www.ben-vautier.com
© Somogy éditions d’art, Paris, 2010 © Musée d’art contemporain, Lyon, 2010 © ADAGP, Paris, 2010, pour l’œuvre de Ben © Jon Hendricks, New York, 2010 © les auteurs pour leurs textes Traduction des textes de l’anglais vers le français et du français vers l’anglais par Bernard Hœpffner Ouvrage réalisé sous la direction de Somogy éditions d’art Conception graphique : Nelly Riedel Fabrication : Michel Brousset, Béatrice Bourgerie, Mathias Prudent ISBN Somogy 978-2-7572-0344-6 ISBN musée 978-2-9064-6183-3 Dépôt légal : février 2010 Imprimé en Italie (Union européenne)
Conception ĂŠditoriale Jon Hendricks
Sommaire
Préface Thierry Raspail
6
En images : Laboratoire 32
246
Propos sur Ben Jon Hendricks
9
Interview de Ben Vautier par Hans Ulrich Obrist
252
Réflexions à propos d’une carte postale Arthur C. Danto
13
En images : La maison de Ben
258
[CONCEPTS]
19
Concepts Jon Hendricks
21
[ L’ E G O , L E D O U T E , L A M O R T, L E S E X E ]
265
L’ego, le doute, la mort, le sexe Jon Hendricks
267
La mort est partout Ben Vautier
269
[ V É R I T É , A P H O R I S M E , PA R A D O X E ]
313 315
[ÉCRITURES]
125
Des mots ! Jon Hendricks
127
[GESTES]
153
Vérité, aphorisme, paradoxe Jon Hendricks
Notes sur les « gestes » Jon Hendricks
155
Dépersonnalisation de l’art, l’avènement
Lettre de Ben à Gino Di Maggio Ben Vautier
156
de l’individu : paradoxes existentiels dans le
[FLUXUS ET PERFORMANCES]
Théâtre Total de Ben Vautier Midori Matsui
317
[POUVOIR, ETHNISME, POLITIQUE]
353
197
Fluxus et performances, cinéma, musique, laboratoire Jon Hendricks
199
Pouvoir, ethnisme, politique Jon Hendricks
355
Ben : sceptique à longue traîne Philippe Vergne
205
Ben et l’ethnisme Jean-Hubert Martin
357
Le Théâtre Total, 1963 Ben Vautier
217
Musique, 1963-1969 Ben Vautier
223
[BEN CONCLUT]
393
Tout est musique – Plus de musique, 1966
Pour ou contre, Ben a toujours le dernier mot !
Ben Vautier
225
Il faut que la musique change Ben Vautier
226
L’art est inutile et superflu. Plus d’art Ben Vautier
226
Ben Vautier
395
Brève histoire de ma vie Ben Vautier
401
Remerciements
407
Festival Non Art – Anti Art – La vérité est Art – Comment changer l’art et l’homme ? 1969 Ben Vautier
227
Cinéma, 1963-1969 Ben Vautier
229
Les performances de Ben Jon Hendricks
230
Interview de Ben par Ben, 1981 Ben Vautier
238
Note à l’attention du lecteur : pour des raisons d’authenticité l’orthographe utilisée par l’artiste a été conservée, sauf dans les cas où la lecture s’en trouvait gênée. Les titres des œuvres respectent la graphie utilisée par l’artiste lorsqu’elle est identifiable. La double datation d’une œuvre précise la date du concept, puis la réalisation effective de celui-ci. Elle peut également signifier la première date de réalisation d’une œuvre, puis la date à laquelle l’œuvre a été refaite ou modifiée.
Page de gauche : JE SIGNE LA VIE
1973 Photographie Collection particulière
Préface
sur sa contribution essentielle à la pensée plastique et à l’art en général. « Le retour en arrière m’emmerde », dit-il avec élégance. Ben est en effet l’homme du présent, c’est-à-dire de la prospective
Thierry Raspail
permanente : freiner pour lui n’est pas une perte de temps, c’est tout simplement une petite mort… De plus, Ben craint l’enfermement, les catégories, les convictions arrêtées, l’immobilisme, l’ordre, les taxino-
Ben commente la vie, la sienne, la nôtre, avec la plus grande imperti-
mies et par conséquent l’histoire, appliquée à lui-même dans ce qu’elle
nence et la plus grande justesse. Il appartient à cette génération qui a
pourrait avoir de définitif. S’il se met en perspective, c’est toujours à des
su faire du monde l’infini territoire de l’art. Au point qu’on ne puisse plus
fins critiques, pour consolider ce qui le structure dans la durée : le doute.
véritablement les distinguer l’un de l’autre.
Aussi, à peine inventés, il interroge ses propres mots : des mots, des
Ben vocifère, prophétise, il est l’homme de l’ego et des pluricultures
mots, des mots (1958)…, c’est comme ça qu’il s’achemine ici et là,
simultanément ; il est l’homme des écritures, des gestes, c’est-à-dire
toujours déjà ailleurs, fuyant les captures symboliques ou non, assenant
des mots, des actes et des faits plantés dans l’incessant déroulement
ses craintes : le nouveau, la vérité, l’ego, le temps, l’ethnisme avec
contradictoire de la vie, encartés dans un flux désespérément fuyant :
François Fontan…, bref la vie en ce qu’elle est flux. Or, l’histoire est son
le temps et son issue obligée, la mort.
contraire, c’est un arrêt sur image, tout ce que l’œuvre récuse.
Ben est aussi un artiste majeur qui récuse le qualificatif et qui, comme
C’est une conversation avec Mathieu Copeland, préparant une exposi-
pour limiter son rôle dans cette histoire, cite volontiers ses origines, ses
tion sur le vide 2, qui nous a conduit à Jon Hendricks, historien d’art,
voisinages et ses complicités artistiques : d’abord Satie, Duchamp,
commissaire, spécialiste de Fluxus, avec qui nous avions travaillé
Cage, puis Klein, Arman, et enfin Maciunas, Brecht…
quelques années auparavant pour la deuxième Biennale de Lyon. Il nous
Ben semble occuper le paysage depuis toujours. Efficace, son écriture
paraissait le seul, mêlant élégance critique et profonde connaissance de
sagement calligraphiée, mais non dépourvue de fautes d’orthographe,
l’œuvre, à pouvoir convaincre l’artiste d’opérer un créneau sur une voie
a gagné les confins du territoire : Ben est partout. Il est cette écriture
publique à contre-courant. Ben se débattit longuement avant de capitu-
reconnaissable entre toutes qui se glisse entre les toises de l’everyday
ler partiellement (mais la bête n’est pas morte).
life. Populaire, dit-on !
L’heureuse configuration du musée nous permettant de superposer trois
Ben découvre la banane en 1955, crée le « Laboratoire 32 » en 1958,
effeuillages successifs pour ce strip-tease intégral (que l’artiste, selon
vend des disques et expose « ceux qui font du nouveau ». Il rédige
ses propres termes, souhaite « avant tout mental »), nous avons érotisé
Ben Dieu en 1959 et s’approprie le monde en 1962. Il « invente » la figu-
le premier autour des années 1957-1972, le deuxième autour du Bizart
ration libre en 1979 et peint des mots depuis (presque) toujours.
baz’art et des multiples farandoles mosaïques de Ben, tandis que le
Mais, par-dessus tout, il s’intéresse à la vérité, insaisissable, insécable
troisième se tient dans l’interactivité du Tous les jours d’aujourd’hui :
et plastique.
« Au troisième, je m’interroge », dit-il. Ces trois mises à nu polygames,
J’ai rencontré Ben il y a longtemps, dans les livres d’abord, puis dans les
sans célibataire ni mariée, ne composent qu’une ossature conjonctu-
centres de documentation spécialisés (pour y consulter feuilles ronéotées
relle, le temps d’une mise en vue intégrale mais courte (quatre mois).
et autres fascicules noir et blanc), puis sur les trousses, les carnets, les
Elle ne saurait, bien évidemment, constituer la trame d’une œuvre dont
vitrines, les cinémas, et quelquefois dans les musées. Ben participe
la plasticité défie le définitif.
à deux Biennales de Lyon : à la toute première, en 1991, pour laquelle il
Pour cette époché (eh oui, échapper et, tout à la fois, être de l’histoire),
réalise un combinat d’instructions contradictoires et de recettes hirsutes
nous nous sommes entourés des collaborations les plus pertinentes afin
(gastronomie oblige), et à la cinquième, en 2000, à l’occasion de laquelle
de tenter de cerner cette infatigable activité d’arpenteur que conduit Ben,
il crée un avant-poste dévolu à l’ethnisme mondialisé (l’expo s’intitulait
et tenter d’effleurer son œuvre qui a percé tous les culs-de-sac, absorbé
1
Partage d’exotismes, avec un « s » ). Au mac
, nous accueillons le
les trous, signé le temps en 1961 et sa propre mort, et créé l’écriture
Bizart baz’art pour un dépôt à long terme en 2003. Dès son installation,
peinture (Manifeste 1960). Ainsi, par ordre alphabétique, nous avons
cette pièce, à la fois emblématique et générique, nous convainquait
demandé tour à tour à Arthur C. Danto de s’intéresser au Ben de l’ego, à
chaque jour davantage de la nécessité impérative d’exposer enfin tout
Jean-Hubert Martin de s’interroger sur l’ethnisme, à Midori Matsui de
LYON
l’Œuvre de Ben. L’exposer dans sa diversité, certes, c’est une évidence,
plancher sur le paradoxe, à Hans Ulrich Obrist d’assaillir l’artiste de ques-
mais aussi et surtout, et cela échappe en partie à l’artiste lui-même, dans
tions, et à Philippe Vergne de surfer sur ses actions. Jon Hendricks, quant
une perspective historique. Ben a en effet déjà réalisé plusieurs « rétros-
à lui, se chargerait des chroniques historiques et de la rétro-perspective
pectives », fort réussies, au cours desquelles il s’est cependant toujours
(en ce qu’elle a de non euclidien et de non monoculaire). Nous les remer-
efforcé de glisser, avec l’art combiné du camelot et de l’illusionniste,
cions tous très vivement pour leurs remarquables contributions.
6
DES MOTS DES MOTS DES MOTS
1958 Peinture sur bois 36 x 47,5 cm Collection particulière
Encore un mot sur le mot : avec le mot peint, Ben, en anglais, décom-
nismes, l’Imago Dei, l’hébreu, le grec et le latin (image = tcelem, eikôn et
pose le tableau en « picture » d’une part (l’objet matériel peint) et en
imago), l’iconoclasme, Leibniz et Vico, le Veau d’or, la tradition judéo-
« image » d’autre part (ce qui survit à la destruction : le sens, le souve-
chrétienne, l’image invisible, la Holy bible, Dieu.
nir). Par conséquent, en faisant du tableau une déclaration, il réconcilie
En anticipant sur les visual studies 3, en aplatissant Wolfe 4, Ben fait
l’image mentale et l’image visuelle. Celle-ci, l’image visuelle, incarnée
(presque) le tour de la question. Ben est un artiste modeste. Il l’avait peint
dans une procédure « notationnelle des systèmes d’écriture », recon-
/ dit lui-même : « Ben c’est Tout ».
Rien que cela, mais tout cela. n
naissable entre toutes (« benienne »), est à la fois une image, une allégorie, un énoncé et une signature ; tandis que celle-là, l’image mentale, est générique, « elle peint l’invisible ». À ce titre seulement, l’œuvre peut
1. Cinquième Biennale de Lyon, commissariat Jean-Hubert Martin, Halle Tony Garnier, 21 juin24 septembre 2000.
s’approprier le monde, en deçà et au-delà de ce qui frappe l’œil. Mine
2. Vides, une rétrospective, Paris, Centre Pompidou, 25 février-23 mars 2009 ; Berne, Kunsthalle, 13 septembre-11 octobre 2009. Comité curatorial : Mathieu Copeland, John Armleder, Gustav Metzger, Mai-Thu Perret, Clive Phillpot. Mathieu Copeland a réalisé plusieurs expositions pour le macLYON : Expat-art Center / EAC, Soundtrack for an Exhibition, Infinite Mercy-Alan Vega.
de rien, Ben s’inscrit dans une longue tradition apologétique qu’il condense et pour laquelle il faudrait, pour la saisir, faire appel à l’histoire chaotique des origines communes de l’image et du texte, c’est-à-dire (après sélection et en désordre) : Wittgenstein, Freud, le nominalisme, les
3. Voir W.J.T. Mitchell, Iconologie. Image, texte, idéologie, Paris, Les Prairies ordinaires, 2009 (Chicago, 1986).
universaux, Lessing, la théorie de la représentation et les sémio-ico-
4. Tom Wolfe, Le Mot peint, Paris, Gallimard, 1978.
7
Propos sur Ben
ce qu’il produisait, d’autant plus que l’œuvre fonctionnait de trois façons différentes. Dans l’histoire de l’art du début du vingtième siècle, on trouve quelques précédents : des œuvres de Francis
Jon Hendricks
Picabia, d’André Breton, de Marcel Duchamp, de René Magritte, etc., se servent des mots et du langage de diverses manières, mais elles sont métaphoriques ou illusionnistes — aucune d’elles ne possède la
Cela fait maintenant plusieurs mois que j’organise les images et les
simplicité brutale des écritures d’un seul mot créées par Ben, comme
textes de l’œuvre artistique de Ben. J’ouvre des dossiers, je mets
par exemple Dieu, ART, Laid, Rouge, ou encore des phrases
ceci ici, autre chose ailleurs. Mon bureau est un fouillis de Ben.
peintes : « apprenez à voir le beau partout dans chaque détail », « des
L’étagère derrière moi est en grande partie consacrée à Ben. Un jour,
mots des mots des mots », « L’amour c’est des mots », « vive le
je mets ceci ou cela dans des dossiers intitulés « écritures », ou
silence », toutes peintes en 1958.
« gestes » ou « concepts ». Et puis le lendemain, tout le travail est
Comment était-ce arrivé ? D’où cela venait-il ? En 1957 et 1958, Ben
remanié. L’écriture Dieu est-elle une écriture ? C’est certain, mais
dessinait des lignes et des formes, faisait des taches et des sculp-
c’est aussi un concept — « si Dieu est partout, il est aussi dans cette
tures aléatoires ainsi que des écritures, mais il ne produisait pas
peinture ». Mais voilà que Ben est allé jeter Dieu dans l’océan — un
de mauvaises copies de Matisse ou de Cézanne comme on aurait
« geste ». Tel est le dilemme. Oui, l’œuvre Dieu entre dans les trois
pu l’attendre d’un jeune artiste, il ne tentait pas non plus de copier
catégories — c’est bien clair, mais alors, comment la présenter ? Dieu
ses amis Arman et Yves Klein, tous deux un peu plus âgés que lui.
devrait-il se trouver dans les trois catégories à la fois ? Ou seulement
Non, Ben sautait dans l’eau tout habillé. En 1959, Ben avait com-
dans une — le concept ?
mencé à travailler à partir d’autres concepts radicaux : il signait des
Le problème est la radicalité de chaque fonction. Écrire « Dieu » sur
personnes comme Sculptures vivantes, photographiait des objets
une toile ou un panneau de bois en 1958 était un acte artistique
suspendus en tant qu’art, exposait des Tableaux vomis, en fait il dési-
extraordinairement radical. Souvenez-vous, 1958, c’était bien avant
gnait « tout » comme œuvres d’art conceptuelles. En 1961, Ben avait
le début de l’Art Conceptuel tel qu’il est défini dans la plupart des
déjà décidé que Temps, Faux, Terrains vagues et bien d’autres
livres qui en parlent. Avant le Pop Art, avant Fluxus. En Europe, Yves
choses étaient de l’art. Son énergie était fascinante.
Klein faisait des « monochromes », Piero Manzoni faisait des
Ces œuvres l’ont mené vers un ensemble d’œuvres conceptuelles
« achromes », Arman avait commencé à faire des « accumulations »,
entièrement nouvelles : Gestes, provocations brèves ou encore des
mais, dans l’ensemble, c’était l’art néo-constructiviste et informel
activités presque imperceptibles, inoffensives, souvent exécutées
qui dominait, comme au Brésil. Aux États-Unis, l’abstraction lyrique
devant un appareil photo ou une caméra. Si ces Gestes sont perfor-
dominait toute la scène, à l’exception de quelques rares jeunes dissi-
matifs, ce n’est pas au sens traditionnel, car ils sont différents des
dents tels que Robert Rauschenberg, Jasper Johns, Ray Johnson,
Actions ou des Events que d’autres artistes exploraient pendant ces
George Brecht, etc.
mêmes années. Certains Gestes sont délicieusement idiots, comme
Rauschenberg avait créé quelques œuvres extraordinaires, comme
lorsque Ben hurle pendant deux minutes tous les soirs à
par exemple l’empreinte de pneus de voiture faite avec John Cage, et
18 heures 33 précises, ou Ouvrir un dictionnaire et choisir un mot au
un dessin de De Kooning effacé. Johns peignait sur toile des dra-
hasard, qu’il déclare être une œuvre de Ben, Se regarder dans un
peaux et des chiffres iconiques, mais plongés dans l’esthétique et les
miroir, Regarder le ciel, ou manger. D’autres sont extrêmement provo-
références de l’histoire de l’art. Le travail de Ray Johnson, en 1958,
cants, comme Signer les tableaux des autres, déclarer que son
était davantage proto-pop que conceptuel malgré son immense con-
cerveau est Le centre du monde, ou encore Frapper les gens.
tribution aux idées sur le mail-art et la performance. George Brecht
Certains sont presque imbéciles, jusqu’à ce qu’on envisage les
développait des « events », un travail fondé sur le concept qui allait le
cinquante années qui vont suivre et qu’on se rende compte à quel
mener à sa propre forme d’art conceptuel dans celles de ses œuvres
point Ben était doué de prescience.
qui se fondaient sur le langage. Au Japon, Gutai était à son apogée : les meilleures œuvres reposaient sur la performance — même les
• Lawrence Weiner : One Pint of Gloss White Lacquer Poured Directly
magnifiques peintures de Shiraga et les robes lumineuses de Tanaka
Upon the Floor and Allowed to Dry (1968) — et le Geste de Ben Vautier :
se fondaient sur la performance.
faire couler de la peinture (1964) ;
D’où venait donc l’idée qu’avait Ben d’écrire un mot sur une toile ou
Page de gauche : TERRAIN VAGUE
un panneau de bois et de présenter cela comme une œuvre d’art ?
• Ed Ruscha : Stains (1969), dont une page maculée de son sperme —
Rien de ce qui se faisait en art à l’époque n’avait de lien direct avec
et le Geste de Ben Vautier : Traces de sperme (1962) ;
9
1961 / 1970 Photographie Collection particulière
SIGNER LES TABLEAUX DES AUTRES
1963 / 1972 Photographie Collection particulière
• Andy Warhol : Oxidation Paintings, de la fin des années 70, exécutées
Toutes ces grandes œuvres sont des concepts qui ont été exécutés par
en pissant sur des toiles préparées — et le Geste de Ben Vautier : uriner
Ben en tant que Gestes ou Concepts avant les artistes mentionnés.
ainsi que son concept : Pisser contre un mur et signer ce mur (tous deux
Je suis plus ou moins certain qu’aucun d’entre eux ne connaissait le tra-
de 1962) ;
vail révolutionnaire de Ben et qu’ils sont arrivés à leurs concepts par euxmêmes, il faut cependant reconnaître la contribution originelle de Ben.
• John Baldessari détruisant ses œuvres dans Cremation Piece (1970)
Deux des œuvres les plus importantes de Ben — Partie du tout à Ben
— et le Geste de Ben Vautier : détruire mes œuvres d’art (1961) ;
et Terrain vague — appartiennent aux trois catégories Gestes, Écritures ou Concepts. Toutes deux dans un sens, sont des œuvres parfaites.
• l’art graffiti qui a fleuri sur les murs de New York et ailleurs au milieu des
Ben a utilisé un panneau peint à la main, Partie du tout à Ben pour un
années 60 — et le Geste de Ben Vautier : écrire sur un mur (1960) ;
Geste, s’est rendu n’importe où, au hasard, a placé le panneau et a pris une photographie. Le concept est clair — Tout. N’importe quoi peut être
• la photographie de la photographie de Walker Evans par Sherrie Levine
une œuvre d’art si l’artiste le désigne comme une œuvre d’art —
au début des années 80— et le Geste de Ben Vautier : signer les tableaux
Duchamp ? Sans doute Duchamp a-t-il fait le premier pas, mais Ben va
des autres (1963) ainsi que son concept : Vrais, pastiches et faux (1961) ;
plus loin en ne mettant aucune limite à ce qui peut être désigné comme art, 5 Places de George Brecht (5 petites cartes sur lesquelles est
• Martin Creed : Work No. 227, The Lights Going On and Off (2000)
imprimé le mot « EXHIBIT »). Terrain vague me plaît, en tant que concept,
— Ben Vautier : La vie de tous les jours (1964) ;
du fait de son indétermination. Parce que l’œuvre déclare le potentiel d’inconnu de quelque chose qui n’est pas limité, pas complet, pas terBen. Nous pouvons poursuivre à partir de là, comme il le fait. n
• Bruce Nauman : Bouncing Balls (1969) — Ben Vautier : Mes testicules
miné. Peut-être peut-elle servir de métaphore à la totalité de l’œuvre de
(1962).
10
DÉTRUIRE MES ŒUVRES D’ART
1961 / 1972 Photographie Collection particulière
11
Réflexions à propos d’une carte postale
indiquait que j’ignorais tout de Fluxus, car le nom de Ben m’aurait mis la puce à l’oreille, particulièrement écrit / peint dans une graphie tout à fait ordinaire. J’ai en fait découvert Fluxus lors de ma première aventure en tant que critique dans une merveilleuse exposition du Whitney Museum
Arthur C. Danto
of American Art, intitulée « BLAM ! : New York Art, 1957-1964 », qui commençait par plusieurs vitrines contenant les œuvres de Fluxus, y compris plusieurs œuvres de Ben, bien qu’il ne soit pas américain. Un grand
Ma première rencontre avec le travail de Ben Vautier s’est faite par le biais
nombre d’entre elles sont des phrases sur l’art, ou sur Ben lui-même, ou
d’une carte postale, écriture blanche sur fond noir, comme une ardoise
sur les deux à la fois, peintes dans cette délicieuse calligraphie, sur des
d’autrefois. Elle était exposée sur un présentoir métallique de la librairie du
carrés aux couleurs brillantes, bien qu’elles soient particulièrement effec-
musée Picasso, à Paris, où elle se détachait au milieu des cartes pos-
tives quand elles sont peintes en blanc sur noir ou noir sur blanc. Sur la
tales multicolores auxquelles elle était mêlée – des femmes diversement
carte postale que je m’apprêtais à acheter, l’artiste Ben disait de l’art ce
déformées, aux corps réarrangés et inconfortables, hurlant dans des fau-
que Louis XIV avait dit sur l’État : lui et l’État étaient la même chose, une
teuils, ou encore des natures mortes dans une cuisine, avec des
expression connue de tous, « l’art c’est moi ». Cela me rappelait ce
pommes, des poulets plumés et des couteaux de boucher. Ces der-
qu’avait dit l’artiste américain Bruce Nauman au sujet de quelques-unes
nières montraient les œuvres archiconnues de Pablo Picasso accro-
de ses premières vidéos (1967-1969) où Bruce se montrait lui-même en
chées dans les salles tout autour. Ce qui m’avait particulièrement frappé,
train d’accomplir certaines activités très simples. Il avait écrit : « Si je suis
au sujet de cette carte postale, c’était l’importance du nom d’un homme
un artiste et si je suis dans l’atelier, tout ce que je fais dans l’atelier doit
– Ben – et le côté outrancier du message – « Ben = Art ». Si Ben = Art,
être de l’art. À ce moment-là, l’art est devenu davantage une activité
alors je me rappelle avoir pensé Ben – Art = 0. Et, encore plus surpre-
qu’un produit. » J’ai compris que, dans ce sens-là, Ben = Nauman, plus
nant, Art – Ben = 0. Ben sans art est moins que personne, il n’est rien.
ou moins, en termes de ce qu’il faisait. Le problème était de savoir où se
Pire encore, sans Ben, l’Art n’est pas. La carte postale, m’étais-je dit
trouvaient les limites de l’atelier.
alors, ne montrait pas tant une œuvre d’art qu’elle était une œuvre d’art.
Mon impression est que le monde quotidien, dans le cas de Ben, était
Au moins, elle indiquait ce qui s’était passé en art au cours des dernières
l’atelier, de sorte que tout ce qu’il faisait était de l’art. Donc « Ben = Art ».
années. Cette rencontre avait eu lieu au début des années 1980.
En 1970, par exemple, invité à Montpellier pour participer à « 100 artistes
Pouvoir acheter une œuvre d’art pour le prix d’une carte postale me
dans la ville », Ben avait décrit diverses « actions » qu’il avait accomplies,
paraissait bon marché, mais en réalité c’était le nom de Ben qui me four-
y compris « installer une baignoire et prendre un bain », « recevoir et don-
nissait une raison de l’acheter. D’habitude, je n’envoie pas de carte pos-
ner des coups de téléphone » et « faire une trace de peinture dans la ville
tale, cependant c’était là un spécimen très rare : peu de cartes postales
en perçant un seau de peinture blanche ». Il existe une photographie de
se composent uniquement d’une affirmation extrême à propos d’un
Ben portant le seau percé et laissant une trace blanche de deux kilomè-
homme nommé Ben qui est identique à l’art, or il se trouvait qu’un de
tres dans les rues. « J’ai eu peur que la police m’oblige à laver tout ça. »
mes amis à New York portait le nom de Ben et qu’il correspondait plus
Étrangement, on a l’impression que le problème de Ben en tant qu’artiste
ou moins à cette description. Il s’agissait de Ben Sonnenberg, éditeur de
était semblable à celui de Wittgenstein en tant que philosophe : comment
Grand Street, la revue littéraire new-yorkaise des années 1980. Il avait lu
cesser de faire de la philosophie. L’art qu’il produisait en
mon livre, La Transfiguration du banal, et m’avait invité à contribuer à
1969-1970 s’efforçait de répondre à la question : « Que faire après
Grand Street. Il connaissait suffisamment de personnalités du monde de
Duchamp ? » Il a trouvé l’idée selon laquelle « la vérité est l’art ». Vérité
l’art pour que les gens lui demandent de leur conseiller des critiques d’art
= Art. De sorte que l’on peut considérer comme art de (réellement) man-
à engager. C’est grâce à un de ses conseils que j’étais en fait devenu
ger du boudin (« un plat que je déteste »). Ou bien, comme l’écrit Ben
critique d’art pour The Nation. La carte postale aurait très bien pu être
dans son autobiographie : « Annie et moi nous mettrons en route
conçue en pensant à lui. Et que l’on pense à lui en ces termes, comme
François Malabar, qui naîtra neuf mois plus tard. » Dans ce qu’il appelle
l’incarnation de l’art, lui ferait grand plaisir. Mais comment pouvais-je pen-
« la situation post-Duchamp », l’art se fait « à partir non pas de la forme
ser à la carte postale de Ben Vautier comme étant de l’art ? Si c’était de
mais de l’attitude ». Sur un carré noir, Ben a écrit : « L’art est inutile.
l’art, qu’est-ce qui n’en était pas ?
Rentrez chez vous. » En fait, peut-on se dire, l’art est tout ce que l’on fait,
J’ai depuis, vu suffisamment d’œuvres de Ben Vautier pour comprendre
tout comme l’or est tout ce que touche Midas, ou comme Louis XIV
que cette carte postale était un exemple parfait de son travail. N’importe
estime que l’État = Lui-Même.
quel étudiant en art contemporain aurait compris que le fait que je me
Il y a suffisamment d’autoadmiration métaphysique dans l’art de Ben
sois trouvé là, à me poser des questions sur cette carte postale,
pour contredire une de ses peintures : « Je n’ai pas de personnalité »,
13
Page de gauche : ART
=
BEN
1964 Affiche, impression sur papier 31,1 x 27,5 cm Collection de l’artiste, Nice
LABORATOIRE 32, LE MAGASIN DE BEN À NICE
ca. 1958 Photographie Collection particulière
ou une autre : « Moi Ben je suis le premier créateur de l’art anonyme »,
redécouverte de la philosophie du
et pour confirmer que « J’aime qu’on parle de moi ». Une de ses pein-
de la philosophie du XIX siècle, celle de Schopenhauer ou de Nietzsche.
tures, datant de 2004, jaune sur noir, se pose la question, qui s’ap-
Les deux copains se lancent dans une discussion philosophique très
plique également à n’importe quelle autre œuvre de Ben : « Mais pour-
sérieuse sur tout ça, au cours de laquelle et en guise d’autobiographie
quoi avoir mis cette toile au mur ? » Ces peintures, dans une galerie,
Ben conclut que « l’ego est le moteur principal de la survie et donc que
paraîtront en règle générale, irritantes, amusantes, autoréflexives et,
tout ce qui vit et cherche à survivre contient de l’ego ». Il y a là sans
pour finir, elles ne peuvent provoquer aucune réponse en tant que
doute une certaine vérité, mais la raison profonde qui explique que l’art
groupe, car elles semblent avoir été produites par un artiste qui accepte
et la biographie sont inséparables est que les artistes appartiennent à
le pour et le contre et qui change d’idée toutes les minutes sans per-
l’histoire. Ben est l’artiste qu’il est à cause de l’histoire qu’il a eu la
dre confiance en sa propre autorité.
chance de traverser. Et nous pouvons nous en rendre compte en regar-
Mais qui, précisément, est le Ben de la carte postale, et comment se
dant la section « Œuvres » du catalogue de cette exposition. « Tout est
fait-il qu’il ait pris cette direction ? Ben Vautier, d’origine suisse, vit et
marchandise. » Si l’on veut manger, il faut survivre = mieux vaut vendre
travaille à Nice et il a écrit, outre de nombreuses brochures et cartes
quelques peintures.
postales, et contrairement à ses propres désirs, une sorte d’autobiogra-
Il n’y a pas d’ego artistique hors de l’histoire. Un Ben qui n’aurait pas
phie, Ma vie, mes conneries, dans laquelle j’ai trouvé tout ce qu’il faisait
vécu à Nice à une certaine époque de sa vie est une chose presque
pendant les années 1960 pour passer le temps. La biographie – ou
impensable, même s’il est vrai qu’il aurait pu choisir de raconter l’histoire
l’autobiographie – est contraire aux désirs de Ben, parce que « les
de sa vie de telle façon qu’il serait resté à Naples, où il est né en 1935,
biographies, c’est de l’ego ». Inéluctablement, parce que chaque phrase
ou bien à Izmir, où sa mère s’est réfugiée pour vivre avec sa famille pen-
se réfère au moi implicite : « C’est moi je… moi je. » « Le rêve, écrit Ben,
dant la guerre, ou bien à Alexandrie, où la mère et son fils ont passé six
c’est de pouvoir un jour être artiste sans biographie. » Il a déclaré au
mois en 1945, ou bien à Lausanne, où ils auraient pu habiter si la vie n’y
FAIRE UNE TRACE
galeriste et photographe Marco Fioretti : « J’aimerais présenter mon
avait pas été aussi chère. Mais la mère de Ben a décidé de s’installer
DANS LA VILLE
exposition personnelle dans ta galerie, sur le thème de l’ego. »
plutôt à Nice pour être avec des amis. Il s’est trouvé qu’il existait un
1970 Photographie Collection particulière
Cette exposition a eu lieu au Studio del Arte de Marco, à Bergame, en
monde artistique à Nice qui a permis à Ben Vautier de devenir Ben.
2007, et était intitulée « Tutto è Ego ». On pourrait avoir l’impression d’une
Ce qui est étrange, c’est qu’il existait une sorte de monde artistique
Page de droite :
XVIIe
siècle, Spinoza ou Hobbes – ou
e
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contenant à la fois Ben et Bruce Nauman. Les questions sur l’art auxquelles tous deux répondaient étaient dans l’air. Heureusement pour lui, heureusement pour nous, l’égoïsme et l’art existent sur deux plans différents ; ils pourraient même s’infiltrer l’un dans l’autre. Il se trouve que j’étais moi-même à Nice à cette époque, ou en tout cas pas très loin, à Roquebrune-Cap-Martin. C’est là que j’ai écrit mon premier livre, Analytical Philosophy of History, publié par Cambridge University Press en 1965. J’étais, dans un sens, une personne déplacée du monde philosophique anglo-américain, dont j’avais transporté l’essence dans la villa que j’avais pu louer entre la Moyenne et la Basse Corniche, sur l’escalier de la Gendarmerie. La grande nouvelle dans le monde de l’art français en 1960 était le mouvement organisé par Pierre Restany et Yves Klein, dont le manifeste fut signé par les premiers membres du groupe, le 27 octobre 1960, dans l’appartement de Klein, à Nice. Klein et Arman étaient nés à Nice et y vivaient. En 1959, Ben a envoyé un long essai à Daniel Spoerri, dans lequel il développait sa « théorie du nouveau et du tout possible en art ». Ben faisait partie du discours de l’avant-garde. Duchamp l’enthousiasmait, et gageons que Ben n’aurait jamais entendu parler de lui s’il avait passé sa vie à Smyrne. Il nous raconte comment il a rencontré Éliane Radigue sur la promenade des Anglais, le grand boulevard qui longe la baie de Nice. Elle l’a emmené chez elle rencontrer Arman, son compagnon. Yves Klein était là. « J’aime parler peinture, politique, philosophie », écrit Ben. Et il se trouvait là, du fait d’une rencontre fortuite, dans l’avant-garde d’un monde artistique pour lequel il était fait. Ben gagnait sa vie, plus ou moins bien, en achetant et en vendant des disques d’occasion dans un magasin dont il était propriétaire. Il existe des photographies de ce magasin, couvert de signes en cursive blanche et de flèches pointant ici ou là. L’écriture est exactement celle que je vois sur la carte postale, des années plus tard. Comme la carte postale, le magasin était une œuvre d’art, bien qu’à plus grande échelle. Le célèbre conservateur Ponthus Hulten a acquis le magasin pour Beaubourg, en cohérence avec le message de la carte postale selon lequel si Ben faisait quelque chose, c’était de l’art. La vie de Ben a été bien remplie, bien plus ouverte à tout et plus originale que s’il avait vécu à Paris, où il aurait pu porter un béret et peindre des sections abstraites de bananes à Montmartre. Je me réjouis de savoir que Yves Klein est entré un jour dans le magasin de disques, où Ben exposait ses peintures de bananes. « Les bananes c’est du sous-Kandinsky, m’a dit Klein, expose plutôt tes grands poèmes à l’encre de Chine, c’est plus authentique. » « Mon magasin, ajoute Ben, devient un lieu de rencontre pour tous les jeunes qui font du nouveau. » En 1962, Ben est allé à Londres, où il a passé quinze jours dans la vitrine de la Gallery One comme sculpture vivante. C’est là qu’il rencontre George Maciunas, qui lui parle de Fluxus et l’invite à se joindre au groupe. Il était particulièrement impressionné, nous dit-il, par George Brecht, dont l’art était fait d’événements simples de la vie quotidienne,
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proprement parler, en ce qui concerne Duchamp, le ready-made n’était pas simplement un objet non signé : Duchamp s’intéressait surtout aux objets qui n’avaient pas vraiment de valeur esthétique, et en trouver n’était pas une tâche facile, comme il l’a expliqué à l’occasion d’une conférence qu’il a donnée au Museum of Modern Art de New York en 1961. Klein a construit un ensemble extraordinaire de réalités étroitement liées qu’il s’est approprié, maintenant que le ciel lui appartenait, y compris une photographie célèbre, Le Saut dans le vide, où on le voit sautant dans l’infini depuis un mur de la rue Gentil-Bernard, à Fontenayaux-Roses. Les objets qui définissaient les Nouveaux Réalistes étaient leurs décollages : des collages ready-made, constitués de diverses couches d’affiches superposées, et ils étaient passés maîtres dans l’art de les arracher et de les remonter. Ils créaient un monde artistique dans lequel Ben pouvait agir en toute liberté et avec flamboyance. Tout cela m’était resté inconnu pendant les mois que j’ai passés sur la Côte d’Azur, pris par l’écriture d’un livre sur la philosophie analytique dans un pays qui n’était pas le bon, comme l’avait dit Peter Schjeldahl en voyant les fleurs d’Andy Warhol chez Ileana Sonnabend. Si j’avais été à New York en décembre 1961, j’aurais vu Store de Claes Oldenburg, et j’aurais pu me faire une idée des Nouveaux Réalistes à la galerie Sidney Janis, également le lieu de la première exposition importante du pop art. Pourtant les Nouveaux Réalistes n’ont pas eu, à New York, le succès qu’ils espéraient, en tout cas en tant que groupe, bien que l’idée de réduire le fossé entre l’art et la vie se soit apparemment présentée à l’ordre du jour de l’avant-garde des deux côtés de l’Atlantique. De toute façon, le problème du fossé entre l’art et la vie m’est apparu avec une MA VIE, MES CONNERIES
grande force à l’occasion de la deuxième exposition d’Andy Warhol à la
1997 Couverture du livre Z’éditions, Nice
Stable Gallery, en 1964, et c’était la façon dont Warhol abordait le problème qui a fait de moi un philosophe de l’art. Il faut toutefois ajouter que Warhol n’a pas signé ses célèbres Brillo Boxes. C’étaient des œuvres « comme boire un verre d’eau ou ramasser une allumette », ce qui
d’art non signées, ce qui m’a incité à me poser la question de savoir si
touche de près l’art de Ben à ce moment de sa carrière : « Mon art sera
signer était un geste aussi magique que semblaient le croire les
un art d’appropriation. Je cherche systématiquement à signer tout ce qui
Nouveaux Réalistes. Signer appartient à la dimension institutionnelle de
ne l’a pas été. Je crois que l’art est dans l’intention et qu’il suffit de signer.
l’art, et signer les œuvres de quelqu’un d’autre est donc davantage une
Je signe donc : les trous, les boîtes mystères, les coups de pied, Dieu,
contrefaçon qu’une transformation. Néanmoins, je ne peux m’empêcher
les poules, etc. »
de regretter de ne pas avoir croisé Ben Vautier lorsque j’étais sur la Côte
Ce passage flamboyant reprend à son compte un bon nombre d’idées
d’Azur, que j’observais la Méditerranée depuis ma fenêtre, que j’admirais
d’avant-garde sur l’art à cette époque, au sens où elles paraissent être
les mimosas au printemps et que je prenais de temps en temps ma
la propriété de tous les artistes travaillant dans la ligne du Nouveau
voiture pour aller manger une bouillabaisse à Nice. Le 27 juillet 1963,
Réalisme. Le fondement de leur art était une radicalisation générale de
Ben signe Nice elle-même, en tant qu’œuvre d’art ouverte, et délivre des
l’idée du ready-made de Duchamp, ainsi que le concept selon lequel la
certificats d’authenticité, ce qui, une fois encore, est trop institutionnel
« signature » suffisait à faire de l’art à partir de n’importe quoi qui n’aurait
pour vraiment fonctionner philosophiquement. L’année suivante, il se
encore été signé par personne. En un moment légendaire, Klein et
rend à New York pour rencontrer George Brecht, car il « considère le
Arman, des amis très proches, se sont approprié la Terre et le Ciel.
Nouveau Réalisme trop commercial » et qu’il préfère l’esprit Fluxus.
(Un troisième ami, Claude Pascal, s’appropriait des mots, ce qui lui avait
Brecht avait réellement compris qu’il était possible qu’une œuvre d’art
permis de signer comme son œuvre les Méditations de Descartes,
soit aussi simple qu’on le voulait – comme d’allumer ou d’éteindre la
exactement comme Ben signait les peintures des autres.) Mais, à
lumière. C’était à New York, et particulièrement dans le domaine de la
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SITE INTERNET DE BEN
Janvier 2010 Capture d’écran
danse, que l’on trouvait le genre d’exemples qui faisaient vraiment pres-
ricien, prêt à tout tenter, dans les domaines de la pensée et de l’art.
sion sur le concept d’art : dans les expériences en ontologie, particuliè-
En 1973, il a publié ses écrits théoriques. Il a écrit : « À travers exubé-
rement celles du Judson Dance Group, selon lequel un pas de danse
rance et extrémisme, un fil conducteur est toujours là : la recherche du
pouvait consister à s’asseoir sur une chaise ou à repasser une chemise.
nouveau. » Ce qui est vrai. Pendant que j’écrivais ce texte, je me suis
La décennie des années 1960, qui a commencé par les Nouveaux
rendu sur le site de Ben, ben.vautier.com. Il y a là une profusion typique
Réalistes, a rapproché l’art et la philosophie plus que cela n’avait encore
de l’Internet : blogs, vidéos, Facebook, My Space, interviews. Le para-
été fait et plus que cela n’allait se faire. C’était une période passionnante
doxe est que ce qu’il y a de plus mémorable dans son art, ce sont les
pendant laquelle tout était possible en tant qu’art, ce qui en fait revenait
surfaces surchargées d’une écriture cursive à la mode d’autrefois,
à autoriser les artistes d’avant-garde à oser tout faire. Ben s’est consi-
proclamant tout ce qui lui passait par la tête, en particulier à propos
de l’art – ou, dans le cas de l’exposition actuelle, à propos de l’ego. n
déré pendant toute cette période, ainsi que par la suite, comme un théo-
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[CONCEPTS ]
] S T P E C N O C[
Concepts Jon Hendricks
Concepts – Ben les appelle « Appropriations », et c’est bien, je crois, ce qu’ils sont, mais l’idée de s’approprier une chose ou une autre est un concept – de sorte que, afin de comprendre le travail de Ben dans la réalité, il faut utiliser le mot « concept » – concept au sens où l’idée est l’œuvre d’art – ce que nous voyons est le lien avec l’idée – ou bien la visualisation de l’idée – la démonstration. Et ainsi Ben commence tout à fait naturellement avec le concept de Tout, en conséquence Tout est art (1958-1961). Ben a observé ce qui l’entourait et a remarqué des objets au hasard tels que les Objets suspendus (1958) et a déclaré qu’ils faisaient partie de son tout. Plus ou moins duchampien, ou post-Man Ray, différent – Duchamp créa sa Sculpture de voyage (1918) en découpant des bonnets de bain en lanières et en les suspendant au hasard et, la même année, il photographia des ready-made accrochés dans son studio new-yorkais, Ombres de readymades (1918). Man Ray photographia du linge et un panier accrochés à une corde, intitulant la photographie Moving Sculpture (1920) et poursuivant avec une peinture d’après la photographie, Flying Dutchman (1920). Ben était content de déclarer que tous les objets suspendus appartenaient à son concept d’Objets suspendus. En 1958, Ben voulait déclarer que même les plus dégoûtants des objets appartenaient à son concept de Tout, et il a choisi de faire et de mettre en vente ses Tableaux vomis dans son magasin Laboratoire 32, situé 32 rue Tonduti-de-l’Escarène, à Nice. C’était un défi à l’idée même de l’art. Dégoûtant, c’est vrai, mais pourquoi l’art ne serait-il pas dégoûtant ? Piero Manzoni a exploré le dégoûtant dans l’art quand, en 1961, il a mis en boîte la Merde d’artiste. Le travail de Ben était conçu en partie pour choquer les goûts artistiques conventionnels des Niçois et de l’époque. L’art à Paris n’était pas vraiment très différent de celui de Nice, et les galeries un peu partout dans les rues de la rive gauche exposaient des tableaux kitsch ou des œuvres informelles éclectiques. Comme un Tableau vomi de Ben devait être rafraîchissant – vomir au visage de la bourgeoisie. Ben n’a pas tardé à tout signer, et ce Tout était une œuvre d’art de Ben. Il déclara que les taches étaient de l’art, comme les déséquilibres, les objets cloués au hasard. Il a déclaré que les êtres humains étaient des sculptures vivantes et que la mort était aussi de l’art – la sienne et celle des autres. Il a choisi des trous qui, sous toutes leurs formes, étaient de l’art – à la fois des trous existants et des trous qu’il faisait lui-même. Bien qu’il ait rendu hommage à Fontana à ce sujet, je vois peu de liens entre eux. Les trous de Ben sont antiesthétiques, brutaux, arbitraires, naturels. Les trous de Fontana sont esthétiques, réfléchis, opaques. Le mystère est un concept important chez Ben. Lorsqu’il est tombé sur cette idée, plus tard, il a écrit : « Je cristallisais la beauté de l’ignorance d’un contenu. » Ben s’intéresse au concept du Temps (1964) de diverses manières, y compris en rédigeant des certificats « attestant de la réalité artistique d’un laps de temps précis contenu entre deux autres temps précis » (1962). Son esprit passe du Temps aux Faux (1961) – un faux Yves Klein de Ben est un vrai Ben. Il ne tarde pas à signer les peintures des autres qui deviennent des vrais Ben – mettant Page 18 :
à mal l’idée d’originalité.
BEN À L’EXPOSITION
Ben s’est trouvé au centre du maelstrom du hasard dans l’art, ainsi que nombre d’autres artistes conceptuels tels que Henry Flynt, La Monte Young, Yoko Ono, George Brecht et Walter de Maria, chacun d’eux ayant contribué par ses propres idées, à l’attaque du statu quo, chacun d’eux ayant repoussé les contraintes de l’histoire de l’art et les œillères tacites de l’art. Ben était là. Il en faisait partie. Et encore aujourd’hui, il continue à travailler en tant qu’artiste conceptuel. n
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DE NICE
»
«
ÉCOLE
À LA GALERIE
ALEXANDRE DE LA SALLE, SAINT-PAUL-DE-VENCE
1967 Photographie Collection particulière
BANANE
FORMES (1957) (1958)
1958 Encre de Chine sur papier 57 x 38 cm Collection Roselyne et Patrick Michaud, Nice
De 1950 à 1957, surpris par le courage des créateurs contemporains je pris conscience et goût à la recherche du nouveau, j’ai voulu jouer au jeu de la création. Je dessinais des formes que je jetais si je retrouvais leur source d’influence. Fin 1957, je crois à un début de personnalité en une série de 40 dessins différents de la forme de la Banane. Ben BANANES
1959 Encre de Chine sur papier 41,5 x 48 cm Collection Noël Dolla, Nice
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FORME ABSTRAITE
CLOU POUR SPOERRI
1958 Encre de Chine sur papier 56 x 45 cm Collection de l’artiste, Nice
1961 Peinture et clous sur planche 32 x 19 cm Collection de l’artiste, Nice
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LIGNES (1958)
LA LIGNE
1955 Peinture sur bois 76 x 37 cm Collection de l’artiste, Nice
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TACHES (1958) Après la Banane je découvrais l’Intention Art. C’est-à-dire INTENTION précise pouvant être Art. D’où mes études d’Intention de Tacher. N’importe quelle tache : taches d’encre, taches de goudron, taches de graisse. Sans aucun préalable esthétique à condition que le résultat soit inédit. (1958) Panneau d’une seule tache sans composition. 60 % au hasard. J’avais adopté l’axiome. Ben
LA TACHE
1958 Encre de Chine sur carton 29,7 x 21 cm Collection de l’artiste, Nice
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SCULPTURE D’OBJETS (1958 à 1962) Objets quelconques cloués au hasard sur une base (socle, caisse, échelle, etc.). (Magasin) 32, Rue de l’Escarène – 06 Nice. L’originalité de ces sculptures existe dans leur processus et l’esprit de fabrication. Je ne choisis pas l’objet pour la sculpture. L’objet est pris au hasard, n’importe où et obligatoirement il faut qu’il s’insère dans la sculpture. Je n’ai pas le droit de le rejeter. C’est l’optique Totale de l’objet. Ben
SCULPTURE D’OBJETS
1958 Technique mixte 105 x 60 x 50 cm Collection de l’artiste, Nice
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OBJETS SUSPENDUS (1958)
OBJETS SUSPENDUS
1958 Photographie Collection particulière
TOUT (NOTES 1958) Si l’Art est dans TOUT et l’Art est rien. L’Art est dans le vide et l’Art est dans TOUT. Ben
.TOUT
EST ART
1958 / 1961 Peinture sur bois 33,5 x 162 cm Collection de l’artiste, Nice
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VOMIS (1958) Tableaux vomis (1958) Vomi (Bouteille) (1962) Ben
TABLEAUX VOMIS
1958 / 1962 Affiche, impression et encre sur papier 29 x 21 cm Collection de l’artiste, Nice
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LE DÉSÉQUILIBRE (1959) La loi de la pesanteur ramène tout objet en déséquilibre à un état d’équilibre. On éprouve donc un choc de trouver un verre à trois quarts dans le vide au bord d’une table. C’est ce choc que j’essaie de retrouver et reproduire en créant de toutes pièces des déséquilibres. 1959 – Crayons. 1962 – Valises (et objets divers). Ben
CHOC AU DÉSÉQUILIBRE
1959 / 1962 Technique mixte 70 x 20 cm Collection de l’artiste, Nice
TOUT (TEXTE MAI 1959) J’aime TOUT ce qui est nouveau sous le soleil, la joie, les bidets, un bruit, une tache, un nouveau-né, les fleurs, l’amour, les hommes, le bar, la chaise, les rats, les gens simples… Ben 29
TROUS (1960) Le trou en soi est unique : Séquestré à 15 ans, 2 jours dans une citerne d’essence de blockhaus, il y avait au plafond un trou de trente centimètres à travers lequel je voyais le ciel. Suite à cette expérience, je conclus en 1961 que plus la surface de la paroi qui entoure le trou est étendue, plus le trou est beau. 1959 : Trous circulaires dans des feuilles et des BOÎTES DE CONTREPLAQUÉ. 1960 : J’ai fait des trous dans les murs des autres la nuit. 1961 : Depuis mars 1961 je signe les trous que le hasard me présente. A : Trous du mur. B : Trous de CULS. C : Trous d’égouts (vu de dedans). P.S. – Je ne discute pas l’influence de Fontana mais je considère le domaine du Trou beaucoup plus vaste pour un seul créateur. Ben
JE SORS DU TROU
1958 Affiche, impression sur papier 32,8 x 65,2 cm Collection de l’artiste, Nice
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AVIS TROU
1958 Peinture et collage sur bois 56 x 50 cm Collection de l’artiste, Nice
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TROU
1958 Photographie Collection particulière
TOUS LES TROUS DU MONDE SONT MES ŒUVRES
1958 Peinture sur boîte 44 x 34 x 24 cm Collection de l’artiste, Nice
SCULPTURES VIVANTES (1959-1962) HOMO SAPIENS Fasciné par la recherche de l’absolu dans le critère de la ressemblance. J’ai pensé tout d’abord mouler mes formes sur le personnage lui-même mais cela était à la fois peu praticable et trop « Musée Grévin ». J’en vins donc, en 1959, à exposer l’individu lui-même car il ne peut y avoir plus ressemblant à un corps qu’un corps lui-même. 1959 : Le 3 juillet, j’acquiers la tête vivante de Jean-Claude Orsatti (avec certificat). 1961 : Le 8 juin, j’acquiers son corps. 1961 : Le 18 juillet, j’acquiers le corps de Gaston Gabriel Melidonian. 1962 : Le 22 juin, j’acquiers le corps d’Alice Heyligers. Ben
À gauche : SCULPTURE VIVANTE
(ALICE
HEYLIGERS)
1962 Photographie Collection particulière À droite : SCULPTURE VIVANTE
(JEAN-CLAUDE
ORSATTI)
1959 Lettre datée du 3 juillet 1959 38,5 x 31,5 cm (encadrée) Collection de l’artiste, Nice
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BEN IS A HUMAN SCULPTURE
1959 / 1962 Peinture sur bois 122 x 81 cm Collection Bischofberger, Zurich SCULPTURE VIVANTE… BEN SIGNERA AGUI-GUI
1959 / 1963 Affiche, impression sur papier 59,5 x 40,4 cm Collection de l’artiste, Nice
SCULPTURE VIVANTE
(“THIS
ROOM IS
A BEN CREATION…”)
1959 / 1962 Peinture sur bois 21,2 x 18,2 cm The Museum of Modern Art, New York. The Gilbert and Lila Silverman Fluxus Collection Gift, 2008
SCULPTURE VIVANTE
(EVA
VAUTIER)
1959 / 1965 Photographie Collection particulière
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LE MANQUE (1959) Les P.T.T. émirent en 1958, un timbre représentant une toile d’Utrillo sur laquelle figuraient un château et sa grille ; un morceau de l’un des barreaux de la grille manquait, c’est à partir de ce détail qui me fit choc, que je conçus l’Esthétique du Manque. 1959 : Grillage avec manque. 1959 : Main avec quatre doigts. 1960 : La dent qui manque dans la bouche de Salvador Dalí. 1962 : L’alphabet de vingt-cinq lettres. 1962 : La notion du manque introduit dans une boîte : ce qui manque est dans la boîte. Ben
LE MANQUE
1959 Timbre-poste 21,5 x 16,5 cm (encadrée) Collection de l’artiste, Nice
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TOUT (Février 1960. Texte du 1er Manifeste) La notion de TOUT est aussi une création bien délimitée dans l’histoire de l’art. La notion du TOUT est créée par sa prise de conscience. Ben
TOUT (TEXTE) (Juin 1960) Je signe tout ce qui m’entoure. Les objets, les filles, n’importe quel caillou sur la plage. Ben
JE SIGNE TOUT
1960 / 1965 Peinture sur bois 58 x 65 cm Collection Bischofberger, Zurich
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LA MORT (1960) À la recherche depuis 1955 d’un beau Neuf et absolu, je suis amené en juin 1960 à penser et à écrire que : Seule la mort contient pour son créateur la réalité d’un absolu esthétique. À la seule condition que l’artiste choisisse en celle-ci, non pas une fuite ni une solution à ses ennuis mais une création. Car en choisissant de créer sa mort l’artiste détruit toute notion de laideur pour lui dans l’avenir (jusqu’à inscription de faux). En janvier 1961 : Je fais part à la presse (journal « Le Patriote ») de mon intention de me faire écraser en forme d’aile de voiture par une presse de l’usine Renault ; ou de me faire aplatir par un rouleau compresseur sur une toile qui serait vernie par ma femme après ma mort. Ben
A MORT.
1958 Peinture sur bois 34 x 166 cm Collection de l’artiste, Nice
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MORT ET ÉVÉNEMENTS
1957 Montage. encre, papier, collage 35,5 x 27,5 cm (encadrée) Collection de l’artiste, Nice
MOURIR EST UNE ŒUVRE D’ART
1957 / ca. 1963 Affiche, impression sur papier 32 x 52 cm (encadrée) Collection de l’artiste, Nice
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MALADIES ET ÉPIDÉMIES (1960) Dans mon second manifeste j’ai signé les maladies. Je me proposais à l’époque de prendre conscience de la réalité esthétique, physique et tangible des maladies. Aujourd’hui, je voudrais exposer : La Peste – La Vérole – Le Choléra. Pour cela je me propose d’injecter les virus de ces maladies à quiconque désire en faire l’acquisition par amour de l’Art. 1960 – Crampes d’estomac. 1961 – Grippe (Ma Femme). 1961 – La Gale. Les maladies de la peau sont indiscutablement physiques en tant qu’œuvres d’Art, et en conséquence ma spécialité. Ben
BOÎTES MYSTÈRES (1960) Un jour, j’ai découvert une boîte en fer-blanc rouillé et hermétiquement fermée. Cette boîte contenait quelque chose que je ne pus identifier car je fus incapable de l’ouvrir. Ce jour-là, je cristallisais La Beauté de l’Ignorance d’un contenu, en créant mes boîtes mystères. 1960 : Les boîtes mystères (1960). Largeur : 20 cm. Profondeur : 10 cm. Hauteur : 40 cm. 1961 : Les objets mystères. 1962 : Les sculptures mystères. Le domaine du mystère est immense et tous les jours, je découvre de nouveaux mystères : Codes, bouteilles sans étiquettes, paquets, malles, armoires, etc. Ben 40
BOÎTE MYSTÈRE
1960 Peinture sur bois 40 x 20,3 x 9,6 cm The Museum of Modern Art, New York. The Gilbert and Lila Silverman Fluxus Collection Gift, 2008
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TOUT (1960) (Texte) Je signe le perpétuel contenu des Programmes de télévision. Ben
TOUT (1960) (Texte) La possession de TOUT c’est la possession de la notion de TOUT. C’est la conscience réelle du TOUT possible en Art + personnalité. C’est la volonté d’être par rapport aux autres en voulant TOUT. C’est l’immense prétention d’être TOUT. Mon esprit contient cette infinie quantité de possibilités qui est TOUT, étouffe dans la production une partie de ce TOUT, car dès que j’entreprends sa construction, une autre apparaît et détruit la première. Ben
PARTIE DU TOUT À BEN (1960) 42
PARTIE DU TOUT A BEN (MES PANTALONS)
1960 / 1962 Peinture sur bois, verre, pantalon, ceinture en cuir 60 x 40 x 7 cm Collection de l’artiste, Nice
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PARTIE DU TOUT A BEN
1960 Photographie Collection particulière
PARTIE DU TOUT A BEN
1960 Photographie Collection particulière
PARTIE DU TOUT A BEN
PARTIE DU TOUT A BEN
1960 Photographie Collection particulière
1960 Photographie Collection particulière
PARTIE DU TOUT A BEN
1960 Photographie Collection particulière
PARTIE DU TOUT A BEN
PARTIE DU TOUT A BEN
1960 Photographie Collection particulière
1960 Photographie Collection particulière
RIEN (1960)
JE SIGNE RIEN
1960-1966 Peinture sur toile 46 x 61 cm Collection de l’artiste, Nice
RIEN
1960 / ca. 1965 Peinture sur toile 30 x 40 cm Collection Staatliches Museum, Schwerin
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RENVERSEMENTS (1961) De même que la vision d’un déséquilibre crée un choc si on prend une boîte remplie de petits objets, clous, jouets, casseroles, poupées, etc., et on la renverse pour voir tous les objets suspendus en l’air, cela crée aussi un choc. C’est cette idée qui m’a poussé à créer mes RENVERSEMENTS. 1959 : Pot de peinture rouge KILT (marque Prisunic) renversé sur un portrait de famille suspendu au mur. 1962 : Malle suspendue au plafond contenant, attachés par des fils de nylon des centaines d’objets qui tombent dès qu’on ouvre le couvercle avec une ficelle. Ben
TOUT (Janvier 1961. Texte Écrit) Je veux TOUT. J’aime TOUT. Je prends TOUT. Je sens TOUT. Je suis TOUT. Je sais TOUT. Ben
TOUT (Janvier 1961) Vente de l’Afrique à M. Marc Roux, en échange d’un Manuscrit de son cru et de 0 NF 20. L’Afrique est ici entendue comme une entité géographique et ne peut être divisée. Ben 49
VRAIS PASTICHES ET FAUX (1961) En janvier 1961, j’ai pastiché pour créer. Lorsque je pastiche pour créer, la création originale est dans l’intention que je porte en moi de créer une personnalité en pastichant. Il faut qu’un faux Klein par Ben soit un faux Klein par Ben et non un faux Klein seulement. Jusqu’à nos jours l’Artiste ignorait encore la beauté du pastiche par peur de ne pas être original. Car, soit il pastiche pour pasticher et accorde moins de valeur à son pastiche qu’à l’original. Soit, il pastiche inconsciemment et croit être personnel. Soit, il pastiche en manière de plaisanterie. Mes Pastiches sont accompagnés d’un Certificat d’authenticité de Pastiche. BEN. Janvier 1961 : Réalisation d’un très beau Faux Martial. Exposition de Faux : Raysse qui faillit me coûter un procès. Si j’ai entrepris la création des pastiches, c’est que le problème de la création est le problème même du pastiche. C’est par rapport AU MUR DU PASTICHE ou plus EXACTEMENT au MUR DE LA PEUR DU PASTICHE, que l’Art contemporain se place. Aucun créateur conscient du pastiche reste dans ses griffes et il a souvent peur d’y être inconsciemment. ÊTRE C’EST PAS ÊTRE PASTICHE Mais même ce Mur, le Créateur doit le Briser – et je l’ai fait par Œuvre d’Art. Un Ben sous Klein égale Klein sous Ben. Ben
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FAUX FONTANA PAR BEN
1961 / 1967 Toile sur châssis, apprêtée en blanc et taillée cinq fois verticalement 38 x 46 cm Collection Alocco, Nice
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TERRAIN VAGUE
1961 / 1970 Photographie Collection particulière
TERRAINS VAGUES (1961) Description: Entouré d’un mur noir de 1 m 30 de hauteur, 80 cm de large, un terrain vague 240 m2, bosselé, contenant quelques cageots, 2 OU 3 bidons, des ordures et une cinquantaine de vieilles boîtes de conserves vides, une seule porte en bois noir massif avec cet écriteau : TERRAIN VAGUE : 40 m x 60 m. – Sculpture créée le 10-2-62 par BEN. Créations : Créer des terrains vagues sur les terrasses des buildings, dans les jardins publics et dans les parcs privés. Arguments : Le coefficient de réalité esthétique qui rend effective le terrain vague, œuvre d’art, résulte des points suivants : 1° Dans l’atmosphère et le plaisir tactile intense que procure une promenade dans un terrain vague ; 2° Par la rareté de ces terrains vagues dans les villes modernes ou dans les parcs et jardins de richissimes. 3° Que grâce aux terrains vagues on s’aperçoit que la notion de sculpture se dégage de celle de la hauteur. Suite à cette œuvre j’ai signé : 1) Lit de Rivière large. 2) Terrains de construction. 3) Place de Village. 4) Cours de Maisons. Ben
À gauche : TERRAIN VAGUE
1961 / 1970 Photographie Collection particulière À droite : TERRAIN VAGUE
1961 / 1970 Photographie Collection particulière
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LE TEMPS
1961 Photographie Collection particulière
TOUT – DÉFI À TOUS LES CRÉATEURS (1961) À ma conférence du 17 février 1961 pour réaliser et affermir ma prise de possession du TOUT du 27 janvier 1960, j’ai lancé le défi à quiconque de me trouver un sens, un mot, une idée dont je ne puisse transformer le contenu en œuvre d’art. M. Raysse qui était présent prit le Larousse illustré et l’ouvrant à la page 629, me lit MATRICE. Ben
TOUT (Texte 1961) « En 1961, j’ai dit et écrit que celui qui provoquerait la fin du Monde serait un « grand créateur ». Aujourd’hui 7 juin 1961, je signe la fin du Monde, Ainsi que le Rebut du Monde. Ainsi que tout le reste. » Ben LE TEMPS
LE TEMPS (1961) En juin 1961, émerveillé par un métronome d’occasion, je conclus à la beauté plastique et immatérielle du temps. Boîte à éternité (1961) : Contenant un temps immortel même après destruction du contenant. Délivrance d’heure (1961) : À la question « Quelle heure est-il ? ». Je juge le temps en œuvre d’art par la réponse écrite et précise de l’heure qu’il est (en collaboration avec l’horloge parlante). Certificats rouges (1962) : Attestant de la réalité artistique d’un laps de temps précis contenu entre deux autres temps précis. Ben 54
1961 Photographie Collection particulière
MENSONGES (1961) En 1961, j’ai créé des mensonges par communiqués à la Presse. Entre deux mensonges, il y a une différence de qualité. Cette différence prouve l’existence de la réalité esthétique du mensonge : EXEMPLE : Le 17-7-62 Castro était incognito à l’Hôtel Ruhl sous le nom de JOSÉ BORIGA. Il s’était rasé. Ben
TOUT (TEXTE) (7 novembre 1961) Vu mon état d’esprit aujourd’hui. Tout ce qui me tombe sous la main est Œuvre d’Art. Ben
JE SIGNE TOUTES LES COULEURS
1961 Encre et nuancier de couleurs sur carton 31,3 x 24,1 cm The Museum of Modern Art, New York. The Gilbert and Lila Silverman Fluxus Collection Gift, 2008
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TOUT (1961) Le Larousse en 8 volumes. La British Encyclopedia. L’Histoire de l’Art (Conférence du 17 novembre 1961). Toute la collection « Que sais-je ? ». La Bibliothèque Nationale. Ben
TOUT
(“BEN
/ / CATALOGUE”)
COMPLETE WORKS
EVERYTHING FLUXUS
1961 / 1969 Marqueur noir sur Larousse de Poche Environ 16 x 10,5 x 2,5 cm The Museum of Modern Art, New York. The Gilbert and Lila Silverman Fluxus Collection Gift, 2008
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DIEU (1961) MOI BEN J’EXPOSE, JE SIGNE ET JE VENDS DIEU. Durant l’été 1961, j’ai présenté à Yves Klein et à Arman une balle de ping-pong contenant Dieu. Considérant que Dieu pourrait être quelque part ou partout, Dieu peut être localisé (Statues, Crucifix). Je l’ai mis en boîtes noires où je l’ai signé (DIEU) en tant qu’œuvre d’art. L’importance et le prix de la création sont évalués au cubage de son contenant. Accompagné selon le désir du client d’hosties ou de pain, de vin et d’un certificat d’authenticité. (A) Dieu en lettres 10 Dollars le cm3 – 1961. (B) Dieu en boîte 1961. (C) Dieu en sachet 1961. (D) Dieu c’est MOI 1962. Ben DIEU
1961 / 1962 Peinture sur bois 38 x 98,5 cm Collection Muriel Lepage et Margot Dallier, Nîmes
DIEU
1961 Peinture sur bois 41 x 136 cm Collection de l’artiste, Nice
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SI DIEU EST PARTOUT IL EST AUSSI DANS CETTE BOITE A CHAPEAU
1961 / 1962 Peinture blanche sur boîte à chapeau 29,5 x 30 x 18 cm Collection de l’artiste, Nice
DIEU
1961 Peinture sur toile 41 x 59 cm Collection Louis Cane, Paris
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OBJETS PSYCHOTACTILES (SCULPTURE) 1961 En 1961, j’ai créé des sculptures psycho-gestuelles d’objets qui appellent par elles-mêmes le geste : un marteau, une poignée d’alarme, un tableau de commande, la tirette d’une chasse d’eau, etc. L’originalité de la création est ici dans le devoir et le plaisir qui incombent au spectateur de se servir de l’œuvre. 1961 – W.C Chasse d’eau et siège. 1961 – Tableaux de commandes. 1962 – Panneaux d’objets psycho-gestuels. Ben
OBJET PSYCHOTACTILE
1961 Interrupteur et peinture sur bois 28,5 x 28,5 cm Collection de l’artiste, Nice
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ASSOMMER DES INDIVIDUS (1961) Devant cette création la réaction sinon l’interprétation de tout individu assommé est identique. Choc douloureux et perte de conscience. Cette particularité donne à l’œuvre gestuelle d’assummer une réalité esthétique objective. C’est-à-dire que pendant la durée de création de l’œuvre, il n’y a pas plusieurs appréciations possibles, mais une seule, le sommeil, celles-ci apparaissent seulement au prix de l’œuvre 200$ et à la forme du certificat. Ben
FAUX TABLEAUX PUBLICS (1961) Il s’agit de chambres à l’entrée et au-dessus desquelles on lit l’inscription : CLOUEZ, COLLEZ, ÉCRIVEZ ICI CE QUE VOUS VOULEZ. L’œuvre est à la fois toujours et jamais finie. LABORATOIRE 32 – (1961) Dans le même esprit, j’ai créé en 1961 une boîte dont le contenu est en perpétuel mouvement. Cette œuvre d’art portait sur son couvercle l’inscription suivante : GRATUIT PRENEZ METTEZ. La création de l’artiste est dans le choix du moment où il décide que l’œuvre est finie. Ben GRATUIT PRENEZ METTEZ
1958 Peinture sur métal 55 x 39 cm Collection de l’artiste, Nice
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RIEN FAIRE (1961) Projet À la recherche d’une nouvelle expression par rapport à tout l’art qui est création d’œuvres visibles ou tangibles, j’ai pensé créer : L’inactivité : RIEN construire, ne RIEN détruire. C’est-à-dire faire uniquement constater ma création inactive par un huissier toutes les fins de mois. Il ne s’agit pas de l’immatériel de Klein mais de l’inaction créative. Ben
L’UNIVERS (1961) Parce que c’est important pour moi d’être le Plus Grand, il a fallu que je signe ce qui est le plus grand. Je signe et j’expose : le mot, son sens, son contenu, son contenant, son temps, sa forme et le reste. Ben
LES AUTRES (1961) La conscience des autres a, de tout temps été très forte en moi. Agressivité-Psychopathe. Je n’existe que par rapport aux Autres. Je veux détruire les autres. Et dans ma jalousie cette conscience est devenue Réalité Esthétique : il y a : les AUTRES et MOI. C’est tout, et les AUTRES sont en MOI. Pour dépasser, détruire, être, par rapport aux autres en 1961 je décide et j’écris : J’EXPOSE – JE VEUX – JE SIGNE – TOUS LES AUTRES. Il s’agit bien sûr d’une création subjective, la liste des autres que j’expose étant celle des Artistes ou des individus que je voudrais qu’on considère mes inférieurs. Ben 62
LES VÉRITÉS (1961) La vérité existe et est belle par essence, alors je la communique et crée par toile, par lettre, ou même oralement des vérités telles que : 1 + 1 = 2. Ben
TOILE DE 45 C.M. DE LONG
1961 / 1966 Peinture sur toile 38 x 45 cm Collection Daniel Templon, Paris
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LISTES (1961)
LISTE DE TRAVAIL
1961 Encre sur papier buvard 23 x 21 cm Collection de l’artiste, Nice
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ACCIDENTS ET CATASTROPHES (1961) La plastique de certaines photos de catastrophes, d’accidents, me décide en juin 1961 à Apposer ma signature sur la carrosserie d’une voiture écrasée et enchevêtrée avec un arbre. Puis, emporté par mon élan créateur, j’ai signé. AGADIR : Tremblement de terre (documentation sur panneau). FRÉJUS : Le barrage qui, en cédant, causa la mort de 300 personnes. HIROSHIMA : Que je rappelle est un de mes exemples les plus réussis de cette catégorie d’œuvres d’art créée par le génie de l’homme et même si l’intention artistique manquait on ne peut que se féliciter de sa réalité esthétique. Ben
TOUT – LA MATRICE (1961) Sur défi de Martial Raysse, j’expose : Une matrice : ex-matrice de Marie Mère de Dieu. C’est-à-dire de ma mère. Ben
TOUT (1961) (Texte) TOUT M’APPARTIENT. TOUT APPARTIENT À BEN. Ben
TOUT (1961) (Texte) JE VEUX TOUT. JE NE VEUX PLUS RIEN CROIRE. NE RIEN FAIRE. QUI NE SOIT MOINS QUE LE TOUT. ET JE NE VEUX PAS QUE MON TOUT SOIT LITTÉRAIRE. Ben 65
TOUT (Texte 1961) Tout dans mon esprit est substance des autres et les autres c’est de la littérature. Je sens que tout est moi. Je voudrais être tout. Je sais je pleure pour moi être immense. J’aime parler des mots. J’aime TOUT. Ben
TOUT. Je signe le Monde. Œuvre d’Art – Texte (1961) Ben
PAS D’ART
PAS D’ART (1961-1962)
1961 / 1968 Peinture sur bois 36 x 101 cm Collection de l’artiste, Nice
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KEINE KUNST PAS D’ART NO ART
1961 / 1964 Impression sur sac en papier 45,5 x 34 cm Collection de l’artiste, Nice
BEN (mars 1962) Je m’expose, je me signe (fesse gauche). Je me vends. Je suis donc une œuvre d’art créatrice d’œuvres d’art. (Machine outil). Prix : 500 $. L’achat de mon corps donne le droit de considérer ma personne en tous les instants de ma vie comme une œuvre d’art appartenant à mon acquéreur, à l’exception de ma production créatrice. Ben
TOILE RETOURNÉE (1962)
ROBERT FILLIOU LORS DE L’EXPOSITION DE BEN VAUTIER À LA CÉDILLE QUI SOURIT, VILLEFRANCHE-SUR-MER
1966 Photographie Collection particulière
TOILE RETOURNÉE
1962 Toile et cadre noir 60,5 x 46 cm Collection de l’artiste, Nice
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CHÂSSIS (1962)
CHÂSSIS
1962 Bois, clous, morceau de toile et encre 51 x 69 x 6,5 cm (encadrée) Collection Jon et Joanne Hendricks, New York
LES BUVARDS (1962)
BUVARD
1958 Papier buvard et traces de peinture 50 x 32 cm Collection de l’artiste, Nice
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INSOLATION (1962)
INSOLATION (THE SUN AS AN ARTWORKER)
1962 Velours, bois, clous, peinture sur cadre en bois 30 x 33 cm Collection de l’artiste, Nice
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DÉCOMPOSITIONS ET POURRITURES (1962) de viande, de légumes, de fruits et d’êtres vivants. Le 17 février 1962, à ma Conférence, j’ai exposé deux cadres de viande en état de décomposition en forme de boîte sous verre, et une sculpture spatiale suspendue, de trois kilos de mou (Poumon de bœuf). Le 3 mars 1962, j’ai acheté et exposé dans une cuve de verre une partie de tête de bœuf. La puanteur et les agents de police m’obligèrent à interrompre la métamorphose de l’œuvre d’art. Le 5 mars 1962, filet à provisions avec 1 kilo de pommes de terre et 3 betteraves, suspendu sur un tableau. Le 10 mars 1962, j’échafaude le projet de laisser pourrir dans un sarcophage en verre le corps de ma mère ou de ma femme après leur décès. Ben
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CIBLES (1962)
LA CIBLE
1962 Peinture sur mannequin 81 x 50 x 13 cm Collection de l’artiste, Nice
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LES TAS (6 août 1962) La différence entre un tas et une accumulation est dans l’essence même du tas qui est régi par la loi de la pesanteur et dont la base est toujours plus large que le sommet. Il faut bien différencier le mot TAS pris au sens propre, du mot TAS pris au sens figuré. 3 août 1962 : Tas de sable balayé dans les rues. 5 août 1962 : Le tas de cendre à la Bourse. 6 août 1962 : Tas de sable dans les Entrepôts Sclavo. Projet de tas de sable dans des Galeries. Ben
LES TAS
1962 Photographie Collection particulière
LES TAS
1970 Photographie Collection particulière
FILS HORIZONTAUX AVEC OBJETS DIVERS SUSPENDUS (1962) Juin 1962 : Linge suspendu. Juillet 1962 : OBJETS quelconques suspendus. Ben
HORIZONTAL LINE
1962 Peinture sur toile blanche, papier collé, corde blanche 20 x 25 cm ; 37 m de corde Collection de l’artiste, Nice
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HORIZONTAL LINE
1962 Peinture sur toile blanche, papier collé, corde blanche 20 x 25 cm ; 37 m de corde Collection de l’artiste, Nice
TIRER HORIZONTALEMENT ET EN LIGNE DROITE LE PLUS LOIN POSSIBLE, ATTACHER AU LIEU ATTEINT PUIS RECOMMENCER DANS UNE AUTRE DIRECTION.
1962 / 1967 Peinture sur toile, casier en bois, bobine de fils 40 x 63 x 7,5 cm Collection Alocco, Nice
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