prononcée sur le fait de savoir s’il est effectivement nécessaire que le contrat soit conclu à distance, afin que les articles 15 et ss CL soient applicables. Si l’on considère que ce n’est pas le cas, le for exclusif du consommateur s’appliquera indépendamment de la façon dont le contrat est conclu, à distance ou en présence des parties, notamment dans l’Etat du siège de la banque, dès que l’on est en présence de plusieurs indices. Si l’on répond par l’affirmative, il sera dès lors nécessaire que le contrat soit conclu à distance. Bien entendu, il s’agit d’une différence fondamentale pour les banques suisses au vu des clauses de prorogation de for insérées dans leurs conditions générales. Le fait que les clients puissent être considérés comme consommateurs est un réel problème pour les banques, qui risquent ainsi d’être attrait devant toute juridiction ayant signé la CL, en dépit des clauses de prorogation de for contenues dans leur conditions générales. Cette problématique est primordiale et devra très probablement être incluse dans la réflexion plus large sur leur activité cross-border.
Champ élargi La difficulté de savoir si le client d’une banque peut être considéré comme un consommateur n’est pas nouvelle. Un arrêt du Oberlandesgericht Hamburg du 23 juin 2004 avait déjà tranché dans ce sens, en considérant que le client d’une banque suisse domicilié en Allemagne était bien un consommateur. Le tribunal avait ainsi confirmé sa compétence sur la base de la Convention de Lugano. Aujourd’hui, sa variante révisée a élargi sensiblement le champ d’application des dispositions sur les consommateurs. Elle s’applique désormais à tout type de contrat, et plus seulement aux contrats de fourniture de service ou d’objets mobiliers, lorsque la banque exerce son activité dans l’Etat de domicile du consommateur, ou qu’elle dirige son activité vers cet Etat. De plus, elle est conçue comme un instrument «ouvert», auquel pourront adhérer non seulement d’autres Etats européens non membres de l’UE, mais aussi des Etats extraeuropéens.
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Centres offshore... débusqués! La crise financière a mis en lumière le rôle décisif joué par le système bancaire «fantôme», dans la propagation du risque systémique. Laurent Leloup Fondateur de CFO News, by Finyear
@ laurent.leloup@finyear.com
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n se domiciliant dans les centres financiers off shore (CFO), plusieurs institutions du système bancaire «fantôme», une expression qui recouvre la plupart des acteurs financiers non régulés, ont profité des contournements possibles de la régulation. Le concept usuel de «paradis fiscal» étant devenu, de fait, trop limitatif pour qualifier des territoires apparentés aussi à une source d’évasion réglementaire et jurisprudentielle, ils sont désormais appelés «centres financiers offshore». Une récente étude du Centre français d’analyse stratégique (CAS) vise ainsi à cerner ce concept de «centres offshore», flou du point de vue juridique, en explorant les données qui révèlent leur rôle de production d’ingénierie financière pour le reste du monde. Elle donne un aperçu de leur degré d’imbrication dans les places financières classiques, un élément crucial durant la crise qui conduit à plusieurs préconisations de régulation financière. En croisant des données sur les transactions financières et les particularités juridiques des pays habituellement listés comme CFO, le CAS a donc ébauché une taxinomie
de ces centres en trois cercles concentriques, où figurent notamment les petites îles habituellement dénoncées, mais également les «facilitateurs» de ces échanges financiers. Le «noyau dur» est ainsi constitué des juridictions à l’imposition inexistante et où l’importance des transactions financières est étonnante au regard de leur économie. Il regroupe les îles Caïmans, le Luxembourg, les Bahamas, Jersey, Bahreïn, Guernesey, les Antilles néerlandaises, la République de Maurice, l’île de Man, les îles Marshall et la Barbade. L’exportation de services financiers par les îles Caïmans est particulièrement significative. Le Luxembourg est également présent en tant que nœud central en Europe des transactions entre fonds. En 2010, il était en effet le troisième gestionnaire mondial de fonds en total d’actifs financiers, après le Royaume-Uni et les Etats-Unis, et le deuxième marché des fonds communs de placement, en étant notamment le principal destinataire de fonds provenant du Liechtenstein et des îles Caïmans, qu’il redistribue ensuite aux principaux centres financiers. Fortement interconnectés aux grands centres financiers, les CFO jouent un rôle essentiel dans la diffu-
sion et la concentration des risques, sans être pleinement intégrés dans la régulation et la surveillance financières. La difficulté à leur imposer des règles contraignantes est probablement la contrepartie de leur intégration à des systèmes plus vastes s’étant bâtis en exploitant les brèches juridiques et les possibilités de créativité financière que ces derniers autorisent. Les seules données bancaires existantes montrent que l’exposition des principales banques internationales sur ces juridictions, au regard de leur exposition totale, est relativement stable depuis les années 1980. On n’assiste pas à une montée sensible du poids des actifs bancaires localisés dans les CFO, mais plutôt à une recomposition entre juridictions, en faveur notamment des plus emblématiques. Des «lignes de faille» L’imbrication et la dépendance fonctionnelle entre places conventionnelles et non conventionnelles constituent le fait le plus marquant de ces dernières années, structurant le marché bancaire et financier en un réseau de nœuds interconnectés.
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Normes & Régulation Sur le web www.strategie.gouv.fr
www.cfo-news.com
Quatre mesures pour contrôler les CFO Autour des artères principales se trouvent plusieurs CFO jouant le rôle de plateformes de correspondance à l’échelon international, ou régional. L’analyse du FMI, qui croise les données bancaires du marché des fonds, fait ressortir un premier groupe central (Etats-Unis, Royaume-Uni, Luxembourg) entouré des principaux marchés développés, autour duquel gravite un écosystème constitué des CFO les plus importants (îles Caïmans, Liechtenstein, Jersey, Guernesey, Bahamas, etc.), qui assurent l’intermédiation des fonds originaires du reste du monde. Ces CFO ne constituent pas pour autant le lieu du risque ultime pour leurs partenaires financiers. Ils sont entourés de clusters formés par de plus petits CFO, qui
disposent d’une spécialisation réglementaire, fiscale ou de liens géographiques particuliers, comme Vanuatu qui opère avec le marché australien ou la République de Maurice qui sert de canal aux investisseurs en Inde. D’autres alimentent des niches spécifiques, à l’instar des Bermudes qui attirent un tiers du marché mondial de la réassurance grâce à un traitement fiscal favorable, des îles Caïmans qui forment le premier marché des hedge funds, ou encore des îles Vierges britanniques qui accueillent plus de 800 000 entreprises internationales (les IBC). Tous les CFO représentent toutefois des «lignes de faille» de la supervision macroprudentielle, qui s’avère nécessaire à la stabilité du système financier. Afin d’éroder leur attracti-
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vité, une solution pour le régulateur consiste à renchérir le coût d’exposition des institutions bancaires conventionnelles à ces circuits «dérogatoires». Il s’agit concrètement d’organiser leur surveillance fiscale, juridique et prudentielle, de même que relative aux innovations financières s’y développant. Le contrôle des transactions des institutions régulées avec celles l’étant moins impose également de pouvoir mesurer leur degré d’exposition, selon la résidence des contreparties. Cette mesure permet de s’assurer que celles-ci disposent d’une couverture suffisante au regard des prises de position considérées risquées.
• Élaborer une notation multicritères (fiscalité, ratios prudentiels, poids du système fantôme, etc.) des CFO, afin d’améliorer la transparence de leur régulation fiscale et prudentielle • Imposer aux institutions bancaires onshore de révéler la localisation effective de leur exposition ultime aux risques offshore • Instaurer au sein de la BRI ou du FMI une division chargée du risque systémique, de la régulation et de l’innovation financière, y compris de celle qui se crée offshore • Contraindre les institutions bancaires à disposer d’un capital de réserve adéquat au regard de leur contribution au risque systémique, prenant en considération leurs réseaux d’interdépendances
Simon Chaput AD-Galerie
Route de la Gare 1 - CH-1272 Genolier (Vaud) Tél. +41(0)22 366 47 40 www.ad-galerie.com – ad-galerie@bluewin.ch Ouverture lundi et du mercredi au samedi de 11 à 18h, les autres jours sur rendez-vous – Tél. +41(0)79 519 26 89
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Diriger
Sur le web www.bpw.ch
www.cwf.ch www.financielles.org
Michel Ferrary Professeur en gestion des ressources humaines à HEC Genève et chercheur associé à la Skema Business School (SophiaAntipolis), où il a fondé l’Observatoire de la diversité
Le succès par les femmes La féminisation, clé du succès ? Selon une étude en cours, les banques employant le plus de femmes sont les plus rentables. Car la diversité permettrait de réduire les coûts.
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@ d.thenot@banque-finance.ch PAR Dorothée Thénot Journaliste
our améliorer la rentabilité d’un établissement, il existerait une solution quasi scientifique: embaucher des femmes! Une étude menée à la faculté HEC de l’Université de Genève, sur la période 2007-2009, a mis en évidence une forte corrélation entre les performances des banques et le nombre de leurs collaboratrices. 62 banques dans quinze pays ont été passées au crible. «Nous constatons un lien entre leur taux de féminisation et leur rentabilité, l’évolution du chiffre d’affaires et du cours de l’action, ainsi que le bêta, explique Michel Ferrary. Sur cette période, plus les femmes étaient nombreuses dans une banque, mieux elle a traversé la crise.» Les banques suisses se classent parmi les moins féminisées, avec seulement 40,2% de femmes dans leurs effectifs. Ce sont les quatre banques canadiennes étudiées qui sont en tête, avec un taux de féminisation de 68%. «Nous avons calculé la rentabilité en divisant le résultat net d’exploitation
par le produit net bancaire, précise Michel Ferrary. Or, ces quatre banques canadiennes se sont avérées les plus rentables.» La présence de femmes favoriserait par ailleurs leur accès aux responsabilités. Pour le taux de femmes cadres, seules 45 banques ont fourni des données. Lorsque la moyenne s’établit à 36% de femmes managers, la Suisse se distingue avec ses 26%. Pondérer le risque Et pourtant, choisir des collaboratrices présente de nombreux avantages pour améliorer les performances d’une banque. Recruter dans la diversité permet d’élargir le vivier de compétences et la probabilité de choisir les meilleures. En outre, la moitié des consommateurs étant… des consommatrices, une banque féminisée répondra mieux aux besoins de ses clientes. Autre argument, et non des moindres au vu de la période étudiée, les femmes n’ont pas la même
perception du risque. D’où l’avantage de la diversité dans le processus de décision. «Les hommes sont tous formatés de la même manière. Une forte présence féminine peut amener à pondérer la prise de risque de l’établissement. Encore une explication à la meilleure résistance des banques féminisées, pendant la crise.» Mais foin de préoccupation sociale! La diversité est aussi un facteur… d’économie. Les salaires féminins sont (toujours) inférieurs de 10 à 15% aux salaires masculins. Pourtant, 60% des coûts opérationnels sont consacrés à la masse salariale. «Dans notre échantillon, les banques les plus rentables sont les plus féminisées, et celles où le salaire moyen est le plus bas.» CQFD. L’étude pilotée par Michel Ferrary se poursuit en 2011. L’objectif est de collecter les données auprès d’une centaine de banques dans le monde. Le lien entre performances et mixité semble valable dans tous les secteurs économiques. L’étude Mc Kinsey «Women Matter» d’octobre 2010 a montré, après l’analyse de 300 entreprises dans monde, que celles qui ont le plus de femmes dans leur comité de direction, sont aussi les plus performantes financièrement...
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Prévoir
Assurer sa planification patrimoniale Philippe DOFFEY Directeur marketing et conseil, Retraites Populaires
@ p.doffey@retraitespopulaires.ch Etude de cas Monsieur X, 55 ans, marié, deux enfants aux études, veut investir 100 000 francs en toute sécurité. Il conclut une assurance-vie-décès sur dix ans, financée par une prime unique. 97 561 francs constituent l’assurance et 2439 francs acquittent le droit de timbre. Le contrat prévoit 111 686 francs payables de suite en cas de décès, au plus tard dix ans après en cas de vie. En outre, une participation aux excédents (non garantie) estimée à 13 420 francs lui serait versée en cas de vie. Les avantages de cette formule? La sécurité de l’investissement, son exonération d’impôt sur le revenu (seulement l’impôt sur la fortune) et son rendement potentiel de 2,27%.
Toucher un capital à un moment déterminé ou percevoir une rente sur-le-champ, il s’agit de deux cas illustrant bien les possibilités de l’assurance-vie.
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onsieur X dispose d’un montant qu’il désire faire fructifier sans risque. En matière d’assurance, il vise donc un investissement en prime unique. Dans le cadre de la prévoyance individuelle libre (le «3e pilier B»), il peut placer cet avoir pendant un certain temps, afin de toucher un capital ou une rente à un âge déterminé (rente différée). Il peut aussi l’investir pour percevoir immédiatement un revenu régulier. En l’engageant sous forme de capital, il a une couverture décès supérieure à sa mise (utile pour ses proches). Les placements sous forme d’assurancevie bénéficient d’avantages fiscaux, en général. Lors de l’investissement d’une prime unique pour constituer une assurance de capital vie-décès (dite «mixte»), le preneur est exempté d’impôt sur le revenu, s’il remplit les conditions de la Loi sur l’impôt fédéral direct. A savoir qu’il doit être âgé d’au moins 60 ans lorsque le contrat arrive à terme, que le contrat doit avoir duré au moins cinq ans, que le contrat doit avoir été conclu avant que le preneur atteigne 66 ans et, enfin, que le preneur soit la personne assurée. En revanche, la valeur de rachat est imposée sur la fortune pendant la durée du contrat. Monsieur X a investi dans une rente viagère immédiate. Que reste-t-il pour ses proches au moment de son
décès? La première variante proposée par l’assureur est de ne rien restituer à la famille, car avec une telle prestation, la rente servie du vivant de l’assuré est la plus haute. La deuxième variante est de restituer aux proches la différence entre l’investissement réalisé et les rentes déjà versées, car plus la personne assurée vit longtemps, plus faible sera la somme touchée par les proches à son décès. Lorsque l’assuré a une longue vie, cette somme peut même être nulle. Une troisième variante existe: la totalité de l’investissement est remboursée à ses proches (en Suisse, une seule institution vaudoise propose cette option). Dans ce cas, la rente versée à l’assuré de son vivant est plus faible (elle correspond à peu près au rendement de l’investissement). Et les impôts? Que se passe-t-il fiscalement, lorsqu’il touche sa rente? Si le contrat est conclu sous forme de prévoyance
individuelle libre, les 40% de la rente sont imposables comme revenu, avec les autres (revenus). La valeur de rachat de la rente est imposée comme fortune. Que se passe-t-il fiscalement, lorsqu’il décède? S’il est en prévoyance individuelle libre, les 40% de la prestation restituée sont soumis à l’impôt sur le revenu aux niveaux fédéral, cantonal et communal. La taxation est faite séparément des autres revenus, avec des taux plus bas que ceux de l’impôt classique sur le revenu. Les 60% restant sont soumis à l’imposition successorale. En terre vaudoise, l’impôt est progressif. En effet, les barèmes dépendent du montant de l’héritage et du degré de parenté. De plus, chaque commune peut à son tour imposer les successions. Néanmoins, le conjoint en est totalement exempté. A l’opposé de l’échelle, si le bénéficiaire de la prestation est le concubin (considéré sans lien familial avec le défunt), il peut être amené à payer un impôt égal à la moitié de la somme héritée.
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www.retraitespopulaires.ch/capital www.retraitespopulaires.ch/prime-unique
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Recruter
Sur le web www.interiman-groupe.ch
Les profils opérationnels ont la cote La reprise et l’adoption d’une régulation stricte poussent les établissements bancaires à étoffer leur staff opérationnel. D’où une pénurie de spécialistes. FRÉDÉRIC HAFNER Responsable de l’unité «Banque & Finance», Interiman
@ frederic.hafner@interiman.ch
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Banque & Finance: Frédéric Hafner, vous êtes responsable de l’unité Interiman «Banque & Finance» à Genève. Quel regard portez-vous sur l’évolution du marché? Frédéric Hafner: Depuis le début de l’année, la reprise s’est confirmée dans les secteurs bancaire et financier. La demande concerne principalement les opérations, à commencer par l’assistanat de gestion, la compliance et les fichiers centraux. Cette tendance coïncide avec l’adoption d’une régulation de plus en plus stricte, les établissements bancaires cherchant à optimiser la gestion des risques. D’où la difficulté de trouver les bons candidats. B&F: Y a-t-il d’autres explications à cette pénurie de profils opérationnels? FH: Beaucoup de candidats titulaires d’un master sont engagés aux opérations. Ils fourbissent leurs armes au back et au middle offices, mais terminent souvent au front office, une fois qu’ils ont assimilé les spécificités de leur établissement. Il y a donc une rotation importante.
patrick.claudet@gmail.com
PAR Patrick CLAUDET Journaliste
B&F: La chasse à la perle rare passe-t-elle par un recrutement
hors des frontières suisses, comme c’est le cas dans des secteurs comme la technique et le bâtiment? FH: Les banques privilégient actuellement les candidats domiciliés à Genève, où l’on trouve un réservoir important de professionnels chevronnés. Notre agence travaille avec un vivier de spécialistes que nous avons rencontrés et évalués personnellement, ce qui facilite le placement auprès de nos clients. C’est l’avantage par rapport à une base de données à laquelle auraient accès tous les conseillers d’une agence, mais qui ne contiendrait que des informations génériques sur les candidats. L’entretien individuel est le seul moyen de cerner leurs compétences et leurs attentes. B&F: Quid des gestionnaires? FH: Les opérateurs sont toujours à la recherche de ce type de profils. Nous n’en avons toutefois pas fait notre spécialité. En tant qu’agence de placement, nous pouvons valider les connaissances techniques de nos candidats, mais en aucun cas évaluer la valeur de leur portefeuille.
la banque et de la finance? FH: Nos conseillers se doivent d’avoir un haut niveau de compétences techniques. Ces deux secteurs comptent un nombre important de spécialités. Une connaissance intime du système est impérative pour évaluer les candidats et comprendre les attentes de nos clients. C’est le cas des deux nouveaux conseillers de notre agence des Acacias. Le premier s’est chargé de la mise en place de structures opérationnelles au sein de RAM Capital, alors que le second a été actif dans les opérations et le front office dans des banques comme Merrill Lynch et Julius Bär. B&F: La connaissance des métiers n’est-elle pas le b.a.-ba? FH: En théorie, oui. Dans la pratique, toutefois, ce n’est pas toujours le cas. La politique de spécialisation de notre groupe nous permet de nous appuyer sur les compétences de véritables spécialistes métiers. D’autre part, nous privilégions les structures à taille humaine. Il y a quelques mois, au lieu d’agrandir notre agence historique de la rive gauche, nous avons choisi d’en inaugurer une seconde à Cornavin, spécialisée dans le tertiaire. La cohésion et l’esprit de groupe sont plus forts dans les petites unités, d’où un service personnalisé et de proximité. Propos recueillis par Patrick Claudet
B&F: En termes de recrutement, quelles sont les particularités de
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Se perfectionner
Le trust officer optimise le patrimoine ME julien Dif Avocat au barreau de Genève et de Luxembourg, et président de l’association STEP Suisse Romande (Society of Trust and Estate Practitioners)
Cécile Civiale Administratrice de Bedell Trust Suisse SA
Le trust officer structure un portefeuille d’actifs de tous types et le fait fructifier. Sa proximité avec ses clients constitue une nécessité.
U
n trust officer travaille pour une société agissant comme trustee, à savoir qu’il gère les avoirs d’un client, après un transfert de propriété. Le trust officer s’occupe alors de la gestion du trust pour le compte d’un bénéficiaire, auquel sont versés revenus ou capitaux, selon la composition du trust. Les avoirs qu’il concentre sont de natures très diverses, soit fortune personnelle, portefeuille de titres, biens immobiliers, mais aussi collections d’œuvres d’art ou yachts, par exemple. «La composition des trusts tend à se complexifier et leur nombre augmente, explique Me Julien Dif, avocat au barreau de Genève et de Luxembourg, et président de l’association STEP Suisse Romande (Society of Trust and Estate Practitioners), qui compte près de 700 membres, alors qu’il s’agit d’une association professionnelle mondiale. Le trust officer doit savoir appréhender tous types d’actifs et s’adapter à des réglementations en constante évolution. C’est un généraliste, qui fait ensuite appel à un réseau de spécialistes, tels des fiscalistes, comptables, avocats, gérants de fortune, etc.» L’intimité du client
@ d.thenot@banque-finance.ch PAR Dorothée Thénot Journaliste
«C’est un métier très prenant et très varié, confie Cécile Civiale, administratrice de Bedell Trust Suisse SA. Le trust officer est responsable de la bonne tenue du dossier de son client.
Il prépare les communications entre les intermédiaires financiers, suit les demandes et factures du client, lui ouvre ses comptes bancaires, rassemble les documents nécessaires pour les trustee meetings et prépare les procès-verbaux. Face à des clients très exigeants, un trust officer ne peut pas avoir en charge un trop grand nombre de trusts. Il faut pouvoir consacrer du temps à chaque dossier.» Qu’il soit question de gestion des affaires ou de planification successorale, le trust officer est en effet amené à entrer dans l’intimité de son client, car la loi l’oblige à connaître l’origine des fonds composant le trust. La situation familiale du client, sa vie personnelle et ses activités professionnelles sont autant d’éléments que doit cerner le trust officer, pour gérer au mieux ses dossiers. Le trust est un outil de structuration permettant d’optimiser la situation fiscale d’un patrimoine. En Suisse, la Convention de La Haye sur les trusts est entrée en vigueur en juillet 2007, ce qui a renforcé la sécurité juridique entourant l’usage des trusts. «La profession est en pleine expansion», confirme Julien Dif.. «Nous sommes dans un secteur où il est difficile de recruter des collaborateurs qualifiés, ajoute Cécile Civiale. La formation doit être continue.» Propos recueillis par Dorothée Thénot Sur le web www.step.org www.step-swissromand.ch www.sactm.ch
Formation Pour utiliser l’appellation TEP (Trust and Estate Practitionner), l’association STEP a mis en place des certifications (STEP qualifications), sanctionnées par un diplôme. «Notre objectif est d’assurer un standard minimum de compétences et de connaissances, précise Julien Dif, afin de transmettre un savoir-faire partagé par tous. Les employeurs exigent de leurs collaborateurs la qualification STEP. Dans le cas contraire, lors du recrutement, ils demandent aux candidats de suivre cette formation.» STEP Suisse-Romande et la Fondation Genève Place Financière ont créé en 2007 la formation SACTM (Swiss Advanced Certificate in Trust Management), destinée à former les professionnels actifs sur le marché helvétique à la réglementation et au contexte locaux. Les sessions (cinq modules) durent six mois, avec un effectif maximum de vingt-cinq participants. Elles sont basées essentiellement sur des cas pratiques. Cette formation s’adresse à des professionnels ayant déjà des connaissances dans la gestion des trusts.
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Se perfectionner
En finir avec la pensée unique Rajna Gibson Professeur de finance à l’Université de Genève et directrice du Geneva Finance Research Institute
@ rajna.gibson@unige.ch
@
d.thenot@banque-finance.ch
PAR Dorothée Thénot Journaliste
Avec ses collègues, Rajna Gibson a signé l’Appel des enseignants et chercheurs, rendu public le 6 avril. Elle réclame le décloisonnement de la recherche et le retour à une dimension éthique, dans la finance.
Banque & Finance: Pourquoi avez-vous signé cet Appel qui vise à «renouveler la recherche et l’enseignement en finance, économie et gestion pour mieux servir le bien commun»? Rajna Gibson: La crise financière et les scandales des années 2000 m’ont amenée à la conclusion qu’il faut une réflexion critique sur la valeur ajoutée de la recherche en finance. Que peut-on apporter pour le bien commun? Nous nous sommes trop focalisés sur les bienfaits de l’innovation financière. Elle doit certes être soutenue, mais la crise en a montré les limites, lorsqu’elle est mal utilisée, et les conséquences possibles sur l’économie réelle. B&F: Quels changements doivent connaître la recherche et le monde académique, et avec quelles priorités? RG: Il faut encourager la recherche et l’enseignement multidisciplinaires. La finance est à la croisée des chemins entre les sciences exactes telles les mathématiques, et les sciences sociales comme l’économie, la comptabilité, mais aussi la psychologie qui entre en compte dans la prise de décision. Et puis, je pense qu’il faut intro-
duire des fondements éthiques dans la recherche et dans ses applications à la finance. B&F: L’Appel dénonce le monopole exercé par quelques universités et la prédominance d’une pensée unique économique. Vous partagez ce constat? RG: Les signataires du texte appellent à une plus large ouverture d’esprit dans la recherche universitaire. L’environnement, où les agents opèrent, et leur comportement peuvent influencer les décisions. Il faut défier le paradigme dominant et explorer d’autres pistes pour réintroduire une dimension humaine, éthique et psychologique dans la finance. Nous sommes plusieurs collègues signataires à déplorer la vision anglosaxonne dominante de la recherche en finance. Les points de vue divergents peinent à être publiés dans les revues. B&F: Comment se traduit concrètement ce manque de pluralisme? RG: Des sujets ne sont pas abordés dans les revues financières classiques. Par exemple, il est très difficile de publier des articles sur la finance environnementale. Il faut aller dans les
revues économiques pour exprimer certains points de vue, même si dans la pratique, c’est un thème accepté. Il en est de même pour la microfinance. Ces thèmes sont jugés peu intéressants par les élites académiques, qui occupent le terrain de la recherche. Manque de réflexion B&F: Que faites-vous concrètement et qu’avez-vous changé dans votre pratique? RG: Chacun doit faire des efforts dans son enseignement. Depuis la crise financière, j’essaie d’être critique et nuancée. Je tente d’aborder des thèmes d’actualité, de montrer les dérives potentielles de la finance. Il faut intégrer de l’esprit critique et de l’ouverture d’esprit dans nos enseignements respectifs et nos recherches. Et il est important, à mes yeux, de décloisonner les enseignements. La finance fait partie d’un enchaînement de disciplines avec l’économie, la comptabilité, les statistiques, les sciences politiques, etc. B&F: Qu’attendez-vous à la suite de cet appel? RG: Nous posons la question de savoir comment éviter les dérives rencon-
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Se perfectionner
de conscience collective. Des articles récents s’interrogent sur les causes et origines de la crise, sur la nécessité de réglementer la finance et de revoir la gouvernance d’entreprise. Cet appel a eu beaucoup d’écho. Signé par près de 200 personnes, il a été traduit en anglais, en allemand, en espagnol et en italien. Les choses doivent bouger. La discipline a suscité certaines déceptions. Elle s’est focalisée sur un courant très quantitatif,
trées pendant la crise et l’après-crise. Si nous formons des professionnels plus sensibles à l’éthique, l’humain, l’environnement, peut-être serontils des leaders sensibilisés quand ils seront en poste, capables de distance et d’esprit critique. B&F: Rien n’a donc changé depuis la crise? RG: Nous aimerions donner une impulsion. Il existe un début de prise
mais nous n’avons pas assez réfléchi aux dérives possibles et aux effets de l’innovation financière sur l’économie réelle, par exemple. Est-elle forcément porteuse de progrès? Faut-il l’encadrer? Quelles sont les limites de notre système? La beauté des modèles nous a aveuglés, par leur rigueur et leur prétendue précision. Au point de nous faire oublier que la finance n’est pas une science exacte. Propos recueillis par Dorothée Thénot
Sur le web www.responsiblefinance.ch/appel/
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Communiquer Sur le web http://hbr.org/2011/01/the-big-idea-creating-shared-value/ar/1
www.unepfi.org/ www.goodplanet.org/
La responsabilité sociétale des banques Longtemps considéré comme moins concerné par le développement durable que certaines industries, le secteur bancaire est aujourd’hui exposé en première ligne.
A
lors que le réchauffement climatique devient une source de préoccupation majeure et que l’accident de Fukushima est présent dans tous les esprits, le risque sociétal et environnemental des entreprises devient graduellement un sujet grand public. Et dans le contexte d’une régulation accrue de l’économie mondiale, les entreprises sont de plus en plus pressées de se comporter en entreprises citoyennes et responsables. Dans les faits, un rapport de KMPG datant de 2008 indiquait que 80% des entreprises figurant sur la liste Global Fortune 250 publiaient des données relatives à l’environnement, l’impact social et la gouvernance (ESG). Il ne s’agit plus d’une exception, mais d’une norme y compris pour les deux grandes banques suisses. Pour les banques, cette demande s’est traduite, dans un premier temps, par une exposition plus particulière sur les questions de surendettement, de blanchiment et sur la qualité de l’information qu’elles dispensent à leurs clients, car elles ne génèrent en soi pas d’importantes conséquences négatives sur l’environnement. En revanche, les émissions de CO2 générées de manière indirecte sont immenses. Notamment par les financements et les investissements des banques en faveur de certains secteurs, de certaines catégories de clients, mais également via
leur métier de conseil financier. Elles sont considérées partiellement responsables de ces émissions, puisqu’elles les rendent possibles en les finançant, le client partageant l’autre part de la responsabilité. L’exemple de Bill Gates, qui investit dans les compagnies pétrolières, est souvent cité à cet égard. Un axe de développement stratégique? Les banques ont donc un rôle significatif à jouer pour faire face aux nombreux enjeux sociaux et environnementaux. Certaines l’ont d’ailleurs très bien compris, et c’est même devenu un axe stratégique de développement, à l’exemple du Groupe Crédit Agricole. Au fil des années, la banque française d’origine rurale a adhéré à diverses chartes et principes internationaux, afin de structurer la gestion de ses ressources et optimiser ses actions. Avec son nouveau positionnement Greenbanking, son offre se décline selon les quatre axes principaux produits responsables, Lutte contre le changement climatique, Soutien au monde agricole et Accompagnement des salariés. En ligne avec leurs valeurs, les banques privées suisses ont également développé des initiatives dans ce domaine, même si elles restent souvent discrètes sur ce sujet. Depuis son origine, la famille Rothschild s’est, par exemple, impliquée dans diffé-
rents projets environnementaux dans le monde, et elle demeure une pionnière de la finance environnementale. De même, l’engagement de Lombard Odier dans la communauté se traduit par diverses actions à l’échelle locale et internationale, notamment par le biais de la Fondation 1796. Elle soutient, par exemple, l’élaboration de mécanismes de marché pour la préservation des forêts avec le WWF International, et collabore avec GoodPlanet de Yann Arthus-Bertrand. La plupart des banques privées, à l’instar de Pictet ou Sarasin, entre autres, considèrent également qu’il est de leur responsabilité de participer à la recherche de solutions aux problèmes environnementaux et sociaux, notamment en favorisant l’investissement socialement responsable. Communiquer autour de la RSE permet aux banques d’entretenir une bonne réputation, de nourrir une image responsable plus écocitoyenne, et de s’impliquer concrètement dans les grands enjeux sociaux et environnementaux. Une démarche qui peut consolider le climat de confiance avec une clientèle de plus en plus sensible à ces sujets. Si la responsabilité sociale d’entreprise constitue, par conséquent, une opportunité de réappropriation ou de réaffirmation de l’identité des banques, il ne faut cependant pas oublier que les ONG mettent souvent l’accent sur le décalage entre la réalité et les faits. Un point sur lequel elles devront veiller, afin que ces actions reflètent de véritables convictions d’entreprise et un positionnement durable.
Par l’exemple La Compagnie Benjamin de Rothschild propose des services de conseil et de structuration stratégiques de fonds d’investissement verts, intégrant systématiquement les principes de l’Economie Positive™. Cette approche crée de nouvelles opportunités de croissance, tout en restaurant l’environnement et le climat. Avec sa filiale BeCitizen, CBR conseille l’un des plus grands fonds d’actions environnementaux, actif dans la remise en état de sites pollués, l’agroforesterie ou le capital de croissance dans le domaine des technologies propres.
Christophe Lamps Senior Partner, Dynamics Group
@ cla@dynamicsgroup.ch
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Banque & Internet
Sur le web www.b3b.ch www.twitter.com/b3b
Prédire les marchés grâce à Twitter Créer son compte La création d’un compte Twitter est gratuite. Sitôt connecté, vous pourrez créer votre mur d’informations d’un seul clic depuis les pages intéressantes. Compte tenu du nombre de caractères fixés, Twitter impose quelques règles de diffusion comme, par exemple, la mention @destinataire permettant d’envoyer un message dans la boite de réception de ce destinataire, ou encore le signe # pour inclure une étiquette (tag) comme, notamment, #finance pour un Tweet se rapportant à la finance.
Détenir la bonne information au bon moment est primordial pour un investisseur. Dans cette quête, Twitter s’avère être très efficace pour analyser et prédire les marchés.
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l y a cinq ans, apparaissait un nouveau réseau social nommé Twitter. Sa principale particularité vise à permettre d’envoyer uniquement des messages de texte, appelé «gazouillis» ou «Tweets» ayant, au plus, 140 caractères, espaces compris. Mais attention, derrière cette apparente limitation se cache un outil de communication surpuissant permettant d’échanger des informations. Publier un message nécessite ainsi de l’émetteur qu’il synthétise son information, afin d’en faire ressortir toute sa quintessence dans ce cadre fixé. Quant au lecteur, il dispose d’une suite de messages concis facilitant son analyse. La sagesse des foules au service du trading
Marc BARBEZAT Créateur et éditeur de b3b
@ marc@b3b.ch
Twitter offre également à chacun la possibilité de republier un Tweet jugé intéressant, ou autrement dit, de le «retweeter». Idiot, pensez-vous? Pas si sûr. Si vous reprenez les analyses socio-économiques développées dans «La sagesse des foules» (The Wisdom of crowds, James Surowiecki, 2004), vous apprendrez alors que les décisions de groupes sont souvent meilleures que celles d’individus isolés. Intéressant dans le domaine de la finance et des marchés prédictifs, non? Tellement attrayant que certains hedge funds, grandes banques et
traders ont dorénavant intégré cette dimension directement au sein de leurs modèles d’analyse. Dans le trading, l’émotion fait partie des variables que l’analyste se doit de prendre en considération. Dans cette optique, Twitter peut être considéré comme un énorme thermomètre permettant une mesure du niveau d’émotion collective, en temps réel. Sur la base de ce raisonnement, l’Université de l’Indiana aux Etats-Unis a publié, en automne 2010, les résultats d’une recherche démontrant une corrélation entre l’humeur collective de millions de personnes mesurée par leursTweets, et la direction de la moyenne industrielle du Dow Jones. En déterminant l’humeur des Tweets (positif vs négatif ou calme vs anxieux), l’étude a permis de prédire à plus de 86% la direction du Dow Jones trois ou quatre jours plus tard. Créer son service de renseignement personnel Au travers de recherches ciblées, il est possible de s’inscrire d’un seul clic aux nouvelles «tweetées» par d’autres et d’obtenir, comme pour Facebook, un mur personnel d’actualités en temps réel. Parmi les quelque 200 millions de comptes Twitter existant aujourd’hui, se trouvent entre autres des organismes officiels, des influenceurs, des passionnés et des anonymes comme,
par exemple, Reuters, NYSE Euronext ou même Sohaib Athar, un informaticien qui s’est plaint le premier du bruit d’hélicoptères une certaine nuit de mai à Abbottabad, au Pakistan. L’avenir des Tweets Twitter a connu, au premier trimestre 2011, une progression de 40% du nombre de messages, la plus forte de son existence, pour dépasser 150 millions de Tweets par jour. Grâce à la puissance de son information, Twitter se confirme donc comme un acteur incontournable sur Internet, qui va certainement révolutionner le monde de la finance... comme il l’a fait pour le monde arabe.
Retrouvez également sur notre site internet, www.banque-finance.ch le flux d'informations en continu fourni par notre partenaire www.b3b.ch
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Savoir
Mieux réguler la microfinance CONCETTA CASILI Junior Relationship Manager, Crédit Suisse Private Banking
Concetta Casili a consacré son travail de diplôme de l’Institut supérieur de formation bancaire (ISFB) à la microfinance, parfois décriée, souvent saluée. Sa commercialisation, au cours des dernières années, lui a permis d’évoluer d’un financement dépendant des dons à son inclusion dans le secteur financier formel.
@ concetta.casili@credit-suisse.com
Banque et Finance: Dans votre étude, pour quelles raisons arrivez-vous à la conclusion que les femmes sont la clé du succès de la microfinance? Concetta Casili: La microfinance passe par les femmes. Elles sont plus fiables pour le remboursement et font bénéficier toute la famille de l’emprunt contracté. De nombreuses études ont montré que les hommes ont tendance à dépenser l’argent pour des biens de consommation, alors que les femmes investissent dans la nourriture, les médicaments et la formation des enfants. Si l’on veut permettre à une famille de sortir de la pauvreté, il est donc préférable que la femme gère l’argent. B&F: La créativité, ces dernières années, semble avoir beaucoup apporté à cette activité. De quelle manière? CC: A sa création, les fonds investis
Promise à un bel avenir B&F: Quel est l’avenir de la microfinance? CC: La microfinance n’a pas été épargnée par la crise financière et a subi un ralentissement. Pendant cette phase de consolidation, les IMF ont été plus restrictives dans leur politique d’octroi de crédit, et cela leur a permis d’améliorer la qualité de leurs portefeuilles.
Après une phase de démarrage et une croissance faramineuse, la microfinance devrait passer par un développement durable, et réaliser des taux de croissance normaux. Ce secteur n’a de loin pas encore atteint son apogée. Selon les experts, seuls 20% des clients de la microfinance ont été atteints, à ce jour. Le potentiel est donc immense et le défi consiste à inclure le plus grand nombre possible de
dans la microfinance provenaient majoritairement de donateurs, d’organisations humanitaires, d’agences de développement et d’organisations à but non lucratif. Au cours des dernières décennies, nous avons constaté l’arrivée d’investisseurs privés, qui souhaitent réaliser simultanément un double rendement social et financier. L’accès au marché des capitaux à travers des produits tels que les obligations, les fonds de placement ou les produits structurés, a permis de lever des montants importants pour la microfinance, favorisant son expansion et permettant d’atteindre ainsi un plus grand nombre de personnes. B&F: Genève joue un rôle de premier plan dans la microfinance. Quelles sont les autres places financières fortement actives dans ce domaine? CC: Tout comme les principales places financières de la planète, Genève est personnes, sans provoquer de cas de surendettement. Pour ce faire, il faut davantage protéger les clients, en régulant cette activité. En outre, l’industrie de la microfinance et ses microcrédits donne de plus en plus d’importance au développement d’autres services comme la microépargne et la microassurance. Clairement, ce secteur a encore de beaux jours devant lui. FB
un lieu très important pour la microfinance. Les entreprises qui y sont basées représentaient, à fin 2007, 70% de la totalité des fonds investis dans ce domaine, sur le plan helvétique. Durant la même période, la Suisse gérait 25% des investissements privés en microfinance, au niveau mondial. Les autres places importantes sont celles où vivent les microentrepreneurs, clients de la microfinance. La microfinance est répandue en Amérique latine, en Asie, en Afrique et en Europe de l’Est. Le Bangladesh a aussi une forte activité dans la microfinance, car il s’agit du pays dans lequel le prix Nobel de la Paix, Muhammad Yunus, a fondé la fameuse Grameen Bank (il vient d’être destitué de ses fonctions..., NDLR). B&F: Beaucoup de détracteurs remettent en cause le microcrédit, affirmant que les taux d’intérêt sont trop élevés. Quelle est votre opinion? CC: Il est vrai que les intérêts demandés aux emprunteurs sont élevés, mais il s’agit de très petites sommes prêtées en blanc. Les charges par crédit pour l’institution de microfinance, l’IMF, ne sont pas proportionnelles à la taille du crédit. De ce fait, les frais fixes pour la mise en place restent les mêmes, quel que soit le montant du prêt. L’examen de crédit nécessite beaucoup de temps. Néanmoins, il est important que chaque demande
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Savoir soit analysée de manière rigoureuse, afin de ne pas causer une situation de surendettement. Le suivi est également complexe, car les intérêts sont encaissés hebdomadairement. De plus, les spécialistes du crédit rendent visite aux microentrepreneurs pour voir comment leur commerce prospère. Il semble donc normal que les taux d’intérêt soient élevés. Toute pratique contraire mettrait en danger la viabilité de l’IMF. En effet, si ses charges sont plus élevées que ses revenus, elle ne peut pas rester autosuffisante financièrement. La seule alternative offerte aux personnes concernées reste d’emprunter de l’argent à un usurier, qui leur chargera des taux encore plus élevés...
B&F: Le microcrédit est-il véritablement un outil permettant de venir en aide aux pays les plus défavorisés? CC: Certes, un microcrédit n’aide pas tout le monde. Il faut qu’une famille pauvre puisse d’abord bénéficier de services de base tels que l’infrastructure, la santé et l’éducation, afin qu’elle puisse utiliser un microcrédit de manière efficace, et ainsi sortir de la pauvreté. Dans un premier temps, il faut donc passer par des dons pour poser les fondements. Dans un deuxième temps, il faut avoir recours aux microcrédits et donner ainsi une chance aux emprunteurs d’améliorer leurs conditions de vie. Les prochaines générations seront certainement plus
avantagées que la génération actuelle, qui compte bon nombre d’analphabètes. Les enfants des microentrepreneurs actuels seront également mieux formés. Il leur sera donc plus facile d’utiliser l’argent de manière efficace. Cet outil relativement récent est un bon moyen pour réduire la pauvreté. Toutefois, il faut être conscient que la microfinance n’est pas la solution miracle, car elle a ses limites. Elle ne fonctionne pas dans tous les cas et parfois, au lieu de réduire la pauvreté, elle aggrave sa situation. Les IMF doivent donc être régulées strictement en mettant en place des directives et des contrôles au niveau mondial, afin qu’elles ne nuisent pas à leurs clients. Propos recueillis par Fabio Bonavita
Ce travail de diplôme a été réalisé dans le cadre de l’Institut Supérieur de Formation Bancaire (ISFB), à Genève (www.isfb.ch) Information: Sandrine Lamielle, 022 827 30 00, sl@isfb.ch
Pour obtenir l’étude Veuillez vous adresser à Concetta Casili, Crédit Suisse, au 022/391.24.31 ou par email concetta.casili@credit-suisse.com
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l existe de nombreuses sociétés affirmant soutenir les sociétés et les institutions. Elles proposent conseils et planification pour permettre le lancement, ou l’accompagnement, dans la durée. Mais souvent, il faut faire appel à plusieurs d’entre elles, afin d’obtenir un suivi global. Il existe pourtant une société active dans la planification, la gestion de patrimoine et l’immobilier, regroupant l’ensemble des attentes. Elle se nomme Willow Services et tente de se démarquer de la concurrence, en axant sa démarche sur un catalogue de prestations des plus complètes. «Notre philosophie pour la clientèle institutionnelle est la même que pour les particuliers, précise Arev Salamolard-Yildiz, avocate et fondatrice de la société Willow Services. Le
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Analyse globale
but est de conseiller l’entreprise, ou l’institution, de A à Z. Nous pouvons conseiller aussi bien des entreprises existantes que des sociétés en création. Nous prodiguons des conseils tant pour la structure elle-même que pour les personnes composant l’entreprise, soit les cadres et les employés. Nous traitons toutes les questions et tentons de répondre à tous les besoins, que ce soit par nos compétences internes, ou en s’appuyant sur notre réseau de spécialistes externes. La connaissance précise de la structure de l’entreprise et les mesures adoptées dans le domaine de la prévoyance, par notre intermédiaire, nous permettent ensuite d’agir sur les employés, en leur proposant conseils et planification de patrimoine, notamment.» Ce soutien est très apprécié lors de la création d’une société: «Dans cette période chargée en décisions, les dirigeants sont soulagés de pouvoir déléguer certains aspects à Willow Services.» Fabio Bonavita
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Solutions bancaires
© Lotfi Mattou - Fotolia
Haro sur la sécurité informatique!
Stéphane Koch Vice-président du Conseil d’administration, High-Tech Bridge SA
@ stephane.koch@htbridge.ch
La sécurité des flux d’information et celle liée à l’humain représentent un risque majeur. Plus les infrastructures sont protégées, plus le détenteur des droits d’accès devient une cible idéale pour l’attaquant…
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a sécurité au niveau humain doit prendre en compte l’employé comme une personne multiple et complexe, en prise avec les difficultés et les contraintes de notre société. Que cela soit au niveau affectif, social ou économique. De plus, l’employé, qu’il soit cadre, manager ou exécutant, développe une «relation émotionnelle» avec «son» entreprise (au même titre qu’une relation avec un conjoint). Lors d’une «rupture» de la relation professionnelle, le ressenti humain est identique à celui d’une rupture avec un conjoint, soit émotionnel et irrationnel. Cela crée une situation favorable à des agisse-
ments délictueux. C’est d’ailleurs ce que démontre une étude menée par le «Ponemon Institute», aux EtatsUnis courant 2009, qui porte sur 945 employés: 60 % des personnes interrogées seraient prêtes à subtiliser des données appartenant à leur entreprise, si elles venaient à être licenciées. Dans la confédération, plusieurs banques ont déjà été victimes de vols de données, de chantage, ou menacées et mises en cause par des employés en poste ou licenciés. À ce titre, les «anciens employés» fraîchement licenciés représentent une mine d’informations considérable pour des concurrents, ou pour des services fiscaux étrangers.
Des réseaux sociaux pas toujours amicaux Les réseaux sociaux sont le Saint Graal du «social engineering», qu’il s’agisse de LinkedIn, Viadeo, Plaxo, Twitter, ou encore de Facebook. Ils représentent une mine d’or pour les pirates, car ils permettent d’identifier facilement des cibles potentielles, puis de monter des attaques avec des informations que chacun fournit sur lui-même ou sur des tiers. De plus, les employés «socialisent» et se mettent en relation les uns avec les autres par le biais de ces réseaux. Lors d’un licenciement, l’ex-salarié, bien que n’étant plus présent dans
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Solutions bancaires l’entreprise, conservera néanmoins son lien social «virtuel» avec ses anciens collègues, avec tous les risques que cela implique en matière de confidentialité… Néanmoins, interdire ou fermer l’accès aux réseaux sociaux ne représente plus une solution. Avec la progression exponentielle de la vente de smartphones et de tablettes numériques, tout employé est en mesure d’alimenter ses «présences sociales», depuis son propre réseau, sans avoir à passer par celui de l’entreprise. La formation du personnel et des dirigeants à une utilisation responsable et maîtrisée de réseaux sociaux, ainsi que la mise en place d’un règlement définissant clairement le cadre (et les limites) de leur utilisation, devient incontournable. Faire face à la complexité De nombreux cas relatifs à la sécurité informatique, à la protection de la sphère privée, ou au vol de données, ont récemment défrayé la chronique. De l’attaque de la société spécialisée dans la sécurité «RSA», et son produit «SecureID», au «fichier traqueur» de l’iPhone. Du vol des 100 millions de comptes des utilisateurs du PlayStation®Network de Sony à celui des 100 sociétés touchées par
le vol de millions d’adresses email, qu’elles avaient confiées à la société d’email marketing Epsilon… Ces exemples démontrent que plus les technologies s’installent à tous les niveaux de la société, plus celle-ci s’en trouve fragilisée. Chaque fois que de nouveaux équipements informatiques, des logiciels, ou la nouvelle version d’un produit existant apparaissent sur le marché, ils sont irrémédiablement suivis par leur lot de correctifs de sécurité. Leur installation n’est soumise à aucun contrôle, ni délai, mais au bon vouloir de chaque entreprise ou administration. De plus, ces correctifs de sécurité sont susceptibles de soigner des plaies, mais pas de guérir le malade… La sécurité est un domaine extrêmement dynamique pour lequel il est possible d’assurer le présent, mais impossible de donner des garanties sur le futur. Il s’agit d’une guerre de la connaissance, car ceux qui passent leur temps à attaquer les défenses
des entreprises ne prennent pas de repos, ni de vacances. Aujourd’hui, les «entreprises» cybercriminelles emploient du personnel hautement qualifié. Elles offrent de très bonnes conditions salariales, ainsi qu’une participation aux profits. Elles n’ont pas de charges sociales, sont très flexibles et en mesure de s’autofinancer en cas de nécessité. Pour les combattre efficacement, il faudrait adopter la même posture, c’est-à-dire constamment remettre en question les acquis en matière de sécurité informatique. C’est là une démarche que toutes les entreprises n’ont pas les moyens financiers et techniques d’assumer. Cependant, elles doivent être conscientes que la législation va laisser de moins en moins de place au laxisme ou à l’erreur. L’Europe a envoyé un message très clair, avec la mise en place de la directive 2009/136/ EC qui imposera, entre autres, l’obligation de mentionner les fuites de données.
Prévenir les conflits cybernétiques La situation économique et les coûts des divers plans de relance poussent certains gouvernements à essayer de récupérer des capitaux par tous les moyens. Mais sous le couvert de ces mesures, c’est aussi une guerre économique sans merci qu’ils se livrent entre eux. Seule une bonne collaboration entre les services de renseignements, l’autorité politique et le secteur économique peut permettre de préserver le patrimoine des entreprises, sur sol helvétique. Car il est aussi du rôle de l’État de lutter contre les pays qui mettent en danger son économie et ses emplois. A cet effet, la Suisse doit intégrer les entreprises et secteurs d’activité représentant un intérêt stratégique au niveau économique ou politique, dans sa stratégie de sécurité.
Sur le web www.htbridge.ch www.htbridge.ch/advisory/ www.htbridge.ch/advisory/disclosure_policy.html
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f.bonavita@banque-finance.ch PAR fabio bonavita Journaliste
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MOMENTS D’EXCEPTION
Objets prestigieux 1. Honda 1300 Slammer: réinterprétation du bagger par le designer Erik Dunshee pour le compte de Honda Americas: tout simplement splendide, www.honda.com 2. Audi Design Soccer Table: un babyfoot de luxe proposé par la marque automobile allemande et fabriqué en édition limitée de 20 exemplaires, 21 000 francs, www.audi.com 3. Garde-temps «Mourinho City Ego Collection»: lancé par la marque deLaCour. Edition limitée aux couleurs de l’entraîneur portugais José Mourinho, coach du célèbre Real Madrid. Boîtier en titane noir ou en fibre de carbonne et or rose, www.delacour.ch 4. Sac Gucci: la nouvelle collection Boston de la firme italienne se décline en plusieurs modèles dont le classique «Sukey», 1000 francs, www.gucci.com 5. Blackberry de luxe: le Bold Tellor sera proposé en édition limitée dans le monde entier à 50 exemplaires en tout et pour tout. Il est composé d’un châssis en or blanc orné de pas moins de 205 diamants, 12 000 francs, www.jimmychoo.com 6. Collection Dior Cristal: hommage discret à Christian Dior, Dior Christal incarne la sophistication, 21 000 francs, www.dior.com
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1. Vélo Mini: le constructeur de la petite citadine vous propose désormais un excellent petit vélo pliable qui s’adapte parfaitement aux dimensions du coffre, 750 francs, www.mini.com 2. Expérience immersive: imaginez une aventure numérique où l’interface ne serait pas réduite à un clic de souris et à deux dimensions sur un écran bureau mais vous offrirait les possibilités illimitées d’un environnement audiovisuel et sensitif, 7500 francs, www.admedia.nau.coop 3. Vaisselle en papier unique: impressionnantes créations du restaurateur et designer japonais Shinichiro Ogata, de la vaisselle en papier idéale pour vos soirées estivales, www.branchhome.com 4. Porte-cartes de luxe: à la fois original et unique en son genre, un petit clin d’oeil pour ce très exclusif «Credit Card Holder», un étonnant accessoire proposé par la marque de luxe Maison Martin Margiela, 900 francs, www.maisonmartinmargiela.com 5. Réveil design: ses lignes épurées et la possibilité d’accueillir un iPhone donnent à ce réveil une touche unique qui séduira aussi bien les esthètes que les mélomanes, 260 francs, www.areaware.com 6. Piano unique: impressionnant piano à queue et splendide objet, il dispose d’un amplificateur intégré ainsi que de haut-parleurs haute-fidélité permettant de donner davantage de puissance au son de l’instrument, www.design.pl
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80 ( Insolite @ www.pichonvoyageur.ch
Y aller
PAR Bernard Pichon Chroniqueur
EGYPTE
Pour voyageurs futés
Catastrophiques pour les acteurs du tourisme, les conséquences du printemps oriental enchantent les passionnés d’archéologie. Des privilèges à saisir.
Voyagiste spécialisé, Destinations Egypte propose de découvrir le pays autrement (www.destinations-egypte.ch). Sur place, South Sinaï Travel garantit la sécurité des voyageurs (www.southsinai.com). EgyptAir assure des liaisons quotidiennes entre Genève-Zürich et l’Egypte (www.egyptair.com). A Hurghada, l’Hôtel Mövenpick dispose d’infrastructures idéales (www.moevenpick-elgouna.com). Affréter une dahabieh (barque traditionnelle) pour croisières privées sur le Nil (www.dahabeya-albatros.com).
© photos: www.pichonvoyageur.ch
Périple en montgolfière
P
our réaliser votre vidéo dans ces conditions, vous devriez normalement débourser 10’000 dollars !» Le gardien du temple de Karnak fait allusion au tarif d’une demi-journée de location du site, lorsqu’un cinéaste exige de le filmer sans visiteurs. Aujourd’hui, ce privilège nous est offert gratuitement, puisqu’aucun touriste ne déambule dans le décor naturel de quelques-unes des séquences les plus spectaculaires de «Mort sur le Nil». Si les circonstances renforcent la magie de la mythique salle hypostyle, on en viendrait presque à souhaiter une présence humaine au pied des 134 colonnes pharaoniques, ne fût-ce que pour fixer l’échelle du monument.
Edfou, Ville située sur la rive ouest du Nil, entre Assouan et Thèbes Flaubert n’avait-il pas décrit l’endroit tel «Une demeure de géants où l’on devait servir dans des plats d’or des hommes entiers à la brochette comme des alouettes»! Comme l’oiseau Survoler Louxor en montgolfière offre un autre point de vue saisissant sur l’ancienne Thèbes. L’aventure commence potron-minet, lorsque le dieu Ra darde ses premiers rayons sur une Vallée des Rois soulagée de tous les cars encombrant habituellement son accès. Juste à côté – lui aussi déserté –, le fameux domaine d’Hatshepsout n’a jamais autant ressemblé à sa maquette. «Vous avez vu les bateaux?», s’en-
Colosses de Memnon érigées à Thèbes
quiert l’aérostier, alors que son engin traverse le Nil. Agglutinés le long du fleuve, ces hôtels flottants flirtent avec la grève. On pourrait s’amuser du jeu de mots s’il ne signifiait pas, pour les équipages désœuvrés, un dramatique manque à gagner. L’aéronef se posera sans encombre dans un champ de cannes à sucre, sous le regard incrédule de planteurs fourbus. Sur la plage abandonnée Se retrouver sur le sable n’évoque pas la plus confortable des situations lorsque l’expression s’entend au figuré. C’est pourtant ce qui arrive à bon nombre de promoteurs engagés dans l’insatiable développement
immobilier d’Hurghada, là où tant de chantiers se retrouvent à l’abandon. Aux rarissimes vacanciers ravis de ne pas avoir à se disputer transats et parasols, les rives de la Mer Rouge n’ont jamais paru si paradisiaques. «Ils ont tout pour eux, et à des forfaits incroyablement avantageux», commente John DC Wood, directeur du pimpant Mövenpick d’El Gouna. Et d’énumérer le spa, l’exploration des récifs coralliens et autres délices gastronomiques dispensés dans des restaurants silencieux comme jamais. Epicuriens égoïstes et agoraphobes chroniques devraient réserver au plus vite leurs vacances chez les pharaons, avant la prochaine invasion de sauterelles bataves ou nippones.
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82 ( Volupté
Le luxe
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Gérard Vahé Gérard Genève
@ info@gerard.ch
epuis la nuit des temps, ce terme de quatre lettres fait partie des sociétés traversées, qu’il s’agisse des empires grec, romain, égyptien et même du Moyen-Age jusqu’à nos jours. En fait, le luxe a toujours été présent. Toutefois, lui aussi a connu sa révolution, car d’abondance il est devenu raffiné, et d’excès il s’est fait plus démocratique, afin de devenir une référence et un mode de vie pour certains. Impossible de le définir, tellement il va vite et colle à son temps. Il se métamorphose à la vivacité d’un éclair et sait s’adapter d’une manière personnelle à tous, bien loin des valeurs économiques et de la puissance qu’il engendre. Il est avant tout
de ces mots magiques, qui font à la fois rêver et pleurer. Sa puissance est son omniprésence. Alors, me direzvous ! Mais qu’est le vrai luxe, au-delà des passions qui nous animent, des rêves, des folies que nous imaginons et des créations toujours plus extravagantes? Le luxe, c’est aussi un instantané fait de simplicité, de beauté, de savoir et de connaissance, un bienêtre que l’on sait apprécier, qu’il soit faste ou discret. Dans l’univers de Gérard, le luxe se trouve aux détours de plusieurs grandes avenues où, comme des promeneurs, chaque amateur de cigare découvre sa propre manière de le créer. Mais l’un des plus grands luxes du cigare reste son coté éphémère, ce moment où, entre la flamme, vient embraser son pied et l’explosion d’arômes ressentis juste avant qu’il ne se meure, après avoir été consommé avec délectation.
© Mist - Fotolia
Sur le web www.betrisey-vins.ch www.ecole-du-vin.ch
Le luxe de l’instant d’un moment volé au temps Le luxe du plaisir de la dégustation d’un cigare aux mille et un arômes Le luxe du privilège Le luxe du bonheur Le luxe de l’appartenance Le luxe de la liberté Le luxe d’affirmer
Sur le web www.worldofgerard.com
( Dégustation
Roussanne du Valais 2009
L
Prix: 18 francs départ cave. Potentiel de garde: quatre à cinq ans.
a Roussanne est un cépage rhodanien, qui tire son nom de la belle couleur dorée que prennent ses grappes à pleine maturité. Traditionnellement complantée avec la Marsanne dans les prestigieuses appellations d’Hermitage et de St-Joseph des Côtes du Rhône septentrionales, elle a souvent été délaissée en raison de sa production irrégulière et de sa sensibilité aux maladies. Heureusement, certains vignerons continuent à la cultiver avec passion, convaincus par ses grandes qualités gustatives. En Suisse, la Roussanne se trouve
naturellement en Valais, tout comme sa cousine Marsanne localement dénommée Ermitage, en référence à ses origines. L’Ermitage étant déjà considérée comme une spécialité avec ses 47 hectares en terres valaisannes, la Roussanne fait figure d’authentique rareté, puisqu’à peine deux hectares et demi y sont consacrés. Le plaisir de déguster ce 2009 des frères Bétrisey en est d’autant plus grand. Le bouquet, ouvert, exprime des notes de pêche bien mûre, de fleurs blanches et de pierre à fusil. En bouche, l’attaque est fraîche, puis laisse place à un bel équilibre. Sa délicate finale saline et
Romain Cellery Responsable de l’Ecole du Vin de Changins
@ romain.cellery@eichangins.ch minérale donne à ce vin un caractère racé. Une belle bouteille à déguster entre connaisseurs. Excellent rapport prix/plaisir.
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( Complications § mouvements
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@ j.grandjean@banque-finance.ch PAR Joël A. Grandjean Journaliste
Drôles de machines Au-delà de la bonne action, certains passionnés d’horlogerie participent à la genèse d’aventures horlogères. En se faisant plaisir, quitte à en ressortir tout de même avec une participation symbolique d’actionnariat.
MB&F, l’ère des Horological Machines. Bien qu’il s’en défende, Maximilian Büsser est un visionnaire. Il invente deux manières de communiquer, ou plutôt d’être, qui mériteraient que lui soient ouvertes les portes des meilleures écoles marketing. Chez Harry Winston la joaillière, le mythe OPUS impose la marque sur le terreau de la haute horlogerie. Puis, avec son laboratoire MB&F – Maximilian Büsser & Friends, il transpose dans l’horlogerie, façon featurings hip-hop, la notion de collectif empruntée à la street culture. «La légitimité passe par la transparence», aime-t-il rappeler. A propos, son Horological Machine N°2 – il en est à la N°4 – enlève le haut et… le bas. Sans retenue, sa boîte saphir en 120 pièces dévoile tout: 349 composants décorés mains composant un mouvement d’exception, issu d’une base Girard Perregaux modifiée par un prince en complication, Jean-Marc Wiederrecht de Agenhor. Sur le cadran de droite, des heures sautantes et minutes rétrogrades concentriques. Celui de gauche décline les phases de lune en deux hémisphères, ainsi qu’une date rétrograde concentrique.
Sur le web www.mbfconcept.com
Marque Ladoire, rebelle. Issu d’une famille bijoutière, à même de façonner, à partir de matière brute, un objet d’art, Lionel Ladoire s’égare un peu vers les chemins d’une carrière professionnelle de pro rider et swnoborder de l’extrême. Sa première dose de rébellion, bercée de musique guerrière. Puis, l’envie de faire des montres, deuxième injection rebelle, l’amène à défendre le label swiss made bien au-delà de son pourcentage autorisé. Tout part de cette satanée volonté de faire exploser les cercles inhérents à toute lecture horaire convenue. Pour y parvenir, il fait développer durant plus de 2 ans son propre calibre. Il se sert d’une avancée technologique majeure de l’horlogerie, les miniroulements à billes en céramique développés par MPS, qui font l’économie de toute lubrification. Sous l’appellation Helvet Mechanic, somme toute assez underground, il sévit actuellement sous le slogan Rock Your Time avec sa série de Black Widows, montres ainsi nommées en référence à la vénéneuse Lacrodaectus Mactans, seule araignée à occire son mâle, une fois sur deux, au sortir de ses actes copulatoires. Mr Race, passion rouge et noire.
Sur le web www.ladoire.ch
Créée par le maître horloger Felix Baumgartner et le designer Martin Frei, la marque Urwerk ouvre la voie des «drôles de machines à lire l’heure». Ici, leur dernière UR-110, surnommée Torpedo en référence aux trois têtes chercheuses qui voyagent groupées sur son cadrant, dont la mission sécurise une lecture du temps furtive. En plus de l’heure, le Control Board, sur la face de la montre, affiche une indication jour-nuit, un oil change – indicateur de service développé par Urwerk ainsi qu’un compteur 60-secondes.
Sur le web www.urwerk.com
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84 ( Ma bibliothèque
parcours
NICOLAS DUCHÊNE
Baudelaire, Zola, Vian
Nicolas Duchêne a commencé sa carrière en 2000, chez Arthur Andersen, avant de rejoindre la Banque Ferrier & Lullin, puis BNP Paribas Private Banking en 2004. Il a dirigé les activités de conseil fiscal et planification patrimoniale internationale en Asie, de 2007 à 2009. Depuis novembre 2009, il a rejoint Reyl & Cie.
Lecteur passionné et curieux, Nicolas Duchêne possède une bibliothèque éclectique où se côtoient Baudelaire, Frédéric Beigbeder et Laurent Gounelle. Banque&Finance: Le mot qui résume votre bibliothèque? Nicolas Duchêne: Eclectique. J’ai des classiques, de la poésie, des livres plus légers, des BD, etc. En fait, j’ai plusieurs bibliothèques et chacune correspond à la pièce où elle se trouve. B&F: Quel genre de lecteur êtes-vous? ND: Un lecteur boulimique alternant les périodes de lecture intense avec les pauses. Si je suis seul, je peux lire trois livres en une semaine. Je lis surtout pendant mes voyages et parfois de longues nuits. B&F: Où achetez-vous vos livres? ND: Dans les librairies, car j’aime feuilleter les livres et parcourir la dernière de couverture. Je rentre rarement dans une librairie en sachant
Dernier livre lu «La mémoire retrouvée» d’Edmund de Waal. Ce livre raconte le parcours d’une collection d’art japonais à travers le destin d’une grande famille juive, les Ephrussi, aux XIX et XXe siècle. On découvre l’histoire
le nom de l’ouvrage que je veux acheter! Je suis plutôt guidé par les thèmes qui m’intéressent, et j’essaie de ne pas me laisser influencer par les titres que je trouve souvent très mal choisis. On m’offre également beaucoup de livres. B&F: Comment rangez-vous votre bibliothèque? ND: Je ne la range pas! J’ai quelques livres précieux, qui sont dans un emplacement précis, puis les autres viennent s’y ajouter au fur et à mesure. Cette absence de classement offre l’opportunité à mes amis de fouiller dans les rayons et de déplacer les livres. Malgré tout, je sais toujours très bien où se trouve le livre cherché. B&F: Votre bibliothèque idéale? ND: Baudelaire, dont je possède une édition limitée de l’ouvrage Les Fleurs du mal avec des dessins de de cette famille, qui constitue cette collection alors qu’elle est à son apogée, et qui, au fil du temps, deviendra son unique richesse. J’ai vraiment dévoré ce livre, où je retrouve plusieurs de mes centres d’intérêt comme le voyage, la géopolitique et la religion.
Rodin, Emile Zola pour sa maîtrise du détail dans les scènes décrites, Boris Vian pour son côté mystérieux et son écriture où l’on retrouve l’influence du jazz, une musique qui se marie à merveille avec la lecture. Mais je lis plus de livres traitant de l’actualité, des religions et de la géopolitique que les grands classiques. B&F: Le livre qui a marqué votre jeunesse? ND: Le mystère de la chambre jaune de Gaston Leroux. Je devais avoir dix ou onze ans et j’étais très fier d’avoir lu un livre de grand! J’avais aimé l’enquête et le mystère à la manière d’Agatha Christie. B&F: Celui que vous relisez jusqu’à le connaître par cœur? ND: Aucun. Sauf peut-être Les Fleurs du mal, dont je relis à l’occasion des poèmes en fonction des moments rythmant ma vie. B&F: L’auteur dont vous n’avez jamais dépassé la 20e page? ND: Proust. J’ai essayé d’en lire deux ou trois, mais sans succès. Je n’arrive pas à entrer dans l’écriture, même si celle-ci est fascinante.
B&F: L’écrivain avec qui vous voudriez refaire le monde? ND: Pour refaire le monde, de nombreux auteurs auraient leurs mots à dire, mais le tour de table devrait comporter des personnalités comme Albert Camus, pour son engagement et ses multiples talents, Ernest Hemingway et Jean-Jacques Rousseau pour l’Invitation au voyage.
B&F: Le livre que vous offrez spontanément à un ami? ND: Celui qu’un ami m’a offert: L’homme qui voulait être heureux de Laurent Gounelle. Le livre, dont l’histoire se passe à Bali, s’interroge sur les vraies valeurs, les priorités de la vie… Je pense que c’est important dans nos existences, où nous vivons à 100 km/h, de prendre le temps de la réflexion. Cet ami m’a offert ce livre, car il pensait que c’était le bon moment pour moi de le lire. Je l’offrirai à mon tour à des amis pour la même raison. Propos recueillis par Odile Habel
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( Dites-moi que j’ai tort...
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@ gdf@worldcom.ch
PAR Gérald DE FILIPPIS Chroniqueur
Jacques Attali: «Faites ce que je dis mais pas ce que je fais…» Jacques, le bon à tout, ne s’est guère soucié de ses dépenses personnelles aux frais de la BERD...
D
ans le numéro daté du 6 avril dernier du magazine français l’Express, Jacques Attali explique, dans sa rubrique «Perspectives», que l’avidité financière des banques américaines a mis en faillite plus de 15% de la population autochtone. Peut-être qu’il a raison, mais il est toujours facile de tout vouloir réduire à un responsable, alors que c’est certainement toute une logique financière mondiale qu’il faudrait reconsidérer. Mais le problème n’est pas là. Peu importe, dans le cas présent, qui est ou non responsable. C’est en fait l’accusateur qui nous intéresse, à savoir le beau Jacques, c’est lui qui le suggère lorsqu’il étale publiquement, sans jamais les nommer d’ailleurs, ses nombreuses conquêtes féminines «très célèbres», ne manque-t-il pas de préciser. Le beau Jacques, donc, se permet de faire des reproches à d’anciens collègues, alors que lui, lorsqu’il était président de la BERD, «The bank that likes to say yes to itself» selon le Financial Times, n’a pas ruiné cette institution du fait de sa mauvaise gestion, cela pourrait être encore excusable, mais a carré-
ment contribué à dilapider, en toute impunité, les fonds confiés. Dépenses somptuaires D’après le même Express, mais de l’époque cette fois-ci, nous apprenons qu’entre avril 1991 et fin 1992, la banque a consacré environ 840 millions de francs à ses activités de prêt et d’investissement, tandis que dans le même temps, elle a payé environ 1,7 milliard de francs pour elle-même (équipement et installation des bureaux, salaires, voyages, etc.), dont entre autres une facture de 4,5 millions pour la location de jets privés et une réception à l’hôtel Grosvenor House, facturée 390 000 francs. Sans parler du remplacement, dans le hall du siège londonien, d’un revêtement de sol par du marbre de Carrare recommandé par un ami personnel, architecte de son état. De là à penser que… je vous laisse compléter la phrase et ce, d’autant plus que, d’après une autre source, il s’est offert plus de 40 voyages en jet privé, alors que des avions de ligne classiques, mais certainement pas à la hauteur de son fondement, l’auraient transporté
à moindre coût. Sans compter non plus des rémunérations plus ou moins occultes, car interdites par le règlement de la banque, pour des conférences que le Don Juan aurait données. Sans compter encore de multiples repas dans des restaurants branchés à hauteur de 170 000 francs, soit un train de vie de Prince, bien que n’en ayant pas le charme . Sans compter, enfin, des dépenses personnelles très tardivement remboursées. Dites-moi donc que j’ai tort, lorsque je prétends que ce visionnaire, «dont on peut qualifier l’esprit fertile d’incontinent plus que de productif» comme l’a décrit la presse financière anglaise, ne manque pas de toupet, quand il vient nous dire que l’avidité humaine est responsable de la crise. Il faut dire qu’il sait de quoi il parle puisque, sans aucune réelle spécialité, «il les a toutes» d’après ses amis proches ajoutant que «Jacques est un bon à tout», mais pas un bon à rien. La preuve, il a réussi à démissionner juste avant que l’orage n’éclate. GdF
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86 ( Coup de cœur, coup de griffe @
f.bonavita@banque-finance.ch PAR fabio bonavita Journaliste
E
n tenant compte de l’inflation, on se rend compte que, depuis janvier 2001, ni le PIB réel des Etats-Unis, ni les marchés boursiers n’ont obtenu de gains réels. Un constat édifiant qui remet en cause le plan de relance économique de la première puissance mondiale. Il le remet en cause et surtout relativise les renforts des deux gouvernements Bush et Obama, à coups de centaines de milliards de dollars du système financier américain. En gros, c’est l’impuissance qui est la grande gagnante des stratégies de relance. En dix ans, la dette du gouvernement fédéral a plus que triplé. Le secteur privé ne s’en sort guère mieux et les créances s’accumulent continuellement. En faisant une simple addition des dettes des secteurs privé et public, on obtient un chiffre qui correspond à quatre fois le PIB américain, pas moins de 55 000 milliards de dollars. Autant dire que le gouffre ne sera pas colmaté. L’économie américaine est entrée dans une nouvelle
phase. Après celle du ralentissement, elle s’effondre vertigineusement. Les prix, eux, prennent l’ascenseur avec une augmentation annuelle de plus de 7%. En un mot comme en mille, il n’y a donc pas de reprise. Pas dans les chiffres en tout cas, mais peut-être dans l’esprit de certains politiciens. Reste que la population américaine ne verra pas quotidiennement et concrètement la situation s’améliorer. Elle verra plutôt son pouvoir d’achat baisser et sa marge de manœuvre se réduire en peau de chagrin. Malgré les milliards injectés, les déclarations de bonne intention et les promesses de changement… FB
COUP DE GRIFFE
Une relance inutile
COUP DE CŒUR
Une victoire pour le PLR
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n peu moribond d’un point de vue strictement électoral, le Parti Libéral Radical vaudois (PLR) ne manque pas de souligner le bilan réussi de Pascal Broulis, le patron des finances cantonales. Il est vrai que l’affable comptable de l’Etat continue de le désendetter, tout en maintenant un certain niveau d’investissement.
Le canton de Vaud affiche un excédent de recettes de 301,6 millions de francs. Le bénéfice réel approcherait le milliard. Une aubaine pour le PLR qui ne manque pas de récupérer l’affaire, en attaquant les finances de la ville de Lausanne. Le parti prie le syndic réélu, le Vert Daniel Brélaz, de suivre la méthode Broulis et de faire revenir les comptes de la ville
dans le noir. Pour rappel, la dette lausannoise atteint 2,3 milliards, soit près de 18’000 francs par habitant. Pour une comparaison rapide, mais intéressante, l’endettement moyen des autres communes du canton se situe à environ 4400 francs par habitant. Une situation qui irrite les élus de droite. Ces derniers ne manquent pas de rappeler, en se basant sur
l’exemple du canton, qu’il est possible de marier investissements et politique financière saine. Et pour la première fois, la dette du canton est inférieure à celle de la capitale lausannoise. Tout un symbole pour les pourfendeurs d’une comptabilité saine et d’une réduction des endettements de l’Etat. Un boulet lourd à traîner pour les élus de gauche à Lausanne. FB
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( Le banquier tombe la veste
87
PATRIK LOERTSCHER
Salut champion! C’est «grâce» à un accident de ski, lorsqu’il est enfant, que Patrik Loertscher s’initie au curling à Château d’Oex. A peine âgé de dix-huit ans, il gagne déjà sa première médaille d’or, avant de devenir champion olympique!
L
e curling, ce sport de précision d’origine écossaise pratiqué sur la glace avec de lourdes pierres en granit poli, vous connaissez? Et bien sachez qu’il était (et est toujours) la passion du banquier vaudois Patrik Loertscher, né en 1960, laquelle l’a porté aux cimes du succès. Jugez plutôt son palmarès: médaille d’or aux Jeux Olympiques de Nagano (1998), médaille d’or à Londres (1981), médaille d’argent à GarmischPartenkirchen (1982) et Milwaukee (1989), médaille de bronze à Moncton
(1980), Hamilton (1996) et Saint John (1999) lors de Championnats du Monde et, enfin, médaille d’or à Aviemore (1978) et Grindelwald (1981) au cours de Championnats d’Europe. C’est grâce à sa précision helvétique que le fin tacticien Patrik Loertscher a réussi à placer ses pierres lausannoises au centre de la cible mondiale et, par la même occasion, a fait la fierté de la Suisse. Le champion s’est retiré de la compétition en 1998, après les Jeux Olympiques de Nagano qui ont marqué l’introduction du curling, mais s’autorise toujours
parcours • 1986-1996: UBS, Lausanne • 1996-2003: Anker Bank, Lausanne • 2003-2006: Banque SCS Alliance, Lausanne • Depuis le 1-09-2006: LGT Bank (Suisse) SA, chef de la succursale de Lausanne. Consultant pour le curling à la RTS
la Coppa Romana aux Grisons, une semaine par année. «J’ai sacrifié mon adolescence et une partie de ma vie d’adulte au curling, avec un entraînement quotidien de deux heures par jour et, bien sûr, tous les samedis et dimanches, sans parler des compétitions à l’étranger. Le temps passé sur les patinoires était plus important que celui d’un footballeur professionnel sur un stade, alors que je n’étais qu’un joueur amateur!», commente Patrik Loertscher, qui précise n’éprouver absolument aucun regret d’avoir consacré autant de temps à ce sport, car il lui a permis de développer certains traits de caractère et qualités très utiles dans l’exercice de sa profession de banquier. «Le curling m’a enseigné la patience, la précision et l’esprit d’équipe. De même, il a favorisé mon ouverture d’esprit et renforcé ma tolérance. Comme le curling requiert de la stratégie et de la réflexion pour placer sa pierre en fonction des forces et des faiblesses de l’adversaire, ce sont autant d’applications fort utiles à mes activités de banquier», reconnaît-il. Et finalement, être un champion sportif ouvre-t-il toutes grandes les portes de l’emploi, peut-on légitimement se demander? «En aucun cas lorsque vous faites de la compétition, car l’entraînement empiète trop largement sur l’horaire de travail, ce qui n’est pas du goût de l’employeur... En revanche, c’est un avantage lorsque vous n’êtes plus actif, car vous êtes considéré comme performant, compte tenu de l’esprit de compétition qui vous a habité», relève Patrik Loertscher. Salut champion! Didier Planche d.planche@banque-finance.ch
© Bertrand Rey
BANQUE&FINANCE N°110 JUILLET/AOUT 2011
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Directeur de la publication et Rédacteur en chef: Didier Planche Rédaction: Fabio Bonavita, Patrick Claudet, Cyril Demaria, Mohammad Farrokh, Gérald de Filippis, Joël A. Grandjean, Odile Habel, Bernard Pichon, Christophe Roulet, Dorothée Thénot, Tanguy Verhoosel. Edition: Promoédition SA Editeur délégué: Roland Ray Production: Maryse Avidor Design et infographie: Lucile Dubost - Alter Ego Médias Secrétariat de rédaction: Alter Ego Médias Impression: Atar Roto Presse SA www.banque-finance.ch Rédaction et administration: Banque&Finance 35, rue des Bains Case postale 5615 1211 Genève 11 Tel. +41 22 809 94 60 Fax +41 22 781 14 14 E-mail: info@ banque-finance.ch Publicité: Médiapresse Pub SA 3, rue de la Vigie 1001 Lausanne Tel. +41 21 321 30 77 Fax +41 21 321 30 69 Responsable: Roye Yarden Pages Partenaires Promoguide SA Ruchligweg 101 - CP 52 4125 Riehen-Basel 2 Tél. + 41 61 606 50 20 Fax + 41 61 606 50 29 Responsable: Lila Maalem Abonnements: E-mail: abo@banque-finance.ch CCP: 12-17931-5 1 an d’abonnement (6 numéros) CHF 60.2 ans d’abonnement (12 numéros) CHF 90.Banque&Finance paraît six fois par an et publie un numéro hors-série © Promoédition SA, Genève - 2011
A Michael J. Andrew Jean-Baptiste Aveni B Bertrand Barbezat Alain Barthel Andrzej Blachut Marc Barbezat Robert-philippe Bloch Nicolas Bovay Pascal Bovay Peter F. Braunwalder Pascal Broulis Christoph Bütikofer
12 15
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C Concetta Casili Arthur Caye Romain Cellery Anthony Colle
74 12 82 26
D Olivier Debat Christopher H. Diaz Julien Dif Philippe Doffey Christian Donze Nicolas Duchêne
44 12 69 67 38 84
E Rudi van den Eynde
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ENTREPRISES CITÉES B 76 58
72 48 64 45
Banque Heritage
12
Banque Sarasin & Cie
12
Bordier & Cie
12
Bovay & Partenaires
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C CIC Suisse D
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R Christophe Reymond Michel Reymondin Denys Rinpoche Philippe Rudloff
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G Jean Michel Genin Rajna Gibson Gianluca Grissini
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