Cet ouvrage accompagne l’exposition intitulée « Les fleurs de la gloire, pour les fondateurs de la Visitation », organisée par le musée de la Visitation du 9 mai au 24 décembre 2016. Commissariat de l’exposition : Gérard Picaud et Jean Foisselon Scénographie : Ville de Moulins, Frédéric Robinne
Ouvrage réalisé sous la direction de Somogy éditions d’art Directeur éditorial : Nicolas Neumann Responsable éditoriale : Stéphanie Méséguer Coordination éditoriale : Sarah Houssin-Dreyfuss Conception graphique : François Dinguirard Contribution éditoriale : Marion Lacroix Fabrication : Béatrice Bourgerie et Mélanie Le Gros © Somogy éditions d’art, Paris, 2016 © musée de la Visitation, Moulins, 2016 ISBN : 978-2-7572-1056-7 Dépôt légal : mai 2016 Imprimé en République tchèque (Union européenne)
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David Marguin Gérard Picaud Jean Foisselon
Aux sources de la Visitation François de Sales et Jeanne de Chantal
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Remerciements
Nous tenons à faire part de notre reconnaissance à toutes celles et à tous ceux qui ont apporté leur soutien et leur concours à la préparation de cette exposition et à la publication de cet ouvrage, tout particulièrement à Pierre-André Périssol et aux élus de la Ville de Moulins, ainsi qu’à Gérard Dériot et aux élus du Conseil départemental de l’Allier, auxquels nous associons leurs collaborateurs. Notre gratitude va aussi au ministère de la Culture et de la Communication – DRAC Auvergne, pour son soutien financier, à la Fondation des monastères, à son président, Dom Guillaume Jedrzejczak, et à sa directrice, Madeleine Tantardini, pour leur mécénat, à la Caisse d’Épargne d’Auvergne et du Limousin et au directeur du groupe Allier, Jean-Jacques Charnet, pour leur aide à la publication, aux Fédérations France-Nord et France-Sud de la Visitation, dont l’aide financière a permis la restauration d’œuvres. Nous remercions les communautés de la Visitation participantes de leur confiance et de leur amitié, en particulier les présidentes fédérales, les supérieures et les archivistes. Nous sommes heureux de souligner les recherches d’archives, les prêts d’œuvres, l’envoi de photographies consentis par les monastères de la Visitation d’Annecy, de Baggiovara, Caen, Cracovie, Fribourg, La Roche-sur-Yon, Marclaz, Moncalieri, Moulins, Nantes, Nevers, Paray-le-Monial, Paris, Rome, Scy-Chazelles, Tarascon, Trévise, Troyes, Vienne et Voiron. Notre gratitude s’adresse aussi celles et à ceux qui ont enrichi l’exposition par leurs prêts : Gilles Labrosse, monastère orthodoxe serbe Saint-Gény à Lectoure, Isabelle et Marie de Roussy de Sales, Ludovic Julien, maire de Saint-Menoux, abbé Fernando Correia, curé de Saint-Menoux, Joseph Vernois et Trésors de ferveur. Nous rendons un hommage tout particulier au monastère de la Visitation de Moulins, pour son sens de l’accueil et l’aide essentielle apportée à la vie du musée. À ces remerciements, nous associons également le cardinal Gianfranco Ravasi, président du Conseil pontifical pour la culture, pour son soutien et ses encouragements. Nous ne saurions oublier le Père François Corrignan, assistant général de l’ordre de la Visitation, et Dom Guillaume Jedrzejczak, président de la Fondation des monastères, qui ont bien voulu préfacer cet ouvrage. Les auteurs remercient toutes celles et tous ceux qui, à divers titres, leur ont apporté leur concours : Académie salésienne, José Bartolomeu, abbé Philippe Bastié, abbé Christian Baud, Benoît Berger, Bernard Berthod, Caroline Bongard, Magali et Bernard Bonnefoy, Jérôme Bouchet, Mauricette Bulteel, Gilles Carrier-Dalbion, Frère Brian Cavarec, Jean-Étienne Chautard, Christine Cheyrou, René Civade, Jean Cluzel, Antonia Coca-De Bortoli, Marcel Crozet, Josette Curtil, Christiane et Jean-Claude Delalez, Nelly et Emmanuel du Cray, Michel Dupont, Hervé Faivre, Anne-Sophie Foisselon, Marie-Claude et Claude Foisselon, Laurent Gard, Bernard Gay, Thierry de Lachaise, Marie-Pélagie, Mayeul, Perrine et Vianney Marguin, Jean-Marie Meignien, Laure Monier, Patrick Nicolas, François-Xavier Papay, Marie-Thérèse Picaud, Thierry Pinette, Père Xavier Piron (o. s. v.), abbé Laurent Pistre, Marie-Blanche Potte, Chantal Regnault, Mauricette et Michel Rémond, abbé David Ribiollet, Ludovic Salaud, Sœurs de Saint-Joseph d’Annecy, Guennola Thivolle-Bellot, Élisabeth Tixier, Étienne Vacquet, Florence Valantin, Sophie Vermesche, Danièle Véron-Denise et François Vinourd.
vv La vie de la vénérable Mère de Chantal, par Henry de Maupas du Tour, détail, reliure « à la Duseuil » en maroquin rouge, propriété de sœur Marie-Suzanne Pastel, Paris, Siméon Piget, 1644, V. de Riom, puis d’Annecy.
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Préface
Jeanne et François parmi nous Quatre cents ans nous séparent 1 de Jeanne-Françoise de Chantal et de François de Sales, et pourtant tous deux nous paraissent si proches. À quoi cela tient-il ? Sans doute au fait que leurs vies sont pleines d’humanité, que leur message s’adresse au cœur, et que le cœur humain est le même quels que soient les siècles et les latitudes. Cela tient certainement aussi au fait que Jeanne et François sont des « Évangiles vivants » et que l’Évangile traverse les siècles et rejoint les habitants de tous les continents. Nous pouvons leur appliquer ce que François lui-même écrit en évoquant les saints : « Qu’est-ce autre chose, la vie des Saints, que l’Évangile mis en œuvre ? Il n’y a non plus de différence entre l’Évangile écrit et la vie des Saints qu’entre une musique notée et une musique chantée 2. » Jeanne et François font chanter l’Évangile par leur vie, qui est vécue dans l’amour et la simplicité. Leur musique nous parvient aujourd’hui encore à la faveur de ce remarquable ouvrage. Ils nous invitent à l’écouter, pour notre joie et pour la leur, en reprenant à notre compte le refrain qui a accompagné tous les couplets du chant de leur existence : « Il faut tout faire par amour et rien par force 3. »
Père François Corrignan Assistant général de l’ordre de la Visitation 1. Le Traité de l’amour de Dieu fut publié en 1616. 2. Lettre à Mgr André Frémyot, 5 octobre 1604, dans Sales, 1892-1964. 3. Lettre de François à Jeanne, 14 octobre 1604, dans ibid.
vv La vie du vénérable serviteur de Dieu François de Sales, par Henry de Maupas du Tour, détail, reliure en vélin peint et brodé, Paris, Sébastien Huré, Frédéric Léonard, 1657, V. de Lyon, puis de Meaux, puis d’Annecy.
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Préface
Le musée de la Visitation, dont le rayonnement est international, est depuis longtemps maintenant l’un des acteurs incontournables de la sauvegarde et de la promotion de la mémoire patrimoniale monastique. En tant que président de la Fondation des monastères, je ne peux évidemment que m’en réjouir, et je m’en réjouis d’autant plus que cette association le fait brillamment et efficacement. Rappelons qu’à l’origine, au début des années 1990, seul le portait l’enthousiasme de quelques passionnés, un homme surtout, Gérard Picaud, toujours à la barre d’un navire qui depuis n’a jamais chaviré. Le temps a passé, et la qualité du travail accompli ne s’est nullement démentie. Bien au contraire ! D’année en année, la passion de quelques-uns est devenue une œuvre collective majeure qui rend hommage au patrimoine ecclésial, et plus spécialement aux merveilles de la Visitation. Avec l’exposition permanente et les expositions temporaires, ce travail exceptionnel est mis à la portée de tous. Cela contribue ainsi à la promotion culturelle de notre pays et permet d’en transmettre la richesse au plus grand nombre, y compris à ceux qui n’ont pas l’habitude de fréquenter les musées, encore moins quand ils vivent dans une ville de province éloignée des grands musées parisiens. À ceux qui ne les connaissent pas, les monastères peuvent paraître loin du monde, hors du temps, mais cette belle structure qu’est le musée de la Visitation prouve constamment qu’il n’en est rien, et que les monastères sont au contraire pleinement insérés dans notre époque et, à leur manière, participent à la marche du monde. Les ouvrages d’art qui, depuis 2007, accompagnent les expositions temporaires forment une collection à la fois très riche et remarquable, et ce à un double titre. D’abord parce que nous constatons que le musée va bien au-delà du seul travail de conservation ou de promotion des œuvres, en replaçant les objets exposés dans leur contexte et leur histoire. Ensuite parce que, au-delà de ces œuvres, c’est toute l’histoire de l’ordre de la Visitation qui, d’année en année, nous est offerte sous différents aspects. Cette édition n’échappe pas à la règle. Le propos est peut-être plus historique qu’à l’accoutumée, mais il n’en est que plus passionnant. Merci à David Marguin, Jean Foisselon et Gérard Picaud de nous révéler des saints fondateurs bien enracinés dans leur époque mais également bien ancrés dans la nôtre, des personnalités d’une actualité surprenante, dont les valeurs sont des phares pour les navires de notre temps, dans une société à la recherche d’elle-même. Les flots peuvent être agités – ils le sont fortement en ce moment –, ces phares n’en sont que plus importants. Nous ne pouvons qu’espérer que leur lumière porte le plus loin possible.
Dom Guillaume Jedrzejczak Président de la Fondation des Monastères
vv Portefeuille brodé pour la bulle de canonisation de François de Sales, velours, broderie en couchure d’éléments métalliques (filé, cannetilles or et argent), XVIIe et XIXe s. (?), V. d’Annecy.
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Avant-propos
Notre histoire, nationale tout autant que locale, est enracinée dans le christianisme, et à ce titre l’histoire des saints est aussi la nôtre. Qu’ils soient célèbres ou moins connus, qu’ils soient natifs de nos contrées ou qu’ils y aient séjourné, ils ont bien souvent laissé une empreinte visible en différents lieux auxquels ils ont donné leur nom, qu’il s’agisse de nos villes et villages ou d’édifices religieux. Ils ont également érigé églises et chapelles. Les vies de saint François de Sales et de sainte Jeanne-Françoise Frémyot, baronne de Chantal, se racontent aussi à Moulins et constituent ainsi un véritable trait d’union entre l’histoire de l’ordre de la Visitation et celle de notre ville. C’est d’ailleurs à Moulins qu’est morte la sainte fondatrice en 1641. La canonisation de ces deux grands personnages et la postérité ont donné à leurs existences extraordinaires un tel retentissement que l’exposition organisée en 2016 par le musée de la Visitation leur est consacrée. Saint François de Sales et sainte Jeanne-Françoise de Chantal ne sont pas ici évoqués comme une particularité, mais comme la clé de voûte d’un ordre monastique à la destinée mondiale. En découvrant leurs vies et leurs œuvres, nous apprendrons beaucoup sur l’ordre qu’ils ont fondé, sur les monastères qu’ils ont dirigés et sur les décennies qu’ils ont traversées. Ces existences si particulières, tournées vers l’éternité, n’en livrent pas moins de précieuses informations sur notre propre passé et sur cette époque du XVIIe siècle où le rayonnement de la foi allait de pair avec celui des arts et de la culture. Grâce aux objets, aux témoignages et aux anecdotes, nous découvrons une histoire qui est aussi la nôtre. Tout ce qui faisait, dans la simplicité de la vie monastique, le quotidien de saint François de Sales et de sainte Jeanne-Françoise de Chantal nous a été transmis sous la forme de ce patrimoine exceptionnel. L’ordre de la Visitation a légué un grand trésor à Moulins et il est juste que nous manifestions notre gratitude en dédiant une exposition à ses fondateurs, saint François de Sales et sainte Jeanne-Françoise de Chantal.
Pierre-André Périssol Maire de Moulins Président de Moulins Communauté Ancien ministre
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Avant-propos
Fondé en 1610 par François de Sales et Jeanne-Françoise Frémyot, baronne de Chantal, l’ordre féminin de la Visitation a conservé tout au long des siècles une forte identité, dans le partage d’une conception de la vie en religion comme dans celui de la spiritualité. Grâce aux collections dont elle est dépositaire, l’association Regard sur la Visitation présente et valorise la diversité et la richesse du patrimoine artistique des monastères de la Visitation implantés dans le monde entier, en organisant des expositions, temporaires et permanente, et en publiant des ouvrages. C’est ce patrimoine religieux, culturel et historique que l’association tient à préserver et à proposer à l’admiration du public. Le musée de la Visitation nous permet ainsi d’entrer dans l’univers de cet ordre grâce aux douze mille objets rares issus de monastères de visitandines, ces œuvres constituant un ensemble exceptionnel de vêtements liturgiques, de pièces d’orfèvrerie religieuse et d’art sacré, d’objets de dévotion… Le Conseil départemental de l’Allier et la commune de Moulins se sont engagés, dans le cadre d’une convention tripartite, pour soutenir l’essor et l’extension de cette entreprise audacieuse. À l’heure où les projets et les sites culturels de notre département ne cessent de se développer, l’activité de l’association Regard sur la Visitation s’inscrit pleinement dans cette dynamique, qui concerne particulièrement Moulins puisque y a été créé un vaste et ambitieux pôle culturel autour de sites emblématiques comme le musée de l’Illustration jeunesse, le musée Anne-de-Beaujeu, la Maison Mantin, mais aussi la Mal Coiffée et le Centre national du costume de scène. Nous avons la conviction que la culture est un vecteur essentiel de l’attractivité du territoire, une pièce maîtresse du développement touristique qui participe à l’activité économique et à la mise en lumière de notre département. C’est donc avec un plaisir évident que je recommande la lecture de cet ouvrage, qui va permettre à de nombreux lecteurs de partager ces quelques moments de deux existences exceptionnelles : celles de François de Sales, « bienheureux prélat », et Jeanne-Françoise de Chantal, la « sainte Mère ».
Gérard Dériot Sénateur de l’Allier Président du Conseil départemental de l’Allier
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Les auteurs
David Marguin est un auteur atypique. Aujourd’hui gestionnaire de patrimoine spécialisé dans le conseil aux organismes à but non lucratif cultuels, il est venu à la finance après des études d’histoire ; il est titulaire d’un diplôme d’histoire moderne. Le mémoire qu’il a consacré à François de Sales l’a conduit à se passionner pour les fondateurs de la Visitation, institut auquel il est affilié depuis plusieurs années. Homme de conviction et d’engagement, il participe activement au comité scientifique du musée de la Visitation. Gérard Picaud est administrateur des collections du musée de la Visitation. Membre de sociétés savantes, il se passionne pour la mémoire du Bourbonnais et pour l’art sacré, tout en organisant des expositions. Proche de la Visitation depuis son enfance, il s’intéresse tout particulièrement à son histoire et à son riche patrimoine, pour lequel il crée en 1991 le musée de la Visitation. Jean Foisselon est administrateur adjoint des collections du musée de la Visitation. Ingénieur centralien, il est féru des arts liturgiques. Ami de l’ordre de la Visitation depuis sa jeunesse, dès 1994 il soutient bénévolement le musée, pour lequel il crée puis administre la base de données Philothée, qui conserve et organise une grande partie de l’histoire humaine et patrimoniale de cet institut.
vv Voile de calice de la dernière messe de François de Sales, détail, velours ciselé, fond lamé argent (Italie), début XVIIe s., V. de Lyon, puis du Puyen-Velay, puis de Moulins, M. V. (voir Picaud et Foisselon, 2008, p. 149).
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Avis au lecteur
À partir d’une sélection opérée dans les collections du musée et de prêts d’œuvres toujours conservées par les monastères de la Visitation et par la famille Roussy de Sales, cet ouvrage vous invite à découvrir les destins croisés des fondateurs de l’ordre de la Visitation. Les éléments biographiques sont pour beaucoup librement inspirés de l’excellent livre de Mgr Françis Trochu : Saint François de Sales, évêque et prince de Genève, fondateur de la Visitation Sainte-Marie, docteur de l’Église (1567-1622), publié en deux tomes en 1941 et 1942 chez Emmanuel Vitte, et malheureusement aujourd’hui épuisé. Les extraits des lettres de François de Sales qui figurent dans l’ouvrage proviennent des Œuvres de saint François de Sales, évêque et prince de Genève et docteur de l’Église, publiées par le monastère de la Visitation d’Annecy entre 1892 et 1964. Pour les extraits des lettres de Jeanne-Françoise de Chantal, nous invitons le lecteur à se reporter à l’édition critique établie par sœur Marie-Patricia Burns : Sainte Jeanne de Chantal. Correspondance, parue aux Éditions du Cerf entre 1986 et 1996. Afin de faciliter la lecture, l’orthographe ancienne de certaines citations a été modernisée. Ce texte s’attachant à la vie terrestre de ces deux saints personnages, nous avons souvent choisi d’appeler saint François de Sales et sainte Jeanne-Françoise Frémyot, baronne de Chantal, par les seuls prénoms de « François » et « Jeanne ». Que le lecteur n’y voie pas une familiarité déplacée, mais au contraire un attachement à deux personnalités qui nous sont proches. Les légendes des illustrations sont organisées selon le modèle suivant : auteur, titre, matériau, date, lieu (ou lieux successifs) de conservation, sauf lorsqu’il s’agit d’un objet bénéficiant d’une notice. Dans ce dernier cas, seul le titre est repris, suivi du numéro entre crochets [00] de la notice. Les abréviations suivantes ont été retenues : – classé M. H. : objet mobilier classé au titre des monuments historiques ; – M. V. : musée de la Visitation ; – s. : siècle ; – V. : monastère de la Visitation.
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Sommaire
En guise de préambule… . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 19 Une rencontre providentielle . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 23 L’enfance de deux futurs saints . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 29 Une enfance savoisienne . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 29 Fiers catholiques ! . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 31 La vocation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 37 Le long chemin sacerdotal . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 37 Trois en une. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 46 Tout à tous . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 61 Faire carrière ? . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 62 L’apôtre du Chablais . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 70 Ne rien demander, ne rien refuser . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 82 Toute à tous . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 84 Ora et labora. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 88 Dans le jeu politique. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 99 L’apprentissage de la vertu… . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 107 L’équilibre salésien . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 123 L’œuvre commune : la Visitation Sainte-Marie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 131 La fondation du monastère : l’exemple parisien . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 135 Les premiers temps du monastère . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 144 Des saints en leur maison . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 152 Les amitiés. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 161 Vincent de Paul . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 163 Angélique Arnauld. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 165 Au-delà de la mort… . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 169 Conclusion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 175 Annexes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 181 Notices des œuvres. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 182 Bibliographie sélective. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 204
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Aux visitandines d’Annecy À Mère Marie-Hélène Reinlé †
vv La Visitation, détail d’un volant d’aube, broderie d’application sur tulle, fin XIX e-début XX e s., V. d’Annecy.
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En guise de préambule… Les hagiographies, ou biographies de saints, sont aujourd’hui un peu passées de mode. Force est de constater que prendre un grand saint comme modèle peut sembler en profond décalage avec la société dans laquelle nous vivons. Ces personnages hors norme que sont les saints peuvent nous paraître bien loin, voire inaccessibles. Il faut en outre reconnaître que les hagiographies traditionnelles elles-mêmes ne sont pas étrangères à la formation de ce sentiment, dépeignant les actions remarquables, les miracles quasi constants d’hommes et de femmes au-dessus du commun, et ce, souvent dès le berceau ! Pourtant, il ne faut pas oublier qu’avant d’être canonisées ces personnes partagèrent le quotidien de chacun, immergées dans leur époque, confrontées aux mêmes joies ou aux mêmes difficultés que tous ceux qui les entouraient… Ainsi, dans le respect et la pleine acceptation de sa vocation, François de Sales « protège et défend ses fidèles comme un bon pasteur ses brebis ; il comprend et partage leur angoisse, leurs épreuves, leurs
souffrances 1 » ; de même, Jeanne-Françoise de Chantal vit complètement son devoir d’épouse, de mère de famille, puis de supérieure de couvents, réalisant totalement toutes ces vocations, ou plutôt sa vocation en toutes ses dimensions. En résumé, ils sont un homme et une femme de leur temps, de leur société et de leur monde, mais avec ces quelques nuances qui rendent extraordinaires des vies qui auraient pu être simples et ordinaires. Ce qui frappe de prime abord chez François de Sales ou Jeanne-Françoise de Chantal, c’est bien cette inscription dans leur temps et, au-delà, leur actualité, pour nous également, à travers leurs vies dans ce qu’elles ont à la fois de plus commun, de plus banal et de plus exceptionnel, pourrait-on dire. Dans son encyclique Rerum omnium perturbationem 2 , le pape Pie XI nous dit de François de Sales « qu’il fut dès ses premières années un modèle de sainteté, modèle non point froid et triste, mais aimable et accessible à tous », et nous pourrions étendre
vv Jeanne-Françoise de Chantal et « ses filles », Détail d’un « tapis », cannelé de soie ivoire, broderie de fils de soie et éléments métalliques, première moitié XVIIe s. et fin XIXe s., V. d’Autun, puis de Paray-le-Monial, M. V. (voir Véron-Denise, Picaud et Foisselon, 2009, p. 103).
1. André Ravier, préface, dans Sales, 1992, p. 38. 2. Publiée le 26 janvier 1923. Le pape y déclare François de Sales saint patron des journalistes, écrivains et éditeurs, de « tous ceux qui font connaître la sagesse chrétienne par l’écrit dans les journaux ou dans toute autre publication pour le grand public ».
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Une rencontre providentielle 5 mars 1604, en la chapelle du palais ducal de Dijon. Le jeune évêque de Genève (il n’a été sacré qu’un an et demi auparavant) prêche devant une foule d’auditeurs venus spécialement pour l’entendre, « un très grand peuple, non seulement de la ville, mais de tous les lieux circonvoisins 1 », car François de Sales est déjà précédé par sa réputation. Il faut dire qu’en un siècle où les sermons et prédications sont souvent pompeux, où chaque orateur fait assaut de citations grecques ou latines et de formules alambiquées, l’évêque de Genève se distingue. Il a le parler clair et imagé, et il ne s’embarrasse pas de formules trop savantes, qui en imposeraient à son auditoire, mais ne lui seraient pas compréhensibles. Ainsi, l’évêque plaît par sa simplicité et par sa prestance sans ostentation : il a alors trente-six ans, et c’est « un très bel homme […], de haute et vigoureuse taille, blond, le front dégagé par une légère calvitie, le teint vif, les yeux bleus, d’une rare distinction de manières, “d’une merveilleuse majesté 2” » dira plus tard Jeanne de Chantal.
En ce Carême 1604, François prêche donc en la Sainte-Chapelle de Dijon, et son auditoire est vaste. Au premier rang, des notables et autres personnalités du moment sont attentifs. On peut notamment voir le second président du parlement de Bourgogne, Bénigne Frémyot, aux côtés de son fils André, archevêque de Bourges. Non loin est assise une jeune veuve de trente-deux ans, que François remarque immédiatement car, même s’il ne l’a jamais vue, il la reconnaît spirituellement. CharlesAuguste de Sales nous le raconte, dans le style savoureux de l’époque : François, alors seul dans la chapelle du château familial de Sales, « se laissant emporter à la méditation et contemplation, fut ravi en extase, et vit des choses merveilleuses des divins mystères, des yeux de l’esprit, principalement qu’il serait un jour fondateur et instituteur d’un Ordre de religieuses, et en même temps lui furent montrés les fantômes ou idées des principales personnes par lesquelles cet Ordre devait prendre son commencement 3 ». Fait marquant, Jeanne de Chantal – cette jeune
vv Vase fleuri, détail du parement [10].
1. Sales, 1866. Neveu de François de Sales, Charles-Auguste de Sales en est le premier grand biographe, et nous permet par sa proximité d’accéder au vécu du saint. Il a notamment de nombreux échanges avec Jeanne de Chantal et il nous en retranscrit les souvenirs. 2. Kermina, 2000, p. 1. 3. Sales, 1866, t. I, p. 377.
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L’enfance de deux futurs saints Selon la tradition, le saint curé d’Ars 1 aurait dit, non sans humour, que les saints n’ont pas tous bien commencé, mais qu’ils ont tous bien fini. La première partie de cette citation est adaptée à l’enfance de François et de Jeanne, qui, même s’ils montrent très tôt de grandes qualités, ne sont pas à l’abri des espiègleries de la jeunesse. Il subsiste peu d’éléments précis sur l’enfance de François ou de Jeanne, mais il est avéré qu’ils ne sont pas saints dès le berceau. Nous savons grâce à Charles-Auguste, neveu de François, que « l’enfant était fort délicat, fluet et petit ; ce qui fut cause qu’on le couchait sur du coton, et n’oubliait-on rien pour le nourrir […] les médecins n’avaient pas beaucoup d’espérance de sa vie 2 ». Peut-être cette délicatesse des premiers temps explique-t-elle que François ne sera jamais un enfant belliqueux ou tapageur, quoique prompt à la colère, mais fort pacifique et ne se battant pas 3, assez vite tourné vers une vie intellectuelle, voire intérieure. Ainsi, « il faisait des recueils et des petits livres manuels des plus belles
sentences qu’il lisait ou qu’il entendait dire, des mots choisis et des fleurs d’éloquence, pour s’en servir à propos, ou en discours, ou par écrit 4 ».
Une enfance savoisienne
L’étude des familles de Jeanne et de François nous apporte aussi des informations. L’ascendance de François est importante pour, a minima, comprendre l’origine du prince-évêque de Genève, issu d’une grande famille dont les armes remontent aux croisades 5. Son père, François de Sales, seigneur de Nouvelles et de Boisy, deuxième fils de Jean de Sales, est un chrétien exact et pratiquant épaulé par sa jeune épouse, Françoise de Sionnaz, de vingt-huit ans sa cadette, et modèle de femme chrétienne. La mère de François apparaît comme « une âme fort nette et candide, humble devant Dieu et devant les hommes. Portée à la défiance de soi-même, elle était parfois assez joyeuse et parfois triste. Amie de la paix, elle
vv Façade sud de l’intérieur de l’ancien hôtel de dame Jeanne-Françoise Frémiot de Chantal, lithographie, Dijon, J. Foulleux, XIXe s., V. de Caen, M. V.
1. Cet élément est souvent ignoré, mais saint Jean-Marie Vianney était affilié au monastère de la Visitation de Gex. L’acte d’affiliation est daté de « la nuit du 17 octobre, jour de la précieuse mort de notre vénérable sœur MargueriteMarie » ; l’année n’est pas précisée, mais, par déduction, nous savons que c’est en 1858 car il s’agit de la première année du supériorat de Mère Louise-Valentine Vuillermoz. Nous lisons dans cet acte : « nous nous engageons réciproquement et d’un même cœur et désirons unir le mérite de toutes nos prières, pénitences, humiliations, souffrances, en un mot de toutes nos bonnes œuvres, au mérite des prières et des bonnes œuvres de M. Vianney, curé d’Ars ». À ce titre, nous pouvons considérer saint Jean-Marie Vianney comme un enfant spirituel direct de François de Sales, l’affiliation n’étant, pour les sœurs de la Visitation comme pour les affiliés, pas un acte anodin (ill. p. 206). 2. Sales, 1866, t. I, p. 3. 3. Déposition de François Terrier (un de leurs fermiers), « Premier procès de canonisation », t. II, p. 1385, dans Trochu, 1941-1942, t. I, p. 47. 4. Sales, 1866, t. I, p. 6. Ces sentences, choisies par Jeanne et François, ornent toujours les murs des couvents de la Visitation. Si l’origine dans cette prime jeunesse ne peut être assurée, le parallèle reste touchant. 5. Nicolas de Hauteville (1669, p. 12) souligne que Pierre de Sales (né vers 1257) a permis la victoire de la flotte chrétienne sur les Turcs aux environs de Rhodes, victoire attribuant aux Sales « deux étoiles d’or qui représentaient Castor et Pollux et d’un croissant de même qui était des Turcs et des Sarrazins ».
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La vocation Le long chemin sacerdotal
moindre parole, le sang lui monte au visage, rapporte-t-on. François fait des efforts pour dompter son caractère, et il parvient à se montrer exemplaire. Ainsi, devenu princeévêque de Genève, il rencontre en l’abbaye de Sixt le Père François Biord et échange quelques mots avec lui : « Êtes-vous mon Père parent de Monsieur Biord, qui fut autrefois professeur au collège d’Annecy ? – C’était mon oncle, Monseigneur. – Ha, ha ! rit le prélat, votre oncle a bien souvent fouetté les enfants ! – Pas vous j’espère, Monseigneur ! – Oh ! moi, j’étais sage en ce temps-là, et ne lui en donnais point les occasions 3 ! » Même si cela est arrivé au moins une fois où, son cousin Gaspard devant recevoir les verges, François s’est offert pour être fouetté à sa place et a alors été pris au mot 4. Mais l’ambition de M. de Boisy pour son fils ne peut le garder à La Roche ou à Annecy : il lui faut quitter la Savoie, « prendre la haute mer du monde 5 » écrira-t-il plus tard. Ce sera
Nous avons vu que, très tôt, le jeune François semble attiré par le sacerdoce. Ce qui ne plaît pas à M. de Boisy, qui veut faire de son aîné un homme du monde, bien formé et prompt à lui succéder. François doit faire ses lettres et son droit, pour embrasser la plus belle carrière possible, pourquoi pas au souverain sénat de Savoie. Premières années d’étude au collège de La Roche, non loin de la demeure familiale, puis à Annecy, en compagnie de ses cousins. Il se fait déjà remarquer pour son sérieux et son travail appliqué, également pour sa modestie et sa piété, mais c’est aussi un bon camarade : « parmi les écoliers chacun l’aimait 1 » rapporte le Père de La Rivière, à qui François confiera plus tard : « Quand j’étais jeune garçon, je m’adonnais à l’exercice de la douceur et de l’humilité avec beaucoup de ferveur ; j’ai passé plusieurs années que je ne pensais presque à autre chose 2. » Ce n’est pas toujours simple, car la douceur n’épargne pas forcément la colère et, à la
vv Détail de la chasuble [7].
1. La Rivière, 1631, livre premier, p. 22. 2. Hamon, 1854, t. I, p. 42. 3. Déposition de François Biord, « Premier procès de canonisation », dans Trochu, 19411942, t. I, p. 72. 4. Sales, 1866, t. I, p. 6. 5. Lettre DCCLXVI, 8 décembre 1610.
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Tout à tous Tout catholique sait que Dieu a un projet pour lui, une vocation parfois difficile à discerner, qu’il n’atteint pas toujours par le chemin le plus direct. Il se sent appelé, mais doit rester attentif pour distinguer et accomplir des actes conformes à cet appel. Les vies de François et de Jeanne illustrent cette conformité profonde entre leur vocation et leurs actes. En premier lieu, à travers une vie offerte, abandonnée. François a un cœur de prêtre et vit en s’offrant à tous. « Il admettait indifféremment tous ceux qui se présentaient à lui, de quelle qualité et condition qu’ils fussent, jeunes et vieux, pauvres et riches, nobles et paysans, sains et malades, robustes et débiles ; voire il disait que c’était son plaisir d’être occupé auprès des malades, des paysans et des idiots. Il a souvent prêté son mouchoir à des pauvres pénitents […] pour se moucher et essuyer les yeux. Il y avait en la ville une pauvre femme aveugle de naissance, qui avait coutume de se confesser vers lui. Aussitôt qu’il la voyait venir à tâtons toute seule, il se levait
du confessionnal, et la conduisait […]. Il y avait encore un pauvre homme tellement boiteux qu’il était plutôt paralytique ; le charitable François, s’apercevant qu’il voulait se confesser, le prenait par sous les bras, tâchait de le soulager […] il baillait en cachette de forts bonnes aumônes aux pauvres honteux, après qu’ils s’étaient confessés, et, pour cet effet, portait en sa pochette de petits paquets d’argent de diverses sommes, qu’il distribuait selon la pauvreté et condition de ses pénitents ; ce qu’il a observé tout le reste de sa vie 1. » Il garde sa porte ouverte à tous, y compris celle du palais épiscopal lorsqu’il l’occupera. Une porte peut-être parfois trop ouverte : « Un gentilhomme s’estimant témérairement offensé de quelque chose, vint en son palais avec une meute de chiens, comme s’il eût voulu aller à la chasse, et avec des cornets et des trompettes fit sonner l’alarme dans la cour avec un bruit et tintamarre très horrible ; non content de cela, monta en la chambre du saint homme, écumant de rage
vv Voile de calice de notre sainte Mère [4].
1. Sales, 1866, t. I, p. 81.
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Dans le jeu politique Plus d’un siècle après la séparation des Églises et de l’État, il est parfois difficile d’imaginer que le rôle et l’inf luence de François dépassaient amplement la sphère ecclésiastique de la société de son époque. Pour le duc de Savoie Charles-Emmanuel, si François de Sales est certes évêque et homme d’Église, il est aussi prince de Genève, homme d’État, et plus précisément diplomate. Cette volonté de Charles-Emmanuel est d’autant plus forte que, très rapidement, la réputation de François de Sales franchit largement les frontières de la Savoie, surtout depuis son second passage à Paris en 1602. François accepte, notamment, le rôle que lui confie Charles-Emmanuel dans l’ambassade déléguée par le souverain auprès du roi de France Louis XIII en 1618. Ce séjour nous semble particulièrement exemplaire de toute la vie de François de Sales 1. Le but officiel de cette ambassade savoyarde est, après avoir remercié la France pour son aide lors de la dernière guerre et établi les moyens de mettre un point final aux
troubles en Italie, de négocier le mariage de Victor-Amédée, prince de Piémont et fils cadet et héritier du duc de Savoie CharlesEmmanuel, avec Christine de France, sœur cadette de Louis XIII. La délégation est présidée par un autre fils du duc, le princecardinal Maurice de Savoie, accompagné d’ambassadeurs illustres : François nous l’avons dit, mais aussi son frère JeanFrançois, ainsi que son ami le président Antoine Favre. Le mariage avait déjà été envisagé en 1609 (Christine n’avait alors que trois ans !) par Charles-Emmanuel ; ce dernier s’était alors tourné vers Henri IV, qui avait refusé poliment mais fermement, en des termes divertissants pour habiller le sérieux du jeu politique : « Étant Madame jeune et délicate comme elle est, il n’est pas à propos de lui faire encore changer d’air et de nourriture, joint que leurs majestés désirent l’élever et dresser de leur main et jouir de sa présence en attendant qu’elle ait atteint l’âge propre pour être mariée 2. »
vv D’après Grégoire Huret, François de Sales écrivant, huile sur toile, fin XVII e s., V. d’Avignon transférée à Sorgues, puis de Moulins (voir [27]).
1. Marguin, 2002. 2. Instruction du roi Henri IV au maréchal de Lesdiguières envoyé vers le duc de Savoie, 13 octobre 1609 ; réponse à la question de l’article 16 : « quelle espérance on doit donner au duc sur ce que dès à présent il demande Madame ? », Paris, Bibliothèque nationale de France, ms. fr. 15870.
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L’apprentissage de la vertu… … ou la croissance d’un saint, aurions-nous pu écrire. Avec un recul de près de quatre siècles, il peut sembler naturel que ces deux êtres soient saints. Pourtant, devenir saint, c’est-à-dire pour l’Église catholique avoir eu une vie exemplaire, n’est ni facile ni immédiat, y compris pour François ou Jeanne… Mère de Chantal résume bien la voie de cet apprentissage de la vertu, ou de la « réformation de l’âme », pour reprendre ses termes : « il faut, à mon avis, commencer la réformation de l’âme, par la connaissance de soi-même et par la confiance en Dieu. La connaissance de nous-même nous fera voir beaucoup de choses, en nous, à corriger et réformer ; et que, néanmoins, nous n’en pourrons venir à bout de nous-même ; la confiance en Dieu nous fera espérer que nous pouvons tout en Dieu, et que, avec sa grâce, toutes choses nous seront possibles et faciles. Le second moyen de réformation est de s’exercer en l’oraison et en la mortification, car ce sont les deux ailes pour voler à Dieu ; l’une soutient l’autre ; j’en reviens
toujours là, l’oraison et la mortification 1 ». Cet apprentissage doit se faire par amour, ainsi qu’elle l’écrit pour ce qui concerne la formation des novices : « recommandez bien à la directrice de les conduire avec amour et douceur à une grande générosité, leur faisant beaucoup plus aimer les vertus que craindre les mortifications, afin qu’elles agissent et travaillent à leur acquisition par le motif de l’amour et de l’estime qu’elles en feront, et non par crainte 2 ». Cet apprentissage doit se faire en fonction des forces et des possibilités de chacun, selon le devoir d’état et la condition de chacun. C’est là encore une leçon salésienne, que Jeanne de Chantal répercute : « Je crois bien que vos infirmités ne vous permettent pas de faire beaucoup oraison ; mais ces ferventes aspirations que vous faites fréquemment suppléent très abondamment à ce défaut de ne pouvoir faire oraison 3. » Toujours est-il que nous trouvons dans ces différentes citations de Mère de Chantal les deux principaux ingrédients de l’apprentissage de la vertu, à
vv Sœur Françoise-Marie de La Garaye Marot, François de Sales en gloire, détail d’un parement, perles de verre, cuir, fils de laine, de soie et de métal, 1662, V. de Rennes, puis de Mayenne, M. V. (voir Picaud et Foisselon, 2008, p. 92).
1. Entretien I, cité dans Georges-Thomas, 1963, p. 131. 2. Lettre à Marie-Jéronyme de Monthoux, 1629. 3. Lettre à Jeanne-Charlotte de Bréchard, 28 février 1634.
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L’œuvre commune : la Visitation Sainte-Marie Si un seul élément prouvant le caractère exceptionnel de François de Sales ou de Jeanne-Françoise de Chantal doit être retenu, c’est bien sûr l’institut de la Visitation Sainte-Marie, dont nous avons déjà parlé à maintes reprises. En effet, peu d’hommes ou de femmes laissent des traces de leur œuvre encore tangibles et vivantes quatre siècles après leur mort. Les fondations monastiques en font partie, et la Visitation tout particulièrement. Elle constitue la preuve non seulement du caractère exceptionnel de François ou de Jeanne, mais aussi de leur humanité profonde car elle est l’incarnation, pour ainsi dire, de leur amitié. Une amitié pleinement accomplie dans leur foi en Dieu, dont cette œuvre est évidemment indissociable. Très rapidement après avoir perdu son époux, Jeanne veut se tourner entièrement vers Dieu, même si elle a encore de jeunes enfants à charge. En ce début de XVIIe siècle, c’est d’ailleurs moins surprenant que de nos jours. François est l’homme providentiel qui la conduit sur ce chemin. Mais il a bien
discerné en Jeanne une âme ardente, et il l’exhorte à la patience : Dieu l’a choisie, c’est sûr, et sa vision en la chapelle de Sales le lui rappelle chaque jour, mais chaque chose doit se faire en son temps, et le temps de Dieu n’est pas forcément celui des hommes… Nous avons déjà évoqué les premiers jours de la Visitation en juin 1610, dans la maison dite « de la Galerie ». Il est difficile aujourd’hui d’imaginer les conditions de fondation d’un monastère et d’en mesurer les difficultés. Pourtant, c’est là une part importante de la vie de François et de Jeanne, car l’essor est rapide. Après Annecy, qui compte déjà dix-huit professes et huit novices en 1615, viennent les fondations de Moulins en 1616, Grenoble puis Bourges en 1618, juste après l’érection, par le pape Paul V, de cette toute jeune congrégation en ordre religieux… Cet essor s’explique certainement par l’esprit particulier de cet institut, qui tranche fortement avec celui des grands ordres existants. L’équilibre salésien déjà évoqué ouvre les portes de la Visitation aux veuves, aux filles
vO François de Sales et Jeanne-Françoise de Chantal adorant le Sacré Cœur, détail d’une chasuble réalisée pour la canonisation de JeanneFrançoise de Chantal, toile peinte, broderie d’éléments métalliques (filé, frisé, cannetilles), vers 1767, V. de Caen.
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Les amitiés À l’heure où l’écriture passe par un clavier, le volume des deux mille cent lettres qui subsistent parmi celles que François a rédigées impressionne : imprimées, elles remplissent onze tomes de plus de trois cents pages. Monumentale correspondance manuscrite, conséquence de l’extraordinaire vie sociale du prélat. Comme nous l’avons vu tout au long de cet ouvrage, François souhaite être accessible à tous ; il tisse des liens avec un foule considérable de personnes, parmi lesquelles un grand nombre d’amis, qu’il voit parfois très peu, mais avec qui il reste en contact épistolaire. François de Sales est souvent qualifié par les liens qui l’unissent aux autres ; Maurice Henry-Coüannier intitule même sa biographie Saint François de Sales et ses amitiés 1. Jeanne de Chantal est, quant à elle, rarement présentée sous cet aspect, car on insiste plutôt sur ses vocations successives. Or la vocation monacale, dans sa clôture physique avec le monde, semble peu propice à développer de grands attachements ; mais cette analyse
est fausse si l’on accepte qu’une amitié épistolaire puisse être vraie. Ainsi l’union des cœurs entre les différentes communautés de l’ordre est bien réelle, entre autres grâce à Mère de Chantal, qui a entretenu des liens forts avec beaucoup, principalement au travers d’une correspondance fournie. Sans étudier toutes ces amitiés, sans même en dresser un inventaire, qui emplirait facilement non un ouvrage mais une collection complète, sans reparler non plus de son union de cœur avec son âme sœur : JeanneFrançoise de Chantal, citons quelques-uns de ceux avec qui François s’entretient le plus. Antoine, son ami de jeunesse, de l’Académie florimontane, le futur président du sénat de Savoie… Son précepteur, le Révérend Déage, et son évêque, dont il a été coadjuteur, Mgr de Granier… Parmi les évêques, Jean-Pierre Camus s’impose. Parmi les visitandines, celles des premières heures, Mère Marie-Aimée de Blonay, Mère MarieJacqueline Favre, Mère Jeanne-Charlotte de Bréchard… Chez les ecclésiastiques, Michel
vv Vincent de Paul, François de Sales et Jeanne-Françoise de Chantal au Premier monastère de Paris, détail d’un volant d’aube, broderie d’application sur tulle, fin XIX e-début XX e, V. d’Annecy.
1. Henry-Coüannier, 1979.
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Au-delà de la mort… D’une certaine manière, la profonde amitié qui unit François et Jeanne prend toute son ampleur après le décès du premier, en 1622. Car la Mère de Chantal apparaît alors pleinement comme l’héritière spirituelle du prélat, voire l’héritière temporelle en ce qui concerne de la Visitation. Bien avant sa mort, François avait appelé Jeanne à se détacher de lui, la poussant sur cette voie du parfait abandonnement : « Notre-Seigneur vous aime, ma Mère, il vous veut toute sienne. […] Ne pensez plus ni à l’amitié ni à l’unité que Dieu a faite entre nous 1. » Et ce ne sont pas que des paroles. Nous le voyons particulièrement dans leur dernier entretien, à Lyon. Le 12 décembre 1622, François et Jeanne se retrouvent au parloir de la Visitation. Voilà « près de trois ans et demi qu’ils ne s’étaient vus et qu’elle ne lui avait conféré de son intérieur ; elle avait aussi plusieurs choses à lui consulter pour l’observance, les cérémonies et le bien de l’Institut dont elle avait fait d’amples mémoires tant à Paris qu’à
Dijon » ; ce jour-là, François s’est « dégagé de la presse de ses autres affaires » écrit la Mère de Chaugy 2. « Ma Mère, nous avons quelques heures devant nous ; qui commencera à dire ce qu’il a à dire ? – Moi, s’il vous plaît, mon Père, mon cœur a grand besoin d’être revu de vous ! – Eh quoi ! ma Mère, avez-vous encore des désirs empressés et du choix ? Je vous croyais tout angélique ! Nous parlerons de nousmême à Annecy, maintenant achevons les affaires de notre congrégation 3. » Jeanne replie alors la feuille où elle a noté l’état de son âme, déplie celle qui concerne les affaires de l’institut, dont ils parlent « quatre grandes heures » durant ; ils décident notamment que la Visitation n’aura pas de supérieur général, mais sera uniquement soumise « à la conduite du Saint-Siège et de Messeigneurs les Évêques », François déclarant : « nos filles, ce sont les filles du clergé 4 ». Pour clore l’entretien, François envoie Jeanne visiter les
vO Détail du parement brodé [10].
1. Lettre, 21 mai 1616. 2. Chaugy, 1893, p. 210-211. 3. Dialogue établi d’après ibid., p. 211. 4. Ibid., p. 211.
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Conclusion Au terme de notre chemin, nous espérons que le lecteur aura pris plaisir à partager ces quelques moments de deux existences exceptionnelles. Ce plaisir, évidemment, ne tient pas à ces lignes ou à leurs auteurs, mais aux personnalités de François de Sales et de Jeanne de Chantal. Il est certaines vies qui, quand on s’en rapproche, même modestement, peuvent nous sembler très présentes, alors que plusieurs siècles nous en séparent ; il nous semble que celles du « bienheureux prélat » ou de la « sainte Mère » en font partie. Tout au long de l’ouvrage, nous avons eu recours à de nombreuses citations, aussi bien des paroles de nos deux saints que des écrits de témoins et d’autres personnes « touchées » par eux… C’était, au-delà de la reconnaissance des qualités littéraires ou historiques de tel ou tel texte, par volonté de montrer au lecteur que ces deux existences traversent effectivement les siècles et, encore aujourd’hui, se révèlent d’une remarquable modernité. Sans entrer dans d’habituels lieux communs, par exemple en
disant que la construction du présent ne se fait que sur les fondations du passé, force est de constater que François de Sales et Jeanne de Chantal ont une résonance concrète, à travers leurs vies, dans notre quotidien. Nous avons en ce sens insisté plusieurs fois sur les « leçons » que nous pouvons encore en tirer. Bien sûr, c’est plus visible chez François de Sales, qui est généralement mieux connu car il est ce que l’on appellerait aujourd’hui non seulement un « homme public » ou un « homme du monde » (bien qu’il ne s’y soit jamais compromis), mais aussi un écrivain reconnu à travers les siècles grâce aux deux best-sellers que sont l’Introduction à la vie dévote et le Traité de l’amour de Dieu…, succès sans cesse réédités, jamais démentis, et dont la portée peut aller bien au-delà de la seule sphère chrétienne (surtout en ce qui concerne l’Introduction à la vie dévote), tant il s’agit d’une règle concrète et abordable de la vie quotidienne. Mais Jeanne de Chantal, à travers sa vie « multivocationnelle », a aussi beaucoup à nous apprendre,
vv Vision de Vincent de Paul à la mort de Jeanne-Françoise de Chantal, détail d’un volant d’aube, broderie d’application sur tulle, fin XIX e-début XX e s., V. d’Annecy.
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Annexes
vv DĂŠtail de la chasuble [2].
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Aux sources de la Visitation – François de Sales et Jeanne de Chantal
Notices des œuvres
1. Chasuble violette de François de Sales (ill. p. 82)
Taffetas de soie, galon tissé soie et filé or, fin XVI e s. V. de Limoges puis de Boulogne-sur-Mer, M. V.
Cette chasuble a été portée par François de Sales dans le Chablais pendant sa mission d’évangélisation. Sa forme est celle des chasubles en usage à la fin du XVI e siècle. Son décor est des plus sommaires : une croix dorsale et une colonne sur le devant, dont les contours sont matérialisés par un galon très simple. Autour du col figure une inscription ancienne sur papier : Planeta Sancti Francisci Salesii Episcopi Genevensis.
2. Chasuble florale à la Crucifixion
Auteurs : Jeanne-Françoise de Chantal et d’autres visitandines Damas et satin de soie, broderie de soie au passé empiétant et plat, points fendu, lancé et de nœud, début XVII e s. V. d’Annecy
Cette chasuble blanche (ill. p. 80) est taillée dans un très beau damas de soie de la fin du XVI e ou du début du XVII e siècle, sans doute italien, fondé sur un grand rapport de dessin (103 centimètres, ill. p. 186). Les premières sœurs d’Annecy durent disposer d’un métrage important de cette soierie puisque, outre
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Notices des œuvres
avec la chasuble, constituant un ensemble hétérogène mais historiquement cohérent puisque Jeanne de Chantal y a travaillé. On sait en effet que la soeur Brunet était aussi dépositaire de la chasuble de François de Sales, taillée dans la robe de la Mère de Blonay 2. En effet : « Cette chasuble nous a été donnée par nos trois soeurs Champauhet, religieuses en ce monastère [Montélimar] qui pendant les temps orageux de la Révolution l’avaient obtenue de notre très honorée soeur, T. Françoise Brunet, professe d’Annecy et depuis supérieure de notre monastère de Montluel 3. » L’analyse des différentes pièces d’étoffe de ce patchwork permet de retrouver presque intégralement le dessin très ample de ce damas destiné à l’ameublement civil et montre que les éléments brodés et la bourse ont très probablement été taillés dans les restes des orfrois d’un pluvial. 1. L’authentique manuscrit est conservé avec la chasuble. 2. Picaud et Foisselon, 2012, p. 102. 3. L’authentique manuscrit est conservé avec la chasuble.
8. Chasuble de François de Sales
Damas de soie, broderie d’éléments métalliques en couchure (filé riant, lame), début XVII e s. Château de Thorens, classé M. H.
Cette chasuble de forme italienne, désormais très usée, est ornée de belles broderies métalliques qui dessinent une bande dans le dos et, sur le devant, une croix de Saint-Antoine partiellement disparue. Contrairement aux chasubles beaucoup plus simples qui figurent dans ce livre, ce vêtement était destiné à l’évêque pour les messes pontificales, comme le prouvent la richesse du décor, fait d’arcatures et de fleurs stylisées, et la présence des armes épiscopales de François de Sales au bas du dos : « Les jours qu’on appelle de dévotion », François aimait à célébrer, dans telle église ou telle chapelle d’Annecy où la fête revêtait plus de solennité, « afin, avait-il noté lui-même, que le peuple y venant, trouve toujours son évêque en tête » ; mais les simples jours ouvriers,
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il aimait à retrouver l’oratoire qu’il avait enfin fait aménager dans son évêché de la rue Sainte-Claire. « Très généreux pour sa cathédrale à laquelle il offrit “une grande lampe et six grands chandeliers d’argent,
une chasuble et deux tuniques de drap d’or fort riche”, il n’en pourvut pas moins son oratoire privé des choses les plus belles 1 ». 1. Trochu, 1941-1942, t. II, p. 527.
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Notices des œuvres
durant les temps liturgiques de pénitence (2 novembre, Avent, Quatre-Temps, Chandeleur, Septuagésime, Carême) et aux offices funèbres 2 (ill. p. 140). 1. Le manuscrit est conservé avec la mitre. 2. Voir la mitre de deuil [17].
17. Mitre de deuil de François de Sales
Damas de soie, galon tissé or, début XVII e s. Second puis Premier monastère de la V. de Paris
La mitre, dépourvue de tout décor, est étonnamment dotée, de part et d’autre des fanons, de franges de coton blanc. Nous n’avons pas trouvé d’autre exemple de mitre qui présente cette particularité décorative. Cette mitre a été donnée au Second monastère de la Visitation de Paris, installé rue Saint-Jacques, par Mgr JeanFrançois de Sales, comme l’annonce Jeanne-Françoise de Chantal dans la lettre du 22 septembre 1630 adressée à Mère Marie-Jacqueline Favre, alors supérieure de cette communauté : « Mgr [JeanFrançois] est toujours à Sales, nous vous envoyons sa mitre à Lyon, qu’il vous a destinée. » Dans le même courrier, la fondatrice de l’ordre se réjouit de la piété des visitandines parisiennes envers leur bienheureux Père. Cette piété reste bien vivante des années après, en particulier lors de maladies, ainsi la Circulaire du 8 mars 1692 raconte une guérison opérée par la mitre relique en 1691, et la Circulaire du 2 janvier 1696, une guérison obtenue en 1695.
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Aux sources de la Visitation – François de Sales et Jeanne de Chantal
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35. Tombeau reliquaire des fondateurs de l’ordre XIX e s.
Premier monastère de Paris
Ce tombeau rectangulaire adopte la forme des autels d’oratoire. L’intérieur est aménagé comme un « parement de reliques », selon la tradition du monastère. Ainsi Mère Marie-Eugénie des Fontaines, protestante convertie qui a participé à la réforme de Port-Royal, a fait exécuter en clôture, pour l’oratoire de François de Sales, « un parement où l’on voit toutes les reliques au travers de cristaux 1 ». Dans cet esprit, les visitandines ont réalisé cette vitrine qui contient des objets reliques, comme la croix, la couverture de Jeanne-Françoise de Chantal, la sandale liturgique de François ou bien encore la croix de Vincent de Paul. Dans le fond apparaît une bordure de filet à fleurs, exécutée en lin et laine par Jeanne-Françoise de Chantal, qui faisait
Fig. 1
partie du devant d’autel du tout premier autel de la chapelle de la maison de la Galerie en 1610. Cet antependium a été découpé et les morceaux (fig. 1) ont été adressés en tant que reliques à différents
monastères, comme l’atteste la présence des deux morceaux d’Annecy et de Paris (ill. p. 116). 1. Monthel, 2015, p. 35.
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