AU TEMPS DE GALIEN. UN MÉDECIN GREC DANS L'EMPIRE ROMAIN

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SOUS LA DIRECTION D’ANNIE VERBANCK-PIÉRARD, VÉRONIQUE BOUDON-MILLOT ET DANIELLE GOUREVITCH

AU TEMPS DE

GALIEN UN MÉDECIN GREC DANS L’EMPIRE ROMAIN

MUSÉE ROYAL DE MARIEMONT 2018

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OUVRAGE RÉALISÉ à l’occasion de l’exposition « Au temps de Galien. Un médecin grec dans l’Empire romain », présentée au Musée royal de Mariemont, Morlanwelz (Belgique), du 26 mai au 2 décembre 2018. ÉDITION Musée royal de Mariemont Coordination générale Annie Verbanck-Piérard Somogy éditions d’art Directeur éditorial Responsable éditoriale Coéditions Conception graphique Contribution éditoriale Fabrication

Nicolas Neumann Stéphanie Méséguer Jean-Louis Fraud Carine Simon Laurence Cénédèse Béatrice Bourgerie, Mélanie Le Gros

© Somogy éditions d’art, Paris, 2018. © Musée royal de Mariemont, Morlanwelz, 2018 Établissement scientifique de la Fédération Wallonie-Bruxelles/ Communauté française de Belgique.

ISBN : 978-2-7572-1398-8 Dépôt légal : septembre 2018 Imprimé en Union européenne

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REMERCIEMENTS — Le Musée royal de Mariemont exprime sa vive gratitude à tous les Musées et Institutions qui ont accepté de prêter des œuvres. Que leurs directeurs et conservateurs soient remerciés pour leur générosité, ainsi que tous les membres du personnel, régisseurs, restaurateurs, secrétaires qui ont collaboré à la bonne gestion des prêts dans chaque pays.

ALLEMAGNE Berlin, Staatliche Museen zu Berlin – Preußischer Kulturbesitz Generaldirektion Prof. Dr. Michael Eissenheuer Ägyptisches Museum und Papyrussammlung Dr. Marius Gerhardt, wissenschaftlicher Mitarbeiter, Kurator der griechisch-lateinischen Abteilung der Papyrussammlung Cologne, Römisch-Germanisches Museum der Stadt Köln Dr. Marcus Trier, Director Dr. Friederike Naumann-Steckner, stellvertretende Direktorin Cologne, Institut für Altertumskunde, Kölner Papyrussammlung-Kölner Papyri Prof. Dr. Charikleia Armoni, Kustodin S.-E. Breternitz, Restauratorin Freiburg-im-Breisgau, Institut für Archäologische Wissenschaften, Archäologische Sammlung der Albert-Ludwigs-Universität Prof. Dr. Ralf von den Hoff, Leiter der Abteilung Klassische Archäologie und der Archäologischen Sammlung Dr. Jens-Arne Dickmann, Akademischer Oberrat, Kurator der Archäologischen Sammlung

BELGIQUE Anderlecht, Maison d’Érasme Ann Arend, Conservatrice f.f. de la Maison d’Érasme Dr. Hélène Haug, Conservatrice-adjointe Sophie Cornet, Bibliothécaire Céline Bultreys, Responsable des collections Bruxelles, Bibliothèque royale de Belgique Dr. Sara Lammens, Directeur général a.i. Dr. Bernard Bousmanne, Conservateur du Département des Manuscrits Benoît Labarre, Régisseur des œuvres Bruxelles, Musées royaux d’Art et d’Histoire Dr. Alexandra De Poorter, Directeur général a.i. Dr. Natacha Massar, Conservateur des Collections grecques

Dr. Cécile Evers, Conservateur des Collections étrusques et romaines Isabella Rosati, Restauratrice Philippe Goris, Régisseur des prêts Bruxelles, Musée de la Médecine Dr. Thierry Appelboom, Directeur, Administrateur-délégué Lara de Merode, Directrice scientifique Bruxelles, Musée de Zoologie de l’Université libre de Bruxelles Laurence Belalia, Conservatrice Leernes Pharmacie Henry Ledoux Liège, Le Grand Curtius La Ville de Liège, Collège des bourgmestre et échevins L’Institut archéologique liégeois Dr. Jean-Luc Schütz, Conservateur du Département d’Archéologie Liège, Bibliothèques de l’Université La direction des bibliothèques de l’Université Dr. Cécile Oger, Conservatrice et Responsable scientifique du Département Sciences historiques, Manuscrits et fonds anciens (Bibliothèque ALPHA) Stéphanie Simon, Assistante scientifique, responsable du service de numérisation Tongres, Gallo-Romeins Museum Tongeren De Stad Tongeren, College van Burgemeester en Schepenen Bart Distelmans, Directeur Else Hartoch, Responsable scientifique des collections Igor Van den Vonden, Régisseur des collections Fondation Roi Baudouin – Patrimoins Dr. Dominique Allard, Directeur Julie Lenaerts, Responsable de la gestion des collections et des prêts

FRANCE Le Ministère de la Culture Château-Gontier, Musée d’Art et d’Histoire Philippe Henry, Président de la Communauté de Communes du Pays de Château-Gontier Lucien Aubert, Vice-Président, Délégué au Tourisme et au Patrimoine Florence Harnay, Chargée de Mission Patrimoine Maisons-Alfort, École nationale vétérinaire d’Alfort Prof. Dr. Christophe Degueurce, Directeur de l’École nationale vétérinaire d’Alfort, Conservateur du Musée Fragonard (Musée de France) Dr. Henry Château, Professeur à l’EnvA Murielle Grandsir, Secrétaire de direction Narbonne, Narbo Via, Musée régional de la Narbonne antique (région Occitanie) La Ville de Narbonne Laure Barthet, Directrice du Patrimoine, Conservatrice des musées et des monuments historiques Caroline Papin, Responsable scientifique des Collections, Conservatrice du Patrimoine Gaëlle Taudou, Régisseuse d’œuvres d’art Site de Marquion-Sauchy-Lestrée, fouilles de l’Inrap Jean-Luc Collart, Conservateur, Drac Hauts-deFrance, Site de Lille Élisabeth Justome, Chargée du développement culturel, Inrap Hauts-de-France Paris, Bibliothèque nationale de France, Cabinet des Médailles et Antiques Laurence Engel, Présidente Dr. Mathilde Avisseau-Broustet, Conservateur en chef au département des Monnaies, médailles et antiques Paris, Ordre national des Pharmaciens Dominique Kassel, Conservateur des Collections d’histoire de la Pharmacie (Fonds de dotation Patrimoine Pharmaceutique, Conseil national de l’Ordre des Pharmaciens)

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Toulouse, musée Saint-Raymond, musée des Antiques La Mairie de Toulouse Pierre Esplugas-Labatut, Adjoint au Maire de Toulouse en charge des Musées Évelyne Ugaglia, Conservatrice en chef et directrice Pascal Capus, Chargé des collections de sculptures romaines et numismatiques Claudine Jacquet, Régisseuse des œuvres

ITALIE Il Ministero dei Beni e delle Attività Culturali del Turismo Rome, Museo di Storia della Medicina, Polo museale Sapienza Dr. Alessandro Aruta, Curatore dei musei dell’Area di antropologia, medicina e anatomia comparata del Polo museale Sapienza Rome, Museo Nazionale Romano Dott.ssa Daniela Porro, Direttore Dott.ssa Sara Colantonio, Funzionario Archeologo Responsabile Servizio prestiti e mostre Dott.ssa Carlotta Caruso, Assistente Rimini, Museo della Città di Rimini Arch. Giorgio Cozzolino, Soprintendente Archeologia Belle Arti e Paesaggio per le province di Ravenna, Forti-Cesena e Rimini Dott.ssa Annalisa Pozzi, Funzionario Archeologo, Soprintendenza Archeologia, Belle Arti e Paesaggio per le Province di Ravenna, Forlì-Cesena e Rimini Dott. Giampiero Piscaglia, Dirigente del Settore Cultura La Comune di Rimini Dott.ssa Orietta Piolanti, Ufficio didattica Ostie, Parco Archeologico di Ostia Antica Dott.ssa Mariarosaria Barbera, Direttore

PAYS-BAS Leyde, Rijksmuseum van Oudheden Dr. Wim Weijland, Director Prof. Dr. Ruurd Halbertsma, Curator, Greece and Rome Heikki Pauts, Registrar —————

LE MUSÉE ROYAL DE MARIEMONT, établissement scientifique de la Communauté française de Belgique, relève de l’autorité de la Ministre de la Culture, Madame Alda Greoli. Administration générale de la Culture : A.-M. Poncelet Pour avoir autorisé et rendu possible l’exposition, je remercie sincèrement la direction du musée, M.-C. Bruwier, directrice honoraire a.i. et directrice scientifique. Je tiens à souligner avec reconnaissance le travail fourni par l’ensemble du personnel du musée et tout particulièrement : • pour leur aide constante et leur indispensable soutien : – M. Dufaye, régisseuse, qui a résolu tous les problèmes logistiques avec compétence et dévouement et qui, malgré les difficultés, n’a jamais cessé de croire, elle aussi, à la réussite du projet. – G. Docquier, conservateur d’Histoire régionale, dont l’expertise scientifique et amicale a contribué activement à déterminer et gérer les prêts de la Bibliothèque royale, de la Maison d’Érasme et de la Bibliothèque de l’Université de Liège. – le Service de Gestion du musée, qui a réalisé, avec un savoir-faire et une maîtrise remarquables, toute la mise en place de la scénographie. Merci à tous pour leur patience, leur collaboration et leur créativité : sous la direction d’E. Haveaux, N. Antonacci, L. Arias-Alvarez, Chr. Derval, G. Druine et L. Grasso, ainsi que S. Henrion et M. Rys. Le soclage est dû à notre spécialiste, Chr. Derval. – la Régie des Collections : Ph. Englebert, A. Sonet, B. Toune, M. Boudart, Ch. Pilate. • pour les prêts d’autres Sections : – pour le prêt des livres anciens de la Bibliothèque, pour ses conseils avisés et son excellente proposition d’acquisitions « galéniques » : B. Federinov, conservateur de la Réserve précieuse (section ancienne) ; merci également aux bibliothécaires, D. Gering et C. Van Eyck. – pour le prêt d’une œuvre de la Section Égypte, A. Quertinmont, conservateur.

• pour le suivi financier et administratif et leur implication décisive dans la gestion complexe du projet : – M. Roland, chef du service administratif, directrice du personnel – M. Callewaert, responsable opérationnel – D. Detry, comptable, et M. Dewulf. • pour la collaboration active du Service des Relations publiques et de l’Accueil : M. Thiry, A. Peremans, G. Bertolaso, J. Durieux, E. et V. Mauclet. • pour les belles créations graphiques, sous le regard de Galien : J. Periaux ; pour les photographies des objets du musée, M. Lechien. • le Service pédagogique, dont le dynamisme fait toujours merveille pour chaque projet, sous la direction de M.-A. Laoureux : Chr. Longpré, L. Bouvin, M. Moreau, M. De Brouwer, A.-Fr. Rasseaux, ainsi que M. Libert. • pour la gestion informatique et multimédia, ainsi que pour ses encouragements : É. Lhoir. • pour sa contribution aux relectures bibliographiques : M.-F. Tilliet-Haulot, directrice honoraire du service de numérisation. • les autres services : – service de sécurité : Y. Tilquin, A. Dugaro et le personnel de Surveillance. – service de numérisation : E. Busoni, C. Detrait. – services administratifs : Ph. Nuyens, M. Rose, J. Fagnant. Merci à tous ceux qui ont accepté de prêter main-forte lors des moments difficiles et du montage. • Atelier du Livre de Mariemont N. Corazzini, coordinatrice, et É. Van Rechem, collaboratrice, ont généreusement accepté la réalisation des supports pour tous les livres anciens. Je leur suis reconnaissante de cette aide précieuse.

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L’EXPOSITION a pu compter sur l’aide précieuse, les encouragements et les conseils de plusieurs amis et amies auxquels je rends hommage : – la modélisation de la scénographie est due à l’excellent travail de Th. Haddad. – L. Di Paolo a assuré avec efficacité les traductions des textes en italien et de nombreuses recherches iconographiques. – merci à O. Kummer, parfumeur, pour son programme d’ateliers olfactifs et nos dix années de collaboration autour du thème passionnant et sans cesse renouvelé des relations entre parfums, arts et histoire. – A. Amilien (ULg), pour ses recherches documentaires. Pour la mise à disposition de photographies et de documents, je remercie Cr. Cucchiarini (Aboca Edizioni e Museum), Luc de Laval Antiquités, N. Gauthier, A. Piras, B. Toune (Mariemont), D. Vanwijnsberghe (IRPA), S. Vyverman, ainsi

LE PROJET « AU TEMPS DE GALIEN » était en germe à la fin de l’exposition « Au temps d’Hippocrate », présentée à Mariemont, il y a tout juste vingt ans. Mais c’est au cours de ces dernières années que le sujet s’est précisé et concrétisé, sous la double forme d’un catalogue et d’une exposition. Pour l’organisation et la rédaction du catalogue, j’exprime ma profonde reconnaissance aux deux autres commissaires scientifiques Véronique Boudon-Millot et Danielle Gourevitch,

qu’O. Guyaux et M.-H. Sion (Atelier de l’Imagier). Pour le « Serment de Galien » : Dr. R. Marinus, directrice de l’Ordre des Pharmaciens. Pour le prêt de matériel de reconstitution : N. Bozet (Aubechies), B. Guery et l’association Bagaconervio (Bavay). Pour la réalisation du « jardin médicinal » (parc et École d’Horticulture), mes remerciements s’adressent à : – F. Capot, Députée Provinciale – D. Windal, professeur à l’Athénée provincial mixte Warocqué – D. Leduc, Administrateur délégué de l’ASBL Promar – S. Degros, Attachée Ingénieur agronome, Direction des Espaces verts, Service public de Wallonie – Chr. Longpré (Mariemont), pour la gestion générale du projet.

pour leur amitié, leur intérêt et leur extrême compétence. Ce catalogue est issu de notre chaleureuse collaboration et de nos réunions parisiennes, qui doivent beaucoup à l’accueil généreux de Danielle Gourevitch et auxquelles s’est jointe aussi Muriel Pardon-Labonnelie. Parcourir le « continent » galénique avec Véronique Boudon-Millot et Danielle Gourevitch s’est révélé être, comme prévu, une entreprise passionnante. Nous espérons toutes les trois qu’il en sera de même pour les lecteurs du catalogue et le public de l’exposition « Au temps de Galien ».

Pour la qualité de leur accueil en Italie : – à Rome : A. Aruta, C. Caruso, V. Gazzaniga, P. Catalano et ses collaborateurs. – à Rimini : O. Piolanti. Une excellente équipe éditoriale Ce catalogue est aussi l’œuvre de toute l’équipe des Éditions Somogy et je remercie très vivement chacun et chacune pour la qualité du travail accompli, et notamment : Nicolas Neumann, Stéphanie Méséguer, JeanLouis Fraud, Marc-Alexis Baranes, ainsi que Laurence Cénédèse et Carine Simon. À titre personnel, un très grand et affectueux merci à Paul et Sylvain Verbanck, Florence, Bruno et Joséphine Cutri-Verbanck, pour leur aide constante et leur infinie patience, tant Galien est devenu une affaire de famille ! Je leur dédie ce catalogue, ainsi qu’à mon père, Henri Piérard, lui aussi disciple de Galien.

La publication du catalogue a bénéficié du soutien de l’UMR 8167 « Orient et Méditerranée ». Sous la direction de V. BoudonMillot, cette Unité Mixte de Recherche associe le CNRS, l’Université Paris-Sorbonne Paris IV, l’Université Panthéon-Sorbonne, Paris 1, l’École Pratique des Hautes Études et le Collège de France. A. V.-P.

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LISTE DES AUTEURS — Que tous les auteurs du catalogue soient sincèrement remerciés de leur collaboration enthousiaste et bienveillante.

COORDINATION GÉNÉRALE DU CATALOGUE Annie Verbanck-Piérard Conservatrice de la Section Grèce-Rome, Musée royal de Mariemont, Morlanwelz

COMMISSARIAT SCIENTIFIQUE DU CATALOGUE Véronique Boudon-Millot Directrice de recherche au CNRS, directrice de l’UMR (Unité Mixte de Recherche) 8167 « Orient et Méditerranée », Directrice du laboratoire « Médecine grecque » (CNRS-Paris IV) Danielle Gourevitch Directeur d’études honoraire à l’École Pratique des Hautes Études, Paris, chaire d’Histoire de la médecine, Présidente d’honneur de la Société française d’histoire de la médecine Annie Verbanck-Piérard

AUTEURS DES ARTICLES (PAR ORDRE ALPHABÉTIQUE) : Renaud Adam Maître de conférences à l’Université de Liège, Faculté de Philosophie et Lettres, Sciences historiques, UR « Transitions » Research Fellow à l’Université de Tours (Le Studium-Loire Valley Institute for Advanced Studies Marie Skłodowska-Curie Research Fellowship) Dr. Thierry Appelboom Chef de service honoraire de rhumatologie à l’Hôpital Érasme, Université libre de Bruxelles Professeur de l’Université Administrateur délégué du Musée de la Médecine de Bruxelles (ULB) Dr. Christine Bonnet-Cadilhac Gynécologue, Montpellier Docteur de l’École Pratique des Hautes Études (IVe Section) Dr. Philippe Charlier Maître de conférences des Universités, praticien hospitalier Chef de service, Équipe d’anthropologie médicale et médico-légale à l’Université de Versailles-Saint-Quentin-en-Yvelines

Nicoletta Darlon-Palmieri Professeur à l’Université de Reims ChampagneArdenne, UFR Lettres, Sciences Humaines, Centre de Recherche Interdisciplinaire sur les Modèles Esthétiques et Littéraires Édouard Felsenheld Professeur de lettres supérieures, Poitiers Valentina Gazzaniga Professore, Università degli Studi di Roma « La Sapienza », Dipartimento di Scienze e Biotecnologie, Unità di Storia della Medicina e Bioetica Alessia Guardasole Chargée de recherches au CNRS, UMR (Unité Mixte de Recherche) 8167 « Orient et Méditerranée » Ido Israelowich Senior lecturer, Tel Aviv University, Department of Classics Ralph Jackson Former Curator of the Romano-British Collections, British Museum, Londres Marie-Hélène Marganne Chargée de cours, Maître de conférences à l’Université de Liège, Faculté de Philosophie et Lettres, Sciences de l’Antiquité Directrice du CEDOPAL (Centre de Documentation de Papyrologie Littéraire) de l’Université de Liège Silvia Marinozzi Ricercatore di Storia della medicina, Università degli Studi di Roma « La Sapienza », Dipartimento di Medicina Moleculare Lare de Merode Directrice scientifique du Musée de la Médecine de Bruxelles, Université libre de Bruxelles Alexandre Mitchell PhD en Archéologie classique, Université d’Oxford Directeur d’Expressum, Société de traduction spécialisée en Antiquité classique Jean Nève Professeur émérite de pharmacothérapie à l’Université libre de Bruxelles Président du Conseil Supérieur de la Santé de Belgique Membre titulaire de l’Académie royale de Médecine de Belgique Jacopo Ortalli Professeur à l’Università degli Studi di Ferrara

Funzionario della Soprintendenza Archeologica dell’Emilia Romagna (territori di Bologna e Rimini) Muriel Pardon-Labonnelie Maître de conférences à l’Université de Bourgogne à Dijon, UFR Lettres et Philosophie, Langue et Littérature latines Bruno Rochette Professeur à l’Université de Liège, Faculté de Philosophie et Lettres, Sciences de l’Antiquité, Directeur de l’UR « Mondes anciens » Benoît Rossignol Maître de conférences à l’Université Paris1Panthéon-Sorbonne, UFR09 Histoire, UMR 8210 – ANHIMA John Scheid Professeur émérite, Collège de France Laurence M.V. Totelin Senior Lecturer in Ancient History, Cardiff University, School of History, Archaeology and Religion Dr. Paul Verbanck Chef de service honoraire des hôpitaux universitaires de Bruxelles Professeur de l’Université, Université libre de Bruxelles Jacqueline Vons Enseignant-chercheur honoraire de l’Université de Tours, Centre d’Études supérieures de la Renaissance, coresponsable avec Stéphane Velut du Projet Vésale / Vesalius’ Project

Page de gauche : Galien et autres médecins. Manuscrit du Livre des Simples Médecines, début du XVe siècle, Copenhague, Kongelige Bibliotek, GKS MS 227 2°, f. 28r. © KBC. Avec l’aimable autorisation de la Kongelige Bibliotek (Royal Danish Library, Copenhagen).

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TABLE DES MATIÈRES — Remerciements ........................................................................................................... p. 5

GALIEN : MÉDECIN, PHARMACIEN, ÉCRIVAIN, AU CŒUR DE LA SOCIÉTÉ ROMAINE

Liste des auteurs ........................................................................................................ p. 9 Préface ............................................................................................................................ p. 13 JEAN NEVE, Galien, un nom propre devenu si commun !

IDO ISRAELOWICH, L’identité des médecins dans l’Empire romain ................................................ p. 93 JACOPO ORTALLI, La domus du Chirurgien à Rimini ........................................................................... p. 101

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À LA RENCONTRE DE GALIEN

DANIELLE GOUREVITCH, Accidents du travail, maladies professionnelles et stress social

VÉRONIQUE BOUDON-MILLOT, De Pergame à Rome : itinéraires d’un médecin

EDOUARD FELSENHELD, Galien et la médecine du sport. Lieux et pratiques

............................................. p. 19

VÉRONIQUE BOUDON-MILLOT, Les ‘écoles’ médicales à Rome du temps de Galien VÉRONIQUE BOUDON-MILLOT, Galien, médecin des gladiateurs à Pergame

.................................... p. 33

BENOÎT ROSSIGNOL, Galien et l’armée

........... p. 110

...................................... p. 116

......................................................................................................... p. 121

.................................................. p. 35

VÉRONIQUE BOUDON-MILLOT, Galien écrivain .............................................................................................................. p. 127

........................................................................ p. 38

RALPH JACKSON, Les instruments de Galien ........................................................................................ p. 135

VÉRONIQUE BOUDON-MILLOT, Repères chronologiques ........................................................................................... p. 40

PAUL VERBANCK, La science de Galien : quel héritage ? ................................................................ p. 148

DANIELLE GOUREVITCH, Les patients de Galien : sa file active .................................................................. p. 43

CHRISTINE BONNET-CADILHAC, Galien et la dissection : Pratiques anatomiques et Anatomie de l’utérus ............................................................................................. p. 156

VÉRONIQUE BOUDON-MILLOT, Les démonstrations anatomiques

ANNIE VERBANCK-PIÉRARD, Montrer Galien : la genèse d’une exposition ................................................... p. 51 JOHN SCHEID, La vie à Rome au IIe siècle ........................................................................................ p. 69 BENOÎT ROSSIGNOL, Les réseaux impériaux de Galien .......................................................................... p. 77 BRUNO ROCHETTE, Le bilinguisme gréco-latin au IIe siècle ............................................................... p. 85

DANIELLE GOUREVITCH, Galien face aux croyances populaires et magiques .................................... p. 162 DANIELLE GOUREVITCH, La marche de la peste galénique : un souffle mauvais ............................... p. 169 ALEXANDRE MITCHELL, Handicaps et malformations à l’époque de Galien ...................................... p. 175 THIERRY APPELBOOM, La goutte vue par Galien

.......................................................................................... p. 181

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PHILIPPE CHARLIER, Des patients de Galien ? Une paléopathologie contemporaine du maître de Pergame ............................................................................................... p. 183

Postface .......................................................................................................................... p. 279 PAUL VERBANCK, Notre confrère Galien. À titre de postface

VALENTINA GAZZANIGA et SILVIA MARINOZZI, L’enfant de Fidene ....................................................................................................... p. 189

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ALESSIA GUARDASOLE, La production pharmacologique du corpus galénique ............................... p. 195

CATALOGUE DE L’EXPOSITION : NOTICES .............................................................................................................. p. 285 —————

MURIEL PARDON-LABONNELIE, Galien et les collyres .................................................................................................. p. 210 LAURENCE TOTELIN, Recréer les recettes de Galien ............................................................................... p. 214

Liste des œuvres conservées de Galien

........................................................ p. 356

Bibliographie ................................................................................................................ p. 363 Crédits photographiques des notices ............................................................. p. 382

IDO ISRAELOWICH, Les maladies d’Aelius Aristide, un contemporain de Galien ..................... p. 219

Serment de Galien ..................................................................................................... p. 383

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Dans ce volume, sauf indication contraire, les dates s’entendent après Jésus-Christ.

LA TRANSMISSION ET L’HÉRITAGE MILLÉNAIRE DE GALIEN MARIE-HÉLÈNE MARGANNE, Lire Galien dans l’Égypte romaine et byzantine : le témoignage des papyrus .................................................................................... p. 227 VÉRONIQUE BOUDON-MILLOT, La transmission du corpus galénique, de l’Antiquité à nos jours ............ p. 244 NICOLETTA DARLON-PALMIERI, Le galénisme, une philosophie médicale dominante (IVe-XIVe siècles) ............................................................................................................ p. 257 LARA DE MERODE, La représentation de Galien dans les herbiers médiévaux ....................... p. 263 JACQUELINE VONS, Galien corrigé par Vésale ......................................................................................... p. 272 RENAUD ADAM, La réception imprimée de Galien dans les anciens Pays-Bas au XVIe siècle ................................................................................................................. p. 279

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GALIEN, UN NOM PROPRE DEVENU SI COMMUN ! — JEAN NÈVE

Que d’étudiants en pharmacie n’ont-ils pesté, en cours ou en blocus, lorsqu’il fallait assimiler la matière de « galénique », intitulé dérivé du nom de Galien (fig. 1) ! Cette discipline n’est pas toujours agréable à étudier, concédons-le, surtout depuis que les apprentis apothicaires sont confrontés à une approche plus technologique qu’artisanale du métier.

FIG. 1. Portrait imaginaire de Galien, gravure

de G.P. Busch, XVIIIe siècle. © Wellcome collection.

Lors des travaux pratiques, ces mêmes potaches n’ont-ils pas appris à préparer le « Cérat de Galien », une crème bien agréable à appliquer sur la peau (fig. 2) ? Et puis, ceux qui ont eu la chance de décrocher le fameux diplôme de pharmacien ne se souviennent-ils pas avec une certaine émotion d’avoir prononcé devant tous les maîtres de la Faculté le « Serment de Galien », marquant ainsi solennellement leur passage dans le monde professionnel (voir texte p. 383) ? Par la suite, certains d’entre eux sont même devenus des « galéniciens », en se spécialisant dans la formulation des médicaments, tandis que d’autres, plus férus d’histoire de la médecine, se sont érigés en « galénistes », défendant alors les apports de qu’on appelle le « galénisme ». À l’instar de Vespasien, Sax, Poubelle, Mac Adam et bien d’autres, ce médecin, né en Asie Mineure en 129 après J.-C. et ayant surtout travaillé à Rome, était vraisemblablement très loin de se douter que son nom passerait ainsi à la postérité, à la fois comme adjectif et substantif, et qu’il serait évoqué pendant des siècles. Pour cet homme aux multiples talents, c’est une gloire posthume immense de voir reconnaître ainsi ses qualités et la valeur de ses travaux. Mais qui était vraiment ce Galien et que fit-il pour mériter ces honneurs ? Ce sont là des questions qui restent finalement sans vraies réponses pour la plupart des pharmaciens qui se revendiquent pourtant fièrement de son héritage. Et les médecins parlent également avec intérêt de cet illustre prédécesseur sans trop vraiment le connaître. Il en est souvent ainsi pour ces hommes dont le nom est devenu tellement commun qu’il en fait presque oublier celui qui le porta. Certes, Galien fut un personnage bien étonnant pour son époque : possédant un sens aigu du diagnostic, il soigne efficacement ses patients et enseigne même son art en illustrant ses propos de dissections et de démonstrations anatomiques. Il réalise aussi de nombreuses expériences aboutissant à une meilleure compréhension du fonctionnement du corps humain. Il utilise la fameuse Thériaque (mélange complexe de produits naturels, dont l’opium) dans un but thérapeutique (fig. 3), ainsi que différents remèdes à base de plantes qu’il met au point lui-même. Les progrès des sciences et de la médecine balayèrent progressivement ses théories, mais celles-ci perdurent quand même jusqu’au XIXe siècle, au cours duquel la médecine expérimentale prit le dessus. Son apport dans la mise au point et l’utilisation de traitements médicamenteux est considérable, à tel point qu’on le considère comme un des pères fondateurs de la pharmacologie (littéralement : l’« étude des remèdes »).

FIG. 2. « Cérat de Galien », pot à pharmacie en porcelaine de Paris, Fontemoing & Peigney, XIXe siècle. © Luc de Laval Antiquités.

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À LA RENCONTRE DE GALIEN

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DE PERGAME À ROME : ITINÉRAIRES D’UN MÉDECIN — VÉRONIQUE BOUDON-MILLOT

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alien est un des rares auteurs antiques à nous avoir autant parlé de lui dans ses propres écrits. Il est également un des rares à avoir autant écrit. Les quelque vingt mille pages que compte son œuvre dans la seule édition qui continue à faire référence, l’édition de Carl Gottlob Kühn en vingt tomes, parue à Leipzig de 1821 à 1833, représentent en effet (pour la seule partie qui nous est parvenue) près du huitième de la totalité de la littérature grecque conservée, d’Homère au début du IIIe siècle de notre ère. Au sein de cette œuvre foisonnante, deux traités en particulier, souvent qualifiés de biobibliographiques, revêtent un intérêt particulier pour notre connaissance de la vie et de l’œuvre du célèbre médecin, héritier et commentateur d’Hippocrate : Sur l’ordre de ses propres livres et Sur ses propres livres1 où Galien, à la fin de sa vie, se retourne sur son œuvre pour en faire l’inventaire et indiquer à ses futurs lecteurs dans quel ordre il convient de lire ses ouvrages, précisant pour chacun d’eux dans quel but il l’a rédigé et quelles circonstances présidèrent à sa rédaction. À ces deux témoignages exceptionnels sur la vie et l’œuvre du médecin est venu s’ajouter un nouveau traité que l’on croyait perdu et qui a été redécouvert en 2005, Ne pas se chagriner, où Galien décrit les douloureuses pertes causées par l’incendie de Rome de 192 et la façon dont il s’efforça de les surmonter dans les dernières années de son existence2. Les principaux événements de sa vie au cœur de l’Empire romain (fig. 1), de son enfance studieuse à Pergame à ses premières interventions comme médecin des gladiateurs, jusqu’à ses éclatants succès remportés à Rome, présentent donc l’avantage, mais aussi l’inconvénient, de nous être connus de première main. De fait, en l’absence de témoignages extérieurs venant infirmer ou confirmer les déclarations de Galien, c’est bien souvent au seul lecteur qu’il revient de faire la part entre les vaines fanfaronnades et les franches réussites, mais aussi de trancher entre les différentes versions d’un même événement relaté par l’auteur à plusieurs années d’intervalle3.

FIG. 1. Carte de l’Empire romain à la fin du IIe siècle.

UNE JEUNESSE À PERGAME De son enfance heureuse à Pergame (fig. 2 et 3), à l’ombre de l’Asclépiéion, l’un des plus célèbres et florissants sanctuaires du monde méditerranéen dédié au dieu de la médecine, Galien gardera toute sa vie un attachement vivace à sa « chère Asie » (ancienne Asie Mineure et actuelle Turquie). Galien naît dans une famille d’intellectuels dont on peut suivre l’histoire sur trois générations : son arrièregrand-père était géomètre et son grand-père architecte4. Quant à son père, il avait étudié, outre l’architecture, la géométrie, l’arithmétique et le calcul qu’il fit à son tour étudier à son propre fils, Galien, comme lui-même les avait étudiés auprès de ses père et grand-père5. La question de savoir si la famille de Galien, qui appartenait à la riche aristocratie municipale, possédait la citoyenneté romaine a été longuement débattue. Un consensus semble aujourd’hui se dégager en faveur de l’affirmative, même si l’absence de témoignage incontestable, notamment

1. GALIEN, Introduction générale, Sur l’ordre de ses propres livres, Sur ses propres livres, Que l’excellent médecin est aussi philosophe (éd. Boudon-Millot). 2. GALIEN, Ne pas se chagriner (éd. Boudon-Millot et Jouanna). 3. Voir la biographie de Galien par BOUDON-MILLOT (2012) et les textes rassemblés par MORAUX (1985). 4. GALIEN, Ne pas se chagriner 59 (éd. Boudon-Millot et Jouanna, p. 19). 5. GALIEN, Propres livres 14, 4 (Kühn XIX, 40).

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LES « ÉCOLES » MÉDICALES À ROME DU TEMPS DE GALIEN — VÉRONIQUE BOUDON-MILLOT

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ès son arrivée à Rome, Galien témoigne de son souci d’aider les futurs médecins à s’orienter dans la jungle des différentes « écoles » médicales. Désignées en grec sous le nom d’hairèsis (αἵρεσις) et en latin sous celui de secta, ces écoles ne sont ni des hérésies ni des sectes, au sens moderne où nous l’entendons, mais des communautés de médecins adhérant à des principes méthodologiques communs et rassemblés sous la bannière d’un fondateur dont ils se réclament volontiers et adoptent même parfois le nom1. Il existait trois principales écoles : – dogmatique ou logique (δογματική ou λογική), – empirique (ἐμπειρική), – méthodique (μεθοδική)2. Voici l’opinion de Galien sur les écoles dans le traité qu’il avait consacré à ces questions et dont il recommande la lecture à tout étudiant en médecine débutant : Parmi ceux qui parvinrent entre mes mains [ie parmi les livres que Galien finit par récupérer lors de son second séjour romain] figurait le livre que j’ai consacré aux écoles médicales pour les débutants et que devraient lire en tout premier lieu ceux qui se destinent à l’étude de l’art médical. J’y enseigne en effet comment les écoles, selon leur genre, diffèrent les unes des autres ; selon leur genre, dis-je, car il existe aussi des différences au sein des écoles, différences dont sont par la suite complètement instruits ceux qui ont déjà fait leurs débuts. Les noms des trois écoles sont déjà connus de presque tout le monde : l’une est nommée dogmatique et logique, la deuxième empirique et la troisième méthodique. Tout ce qui relève en propre de chacune ou ce par quoi elles diffèrent les unes des autres est ainsi consigné dans ce livre3.

Si les médecins s’accordaient en général sur la nécessité de chercher à connaître à la fois les « choses saines » capables de conserver ou de rétablir la santé, et les « choses malsaines » qui la détruisent, en revanche ils se divisaient volontiers sur la méthode à suivre pour y parvenir : D’où l’on pourrait tirer la science de ces choses, cela, en revanche, ne fait plus l’unanimité, mais les uns prétendent que l’expérience seule suffit à l’art, alors que les autres sont d’avis que la raison n’y contribue pas pour une petite part. Ceux qui s’appuient sur la seule expérience (ἐμπειρία/empeiria), on les appelle d’un terme qui en est dérivé, les empiriques ; et, de la même manière, ceux qui partent de la raison (λόγος/logos) sont nommés logiques, et telles sont les deux premières écoles médicales, l’une qui va vers la découverte des médicaments par l’expérience, l’autre par l’indication (ἔνδειξις/endeixis)4.

Aux deux premières écoles, empirique et logique (ou dogmatique), s’ajoute l’école méthodique que Galien présente comme issue d’une scission de l’école dogmatique :

1. PELLEGRIN (1998). 2. MUDRY et PIGEAUD (1991). Pour une illustration du portrait de Marcus Modius Asiaticus, médecin de l’école méthodique, voir, dans ce volume, l’article d’I. Israelowich sur « L’identité des médecins », fig. 1. 3. GALIEN, Propres livres I, 2-4 (éd. Boudon-Millot, p. 137 = Kühn XIX, 12) à propos de son traité intitulé Sur les écoles. 4. GALIEN, Sur les écoles 1 (Kühn I, 65).

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GALIEN, MÉDECIN DES GLADIATEURS À PERGAME — VÉRONIQUE BOUDON-MILLOT

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omme beaucoup de ses contemporains, Galien a sans doute commencé à fréquenter l’amphithéâtre dans sa ville natale de Pergame. Il a ainsi très tôt pu assister aux jeux du cirque et percevoir les acclamations de la foule ponctuées par la musique bruyante des trompettes et des flûtes, grâce auxquelles les partisans de chaque troupe de gladiateurs (μονομάχοι/monomachoi) avaient pris l’habitude d’encourager leurs champions. Les grands-prêtres de Pergame, qui appartenaient aux classes riches et cultivées, étaient chargés d’entretenir à leurs frais une troupe de gladiateurs qu’ils achetaient à leurs prédécesseurs et revendaient à leurs successeurs, à charge pour eux de compléter cette troupe en cas de décès1. La question de savoir à quel temple et au culte de quel dieu était rattaché le grand-prêtre (ἀρχιερεύς/archiereus) et s’il était chargé du culte impérial au niveau local (Pergame) ou provincial (Asie) est complexe et ne peut être tranchée par les maigres renseignements que Galien nous livre à son sujet2.

Pergame fait partie des villes dont l’amphithéâtre, où avaient traditionnellement lieu les combats de gladiateurs sous l’Empire romain, a dû être modifié pour assurer la sécurité des spectateurs contre les bonds des fauves et pour permettre l’entrée des bêtes dans l’arène. Justifiées à l’origine par l’organisation de venationes (chasses et combats de bêtes), ces modifications architecturales servirent également de décor aux combats des gladiateurs (fig. 1). Ceux-ci vivaient dans un ludus (sorte de caserne) au sein duquel ils étaient groupés en sections composées d’hommes de même force et s’exerçant ensemble selon une hiérarchie établie. FIG. 1. Ruines de l’amphithéâtre de Pergame à la fin

du XVIIIe siècle, gravure signée Dequevauviller, illustrant le livre du comte de Choiseul-Gouffier, Voyage pittoresque de la Grèce, Paris, 1782-1822, tome II, planche 3, Mariemont, Bibliothèque, R 39, inv. 2054-2056. © Musée royal de Mariemont – photo Atelier de l’Imagier.

Pergame est l’une des rares villes de Méditerranée orientale à posséder un amphithéâtre ; cette architecture « importée » est une manifestation visible de la romanisation dans un contexte hellénique ; liée au pouvoir impérial, elle fonctionne comme un « microcosme de l’univers maîtrisé par Rome », selon K.A. Kazek. Dans de nombreuses autres cités d’Asie Mineure et de Grèce, si des combats de gladiateurs ou des chasses étaient organisés, ils se déroulaient dans des lieux de spectacle de tradition grecque, comme les théâtres, et ne devaient dès lors guère atteindre l’ampleur souvent démesurée des Jeux romains.

1. ROBERT (1940), p. 284-285 et GALIEN, Médicaments composés selon les genres III, 2 (Kühn XIII, 600). 2. Voir SCHLANGE-SCHÖNINGEN (2003), p. 113-116.

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LES DÉMONSTRATIONS ANATOMIQUES — VÉRONIQUE BOUDON-MILLOT

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es récits enthousiastes que nous a laissés Galien ici et là de ses démonstrations d’anatomie pourraient laisser penser qu’elles étaient choses courantes et relativement fréquentes. En réalité, sans parler des dissections humaines qui étaient pratiquement inexistantes, tout semble indiquer que les vivisections animales étaient elles-mêmes suffisamment rares pour constituer un événement. Il suffira de rappeler que le fameux Paulus qui, avec Boethus, fréquentait régulièrement la maison d’Eudème, n’en avait pour sa part jamais vu. Galien désigne la dissection (pratiquée sur des animaux morts) et la vivisection (pratiquée sur des animaux vivants) par le même mot d’anatomè (ἀνατομή), même si dissection et vivisection n’ont pas à ses yeux la même valeur pédagogique et heuristique : tandis que la première enseigne la connaissance anatomique des parties du corps, la seconde renseigne sur les fonctions (ἐνέργειαι/ energeiai) remplies par les différentes parties. En revanche, Galien distingue nettement séances privées et séances publiques d’anatomie. Si les dissections privées auxquelles il se livre à titre d’entraînement personnel ou qu’il organise pour ses étudiants paraissent avoir été relativement fréquentes, les vivisections publiques telles que celles pratiquées à la demande du consul Boethus furent certainement beaucoup plus rares.

Ces démonstrations publiques faisaient l’objet d’une véritable mise en scène de la part de Galien (fig. 1) et bénéficiaient d’une dimension théâtrale et agonistique avouée, Galien n’hésitant pas à parler à leur sujet de joute oratoire (ἀγών/ agôn)1. Elles se tenaient soit au domicile du mécène et organisateur ou dans un endroit mis à la disposition de Galien par ce dernier, soit plus fréquemment au Temple de la Paix, lieu de réunion des intellectuels, qui comptait également deux bibliothèques (latine et grecque). Galien toutefois ne mentionne des réunions publiques organisées au Temple de la Paix que pour son second séjour romain, un endroit où il ne fut apparemment convié à officier qu’après avoir acquis une certaine notoriété.

1. GALIEN, Pronostic 5 (éd. Nutton, p. 94, 25).

Plusieurs de ces séances publiques nécessitaient de se procurer un certain nombre d’animaux vivants, dont il fallait assurer l’entretien et la subsistance pendant toute la durée de la séance qui pouvait s’étaler sur plusieurs jours. Elles requéraient surtout de la part de celui qui s’y livrait une grande habileté technique et une longue expérience acquise lors de séances d’anatomie antérieures menées dans un cercle privé. Galien recommande en effet à ses élèves de s’entraîner longuement sur des animaux morts pour acquérir l’aisance et surtout la vitesse d’exécution nécessaire à une vivisection réussie, la moindre erreur ou une lenteur excessive étant susceptibles de provoquer une mort anticipée de l’animal et de faire ainsi prématurément échouer la démonstration. Il convenait en effet de limiter les risques d’une hémorragie qui brouillerait tout et raccourcirait la survie de l’animal.

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REPÈRES CHRONOLOGIQUES — VÉRONIQUE BOUDON-MILLOT

117-138 129 138-161

RÈGNE D’HADRIEN – Naissance à Pergame (à la fin de l’été ou au début de l’automne). RÈGNE D’ANTONIN LE PIEUX

143

– À quatorze ans, Galien entreprend des études de philosophie. Élève de Philopator, un philosophe stoïcien. Compose son premier traité (perdu) : un commentaire aux livres syllogistiques de Chrysippe.

145

– À seize ans, il entreprend des études de médecine, conjointement à ses études de philosophie. Suit les cours de Satyros, qui était arrivé à Pergame en 142.

146-147

– Épidémie d’anthrax alors qu’il est l’élève de Satyros à Pergame.

146

– Assiste à Pergame au débat entre Pélops et Philippe à propos duquel il rédige un mémoire sur l’expérience médicale. Suit les cours de Pélops à Pergame, de Stratonicos et peut-être ceux d’Aiphicianos.

Avant 148

– Il compose une Anatomie de l’utérus et un traité sur le diagnostic des affections oculaires avant son départ pour Smyrne.

148 148- ?

– Mort du père de Galien ; il est dans sa vingtième année. – Séjour à Smyrne, où il suit l’enseignement de Pélops et d’Albinos (et peut-être d’Aiphicianos). Compose Sur le mouvement du poumon et du thorax.

c. 151-152

– Séjour à Corinthe à la recherche de Numisianos.

c. 153-157

– Séjour à Alexandrie. Héracleianos ne donne pas à Galien les livres de son père Numisianos.

157

– (Été) Retour d’Alexandrie à Pergame. Galien est alors âgé de vingt-sept ans. – (Automne) À vingt-huit ans (son anniversaire a eu lieu dans l’été ou à la fin de l’automne), Galien est guéri par Asclépios de son abcès au foie qu’il suppose causé par des indigestions répétées de fruits. Il se déclare alors « serviteur » du dieu.

157-161

– (Automne 157 – fin de l’été 161) Médecin des gladiateurs.

161-180

RÈGNE DE MARC AURÈLE. LUCIUS VERUS CO-EMPEREUR DE 161 À169

161-162

– (Été 161-été 162 ?) Premiers voyages scientifiques.

162-166

Premier séjour à Rome

162 162-163

– (Au début ou plus vraisemblablement à l’automne) Arrivée à Rome. – (Hiver) Maladie d’Eudème et premiers succès retentissants.

163

– À trente-quatre ans, Galien est victime d’un accident à la palestre et se luxe la clavicule.

166

– (Fin) Lucius Verus de retour à Rome célèbre sa victoire sur les Parthes le 12 octobre 166. Son armée est frappée par la peste rapportée d’Orient. – Galien quitte Rome précipitamment. – (Automne ou début 167) Retour à Pergame à l’âge de trente-sept ans révolus.

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LES PATIENTS DE GALIEN SA FILE ACTIVE — DANIELLE GOUREVITCH

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n gauchissant légèrement le sens de l’expression contemporaine de « file active »1, on peut dire que celle de Galien est une reproduction de la situation sociale et géographique de l’Empire romain2 : de haut en bas, elle va de l’empereur et de la cour, au misérable paysan d’Asie, à l’esclave abandonné à lui-même par un temps caniculaire ; du nord au sud, du Danube au Nil, en passant par les sept collines de Rome, le Latium et la Campanie ; quotidiennement, de l’infirmerie des gladiateurs de Pergame au palais impérial ou Palatium sur le Palatin, en passant par le cabinet de consultation et d’hospitalisation.

FIG. 1. Stèle funéraire attique représentant

le médecin Jason auscultant un malade, marbre, Londres, British Museum, inv. 1865,0103.3. © The Trustees of the British Museum.

QUI GALIEN SOIGNE-T-IL ? OÙ GALIEN SOIGNE-T-IL ? Le médecin répond à toutes les sollicitations : il est appelé directement par le malade ou par quelqu’un de son entourage, qui va même jusqu’à aller le chercher chez un malade où il était déjà en visite. Il accepte les plus riches et les moins riches, il lui arrive de soigner gratis et même, quelquefois, il offre médicaments et nourriture, ou même un infirmier gratuit si le malade n’a pas de moyens. Il écoute les voyageurs, tel cet Athénien, père de l’enfant épileptique, pour lequel il va rédiger un des premiers régimes de santé de l’histoire occidentale. Il reçoit du courrier, d’Espagne, de Gaule, d’Asie Mineure, de Thrace et d’autres régions, qui lui demande par exemple un « médicament efficace contre la cataracte à ses débuts »3. Parfois, on se rencontre dans la rue : Galien aime particulièrement flâner dans le quartier des libraires et des cordonniers, le sandalarium. Ainsi le jeune Glaucon, qui a entendu parler des diagnostics du maître, le croise et l’invite à l’accompagner chez un médecin sicilien qui est malade. Galien entre donc chez ce patient sans avoir été convié par lui ! Les anecdotes sont nombreuses, mais la pratique courante est la visite au domicile du patient ou la consultation chez lui (fig. 1). À Rome, pour son premier séjour, il loue une demeure qu’il meuble d’un mobilier dont il se débarrassera quatre ans plus tard, quand il regagnera l’Asie Mineure ; il est probable qu’il y a un cabinet de premiers soins et de délivrance de remèdes, un ergastèrion4, comme il en aura un autre, lors de son deuxième et long séjour, avec même une pièce d’hospitalisation pour observation et traitement de quelques jours. Il y a aussi ses instruments et ses remèdes courants5, le reste étant stocké dans son apothèque (apothèkè, dépôt, réserves) du Temple de la Paix, lieu réputé sûr et donc loué cher, mais qui n’en brûlera pas moins. Galien est secondé par de jeunes médecins et des esclaves formés par lui, tant chez lui que lorsqu’il se rend au domicile du malade, jusque dans les faubourgs de l’Urbs, convoqué par tel ou tel, ou poussé par une curiosité professionnelle qui heurte notre sensibilité, emboîtant le pas à des confrères qui souvent ne lui ont rien demandé, ou attiré par ce qu’il a entendu dire, par un esprit de compétition indispensable dans une profession jalouse et à l’affût des erreurs des autres, et désireux de briller auprès d’un patient convaincu qu’on n’a jusque-là rien compris à son cas et qu’il été mal soigné par les meilleurs médecins du temps.

1. HORSTMANSHOFF (1995). 2. Voir aussi, dans ce volume, l’article de J. Scheid, « La vie à Rome au IIe siècle », et celui de B. Rossignol, « Les réseaux impériaux de Galien ». 3. GALIEN, Sur les lieux affectés IV, 2 (Kühn VIII, 224). 4. NISSEN 2009, qui, d’après un papyrus et deux inscriptions de Métaponte et de Magnésie du Méandre, estime que ce mot, dont le sens premier est celui d’atelier, désigne plutôt un centre de soins d’une certaine importance, où exerçaient plusieurs médecins, à la différence du terme iatreion. 5. Voir aussi infra, dans ce volume, l’article de J. Ortalli, « La domus del chirurgo de Rimini ».

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MONTRER GALIEN : LA GENÈSE D’UNE EXPOSITION — ANNIE VERBANCK-PIÉRARD

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ontrer Galien… Montrer Galien ? Le défi est de taille puisqu’il s’agit de lui consacrer une exposition, qui, à ma connaissance, est l’une des toutes premières, sinon la première, à mettre en scène l’illustre médecin de Pergame. Mais pourquoi relever un tel défi ? POURQUOI « MONTRER GALIEN » ? Au départ, un triple constat paradoxal

Dans les études consacrées à Galien : un manque flagrant d’illustrations Alors que depuis plusieurs siècles, mais tout particulièrement ces dernières décennies, les livres consacrés à Galien se sont multipliés et que la bibliographie relative à sa vie, ses œuvres, sa pratique et ses conceptions se révèle absolument gigantesque et sans fin, tant publiée que consultable en ligne, malgré donc ce poids considérable d’expertise scientifique déployée autour du « Prince de la médecine », l’iconographie de la plupart de ces ouvrages et articles, aussi savants soient-ils, se révèle remarquablement pauvre, sinon inexistante1. C’est d’ailleurs vrai pour beaucoup de publications relatives à l’histoire de la médecine, même si le livre passionnant de Danielle Gourevitch, Pour une archéologie de la médecine romaine, publié en 2011, a très clairement montré la voie. Galien ne serait-il donc plus que du texte, que des textes, terrain d’excellence, mais aussi propriété exclusive des philologues et historiens ? Sans image, sans portrait, sans existence autre que livresque, aurait-il donc définitivement disparu de notre horizon visuel ? N’est-il pas temps, enfin, de lui redonner cette visibilité perdue, de faire pénétrer les lecteurs de ses textes dans la réalité tangible qui était la sienne ? Galien « se montre » Or Galien aime se montrer, il prend plaisir à se mettre en scène, presque toujours à son avantage. De plus, grâce à son vocabulaire précis, fleuri et très visuel, grâce à ses comparaisons concrètes et didactiques ou à ses anecdotes, au-delà de sa propre personne, il donne à voir son environnement matériel et humain, tellement contrasté, vivant, bruyant, odorant. Tout est là, dans ses écrits, nous y reviendrons : la campagne paisible de Pergame, les moyens de transport, les quartiers de Rome, la cohue des grandes villes, l’enfer des mines, l’intérieur des maisons de ses riches patients, la faune et la flore de cet Empire démesuré, que sillonnent, comme lui, les dirigeants, les légions, les marchands, les artisans, les hauts fonctionnaires, les fidèles et les charlatans2…

1. MORAUX (1985) : plan et vue des ruines de l’Asclépiéion de Pergame ; BOUDON-MILLOT (2012) : une seule illustration, celle de la couverture, adaptée d’une gravure de l’ouvrage de Louis FIGUIER, Vies des savants illustres, I, Paris, 1866, « Galien secourant un gladiateur blessé dans le Colisée de Pergame », p. 378-379 ; HANKINSON (2008) : en couverture (édition de 2009), la gravure d’un buste pseudo-romain de Galien ; MATTERN (2013) : 14 photos en noir et blanc, dont 4 illustrent des objets d’époque classique ou hellénistique, 3 des objets pompéiens et 4 des gravures d’éditions anciennes ; seuls l’Asclépiéion de Pergame (2 vues) et la statue de Marc Aurèle au Capitole sont contemporains de Galien. 2. Voir, dans ce volume, les articles de D. Gourevitch.

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LA VIE À ROME AU IIe SIÈCLE — JOHN SCHEID

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u IIe siècle, Rome était la métropole du monde. Mais cette formule n’explique sans doute pas ce qu’était cette ville, cette urbs comme on disait en latin. Car, de plusieurs points de vue, cette métropole nous dépayserait beaucoup. D’abord, c’était le centre de l’État romain qui dominait le monde, c’est-à-dire l’Italie et l’Empire. D’autre part, c’était en fait une cité-État qui était gouvernée par ses institutions municipales, et dont était citoyen, au IIe siècle, un nombre croissant d’habitants du monde romain. L’Empire dominé par Rome englobait toute la Méditerranée et les pays situés entre l’Atlantique et le Sahara, entre la mer Noire et Gibraltar. C’était aussi la plus grande ville du monde, une mégapole, beaucoup plus proche des mégapoles prémodernes que de celles d’aujourd’hui, avec leurs quartiers spécialisés. Enfin, c’était aussi, dans une certaine mesure un centre culturel, où se concentrait la création artistique et intellectuelle.

FIG. 1. « Tous les chemins mènent à Rome » :

plan de la cité de Rome (en jaune : la Ville, en gris le territoire de la cité) © Fabrice Bessière, Collège de France.

UNE CITÉ-ÉTAT QUI DOMINE LE MONDE Rome est donc une cité, polis ou ciuitas, ce qui signifie qu’elle est un centre urbain entouré de ses faubourgs et d’un territoire. Même s’il y avait une administration romaine du monde et des provinces, même s’il y avait des fonctionnaires et des bureaux au Palatin, où résidait l’empereur, il ne s’agissait pas d’un empire centralisé. Le monde romain était essentiellement composé de quelques milliers de cités-États plus ou moins grandes, qui étaient largement autonomes. Rome était la métropole de cet empire de cités, en tant qu’elle était le siège du pouvoir suprême romain, des tribunaux romains importants, des conseils de l’empereur, qu’il s’agisse du sénat, qui conseillait l’empereur et les magistrats romains, ou des conseillers privés du prince, qui étaient généralement des esclaves ou des affranchis impériaux. Ce qui est original dans cette construction, c’est que l’Empire était dirigé en fait par les institutions municipales de Rome. C’est comme si la municipalité d’une des capitales actuelles, avec son maire, ses adjoints et directeurs de service, ainsi que le conseil municipal, gouvernait le monde entier. Ces magistrats de la ville de Rome dirigeaient aussi la mégapole romaine en tant que telle. Les consuls, le préteur urbain, les édiles et des magistrats débutants, élus chaque année parmi les sénateurs, avaient la responsabilité de la gestion et de l’entretien des rues, des monuments et de l’approvisionnement. En outre, les principaux magistrats annuels de Rome, les consuls et les préteurs étaient les principaux acteurs de la vie religieuse publique, avec ses dizaines de temples et de sacrifices, assistés par environ cent trente prêtres, qui étaient essentiellement des conseillers en droit sacré. Ils présidaient aussi les cours de justice. L’empereur coiffait ce système, comme recours politique contre les conflits civils, comme gouverneur des provinces disposant d’armées romaines et comme gestionnaire des caisses publiques.

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LES RÉSEAUX IMPÉRIAUX DE GALIEN — BENOÎT ROSSIGNOL

UN GRAND HOMME DE PROVINCE À ROME Permettez-moi, Monsieur, dit-elle à Canalis, de vous présenter M. de Rubempré. Vous occupez une position trop haute dans le monde littéraire pour ne pas accueillir un débutant. M. de Rubempré arrive d’Angoulême, il aura sans doute besoin de votre protection auprès de ceux qui mettent ici le génie en lumière. Il n’a pas encore d’ennemis qui puissent faire sa fortune en l’attaquant1.

À

l’instar du Paris littéraire de Balzac, la Rome de l’époque de Galien ne pouvait promettre de réussite à l’ambition des individus talentueux que s’ils étaient capables de trouver des soutiens dans un environnement très concurrentiel. Très hiérarchisée et fortement marquée par l’hérédité de la dignité2, cette société était dominée par les ordres aristocratiques romains : chevaliers et sénateurs. C’est auprès d’eux qu’un « grand homme de province » devait trouver protection et recommandation. Leur crédit pouvait se mesurer au regard de leur clientèle, mais dépendait éminemment, en définitive, de leur relation au prince (fig. 1). Ces aristocrates pratiquaient une sociabilité lettrée bilingue, latine et grecque. Particulièrement vivante, elle était animée par les luttes pour la distinction et parcourue de nombreuses rivalités individuelles ou collectives, les disciplines pouvant s’opposer entre elles, comme la philosophie et la rhétorique, mais aussi se diviser en de multiples écoles ou obédiences, élèves d’un même maître, partisans d’une même tradition ou d’une secte philosophique… La médecine pouvait pleinement participer de cette vie culturelle dont Rome était le centre. En fonction de l’intérêt des grands personnages de l’Empire pour tel ou tel domaine de la culture, les réseaux aristocratiques se mêlaient aux sociabilités savantes et littéraires. L’éloquence pouvait sembler dominer, en particulier dans le domaine hellénophone marqué alors par le mouvement de la « seconde sophistique », porté par des personnages brillants qui cumulaient parfois l’éminence littéraire et la domination économique sociale et politique, à l’instar d’un Hérode Atticus champion de la rhétorique grecque, professeur de Marc Aurèle, milliardaire à Athènes et consul à Rome3. Il importait donc de constituer et de mobiliser un important capital relationnel pour trouver les bons protecteurs, s’insérer dans les réseaux et s’y maintenir. L’œuvre de Galien constitue un témoignage remarquable sur les dynamiques politiques et culturelles du sommet de l’Empire, même si elle ne procure que des éclairages très ponctuels, concernant avant tout le premier séjour du médecin à Rome. C’est assez logiquement que Galien s’appuya d’abord sur ses compatriotes, faisant jouer, à Rome, des liens sociaux construits à Pergame. De ce point de vue, il bénéficia de l’insertion remarquable des élites de sa cité dans la société romaine du IIe siècle4. Extrêmement riches et issus d’une ancienne capitale royale, plusieurs grands notables de Pergame étaient entrés au sénat romain dans le demi-siècle

FIG. 1. Portrait de Marc Aurèle cuirassé, buste

en marbre, Toulouse, Musée Saint-Raymond, inv. Ra 61b - 30.108. © Toulouse, Musée Saint-Raymond – photographie J.-Fr. Peiré.

1. BALZAC (1843), p. 139 dans CASTEX (1977), p. 278. 2. GALIEN, Exhortation à l’étude de la médecine VII (éd. Boudon-Millot, p. 93-96). 3. La bibliographie sur le personnage est vaste, outre AMELING (1983), on peut l’aborder par les synthèses récentes de GLEASON (2010) et HALFMANN (2017). Voir infra, dans ce volume, l’article de B. Rochette, fig. 1. 4. Sur les élites de Pergame, synthèse récente dans VENTROUX (2017).

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LE BILINGUISME GRÉCO-LATIN AU IIe SIÈCLE — BRUNO ROCHETTE

καὶ θαῦμα τοῦτο ἦν, ἄνθρωπος εἷς ἀκριβῶν διαλέκτους δύο1.

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omme Aelius Aristide de Mysie2, Apulée de Madaure3, Favorinos d’Arles4, Plutarque de Chéronée5 et Lucien de Samosate6, Galien de Pergame7 fait partie de ces auteurs nés loin de Rome, qui ont quitté leur patrie pour séjourner dans la capitale de l’Empire, la Rome des Antonins8, une ville réellement cosmopolite, ciuitas ex nationum conuentu constituta, comme le disait déjà Quintus Cicéron9. Galien arriva à Rome en 162 à l’âge de trente-deux ans10. Le médecin de Pergame a donc connu l’Empire romain du IIe siècle de notre ère, marqué par une symbiose gréco-romaine que favorisait la Pax Romana. Sous les Antonins, c’est-à-dire depuis l’accès au trône de Trajan, en 98, jusqu’à la mort violente de Commode, le 31 décembre 192, l’Empire de Rome est incontestablement bilingue11 : les deux langues littéraires sont le grec et le latin. Comme le rappelle, en plein siècle d’Auguste, la formule célèbre d’Horace, Graecia capta ferum uictorem cepit et artes / intulit agresti Latio12, Rome avait accepté le principe de la conquête culturelle de la Grèce. Cet aveu d’infériorité culturelle face au monde grec va se transformer, durant le IIe siècle de notre ère, en une sorte d’équilibre, une symbiose, entre les deux civilisations et leurs langues13. La plupart des intellectuels du IIe siècle possèdent une double culture, grecque et latine, comme on le voit dans l’œuvre d’Aulu-Gelle, les Nuits Attiques14, dont la publication correspond pratiquement avec celle des Pensées de Marc Aurèle, écrites en grec, selon la tradition du stoïcisme. Dans la Vie d’Apollonios de Tyane, Philostrate fournit un témoignage éclairant sur le bilinguisme sous l’Empire15. Quand Apollonios vivait dans le Péloponnèse, raconte le biographe, l’Achaïe était administrée par un gouverneur qui ne connaissait pas le grec et qui, de ce fait, se laissait berner par ses subordonnés, car il devait recourir à des interprètes. Vespasien, qui rencontra Apollonios en 69 à Alexandrie (rencontre sans doute fictive), fut informé du problème. Apollonios lui donna comme conseil de bon sens d’envoyer dans les provinces de langue grecque des gouverneurs connaissant le grec et l’inverse pour les provinces de langue latine16. Cette dichotomie pourrait être interprétée comme le signe d’un conflit linguistique. Il n’en est rien, car les deux langues ne sont pas utilisées dans des sphères équivalentes et n’entrent donc pas en concurrence. La situation des langues dans l’Empire de Rome est plus complexe. Le grec est la langue de la culture, mais aussi celle de la conversation quotidienne ; le latin sert pour l’expression du pouvoir et de la vie officielle, au forum et à la curie17. Si le passage de Philostrate peut nous révéler l’existence, à Rome, de membres de la classe sénatoriale ignorant le grec, plusieurs textes montrent que le grec est fort répandu dans la capitale à cette époque. Juvénal parle de Rome comme d’une Graeca urbs, stigmatisant l’invasion d’hellénophones dans la ville – en réalité des Syriens, dont la langue est le grec18.

1. GALIEN, Différences du pouls, II, 5 (Kühn VIII, 585, 18 – 586, 19). Traduction : « C’était un prodige, un homme maîtrisant parfaitement deux langues. » 2. BOULANGER (1968), p. 124-127 ; OUDOT (2008). 3. GRIFFITHS (1975), p. 4-5. 4. GAMBERALE (1996) ; SWAIN (1996) ; ROCHETTE (2015). 5. STADTER (2015), p. 133-137. 6. DUBUISSON (1984-1985) ; GASSINO (2008) et (2009). 7. REARDON (1971), p. 46-47 ; SWAIN (1996), p. 357-379 ; BOUDON-MILLOT (2012), p. 121-166. 8. Sur l’attractivité de Rome, HIDBER (2006), p. 244-245. 9. Quintus CICÉRON, Commentariolum petitionis, 14 ; STRABON, Géographie, XIV, 5, 15, dit que Rome est « remplie d’hommes de Tarse et d’Alexandrie ». 10. BOUDON-MILLOT (2012), p. 101 et 121. 11. CORBIER (2008b) ; CLACKSON (2015), p. 87-94. 12. HORACE, Ep., II, 1, 156-157. 13. GAMBERALE (1996) ; SWAIN (2004). 14. CASTILLO (2011), p. 55-67. 15. PHILOSTRATE, Vie d’Apollonios de Tyane, V, 36 :

Φημὶ δεῖν πέμπειν (…) ἑλληνίζοντας μὲν Ἑλληνικῶν ἄρχειν, ῥωμαΐζοντας δὲ ὁμογλώττων καὶ ξυμφώνων. ὅθεν δὲ τοῦτ᾽ ἐνεθυμήθην, λέξω· κατὰ τοὺς χρόνους, οὓς ἐν Πελοποννήσῳ διῃτώμην, ἡγεῖτο τῆς Ἑλλάδος ἄνθρωπος οὐκ εἰδὼς τὰ Ἑλλήνων, καὶ οὐδ᾽ οἱ Ἕλληνές τι ἐκείνου ξυνίεσαν· ἔσφηλεν οὖν καὶ ἐσφάλη τὰ πλεῖστα. « Je suis d’avis qu’il faut envoyer […] des hommes sachant le grec à administrer des populations de langue grecque, et des hommes sachant le latin pour des populations de même langue qu’eux, ou de dialectes voisins. Je vais te dire pourquoi cette idée m’est venue : pendant le temps où j’ai vécu en Péloponnèse, le gouverneur de la Grèce était un homme qui ne connaissait rien du monde grec et, de leur côté, les Grecs ne le comprenaient pas. Aussi commettait-il des fautes, autant qu’on en commettait envers lui […]. » (trad. Grimal). 16. BÉRENGER (2014), p. 327-332. 17. DUPONT et al. (2005) ; DAGRON (1969). 18. III, 60-63 : non possum ferre, Quirites, Graecam urbem ; quamuis quota portio faecis Achaei? /iam pridem Syrus in Tiberim defluxit Orontes / et linguam et mores…

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GALIEN MÉDECIN, PHARMACIEN, ÉCRIVAIN AU CŒUR DE LA SOCIÉTÉ ROMAINE

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L’IDENTITÉ DES MÉDECINS DANS L’EMPIRE ROMAIN — IDO ISRAELOWICH UNE OFFRE TRÈS VARIÉE OU : COMMENT IL FAUT RECONNAÎTRE LE MEILLEUR MÉDECIN

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u cours de l’Antiquité classique, les médecins n’étaient qu’un groupe parmi d’autres sur ce que nous pourrions appeler le « marché médical ». Ce marché était à la fois concret et conceptuel. Il désignait tant le lieu où l’on cherchait quelqu’un pour se faire soigner et où les soins étaient prodigués que le point de rencontre des idées et des différentes tendances qui définissaient les notions de « santé » et de « maladie ». Une personne souffrante pouvait y trouver un médecin, qui lui expliquait la maladie à sa façon et lui prescrivait un traitement approprié à son raisonnement (fig. 1). Mais il pouvait aussi y trouver sans aucun doute un entraîneur sportif, un spécialiste de l’interprétation des rêves (oneirocritès), un cueilleur de plantes (rhizotomos) et un pharmacologue, chacun proposant une explication différente et un traitement correspondant.

FIG. 1. Portrait de Marcus Modius Asiaticus, buste

en marbre, Paris, Bibliothèque nationale, Cabinet des Médailles, inv. 57.5. © Paris, Bibliothèque nationale, Cabinet des Médailles.

Cette « offre médicale » – et paramédicale – fonctionnait sans intervention de l’État ou d’autres institutions officielles. Il n’y avait pas d’octroi de diplôme de médecin. Les systèmes législatifs grecs, hellénistiques et romains n’avaient aucun mécanisme particulier pour faciliter les actions menées à l’encontre de professionnels de la santé qui ne tenaient pas leurs promesses. Les limites entre les diverses disciplines étaient souvent floues. Mis à part les professionnels de la santé, les malades s’adressaient aussi à des dieux guérisseurs, comme Asclépios, Apollon et Sérapis. Dans les sanctuaires de ces divinités, les fidèles étaient soignés et guéris par les dieux grâce à l’entremise du personnel attaché au temenos. Cependant, durant leur convalescence dans ces sanctuaires, les fidèles étaient également susceptibles de rencontrer l’un des nombreux médecins qui y pratiquaient également. Ils découvraient très vite que, par prudence, tant les médecins que les dieux n’imposaient pas d’approche exclusive à la médecine. On laissait les patients conceptualiser leurs maux en fonction de leurs croyances. Ils n’étaient jamais forcés de s’attacher exclusivement à un guérisseur ou à une discipline. Les médecins et le personnel du temple utilisaient un vocabulaire et des méthodes similaires. Comme H. Horstmanshoff l’a relevé, le « dieu connaissait la médecine » et le traitement à l’extérieur du sanctuaire ressemblait à celui prodigué à l’intérieur1. L’INTÉGRATION DE LA MÉDECINE GRECQUE DANS LE MONDE ROMAIN Face à ce « marché médical » si diversifié, comment les médecins grecs ont-ils progressivement réussi à s’intégrer ? En effet, lorsque le premier praticien grec, Archagathus, ouvrit un cabinet à Rome dans les dernières décennies du IIIe siècle av. J.-C., c’était encore une nouveauté et il dut rivaliser avec d’autres professions et

1. HORSTMANSHOFF (2004).

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LA DOMUS DU CHIRURGIEN À RIMINI — JACOPO ORTALLI

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’est en 1989 qu’eut lieu la découverte de la domus dite « du Chirurgien » à Rimini, l’antique Ariminum, la plus ancienne colonie fondée par les Romains au nord des Apennins. Il s’agit d’un événement fortuit, dû au déracinement d’un arbre lors de l’aménagement du jardin de la place Ferrari. Quelques fragments de fresques romaines trouvés entre les racines incitèrent la Soprintendenza Archeologica di Bologna et le Museo della Città de Rimini à intervenir et à réaliser un sondage qui mit en lumière des matériaux intéressants, notamment des restes de mosaïques polychromes et quelques instruments en bronze. Par la suite, des campagnes de fouilles stratigraphiques systématiques se sont succéd. jusqu’en 19971. C’est ainsi qu’une aire d’environ 700 m² a été dégagée, avec une superposition d’une série de strates datable de la période tardo-républicaine jusqu’à notre époque. Cette aire fut muséalisée et ouverte au public en 2007. ARCHITECTURE ET PLAN DE LA DOMUS

La domus dite « du Chirurgien » se trouvait parmi les nombreuses structures découvertes. Elle était construite à la limite de la cité, au carrefour d’un decumanus et d’un cardo, en face du rivage antique. La zone avait déjà été occupée par une habitation du Ier siècle av. J.-C., documentée par quelques morceaux de pavements en opus signinum décorés de tesselles de mosaïque. Au début de l’Empire, sans doute durant le principat d’Auguste, cet édifice fut complètement reconstruit pour être transformé, selon toute probabilité, en une domus romaine typique, avec péristyle. Pendant la seconde moitié du IIe siècle de notre ère, une rénovation ultérieure, vraisemblablement limitée à l’arrière de l’édifice, créa un appartement secondaire2. Cette habitation complémentaire fut réalisée en réduisant la taille du jardin du péristyle, en fermant les trois ailes du portique qui l’entourait, en murant les colonnades et en subdivisant l’espace interne avec des murs surélevés sur deux étages. Une telle intervention donna au nouvel édifice une planimétrie irrégulière, avec un côté oblique (mur du fond), mais dans l’ensemble, elle est organisée et fonctionnelle (fig. 1). Comme entrée principale, on conserva celle de la première phase, à l’avant de la domus originale, dans le secteur qui donnait sur le decumanus de la cité romaine (correspondant aujourd’hui au côté méridional de la place Ferrari). Les deux autres entrées, secondaires mais plus directes, furent en revanche créées à l’arrière de la maison : la première, plus grande et carrossable, reliait la route côtière passant derrière la maison à une petite cour en terre battue dans la zone de service ; la seconde, ouverte sur le cardo nord-occidental, était plus importante, car elle donnait directement accès au secteur résidentiel. Les nombreux matériaux caractéristiques trouvés à l’intérieur de la maison démontrent que, au cours de la dernière période de son existence, elle fut habitée

1. La stratigraphie adoptée lors des fouilles a permis de reconnaître et de documenter tant le contexte dans son ensemble que tous les matériaux. En attendant la publication complète et imminente des fouilles et des recherches, on peut se référer à : ORTALLI (1997) ; ORTALLI (2000) ; ORTALLI (2007) ; ORTALLI (2009). Sur les instruments chirurgicaux : JACKSON (2003) ; JACKSON (20091) ; JACKSON (20092). En outre : DE CAROLIS (2007) ; DE CAROLIS (20091) ; DE CAROLIS (20092). Sur d’autres aspects : STOPPIONI (1993) ; FONTEMAGGI, PIOLANTI, RAVARA (2001) ; DONATI (2005) ; MAIOLI (2008). 2. En raison de la construction tardo-antique qui surplombait la zone, nous ne savons presque rien de la domus de la période impériale qui se trouve au niveau inférieur. Sur le bâtiment d’époque tardive, on peut se référer aux différentes publications de NEGRELLI (2008).

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ACCIDENTS DU TRAVAIL, MALADIES PROFESSIONNELLES ET STRESS SOCIAL — DANIELLE GOUREVITCH

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vec le tableau d’ouverture de la patientèle de Galien, nous avons présenté une situation de celle-ci dans la société. Nous allons le compléter en changeant d’approche avec une série d’accidents du travail et de maladies professionnelles, puis avec une autre série regroupant certains effets pathologiques des contraintes et pressions sociales. Une histoire de la pathologie du travail antique n’est pas encore faite ; nous n’en fournirons ici que quelques éléments. ACCIDENTS DU TRAVAIL ET MALADIES PROFESSIONNELLES Les dangers de la campagne : serpents et vipères

FIG. 1. Vipera anatolica. © CC – Eray Simsek (2014).

En Italie, en Asie Mineure et en Égypte sévissent serpents et vipères (fig. 1) qui mordent aux pieds et aux mains les employés qui veulent les attraper, de même que les agriculteurs dans leurs champs. On en connaît plusieurs cas dramatiques conservés dans le corpus galénique. C’est ainsi que le pseudo-Galien évoque un serpent, le chêneau, qui vivrait dans les racines des chênes comme son nom l’indique, mais dont l’identification n’est pas sûre. Il est redoutable pour celui qui a la malchance de lui marcher dessus ; il provoque une mort terrible, la « peau se détache des pieds et il se forme un énorme œdème dans tous les membres »1. Rappelons que les travailleurs de la terre vont le plus souvent pieds nus et que la plupart des chaussures sont ouvertes ; si les ex-voto de pied, si fréquents dans l’ensemble du monde romain, ont des motivations multiples, la crainte de telles morsures en fait certainement partie, et les papyrus de l’Égypte romaine en font souvent état, ainsi que des piqûres de scorpion2. On ne sait trop où le drame du chêneau a eu lieu, mais c’est bien en Italie que travaillent les esclaves de l’empereur chargés de chasser les serpents autour de Rome, « esclaves impériaux dont le travail est de faire la chasse aux vipères » : L’un d’eux fut mordu [mais le lieu de la morsure n’est pas précisé] ; pendant un certain temps, il but l’un des remèdes qui lui étaient familiers. Mais quand le teint de tout son corps changea, au point de prendre la couleur d’un poireau3, il vint me trouver et me raconta chaque point de son histoire : il but de la thériaque et retrouva très rapidement son teint4.

1. PSEUDO-GALIEN, Thériaque à Pison VIII, 4 (éd. BoudonMillot). 2. Cela même chez des enfants : ainsi, à l’époque impériale, donc plus ou moins contemporains de Galien, un bébé d’un an et demi et une fillette de sept ans « piquée au pied par le dard empoisonné d’un scorpion ». 3. BOEHM (2002) ; BOUDON (2002). 4. GALIEN, Lieux affectés V, 8 (Kühn VIII, 355).

Donc ayant pris l’initiative d’un traitement de routine, il a eu la sagesse de constater son insuffisance et de recourir à l’homme de l’art. Il y eut aussi une affaire à Alexandrie dans laquelle la victime avait en quelque sorte une connaissance spontanée du traitement ou de la mesure à prendre, ce qui suffirait à prouver la banalité de la situation ! Comme je me trouvais à Alexandrie, raconte Galien d’après ses souvenirs d’étudiant, un paysan (agroikos) fut mordu (par une vipère : le terme aspis révèle

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GALIEN ET LA MÉDECINE DU SPORT LIEUX ET PRATIQUES — ÉDOUARD FELSENHELD

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es traités de Galien nous renseignent sur la médecine du sport du IIe siècle1 et en particulier sur ses lieux et ses pratiques, mais une question de vocabulaire se pose d’emblée : que peut bien signifier la notion moderne de sport quand elle est appliquée à l’Antiquité ? SPORT EN FRANÇAIS, GYMNASION EN GREC

Le mot sport2 n’a pas de strict équivalent en grec ancien : c’est un emprunt du XIXe siècle au substantif anglais disport « divertissement », qui s’applique à des activités corporelles effectuées par plaisir, le plus souvent dans un esprit de compétition ; le mot anglais lui-même est emprunté à l’ancien français desport. À l’origine, le mot sport renvoie aux courses de chevaux et paraît lié à l’idée de pari. Ce n’est qu’ensuite qu’il a désigné toute activité physique exercée dans le sens du jeu, de la lutte, de l’effort, dont la pratique suppose un entraînement et le respect de certaines règles. Pour désigner un exercice physique quelconque, Galien emploie généralement le nom grec gymnasion, qui peut également s’appliquer à des exercices intellectuels. Comme son nom l’indique, dans son sens physique gymnasion désigne en priorité une pratique sportive que l’on accomplit au moins partiellement dénudé, c’est-à-dire gymnos. Mais, si la nudité, totale ou partielle, est un élément bien connu de la culture grecque, notamment grâce aux vases, la réalité de cette pratique philhellène est encore débattue par les spécialistes de l’époque romaine, car elle paraît peu compatible avec la pudeur latine, quel que soit le lieu concerné3.

FIG. 1. Statuette de jeune athlète, bronze,

Mariemont, inv. B.524. © Musée royal de Mariemont et Cedarc asbl – photo Pierre Cattelain.

1. FELSENHELD (2011-a), p. 581-597, pour une bibliographie sur la médecine du sport chez Galien. 2. REY (2006), p. 3624-3625. 3. BRULÉ (2006-a), p. 263-271 et (2006-b) ; DECKER et THUILLIER (2004), p. 225-227 ; THUILLIER (2002), (1988-a) et (1984) ; CHRISTENSEN (2002) ; CROWTHER (1982), ARIETI (1975). 4. LENOIR (1995).

GYMNASE, PALESTRE, STADE ET AUTRES LIEUX DU SPORT Comme son nom l’indique une fois encore, l’exercice physique est théoriquement accompli au sein du gymnase, appelé lui aussi gymnasion. Toutefois, il faut se souvenir que cet endroit est également un lieu de formation intellectuelle et de sociabilité pour les jeunes hommes libres (fig. 1) : puisqu’il n’est pas seulement dévolu au sport, c’est donc en quelque sorte un croisement entre le gymnase français et le collège allemand appelé aujourd’hui Gymnasium. Dans le gymnase grec, la zone consacrée au sport est généralement à ciel ouvert et bordée de vestiaires, voire de portiques : c’est ce qu’on appelle la palestre, palaistra4. Ce nom de lieu vient de l’activité principale qu’on y pratique, à savoir la lutte, palè ; mais on y exerce aussi d’autres activités de renforcement musculaire et d’assouplissement, comme c’est encore le cas aujourd’hui dans la palestra italienne, nom moderne de la salle de sport. Les exercices de la palestre peuvent être accomplis seul ou à plusieurs, éventuellement à l’aide de balles, d’haltères ou de sacs lestés ; ils mélangent flexion, extension, courses, piétinements, sauts,

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GALIEN ET L’ARMÉE — BENOÎT ROSSIGNOL

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u détour du troisième livre des Médicaments composés selon les genres1, Galien stigmatise les médecins incompétents qui avaient accompagné l’armée lors des guerres germaniques. Ils avaient été incapables de tirer parti des masses de cadavres barbares pour mieux connaître l’anatomie, n’en sachant finalement pas plus que des bouchers. De fait, le temps de Galien fut marqué par des guerres importantes, en particulier durant le règne de Marc Aurèle. Après une guerre contre l’Empire parthe (160-166), l’essentiel du règne est occupé par des opérations contre les barbares germaniques au-delà du Danube, entre 167 et 175 puis de 177 à 180, l’empereur lui-même restant de longues années sur les frontières2 (fig. 1, voir page suivante). Dans son incise, Galien n’exagérait pas volontairement la violence de ces guerres : elle était représentée dans les monuments officiels du règne. Ainsi, la colonne aurélienne monumentalisait aux yeux des Romains la violence exercée par l’armée sur des peuples rebelles, qu’il s’agissait de punir (fig. 2)3. Au-delà de la représentation tant littéraire que figurée, les pratiques militaires romaines pouvaient réellement correspondre à ce que l’on nommerait aujourd’hui des crimes de masse4. Il est douteux toutefois que Galien en ait été le témoin oculaire. À considérer ses livres, aucun de ses nombreux voyages ne semble l’avoir porté vers les régions danubiennes. On peut cependant se poser la question. En 169, lorsque Marc Aurèle quitta Rome de nouveau pour le front danubien, il confia à Galien la santé de son fils Commode, qui resta à Rome avec son précepteur Peitholaos5. Plus tard, quand Commode quitta Rome précipitamment pour retrouver son père sur le Danube à l’annonce de la rébellion d’Avidius Cassius en 175, on peut se demander si Galien le suivit. Il n’en existe en tout cas aucun indice explicite6. Dans de telles circonstances, Galien n’aurait d’ailleurs pas fréquenté l’armée ni les combats directement.

FIG. 2. Colonne aurélienne, Rome, Piazza Colonna, détail de la scène 61 : scène d’exécutions de captifs barbares. © et photo : B. Rossignol.

Quelque temps avant de se voir confier la santé du jeune héritier impérial, Galien avait pourtant eu une expérience directe de l’armée, bien qu’assez brève : une longue saison d’hiver, de 168 à 1697. Après son retour précipité à Pergame dans l’été 166, Galien n’avait pu longtemps mener une vie normale : Arriva bientôt d’Aquilée la lettre des empereurs qui me rappelaient. Ils avaient en effet résolu, après avoir eux-mêmes pris leurs quartiers d’hiver de marcher contre les Germains. Je fus donc contraint de me mettre en route, espérant cependant une exemption8.

Le Pronostic propose une version un peu plus détaillée. À l’occasion d’une conversation sur les médecins et les philosophes s’illustrant par les actes et les paroles, plusieurs des proches des empereurs mentionnèrent le nom de Galien. Marc Aurèle et Lucius Verus avaient déjà quitté Rome et se dirigeaient vers Aquilée, où ils devaient assembler et préparer l’armée ; ils convoquèrent donc Galien devant eux9. La guerre contre les Germains menaçait depuis plusieurs années. Elle avait finalement éclaté peu après le retour de Verus depuis l’Orient, après la victoire parthique. Les Germains

1. GALIEN, Médicaments composés selon les genres III, 2 (Kühn XIII, 604) ; BOUDON-MILLOT (2012), p. 96. 2. BIRLEY (2012) ; sur les guerres danubiennes : KOVÁCS (2009). 3. ROSSIGNOL (2015), p. 133. 4. ROSSIGNOL (2010), p. 125-127. 5. GALIEN, Pronostic 9, 7 (Kühn XIV, 650 ; CMG V, 8, 1, p. 118). 6. GALIEN, Pronostic 9, 8 (Kühn XIV, 650 ; CMG V, 8, 1, p. 120) laisse penser qu’il resta à Rome jusqu’au retour de Marc Aurèle dans sa capitale fin 176. C’est à tort qu’on a voulu reconnaître Galien sur la colonne aurélienne : ROSSIGNOL (2015), p. 128-129. 7. SCHLANGE-SCHÖNINGEN (2003), p. 173-177 ; BOUDON-MILLOT (2012), p. 169-173. 8. GALIEN, Propres livres III, 1-2 (Kühn XIX, 17-18, éd. Boudon-Millot). 9. GALIEN, Pronostic 9, 5-7 (Kühn XIV, 649-650 ; CMG V, 8, 1, p. 118).

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GALIEN ÉCRIVAIN — VÉRONIQUE BOUDON-MILLOT

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alien est sans conteste un des écrivains les plus prolifiques (et aussi les plus prolixes) de toute l’Antiquité (fig. 1). Galien aime parler des autres et encore plus de lui-même. Il aime polémiquer et argumenter, sans éviter les longueurs, les digressions et les répétitions. Il s’efforce également de recueillir la somme du savoir médical de ses prédécesseurs, sur lesquels, comme dans le cas des médecins hellénistiques, mais aussi des poètes, il est parfois notre unique source. Curieux de tout, polymathe averti, il est l’auteur d’une œuvre aux dimensions exceptionnelles, un véritable continent galénique composé de plus de cent cinquante traités conservés, soit plus de vingt mille pages dans l’édition de référence (celle de C. G. Kühn).

FIG. 1. Encrier et calame, bronze, Liège, Le Grand

Curtius, inv. I/943 et I/998. Photo Ch. Durande © Ville de Liège.

ŒUVRES DE JEUNESSE Galien a très tôt commencé à écrire et c’est à Pergame, alors qu’il est encore l’élève de Pélops, qu’il compose ses premiers traités. Parmi eux, le traité en trois livres Sur le mouvement du thorax et du poumon, rédigé alors qu’il n’avait encore découvert « rien d’important ni de neuf », mais où il s’était contenté de « consigner les doctrines de son maître Pélops »1, n’était pas destiné à la publication. La vocation d’écrivain de Galien, dès ses débuts, apparaît également indissociable de sa double formation de médecin et de philosophe, et notamment de son intérêt pour la logique, comme en témoigne son commentaire aux livres syllogistiques du stoïcien Chrysippe. Très vite, cependant, Galien ne se contente plus de rédiger des traités pour son seul usage personnel ou à titre d’entraînement, mais il est également amené à composer pour autrui2. L’Anatomie de l’utérus, composée pour être offerte à une accoucheuse, et le traité Sur le diagnostic des affections oculaires, écrit pour un jeune homme « qui soignait les yeux »3, attestent de cette nouvelle orientation de sa carrière littéraire. C’est vraisemblablement aussi à cette époque que Galien, mais cette fois à titre d’exercice personnel, rédige un résumé (une épitomè/ἐπιτομή) en quatre livres de l’ouvrage de Marinos sur l’anatomie en vingt livres (ouvrages tous deux perdus). GALIEN COMMENTATEUR D’HIPPOCRATE À Rome où il séjourne pour la première fois et où il est régulièrement attaqué par ses adversaires, Galien a bien conscience qu’il doit aussi s’imposer sur le terrain de l’écrit : Il [sc. Martianos] me demanda si j’avais lu le second livre des Prorrhétiques d’Hippocrate, ou si j’ignorais totalement l’ouvrage. Quand il entendit que je l’avais lu et qu’à mon avis ceux des médecins qui avaient déclaré qu’il ne convenait pas de le considérer comme un ouvrage authentique d’Hippocrate en

1. GALIEN, Procédures anatomiques I, 1 (Kühn II, 217) et Propres livres II, 5-7 (éd. Boudon-Millot, p. 141 = Kühn XIX, 17). 2. GALIEN, Propres livres II, 1-4 (éd. Boudon-Millot, p. 140 = Kühn XIX, 16). 3. GALIEN, Propres livres II, 2 (éd. Boudon-Millot, p. 140 = Kühn XIX, 16).

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LES INSTRUMENTS DE GALIEN — RALPH JACKSON

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alien effectua un grand nombre d’opérations chirurgicales différentes au cours de sa longue carrière, mais il ne se considérait pas pour autant comme un chirurgien. La chirurgie était pour lui un domaine de la médecine qu’il fallait réserver à ceux qu’on appelait des chirurgiens plutôt qu’aux médecins. De fait, une fois établi à Rome, il préféra laisser à ces spécialistes certaines opérations comme la trépanation crânienne. Il pensait qu’un chirurgien devait être un médecin qui possédait une connaissance approfondie de l’anatomie et de la physiologie, acquise en grande partie grâce à la dissection. Ainsi, selon lui, les interventions qui devaient être prises en charge par un chirurgien comprenaient la délicate chirurgie oculaire et des opérations liées à des plaies, des ulcères, des fistules, des hernies et des anévrismes1.

FIG. 1. Matériel de la tombe d’un médecin retrouvée

à Cologne, Richard-Wagner-Straße, Cologne, Römisch-Germanisches Museum, inv. 91,204 ; 91,206 ; 91,161.1 ; 91,162,1-9 ; 91,162,12-31. © Rheinisches Bildarchiv Köln / Foto : Anja Wegner.

GALIEN ET LA CHIRURGIE Or, au travers de ses écrits, Galien nous apparaît de fait comme un chirurgien accompli. Son ambition chirurgicale ainsi que sa finesse d’exécution sont mises en évidence dans un certain nombre de traités, par exemple dans son Commentaire aux Fractures d’Hippocrate. Les résultats qu’il avait obtenus en tant que médecin des gladiateurs à Pergame en témoignent également. En effet, le temps que Galien consacra à soigner les gladiateurs lui offrit de nombreuses possibilités chirurgicales dont il profita pleinement. En plus des fractures simples et ouvertes, des luxations et des plaies du thorax ou de l’abdomen (percés ou déchirés), Galien dut intervenir pour de nombreuses blessures des muscles et tendons des membres supérieurs et inférieurs. Il soignait les blessures longitudinales par des pansements et les plaies transversales par des sutures, en pansant la plaie dans les deux cas avec l’application de chaleur sèche. C’est cette expertise qui lui avait valu sa nomination par le Grand Prêtre d’Asie. Son traitement des intestins blessés et de la rupture de la paroi abdominale était exceptionnel à une époque où toute chirurgie de l’abdomen était extrêmement périlleuse. Il avait remarqué que l’incision abdominale paramédiane était préférable à l’incision médiane, plus difficile à fermer correctement et souvent suivie de complications, en particulier une éventration. Son traitement radical et salutaire d’un gladiateur à l’abdomen déchiré, dont les intestins étaient exposés, impliqua de retirer une grande partie de l’épiploon sus-jacent, suivi par un repositionnement et une lubrification soignée des intestins avant la suture2. Les autres opérations chirurgicales qu’effectuait Galien sont l’amputation, la trépanation, la lithotomie, l’uvulectomie, la paracentèse, l’extraction des pointes de flèche, l’abaissement de la cataracte, l’ablation des polypes nasaux, celle du goître et la chirurgie faciale3. Un de ses cas les plus exceptionnels et qui démontre le plus clairement sa supériorité en matière d’anatomie, tient dans la description de son traitement du jeune esclave de Maryllos, dont le sternum suppurait de

1. GALIEN, Méthode thérapeutique 6, 6 (Kühn X, 454) ; MORAUX (1985), p. 65-66 ; GALIEN, Comment il faut reconnaître le meilleur médecin 14, 9, 7 ; NUTTON (2004), p. 239, 183. 2. GALIEN, Médicaments composés selon les genres 3, 2 (Kühn XIII, 599-601) ; GALIEN, Utilité des parties du corps 4, 9 (Kühn III, 286-7) ; GALIEN, Méthode thérapeutique 6, 4-6 (Kühn X, 410-47) ; TOLEDO-PEREYRA (1973), p. 363-365 ; NUTTON (2004), p. 183 ; MATTERN (2013), p. 94-96. 3. BOUDON-MILLOT (2012), p. 269-273.

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LA SCIENCE DE GALIEN QUEL HÉRITAGE ? — PAUL VERBANCK

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alien de Pergame ! Après Hippocrate, il s’agit de la figure la plus emblématique de la médecine de l’Antiquité. Toutefois, on dit le galénisme démodé, alors que les enseignements d’Hippocrate sont perçus comme intemporels. Peut-être est-ce dû au fait que la grande quantité d’écrits conservés de Galien a pour conséquence qu’on en sait beaucoup sur l’homme, sur un homme de son temps et, par voie de conséquence – puisque près de vingt siècles nous séparent – sur un homme qui ne peut évidemment plus être de notre temps : un témoin du passé, tout au plus. Tel est du moins le point de vue des médecins, puisque les pharmaciens considèrent toujours Galien comme le père tutélaire de leur profession. Deux perceptions bien différentes, en somme. Et gardons-nous d’emblée de considérer le « galénisme » comme la pensée de Galien. Dans ce contexte, il nous a semblé bien nécessaire d’essayer de cerner ce qu’a été non pas la vie, mais bien la science de Galien, dans ses observations, mais aussi dans ses méthodes, et de questionner son éventuelle modernité ou sa définitive vétusté. Il est remarquable de constater que ses très nombreux traités peuvent être regroupés selon les catégories fondamentales d’un enseignement médical moderne. Galien lui-même, en insistant sur l’ordre dans lequel il faut lire ses nombreux écrits1, est bien conscient d’avoir composé une œuvre tournée vers l’enseignement, structurée en une progression de l’apprentissage des techniques et de l’acquisition des savoirs qui définiront le bon médecin. Il me paraît utile d’effectuer notre enquête en distinguant quatre groupes de publications de Galien : écrits sur la pharmacologie, sur l’anatomie, sur la physiologie, et enfin sur les sciences cliniques. Nous les envisagerons successivement avant de conclure. ÉCRITS SUR LA PHARMACOLOGIE

1. GALIEN, Sur l’ordre de ses propres livres. Sur ses propres livres (éd. Boudon-Millot). 2. Voir, dans ce volume, l’article de L. de Merode sur « La représentation de Galien dans les herbiers médiévaux », fig. 1.

Les écrits sur la pharmacologie rédigés par Galien sont considérables et notre propos n’est pas d’en dresser ici un catalogue. Ils font suite à une somme déjà importante en son temps de livres rédigés par de nombreux médecins réputés, Hippocrate et ses suivants, mais aussi, plus près de lui, le botaniste Théophraste et surtout Dioscoride, parvenu jusqu’à nous et popularisé grâce au merveilleux manuscrit illustré de Vienne, où Galien est d’ailleurs représenté trônant comme Maître parmi d’autres pharmacologues2. Galien ne manque pas de se référer à ses prédécesseurs, faisant ainsi étalage d’une connaissance approfondie de ce qu’on peut appeler dès cette époque la « littérature scientifique », composée essentiellement de traités s’efforçant d’instruire les médecins et leurs élèves. Galien se garde toutefois de se limiter à rapporter ces informations ; il les commente, les confronte à divers témoignages jugés dignes de foi. Surtout, et c’est un invariant dans son œuvre, il essaye toujours de compléter sa documentation – on pourrait dire sa « bibliographie » – par ses observations personnelles, qu’il décrit avec précision.

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GALIEN ET LA DISSECTION : PRATIQUES ANATOMIQUES ET ANATOMIE DE L’UTÉRUS — CHRISTINE BONNET-CADILHAC

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alien ne cesse de proclamer l’importance de la dissection comme moyen de comprendre le fonctionnement du vivant et la perfection de la Nature : « Celui qui veut contempler les œuvres de la Nature doit non se laisser conduire par les écrits anatomiques, mais voir par ses propres yeux »1.

LES SOURCES ET LES MAÎTRES Nous connaissons les noms des prédécesseurs de Galien et de ses maîtres, mais leurs œuvres ne nous sont parvenues que sous forme de fragments ou de citations, si bien qu’il est difficile de faire la part de ce qui revient à Galien et de ce qui revient à ses maîtres2. Ainsi s’arroge-t-il la découverte de certains muscles (comme l’élévateur de la paupière supérieure, le popliteus, les interosseux et les lombricaux de la main et du pied), les ganglions sympathiques, et surtout le nerf récurrent, sans que nous ayons les moyens d’en vérifier sa paternité. Par contre, dans ses travaux sur l’utérus, il se félicite d’être le premier à avoir vu que les « canaux spermatiques » (les trompes) s’abouchent dans l’utérus et non dans la vessie : J’ai déjà démontré à une foule nombreuse qu’une sonde appelée dipyrène enfoncée à travers le canal spermatique à partir de sa partie externe arrive à l’intérieur à travers les cornes dans l’utérus de la chèvre…3.

Il cite Dioclès, Praxagore, Philotimon, ainsi qu’Aristote, Hérophile et Euryphon, qui ne l’ont pas vu, « bien qu’ils dissèquent admirablement »4. Pourtant, Rufus, qui écrivait un siècle avant lui, disait avoir découvert : … de chaque côté de l’utérus des canaux variqueux qui s’y insèrent. Ils s’ouvraient dans la cavité utérine et quand on les comprimait il en sortait un liquide muqueux : c’était là grande présomption que ce soient des canaux spermatiques5.

LA MÉTHODE DE DISSECTION

1. Pour une version plus complète de cet article : GOUREVITCH et BONNET-CADILHAC (2013). Citation : GALIEN, Facultés naturelles III, 7 (Kühn II, 174). 2. GRMEK et GOUREVITCH (1994). 3. GALIEN, Sperme II, 1 (Kühn IV, 595). 4. GALIEN, Anatomie de l’utérus IX, 9 (Kühn II, 900). 5. RUFUS D’ÉPHÈSE, Des parties du corps humain, 186. 6. GALIEN, Pratiques anatomiques XII, 4 (éd. Garofalo).

La méthode est parfaitement explicitée dans son traité des Pratiques anatomiques et Galien n’hésite pas à nous livrer des « trucs » comme la sonde dans les trompes ou la méthode pour extraire l’œuf entier de l’utérus de la chèvre : En soufflant dans le col de l’utérus après y avoir introduit une petite trompe, on dilate l’endroit entre le chorion et l’utérus et, en le faisant dans les cornes, on sépare l’allantoïde6.

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GALIEN FACE AUX CROYANCES POPULAIRES ET MAGIQUES — DANIELLE GOUREVITCH

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alien ne veut absolument pas passer pour un « mage »1, Galien déteste les « charlatans » parmi lesquels il inclut ses confrères méthodiques2, Galien méprise le grammairien Pamphile du Ier siècle de notre ère, qui lui a pourtant fourni une importante documentation sur les plantes égyptiennes, car celui-ci « s’est tourné vers des contes de vieilles femmes »3. On pourrait dire que le malheureux Pamphile a l’excuse de ne pas être médecin, alors que Galien l’est. Pourtant, malgré ses critiques acerbes, l’œuvre de Galien fourmille précisément de « contes de vieilles femmes », d’idées reçues, d’anecdotes, de pratiques, de recettes « populaires » qui ne semblent pas compatibles avec son auto-orthodoxie. Quels métiers, quelles régions l’ont particulièrement inspiré ? Dans quels domaines médicaux (la chirurgie, la pharmacie, les problèmes – petits et grands – de la vie courante) lui sont-elles particulièrement utiles ? Sur qui se fait-il la main ? Pourquoi et comment les intègre-t-il à son savoir, « académique » avant l’heure ? Et par quelles modalités du savoir, les sens, le raisonnement, l’accumulation, le glissement du même au même ? Nous allons envisager quelques situations exemplaires. LA CHIRURGIE D’URGENCE La chirurgie d’urgence à la campagne fournit des cas spectaculaires d’intervention dans lesquels le sens commun ou l’expérience populaire accumulée suggèrent des conduites non discutées, bien que non rationnelles. Et d’abord à propos de l’usage du sang d’un colombidé dans les trépanations, Galien affirme4 que :

1. Pour une vision plus complète de ce sujet, GOUREVITCH (2016). 2. Pour cette secte médicale : NISSEN (2009). Voir aussi, dans ce volume, l’article de V. Boudon-Millot sur « Les écoles médicales ». 3. GALIEN, Médicaments simples VI, prol. (Kühn XI, 792-793). Pour la suite de ce passage, voir, dans ce volume, l’article d’A. Guardasole sur « La production pharmacologique », en particulier « Recettes d’amulettes ». 4. GALIEN, Médicaments simples X, II, 3, « de sanguine columbae ». 5. On ne saura rien de plus sur l’épidémiologie, pourtant bien intrigante, de ces traumatismes crâniens graves en ville ! 6. GALIEN, Médicaments simples X, II, 2 (Kühn XI, 792-793). 7. Voir le glossaire d’oiseaux grecs de D’ARCY WENTWORTH THOMPSON.

... ce qu’il y a de sûr, c’est que c’est du sang de colombe que chez nous, à Pergame, et à peu près dans toute l’Asie, ceux qui perforent les os de la tête qui ont été brisés5 ont l’habitude de faire couler dans la méninge épaisse. Et quelqu’un qui, n’ayant pas de colombe mais se trouvant par hasard (kata tuchèn) avoir sous la main une palombe, utilisa le sang de celle-ci, et le malade fut sauvé tout aussi bien. Un autre (médecin) utilisa du sang de tourterelle pour un autre malade, et cela ne nuisit en rien à l’homme6.

Ces divagations sur la famille des Columbidae et le sang de ses différents genres et espèces, d’ailleurs bien difficiles à distinguer pour le commun des mortels, n’ont guère de sens, même pour Galien, qui l’admet dans la suite du texte : Quant à moi, j’ai connu à Rome d’innombrables personnes à qui l’on avait perforé les os de la tête sans qu’ils aient souffert en rien de l’usage d’huile de rose à la place de sang de colombe. Mais il faut que l’huile soit chaude, comme l’est le sang de la colombe7.

Ce qui compte, c’est donc bien la chaleur, le contact avec le chaud – nous dirions la température – et non pas quelque faculté (dunamis) inconnue. Les vétérinaires

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LA MARCHE DE LA PESTE GALÉNIQUE : UN SOUFFLE MAUVAIS ! — DANIELLE GOUREVITCH

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e livre Limos kai loimos, A study of the Galenic plague1 étudie pas à pas la réalité pathologique et le trajet de la première épidémie de variole en Occident, venue de Mésopotamie, gagnant l’ensemble de l’Asie Mineure, les pays de la mer Noire, la Grèce, la Propontide et les Balkans, la Dalmatie et l’Istrie, l’Italie, une partie des Gaules, la Germanie et la Bretagne, l’Égypte où la baisse de population fut particulièrement grave et visible, l’Afrique (du Nord) et l’Espagne (fig. 1). Cette « peste » ravageuse a suivi son chemin épidémique naturel dans les lieux suffisamment peuplés, mais sa propagation a été gravement favorisée par le lent retour dans leurs garnisons d’origine, parfois fort lointaines (notamment sur le Rhin), des armées fatiguées et amoindries de Lucius Verus après la victoire coûteuse que fut la prise de Ctésiphon en Mésopotamie, en 166 de notre ère. Elle a été favorisée aussi par un état alimentaire précaire, dans la population générale plus encore qu’à l’armée ; et favorisée enfin par des événements climatiques nocifs, qui restent à démontrer dans le détail.

1. GOUREVITCH (2013) ; complété par GOUREVITCH et CHARLIER (2015), dont le présent article s’inspire. FIG. 1. Carte de diffusion de la peste galénique (dite aussi antonine ou aurélienne). D’après GOUREVITCH (2013), carte modifiée par S. Verbanck.

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HANDICAPS ET MALFORMATIONS À L’ÉPOQUE DE GALIEN — ALEXANDRE G. MITCHELL

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u temps de Galien, les artistes romains peuvent tout représenter. Ils sont les héritiers du vérisme ultra réaliste de la fin de la République et de l’idéalisme augustéen issu des expériences de la Grèce classique et hellénistique. Or, malgré les nombreuses références littéraires aux handicaps, on trouve très peu de représentations artistiques de handicaps, et ce, malgré le fait que les infirmités physiques étaient bien plus communes et visibles dans la vie quotidienne antique qu’elles ne le sont aujourd’hui. Pourquoi ne trouve-t-on pas plus de personnages aux pieds bots, ou aveugles, pourtant faciles à dessiner, sculpter ou modeler ? Ce qu’on retrouve par contre, et en bien plus grand nombre, ce sont des représentations de nains, souvent bossus, et de difformités physiques assez spectaculaires, comme des anomalies du thorax, de la taille, de la tête ou du cou. FIGURINES « GROTESQUES » EN TERRE CUITE

Mis à part quelques bronzes, la plupart des figurines sont en terre cuite, regroupées par les savants – depuis les premières publications de Charcot à la Salpêtrière1 – sous l’appellation de « grotesques » dits « pathologiques », datant du IIIe siècle av. J.-C. au IIIe siècle ap. J.-C. et provenant en grande partie de Smyrne, Myrina et Alexandrie. On doit beaucoup au regard critique et « iconodiagnostique » de Danielle Gourevitch et Mirko Grmek2 pour l’identification des maladies représentées. Il est évident que, pour différencier des caricatures intentionnelles de difformités réelles de corps malades à une époque où les artistes savent représenter fidèlement ce qu’ils voient, seule une recherche interdisciplinaire peut aboutir à des résultats probants. La collaboration avec des médecins cliniciens permet de mieux identifier des représentations mal diagnostiquées par des historiens de l’art3. Ou encore, des maladies incompatibles entre elles dans la réalité sont pourtant fidèlement reproduites dans une même statuette en terre cuite4. Ces problèmes d’identification amènent très rapidement l’archéologue à se poser une question fondamentale : à quoi servaient ces objets ? Étaient-ils vendus pour susciter la pitié et faire rire ? Remplissaient-ils des cabinets de curiosité de médecins ? Ou encore, étaient-ils utilisés pédagogiquement dans l’enseignement médical ? La fonction de ces objets dans la société hellénistique et romaine a fait couler beaucoup d’encre. Aujourd’hui la plupart des spécialistes s’accordent à dire que leur fonction première est apotropaïque : que ce soient les bossus ou des personnages difformes à la verge démesurée, toutes semblent avoir été produites pour éloigner le mauvais œil. Quand on se penche sur des objets « extra-ordinaires », et pour mieux en comprendre la singularité, il faut toujours garder en mémoire les objets « ordinaires », bien plus nombreux, qu’on trouve par dizaines de milliers : ainsi, ces « beaux » visages idéalisés d’hommes et de femmes, ou des copies de types connus

1. Voir par exemple REGNAULT (1900). 2. GRMEK et GOUREVITCH (1998). 3. MITCHELL (2016), p. 189-191, fig. 13, 9. 4. MITCHELL (2013), p. 283-284, fig. 8.

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LA GOUTTE VUE PAR GALIEN — THIERRY APPELBOOM, AVEC LA COLLABORATION DE PAUL VERBANCK

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a goutte est une affection rhumatismale évoluant par crises aiguës entrecoupées de rémissions. La crise est caractéristique ; elle se manifeste par un gonflement rouge, chaud et très douloureux, frappant le plus souvent le gros orteil, mais pouvant entreprendre aussi d’autres articulations. Parfois, elle s’accompagne de dépôts sous-cutanés de cristaux d’acide urique, connus sous le nom de « tophi »1. Typiquement, elle épargne les enfants et la femme non ménopausée.

La colchicine, un alcaloïde extrait du crocus d’automne ou colchique (Colchicum autumnale), est utilisée depuis l’époque byzantine comme traitement de la crise goutteuse2. La plante était présente le long de la mer Morte et a été répertoriée par Dioscoride au premier siècle de notre ère. Précisons qu’à l’époque de Galien, les extraits de colchique n’étaient utilisés que comme purgatifs. Mentionnons enfin que la goutte n’épargne pas d’autres espèces animales ; par exemple, on a identifié des lésions articulaires caractéristiques de la goutte sur un squelette de Tyrannosaure3. La goutte a une longue et étonnante histoire. Elle est citée dans la Bible où il est rapporté qu’Asa, petit-fils de Salomon et roi de Juda, en aurait souffert et que, pour en guérir, il ne pria pas l’Éternel, mais fit appel aux médecins qui le soignèrent avec des applications d’emplâtres d’épices4. Les premières descriptions cliniques précises ont été réalisées en Égypte plus de deux millénaires avant notre ère, avant d’être codifiées avec précision par Hippocrate. Ce dernier a été parmi les premiers à attirer l’attention sur les liens entre le mode de vie et le risque de développer la maladie. La maladie est désignée par le terme de podagra, dans la mesure où elle attaque essentiellement les pieds. À l’époque de l’Empire romain, l’amélioration progressive du bien-être et de la production de biens est une réalité dont ont indiscutablement bénéficié les couches sociales les plus aisées. Mais un régime trop riche et abondant et l’utilisation fréquente de boissons alcoolisées ont manifestement favorisé la prévalence de la goutte dans la société romaine. C’est ce que constate Galien : À l’époque d’Hippocrate, il n’y avait que très peu de podagres : c’était la conséquence d’un mode de vie bien réglé. Mais, de nos jours, le luxe de la table a pris des proportions telles que l’on n’imagine même pas ce qu’on pourrait y ajouter encore. Aussi bien, le nombre de personnes souffrant de la goutte au pied est-il devenu énorme. Certains ne font aucun exercice, boivent des vins forts avant les repas, s’adonnent sans mesure aux plaisirs de l’amour. Certains autres, même s’ils ne tombent pas dans tous ces excès, commettent au moins la première ou la deuxième des fautes que j’ai dénoncées. Mais, quand le dérèglement prend des proportions importantes, il suffit souvent d’une seule des fautes (pour provoquer la maladie). Telle est justement la raison pour laquelle les eunuques, eux aussi, sont frappés par la goutte, bien qu’ils soient totalement privés des plaisirs de l’amour. Leur paresse,

1. Le nom de « tophus » (« tophi » au pluriel) est une création du XVIe siècle, attestée chez Ambroise Paré. Il dérive du mot latin tofus, le tuf, pierre spongieuse et friable. 2. COPEMAN (1964). 3. ROTHSCHILD, TANKE and CARPENTER (1997). 4. DEVRIES and WEINBERGER (1975). 5. GALIEN, Commentaire aux Aphorismes d’Hippocrate, 42, 8-43,10 (Kühn, XVIII A), avec la traduction de MORAUX (1985), p. 123-124.

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DES PATIENTS DE GALIEN ? UNE PALÉOPATHOLOGIE CONTEMPORAINE DU MAÎTRE DE PERGAME — PHILIPPE CHARLIER

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ouloir identifier a posteriori, à partir de collections squelettiques, des restes de patients traités par Galien pourrait paraître dérisoire. Pourtant, ce que la paléopathologie (le diagnostic rétrospectif sur échantillons biologiques anciens) permet de faire de façon fiable et crédible, c’est mettre en évidence l’état de santé de populations contemporaines et repérer des traces d’action anthropique (prise de toxiques en contexte thérapeutique, geste chirurgical, pratique orthopédique, etc.). Dans les cas présentés ci-après, on tentera de faire un état des lieux des données paléopathologiques (et notamment paléo-épidémiologiques) de populations « galéniques ». PATIENT 1 : FEMME ÂGÉE, TRÉPANATION EN CONTEXTE INFECTIEUX

Le squelette de cette femme de plus de 45 ans a été exhumé dans les faubourgs de Rome (Tombe 1, US 8, Via Villa de Settibagni) lors de fouilles archéologiques menées par la Soprintendenza Archeologica di Roma (Paola Catalano)1. La datation, contemporaine de l’époque impériale (Ier-IIIe siècles) a été effectuée par l’analyse du matériel associé (offrandes funéraires, monnaies, etc.). L’état de conservation des ossements était globalement excellent, sauf la base et la partie antérieure du crâne qui avaient été en partie détruites par des engins de terrassement en préalable au dégagement scientifique. L’âge au décès de cette femme d’environ 1,75 m a été évalué en raison de la sévérité des lésions d’arthrose diffuse (articulations sterno-claviculaires, acromio-claviculaires, coxo-fémorales, tarsiennes, rachidiennes, etc.). Plusieurs enthésopathies étaient mises en évidence au niveau des calcanéus (insertion du tendon d’Achille) et des grands trochanters (fémurs), témoignant d’une importante charge de travail physique. Enfin, des variations anatomiques étaient présentes, sans aucune conséquence pathologique, mais permettant théoriquement de proposer des liens familiaux entre squelettes d’une même nécropole (os trigone sur les talus, patella emarginata bilatérale, foramen pariétaux bilatéraux, os wormiens, etc.). Il existait enfin d’importantes granulations de Pacchioni sur la voûte crânienne, également sans caractère pathologique. En revanche, l’examen odontologique a mis en évidence, outre la présence de dépôts diffus de tartre dentaire intra et extra-gingival, l’existence de quatre volumineux abcès dentaires mandibulaires en regard des dents 35, 36, 38 et 46. Il existait également trois caries cavitaires du collet sur la face jugale de la dent 47, et sur les faces antérieure et jugale de la dent 37. Il est fort vraisemblable que d’autres lésions aient été présentes sur le maxillaire, mais celui-ci n’a malheureusement pas été conservé… D’autres lésions infectieuses ont été observées sur les éléments du squelette, notamment au niveau rachidien : à proximité d’un nodule de Schmorl (hernie

1. CHARLIER, CATALANO et DIGIANNANTONIO (2006).

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L’ENFANT DE FIDENE — VALENTINA GAZZANIGA ET SILVIA MARINOZZI

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a trépanation osseuse est une technique bien attestée en Occident par les sources médicales antiques : elle figure déjà dans les textes du Corpus hippocratique comme l’un des systèmes de traitement des fractures, en particulier des fractures ouvertes ou avec enfoncement crânien1. AUX ORIGINES DE LA TRÉPANATION : UNE FONCTION MAGIQUE

Au cours des périodes les plus anciennes de son histoire, la technique de la trépanation, qui peut être pratiquée même si le crâne est épais, est liée à des croyances traditionnelles et irrationnelles selon lesquelles une ouverture de la voûte crânienne acquiert une signification magique : ouvrir le crâne signifie permettre la sortie d’un esprit mauvais ou d’un être animé qui, installé dans la tête, provoque des comportements irrationnels ou des symptômes pathologiques, par exemple des maux de tête inexistants, des crises d’épilepsie ou des altérations cognitives. La trépanation du crâne est attestée avec une telle signification depuis la période néolithique, dans toute une série de sociétés préhistoriques et sans écriture ; elle se répartit uniformément dans différentes cultures et dans diverses régions du monde, des sociétés méso-américaines2 à celles du bassin méditerranéen et jusqu’aux territoires de l’Asie3. En général, cette technique consistait en une incision verticale de l’os du crâne, faite avec un couteau en silex et ultérieurement avec des instruments métalliques dès l’âge du cuivre4. Des marques de trépanation se trouvent, par exemple : – sur un crâne mésolithique retrouvé en 1962 grâce à D. Ferembach à Taforalt, au Maroc ; – sur un squelette d’un homme adulte provenant de la nécropole dite des « Rapides du Dnieper » en Ukraine, datable entre 7000 et 6000 ans av. J.-C., dont le crâne présente des signes de cicatrisation compatibles avec une période de survie assez longue ; – ou encore dans une sépulture alsacienne, à Ensisheim, datable autour de 5000 ans av. J.-C. ; dans laquelle le crâne d’un même individu présentait deux trous différents, réalisés par de multiples perforations de l’os avec des pointes de silex. Quand il s’agit de découvertes isolées, il est possible qu’elles soient liées à des tentatives réelles de soigner des traumatismes ou des phénomènes infectieux. Dans d’autres contextes, au contraire, comme dans le cas d’importantes fouilles françaises sur des sites de la culture de la Seine-Oise-Marne (fin du Néolithique), le nombre de crânes trépanés est si représentatif qu’il fait penser davantage à une signification rituelle plutôt qu’à une intervention qui aurait une véritable signification thérapeutique.

1. ARNOTT et al. (2003). 2. FINGER (2017), p. 228-9. 3. HOBERT, BINELLO (2017), p. 451-456. 4. ALUSIK (2015), p. 214-217.

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GALIEN MÉDECIN, PHARMACIEN, ÉCRIVAIN AU CŒUR DE LA SOCIÉTÉ ROMAINE

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LA PRODUCTION PHARMACOLOGIQUE DU CORPUS GALÉNIQUE — ALESSIA GUARDASOLE

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ans le lexique pharmaceutique contemporain, l’adjectif « galénique » désigne une pharmacie qui se base sur l’utilisation des principes actifs dans les préparations médicamenteuses. Selon le Dictionnaire de la langue française d’Émile Littré (dont la première édition date de 1863 à 1872), le terme renvoie « aux remèdes végétaux, par opposition aux remèdes spagiriques [c’està-dire alchimiques] ou chimiques ». Nous comptons montrer dans cet article que le lien profond entre l’histoire de la pharmacologie (et de la pharmacie) et la production pharmacologique de Galien ne se borne pas à un héritage simplement terminologique, mais qu’il est profondément connecté à la valeur de l’expérience de Galien dans ce domaine, qui peut être considérée à juste titre comme l’étape fondatrice de la pharmacologie moderne1. Les traités de pharmacologie du corpus de Galien (fig. 1) méritent un chapitre à part dans l’étude de la production de ce médecin, étant donné les caractéristiques littéraires spécifiques qu’ils présentent et la richesse remarquable d’informations qu’ils nous livrent. Ils constituent une mine de renseignements sur l’histoire de la recherche autour d’ingrédients végétaux, minéraux et animaux des médicaments (les simples) et de leurs combinaisons et interactions dans la production des médicaments composés. Les informations sur les étapes de cette recherche et sur les realia, notamment sur les implications commerciales et sociales de la thérapeutique par les médicaments ne sont pas non plus dépourvues d’intérêt.

FIG. 1. (Page de gauche) Portrait de Galien

de Pergame, dans le ms. Bononiensis 3632 (ca. 1440), fol. 26r. © Alma Mater Studiorum Università di Bologna – Biblioteca Universitaria di Bologna. Reproduction interdite.

LES TRAITÉS Tâchons tout d’abord d’esquisser le contenu des différents traités, sept en tout, dont trois apocryphes. – Facultés des médicaments simples2 : traité en onze livres (pour un total d’environ 900 pages de l’édition de C.G. Kühn, 1821-1833), que Galien rédigea en deux temps, les huit premiers livres lors de son second séjour à Rome, avant la mort de Marc Aurèle (169-180) et les trois derniers sous Septime Sévère (après 193). Dans ces onze livres est concentrée la science des simples d’origine végétale, minérale ou animale, s’ordonnant à la fois dans de longues énumérations de chapitres (livres VI-XI) et de précieux chapitres théoriques contenant les définitions (diorismoi), aptes à spécifier et délimiter les facultés de chaque médicament. Ces chapitres résument en fait l’expérience thérapeutique de l’auteur avec maintes références à ses tentatives de perfectionner les connaissances héritées des pharmacologues antérieurs. – Médicaments composés selon les genres3 : c’est le premier des deux traités de médicaments « synthétiques », (c’est-à-dire composés) en sept livres (environ 700 pages de l’édition de Kühn). Ce traité eut une histoire assez bouleversée, car les deux premiers livres furent rédigés deux fois par Galien, à la suite de l’incendie qui détruisit son cabinet de travail et qui en provoqua la perte en 192 ; dans la forme que nous possédons aujourd’hui, l’ouvrage fut rédigé sous le règne de Septime

1. Pour une histoire détaillée des principes philosophico-scientifiques du système pharmacologique de Galien, il conviendra de consulter les actes du colloque de Lille, édités par DEBRU (1997), notamment, à ce sujet, les contributions de Jonathan Barnes, Heinrich von Staden, Armelle Debru, Alain Touwaide. Cf. aussi l’étude toujours d’actualité de HARIG (1974). 2. C’est le De simplicium medicamentorum facultatibus, éd. Kühn XI, 379-XII 377. 3. De compositione medicamentorum per genera, éd. Kühn XIII, 362-1058.

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GALIEN ET LES COLLYRES — MURIEL LABONNELIE

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e corpus galénique constitue une source documentaire primordiale pour l’histoire de l’ophtalmologie antique. Non seulement il offre une description fondamentale de l’anatomie, de la physiologie et de la pathologie oculaires1, mais il permet aussi d’apprécier le jugement singulier qu’un illustre médecin porte sur ses confrères, et il apporte surtout des informations uniques sur les collyres du monde romain du IIe siècle de notre ère. BIEN SOIGNER LES YEUX : TOUT UN ART

L’accroissement démographique et l’urbanisation favorisent l’afflux de praticiens peu qualifiés à Rome durant les premiers siècles de notre ère. Les thérapeutes les plus décriés dans le corpus galénique sont ceux qui se sont spécialisés dans le soin d’un seul organe, les oculistes. En conséquence, Galien recourt fréquemment à l’exemple des collyres pour s’insurger contre les pratiques médicales de son temps, qu’il juge sinon parfois nocives, du moins souvent inefficaces. Non seulement certains oculistes ne prescrivent pas les bons traitements, mais d’autres choisissent des collyres contre-indiqués et la majorité d’entre eux n’est même pas capable de confectionner ses remèdes. Ainsi Galien raconte-t-il que, grâce à une saignée et à l’application d’un collyre de sa composition, il a soigné en seulement trois jours un esclave traité jusqu’alors en vain par un disciple de l’école d’Érasistrate2. De même, toujours selon Galien, après avoir commis une erreur de diagnostic, un oculiste aurait recommandé des collyres qui ne refrénaient pas les sécrétions oculaires de son patient, mais pouvaient au contraire endommager sa cornée et compromettre son acuité visuelle3. Enfin, c’est la pénurie d’oculistes compétents qui contraint Galien à publier des recettes de collyres4. L’exaspération de Galien face aux dérives de la spécialisation médicale est tout particulièrement illustrée par ses écrits sur les collyres5.

1. Cf. MAGNUS (1901), p. 292-390. 2. GALIEN, Traitement par la saignée 17 (Kühn XI, 299). 3. GALIEN, Commentaire aux Aphorismes d’Hippocrate 31 (Kühn XVIIIA, 47-48). 4. ID., Médicaments composés selon les lieux IV, 1 (Kühn XII, 702-703). 5. PARDON-LABONNELIE (2013a). 6. Cf. notamment KORPELA (1995), p. 101-118. 7. VON STADEN (1997) ; BOUDON (2003) ; GUARDASOLE (2006). 8. GALIEN, Antidotes I, 2 (Kühn XIV, 7) ; ID., Facultés des médicaments simples IX, 1, 2 (Kühn XII, 169-170). Cf. BOUDON-MILLOT (2012), p. 113-119. 9. GALIEN, Médicaments composés selon les lieux, IV, 6. 10. Ibid. IV, 7 (Kühn XII, 754). 11. Ibid. IV, 7 (Kühn XII, 779). 12. Ibid. IV, 7 (Kühn XII, 768). 13. GOUREVITCH (2011), p. 145-158.

L’incompétence de la majorité des praticiens a engendré le foisonnement de tout un personnel que nous qualifierions aujourd’hui, avec un certain mépris, de « paramédical »6. Pour éviter d’acheter des drogues frelatées7, Galien doit aller chercher en personne, sur les lieux même de leur production, les ingrédients nécessaires à la confection de collyres de bonne qualité. Il part à Chypre, à Lemnos et en Palestine pour pouvoir s’approvisionner en métaux cuivreux, en argile et en suc de baumier non altérés8. Par ailleurs, la profusion de recettes de collyres est telle que Galien se voit contraint de vanter l’efficacité de certains d’entre eux, notamment ceux qui tirent leur réputation d’un célèbre inventeur ou d’un célèbre patient. Le médecin recommande par exemple les collyres confectionnés par les oculistes Capiton9 ou Hermeios10, ou encore ceux qui ont guéri le roi Ptolémée11 ou la mère de l’empereur Drusus, presque condamnée à la cécité par ses médecins12. Ces anecdotes montrent la richesse de la documentation apportée par le corpus galénique sur la pharmacologie du IIe siècle13.

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RECRÉER LES RECETTES DE GALIEN — LAURENCE M.V. TOTELIN

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st-ce que c’est efficace ? Est-ce que vous avez essayé ces remèdes ? : voilà deux questions que l’on pose souvent aux historiens de la pharmacie ancienne. La réponse à la question sur l’efficacité est complexe et peut varier d’une recette à l’autre. L’œuvre de Galien (et de Pseudo-Galien) contient des milliers de pages consacrées aux remèdes pharmacologiques et cosmétiques : certains seront efficaces ; d’autres n’auront pas plus d’utilité qu’une poudre de perlimpinpin1. Cependant, même les remèdes de charlatans peuvent avoir un effet thérapeutique : c’est l’effet placebo, qui était déjà reconnu dans l’Antiquité. Soranos dit en effet qu’il faut permettre aux femmes qui souffrent d’hémorragies utérines de porter des amulettes si cela les rend plus courageuses2. Quelques recettes d’amulettes sont préservées dans le corpus galénique, telle la suivante : « Remède contre le sommeil : inscris sur une feuille de laurier la formule konkophon brachéréon et place-la sur la tête [du patient] en secret, prononçant la formule »3. D’autres remèdes anciens avaient parfois l’effet physiologique désiré à court terme, mais empoisonnaient les patients à long terme : c’est le cas des nombreuses recettes qui contiennent des ingrédients métalliques, tels que le plomb et le cuivre4. Dans ces circonstances, il est peutêtre mal avisé de tester des remèdes galéniques. Néanmoins, il y a cinq ans, nous avons commencé à expérimenter des recettes pharmacologiques antiques5. Ces expériences nous ont permis de mieux comprendre de nombreux aspects pratiques de la thérapeutique antique et d’imaginer des recettes que nous ne pouvons pas recréer dans notre cuisine.

1. Les œuvres de Galien consacrées aux recettes sont Médicaments composés selon les lieux (Kühn XII, 378-1007 et XIII, 1-361) ; Médicaments composés selon les genres (Kühn XIII, 362-1058). L’authenticité de la Thériaque à Pison (Kühn XIV, 210-294, éd. Boudon-Millot) est débattue. D’autres traités pharmacologiques sont pseudo-galéniques : Thériaque à Pamphilianos (Kühn XIV, 295-310) ; Médicaments faciles à se procurer (Kühn XIV, 311-581). Pour une introduction à la pharmacologie galénique, voir VOGT (2008). Voir aussi, dans ce volume, l’article de A. GUARDASOLE. 2. SORANOS, Gynécologie III, 42. 3. PSEUDO-GALIEN, Médicaments faciles à se procurer II, 3 (Kühn XIV, 489) : Πρὸς ὕπνον : Εἰς φύλλον

δάφνης ἐπίγραφε καὶ ὑποτίθει ἐπὶ τὴν κεφαλὴν λεληθότως, ὀνομάζων κόνκοφον βραχερέον.

4. Sur l’utilisation des métaux en médecine ancienne, voir LASKARIS (2016). 5. Voir notre blog Concocting History (www.ancientrecipes.wordpress.com). 6. Pour une introduction à l’ophtalmologie ancienne, voir MARGANNE (1994) ; JACKSON (1996). Sur la signification de « collyre », voir PARDON-LABONNELIE (2013). 7. GALIEN, Médicaments composés selon les lieux IV, 7 (Kühn XII, 757).

RECRÉER UN COLLYRE GALÉNIQUE Le quatrième livre du traité des Médicaments composés selon les lieux de Galien est consacré aux maladies ophtalmologiques. La forme de traitement la plus fréquente pour les troubles des yeux dans l’Antiquité était le collyre qui, contrairement aux collyres modernes, était un médicament sec. Réduit en poudre, puis dilué dans un liquide, il était alors appliqué à l’œil6. Nous avons essayé la recette suivante, qui est typique des recettes de collyre : Κολλύριον τὸ λευκὸν, πρὸς ἐπιφορὰς καὶ διαθέσεις ἐπιγράφεται τρυφερόν : καδμείας πεπλυμένης δραχμὰς ιστ’, ψιμυθίου δραχμὰς η’, ἀμύλου δραχμὰς δ’, κόμμεως δραχμὰς δ’, τραγακάνθης δραχμὰς δ’, ὀπίου δραχμὰς β’. ὕδατι ὀμβρίῳ ἀναλάμβανε. ἡ χρῆσις δι’ ὠοῦ. Collyre blanc pour le traitement du larmoiement et autres affections ophtalmologiques ; il porte l’inscription « délicat » : calamine sans impureté, 16 drachmes ; blanc de céruse, 8 drachmes ; amidon, 4 drachmes ; gomme arabique, 4 drachmes ; tragacanthe, 4 drachmes ; opium, 2 drachmes ; mélanger avec de l’eau de pluie. Utiliser avec de l’œuf7.

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LES MALADIES D’AELIUS ARISTIDE, UN CONTEMPORAIN DE GALIEN — IDO ISRAELOWICH

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riginaire d’Asie Mineure, comme son contemporain Galien, Aelius Aristide (vers 117 – mort après 180) est un rhéteur et un sophiste grec, admiré de son temps pour son œuvre très variée (discours, oraisons, hymnes, etc.) qui exalte l’Empire et ses bienfaits et illustre parfaitement le courant littéraire de la Seconde Sophistique1 (fig. 1). Mais cet auteur est très connu également de nos jours par les historiens de la médecine et de la religion, dans la mesure où il raconte, avec force détails hypocondriaques dans ses Discours sacrés, ses nombreux ennuis de santé, ses cures dans les sanctuaires et ses tentatives de traitement2.

FIG. 1. Statue de philosophe assis : portrait supposé

d’Aelius Aristide, Rome, Musées du Vatican, Bibliothèque. © MARKA/Alamy Stock Photo.

Comme on le sait, écrire une histoire des maladies d’Aristide est une entreprise assez hasardeuse. En effet, il faudrait tout à la fois dresser un récapitulatif de ses maladies en termes de nosologie moderne, mais aussi comprendre son état de santé selon les concepts antiques, ceux d’Aristide lui-même et de ses contemporains. Nos sources principales sont les Discours sacrés d’Aristide, ainsi que les commentaires des auteurs du IIe siècle tels que Galien3, et ceux de ses lecteurs plus tardifs, Philostrate et Sopater. Selon ces sources, on peut diviser les symptômes d’Aristide en deux groupes. De 144 à 149, ils sont principalement respiratoires. De 166 à 171 les symptômes sont intestinaux, peut-être des séquelles de la variole. Cependant, produire un diagnostic basé uniquement sur les témoignages à notre disposition exige de la prudence, et Charles Behr note à juste titre que les Discours sacrés offrent un récit que la médecine moderne trouverait déroutant, et par moments pour le moins douteux4. La narratologie moderne nous met aussi en garde contre une lecture littérale d’Aristide5. Il semblerait que l’auteur lui-même n’ait pas composé son œuvre pour qu’elle soit lue à la lettre. UNE SUCCESSION DE PROBLÈMES DE SANTÉ Après le décès de son père et encore un jeune homme, Aristide effectua un séjour en Égypte et tomba malade. Il dut interrompre ses plans de voyage et il retourna à Smyrne en 142. Toutefois, alors qu’il était encore en Égypte, Aristide attribua sa guérison à Sérapis (ou Sarapis) (fig. 2). Cet épisode est décrit dans le premier Discours sacré d’Aristide, en l’honneur de Sarapis, qu’il prononça la même année à Smyrne. Cependant, on peut supposer qu’il avait retrouvé la santé deux ans plus tard, quand il décida de se rendre à Rome par voie terrestre, en janvier, pour acquérir la gloire et la renommée que cette ville conférait depuis toujours aux orateurs d’exception. Mais, avant même d’avoir pu poser un pied sur la Via Egnatia, sa santé se détériora, avec des symptômes tels que des maux d’oreilles et la perte de dents. En outre, lorsqu’il arriva à Édesse en Macédoine, il se plaignit de difficultés à manger des aliments solides, d’un souffle très court et de fièvres élevées. Il dut rester dans cette ville un certain temps, car il ne parvint à Rome que cent jours après son départ.

1. BOWERSOCK (1969). 2. JACKSON (1988) ; NUTTON (2004, et traduction française 2016). 3. BOUDON-MILLOT (2016). 4. BEHR (1968). 5. PEARCY (1988).

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LA TRANSMISSION ET L’HÉRITAGE MILLÉNAIRE DE GALIEN

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LIRE GALIEN DANS L’ÉGYPTE ROMAINE ET BYZANTINE LE TÉMOIGNAGE DES PAPYRUS — MARIE-HÉLÈNE MARGANNE

À

la différence d’Hippocrate, qui n’alla jamais en Égypte1, Galien y séjourna au moins quatre ans, de c. 153 à 1572. L’enseignement médical était alors si réputé à Alexandrie que tout médecin soucieux de sa renommée s’efforçait de s’y rendre pour suivre les leçons de maîtres célèbres. Ainsi, Apollonios de Citium, qui avait dédié son abrégé de chirurgie hippocratique illustré, Des articulations, à un roi Ptolémée (Ptolémée XII Aulète ou son frère, qui a régné sur Chypre entre 80 et 58), y avait été l’élève du médecin empirique Zopyre. Rufus et Soranos d’Éphèse (fin du Ier/début du IIe siècles) y avaient également vécu, ainsi que d’autres médecins moins connus, comme Dorothéos (Ier siècle av. J.-C.), enterré à Tithorée dans le Parnasse, mais dont l’inscription funéraire précise qu’il avait vu le jour à « Alexandrie, sa patrie, baignée par le Nil, où il apprit tout son savoir »3. La réputation médicale d’Alexandrie ne devait pas diminuer à la période byzantine (284-641)4. Vers la fin du IVe siècle, l’écrivain latin Ammien Marcellin, qui avait visité l’Égypte, pouvait écrire, à propos de ses professeurs et des disciplines que l’on y cultivait5 :

FIG. 1 A ET B. Début d’un commentaire néoplatonicien au traité Des sectes ou Écoles de Galien, papyrus, Berlin, Staatliche Museen – Papyrussammlung, inv. P11739 A-B (P. Berol. inv. 11739 A-B). © Staatliche Museen zu Berlin – Ägyptisches Museum und Papyrussammlung, Scan : Berliner Papyrusdatenbank, inv. P11739.

Quant à la médecine – dont le besoin se fait fréquemment sentir dans notre style de vie, qui n’est ni frugal ni sobre –, son étude s’accroît < là-bas > de jour en jour, si bien que, même si sa seule pratique le laisse subodorer, un médecin, pour recommander le prestige de son art, n’a qu’à dire qu’il a été formé à Alexandrie.

L’école médicale d’Alexandrie était alors en pleine gloire, avec des iatrosophistes (professeurs de médecine) comme Zénon de Chypre, Ionicos de Sardes, Magnus de Nisibis, pour lequel, selon Eunape, une école spéciale avait été ouverte à Alexandrie, tant les élèves accouraient nombreux d’au-delà des mers pour recevoir son enseignement6. Le médecin Oribase de Pergame (vers 320-400), ami de l’empereur Julien (331-363), étudia à Alexandrie avant d’aller exercer la médecine en Asie Mineure, comme Aetios d’Amida, qui deviendra médecin à la cour de Justinien et qui rédigera une encyclopédie médicale célèbre vers le milieu du VIe siècle. Auteur, au VIIe siècle, d’une autre encyclopédie médicale très renommée, Paul d’Égine exerça, lui aussi, la médecine à Alexandrie. La réputation de la médecine alexandrine était née moins de cinquante ans après la conquête de l’Égypte par Alexandre le Grand, en 332 avant notre ère, et la fondation d’Alexandrie, qui était une cité typiquement hellénique. Si les Grecs s’étaient installés aussitôt en grand nombre dans le Pays du Nil et y avaient apporté leur langue, leur culture, leurs méthodes, leurs techniques, et aussi leur bagage médical, il avait fallu attendre l’accession au pouvoir de Ptolémée Ier Sôter (305283) et de Ptolémée II Philadelphe (285-246), la fondation par leurs soins d’institutions culturelles comme le Musée et la Bibliothèque, et leur mécénat pour voir affluer à Alexandrie des savants, parmi lesquels des médecins de grand renom, comme Hérophile de Chalcédoine (vers 325-255), considéré comme le fondateur

1. MARGANNE (1998), p. 105-113. 2. NUTTON (1993), p. 11-31 ; MARGANNE (1996) ; SCHLANGESCHÖNINGEN (2003), p. 90-99 ; BOUDON-MILLOT (2012), p. 68-81. 3. SAMAMA (2003), p. 153-154 (no 53). 4. Pour l’Égypte byzantine (284-641), les dates retenues, conventionnelles en papyrologie, correspondent au début du règne de Dioclétien (284), qui marque un changement dans les institutions, et à la conquête arabe du Pays du Nil (641). 5. AMMIEN MARCELLIN, Histoire XXII, 18 : medicinae autem - cuius in hac vita nostra nec parca nec sobria desiderantur adminicula crebra - ita studia augentur in dies ut, licet opus ipsum redoleat, pro omni tamen experimento sufficiat medico ad commendandam artis auctoritatem, Alexandriae < si > se dixerit eruditum. 6. EUNAPE, Vies des philosophes et des sophistes 497-499. Comme Oribase, Eunape de Sardes (c. 345-420) était l’ami de Julien l’Apostat.

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LA TRANSMISSION DU CORPUS GALÉNIQUE DE L’ANTIQUITÉ À NOS JOURS — VÉRONIQUE BOUDON-MILLOT

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e corpus galénique est un vaste continent que, faute de traductions dans une langue moderne, les non-hellénistes doivent encore trop souvent renoncer à explorer. Bien plus, les quelque vingt mille pages rassemblées dans les vingt volumes de l’édition de Carl Gottlob Kühn parue à Leipzig entre 1821 et 1833 et qui continue de faire référence1 ne représentent que la partie émergée de l’iceberg, à savoir les seuls traités qui nous sont parvenus en grec, à l’exception de ceux qui ne nous ont été transmis qu’en traduction (syriaque, arabe, latine, hébraïque, arménienne…) ou qui ont été complètement perdus. Si l’on ajoute que le texte grec imprimé dans l’édition de Kühn est en réalité celui de l’édition de René Chartier parue à Paris entre 1638 et 1689, et qu’il cohabite avec une traduction latine, placée en bas de page, qui pour l’essentiel date de la Renaissance, on mesure sans peine les difficultés que le lecteur légitimement curieux devra surmonter pour accéder à la lettre de l’enseignement galénique. Fort heureusement, les dernières décennies du siècle précédent ont été marquées par un regain d’intérêt pour l’œuvre de Galien et ont vu l’émergence de plusieurs traductions dans une langue moderne2. Malgré les efforts des philologues, ces entreprises ne concernent cependant que quelques traités ou groupes de traités particuliers, et de larges pans du corpus restent encore non traduits.

Dans ces conditions et en particulier en l’absence d’éditions critiques récentes pour la majeure partie des traités, brosser l’histoire de la transmission du corpus galénique, de la mort de son auteur, à l’aube du IIIe siècle de notre ère, jusqu’à nos jours, tient assurément de la gageure. Et il ne peut s’agir, à l’intérieur de chaque période considérée, que de donner un aperçu d’une situation mêlant aussi bien les réalités du monde grec qu’arabe, latin, hébraïque ou encore arménien. Au clivage traditionnel entre Orient et Occident, il apparaît en effet préférable, dans le cas du corpus galénique, de privilégier la confrontation entre des expériences contemporaines menées ici et là, à Alexandrie et à Ravenne, Constantinople ou Bagdad. De fait, la formation du corpus galénique apparaît moins comme le résultat d’une succession d’événements indépendants, et plus ou moins marquants, que comme le produit d’une lente et régulière élaboration nourrie d’échanges incessants entre l’Est et l’Ouest3. DIFFUSION DU CORPUS GALÉNIQUE AU TOURNANT DES II e ET III e SIÈCLES DE NOTRE ÈRE D’un point de vue strictement matériel, il faut rappeler que, si Galien écrivait lui-même ses traités, il avait aussi recours aux services de tachygraphes à qui il dictait ses écrits pour qu’ils les prennent en notes. Galien avait également pris l’habitude, de son vivant, de déposer une copie de ses productions à la fois dans les bibliothèques publiques de Rome et dans celles de Pergame, assurant ainsi à ses œuvres une égale diffusion dans les deux parties de l’Empire. Enfin, Galien

FIG. 1. Traduction syriaque du traité des Simples

de Galien par Sergios de Resh’aina (mort en 536). Londres, British Library, Add. MS 14661, f.001v. © Public domain.

1. KÜHN (1821-1833). 2. Voir les principales entreprises (avec texte grec et traduction) menées en France dans la Collection des Universités de France (CUF), en Allemagne par le Corpus Medicorum Graecorum (CMG) et en Angleterre par la Loeb Classical Library. Voir pour les traductions seules : 1) en français : DAREMBERG (1854 et 1856) ; BARRAS (1995) 3 traités ; PELLEGRIN (1998) 5 traités ; BOULOGNE (2009) ; 2) en anglais : SINGER (1997) 15 traités ; SINGER (2012) 4 traités ; 3) en espagnol : 7 volumes publiés par la Biblioteca Clásica Gredos, Madrid, et 12 volumes publiés dans la Colección de Autores Griegos, Madrid ; 4) en italien : LAMI (2012) 2 traités et GAROFALO (1978). 3. Pour une présentation détaillée de l’histoire du texte de Galien, voir GALIEN, Introduction générale, Sur l’ordre de ses propres livres, Sur ses propres livres, Que l’excellent médecin est aussi philosophe (éd. Boudon-Millot), p. XCI-CCXXXVIII.

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LE GALÉNISME, UNE PHILOSOPHIE MÉDICALE DOMINANTE (IVe-XIVe SIÈCLES) — NICOLETTA DARLON-PALMIERI

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’étonnante fortune posthume de Galien constitue un chapitre fondamental dans l’histoire intellectuelle de ce médecin prodigieux. Très vite, Galien s’est imposé comme la seule autorité médicale indiscutée et presque indiscutable jouissant d’une célébrité sans égal pendant treize siècles environ : c’est le mouvement intellectuel que les spécialistes appellent le « galénisme »1. Ce qui frappe en premier lieu est l’extension géographique d’un tel mouvement : le système galénique allait imprégner la théorie et la pratique médicales d’abord dans l’Orient grec, pour passer ensuite au monde musulman qui eut une part considérable dans le transfert de cet héritage dans l’Occident médiéval latin : ici, à partir au moins du XIe siècle, la médecine galénique s’impose jusqu’à la fin de la Renaissance. En parallèle, il est tout aussi frappant de constater à quel point un seul homme ait pu dominer pendant des siècles la pensée médicale à la fois pour la doctrine et l’exercice de la profession. Certes, le nom de Galien s’accompagnait toujours de celui d’Hippocrate, l’autre « père » de la médecine occidentale, mais la vénération que Galien portait à son grand prédécesseur, confirmée par le vaste corpus de commentaires qu’il a consacrés aux écrits hippocratiques, a dû jouer un rôle fondamental. Autrement dit, l’Hippocrate des galénistes passait à travers le filtre de Galien.

Les raisons exactes de ce choix exclusif nous échappent dans les détails. Ce qui est sûr, c’est qu’un siècle et demi après sa mort, dans le domaine proprement médical, Galien n’a pas de rival : ayant connu de son vivant une notoriété extraordinaire, il laissait en héritage une production immense où il avait analysé, en médecin philosophe, tous les secteurs de l’art médical, avec de larges ouvertures vers les sciences, la religion, la littérature, la philologie. On en retire l’image d’un savant universel. Galien avait exercé son art dans la Rome païenne du IIe siècle, côtoyant les empereurs et l’élite de la société gréco-romaine ; sa fortune séculaire débute dans une tout autre situation historique, à un moment où l’Empire a une deuxième capitale en Orient, Constantinople (395), et une nouvelle religion, le christianisme, dont le culte est officiel depuis 392. LE PREMIER GALÉNISME ORIENTAL : LES ENCYCLOPÉDISTES

1. Sur l’histoire du galénisme, le volume de TEMKIN (1973) reste irremplaçable. 2. Voir DE LUCIA (2006), in GARZYA et al., p. 21-37, avec une note bibliographique aux p. 31-37.

D’après la documentation disponible, c’est au IVe siècle que l’on commence à trouver des traces du galénisme, assez consistantes pour pouvoir en dégager les principales caractéristiques. Le premier nom important est celui d’Oribase de Pergame († après 396), médecin de l’empereur Julien (325-400), et auteur d’une vaste production dans laquelle il réélaborait le savoir médical de l’Antiquité grecque et surtout de Galien2. Ses Collections médicales, œuvre principale consistant en 70 livres, dont plus de 30 ont été conservés, furent composées à la demande de son illustre patient et ami, qui s’efforçait de restaurer la religion tradi-

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LA REPRÉSENTATION DE GALIEN DANS LES HERBIERS MÉDIÉVAUX — LARA DE MERODE La plus ancienne représentation de Galien dans un herbier est celle, bien connue, du « Dioscoride de Vienne » (Österreichische Nationalbibliothek, Med. gr. 1 [Codex Vindobonensis], f.3v)1. Ce manuscrit, rédigé en grec à Constantinople vers 512, est unique en son genre. Galien y est représenté en train de présider une assemblée composée de six autres célèbres médecins (fig. 1), certains étant à l’origine des textes présents dans cet herbier2. Disposés en demi-cercle, ils forment un « portrait collectif » destiné à leur rendre hommage. Au VIe siècle, l’autorité de Galien est donc encore avérée, du moins dans le monde byzantin3. La situation dans l’Occident médiéval est moins claire. Bien qu’il semble que Galien ait pu encore être connu dans certains centres comme à Ravenne aux VIe et VIIe siècles4, il faut attendre que les activités de traduction de textes venus d’Orient s’intensifient, surtout en Italie et en Espagne à partir du XIe siècle5, pour que les références au médecin de Pergame se multiplient6. Pour les « portraits », ceux de Dioscoride, d’Hippocrate ou encore du Pseudo-Apulée ornent souvent les frontispices d’herbiers médiévaux. Galien n’apparaît, quant à lui, que vers le XIVe siècle dans les traités de pharmacopée et les « régimes de santé », deux genres qui ont parfois fusionné à la fin du Moyen Âge7. Les représentations de Galien que nous allons aborder sont des élaborations stéréotypées, destinées non pas à rendre les traits réels du personnage, mais à symboliser son « autorité et l’excellence de son œuvre »8. À ce titre, ce genre de « portrait » prend souvent place dans des frontispices précédant les traités. Pour mieux comprendre l’apparition iconographique de Galien en Occident, il serait nécessaire d’établir des liens entre ces représentations et celles figurant dans d’autres traités médicaux9 et de prendre en compte ses écrits copiés au Moyen Âge ainsi que la mention de son nom dans les sources écrites médicales. Bien que les portraits individuels, où l’auteur est figuré seul au travail ou présentant son œuvre, soient plus fréquents à l’époque médiévale, les portraits de groupe d’auteurs engagés dans une discussion érudite, comme celle du Dioscoride de Vienne, subsistent10. C’est à ce type qu’appartient une autre représentation de Galien (Paris, BnF, Italien 1108, f.7v) dans laquelle il figure aux côtés d’une série d’illustres médecins de l’Antiquité et du monde arabe11, tous vêtus à la mode médiévale (fig. 2). Ce manuscrit, daté des années 1470 et probablement réalisé en Italie du Nord, contient le Libro de componere herbe et fructi de Giovanni Cadamosto12, qui est une version remaniée et traduite en italien, dans la seconde moitié du XVe siècle, du Tacuinum sanitatis d’Ibn Butlan13. Le Tacuinum sanitatis est un manuel pratique de diététique fournissant des conseils en matière d’art de vivre, souvent destinés à des membres de l’élite14. L’exemplaire de la bibliothèque de l’Université de Liège (ms. 1041), qui mentionne Galien au premier folio comme source d’inspiration sans toutefois le représenter, aurait pu être réalisé pour le duc de Milan, Gian Galeazzo Visconti (1351-1402)15.

FIG. 1. Miniature représentant Galien (en haut

au centre), Dioscoride, Nicandre de Colophon, Rufus d’Éphèse, Andreas, Apollonios et Cratevas. Vienne, Österreichische Nationalbibliothek, Codex Vindobonensis Med. gr. 1, f. 3v. © Österreichische Nationalbibliothek. Avec l’aimable autorisation de l’Österreichische Nationalbibliothek, Wien. FIG. 2. (Page suivante) Miniature représentant Galien, Macer, Albert le Grand, Dioscoride, Mésué, Sérapion, Esculape, Hippocrate, Avicenne, Razès et Aristote. Paris, Bibliothèque nationale de France, Italien 1108, f. 7v. © BnF. Avec l’aimable autorisation de la Bibliothèque nationale de France. FIG. 3. (Page suivante) Miniature représentant Galien et Hippocrate. Paris, Bibliothèque nationale de France, Latin 6823, f. 1v. © BnF. Avec l’aimable autorisation de la Bibliothèque nationale de France.

1. Fac-similé et étude : GERSTINGER (1970). Aussi HUNGER (1969), p. 37-41 ; MAZAL (1981) ; COLLINS (2000), p. 39-50. 2. Dioscoride, Nicandre de Colophon, Rufus d’Éphèse, Andreas, Apollonios et Cratevas. Le manuscrit contient la version alphabétique du traité de Dioscoride (ff. 12v-387r), deux paraphrases des Theriaca (ff. 393r-437r) et des Alexipharmaca (ff. 438-r-459v) de Nicandre de Colophon, le Carmen de viribus herbarum (ff. 398-388), la paraphrase attribuée à Eucténios des Halieutiques d’Oppien de Corycos ; un texte sur la pêche et les créatures marines et une paraphrase de l’Ornithiaca (ff. 474r-485v), voir BARDAUD (1994) et COLLINS (2000), p. 39-42. 3. TOUWAIDE (2008), p. 23, explique qu’il y eut une relance de la pharmacopée galénique et une redécouverte de certains textes de Galien à Constantinople à partir du Xe siècle. Sur la postérité de Galien, voir aussi supra, dans ce volume, les articles de V. Boudon-Millot sur « La transmission », d’A. Guardasole et de N. Darlon-Palmieri. 4. EVERETT (2012), p. 21-22 ; Sur la médecine à Ravenne, TOUWAIDE (2005), p. 433-434. 5. JACQUART et MICHEAU (1990). 6. C. Opsomer montre que, dans le Livre des simples médecines de la Bibliothèque royale de Belgique (Codex Bruxellensis IV. 1024), Galien est surtout connu via les œuvres d’Isaac : cf. OSPOMER (1980), p. 29-39. 7. OPSOMER (2002), p. 6 ; Sur les régimes de santé, NICOUD (2007). 8. JENNEQUIN-LEROY (2009), p. 27 et LAZARIS (2009), p. 307. 9. Galien figure dans de nombreuses initiales ornées (Bav lat. 2382, BnF lat. 9331, BnF lat. 15456 par exemple) ou dans des scènes plus développées, comme dans le BnF, lat. 6966. 10. LAZARIS (2009), p. 311.

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GALIEN CORRIGÉ PAR VÉSALE — JACQUELINE VONS

Mais je n’ai pas entrepris pour le moment d’exposer les théories fausses de Galien, qui est de loin le plus éminent professeur d’anatomie, et je voudrais encore moins passer d’emblée pour impie envers la source de tous nos biens, et trop peu respectueux de son autorité. Je n’ignore pas, en effet, combien les médecins (à la différence des disciples d’Aristote) sont troublés quand ils constatent aujourd’hui au cours d’une seule séance d’Anatomie, que Galien s’est écarté plus de deux cents fois de la vraie description de l’harmonie des parties du corps humain, de leur utilité et de leur fonction (Fab. *3v)1.

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alien, le plus éminent professeur d’anatomie, aurait commis plus de deux cents erreurs… Qui pouvait au XVIe siècle avoir une telle arrogance, risquer l’accusation de lèse-autorité ? C’est pourtant en ces termes qu’un jeune anatomiste âgé de 28 ans présente, dans la préface adressée à l’empereur Charles Quint, le résultat de son travail consigné dans le magistral traité en sept livres, De humani corporis fabrica libri septem, publié à Bâle chez Oporinus en 1543. VÉSALE ET L’ENSEIGNEMENT DE L’ANATOMIE HUMAINE Né à Bruxelles en 1514, André Vésale étudie à Louvain, d’abord au Collegium trilingue, fondé par l’humaniste Jérôme Busleyden (1470 ?-1517), ami d’Érasme, puis à la faculté de médecine. En 1533, il rejoint un de ses maîtres, Guinter d’Andernach, à Paris, et se fait remarquer par son habileté à disséquer, mais en tant que sujet de l’empereur Charles Quint, il est contraint de revenir à Louvain pendant la reprise des conflits franco-germaniques. Il y publie son premier livre, Paraphrasis in nonum librum Rhazæ medici […] en février 1537, puis se rend à Padoue, une des plus prestigieuses universités européennes, où il reçoit le doctorat le 5 décembre de la même année, et est nommé le lendemain explicator chirurgiæ sur la chaire d’anatomie et de chirurgie occupée précédemment par un médecin de Crémone, Paolo Colombo. De 1537 à 1543, il va enseigner l’anatomie du corps humain à un public d’étudiants en médecine, de chirurgiens, d’érudits, assistant à ses leçons à Padoue, mais aussi à Bologne où il est invité en 1540, à Pise en 1543. Alors que les médecins philologues du XVIe siècle ont fait un travail remarquable de collation, correction et édition des textes médicaux antiques, force est de constater que l’enseignement de la médecine, et de l’anatomie en particulier, était resté majoritairement tributaire de protocoles anciens régis par la hiérarchisation des tâches : le professeur en chaire lit des descriptions des parties du corps que le prosecteur ou le barbier montre sur un cadavre. La scène, bien connue par une illustration du Fasciculus medicinæ de Johan Ketham publié en 1494 (fig. 1), excite la verve d’André Vésale : [Les professeurs] du haut de leur chaire, avec une rare suffisance, croassent comme des corneilles et parlent de choses dont ils ne se sont jamais approchés, mais qu’ils récitent par cœur d’après les livres écrits par d’autres […]. Les autres

1. Toutes les citations sont tirées de La Fabrique de Vésale, édition et traduction commentée par J. VONS et S. VELUT, Bibliothèque interuniversitaire de santé, Paris, 2014-2016, http://www3.biusante. parisdescartes.fr/vesale/debut.htm

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GALIEN CORRIGÉ PAR VÉSALE

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GALIEN CORRIGÉ PAR VÉSALE

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LA RÉCEPTION IMPRIMÉE DE GALIEN DANS LES ANCIENS PAYS-BAS AU XVIe SIÈCLE — RENAUD ADAM

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vec pas moins de quelque six cents éditions relevant du corpus galénique recensées au XVIe siècle, il apparaît sans contredit que le modèle médical dominant à la Renaissance reste toujours bel et bien celui de Galien et de sa théorie des humeurs1. La plus ancienne édition latine remonte au 27 août 1490 et est sortie des presses vénitiennes de Philippus Pincius (ou Pintius). Il s’agit de la première impression des œuvres complètes du maître de Pergame, éditées en latin par le médecin de Brescia Diomède Bonardus et reproduites en deux volumes imposants au format in-folio2. Le premier tome compte 224 feuillets, le second 248 ; soit un volume total de 236 feuilles de papier pour imprimer un seul exemplaire. Le corpus galénique a été classé par l’éditeur selon des critères thématiques et de difficultés de lecture3. Une vingtaine d’autres Opera omnia verront le jour au cours du XVIe siècle (dont deux en grec), imprimées presque exclusivement à Venise. Le classement établi par Johannes Baptista Montanus pour celles parues en 1541 chez les Giunta servira de modèle pour les éditions ultérieures4. Il repose sur cinq critères : thématique, difficulté de lecture, authenticité, genre littéraire et matériel. Venise pourrait ainsi apparaître comme le principal centre typographique pour la diffusion des œuvres de Galien en Europe. Le graphique suivant, décrivant la répartition géographique de l’ensemble des impressions parues avant 1600, oblige toutefois à nuancer ce constat : GRAPHIQUE 1 : Répartition géographique des impressions de Galien aux XVe et XVIe siècles5

1. NUTTON (2008), p. 355-390. Les informations proviennent de la base de données de l’Universal Short Title Catalogue (USTC). Cet outil ambitionne à terme de recenser l’ensemble des éditions parues en Europe avant 1650. Sur la production de Galien à la Renaissance, voir également : DURLING (1961) ; PETTEGREE (2010), p. 297-318. On consultera avec profit les contributions autour de Galien dans : BOUDON-MILLOT, COBOLET (2004), p. 163-282. Voir aussi supra, dans ce volume, l’article de V. Boudon-Millot sur « La transmission ». 2. USTC 994848. 3. Sur le contenu de cette édition et les autres éditions complètes de Galien au XVIe siècle, voir : DOMINGUES (2004), p. 163-179. 4. USTC 831448. 5. Sources : USTC. Ces chiffres ne doivent évidemment pas être envisagés de manière brute, mais être perçus comme des indicateurs de tendances générales, en raison des limites inhérentes à ces grandes entreprises bibliographiques (possibilité de doublons, éditions perdues, erreurs d’attributions, fantômes bibliographiques, enquêtes toujours en cours…). Cette remarque ne remet nullement en cause la valeur de l’USTC, mais invite simplement à la prudence dans le traitement de données à grande échelle.

Angleterre Danemark Espagne France Italie Pays-Bas Pologne s.l. St Empire Suisse 0

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Avec une production avoisinant les 370 impressions, la France occupe en réalité la première position, largement dominée par les imprimeurs parisiens, suivis par leurs confrères lyonnais. L’Italie se positionne en deuxième place. Même si l’écart entre les deux pays est non négligeable, Venise peut toutefois revendiquer

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MON CONFRÈRE GALIEN À TITRE DE POSTFACE — PAUL VERBANCK

« Les Grecs nous ont légué un des plus beaux mots de notre langue, le mot enthousiasme, un dieu intérieur. » (Louis Pasteur, 1882).

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alien nous occupe, Annie et moi, depuis plusieurs années. Nous sommes d’abord partis à sa découverte dans sa belle ville de Pergame, puis à Alexandrie, à Athènes, à Rome, dans plusieurs villes d’Italie et dans de nombreux musées européens. Je me suis plongé dans les beaux livres et articles que Véronique Boudon, Vivian Nutton et bien d’autres lui ont consacrés. J’ai pris connaissance avec plaisir des expériences cliniques – souvent truculentes – rapportées dans les intéressants articles de Danièle Gourevitch. Je suis enfin parti à sa recherche en me plongeant dans divers fragments de son œuvre immense. À l’issue de ce parcours passionnant, Claude Galien m’est progressivement devenu plus familier. Personnage pittoresque, se mettant volontiers en scène, est-il pour autant l’égal d’Hippocrate de Cos que les médecins modernes aiment toujours avoir comme repère tutélaire ? Qu’évoque-t-il dans sa personne, dans sa science, dans sa pratique ? Est-il, comme certains le décrivent, une ombre du passé que la Renaissance a balayé, la vraie science médicale débutant avec André Vésale et William Harvey ? L’aventure de la préparation de cette exposition et la rédaction de ce beau volume m’ont progressivement éclairé sur le sujet.

Né en Asie Mineure, dans la superbe ville de Pergame alors florissante, issu d’une famille aisée, il a surtout bénéficié d’une figure paternelle de très grande qualité, l’engageant à s’instruire, et surtout à se comporter comme un homme indépendant d’esprit, ouvert vers le monde et porteur en toute circonstance d’une vision positive des choses, comme le prouve son émouvant traité Ne pas se chagriner. Les nombreux écrits de Galien témoignent incontestablement d’un narcissisme marqué, mais sont exempts de tout cynisme. Il affirme ses convictions avec aplomb, en les argumentant à partir de son expérience personnelle, mais aussi de celle des autres, qu’il fait toujours l’effort de découvrir, de commenter… et de critiquer ! Rien de dogmatique dans sa réflexion, mais des opinions défendues avec fermeté lorsqu’il les croit fondées. C’est une constante dans ses écrits : il a besoin d’expliquer et de convaincre. Pédagogue, communicateur, vulgarisateur, il veut persuader et ne renâcle jamais à remettre le travail sur le métier, même quand un incendie anéantit des années d’effort. Avant la lettre, il comprend parfaitement en quoi la synthèse et la diffusion des connaissances sont nécessaires pour l’apprentissage de la médecine et de la matière scientifique. Il n’est pas le premier à écrire des livres sur les études médicales, mais il est le premier à avoir manifestement développé une stratégie de publication et de communication dans ce domaine. Institut de recherche et d’enseignement à lui seul, il n’est pas étonnant qu’il ait marqué les esprits pendant des siècles. Ce qui est regrettable, c’est que, comme souvent pour les grands noms,

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CATALOGUE DE L’EXPOSITION : NOTICES

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LISTE DES AUTEURS DES NOTICES — Arnaud Quertinmont, Morlanwelz, Musée royal de Mariemont Antonio Ricciardetto, Liège, Université, et Paris, Collège de France Annie Verbanck-Piérard, Morlanwelz, Musée royal de Mariemont Bertrand Federinov, Morlanwelz, Musée royal de Mariemont Carlotta Caruso, Rome, Museo Nazionale Romano alle Terme di Diocleziano Cécile Evers, Bruxelles, Musées royaux d’Art et d’Histoire Claire Barbet, responsable d’équipe scientifique, Inrap Dominique Kassel, Paris, Conseil national de l’Ordre des Pharmaciens, Fonds de dotation patrimoine pharmaceutique E. S. Elena Savini, Bruxelles, Bibliothèque royale de Belgique, Cabinet des Manuscrits G. D. Gilles Docquier, Morlanwelz, Musée royal de Mariemont G. T. Giulia Tozzi, Rome, Museo Nazionale Romano alle Terme di Diocleziano H. H. Hélène Haug, Anderlecht, Maison d’Érasme J. D. Jens-Arne Dickmann, Freiburg, Archäologische Sammlung der Universität J.-L. S. Jean-Luc Schütz, Liège, Le Grand Curtius L. D. Luc Delvaux, Bruxelles, Musées royaux d’Art et d’Histoire L. de M. Lara de Merode, Bruxelles, Musée de la Médecine L. L. Ludovic Laugier, Paris, Musée du Louvre M.A. Mathilde Avisseau-Broustet, Paris, Bibliothèque nationale de France, Département des monnaies, médailles et antiques M. E. Marion Euskirchen, Cologne, Römisch-Germanisches Museum M. G. Marius Gerhardt, Berlin, Ägyptisches Museum und Papyrussammlung, Staatliche Museen M. S. Martin Szewczyk, Paris, Centre de recherche et de restauration des musées de France M.-H. M. Marie-Hélène Marganne, Liège, Université et CEDOPAL N. M. Natacha Massar, Bruxelles, Musées royaux d’Art et d’Histoire P. C. Pascal Capus, Toulouse, musée Saint-Raymond, musée des Antiques R. H. Ruurd Halbertsma, Leyde, Rijksmuseum van Oudheden R. J. Ralph Jackson, Londres, British Museum, Romano-British Collections ( former Curator) S. C. Sophie Cornet, Anderlecht, Maison d’Érasme A. Q. A. R. A. V.-P. B. F. C. C. C. E. Cl. B. D. K.

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INTRODUCTION — GALIEN, MÉDECIN ET ÉCRIVAIN

A. MÉDECIN — 0.A.1. ET 2.

Ventouses — Bronze A.3531 : H. 6,5 cm ; Diam. 6 cm A.3532 : H. 6 cm ; Diam. 5 cm Ier siècle av. J.-C.- Ier siècle ap. J.-C. Prov. : Priène, dans une tombe Bruxelles, Musées royaux d’Art et d’Histoire, INV. A.3531 ET A.3532

Les ventouses sont attestées en Grèce dès la fin du VIe s. av. J.-C. et durant toute l’Antiquité. Elles sont le symbole par excellence des médecins antiques et permettent l’identification de praticiens sur des scènes peintes ou des monuments funéraires. Mentionnées à plusieurs reprises dans le Corpus hippocratique, elles figurent en bonne place dans de nombreux traités médicaux. Leur nom, en grec (sikua) comme en latin (cucurbita ou cucurbitula), naît de leur ressemblance avec une gourde ou une calebasse. Généralement réalisées en bronze, elles étaient souvent dotées d’un anneau de suspension.

La ventouse était appliquée préalablement chauffée, afin de créer un effet de succion lors du refroidissement de l’air à l’intérieur de l’instrument. Elle pouvait être utilisée sur toutes les parties du corps, soit sur la peau intacte, pour stimuler ou attirer des humeurs, soit sur la peau légèrement entaillée au scalpel, pour aspirer du sang. Dans son traité Sangsues, révulsion, ventouses, scarification et incision (Kühn XI, 320-321), Galien indique que l’application de ventouses sert à réduire la douleur ou la fièvre, stimuler l’appétit, arrêter les hémorragies… Il recommande leur usage dans des cas de flatulences, de problèmes liés aux menstruations, d’estomac faible, etc.

Les monuments funéraires de médecins de langue grecque, du VIe siècle au Ier siècle avant notre ère », Histoire, médecine et santé, 8, 2015, p. 17-30, en part. p. 20 et 23 ; P.A. BAKER, « Images of Doctors and their Implements: A Visual Dialogue between the Patient and the Doctor », in G. PETRIDOU and Ch. THUMIGER (ed), Homo patiens: Approaches to the Patient in the Ancient World, Leyde-Boston, 2015 (Studies in Ancient Medicine, 45), p. 365-389, en part. p. 372-376.

Ces deux ventouses proviennent de la même tombe, où deux bols en bronze ont également été retrouvés. S’il s’agissait bien, comme on le supposerait volontiers, d’une sépulture de médecin, les bols ont pu également avoir une fonction médicale, pour recueillir le sang lors d’une saignée ou préparer des remèdes.

Prov. : Nimègue/Nijmegen (Ulpia Noviomagus

Exposition Mariemont 1998, p. 213 ; L. BLIQUEZ, The Tools of Asclepius: Surgical Instruments in Greek and Roman Times, Leyde-Boston, 2015 (Studies in Ancient Medicine, 43), en part. p. 25-27 et 56-72 ; N. MASSAR, « À la vie, à la mort.

N. M.

— 0.A.3.

Matériel d’un médecin romain : instruments, boîte et flacons — Fer, bronze, terre cuite, bois, verre Dim. de la boîte à médicaments (INV. NHA 6) : L. 14, 3 cm ; larg. 8,6 cm ; H. 4 cm IIIe siècle Batavorum) Leiden, Rijksmuseum van Oudheden, INV. NHA 1-26

En 1840, près de la ville de Nimègue/ Nijmegen, pendant des travaux de terrassement de génie militaire, deux sarcophages furent découverts. D’après le mobilier funéraire, il est apparu que l’un était la tombe d’une femme et l’autre celle d’un médecin. Nimègue (Ulpia Noviomagus Batavorum) était la plus grande ville de la partie occidentale de la province de Germania Inferior. Le mobilier funéraire retrouvé dans les tombeaux qui bordaient les routes antiques témoigne de la richesse des habitants. Le matériel médical mis au jour dans l’un des sarcophages consistait en aiguilles, pinces fines, scalpels, bouteilles, etc. Un objet en terre cuite pourrait être un bougeoir. Le coffret en bois à plusieurs compartiments, interprété comme une boîte à médicaments, est une découverte extraordinaire. Pour l’ensemble du matériel médical de la tombe de Nimègue et d’autres illustrations, voir, dans ce volume, l’article de R. Jackson sur “Les instruments”. P. STUART, Provincie van een imperium - Romeinse oudheden uit Nederland in het Rijksmuseum van Oudheden te Leiden, Leiden, 1986, p. 46-47. R. H.

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DEUXIÈME ÉTAPE —

D’ORIENT EN OCCIDENT : GALIEN, UN MÉDECIN GREC À ROME

A. LES SÉANCES DE DISSECTION À ROME

Il intervient dans de nombreuses opérations, pour la saignée, ainsi que pour les dissections (sur animal) lors de l’apprentissage de l’anatomie. Comme beaucoup d’instruments romains, ce scalpel à double lame est de facture soignée et fonctionnelle.

Galien anatomiste — II.A.1.1. À 3. ET II.A.2.1. À 4.

Pièces anatomiques plastinées d’animaux domestiques —

Voir, dans ce volume, l’article de R. Jackson (avec bibliographie).

Maisons-Alfort, École nationale vétérinaire d’Alfort

L. D. M.

(EnvA), 7 pièces d’étude utilisées dans le cadre de l’enseignement de Monsieur le professeur Henry Château, Chef d’unité de l’Anatomie des animaux domestiques à l’EnvA.

Ces pièces permettent d’illustrer et de comprendre les séances publiques de dissection et vivisection effectuées par Galien, tout particulièrement ses démonstrations sur les mécanismes de la voix et de la respiration. II.A.1.1. À 3.

1) Coupe sagittale d’une tête de porc 2) Cage thoracique d’un cochon (avec poumons et cœur) 3) Plafond de la cavité abdominale d’un cochon (avec reins)

Galien a disséqué de nombreux animaux différents. Parmi les animaux domestiques, ceux de ces modèles plastinés sont bien attestés : porc, cheval, bovidé, chien… Le nerf laryngé récurrent, que Galien a mis en évidence (Utilité des parties du corps, XVI, 4), est particulièrement aisé à observer sur le larynx de cheval.

Galien héritier et commentateur d’Hippocrate — II.B.1.

Éthique médicale — Papyrus

D. GOUREVITCH et Chr. BONNET-CADILHAC, « À propos des animaux d’expérimentation chez Galien », Histoire des sciences médicales, 47/3, 2013, p. 311-324 ; pour Vésale, successeur critique de Galien pour les dissections animales, cf. J.VONS et St VELUT, « L’expérimentation animale dans la Fabrica (1543) d’André Vésale », à paraître.

H. 8,7 cm ; L. 7,1 cm IIe-IIIe siècle ap. J.-C. Prov. : Oxyrhynque Bruxelles, Musées royaux d’Art et dõHistoire, INV. E. 5929

A. V.-P.

— II.A.3.

Double scalpel — Bronze L. 16,6 cm Fin du Ier siècle ap. J.-C. Prov. : Proche-Orient romain Bruxelles, Musée de la Médecine, INV. MM-2012-04525-25

La séance publique d’anatomie la plus célèbre présentée par Galien, en présence de Boethus, concerne le larynx de porc, bien visible sur l’exemplaire de l’École vétérinaire.

B. LA DÉMARCHE DE GALIEN

Le scalpel est l’un des principaux instruments de la trousse d’un médecin romain.

Ce papyrus porte, au recto, la partie médiane d’une colonne de 15 lignes. Ce fragment anonyme contient deux citations non littérales du Serment hippocratique. Après 6 lignes lacunaires, il est recommandé de ne pas opérer ceux qui souffrent de lithiase (lignes 7-9), comme il est dit dans le Serment I, 5, de ne donner du poison à personne (9-10), comme dans Serment I, 3, et de ne rien faire qui soit éloigné de l’art (10-11). On déchiffre enfin que « le meilleur chirurgien doit être consolateur » (12-13), comme dans le traité hippocratique De la bienséance, 16.

II.A.2.1. À 4.

1) Larynx de cheval avec nerf laryngé 2) Cœur de cheval (coupé) 3) Tête de chien (dissection superficielle) 4) Coupe sagittale d’un encéphale de veau

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TROISIÈME ÉTAPE — GALIEN, MÉDECIN DES EMPEREURS LE DÉPÔT DU TEMPLE DE LA PAIX

A. GALIEN, MÉDECIN DE TROIS EMPEREURS

Marc Aurèle (et Lucius Verus), Commode, Septime Sévère — III.A.1.

Buste cuirassé de Marc Aurèle âgé — Marbre d’Afyon (Turquie) H. totale (sans le piédouche moderne, mais avec la tablette) 75,5 cm ; larg. 53,5 cm ; p. 29 cm Tablette : larg. 13,5 cm ; H. 7 cm 170-180 ap. J.-C., type IV (variante A) Prov. : villa de Chiragan (Martres-Tolosane, Haute-Garonne) Toulouse, musée Saint-Raymond, musée des Antiques, INV. RA 61 B

huit ans de règne conjoint avec Marc Aurèle, et le fait que ce dernier se trouvait désormais seul à la tête de l’Empire. Une autre raison à l’origine de ce type IV pourrait correspondre aux decennalia (dix ans de règne) du 7 mars 170 ; en effet, le monnayage de l’année 171 y fait clairement allusion en introduisant, dans la titulature de l’empereur, l’épithète Germanicus, qui couronna ses campagnes militaires dans ces provinces. Durant ces mêmes années, l’empereur-philosophe n’était certes pas à Rome : ayant quitté l’Urbs en septembre-octobre 169 pour une première expédition, il ne devait y revenir qu’en novembre 176. Force est donc d’admettre que le portrait officiel avait été créé en dehors de Rome, sans doute pendant les quartiers d’hiver de l’armée à Carnuntum, en Pannonie (actuelle Autriche), et dépêché à Rome, où les principaux ateliers officiels le copièrent et d’où ils le diffusèrent. Les portraits de ces dernières années du règne de Marc Aurèle sont caractérisés par une grosse mèche axiale en flamme autour de laquelle s’organisent toute la coiffure, une barbe en pointe et une moustache dont les extrémités s’enroulent vers le haut. Très proche d’un bel exemplaire conservé à Rome, au Palazzo Braschi, cette œuvre se distingue cependant par un protège-nuque presque collé au cou qui donne, de profil, l’impression d’une cuirasse trop petite. Il est possible que la tête soit l’œuvre du même sculpteur que celle de Rome, mais que le buste ait été confié à un ouvrier nettement moins habile.

Ce buste de Marc Aurèle, découvert à Chiragan, appartient au type IV de l’iconographie de l’empereur, que l’on s’accorde à dater aux alentours des années 170-180, soit des dernières années du règne. Une des raisons les plus vraisemblables pour la création de ce type IV paraît être l’important changement que représentait la mort brutale de Lucius Verus, en janvier ou février 169, après

J.-Ch. BALTY et al. (ed.), Le Regard de Rome. Portraits romains des musées de Merida (Museo nacional de arte romano), Toulouse (musée Saint-Raymond, musée des Antiques) et Tarragona (Museu nacional arqueológic), catalogue de l’exposition présentée à Merida, Tarragone et Toulouse, 1995, p. 165 ; E. ROSSO, L’Image de l’empereur en Gaule romaine, Paris, 2005, no 221, p. 461-463, fig. 169 ; J.-Ch. BALTY, D. CAZES, E. ROSSO, Sculptures antiques de Chiragan (Martres-Tolosane), I. Les Portraits romains, I.2. Le Siècle des Antonins, Toulouse, 2012, p. 36-37 et 220-232. P. C.

— III.A.2.

Buste cuirassé fragmentaire de Commode — Marbre lychnites - vallée de Marathi Paros II H. 42 cm ; larg. 39 cm ; p. 23,5 Fin de l’année 180 ap. J.-C, type III ou type « Vatican, Busti 368 » Prov. : villa de Chiragan (Martres-Tolosane, Haute-Garonne) (?) Toulouse, musée Saint-Raymond, musée des Antiques, INV. RA 118

Sept ou huit types iconographiques successifs représentent le fils de Marc Aurèle et de Faustine la Jeune, né le 31 août 161 et élevé au rang de César à l’âge de cinq ans (!), par son père, dès le 12 octobre 166. Le type III, auquel appartient le buste toulousain, nous est essentiellement connu par des répliques aujourd’hui conservées au Vatican, Sala dei Busti 368 – tête de série (« Leitstück ») de ce type, en raison de sa qualité et de son état de conservation –, au musée des Thermes (Rome), à Mantoue, à Copenhague, mais aussi en Grèce et en Asie Mineure, témoins de sa large diffusion à l’avènement. Cette effigie est la première

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QUATRIÈME ÉTAPE —

MALADIES ET ÉPIDÉMIES SOUS L’EMPIRE ROMAIN

A. LA « PESTE » ANTONINE (LA VARIOLE) — IV.A.1.

Fragment de pilier hermaïque avec épigramme funéraire grecque pour un homme mort de la « peste » — Marbre H. 25 cm ; L. 22 ; p. 13 cm ; lettres 1 cm 165-180 Prov. : Rome, via Tiburtina, località Rebibbia in una proprietà privata (a. 1933), Rome, Museo Nazionale Romano, Terme di Diocleziano, INV. 114788

Ἄθλιος ἐκπροφυγὼν λοιμοῦ | πυροελκέος ὁρμὴν | οὐκ ἔλαθον Μοιρῶν νῆμα | τὸ κλωθόμενον· | ἥπατι γὰρ βληχρῷ καὶ πλεύμονι̣ | [σ]ῶ̣μα μαρανθεὶς | [---]+++ « Malheureux, après avoir réussi à survivre à l’attaque de la pestilence aux brûlantes ulcérations, Je n’ai pas échappé au fil du fuseau des Moires, Car mon corps était épuisé par la faiblesse de mon foie et de mes poumons… ». Erma di marmo acefala spezzata nella parte inferiore, scheggiata nei lati e abrasa nella superficie, recante un’epigrafe in lingua greca lacunosa in basso, di cui si conservano sei linee di scrittura

e tracce di una settima oggi perduta. I caratteri, di forma e modulo regolari (1,1 cm), sono elegantemente tratteggiati con solco profondo e provvisti di leggeri apici arrotondati alle estremità dei tratti ; si notano alfa con barra spezzata, epsilon, sigma e omega lunati, my e ny con aste mediane non tangenti il rigo e punti divisori circolari. L’iscrizione consiste in un epigramma funerario in distici elegiaci di cui si leggono i primi tre versi (GVI, 993 ; IGUR, III, 1378 ; EDR 128679), impaginati ciascuno su due righe con la seconda sempre centrata. Del defunto, che era in origine ritratto nell’erma, non è più conservato il nome, ma si conoscono le cause della morte, determinata da complicazioni respiratorie ed epatiche di una “peste” (λοιμός πυροελκής) cui credeva inizialmente d’essere scampato. La generale descrizione del decorso della malattia e in particolare l’uso dell’hapax πυροελκής, un composto di πῦρ ed ἕλκος che indica ulcerazioni infiammate, sembrano riflettere la terminologia medica di una diagnosi, il che fa di quest’epigrafe una fonte preziosa in materia. La pestilenza è forse quella divampata nell’impero romano in epoca antonina tra il 165 e il 180 d.C., che fu probabilmente un’epidemia di pestis Galenica, cioè di vaiolo; tale datazione ben si accorda con le caratteristiche paleografiche del testo. F. MOSINO, « Linguaggio medico nell’epigramma 993 Peek da Roma », MEP, 11, 2006, p. 181 ; D. GOUREVITCH, Limos kai loimos. A study of the Galenic Plague, Paris, 2013, p. 111-112.

Paris. Signature : sur plaque métallique (fond noir, lettrage doré), en bas à gauche, « Maison TRAMOND / N. ROUPPERT, Succ. / OSTÉOLOGIE, ANATOMIE, ZOOLOGIE / 9, rue de l’École de Médecine PARIS » Bruxelles, Musée de la Médecine, INV. MM-1998-S74 Chl. PIRSON, « Les cires anatomiques (1699-1998) entre art et médecine. Étude contextuelle de la collection céroplastique du musée de la Médecine d’Érasme », 2006 (thèse de doctorat présentée sous la codirection des professeurs Michel Draguet et Thierry Appelboom, Université libre de Bruxelles, Faculté de Philosophie et Lettres), p. 290-291 et catalogue raisonné, vol. 5, p. 364-366. L. D.M.

B. LES MALADIES SOUS L’EMPIRE ROMAIN

G. T.

B.1. Maladies et handicaps

IV.A.2.

IV.B.1.1.

La variole : modèle anatomique — Modèle anatomique humain de l’avant-bras :

Stèle funéraire de l’affranchi Euhelpistus, victime des médecins ! —

« Variole confluente / d’un enfant n’ayant pas été

Marbre

vacciné »

H. max 71 cm ; L. max 44 cm ; Ép. 3,5 cm ; lettres

Cire moulée

2,5-2 cm

Pièce : H. 5 cm ; L. 17 cm ; p. 27 cm

Époque d’Hadrien

Caisse : H. 17,5 cm ; L. 129 cm ; p. 63 cm

Prov. : Rome, tra via Cassia e via Trionfale (a. 1912)

Première moitié du XXe siècle

Rome, Museo Nazionale Romano

Prov. : Maison Tramond, N. Rouppert, successeur,

Terme di Diocleziano, INV. 52325

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CINQUIÈME ÉTAPE —

GALIEN DIÉTÉTICIEN, GALIEN PHARMACIEN

A. THÉRAPEUTIQUE — V.A.2.

Hydrothérapie — Papyrus H. 9,5 cm ; L. 6,5 cm IIe siècle Prov. : Égypte Cologne, Universität zu Köln, Institut für Altertumskunde, Papyrussammlung, INV. 6066

d’une durée de deux jours (5 : ἐπὶ δύο ἡμέρας), d‘échauffer au moyen d‘outres (6 : ἀσκοῖς πυριάσας), des jambes (7 : τ]ῶ̣ν σκελῶν), d‘eau chaude (7 : ὕδατι θερμῶ̣[ι), de provoquer des sueurs (8 : ἱδρῶτας ἐκβά̣[λλειν), avec une référence à ce qui a été écrit précédemment (9 : τῆι{ν} ἄνω γεγραμμ[ένηι{ν}). P. Köln VII 293 1 ]α̣ι̣ ὑποκαθάρας ὠφελήσειεν ἂ[ν ] . νήστην ἀρρωστίας δευτέραι ω̣[ τ]ρ̣ιταίωι ὄντι εἰς σκάφην . . . [ ὕ]δατος καθεὶς ὥστε εὖ μαλ[α 5 ]σ̣α̣ι̣ καὶ ἐπὶ δύο ἡμέρας καια-[ τῆ]ς̣ σκάφης ἀσκοῖς πυριάσας . [ τ]ῶ̣ν σκελῶν ὕδατι θερμῶ̣[ι ] ὥστε καὶ ἱδρῶτας ἐκβά̣[λλειν ] . . τῆι{ν} ἄνω γεγραμμ[ένηι{ν} 10 ] χρῆισθαι καὶ . . [ ]ημ̣άτων πρα[ ]τ̣ο̣ς̣ [ . . . . ]ων[ ]αι . [ . . . . ]ασ[ M. GRONEWALD und K. MARESCH, Kölner Papyri (P. Köln). Band 7, Opladen, 1991, p. 30-32. M.-H. M. et A. R.

B. GALIEN PHARMACIEN, HÉRITIER D’UNE LONGUE TRADITION

Les prédécesseurs Ce fragment de rouleau de papyrus est déchiré à gauche, à droite et en bas. La marge supérieure est conservée en partie. Le verso est blanc. Le recto contient la partie médiane des 13 premières lignes d‘une colonne dont le contenu est relatif au traitement (1 : ὠφελήσειεν) d‘une maladie ou d‘infirmité(s) (2 : ἀρρωστίας), qui devaient être dénommées dans une colonne précédente. S‘étendant sur plusieurs jours, celui-ci devait consister en laxatifs (1 : ὑποκαθάρας) le premier jour, en jeûne (2 : νήστην) le deuxième (2 : δευτέραι) et en bain(s) le troisième (3 : τ]ρ̣ιταίωι ὄντι). Dans la suite du texte, il est en effet question de baignoire (3 : σκάφην ; 6), de faire couler de l‘eau (4 : ὕ]δατος καθεὶς),

V.B.1.1.

Dioscoride, Περὶ ὕλης ἰατρικῆς De Materia medica — Fac-similé du manuscrit de Vienne, Österreichische Nationalbibliothek, Codex Vindobonensis Med. Gr. 1 : Dioscurides. Codex Aniciae Iulianae picturis illustratus, nunc Vindobonensis Med. Gr. I, éd. Joseph de Karabacek, 2 vol., Leyde, 1906 (Codices Graeci et Latini photographice depicti duce Scatone De Vries, X). Musée royal de Mariemont, Bibliothèque, INV. 2375 (R. 932)

Originaire d’Anazarbe (en Cilicie, au sud-est de l’Asie Mineure), Dioscoride Pedianus (Ier siècle ap. J.-C.) étudia à Alexandrie et à Athènes avant de servir en qualité de

médecin dans l’armée romaine durant les règnes des empereurs Claude et Néron. Les fréquents déplacements des troupes ont amené le praticien à engranger une grande quantité de connaissances botaniques. Celles-ci ont été compilées avec de nombreuses informations tirées de textes antérieurs. L’ensemble de ce savoir a été consigné par l’auteur dans son important ouvrage intitulé Περὶ ὕλης ἰατρικῆς, souvent cité également sous le titre traduit en latin, De Materia medica. La question de savoir si ce recueil était, à l’origine, déjà enrichi d’illustrations reste débattue. Les recherches personnelles de Dioscoride ont beaucoup porté sur les effets bénéfiques – espérés ou avérés – des plantes, même si les mondes animal et minéral sont également bien présents dans son œuvre. L’originalité de son De Materia medica repose sur le fait que la plupart des remèdes proposés ont été testés, soit sur sa propre personne, soit sur les soldats blessés qu’il devait soigner. Chaque spécimen botanique relevé y est décrit et ses indications dans la composition pharmacologique sont bien développées. Le nom de chaque plante est indiqué en grec et en latin, parfois aussi en égyptien, en perse et en syrien. Au total, ce sont près de 600 plantes qui sont décrites et presque 1 000 remèdes qui sont prescrits. Au cours de ses propres recherches, au siècle suivant, Galien utilisera réguliè-

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SIXIÈME ÉTAPE —

MÉDECINE ET DIVINITÉS GUÉRISSEUSES

A. EX-VOTO ANATOMIQUES EN TERRE CUITE : LES PRÉDÉCESSEURS ÉTRUSCO-ITALIQUES ET LES ATTESTATIO NS GALLO-ROMAINES

– Jambe gauche représentée jusqu’au genou, INV. S/1736

– Sein, INV. S/1795 – Pied droit représenté jusqu’à la cheville, sur base, INV. S/1704 – Main droite représentée jusqu’au poignet, INV. S/1764

– Utérus, INV. S/1787

VI.A.1.

– Partie de visage (« masque facial ») avec

Sélection d’ex-voto anatomiques — Terre cuite

les yeux, le nez et la lèvre supérieure, INV. S/1745 – Demi-tête, côté droit, probablement masculine, INV. S/1747

IIIe-Ie siècles av. J.-C.

– Pied gauche représenté jusqu’à la cheville, INV. S/1583

Rome, Museo di Storia della Medicina

– Organe sexuel masculin, INV. S/1811 – Deux pieds (le gauche et le droit), unis sur une base, représentés jusqu’aux chevilles, INV. S/1727

Ces ex-voto anatomiques du Museo di Storia della Medicina de Rome faisaient partie de la collection de milliers d’autres objets réunis par le ténor italien Evangelisto Gorga (1865-1957), collection qui fut définitivement acquise par l’État italien en 1950. Ces pièces sont très vraisemblablement des productions de l’Italie républicaine, des IIIe-IIe siècles avant notre ère essentiellement, même si elles ont parfois été décrites comme datant de l’époque romaine. La provenance exacte de ces ex-voto est inconnue, mais ils s’apparentent à tous ceux qui ont été retrouvés en quantité considérable en Italie centrale, en Étrurie et en Campanie

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SEPTIÈME ÉTAPE —

LA POSTÉRITÉ DE GALIEN – LE GALÉNISME

les fins de ligne montrent une régularité similaire. Parfois, des traits remplissent les blancs qui restent à la fin d’une phrase. Le titre est divisé en deux parties, qui correspondent aux sections du texte, même si, seul, le début de la première section est conservé : « Prolégomènes aux Écoles de Galien » et « Exégèse du sophiste Arch[…]dès ». Malheureusement, le nom de l’auteur du commentaire est lacunaire, mais on peut éventuellement restituer Arch[imè]de, Arch[oni] dès ou Arch[ea]dès (pour Archealos). Le commentaire en tant que tel, non conservé, était probablement structuré en lemmes séparés, suivis d’une analyse.

A. DES PAPYRUS DE L’ANTIQUITÉ AUX MANUSCRITS DU MOYEN-ÂGE : LES CHEMINS COMPLEXES DU GALÉNISME

Dans l’Alexandrie byzantine — VII.A.1.

Commentaire néoplatonicien à Galien, De sectis ou les Écoles pour les débutants — Papyrus H. 40,1 cm, L. 21,7 cm Fin du VIe-début du VIIe siècle Prov. : Hermopolis Berlin, Ägyptisches Museum und Papyrussammlung, INV. P 11739 A

Ce feuillet de papyrus appartient à un codex de grand format et de bonne

facture. Il conserve le début d‘un commentaire néoplatonicien, inconnu par ailleurs, au traité de Galien intitulé Écoles pour les débutants (De sectis). Grâce à son très bon état de conservation, on peut observer le format original de la colonne, étroite et haute, sur chacune des deux faces, ainsi que la composition harmonieuse de la page. Le titre, qui figure dans les trois premières lignes, a été mis en retrait, encadré de traits ornementaux et séparé du reste du texte. Dans le coin supérieur droit du recto, le nombre grec α pour ‘1õ indique probablement qu’il s’agit du premier fascicule ou du premier feuillet du codex. Une telle numérotation n’apparaît pas sur le verso. La première lettre du texte est agrandie et mise en ekthesis, c’est-à-dire que le début de cette ligne est en léger décalage vers la gauche par rapport aux lignes suivantes. Les premières lettres de chacune des lignes sont bien alignées verticalement et

Au début de l’introduction aux Écoles de Galien, l’auteur mentionne d’abord le « groupe cible » de son commentaire. Celui-ci est destiné aux amateurs de médecine, qui doivent apprendre tout d’abord quelle est la nature de la médecine et quels en sont les fondements et la finalité. Après une longue digression, où l’auteur donne des explications à partir d’exemples tirés de la construction de bateaux, de l’artisanat, de la grammaire, de la rhétorique et enfin de la philosophie, il définit à son tour la grammaire, la rhétorique et la philosophie à la fin de la partie conservée du texte. De nombreux parallèles avec des passages des commentaires d’Ammonios, de David et d’Elias sur l’Isagôgè de Porphyre suggèrent que l’auteur était un iatrosophiste de l’école néoplatonicienne. Ce feuillet de codex montre l’importance du traité galénique des Écoles en Égypte, aux VIe et VIIe siècles ap. J.-C. De fait, il occupait la première place dans la section galénique du Canon alexandrin, cette sélection à usage scholastique des iatrosophistes alexandrins. M.-H. MARGANNE, Inventaire analytique des papyrus grecs de médecine, Genève, 1981, p. 136-137, no 72 ; D. MANETTI, « 3. Commentarium in Galeni ‘De sectisʼ », in Corpus dei papiri filosofici greci e latini, Pt. 3, Florence, 1995, p. 19-38. http:// berlpap.smb.museum/03284/ M. G. (Traduction de la notice revue et complétée du texte grec par M.-H. M. et A. R.).

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LISTE DES ŒUVRES CONSERVÉES DE GALIEN — Les traités sont classés par ordre alphabétique des titres donnés en français et suivis du titre latin le plus couramment utilisé1. Suivent la référence dans l’édition de C.G. Kühn (Leipzig, 1821-1833), dernière édition en date des œuvres complètes de Galien (texte grec et traduction latine), ainsi que la référence à une ou plusieurs traductions dans une langue moderne quand elles existent. Enfin, chaque fois que cela a été possible une date de rédaction a été proposée2. Les titres des traités apocryphes ou dont l’authenticité est suspectée sont précédés d’un astérisque.

1. Selon la nomenclature adoptée par Fichtner (s.d.). 2. Les datations proposées ici sont données à titre indicatif. Elles sont basées sur les éditions récentes quand elles existent et sur les travaux d’ILBERG (1889-1897), de BARDONG (1942) dont les datations sont cependant parfois un peu trop précises pour être adoptées sans discussion, et de PETERSON (1977). Certains traités restent toutefois impossibles à dater.

Abréviations utilisées dans la liste ci-dessous : Ch. Daremberg, I, Paris, 1854 = Ch. Daremberg, Œuvres de Galien I, Paris, 1854. Ch. Daremberg, II, Paris, 1856 = Ch. Daremberg, Œuvres de Galien II, Paris, 1856. N. Singer, Selected, 1997 = N. Singer, Galen : Selected Works, Oxford, New York, 1997. 1. Anatomie de l’utérus (De uteri dissectione) ; Kühn II, 887-908 ; D. Nickel, CMG V 2, 1, Berlin, 1971 (texte grec et traduction allemande). Rédigé entre 145-146 et 148-149 et retravaillé après 166. 2. Anatomie des muscles (De musculorum dissectione ad tirones) ; Kühn XVIIIB, 926-1026 ; I. Garofalo, Paris, 2005 (texte grec et traduction française). Rédigé au début du second séjour romain vers 175. 3. Anatomie des nerfs (De nervorum dissectione) ; Kühn II, 831-856 ; I. Garofalo, Paris, 2008 (texte grec et traduction française). Rédigé dans les années 162-166. 4. Anatomie des veines et des artères (De venarum arteriarumque dissectione) ; Kühn II, 779-830 ; I. Garofalo, Paris, 2008 (texte grec et traduction française). Rédigé dans les années 162-166. 5. Anomalie du tempérament (De inaequali intemperie liber) ; Kühn VII, 733-752. Rédigé au cours du premier séjour romain (162-166). 6. Antidotes (De antidotis libri ) ; Kühn XIV, 1-209. Rédigé sous le règne de Septime Sévère (après 193). 7. Art médical (Ars medica) ; Kühn I, 305-412 ; N. Singer, Selected, 1997 (traduction anglaise) ; V. Boudon-Millot, Paris, 2000 (texte grec et traduction française) ; T. Martinez Manzano, Madrid, 2002 (traduction espagnole). Rédigé sous le règne de Septime Sévère (après 193).

8. Avec quels médicaments purgatifs et quand il faut purger (Quos quibus catharticis medicamentis et quando purgare oporteat ap. Oribasium) ; Kühn XI, 343-356 ; J. Raeder, Oribasii collectionum medicarum reliquiae, CMG VI 1, 1, 1928, 221-227 (texte grec).

13. Causes des maladies (De causis morborum liber) ; Kühn VII, 1-41 ; I. Johnston, Galen. On Diseases and Symptoms, Cambridge, 2006 (traduction anglaise). Rédigé au début du second séjour romain avant la mort de Marc Aurèle (169-180).

9. Bile noire (De atra bile) ; Kühn V, 104-148 ; W. De Boer, CMG V 4, 1, 1, Leipzig et Berlin, 1937 (texte grec) ; A. Ruiz Moreno, Buenos Aires, 1947-1956 (traduction espagnole) ; V. Barras et al., Paris, 1998 (texte grec et traduction française). Rédigé peu après la mort de Marc Aurèle, soit peu après 180.

14. Causes des symptômes (De symptomatum causis libri III) ; Kühn VII, 85-272 ; I. Johnston, Galen. On Diseases and Symptoms, Cambridge, 2006 (traduction anglaise). Rédigé lors du second séjour romain avant la mort de Marc Aurèle (169-180). Causes du pouls voir Pouls (Traités sur le pouls)

10. Bon état du corps (De bono habitu liber) ; Kühn IV, 750-756 ; G. Helmreich, De bono habitu, Programm Gymnasium Hof, 1900-1901, 16-20 ; N. Singer, Selected, 1997 (traduction anglaise). Rédigé au cours du second séjour romain avant la mort de Marc Aurèle (169-180). 11. Bons et mauvais sucs des aliments (De bonis malisque sucis) ; Kühn VI, 749-815 ; G. Helmreich, CMG V 4, 2, Leipzig et Berlin, 1923, 389-429 (texte grec) ; A.M. Ieraci Bio, Naples, 1987 (texte grec et traduction italienne). Rédigé au cours du second séjour romain avant la mort de Marc Aurèle (169-180) selon Ilberg, sous le règne de Commode (180-192) selon Bardong, p. 639 (c. 182). 12. Causes de la respiration (De causis respirationis) ; Kühn IV, 465-469 ; D.J. Furley and J.S. Wilkie, Galen on Respiration and the Arteries, Princeton, 1984 (traduction anglaise). Rédigé au cours du premier séjour romain (162-166).

15. Coma selon Hippocrate (De comate secundum Hippocratem liber) ; Kühn VII, 643-665 ; J. Mewaldt, CMG V 9, 2, Leipzig et Berlin, 1915, 181-187 (texte grec). 16. Comment il faut confondre les simulateurs (Quomodo morborum simulantes sint deprehendendi) ; Kühn XIX, 1-7 ; K. Deichgräber and F. Kudlien, Galens Kommentare zu den Epidemien des Hippokrates, CMG V 10, 2, 4, Berlin, 1960, 113-116. 17. *Commentaire à Aliment ; Kühn XV, 224-417. Le commentaire authentique est perdu. 18. Commentaire à Épidémies I d’Hippocrate (In Hippocratis librum primum epidemiarum commentarii III) ; Kühn XVIIA, 1-302 ; E. Wenkebach, CMG V 10, 1, Leipzig et Berlin 1934, 3-151 (texte grec). Rédigé au début du second séjour romain avant la mort de Marc Aurèle (169-180)

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SERMENT DE GALIEN

Je jure, en présence des maîtres de la Faculté, des conseillers de l’Ordre des pharmaciens et de mes condisciples : d’honorer ceux qui m’ont instruit dans les préceptes de mon art et de leur témoigner ma reconnaissance en restant fidèle à leur enseignement ; d’exercer, dans l’intérêt de la santé publique, ma profession avec conscience et de respecter non seulement la législation en vigueur, mais aussi les règles de l’honneur, de la probité et du désintéressement ; de ne jamais oublier ma responsabilité et mes devoirs envers le malade et sa dignité humaine. En aucun cas, je ne consentirai à utiliser mes connaissances et mon état pour corrompre les mœurs et favoriser des actes criminels. Que les hommes m’accordent leur estime si je suis fidèle à mes promesses, que je sois couvert d’opprobre et méprisé de mes confrères si j’y manque. Sur mon honneur et ma conscience, je m’y engage.

Au cours du dernier quart du XVIe siècle, en 1572-1574, à Montpellier, alors que font rage les guerres de religions, la profession d’apothicaire s’organise et se dote de nouveaux statuts et réglementations. Les compagnons apothicaires doivent s’inscrire dans un nouveau registre, moyennant payement et prestation de serment. Inspiré du serment d’Hippocrate dans sa forme et son expression, le serment dit « de Galien » trouve une forme définitive au début du XVIIe siècle, d’abord en latin en 1608, puis en français en 1624. Actuellement, c’est une version modernisée de ce serment que les futurs pharmaciens prêtent devant leurs maîtres et leurs condisciples, à la fin des leurs études. Différents variantes mineures existent. Même si ce texte n’a aucune valeur juridique, il contribue au prestige de la profession et fait écho au code de déontologie des pharmaciens. A. V-P.

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La photogravure a été réalisée par Quat’Coul (Toulouse). Cet ouvrage a été achevé d’imprimer sur les presses de Gorenjski tisk storitve (Slovénie) en septembre 2018

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