À PROPOS DE NICE
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Cet ouvrage accompagne l’exposition À propos de Nice. 1947-1977, organisée au musée d’Art moderne et d’Art contemporain (MAMAC), à Nice, du 23 juin au 22 octobre 2017. Il reproduit une sélection d'oeuvres et de documents parmi les cinq cents que comprend l'exposition. Le titre de l’exposition est une référence directe au film éponyme de Jean Vigo remarquable point de vue documenté sur la modernisation de la cité azuréenne à l’orée des années 1930. Direction d'ouvrage Hélène Guenin assistée de Rébecca François, MAMAC Ouvrage réalisé sous la direction de Somogy éditions d’art Directeur éditorial : Nicolas Neumann Responsable éditoriale : Stéphanie Méséguer Coordination et suivi éditorial : Sarah Houssin-Dreyfuss et Lore Gauterie Conception graphique : Gilles Beaujard et Julie Lecœur - juliegilles Contribution éditoriale : Marion Lacroix Fabrication : Béatrice Bourgerie et Mélanie Le Gros Iconographie : Caroline Bel et Flore Langlade Traduction de l’anglais vers le français du texte de Rosemary O’Neill : Élisabeth Agius d’Yvoire Coéditions et développement : Véronique Balmelle Traduction de l'anglais vers le français du texte de Julia Robinson : A.D.T. TRAD
En couverture Martial Raysse. Soudain l’été dernier. 1963 Peinture acrylique sur toile, photographie, chapeau de paille et serviette éponge 126 × 227 × 58 cm Paris, Centre Pompidou, musée national d’Art moderne – Centre de création industrielle Achat de l’État en 1968, attribution en 1976 Inv. : AM 1976-1010 ISBN : 978-2-7572-1286-8 Dépôt légal : juin 2017 Imprimé en République tchèque (Union européenne)
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Les artistes de l’exposition Marcel Alocco, Arman, André-Pierre Arnal, Ben, Vincent Bioulès, Robert Bozzi, Jean-Louis Brau, George Brecht, Donna Brewer, Jacques Brissot, Louis Cane, César, Louis Chacallis, Max Charvolen, Albert Chubac, Marc Devade, Daniel Dezeuze, Erik Dietman, Noël Dolla, Robert Érébo, Jean-Claude Farhi, Robert Filliou, Roland Flexner, Paul-Armand Gette, Claude Gilli, Dany Gobert, Toni Grand, Bob Guiny, Vivien Isnard, Yves Klein, Jean-Jacques Lebel, Serge Maccaferri, Robert Malaval, Jacques Martinez, Jean Mas, Martin Miguel, Jean-Pierre Mirouze, Nivèse, Bernard Pagès, Ernest Pignon-Ernest, Pierre Pinoncelli, Pierre Pontani, Éliane Radigue, Martial Raysse, Rotraut, Guy Rottier, Niki de Saint Phalle, Takako Saito, Patrick Saytour, Serge III, Mieko Shiomi, Sacha Sosno, Marianne Staffeldt-Filliou, Jacques Strauch, Anne Tréal, Bernard Tréal, André Valensi, Agnès Varda, Annie Vautier, Bernar Venet, Claude Viallat, Jean Vigo et Gil Jo Wolman.
© ADAGP, Paris, 2017 : Marcel Alocco, Arman, Dan Azoulay, Ben, Christian Boltanski, George Brecht, Louis Cane, Max Charvolen, Albert Chubac, Daniel Dezeuze, Erik Dietman, Noël Dolla, Jean-Claude Farhi, Jean Ferrero, Claude Gilli, Toni Grand, Raymond Hains, Vivien Isnard, Michel Journiac, Robert Malaval, George Maciunas, Jean Mas, Ernest Pignon-Ernest, Pierre Pinoncelli, Martial Raysse, Rotraut, Alain Sabatier, Serge III, Bernar Venet, Claude Viallat © Philippe Bompuis © Robert Bozzi © du côté de la côte/Ciné-Tamaris, 2003 © Robert Érébo © estate Robert Filliou © Jacques Fleurant © Roland Flexner © François Fontan © Gaumont © Béatrice Heyligers © Dick Higgins © Succession Yves Klein/ADAGP, Paris, 2017 © Verlag Kasper König © Jacques Lepage © Serge Maccaferri © succession H. Matisse © Francis Mérino © Martin Miguel © Jean-Pierre Mirouze © André Morain © George Mucciarelli © Niki Charitable Art Foundation/ADAGP, Paris, 2017 © Bernard Pagès © Pierre Pontani © Gilles Raysse © Guy Rottier © Ruy Blas © Patrick Saytour © SBJ/ADAGP, Paris, 2017 © Collaboration Harry Shunk, 1924–2006 et János Kender, 1938–2009. Getty Research Institute, Los Angeles (2014.R.20) © Mascha Sosno © Jacques Strauch © Anne Tréal © Bernard Tréal © André Valensi © Archives Bernar Venet, New York/ADAGP, 2017 © Christian Vincent © droits réservés
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Dans le cadre de Nice 2017. École(S) de Nice, organisé par la Ville de Nice et du quarantième anniversaire du Centre Pompidou Sous le haut patronage de Christian Estrosi Maire de Nice Président de la Métropole Nice Côte d’Azur Président délégué de la Région Provence-Alpes-Côte d’Azur Sous la direction de Gérard Baudoux Adjoint au maire Délégué aux musées et à l’art moderne et contemporain Robert Roux Conseiller municipal Délégué à l’art dans la rue et subdélégué aux musées Olivier-Henri Sambucchi Conservateur en chef du patrimoine Directeur général adjoint des services de la Ville de Nice pour la culture et le patrimoine Pierre Brun Directeur des musées et autres équipements culturels
Commissariat général de Nice 2017. École(S) de Nice Jean-Jacques Aillagon Commissariat de l’exposition À propos de Nice. 1947-1977 Nice, musée d’Art moderne et d’Art contemporain (MAMAC), 23 juin-22 octobre 2017 Hélène Guenin, directrice du MAMAC, avec le concours de Rébecca François, attachée de conservation du patrimoine Commissariat associé : Géraldine Gourbe, philosophe et professeure à l’École supérieure d’art de l’agglomération d’Annecy, et Florence Ostende, commissaire d’expositions au Barbican, Londres, commissaires associées dans le cadre de la bourse de recherche curatoriale du Centre national des arts plastiques (CNAP) Recherche documentaire sur La Cédille qui Sourit : Éric De Backer, historien Scénographie : Peaks Charles Aubertin, Camille Dupont, Samuel Jaubert de Beaujeu et Éva Maloisel Commissariat de l’exposition Noël Dolla. Restructurations spatiales Nice, galerie des Ponchettes, 24 juin-22 octobre 2017 Hélène Guenin, directrice du MAMAC, et Élodie Antoine, historienne de l’art spécialisée dans l’engagement politique et les collectifs d’artistes dans les années 1960 et 1970 en France
Administration : Jean-François Pin, assisté de Macha Ionnikoff, Aurore Valiani et Valérie Canicio Secrétariat de direction : Audrey Terlin Chargé de production : Olivier Bergesi Conservation : Julia Lamboley et Laura Pippi-Détrey Médiation : Lélia Mori Documentation et web : Anne Decreux Responsable technique : Steve Simon Assistance technique : Jean-Luc Bugna, Stéphane Caraglio, Michel Derbier et l’équipe des musées de Nice Régie technique : Serge Castellon et Dominique Bitoun Régie audiovisuelle : Olivier Flourent et Jean-Luc Giannetti Maintenance du bâtiment : Philippe Constant et les agents de Veolia Sécurité : Jean-Louis Montefalcone et les agents de la société P2K Responsable de la boutique : Esther Tallon Responsable de l’accueil : Déborah Peyretti Accueil et boutique : Lotfi Berriri, Gaëtane Douchement, Valérie Gaudenti, Kenichi Nakajima, Christian Roger Martin, Danielle San Bernardo, Sophie Turinetti et Milouda Zerouil Nettoyage : Simer Textes et médiation : Hélène Guenin, Rébecca François et Laurène Gattet Traduction : A.D.T. TRAD Presse : Opus 64, Élodie Ching et Caroline Martinaux Communication : Julie Tartois Stagiaires : Charlotte Causse, Alix Doyen, Arthur Fleury, Natacha Le Roy et Zoé Moineaud
Exposition réalisée avec la précieuse collaboration de Avec le soutien de
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REMERCIEMENTS Le MAMAC et les commissaires remercient, pour leurs prêts généreux, leur soutien et leur engagement dans le projet : LES PARTENAIRES Paris, Centre national des arts plastiques (CNAP) Yves Robert, directeur Sébastien Faucon, inspecteur de la création artistique, responsable de la collection arts plastiques Paris, Centre Pompidou Serge Lasvignes, président Musée national d’Art moderne – Centre de création industrielle Bernard Blistène, directeur Brigitte Leal, directrice adjointe, chargée des collections Olga Makhroff, chargée des prêts et dépôts Saint-Étienne Métropole, musée d’Art moderne et contemporain Martine Dancer-Mourès, conservatrice, directrice générale par intérim Évelyne Granger, régisseuse administrative des prêts
LES PRÊTEURS Belgique Anvers, musée d’Art contemporain (MUHKA) Bart De Baere, directeur général et artistique Anders Kreuger, commissaire d’expositions France Lyon, musée d’Art contemporain (MAC) Thierry Raspail, directeur Hervé Percebois, conservateur des collections Marseille, Fonds régional d’art contemporain Provence-Alpes-Côte d’Azur (FRAC PACA) Pascal Neveux, directeur Marseille, Institut national de l’audiovisuel (INA), délégation régionale Méditerranée Sophie Gillery, responsable documentaire Marseille, musée d’Art contemporain [mac] Thierry Ollat, directeur Neuilly-sur-Seine, musée Gaumont Sidonie Dumas, directrice générale
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Nice, archives départementales des Alpes-Maritimes Yves Kinossian, directeur Orléans, Fonds régional d’art contemporain Centre (FRAC Centre-Val de Loire) Abdelkader Damani, directeur Aurélien Vernant, responsable de la collection Paris, Ciné-Tamaris Rosalie Varda, directrice Cécilia Rose, responsable de la production et de la distribution Paris, galerie 1900-2000 David et Marcel Fleiss, directeurs Paris, galerie Jousse entreprise Philippe Jousse, directeur Paris, galerie Loevenbruck Hervé Loevenbruck, directeur Paris, galerie Natalie Seroussi Natalie Seroussi, directrice Paris, musée d’Art moderne de la Ville de Paris Fabrice Hergott, directeur Sophie Krebs, conservatrice générale, responsable des collections Julia Garimorth, conservatrice, chargée des collections contemporaines Rennes, Les Archives de la critique d’art Jean-Marc Poinsot, président Nathalie Boulouch, directrice Laurence Le Poupon, chargée des archives Saint-Étienne, Luxembourg et Paris, galerie Ceysson & Bénétière François Ceysson et Loïc Bénétière, associés Bernard Ceysson, conseiller artistique Loïc Garrier, responsable Paris Saint-Germain-la-Blanche-Herbe, Institut mémoires de l’édition contemporaine (IMEC) Yves Chevrefils Desbiolles, responsable des fonds artistiques Saint-Paul-de-Vence, galerie Catherine Issert Catherine Issert, directrice Saint-Yrieix-la-Perche, Centre des livres d’artistes (CDLA) Didier Mathieu, directeur Italie Molvena, Fondation Bonotto Luigi Bonotto, président Patrizio Peterlini, directeur
Royaume-Uni Londres, galerie Mayor Christine Hourdé, directrice LES COLLECTIONS PARTICULIÈRES Marcel Alocco Ben Cindy Daguenet Éric De Backer Daniel Dezeuze Noël Dolla Collection Fabre Jean Ferrero Gérard Gilli Philippe et Patricia Jousse Jean-Jacques Lebel Collection LGR Jean Mas Laure Matarasso Roselyne et Patrick Michaud Nivèse Bernard Pagès François Pinault Pierre Pinoncelli Emmanuel Régent Odette Rottier Michel Roudillon Patrick Saytour Mascha Sosno Niklas Svennung Bernar Venet Claude Viallat et les nombreux prêteurs qui ont souhaité garder l’anonymat. À tous nous exprimons notre profonde gratitude. Nous remercions également, pour leur collaboration : LES AUTEURS DU PRÉSENT OUVRAGE Élodie Antoine, historienne de l’art spécialisée dans l’engagement politique et les collectifs d’artistes dans les années 1960 et 1970 en France Éric De Backer, historien, recherche documentaire sur La Cédille qui Sourit Anna Dezeuze, historienne de l’art, spécialisée dans l’art des années 1960 et 1970 Géraldine Gourbe, commissaire associée dans le cadre de la bourse de recherche curatoriale du Centre national des arts plastiques (CNAP), philosophe et professeure à l’École supérieure d’art de l’agglomération d’Annecy Béatrice Joyeux-Prunel, historienne de l’art, directrice et fondatrice d’Artl@s, maître de conférences à l’École normale supérieure,
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Paris sciences lettres Éric Mangion, directeur du centre d’art de la Villa Arson, Nice, et du programme de recherche « Une histoire de la performance sur la Côte d’Azur de 1951 à nos jours » Rosemary O’Neill, historienne de l’art spécialisée dans l’art français et américain de la seconde moitié du XXe siècle et enseignante à la New School for Design, New York Florence Ostende, commissaire associée dans le cadre de la bourse de recherche curatoriale du Centre national des arts plastiques (CNAP),commissaire d’expositions au Barbican, Londres Julia Robinson, historienne de l’art, spécialiste de Fluxus, et professeure à l’Université de New-York
LES SCÉNOGRAPHES Peaks Charles Aubertin Camille Dupont Samuel Jaubert de Beaujeu Éva Maloisel
Pour leur aide précieuse et leurs conseils, notre gratitude va également à : Alain Amiel, Dr Jean Amiel, Élodie Antoine, Corice Arman, Alain Bottaro, Caroline Bourgeois, Bloum Cardenas, Jessica Cavalero et Artcurial, Julien Cavero, Marika Chappy, Christophe Cys Debeir, Maryline Desbiolles, Jean Dupuy, Dwan Archive (Virginia Dwan et Anne Kovach), Jean Fabro, Silvia Farhi, Olivier Garcin, Laurène Gattet, Nicole et Pamela Gilli, Émilie Girault, Maxime Guitton, Rotraut Klein-Moquay et Daniel Moquay, Anders Kreuger, Me Alexandre Kurgansky, Odette Lepage, Patrice Masson, Charlotte Ménard, Marion Moreau, Bernard Nicoletti, Sonia Pastor , Véronique Pédini, Éliane Radigue, Me Patrick RannouCassegrain, François Roulin, Amandine et Yves Rousguisto, Paola Sapone, Jana Shenefield, Marianne Staffeldt-Filliou, Matthieu Stefani, Annabelle Ténèze, Éva et Annie Vautier. Ludovic Cardon, président de l’association des Amis du MAMAC , Isabelle Luzzoro, secrétaire de l’association et l’ensemble des Amis du musée
LES ÉCOLES PARTENAIRES Monaco, Pavillon Bosio, Art & scénographie, École supérieure d’arts plastiques de la Ville de Monaco Isabelle Lombardot, directrice Mathilde Roman, professeure Renaud Layrac, professeur Laurent P. Berger, professeur et leurs étudiants & Paris, université Paris-Sorbonne – Paris IV Marianne Grivel, professeure Arnauld Pierre, professeur Isabelle Ewig, maître de conférences Guillaume Le Gall, maître de conférences et les étudiants du master professionnel « L’art contemporain et son exposition » Nice, Villa Arson – École nationale supérieure d’art Jean-Pierre Simon, directeur Éric Mangion, directeur artistique du centre d’art Laurent Prexl, professeur de peintureperformance Cédric Moris Kelly, chargé de recherche nouveaux médias et web Michel Maunier, chargé de communication
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Reste à souligner l’aide constante apportée par l’ensemble des services de la Ville de Nice et de la Métropole Nice Côte d’Azur, et plus particulièrement : Jean-Jacques Aillagon, commissaire général de Nice 2017. École(S) de Nice, Olivier-Henri Sambucchi, conservateur en chef du patrimoine, directeur général adjoint des services de la Ville de Nice pour la culture et le patrimoine, Gisèle Casteu, Michel Genieys-Poux, Muriel Barbotte, Pierre Brun, directeur des musées et autres équipements culturels, et l’ensemble de leurs collaborateurs ; Caroline Constantin, directrice de l'Unité Production Diacosmie et ses équipes ; Élodie Ching, responsable du service presse, et Caroline Martinaux ; Jean-François Blanchet, directeur du service des assurances, Brigitte Thevenaz, Nathalie Bolot, directrice de la communication, Julie Tartois et l’ensemble de leurs collaborateurs, ainsi que l’équipe des musées de Nice et du MAMAC.
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PRÉFACE
On ne se rend pas toujours compte à quel point Nice a été et demeure un laboratoire fécond pour la création artistique de notre temps. Nombreux ont été les artistes du XXe siècle à y séjourner plus ou moins longuement et à y être profondément influencés par la puissance des paysages et la vivacité de la lumière que cette ville offre à celui qui la parcourt. En 1947, après l’exil à Amsterdam auquel l’avait contraint le nazisme, Max Beckmann séjourne à Nice et y réalise l’un de ses chefs-d’œuvre, Promenade des Anglais in Nizza, aujourd’hui accroché aux cimaises du Museum Folkwang à Essen. Au même moment, c’est un artiste que certains jugent, à tort, plus « décoratif », Raoul Dufy, qui ne cesse de peindre et de repeindre des scènes de la vie niçoise dans lesquelles il s’obstine à représenter la Jetée-Promenade, pourtant détruite par l’occupant en 1944. Mais c’est naturellement Henri Matisse, figure lumineuse du XXe siècle français, de son premier séjour à Nice en 1905, puis de résidence en résidence, jusqu’à sa mort en 1954, qui devait faire de Nice sa ville et y accomplir une part essentielle de son œuvre, notamment la grande entreprise des « papiers découpés » par laquelle il a révolutionné l’art du XXe siècle. On aurait pu imaginer que les mutations démographiques et sociologiques de l’aprèsguerre allaient interrompre cette familiarité de la ville avec la création. Il n’en fut rien. C’est à ce moment-là en effet que naissait ce que les historiens de l’art devaient appeler l’« école de Nice », école qui comme l’infini de Pascal est « un cercle dont le centre est partout, la circonférence nulle part ». Cette école allait marquer, autour de quelques personnalités exceptionnelles, celles d’Arman, de Ben, César, Claude Gilli, Yves Klein, Robert Malaval, Claude Pascal, Martial Raysse, Bernar Venet…, une nouvelle manière de penser l’art, une nouvelle manière de faire de l’art. Ce n’est pas sans raison qu’à l’ouverture du Centre Pompidou, en 1977, une exposition fondatrice proposait au public un premier bilan de ce qu’avait été l’école de Nice. Sans se limiter à son efflorescence des années 1950 et 1960, cette école devait ensuite connaître d’infinis rebonds, intégrant dans son aire généreuse de nouvelles personnalités et parfois même de nouveaux personnages. Peu de villes, hormis Paris, bénéficient, de ce fait, d’une telle densité artistique que souligne, aujourd’hui, le tissu des ateliers d’artistes, des galeries, des lieux d’exposition et des établissements d’enseignement artistique, comme l’école municipale d’arts plastiques – Villa Thiole et la Villa Arson, héritière de l’ancienne École nationale des arts décoratifs. Il est donc tout à fait légitime que, à l’occasion du soixante-dixième anniversaire de la naissance symbolique de l'école de Nice sous l’impulsion d’Arman, Klein et Pascal, la Ville de Nice consacre sa programmation estivale bisannuelle à l’école de Nice, sous le titre générique de Nice 2017. École(S) de Nice. Cette initiative permet d’associer à l’exposition du MAMAC intitulée À propos de Nice. 1947-1977 une exposition du musée Masséna, Nice à l’école de l’histoire, dédiée aux moments où Nice a été, de façon exemplaire, à l’école de l’histoire du monde. Pendant la même période, le 109, lieu de résidence d’artistes et espace de création installé par la Ville de Nice dans les anciens abattoirs, accueillera The Surface of the East Coast. From Nice to New York. En outre, la galerie des Ponchettes présentera Noël Dolla. Restructurations spatiales. L’ensemble de ces expositions est placé sous le commissariat général de Jean-Jacques Aillagon, ancien ministre de la Culture, et coordonné par Olivier-Henri Sambucchi, conservateur en chef du patrimoine, directeur général adjoint des services de la Ville de Nice pour la culture et le patrimoine. Ce programme ancré dans le cœur de l’expérience artistique niçoise du XXe siècle ouvre une large fenêtre sur la profondeur historique et préhistorique de son existence. Celle-ci invite à réfléchir à la place que les villes prennent dans l’histoire du monde et à mieux apprécier le caractère singulier de cette cité à la fois célèbre et méconnue qu’est Nice. Christian Estrosi Maire de Nice Président de la Métropole Nice Côte d’Azur Président délégué de la Région Provence-Alpes-Côte d’Azur
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AVANT-PROPOS
C’est la troisième fois que le maire de Nice veut bien me confier le commissariat général d’une programmation estivale, réunissant, sous le même thème, un nombre plus ou moins important de musées de la Ville. En 2013, cette programmation s’appuyait sur le cinquantenaire du musée Matisse ; en 2015, elle prenait le parti de la candidature de Nice à l’inscription sur la Liste du patrimoine mondial. Se sont ainsi succédé Un été pour Matisse, en 2013, et Promenade(S) des Anglais, en 2015. Chaque fois, il m’a été agréable de prendre en compte la richesse du tissu des musées de Nice, musées municipaux – ils sont au nombre de treize – mais aussi institutions nationales, comme la Villa Arson ou le musée national du message biblique Marc-Chagall. C’est en 2015 que ces manifestations ont connu leur plus forte extension puisqu’elles ont fédéré les initiatives de treize établissements, au risque peut-être d’une certaine dispersion de l’attention. Quand nous nous sommes interrogés, Olivier-Henri Sambucchi, conservateur en chef du patrimoine, directeur général adjoint des services de la Ville de Nice pour la culture et le patrimoine, et moi-même, sur l’orientation de la programmation de cette année, nous sommes rapidement convenus qu’on ne pourrait pas, en 2017, ne pas traiter du soixantedixième anniversaire de la création présumée de ce que l’histoire de l’art a désigné, non sans parfois une certaine imprécision, comme l’« école de Nice ». Cette école, même si son évocation renvoie sans cesse aux questions de sa chronologie, de sa singularité, de la liste de ses membres, de l’identification de ses théoriciens, existe pourtant bel et bien, au point que le Centre Pompidou naissant lui a consacré, en 1977, une exposition reprenant le titre d’une œuvre cinématographique célèbre et pionnière de Jean Vigo, À propos de Nice (1930). C’est donc de façon totalement évidente qu’il nous est apparu que l’« exposition amirale » de 2017 devait être celle que présentera le MAMAC, sous le commissariat de la nouvelle directrice de cet établissement, Hélène Guenin, dont j’ai pu, alors qu’elle exerçait au Centre Pompidou-Metz, aux côtés de Laurent Le Bon, les fonctions de responsable du pôle programmation, mesurer les qualités. Il nous a semblé pertinent que la programmation de 2017 soit concentrée sur un moins grand nombre de sites, de façon à donner plus d’intensité à chacune des expositions. Celles-ci se déploieront donc dans quatre sites : le MAMAC, sur deux étages du bâtiment et dans son extension, la galerie des Ponchettes, le musée Masséna, sur la totalité du dernier étage de la villa, et le 109. L’exposition du MAMAC constituera véritablement un point d’étape dans la réflexion sur l’école de Nice. Celle du musée Masséna évoquera quelques moments majeurs de l’histoire où le destin de Nice a dialogué avec l’histoire du monde, où Nice, en quelque sorte, s’est mise à l’« école de l’histoire » en y contribuant avec originalité et souvent même de façon déterminante. Enfin, prenant acte du souhait du 109, dont la Ville de Nice a fait un laboratoire de la création en lui affectant les installations et les bâtiments de l’ancien abattoir, de présenter pendant l’été une exposition intitulée The Surface of the East Coast. From Nice to New York, consacrée au mouvement Supports/Surfaces, nous avons décidé d’associer cette manifestation à la programmation. Elle constitue une seconde contribution à la réflexion sur l’influence des artistes niçois, ou ayant travaillé à Nice, sur le mouvement international de la création. Elle permettra au visiteur, après avoir vu Nice à l’école de l’histoire dans un palais aristocratique de la fin du XIXe siècle, puis À propos de Nice. 1947-1977 dans le bâtiment du XXe siècle qui ferme la perspective du jardin de la promenade du Paillon, de s’aventurer, un peu plus à l’est de la ville, dans des quartiers plus industrieux, pour y découvrir un formidable bâtiment de l’ère industrielle, réservé désormais à un usage artistique et culturel. Le visiteur, en revenant, vers le bord de mer, s’arrêtera enfin à la galerie des Ponchettes et pourra y admirer l’exposition Noël Dolla. Restructurations spatiales qui donnera un coup de projecteur sur le travail pionnier de ce grand artiste niçois, issu de Supports/Surfaces, qui, de façon extrêmement originale, s’est emparé du matériau que constitue le paysage. Jean-Jacques Aillagon Commissaire général de Nice 2017. École(S) de Nice
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SOMMAIRE
À PROPOS DE NICE. 1947-1977 Hélène Guenin, directrice du Musée d'Art moderne et d'Art contemporain, Nice Rébecca François, attachée de conservation du patrimoine 10 French Riviera 17 LA RÉVOLTE EST À NICE : DE LA PEINTURE DÉCORATIVE À UN ART D’AMBIANCE Géraldine Gourbe, commissaire associée, philosophe et professeure à l’École supérieure d’art de l’agglomération d’Annecy Florence Ostende, commissaire d’expositions au Barbican, Londres 38 Merveilleux moderne ? 43 ENFANTS TERRIBLES : ANXIÉTÉS NIÇOISES DANS LA CHALEUR DU MOMENT Julia Robinson, historienne de l’art, spécialiste de Fluxus, professeure à l’Université de New-York 70 La quête d’absolu / l’invention de gestes 79 L’ÉCOLE DE NICE CONTRE LES GÉOGRAPHIES ADMISES Béatrice Joyeux-Prunel, directrice et fondatrice d’Artl@s, maître de conférences à l’École normale supérieure, Paris sciences lettres 104 LA VIE AUTREMENT Éric Mangion, directeur du centre d’art de la Villa Arson, Nice, et du programme de recherche « Une histoire de la performance sur la Côte d’Azur de 1951 à nos jours » 110 Art de gestes et d’attitudes 115 UNE INTRODUCTION À L’HISTOIRE DE LA CÉDILLE QUI SOURIT Éric De Backer, historien 134 La Cédille qui Sourit 139 LA PEINTURE EN VACANCES Anna Dezeuze, historienne de l’art, spécialisée dans l’art des années 1960 et 1970 156 Supports/Surfaces et le Groupe 70 162 À PROPOS DE NICE : DÉCENTRER L’AVANT-GARDE, 1947-1977 Rosemary O’Neill, historienne de l’art et enseignante à la New School for Design, New York 178 CHRONOLOGIE Élodie Antoine, historienne de l’art, spécialisée dans l’engagement politique et les collectifs d’artistes dans les années 1960 et 1970 en France 185 Crédits photographiques 200
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À propos de Nice 1. 1947-1977 Hélène Guenin et Rébecca François
À Nice, un jour de l’été 1947, trois jeunes hommes se partagent le monde : Yves Klein, maître en devenir de l’International Klein Blue, s’empare de l’infini bleu du ciel ; le poète Claude Pascal s’attribue l’air et reviennent à Arman, futur maestro de l’appropriation d’objets, la terre et ses richesses. De ce pacte mythique et désinvolte naît une constellation de fulgurances, de gestes et de rencontres qui déferlera sur la Côte d’Azur jusqu’à bouleverser l’histoire de l’art. Ce trio charismatique initial, renforcé par Martial Raysse puis Ben, ouvre la voie à différentes générations d’artistes qui aspireront à parcourir cette « diagonale du fou » tracée entre Nice et de grandes capitales artistiques internationales, sans se fondre dans le creuset parisien. Trente ans plus tard, à Paris, en 1977, le Centre Pompidou célèbre cette aventure avec l’exposition À propos de Nice, qui retrace l’émulation artistique de 1956 à 1976 sous l’orchestration d’un des instigateurs et agitateurs de cette épopée : Ben (fig. 1). Cette manifestation, réalisée avec Maurice Eschapasse, s’inscrit dans la lignée de nombreux projets organisés depuis 1966 à Lyon, Vence, Nice et en d’autres lieux de la Côte d’Azur sous l’appellation souvent reprise, toujours débattue, d’école de Nice 2. Invité par le directeur, Pontus Hultén, qui l’identifie comme grand témoin, cheville ouvrière et acteur de cette aventure, Ben présente le travail d’une trentaine d’artistes qui ont contribué à l’émergence d’un phénomène niçois. L’exposition positionne symboliquement la scène artistique azuréenne comme un élément moteur de
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l’activité artistique nationale et internationale après le déclin de l’école de Paris 3. Le directeur du Centre Pompidou affirme d’ailleurs en 1977 la nécessité pour le musée national naissant de faire « le bilan d’expériences qui ont eu lieu hors de Paris, afin d’assurer une plus large diffusion à des prises de conscience qui se sont souvent effectuées loin de la capitale 4 ». Si le nouveau réalisme, Fluxus/Art total, Supports/Surfaces, qui constituent la colonne vertébrale de cette « école », ne sont pas des aventures spécifiquement niçoises, ces mouvements phares de la deuxième moitié du XXe siècle ont été largement animés par les artistes originaires de ce territoire ou y résidant et par les expérimentations menées à Nice et dans l’arrière-pays. L’exposition, commissariée par Ben, fait la part belle à ces grands courants tout en intégrant les personnalités inclassables et les jeunes générations d’artistes, soulignant l’effervescence artistique apparue dans un espacetemps donné. Cette sélection de 1977 fait cependant débat, mettant en exergue les controverses, déchirements théoriques, idéologiques et personnels qui agitent artistes et critiques d’art depuis la première apparition de la mention « école de Nice » en 1960 sous la plume de Claude Rivière dans Combat. Ainsi Jean-Jacques Lévêque s’interrogeait-il en 1967 dans Opus International : « la question traditionnelle se pose : Qu’est-ce qu’une École ? Celle de Paris ne fut jamais une unité esthétique, tout au plus une étiquette lâche, facile, pour réunir des personnalités très diversifiées. L’École de Nice n’aurait-elle pas plus d’unité ? Entre Arman et Ben, entre Malaval et P.A. Gette, quel lien peut-on établir ? Tout au plus un refus très tranché de l’art traditionnel (ce qui pour certains est sain et pour d’autres néfaste), et surtout la tentation louable de définir une certaine poétique de ce temps ».
Fig. 1 Vue de l’exposition À propos de Nice, Paris, Centre Pompidou, 31 janvier-11 avril 1977 Courtesy Olivier Garcin, Nice
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FRENCH RIVIERA La baie des Anges est le témoin d’événements précurseurs dans la trajectoire des artistes. C’est sur les plages de Nice qu’Yves Klein rêve de s’approprier l’infini bleu du ciel et de la mer. Assaillie par les estivants, la promenade des Anglais devient aussi le théâtre d’actions liant étroitement l’art à la vie avec les gestes inventés par Ben et ses complices. Au milieu des chaises bleues et du flot des passants, les artistes se retrouvent et refont le monde, détournant les stéréotypes qui incarnent à l’international le glamour de la Côte d’Azur. Arman accumule notamment les jetons des casinos de Nice. Martial Raysse conçoit, avec la Raysse Beach, un environnement citant la panoplie des loisirs balnéaires : baigneuses de magazine, draps de bain et musique yéyé. Les paysages azuréens s’incarnent dans les panneaux découpés de Claude Gilli, qui partage avec Raysse un goût pour les formes stylisées, les couleurs vives et les objets en plastique. Dans ces évocations hédonistes, baigneuses et pin-up témoignent de l’émancipation des corps et relèvent d’une mise en scène d’une société idyllique et édulcorée, animée par les archétypes de la French Riviera.
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« Bien que nous, c’est-à-dire artistes de Nice, soyons toujours en vacances, nous ne sommes pas des touristes. […] Les touristes viennent chez nous pour les vacances, nous, nous vivons sur cette terre de vacances, ce qui nous donne cet esprit de folie. » Yves Klein, 1947, cité in Otto Hahn, « Spécial Midi : l’école de Nice », L’Express, 2-8 août 1965.
Jean Vigo. À propos de Nice. 1930 Photogramme. Film muet, noir et blanc Directeur de la photographie : Boris Kaufman Durée : 23 min. Production : Gaumont
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Agnès Varda. Du côté de la côte. 1958 Photogramme. Moyen métrage documentaire, couleur 35 mm, 1/33. Durée : 24 min Production : Ciné-Tamaris
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« Alors que j’étais étendu sur la plage de Nice, je me mis à éprouver de la haine pour les oiseaux qui volaient de-ci, de-là, dans mon beau ciel bleu sans nuage, parce qu’ils essayaient de faire des trous dans la plus belle et la plus grande de mes œuvres. Il faut détruire les oiseaux jusqu’au dernier. » Yves Klein, Manifeste de l’hôtel Chelsea, New York, 1961, reproduit in Yves Klein, Le Dépassement de la problématique de l’art et autres écrits, Paris, ENSBA, 2003, p. 310.
Yves Klein. Anthropométrie sans titre, (ANT 84). 1960 Pigment pur et résine synthétique sur papier marouflé sur toile 359 × 155 cm ici présenté à la verticale Nice, musée d’Art moderne et d’Art contemporain Achat, avec l’aide du FRAM, en 1988 Inv. : 989.2.1
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« À Nice, le paysage est une peinture vivante. Sous un parasol mauve-vert-orange, il y a une femme avec une serviette blanche à pois rouges. Jamais on ne fera aussi bien. » Martial Raysse, cité in Otto Hahn, « Spécial Midi : l’école de Nice », L’Express, 2-8 août 1965.
Martial Raysse. Soudain l’été dernier. 1963 Peinture acrylique sur toile, photographie, chapeau de paille et serviette éponge 126 × 227 × 58 cm Paris, Centre Pompidou, musée national d’Art moderne – Centre de création industrielle Achat de l’État en 1968, attribution en 1976 Inv. : AM 1976-1010
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« Gilli traite le folklore niçois comme une matière vivante, en constante évolution. […] la plage, le kitsch, la fausse nature tropicale pour touristes, l’évolution des étalages du marché et de la vitrine publicitaire, l’évolution aussi de la croyance populaire et les subtiles altérations morphologiques de ses rites. […] Entre la plage, l’épicerie et le jardin d’enfant, le monde ironique de Gilli nous propose la version “Nice-Congés payés” d’un Disneyland latin au dévergondage tranquille. » Pierre Restany, Claude Gilli. La poésie au ras du sol, Paris, Galilée, 1982, p. 34-35.
Claude Gilli. Les Îles de Lérins. 1965 Bois peint. 50 × 100 × 5 cm Collection particulière Courtesy galerie Loevenbruck, Paris
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La révolte est à Nice : de la peinture décorative à un art d’ambiance Géraldine Gourbe et Florence Ostende Dans un article publié par la revue Combat en 1960 1 qui nomme pour la première fois l’école de Nice, Henri Matisse est décrit aux côtés de Pablo Picasso et de Jean Cocteau comme un digne représentant d'un modernisme renouvelé par des réalisations sacrées sur le territoire de la French Riviera : la chapelle du Rosaire (Matisse), le temple de la Paix (Picasso) et la chapelle Saint-Pierre (Cocteau). Matisse incarnait une figure paternelle de l’ombre qui autorisait l’éclosion d’une « adolescence de l’art actuel 2 », une école de Nice. Cependant, la production des gouaches découpées réalisées in situ dès la fin des années 1940 depuis son atelier-chambre de l’hôtel Régina n’aurait-elle pas davantage influencé les jeunes artistes de la côte ? Éric de Chassey 3 évoque avec minutie l’influence des papiers découpés auprès des artistes de l’expressionisme abstrait principalement. Au regard des nouveaux éclairages apportés par l’exposition Henri Matisse. The Cut-Outs4 ne pourrait-on pas se risquer à évoquer une certaine continuité, du moins un rebond entre un père célébré par l’école de Paris – qui préféra la Côte d’Azur aux salons parisiens –
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et une nouvelle ère niçoise ? Robert Malaval, l’un des artistes les plus iconoclastes de l’école de Nice, en rappelant sa dette envers la peinture décorative de Matisse, nous y encourage : « Être peintre, c’est quoi ? C’est donner aux autres quelque chose à voir, il faut que d’une manière ou d’une autre, ça fasse plaisir. Ça ne veut pas dire qu’il n’y ait que les choses gaies qui font plaisir. La peinture n’a pas uniquement pour but de “s’exprimer” mais de faire un objet concret pour les autres. C’est pourquoi le côté décoratif ne me dérange pas le moins du monde : Léger, Matisse ont été décoratifs. Si un tableau n’est pas du tout décoratif, on ne le regarde pas5. » L’historien de l’art Thomas Golsenne reprend cette famille de peintres, dans laquelle Malaval s’inclut, et ouvre la notion de peinture décorative à l’idée plus contemporaine d’un art d’ambiance, « un art qui améliore le paysage visuel et l’état d’esprit de celui qui le regarde, qui le vivifie6 ». C’est dans ce sens qu’une transmission, en creux, a opéré entre le corps précaire du vieux peintre, entouré de jeunes assistantes – par exemple la charismatique Lydia Delectorskaya –, et les silhouettes fluettes de la jeune génération d’artistes de la Côte d’Azur. « Il se passe quelque chose à Nice. C’est à Nice, Nice respectable, Nice ville de retraités, que de jeunes peintres, de jeunes sculpteurs ont décidé de se révolter. Ramper sous un drap est devenu aussi pour eux une manifestation artistique. Cela peut ressembler à un canular7 » narre le présentateur, avec une voix caractéristique des années de l’ORFT, lors de l’émission de télévision « La révolte est à Nice » en 1965. Si un art impénétrable, parfois évanescent, a émergé à Nice, Marie-Laure de Noailles reprend le journaliste quand il parle d’« acte gratuit ». Il serait, en effet, facile de résumer et réduire ce qui est florissant à un caprice de la jeunesse. La mécène et collectionneuse de Man Ray, Jean Cocteau et Henri Matisse, face caméra, prend le temps d’historiser ce que la télévision voudrait encapsuler sous les facéties fugaces de l’actualité. C’est un travail « qui isole un objet et un fait dans l’espace, qui cadre la réalité en quelque sorte8 » dit-elle. Il fait face poétiquement à l’histoire : la France est alors bouleversée par le rythme effréné des Trente Glorieuses dont les nouveaux HLM et les embouteillages ponctués d’accidents de voiture sont les symboles. De la peinture décorative à un art d’ambiance L’« adolescence de l’art », belle évocation de l’école de Nice, est alors en proie certes à l’ennui mais surtout à l’anxiété dévorante de l’après-guerre. Comment être, vivre, aimer, travailler après la « Libération9 » de la France par les alliés américains ? Ces questions sont au cœur des volutes chorégraphiques émanant des ciseaux matissiens et du recouvrement compulsif, vital des murs de l’hôtel Régina (fig. 1). Entre 1949 et 1954, l’hôtel Régina de Nice était devenu « site et sujet10 » de travail. L’urgence de la guerre et ses actualités avaient poussé l'artiste vers un retranchement sans précédent provoqué par un « choc moral » qui le « détruisait11 ». Sa seule issue était de penser aux prochains projets, avant même d’achever celui qui était en cours. La vélocité d’exécution des papiers découpés allait tout à fait répondre à ce besoin crucial de sublimation. Les auteurs
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MERVEILLEUX MODERNE ? À l’aube des années 1960, sous l’influence du développement touristique international et d’une américanisation de la société française, Nice se tourne vers la jeunesse, l’hédonisme, l’épanouissement d’une consommation de masse. Cette quête perpétuelle de nouveauté et d’abondance va constituer le terreau fertile d’une relation inédite d’appropriation et de subversion du réel par les artistes. « Oui, Nice c’est notre paradis pasteurisé et tranquille. À partir de là un art pouvait s’édifier qui adhérât à cette réalité fabriquée 1 » écrit JeanJacques Lévêque. Face à ce vertige du neuf, du gadget, de l’illusion, les artistes inventent des formes nouvelles. Ils détournent cet univers, comme cette aspiration dérisoire à la possession, sur un mode parodique ou contestataire, le pointent du doigt dans sa fascination pour l’aseptisé, sa quête mortifère d’une éternelle jeunesse. À partir de ce spectacle du quotidien, les artistes produisent une beauté nouvelle, qui se conjugue avec l’excès et le mauvais goût. Ils proposent une sociologie du « merveilleux moderne2 » à travers les accumulations de leurs contemporains, jouent de la répétition jusqu’à saturation, de la prolifération jusqu’à la corruption ou à la dégradation des objets…, et composent une ode débridée à la démesure du culte de la possession et de l’obsolescence programmée. 1. Jean-Jacques Lévêque, « École de Nice » Opus International, avril 1967, n°1. 2. Ibid.
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« Le réel travaille pour moi […]. Il sert de catalyseur pour une osmose du spectateur avec le monde merveilleux de notre vie actuelle. […] Seul le neuf est aseptisé ; l’hygiénique, l’inoxydable. » Martial Raysse, entretien avec Sosno, Sud communications, octobre-novembre 1961, no 4, p. 23.
Martial Raysse. Étalage de Prisunic. Hygiène de la vision no 1. 1960 Assemblage d’objets. 21,6 × 31 × 5,4 cm Bruxelles, collection Fabre
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« Notre réalité a ses beautés spécifiques : les machines à sous, les juke-boxes, les autoroutes (avec ces longues et sinueuses sculptures que sont les échangeurs), les couleurs joyeuses des matières plastiques, les néons, les nickelages étincelants des voitures, que sais-je ? L’École de Nice tend à définir le merveilleux moderne. » Jean-Jacques Lévêque, « École de Nice », Opus International, avril 1967, no 1, p. 99.
Martial Raysse. Bird of Paradise. 1960 Assemblage d’éléments en matière plastique récupérés et métal. 170 × 78,5 × 35 cm Marseille, musée d’Art contemporain [mac]. Achat à l’artiste en 1994. Inv. : C.94.13
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« Pendant longtemps je suis allé dans les supermarchés, cela valait toutes les expositions permanentes d’un musée d’art moderne. Je n’avais pas un sou et c’était merveilleux : des voix annonçaient le prix du beurre mais elles résonnaient à mes oreilles comme des cris de singe – des lianes aux couleurs prodigieuses… la félicité de la jungle, félicité du caramel mou, donc le Nouveau Réalisme était la manifestation d’une société de consommation sur le plan artistique. » Martial Raysse, extrait d’un texte publié in Gregory Battcock (dir.), Minimal Art, a Critical Anthology, New York, E. P. Dutton and Co., 1968, p. 400-401.
Jean-Pierre Mirouze et Martial Raysse. Hygiène de la vision. 1960 Photogramme, Nice Film. Durée : 5 min 14 s
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Enfants terribles : anxiétés niçoises dans la chaleur du moment Julia Robinson
La singularité des déclarations des artistes d’aprèsguerre sur la Côte d’Azur est due en partie aux pressions caractéristiques de la peinture moderne et à celles d’un ego façonné par des forces plus locales et plus « familiales ». Afin d’en saisir toute l’importance, il est nécessaire d’appréhender la contribution des artistes niçois en tant que pratique artistique internationale, c’est-à-dire d’aller au-delà de la simple notion d’héritage. En témoignent les incursions de plusieurs d’entre eux sur la scène américaine. Sans s’égarer en généralités, il est possible d’identifier au sein du cercle niçois différentes stratégies de provocation qui lui permirent de formuler sa propre conscience artistique et qui donnèrent naissance à de remarquables innovations. Par souci de concision, cet essai fera l’impasse sur l’eldorado de l’exhaustivité historique afin de privilégier une approche davantage anecdotique, avec quelques détails moins connus de l’histoire. Les vagues successives d’artistes niçois reconnurent très tôt la nécessité de faire passer un « message fort » et de se regrouper sous un nom commun afin de se faire une place dans le monde de l’art, que ce soit par
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l’identification en tant qu’« école », pour éclipser l’autorité imparfaite d’un groupe préexistant (telle l’école de Nice qui évinça l’école de Paris, ou bien de la façon dont cette première le fut plus radicalement encore par la « Non-École de Villefranche »), ou encore par l'inscription dans de nouveaux courants comme le nouveau réalisme, Fluxus et Supports/Surfaces. Toutefois, ce n’est pas la proportion de Niçois appartenant à ces groupes qui nous intéresse ici. Les contributions formatrices de ces artistes et le rôle central de leur consécration à des moments clés de leurs œuvres revêtent une importance beaucoup plus significative. Le lecteur remarquera que les termes communément attribués à l’art américain de la même période sont ici absents : pop art, minimalisme, art conceptuel. Si le pop art allait devenir le contre-modèle du nouveau réalisme et de Fluxus pour des artistes tels qu’Arman et Ben, ce mouvement fut adopté par plusieurs de leurs pairs, dont Martial Raysse et Claude Gilli. Mais la fièvre pop finit par diminuer au cours des années 1960, avec le développement de l’art minimal/ postminimal et de l’art conceptuel (ces catégories n’étaient alors pas clairement définies, même aux États-Unis) et l’émergence d’artistes tels que Bernar Venet quand il réalisa qu’il pouvait se frayer son propre chemin au travers de multiples perspectives.
Fig. 1 Ben, écriteau « Terrain vague », de la série Terrains vagues , 1961, 40 × 60 cm
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LA QUÊTE D’ABSOLU/ L’INVENTION DE GESTES « Face à cette mer imbécile où se consument les vieillards de la France et de l’art 1 », trois jeunes hommes, à l’aube de leur pratique artistique, se partagent le monde. Ce récit originel et mythique offre un horizon d’ambition, témoigne d’une recherche d’absolu à la fois désinvolte et avide de conquêtes. Au cœur d’une cité encore tiraillée entre conservatisme et modernisme, éloignée des circuits parisiens, il inaugure une série de gestes radicaux à venir ainsi qu’une pratique artistique fondée sur une forme de performativité et une quête de démesure. Yves Klein mettra en scène son Saut dans le vide dans la banlieue parisienne, Bernar Venet composera sa propre « chute » dans un tas de détritus lors de son service militaire à Tarascon, Ben lancera Dieu à la mer sur le port de Nice. Ces gestes dessinent un esprit de recherche, entre trivialité, irrévérence et volonté de toute-puissance, qui n’exclut pas un goût pour l’humour potache et la compétition. Certains gestes peuvent se lire comme une parodie de l’abstraction lyrique encore dominante, une critique en actes de la société ; d’autres expérimentent une approche analytique et matériologique ou tentent de capter les « états-moments » de l’être et du monde. De l’empreinte d’objets ordinaires ou d’éléments de la nature à l’épreuve du feu, en passant par la propension à la déconstruction, ces gestes offrent-ils une manière de relier le caractère transitoire de la vie au désir d’éternité de l’art ? 1. Claude Pascal, in À propos de Nice, cat. exp. (Paris, Centre Pompidou, 31 janvier-11 avril 1977), Paris, Centre Pompidou, 1977, p.12.
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« Aujourd’hui le peintre de l’espace doit aller effectivement dans l’espace pour peindre, mais il doit y aller sans trucs, ni supercheries, ni non plus en avion, ni en parachute ou en fusée : il doit y aller par lui-même, avec une force individuelle autonome, en un mot, il doit être capable de léviter. » Yves Klein, Dimanche, 27 novembre. Le journal d’un seul jour, Paris, 1960.
Yves Klein. Le Saut dans le vide. 1960 5, rue Gentil-Bernard, Fontenay-aux-Roses
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« Mon art sera un art d’appropriation. Je cherche systématiquement à signer tout ce qui ne l’a pas été. Je crois que l’art est dans l’intention et qu’il suffit de signer. Je signe donc : les trous, les boîtes mystères, les coups de pieds, Dieu, les poules, etc. Je vais être très jaloux de Manzoni qui signe la merde et qui me volera l’idée des sculptures vivantes. » Ben, in Ben, pour ou contre une rétrospective, cat. exp. (Marseille, musée d’Art contemporain – galeries contemporaines des musées de Marseille, 14 juillet-1er octobre 1995), Marseille, musées de Marseille, Paris, RMN, 1995, p. 14.
Ben. Jeter Dieu à la mer. 1962. Nice, port Courtesy de l’artiste, Nice
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« Au début 1964, avec Ben et d’autres, je réalise deux concerts Fluxus à Nice puis tous les deux nous montons à Paris pour le Festival de la Libre Expression qu’organisait JeanJacques Lebel, concert Fluxus dans lequel je joue à la roulette russe avec un vrai revolver et une vraie balle. Deux amis, Robert Bozzi et Una Lintkus voulaient m’empêcher de le faire et j’ai été obligé de leur dire que le revolver ne serait pas chargé. D’où le bruit qui courut comme quoi le revolver n’était pas chargé. Il l’était, et Robert Filliou, qui devint un de mes amis les plus chers, en a toujours témoigné, parce qu’il m’avait vu tout de suite après ma performance. » Serge III, « Autobiographie », 1984, in École de Nice. Serge III, Nice, ACME, Z’Éditions, 1988, p. 20.
Serge III Grand Festival de roulette russe. Solo pour la mort 1964 Paris, Festival de la Libre Expression Courtesy Alain Amiel, Nice
Serge III. Grand Festival de roulette russe. Solo pour la mort. 1964 Paris, Festival de la Libre Expression Courtesy Alain Amiel, Nice
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« Je les [les objets] employais comme des pinceaux dans les allures, je les avais là, sous la main, et avec ce que je savais de l’histoire de l’art et du surréalisme, je ne pouvais pas ne pas être impressionné par les objets. Dans les allures, il y avait l’idée de la trace, de la marque, de l’instantané, du déroulement plus que de l’empreinte. » Arman, in Arman. La parade des objets. Rétrospective, 1950-1983, cat. exp. (Antibes, musée Picasso), cité in Denyse Durand-Ruel, Arman, catalogue raisonné III (1963, 1964, 1965), Paris, La Différence, 1994, p. 158.
Arman. Allure aux bretelles. 1959 Encre de Chine sur papier marouflé sur toile. 150 × 204 cm Nice, musée d’Art moderne et d’Art contemporain Don de l’artiste en 1988. Inv. : 988.18.1
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L’école de Nice contre les géographies admises Béatrice Joyeux-Prunel
En 1977, pour la couverture du catalogue de l’exposition À propos de Nice au Centre Pompidou, Ben choisit une carte de Nice et ses environs. Son écriture appliquée indique les lieux à son avis les plus actifs dans l’effervescence niçoise depuis les années 1950. Des Arts décoratifs, via La Cédille qui Sourit (boutique ouverte par George Brecht et Robert Filliou à Villefranche-sur-Mer en octobre 1965), à l’espace d’expositions imaginé par Ben à SaintPancrace en 1973, Chez Malabar et Cunégonde, quelques dates historicisent le propos : les plus anciennes parlent des « fondateurs » de l’école de Nice, Arman (1956), Klein (1958) et Raysse (1958), tandis que la plus récente sous-entend qu’en 1976 tout se passe aux Arts déco de Nice, installés depuis 1970 dans la Villa Arson. On peut reconstituer une géographie moins simpliste de l’activité artistique niçoise 1. Pourtant, confrontée à nos cartes d’historiens, la carte de Ben a encore des choses à dire. Nice et ses faubourgs Ben exprime bien la configuration diffuse de l’art à Nice : aucun réel foyer ne se dégage. De fait, ce que l’on dissocie traditionnellement – marché d’un côté (les galeries), institutions de l’autre (écoles d’art, musées municipaux et fondations privées) et, plus à part encore, l’espace social des artistes (ateliers, bars, restaurants, théâtres) – fonctionne en synergie, à l’échelle locale.
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Nos cartes disent moins bien que celle de Ben le turn-over des espaces temporaires gérés par les artistes 2. La géographie des performances témoigne d’une même effervescence. La sociabilité artistique cherche la rencontre directe du public. On performe beaucoup dans les galeries, les bars, parfois chez des éditeurs, au café-théâtre (dans les années 1960 au Provence, avenue Félix-Faure, en particulier pour le Festival Fluxus de 1963) ; on donne aussi des concerts au théâtre L’Artistique (1964-1966), boulevard Dubouchage ; on performe au théâtre de Nice après 1970 ; les performances ont lieu aussi et surtout dans la rue, sur le port et la promenade des Anglais. La sociabilité amicale, plus privée, est plus décentrée. Dans les années 1960, on se retrouve chez Arman et Éliane Radigue, avenue de la Lanterne. À mesure qu’on est motorisé, on peut s’éloigner de Nice et se rendre d’abord Chez Malabar et Cunégonde (dans la maison de Ben), route de Saint-Pancrace, puis jusque chez Arman à Vence ou à Saint-Jeannet chez le cinéaste Bob Guiny. Du national à l’international La carte de Ben, si elle suggère l’intensité et la densité des échanges dans une géographie restreinte, omet cependant les échelles mondiale et nationale. Or, l’histoire de l’école de Nice se fait en parallèle, dès la fin des années 1950, du bouleversement de la géopolitique mondiale des arts et des hiérarchies internes à la scène française traditionnellement centrée sur Paris. L’école de Nice bénéficie d’abord de la reconnaissance internationale et nationale de ses trois prétendus fondateurs, Klein, Arman et Raysse, dont les carrières se sont mondialisées depuis 1959. La confirmation de la chute symbolique de Paris en 1964, lors de l’attribution à Robert Rauschenberg, un artiste des États-Unis, du grand prix de peinture de la Biennale de Venise, favorise encore plus la cité. Le vocable « école de Nice » se forge par opposition à l’appellation « école de Paris ». Déjà le nouveau réalisme, où les Niçois ont pleine place, était une réaction contre la marchandisation très parisienne de la peinture abstraite des années 1950. Après 1960, on va plus loin : c’est la préséance accordée à la scène parisienne dans la construction des carrières qui est remise en question. Nice profite d’abord du vide créé par la crise du marché de l’art à Paris après 1962, puis de la réorientation de nombreux artistes européens vers New York après 1963 : Klein, Arman, et Raysse exposent chez Alexandre Iolas, Leo Castelli et Sidney Janis, à New York, où ils fréquentent le Chelsea Hotel ; ils voyagent plus que les autres, dès l’apparition des vols transatlantiques, et exposent du Japon à la Californie, en passant par l’Allemagne. Nice profite enfin de la démoralisation suscitée par la Biennale de Venise de 1964. Le critique Pierre Restany note le changement en 1966 : « faire carrière à Paris sans y vivre 3 » est possible désormais – et, surtout, faire carrière internationale. C’est de Nice que part cette possibilité. Le rôle de son aéroport augmente l’attractivité d’une scène artistique locale dynamique. Les camarades Fluxus ne viennent pas qu’en voiture, en effet 4.
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La vie autrement Éric Mangion « J’ai vécu à Nice entre 1951 et 1962. Je travaillais dans une usine et je m’ennuyais beaucoup. J’avais sympathisé avec Arman et Malaval que j’avais rencontrés dans une librairie. On se voyait régulièrement. On essayait de passer le temps comme on pouvait. Un jour de 1959 je décidai de visiter le musée Chéret en patins à roulettes. Mais comme il n’y avait jamais de gardiens ni de visiteurs, personne n’y a fait attention 1. » C’est ainsi que Paul-Armand Gette raconte une action qui pour lui n’en était pas vraiment une. « Ce n’était pas une performance, c’était une farce. » Seize ans plus tard, en 1975, Olivier Garcin et ses camarades du Garage 103 se retrouvent sur la promenade des Anglais. « Nous sommes descendus sur la plage, les uns portant des fusées et des fumigènes, un autre un seau contenant un mélange de désherbant et de sucre, d’autres des allumettes et un appareil photo. Un grand Garage 103 en lettres cursives a été dessiné sur le sol avec un mélange inflammable. Nous avons allumé une extrémité du texte qui s’est aussitôt évaporée comme une traînée de poudre, produisant un gros nuage de fumée. Nous allions d’un feu à l’autre, successivement ; nous saluions les passants. Lorsque les feux se sont éteints, nous sommes partis. Le mot Garage 103 est resté écrit là durant plusieurs semaines, jusqu’à ce que la mer l’efface. Rien ne se passait, il fallait faire quelque chose pour que ça change, alors nous avons fait un feu d’artifice en plein jour. » Quoi de plus banal, au fond, que de tuer l’ennui par des gestes simples, seul ou entre copains ? S’amuser, passer le temps. Sauf que ces deux petites histoires, a priori insignifiantes, ne viennent pas du hasard. Elles appartiennent à un récit plus long, plus complexe, celui de la performance sur la Côte d’Azur. La performance se caractérise par l’art du geste, ou de l’action, accompli en public (du moins dans les conditions d’un rapport avec le public) par un artiste ou par un tiers à un moment donné, en une temporalité unique (même si elle peut être parfois répétée). Il s’agit de déstabiliser les conventions esthétiques, notamment en décloisonnant les genres (arts plastiques, musique, théâtre, danse, poésie, cinéma…), tout en mêlant cultures savantes et populaires. Elle s’affranchit également des espaces traditionnels du spectacle en inventant de nouvelles topographies de la
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représentation. La performance est donc l’art de la limite : la limite du corps bien sûr, mais aussi des genres, des formes, des espaces et de la pensée. Néanmoins, toutes les définitions ne suffiront pas pour exprimer le lien extrêmement fort que la performance entretient avec la société de son temps. Car l’art-action s’inscrit avant tout dans une dialectique d’attitudes et de comportements, donc dans une logique anthropologique, axée sur l’étude de l’être humain sous tous ses aspects, à la fois physiques (anatomiques, morphologiques, physiologiques, etc.) et culturels (religieux, psychologiques, géographiques, etc.). Une gamme d’actions étonnantes L’histoire de la performance sur la Côte d’Azur est surtout connue au travers de Fluxus et du nouveau réalisme. Ben développe le Théâtre total 2 avec notamment des actions qui feront date, comme Personne, organisé le 16 juin 1966 au théâtre L’Artistique, un spectacle où aucun public n’est admis dans la salle. De 21 h 30 à 22 h 30, les acteurs sont sur la scène face aux fauteuils vides. À la tombée du rideau, ils rejoignent les spectateurs dans le hall d’accueil. Le dernier Festival Fluxus en Europe se tient à Nice avec George Maciunas en juillet 1963. Et il ne faut pas oublier, bien sûr, la présence de George Brecht et de Robert Filliou à La Cédille qui Sourit, à Villefranche-sur-Mer, entre 1965 et 1968. Ce lieu hors norme ne sera pas un épicentre de la performance, mais il marque profondément les esprits par l’attitude totalement alternative de ses animateurs qui préfèrent se balader ou refaire le monde avec des amis plutôt que gérer une galerie. On connaît par ailleurs l’ancrage historique des nouveaux réalistes dans la Côte d’Azur. Leurs actions ne furent pas nombreuses, mais elles sont également entrées dans la légende, comme ce festival produit le 17 juillet 1961 à l’abbaye de Roseland, à Nice, au cours duquel Niki de Saint Phalle active ses Tableaux-Surprises. Pierre Restany écrit : « On présente une carabine au spectateur, et on lui demande de tirer où bon lui semble, en n’importe quel point de ces reliefs-cibles […]. Les coulées linéaires évoquent immédiatement les éclaboussures caractéristiques de l’action-painting. Du dripping au revolver : le geste de Niki constituait la plus définitive satire, la plus irrévocable parodie du style américain […], un témoignage supplémentaire de la mort de l’art 3. » Les faits ne se résument toutefois pas à ces deux mouvements. En fait, sur son seul territoire, la Côte d’Azur reflète toutes les formes d’action que l’on retrouve de manière diversifiée sur un plan international, ce qui en fait un laboratoire idéal pour l’étude de ce médium : du happening, qui érige des formes collectives et participatives, à l’event Fluxus construit sur des gestes simples, au body art dans lequel le corps devient objet et sujet, à la poésie sonore, à l’action de rue et même à l’agit-prop. La morphogénèse des actions est donc très variable et, la plupart du temps, dénuée de toute filiation. Il y a ceux comme Georges Mucciarelli et Bernard Tréal qui, en 1977, escaladent trois jours durant les murs d’une galerie (fig. 2).
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Fig. 4 Michel Journiac, carton d’invitation « Contrat pour un corps », Saint-Jeannet, galerie Space 640, 1973 Courtesy Jean Ferrero, Nice
Fig. 5 Dan Azoulay, Flash psychogéographique. Maison Rococo, 1974 Courtesy Hélios Azoulay
Fig. 6 Noël Dolla, Restructuration spatiale no 3, février 1970, cime de l’Authion, sel et pigments, trois cercles de 30 m de diamètre Courtesy de l’artiste, Nice
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ART DE GESTES ET D’ATTITUDES
En 1963, Ben invite à Nice George Maciunas, initiateur du mouvement Fluxus, favorisant l’émergence d’un art d’attitudes unique en France. Des pièces de Robert Watts, de La Monte YoungBrecht, ou de George Brecht sontconceptuel, rejouées dans la L’Américain George précurseur de l’art et le ville, àRobert côté d’actions inventées par les artistes niçois. Cette à Français Filliou, génie de l’ordinaire, décident de s’installer même année, Ben près et ses Robert Villefranche-sur-Mer, decomplices, Nice, pourAnnie ouvrirBaricalla, une non-boutiqueBozzi,un Robert Érébo, Dany Gobert et Pierre permanente Pontani, fondent le sous librairie, « Centre international de création » placé Théâtre total. Une: La spécificité s’affirme l’art se fait désormais le signe de l’humour Cédille qui Sourit.: De septembre 1965 à mars dans la rue et dans les cafés, en interaction avec un public 1968, bijoux, multiples, éditions et œuvres originales y sont exposés sans pris à partie. Le théâtre L’Artistique également un lieuparfois hiérarchie. Les activités de La Cédille quiest Sourit se déroulent delecréation actions épiques de Serge III sur la dans local duincontournable. 12, rue de May, «Les toujours fermé, n’ouvrant que (faire de jouer àdans la roulette russe) demande desl’auto-stop visiteurs »,avec maisun lepiano, plus souvent les rues et les bars de et de Pierre Pinoncelli (Attentat contre Malraux ou Nice-Pékin la vieille ville ; Robert Filliou les résume ainsi : « Nous avons joué à des à bicyclette) participentdes de objets, cette tentative de relier la jeux, inventé et désinventé correspondu avecl’art les et humbles et vie, l’art et le non-art. Théâtre d’infractions permanentes 1 les puissants, bu et parlé avec les voisins . » Annonciatrice des formes dans le d’un art gestes ettraversent d’attitudes oscillant critiques deréel, présence au de monde qui une partie entre des le quotidien,culturels l’absurde,occidentaux la poésie et autour la provocation, NiceLa devient mouvements de Mai 1968, Cédille qui alors l’une des scènes privilégiées de l’art total en France. Sourit est une tentative de rapprochement de l’art et de la vie dans un petit village de la Côte d’Azur, dont l’histoire hante la création artistique contemporaine internationale. 1. Robert Filliou, Teaching and Learning as Performing Arts, Cologne, New York, Verlag Kasper König 1970.
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« À partir de 59/60, mon magasin devient un lieu de rencontre pour tous les jeunes qui font du nouveau. » Ben, in Ben, pour ou contre une rétrospective, cat. exp. (Marseille, musée d’Art contemporain – galeries contemporaines des musées de Marseille, 14 juillet-1er octobre 1995), Marseille, musées de Marseille, Paris, RMN, 1995, p. 14.
Laboratoire 32/galerie Ben doute de tout, magasin de Ben. 1958-1973 Nice, 32, rue Tondut-de-l’Escarène Courtesy de l'artiste, Nice
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Je sors du trou. 1958 Affiche du magasin de Ben, impression sur papier, 33 × 65 cm Nice, collection Marcel Alocco
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« De 1963 à 1965, pièces de rue sur la Promenade des Anglais, avec Ben, Robert Bozzi, Robert Érébo. On jouait surtout les compositions Fluxus de Brecht, Robert Watts et George Maciunas, ainsi que des créations personnelles. On avait surtout peur de se faire ramasser par les flics. » Ben, in À propos de Nice, cat. exp. (Paris, Centre Pompidou, 31 janvier-11 avril 1977), Paris, Centre Pompidou, 1977, p. 17.
Ben. Regardez-moi cela suffit. 1962 Nice, promenade des Anglais Courtesy de l’artiste, Nice
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Affiche anonçant le Festival Fluxus mondial et Art total. 25 juillet-3 août 1963 Nice Impression sur papier, 30 × 46,5 cm Nice, collection Marcel Alocco
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« George Maciunas vient à Nice réaliser un concert Fluxus. Je désire louer le Casino mais étant donné que j’ai fait courir le bruit d’un dynamitage de piano qui aurait lieu sur scène, la direction refuse à la dernière minute de louer la salle. Alors le concert aura lieu à l’hôtel Scribe. Après cette soirée, avec mes amis nous décidons de fonder le Théâtre Total. » Ben, in Ben, pour ou contre une rétrospective, cat. exp. (Marseille, musée d’Art contemporain – galeries contemporaines des musées de Marseille, 14 juillet-1er octobre 1995), Marseille, musées de Marseille, Paris, RMN, 1995, p. 14-15.
George Maciunas, Robert Bozzi et Ben. Concert Fluxus. 26 juillet 1963 Nice, Festival mondial Fluxus et Art total, terrasse du Provence Courtesy Ben, Nice
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« 1964/1965. Ce sont les années de théâtre pour moi et la troupe de Théâtre Total, Pontani, Bozzi, Annie, Dany Gobert, etc. La troupe louait les salles pour soi-disant jouer du Molière. En réalité, nous cassions des pianos et remplissions la salle de papier. Après le spectacle, le problème essentiel était de nettoyer pour que le directeur ne s’aperçoive de rien le lendemain matin. La pièce qui a le plus de succès, c’est toujours Violon Solo de Nam June Paik, et Paper Piece de Ben Patterson. Je crée un Concerto de piano pour Rachmaninoff lors duquel le pianiste s’enfuit et tout l’orchestre lui court après pour le ramener au piano. » Ben, in Ben, pour ou contre une rétrospective, cat. exp. (Marseille, musée d’Art contemporain – galeries contemporaines des musées de Marseille, 14 juillet-1er octobre 1995), Marseille, musées de Marseille, Paris, RMN, 1995, p. 15.
Les Sept Jours de la recherche ou les Sept Jours de la création. 31 octobre-7 novembre 1964 Soirée de performances organisée par le Théâtre total au Buffet de la gare et au théâtre L’Artistique, à Nice (ici au Buffet de la gare), et chez les chiffonniers d’Emmaüs de l’abbé Pierre, à Saint-André Ben, Robert Bozzi, Robert Érébo, Dany Gobert, Serge III, Pierre Pontani et Annie Vautier Courtesy Ben, Nice
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Une introduction à l’histoire de La Cédille qui Sourit Éric De Backer
« Il m’est impossible de penser politiquement 1. » George Brecht « L’artiste se doit d’être aussi ordinaire que l’être le plus ordinaire, mais davantage 2. » Robert Filliou
La Cédille qui Sourit est le nom de la librairieboutique créée par les artistes George Brecht et Robert Filliou, avec leurs compagnes Donna Brewer et Marianne Staffeldt. Elle est installée au 12, rue de May à Villefranche-sur-Mer, près de Nice, d'octobre 1965 à mars 1968. Ingénieur chimiste de profession, George Brecht s’engage au milieu des années 1950 dans une recherche artistique qui trouve son plein développement après sa rencontre avec John Cage. Dès lors, Brecht se propose de mettre en évidence des expériences temporelles à la limite du quotidien et de l’esthétique, de rendre perceptible ce qui advient, que cela prenne la forme d’événements ou d’objets (qui sont autant d’actes en puissance). George Brecht quitte les États-Unis pour l’Europe au printemps 1965, un départ étrange qui s’avérera définitif. Né dans un petit village du sud de la France, Robert Filliou étudie l’économie aux États-Unis, séjourne en Asie et en Europe puis s’installe à Paris où il réalise des œuvres à l’interface du visuel et du textuel,
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Fig. 1 et 2 George Brecht et Robert Filliou, Games at the Cedilla, or the Cedilla Takes off, 20,5 × 14,5 cm, New York, Something Else Press, 1967, n. p. Vence, collection particulière
expérimente différents matériaux, multiplie les performances et les lectures et tente de nouveaux modes de diffusion de ses créations. Influencé comme George Brecht par la pensée orientale mais sur fond de questionnement éthique, Robert Filliou est un intellectuel attentif aux controverses de son temps. Les deux artistes s’étaient identifiés (et reconnus par dédicaces réciproques placées en tête de leurs publications) bien avant leur rencontre en janvier 1965 à New York. C’est à l’occasion de retrouvailles en juillet de la même année, à Rome où Brecht s’était installé, que décision est prise d’ouvrir une boutique et de la nommer La Cédille qui Sourit. Robert, Marianne et leur fille Marcelline vont s’établir à Villefranche-sur-Mer dès l’été 1965, bientôt rejoints par George et Donna. Pendant deux années et demie, La Cédille qui Sourit sera tour à tour ou simultanément une librairieboutique, un atelier, une galerie, un lieu de rencontre d’artistes et d’échanges d’idées, le tout condensé dans la formule de Filliou : « Centre international de création
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LA CÉDILLE QUI SOURIT L’Américain George Brecht, précurseur de l’art conceptuel, et le Français Robert Filliou, génie de l’ordinaire, décident de s’installer à Villefranche-sur-Mer, près de Nice, pour ouvrir une non-boutique-librairie, un « Centre international de création permanente » placé sous le signe de l’humour : La Cédille qui Sourit. D'octobre 1965 à mars 1968, bijoux, multiples, éditions et œuvres originales y sont exposés sans hiérarchie. Les activités de La Cédille qui Sourit se déroulent parfois dans le local du 12, rue de May, « toujours fermé, n’ouvrant que sur la demande des visiteurs », mais le plus souvent dans les rues et les bars de la vieille ville ; Robert Filliou les résume ainsi : « Nous avons joué à des jeux, inventé et désinventé des objets, correspondu avec les humbles et les puissants, bu et parlé avec les voisins 1. » Annonciatrice des formes critiques de présence au monde qui traversent une partie des mouvements culturels occidentaux autour de Mai 1968, La Cédille qui Sourit est une tentative de rapprochementde l’art et de la vie dans un petit village de la Côte d’Azur, dont l’histoire hante la création artistique contemporaine internationale. 1. Robert Filliou, Teaching and Learning as Performing Arts, Cologne, New York, Verlag Kasper König, 1970.
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« George Brecht et moi, nous sommes connus aux États-Unis, puis retrouvés à Rome. Nous souhaitions créer “une ville libre des arts”, un centre de recherche, d’idées. Une connaissance commune nous indiqua Villefranche. […] Nous voudrions maintenant permettre à certaines personnes qui le désirent de recevoir comme étrennes des œuvres d’art. Il est très difficile d’offrir ses œuvres, divers facteurs entrant en ligne de compte, mais nous aimerions, George et moi, convaincre nos camarades artistes pour que de tels échanges soient possibles. » Robert Filliou, cité in Henry Durand, « Vers Villefranche des arts », L’Espoir – Nice-Matin, 29 octobre 1966, p. 5.
Affiche Fluxus/La Cédille qui Sourit/Art Total/Poésie Action. 1967 Version composée par Paul-Armand Gette et reproduite in Games at the Cedilla, or the Cedilla Takes Off, New York, Something Else Press, 1967, n. p. Impression sur papier, 40 × 30 cm Nice, collection Marcel Alocco
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Tampon « La Cédille qui Sourit » Reproduit in Games at the Cedilla, or the Cedilla Takes off, New York, Something Else Press, 1967, n. p.
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« Nous avons joué à des jeux, inventé et désinventé des objets, correspondu avec les humbles et les puissants, bu et parlé avec les voisins, fabriqué et vendu des poèmes à suspense et des rébus, commencé une anthologie des malentendus et une anthologie des blagues, et fait quelques films de tout cela en même temps que nos scénarios d’une minute. » Robert Filliou, Teaching and Learning as Performing Arts, Cologne, New York, Verlag Kasper König, 1970, p. 198.
Robert Filliou. Ample Food for Stupid Thought. 1965 Jaquette. Reliure à la Bradel en toile verte. 18,3 × 13,2 cm Édition Something Else Press, New York, Cologne, Paris Saint-Yrieix-la-Perche, Centre des livres d’artistes (CDLA). Inv. : 211 02
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La peinture en vacances Anna Dezeuze
« Existe-t-il un dénominateur commun, un ton, une qualité propre aux artistes niçois ou à certains d’entre eux ? » demande-t-on en 1980 à Arman, qui répond simplement : « Le pan-bagnat sur la plage 1. » Dans l’histoire de l’école de Nice, ce sont sans doute les artistes Fluxus tels que Ben Vautier à Nice et, surtout, George Brecht et Robert Filliou, avec leur Cédille qui Sourit à Villefranche-sur-Mer, qui se sont attachés le plus consciemment à explorer un « art d’attitudes 2 », qui pourrait concevoir l’acte de manger un sandwich sur la plage comme une œuvre d’art à part entière. Mais la définition d’Arman n’en mérite pas moins d’être mise en regard d’autres pratiques de l’école de Nice, y compris celles qui ont cherché à redéfinir la peinture tout au long des années 1960 et 1970. Car n’est-ce pas allongé sur la plage avec Arman qu’Yves Klein aurait, selon la légende, inventé le monochrome ? En proclamant que les artistes de l’école de Nice sont « toujours […] en vacances 3 », Klein établissait d’ores et déjà une triangulation fondatrice entre le rejet du travail, le désir de s'amuser, et une redéfinition de l’art 4. Cette combinaison explique sans doute les remarquables coïncidences et convergences, au sein de l’école de Nice, entre divers médiums et tendances artistiques, à travers un riche inventaire de gestes qui ont permis aux artistes d’effacer cette « subjectivité de la main » traditionnellement associée au travail du peintre 4. Pour pouvoir aller manger leur pan-bagnat sur la plage, les peintres de la Côte d’Azur ont eu tendance à laisser les pinceaux à l’atelier et à se rapprocher tantôt de l’assemblage ou du ready-made, tantôt de la performance ou de l’intervention in situ. C’est dans ce contexte qu’il convient de situer les expositions en plein air des artistes du groupe Supports/ Surfaces dans le sud de la France en 1969 et 1970, en particulier la manifestation organisée par Jacques Lepage dans le village de Coaraze du 21 au 27 juillet 1969, et la série de présentations, connue sous le titre Intérieur/Extérieur, coordonnée par Lepage et Claude
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Viallat de juin à août l’été suivant, dans douze lieux différents entre Perpignan et Nice 5. Plutôt qu’une opposition entre art et anti-art (peinture ou panbagnat), ces expositions nous offrent l’occasion d’analyser plus précisément certaines formes et certains enjeux d’une peinture en vacances qui serait parvenue à conjuguer, selon la formule d’Éric de Chassey, « objectivité et plaisir 6 ». L’« impersonnalisation » de la peinture que recherchait Yves Klein s’est retrouvée déclinée de nouvelles manières par les artistes de Supports/ Surfaces dans leur déconstruction des éléments constitutifs de la peinture – tels que le châssis, la toile, la couleur ou la touche 7. Les gestes de ces artistes visaient à contrer l’expressivité de l’abstraction lyrique, sans pour autant subordonner leurs questionnements picturaux à la logique du ready-made comme l’avaient fait les nouveaux réalistes avant eux. Si ce que Lepage appelle la « réintroduction » d’œuvres d’art « dans le quotidien8 » du village de Coaraze pendant l’été 1969 peut se lire comme une extension logique de ces opérations d’« impersonnalisation », c’est parce qu’avec le quotidien surgit, selon Maurice Blanchot, la « force corrosive de l’anonymat 9 ». Indifférent, inaperçu, insignifiant : le quotidien possède pour Blanchot une « puissance de dissolution ». De la même façon, selon Lepage, les œuvres des artistes à Coaraze, une fois « [s] orties du mur, de la salle, du socle, du piédestal », se trouvaient exposées au « vent, à la pluie, aux orages, à la merci du vol et de l’accident 10 ». Dans une photographie des marches de l’église de Coaraze, il est difficile de distinguer un « arrangement » de branches d’olivier et de briques de Bernard Pagès d’un tas de pierres sommairement poussées contre un mur (fig. 1). Dans le film de cette manifestation réalisé par André Valensi, on observe les toiles libres de Claude Viallat et de Patrick Saytour voler dans la brise, telles des décorations de rues et de façades. La « disparition » du tableau chez Viallat annoncée par Marcelin Pleynet l’année précédente prend ici une tournure festive 11 (fig. 2). De même, l’Extensible passé au bitume et à l’acide de Daniel Dezeuze est suspendu dans un état incertain entre châssis et outil de jardinage, entre peinture et banderole. Pour Lepage, poète et critique qui orchestre un grand nombre de manifestations importantes pour l’histoire de l’école de Nice, une exposition en plein air à Coaraze se présente comme une libération « des scléroses qui frappent l’art d’appartement 12 ». Après l’organisation d’une exposition en plein air en 1968, avec deux cents artistes invités à Anfo, un village italien de cinq cents habitants, il célèbre aussi la possibilité de créer « une communauté qui vit, vibre à d’autres intérêts que le profit 13 ». De plus, il est particulièrement sensible, comme il l’explique en 1970, à cet art dans la rue qui « cesse d’être une fin en soi, devient précaire, instable, s’altère, qui peut tenir de la fête foraine, d’un mouvement d’électrons, d’un jeu d’optique 14 ». Le statut précaire des œuvres d’art à la merci de la « force corrosive » du quotidien sera encore plus marqué dans les expositions en plein air de Viallat, Saytour,
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SUPPORTS/SURFACES ET LE GROUPE 70 Considéré comme la dernière aventure de l’avant-garde en France, Supports/Surfaces connaît une existence fulgurante (1970-1972) durant laquelle la région niçoise devient le terrain d’importantes expérimentations. Face aux remises en cause prônées par l’art d’appropriation ou l’art d’attitudes, les artistes du mouvement affirment que peindre est encore possible et amorcent une refonte des fondamentaux de l’art. Les outils traditionnels sont remplacés par des matériaux bruts. La toile tendue sur châssis laisse place aux toiles libres et aux tissus ordinaires. L’accent est mis sur le processus et l’interaction entre un geste et un support. Prolongeant cette critique en actes, la présentation des œuvres est remise en jeu par un accrochage non conventionnel. Les projets menés en plein air dans les rues du village de Coaraze à l’été 1969, sous l’impulsion de Jacques Lepage, puis sur la côte méditerranéenne à l’été 1970 constituent des moments importants d’expérimentation et d’interaction avec le public, faisant la part belle au caractère nomade et expérimental des œuvres de Supports/Surfaces. De 1971 à 1973, de jeunes artistes rassemblés sous le nom de Groupe 70, poursuivent une exploration analytique et matérielle de la peinture et renouvellent la recherche autour de la toile libre.
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« En extérieur les composants du “tableau” deviennent mise en scène de l’espace naturel ou mise en scène du “vide” que le “spectateur” seul peut habiter et construire, et où il joue sa propre image et son propre spectacle supprimant toute illusion ou semblant. La peinture n’est plus alors “mise en scène” par le “tableau” mais devient cet espace où la scène se vit avec toute la fragilité et la rapidité du temps qui passe, non figée dans un spectaculaire définitif. » Claude Viallat, in Viallat, cat. exp. (Paris, Centre Pompidou, 24 juin-20 septembre 1982), Paris, Centre Pompidou, 1982, p. 55.
Patrick Saytour, toiles libres, église de Coaraze, 21-27 juillet 1969 Photo Studio Ferrero Courtesy Bernard Pagès, La Pointe de Contes
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« Réaliser quelque chose par moi-même, fût-ce en planches, restait dans l’exceptionnel, le rare, alors que je voulais – et je dois reconnaître que c’était un peu militant – que mon travail puisse être fait par tout le monde. C’est pourquoi je restais dans ma pratique anonyme, sans intervention de ma part. » Bernard Pagès, dans Bernard Pagès, cat. exp. (Paris, Centre Pompidou, 17 décembre 1982-14 février 1983), Paris, Centre Pompidou, 1982, p. 55-57.
Patrick Saytour, toile libre, église de Coaraze, 21-27 juillet 1969 Courtesy Bernard Pagès, La Pointe de Contes
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Bernard Pagès. Arrangement : branches d’olivier et 90 briques creuses et plates. 1969 Branches d’olivier teint (vert) et briques creuses et plates 30 × 192 × 65 cm, quatre-vingt-dix briques de 20 × 15 × 3 cm chacune Présenté sur la place de l’église à Coaraze, juillet 1969. Courtesy de l’artiste, La Pointe de Contes
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CHRONOLOGIE
Élodie Antoine
Noms composés en gras : noms des acteurs de l’école de Nice. : événements qui se sont déroulés en France, mais hors de Nice et de sa région. : événements qui ont eu lieu à l’étranger.
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1947
Armand Pierre Fernandez (dit Arman, 1928-2005), Yves Klein (1928-1962) et Claude Pascal se rencontrent à l’école de judo de la police de Nice et sympathisent. Arman est, depuis l’année précédente, étudiant à l’École des arts décoratifs de Nice où il passera deux années avant de s’inscrire à Paris à l’École du Louvre (1949-1951) ; Yves Klein travaille dans la librairie de sa tante à Nice (fig. 1), il voyage beaucoup et consacre son temps au judo ; quant à Pascal, issu d’une famille modeste immigrée d’Italie et n’ayant pu faire d’études, il vend des chaussures pour femmes dans le magasin de son oncle. Ce dernier revient sur l’esprit de leur relation amicale : « Un jour, sur la plage à Nice, Klein, Armand et Claude Pascal décident de se partager le monde. Klein choisit le ciel avec son infini. Il signa son nom sur l’autre côté du ciel et ainsi commença son aventure monochrome. […] En 1947, face à cette mer imbécile où se consument les vieillards de la France et de l’art, nous avions la vingtaine, Yves Klein, Armand et moi. Nous portions des chemises barbouillées de pieds et de mains nues et nous nous nourrissions de l’or et du fer contenus dans l’air » (fig. 2). Claude Pascal, in Chroniques niçoises. Genèse d’un musée, tome I : 1945-1972, Nice, musée d’Art moderne et d’Art contemporain,
à Nice en 1941 où il ouvre une librairie d’abord rue Alberti, puis rue de Russie – qui servira de boîte aux lettres à la Résistance –, inaugure le 1er juillet une librairie-galerie au 2, rue Longchamp. « Ma librairie était très différente des autres librairies de Nice par le genre de livres que j’exposais en vitrine : des éditions originales assez rares, surtout d’écrivains et poètes surréalistes, ainsi que des livres illustrés modernes. J’eus immédiatement des visites intéressantes de bibliophiles et d’artistes […] au début de 1942, ma librairie était devenue un vrai lieu de rencontres où l’on aimait venir discuter de littérature et d’art. Peu après la visite de Goetz, c’est un grand jeune homme qui entre dans la librairie et avec qui s’engage aussitôt une conversation sur la peinture. C’était Nicolas de Staël, il avait 28 ans, j’en avais 26. Il vint me voir presque tous les jours. » Jacques Matarasso, Mémoires, Nice, Éditions Laure Matarasso, 2012, p. 47, 53.
Matarasso noue, à travers les livres, une amitié avec les principaux artistes niçois qui trouveront dans sa librairie la possibilité d’exposer, souvent pour la première fois. C’est notamment le cas d’Arman avec ses Cachets, de Bernar Venet avec ses Cartons ou encore de Jean-Claude Farhi et ses Reliefs.
Fig. 1. Yves Klein devant la librairie Radio-Son
1951
de sa tante à Nice, vers 1948
1991, p. 37.
15 novembre : Alphonse Chave, qui s’est installé à la Libération à Vence, inaugure la galerie Les Mages avec une exposition du peintre flamand Pepersack. Il exposera par la suite des artistes comme Jean Dubuffet, Max Ernst, Man Ray, Dorothea Tanning, tout en s’intéressant à de plus jeunes créateurs tels que César, Robert Malaval ou encore Paul-Armand Gette.
1948
22-28 février : le premier Festival de jazz de Nice est organisé par la ville et la Radiodiffusion française ; il accueille dès ses débuts Louis Armstrong, Coleman Hawkins et Rex Stewart. Aux États-Unis, naissance de l’école de New York, mouvement également nommé « expressionnisme abstrait ».
1949
Février-mars : l’Union méditerranéenne pour l’art moderne (UMAM) – créée en novembre 1945 par la municipalité de Nice – organise, en partenariat avec le British Council, l’exposition Artistes anglais contemporains, à la galerie Muratore, 19 bis, boulevard Victor-Hugo à Nice. On compte parmi les artistes le sculpteur Henry Moore, le peintre surréaliste Graham Sutherland et le précurseur du pop art anglais Eduardo Paolozzi.
25 juin : inauguration de la chapelle du Rosaire, à Vence, entièrement décorée par Matisse. Arman, accompagné de sa mère et de sa tante, visitera la chapelle le 31 août. 3 août-1er octobre : la Ire Biennale de peinture de France se tient au palais du Kursaal à Menton, elle est dédiée à Raoul Dufy.
1952
9 février : Paul Mari – étudiant en lettres, poète – et Robert Rovini – professeur d’allemand au lycée Masséna, poète – créent le Club des jeunes. Domicilié au sous-sol de la brasserie Le Ballon d’Alsace, 65, rue Gioffredo, le Club des jeunes réunit chaque samedi après-midi des jeunes gens enthousiastes qui échangent leurs idées sur l’art, la poésie, le théâtre, la littérature et le cinéma. Au bout de deux ans, le Club des jeunes compte plus de quarante membres permanents, un grand nombre de sympathisants et fait autorité comme nul autre mouvement artistique à Nice. Jacques Lepage présidera le Club lorsque Paul Mari deviendra maire de Coaraze et ce jusqu’au début des années 1960. « Le Club des jeunes était très important à Nice ; je me souviens, en 1956, j’y ai fait une conférence où tout était faux, tout était bidon. J’ai parlé des rapports ethnologiques dans l’histoire du jazz. J’inventais tout et les gens prenaient des notes. » Arman, in À propos de Nice, cat. exp. (Paris, Centre Pompidou, 31 janvier-11 avril 1977),
Benjamin Vautier (dit Ben, né en 1935), natif de Naples en Italie, s’installe avec sa mère à Nice.
Paris, Centre Pompidou, 1977, p. 13.
Fig. 2. Yves Klein et Claude
À la suite d’une décision de l’UMAM, la ville entreprend les travaux de réfection et d’aménagement de la future galerie des Ponchettes, sur le site de l’ancien arsenal, lieu d’exposition dédié à l’art moderne. Elle sera inaugurée le 26 janvier 1950 avec une rétrospective Henri Matisse.
Pascal portant leurs chemises avec des empreintes de leurs mains et de leurs pieds dans les rues de Nice, vers 1948
1950
Arman rencontre Éliane Radigue (née en 1932), qui sera sa femme de 1953 à 1967, au Club Arts et lettres qui se réunit au Studio 34, rue Longchamp, et organise des conférences littéraires et des soirées dansantes.
Avril-mai : Klein assiste à la présentation, en marge du Festival de Cannes, du film de l’artiste lettriste François Dufrêne, Tambours du Jugement premier – film imaginaire sans écran ni pellicule – pendant laquelle ce dernier lit ses poèmes phonétiques.
1953
9 février-8 mars : la galerie des Ponchettes consacre une exposition à Jean Cocteau qui, cette année-là, rédige à Saint-Jean-Cap-Ferrat La Corrida du 1er mai et présidera le jury du Festival de Cannes. 23 mars : Dufy meurt à Forcalquier (Alpes-de-Haute-Provence) ; il sera inhumé à Nice, dans le cimetière du monastère de Cimiez.
Jacques Matarasso (1916-2015), qui a fui Paris pour s’installer en zone libre
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