Jean-Marc Brunet

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Ouvrage réalisé sous la direction de Somogy éditions d’art Directeur éditorial : Nicolas Neumann Responsable éditoriale : Stéphanie Méséguer Coéditions : Jean-Louis Fraud Coordination éditoriale : Sarah Houssin-Dreyfuss Conception graphique : Élisabeth Welter Contribution éditoriale : Karine Forest Fabrication : Béatrice Bourgerie, Mélanie Le Gros

© Somogy éditions d’art, Paris, 2018 ISBN : 978-2-7572-1354-4 Dépôt légal : septembre 2018 Imprimé en Union européenne

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JEAN-M ARC BRUNET

AVANT-PROPOS Bernard de Noël

TEXTES ET POÈMES Michel Butor, Natanaële Chatelain, Jean-Yves Clément, Jean-Clarence Lambert, Jean-Marc Natel, Bernard Noël, Jean Orizet, Tita Reut

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Ailleurs 2017 Huile sur toile, 150 × 150 cm

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FORME OU PRÉSENCE Bernard Noël

Le regard s’arrête, il dévisage ce grand rectangle qui a pour nom : tableau. Il découvre tout à coup la fausse immobilité de la surface, et donc de la peinture… Non, ce n’est pas une découverte mais, chaque fois, le même saisissement. Ici, le fond jaune explose et les petites formes qui l’animent ont l’air tantôt de flamber et tantôt de fleurir. Ce mouvement n’est qu’une émanation, un suintement lumineux. J’avais en tête une fluidité, dit Jean-Marc Brunet, et c’est à mes couleurs de la créer, mais sans oublier, comme l’a fait remarquer Braque, que la peinture doit effacer l’idée… Au début, j’étais davantage dans le geste et moins dans la question qui, à présent, fait que je peins de plus en plus lentement. Je pars presque toujours de quelque chose, mais je l’oublie très vite d’autant que, j’ai plusieurs toiles en chantier, et que le travail sur l’ensemble dure longtemps.

L’impression domine que le signe a rapidement été délaissé au profit de la trace, mais ce nom paraît insuffisant dès que le regard insiste. C’est en vain cependant qu’il interroge la surface peinte, car il n’arrive à y distinguer, à y désigner que du venteux, du nébuleux, qui sont le principal effet que font sur

lui des zones jaunes, marrons, grises. Ces zones lui semblent en plus jaillir sous l’effet de son insistance. Et c’est alors une surprise que de prendre soudain conscience que cette peinture rend son spectateur actif parce qu’il ne peut la contempler qu’en y participant comme s’il déclenchait lui-même les mouvements qu’il aperçoit. Rien ne bouge et pourtant tout bouge sans cesse comme si le contact du regard donnait vie. Et pourquoi pas ? La peinture de Jean-Marc Brunet n’est pas décorative : elle s’anime sous le regard mais réciproquement l’anime en lui restituant le pouvoir de révélation que, de nos jours, anesthésient les médias pour infiltrer leurs messages à la place de la pensée. Ainsi l’Art se retrouve-t-il luimême tout armé de la résistance que nous fournit sa perception. Le fond est évidemment un espace aux dimensions rendues sensibles par la couleur, mais désigner le vert ou le jaune ou le bleu qui animent ce fond ne dit rien de l’émotion ressentie à travers la contemplation de cette surface. Le regard est comblé tandis que la langue cherche en vain comment exprimer cette satisfaction. Ce décalage devient particulièrement sensible à mesure que Jean-Marc Brunet présente successivement plusieurs toiles en cours de composition. Le non-fini y est moins sensible que la vivacité du jaune, du bleu, d’un orangé nuageux. On dirait que chacun de ces tableaux

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La nuit me parle 2016-2017 Huile sur toile, 200 × 300 cm

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Enraciné 2018 Huile sur toile, 200 × 160 cm

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JEAN-MARC BRUNET L’OFFRANDE PICTURALE Comme en musique, j’aime en peinture les œuvres où la lumière l’emporte avant tout, et non celles qui y renoncent. Renoncer à elle, c’est renoncer à la vie, équation évangélique ! L’art a été inventé par les hommes pour corriger ou glorifier le réel, le contester parfois, non pour le renier. Mais au contraire pour l’affirmer, quoi qu’il en coûte. « Je ne laisserai jamais personne porter un faux témoignage contre la vie », écrivait Nietzsche. Et certainement pas un artiste, eut-il pu ajouter, dont la tâche première est celle de dire oui au réel, quand bien même aurait-on, comme le dit Nietzsche encore, « l’art pour ne pas mourir de la vérité ». Une bénédiction païenne, en quelque sorte. Ce que j’apprécie dans les toiles de Jean-Marc Brunet, c’est cet acquiescement de la lumière, telle une image de la bonté apposée sur le monde. Car la lumière est bonne par nature si elle est bien le synonyme de la vie. Nulle métaphore religieuse ici, mais toujours cette adhésion inconditionnelle au réel – la beauté est le gage entier de son existence, nous dit le peintre. La couleur y exulte comme autant de variations de la lumière, autant de glorifications de celle-ci. Autant dire, de variations de la grâce…* La grâce nous est donnée, comme l’inspiration – ce lien qui nous relie à elle –, quand on peut l’accueillir et la recueillir, humblement et avec ferveur. Il y a, chez Jean-Marc Brunet, cette humilité et cette ferveur à la fois. L’abandon aussi, qui prédispose à la réception, puis au don. Puisqu’il s’agit toujours de redonner et rien d’autre. Nous sommes des êtres de passage dans la mesure où il nous est donné – sommé – par nature de redonner. C’est un jaillissement perpétuel que ce retour, qui apparaît concrètement dans les toiles de J.-M. Brunet, sous la forme de ce que je nommerais un « expressionnisme lyrique », ici si fermement explicite, si puissamment coloré. Ces formes, à la fois monolithiques et éclatées de l’intérieur, offrent l’impression de chuter du ciel pour tomber en nous et nous irradier, comme le peintre l’a été lui-même, par toutes ces magnificences. Illuminé, Brunet l’est, comme tous les mystiques païens, illuminé comme on peut l’être simplement par la beauté du réel, je dirais sa beauté naturelle, puisant son inspiration dans la nature luxuriante de l’Aisne qu’il aime et transfigure de toute sorte, dans une posture quasi magique. Car il y a dans cet art comme une transformation du naturel en sur-naturel, où les fleurs, les arbres, les cieux, les vols d’oiseaux, la mer, la pluie, le vent, le feu, la terre, le soleil, la nuit, les étoiles, sont convoqués au sein d’une même célébration de la beauté. Ainsi, comme toute création, peindre est un acte de louange et d’offrande. De gratitude aussi. Nietzsche encore nous l’exprime dans son Gai savoir : « L’artiste choisit ses sujets, c’est là sa façon de louer. » Le sujet de Jean-Marc Brunet, c’est précisément la glorification de ces éléments dont la lumière le touche, à partir desquels il compose alors sa propre lumière, en musicien de la couleur qu’il est. Transmutation quasi alchimique dont nous sommes les spectateurs reconnaissants – et par elle transformés. *Variations de la grâce est le sous-titre de l’ouvrage Suite lyrique que nous avons élaboré ensemble, au Passeur éditeur. Jean-Yves Clément

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Les fleurs de l’ éternel III - Suite 2017 22

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Huile sur toile, 146 x 114 cm

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Les fleurs de l’ éternel IV - Suite 2017 Huile sur toile, 146 × 114 cm

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Juillet - À Jean-Clarence Lambert 2015 Huile sur toile, 116 × 81 cm Sur le poème de Jean-Clarence Lambert, galerie Chauvy

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Exit III 2007 44

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Gravure eau-forte, 40 épreuves, plaque 65 × 50 cm Éditions Exit Art contemporain, Boulogne-Billancourt

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Métamorphose III 2016 Huile sur toile, 146 × 114 cm Bueno Home Gallery, Nîmes

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COUPLES ERRANTS Nous imaginions être seuls emportés par le vent d’amour tels Loïs et Clark sur leur ville par-dessus forêts et falaises tremblements de vaisseaux aux ports lumières traversant les vitres adolescents cherchant l’issue dans l’insomnie de leurs mansardes mais voici que dix autres couples que dis-je des cents et des mille virant plongeant se retenant tournent avec nous sous la voûte qui s’éclaircit bientôt dans l’aube tandis que les murs s’épaississent retrouvant chacun notre lit dans les frissons du quotidien Michel Butor

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Retour d’astre 2016 Livre d’auteur, pastel, encre de Chine, poème manuscrit de Michel Butor 12 livres numérotés et signés, 24 × 36 cm, catalogue de l’Écart n°2737

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La promesse de l’aube - Éloge à Romain Gary 2017 Huile sur toile, 200 × 300 cm

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J’attends - Hommage à Claude Nougaro 2014 96

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Pierre noire sur papier, 92 × 66 cm

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Paysage sonore 2012 Multiple rehaussé au pastel gras, 2 épreuves, plaque 82 × 70 cm

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Refus, rêves et errance III 2012 Huile sur toile, 130 × 81 cm

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JEAN-MARC BRUNET, LE VISITEUR D’ASTRES J’avais écrit, voici bien des années, un poème intitulé « Le visiteur d’astres », où il était question de planète désertée, de vie menacée, puis d’espoir pour une nouvelle germination qui ranimerait l’écorce terrestre. Brunet m’a fait l’amitié de donner ce titre à un de ses récents pastels que j’ai sous les yeux dans ma bibliothèque. Ainsi, Jean-Marc et moi voyageons ensemble dans le cosmos. Les peintures, pastels, gravures qu’il a créés durant ces quatre dernières années (2006-2010) sont une symphonie ou un oratorio de la couleur jaillie dans l’espace. Je lis quelques uns de ses titres : Possibilité d’envol, Traversée, Devant L’ horizon, Aube, Suspendu, Les Égarés, Mémoire d’orée, Échoué pour un instant, Accroché par le bleu, Jardin secret, Le Magicien. On notera que presque tous contiennent l’idée de mouvement, de découverte, le désir d’exploration. En voyant les œuvres en question, j’ai eu l’envie, non sans arrière-pensée, de consulter une carte du ciel avec les étoiles qui le peuplent. Puis j’ai substitué aux titres de Brunet, les noms magiques de ces étoiles : Orion, Bételgeuse, Cassiopée, Andromède, Altaïr, Antarès, Aldébaran, La Chevelure de Bérénice, La Croix du Sud, Pégase, Le Phénix. Et voilà comment j’ai décidé que Brunet serait un peintre sidéral ou stellaire dont l’œuvre possède une capacité à nous émouvoir avant de nous mouvoir au sein des nébuleuses et des galaxies. La peinture actuelle de cet artiste est un arc-en-ciel nucléaire décomposé puis recomposé par la patience et la fermeté du geste. Des œuvres citées plus haut, j’aime en particulier, pour les peintures, Jardin secret, huile sur toile (100 × 81) datée de 2007. Elle irradie une force assimilable à la fission nucléaire justement, qui libère, comme chacun sait, une prodigieuse quantité d’énergie.

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Un lieu II 2016 Encre de Chine, pastel sur papier, 74 × 47 cm

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Lendemain de brume 2016 Huile sur toile, 150 × 150 cm Bueno Home Gallery, Nîmes

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Jean-Marc Brunet remercie chaleureusement les auteurs pour leur participation.

MICHEL BUTOR

Poète, romancier, essayiste, critique d’art, traducteur. Grand prix de littérature de l’Académie française, prix Renaudot pour la Modification, prix Alain Bosquet. NATANAËLE CHATEL AIN

Écrivain. JE AN-Y VES CLÉMENT

Essayiste, poète, organisateur de festivals. JE AN-CL ARENCE L AMBERT

Poète, essayiste, critique d’art, traducteur. Grand prix de poésie de la SGDL, Grand prix de poésie Pierre de Ronsard. JE AN-MARC NATEL

Poète, parolier. BERNARD NOËL

Écrivain, essayiste, critique d’art. Prix Antonin Artaud, prix Guillaume Apollinaire, Grand prix de poésie de la SGDL, prix France Culture, Grand prix national de la poésie, prix de poésie Robert Ganzo, prix international de poésie Gabriele d’Annunzio, Grand prix de poésie de l’Académie française. JE AN ORIZET

Écrivain, poète, éditeur, critique. Prix Max Jacob, Prix Guillaume Apollinaire, Grand prix de poésie de l’Académie française, Grand prix des poètes de la SACEM, Grand prix de poésie de la SGDL. TITA REUT

Écrivain, poète, éditrice.

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