FRANCE - MEXIQUE. L'aventure architecturale des émigrants barcelonnettes (extrait)

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© Somogy éditions d’art, Paris, 2013 © Musée de la Vallée, Barcelonnette, 2013 © Sabença de la Valèia/Amis du musée de la Vallée, Barcelonnette, 2013 Ouvrage réalisé sous la direction de Somogy éditions d’art Conception graphique : Audrey Hette Fabrication : Michel Brousset, Béatrice Bourgerie, Mélanie Le Gros Contribution éditoriale : Nicole Mison Correcteur espagnol : Oscar Ferreyros Suivi éditorial : Marie Caillaud

ISBN 978-2-7572-0556-3 Dépôt légal : mai 2013 Imprimé en Italie (Union européenne)


L’aventure architecturale des

émigrants barcelonnettes

France - Mexique Inventaire non exhaustif du patrimoine monumental porté par les “émigrants-bâtisseurs” de la Vallée de l’Ubaye, au Mexique et en France, entre 1860 et 1960

Sous la direction de

Hélène Homps-Brousse

Unité patrimoniale des collections PHOTOGRAPHIE du musée de la Vallée, Barcelonnette Service de l’Inventaire général et du patrimoine, région Provence-Alpes-Côte d’Azur Archives d’Architecture du xxe siècle, Paris Archives privées, France et Mexique


remerciements Que toutes les personnes qui ont permis par leur précieuse contribution et leur généreux concours la réalisation de cet ouvrage trouvent ici l’expression de notre profonde gratitude : Bernard Toulier, qui, depuis 1999, invite l’histoire des Barcelonnettes dans les colloques et séminaires qu’il organise ; Leticia Gamboa, historienne mexicaine qui travaille sur la communauté des émigrants barcelonnettes au Mexique ; Geneviève Béraud-Suberville (Minouche), descendante franco-mexicaine qui m’a accueillie au Mexique et ouvert de nombreuses portes, et Bernard Martel, descendant franco-mexicain qui contribue à l’enrichissement des collections du musée de la Vallée. Une mention particulière pour : Gérard Monnier, professeur émérite de l’université de Paris I Panthéon-Sorbonne, et Louise Noelle Gras, professeur à l’École d’architecture de Mexico (UNAM), pour leur avis d’expert et leur relecture attentive. Pour leur aide et soutien actif : Marceline Brunet, chef du service de l’Inventaire général et du Patrimoine de la Région Provence – Alpes – Côte d’Azur et son équipe, Brigitte Fournel et Rachida Guedrez ; François Fray † ; Maryannick Chalabi, service de l’Inventaire du patrimoine culturel de la Région Rhône-Alpes ; Geneviève Cubizolle, documentaliste aux archives municipales du Cannet, Michèle Froissard, responsable du service Archives et Documentation d’Antibes ; Anne Gillet, Elena Cuq-Monges ; Sylvie Patron ; Jean Desobeau ; Éric Arnaud ; Henri Doërr ; Christian et Catherine Dejoie ; Olivier Vaginay ; Sergio Valerio (Universidad de Guadalajara), Fernando Aguayo (Instituto Mora, Mexico) ; Nicola Navone (Archivio del Moderno, Lugano) Rafaelli Ceschi, et le personnel des Archives d’architecture du xxe siècle (Paris). À tous les propriétaires des villas et biens patrimoniaux qui nous ont apporté leur concours et ouvert leurs fonds d’archives : Jany et Antoine Mondielli, Pierre Gosselin, Yvette Davin †, Françoise et André Gandoulf †, Bernard et Geneviève Meyran, familles Caire, François Lions, Brigitte le Clézio, Dominique et Olivier Barbaroux, Françoise et Christian Honnorat, Anne et Jean Chabre, Colette Bavoux, Janine et Raoul Maimone, famille Andruejol, André et Geneviève Meyran, famille Gallard, Jean-Louis et Chantal d’Anglade, Paul Ollivier, Jean-Pierre Aubert, Philippe et Colette Beraud-Bertrand, Gilbert Armando †, Charles de Baudan †, Pierre Audibert, famille Bouvet-Segaert, et tous ceux qui ont souhaité garder l’anonymat. Une mention particulière pour : Jean-Pierre et Monique Proal, Monique et Claude Tron, les membres de la famille Louppe, Jean-Paul et Michèle Gassier, Jacques et Nicole Lions, qui m’ont accompagnée durant ces années de recherche. Aux descendants des maîtres d’œuvre que nous avons pu rencontrer : Andrée Eynaudi-Blanc † ; Marc Tribout † ; Maïté Hiriart-Béranger ; François Dufayard, Paulette Rossetto † ; Martine Rossetto ; François et Isabelle BenoîtBonnat ; Gilles et Laurence Aillaud † ; Fabio Rieti ; Marthe Dubois † ; famille Rizzi † ; familles Lucchini, Macchi, Lurati, etc. Pour leur soutien financier : l’association Sabença de la Valèia/Amis du musée de la Vallée, la Ville de Barcelonnette, la Communauté de communes de la Vallée de l’Ubaye, le conseil général des Alpes-de-Haute-Provence, la direction régionale des Affaires culturelles de Provence – Alpes – Côte d’Azur (ministère de la Culture), le Pays Serre-Ponçon – Ubaye – Durance (PAH) ; le groupe Profina (Paris). Une mention particulière pour Daniel Spagnou, maire de Sisteron, ancien député de la deuxième circonscription des Alpes-de-Haute-Provence qui a soutenu cette publication au titre de la réserve parlementaire. Pour leur soutien et encouragement : Laurent Surmely, président de la Sabença de la Valèia ; Aude TochonDanguy, animatrice de « L’Architecture et du Patrimoine pays d’art et d’histoire “Pays S.U.D” » ; Fabienne Eynaud, responsable du service Culture et Patrimoine de la CCVU et la petite équipe du musée de la Vallée, la Sapinière à Barcelonnette. Une mention spéciale pour les photographes qui m’ont accompagnée dans la valorisation de ce patrimoine monumental : les photographes du service de l’Inventaire général Région Provence – Alpes – Côte d’Azur : Gérard Roucaute, Marc Heller et Frédéric Pauvarel ; les photographes qui ont permis la reproduction des œuvres et documents : Claude Gouron, Jean Bernard, Philippe Fuzeau et Thierry Bayaud.


SOMMAIRE 6

Préface : France-Mexique, les réseaux économiques et culturels des émigrants de la vallée de l’Ubaye Bernard Toulier Conservateur général du patrimoine, direction générale des patrimoines, ministère de la Culture et de la Communication, responsable du programme Architectures de la villégiature, centre André-Chastel

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Bosquejo de la presencia empresarial de los barcelonetes en México Leticia Gamboa-Ojeda Professeur-chercheur à l’Institut des sciences sociales et humaines de l’université autonome de Puebla (Mexique), membre du corps académique « México-Francia : presencia, influencia, sensibilidad »

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Les émigrants-bâtisseurs de la vallée de l’Ubaye ou le pouvoir de l’architecture Hélène Homps-Brousse Conservatrice du musée de la Vallée, La Sapinière à Barcelonnette

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Le patrimoine monumental de l’émigration au Mexique L’outil industriel : les fabriques textiles L’outil commercial : les grands magasins sous le double signe de l’architecture industrielle et du modèle parisien Le cadre de vie : du magasin à la villa, en passant par la fabrique La commande funéraire : du cimetière à la tombe

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Le patrimoine monumental de l’émigration en France Paris et Neuilly-sur-Seine Le littoral méditerranéen : Cannes, Le Cannet, Nice, Antibes Dans la vallée de l’Ubaye : entre le berceau et la tombe

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La postérité du mouvement migratoire ubayen au Mexique Geneviève Béraud-Suberville Présidente fondatrice de Raíces Francesas en México, A.C., Conseillère à l’Assemblée des Français de l’étranger (AFE)

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Album photographique et plans d’architectes Annexes Traduction du texte de Leticia Gamboa-Ojeda par Thierry Romera et Dominique Ruiz Tableaux des commerces, fabriques et banques par Leticia Gamboa-Ojeda Notices biographiques par Hélène Homps-Brousse Bibliographie


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PRéFACE France-Mexique, les réseaux économiques et culturels des émigrants de la vallée de l’Ubaye Durant l’Ancien Régime, l’économie de la vallée de l’Ubaye repose en partie sur l’activité textile associant manufactures de laine et moulinage de la soie. Les marchands valèians se répandent des Pays-Bas à l’Italie (Piémont), en passant par la Bourgogne et la région lyonnaise, pour vendre des marchandises textiles et de la mercerie1. Dès la fin du xviiie siècle, la migration dépasse les frontières de l’Europe pour atteindre la Louisiane, le Mexique et l’Argentine et devenir définitive. Au Mexique, les valèians, appelés les « Barcelonnettes », s’investissent notamment dans le commerce des tissus, puis, essentiellement, dans l’industrie textile et le secteur bancaire. Les plus fortunés reviennent au pays, surnommés alors « Américains » ou « Mexicains », et se livrent à des activités immobilières à des fins personnelles ou spéculatives. Cet ouvrage, dirigé par Hélène Homps-Brousse, est le fruit d’une longue et patiente recherche sur l’inventaire et l’étude du patrimoine monumental de ces « émigrants-bâtisseurs » au Mexique et en France. Le corpus de ces constructions, édifiées à partir de 1860 durant un siècle sur les deux continents, nous livre une documentation inédite, non seulement sur la nature et la mise en œuvre des bâtiments réalisés, mais aussi sur les commanditaires / maîtres d’ouvrage, les maîtres d’œuvre / architectes / entrepreneurs, et tous les acteurs de la construction. Il nous offre un matériau de réflexion exceptionnel sur les différents réseaux de la construction, depuis les cercles financiers des promoteurs jusqu’aux entreprises artistiques spécialisées dans le décor. Cette étude apporte de nombreuses clefs de lecture inédites pour l’histoire sociale et économique et pour celle de la construction et de ses pratiques à travers de multiples réseaux d’acteurs européens et américains, dans une interaction intercontinentale et multiculturelle en évolution sur près d’un siècle. Les relations et les croisements entre les membres de ces réseaux sont multiples, dépassant souvent les habituelles influences bilatérales Nord-Sud pour emprunter des chemins plus complexes via d’autres pays européens ou le relais des États-Unis. Le réseau des émigrants fonctionne selon des principes de solidarité, d’entraide et de cooptation assurant de solides relations familiales dynastiques qui aident les migrants à élargir leur aire d’influence du commerce à l’industrie et au secteur bancaire jusqu’à devenir les interlocuteurs privilégiés du gouvernement sous la présidence de Porfirio Díaz (1877-1911). Fondateurs du Palacio de Hierro à Mexico (premier grand magasin de nouveautés français au Mexique), les frères Tron sont actionnaires d’entreprises industrielles et membres de conseils d’administration de banques comme la Banco de Londres y México, l’une des plus puissantes banques du Mexique. En 1905, cinq des membres de son conseil d’administration sur douze, dont Henri Tron et Léon Signoret, sont des Barcelonnettes qui contrôlent 46 % du capital. Fondée en 1926, l’association Paris-Mexico réunit 135 chefs d’établissements et grands patrons français influents au Mexique dont une grande partie sont originaires de Barcelonnette et sa vallée. 1. Laurent Surmely, « Le réseau marchand de Jausiers (vers 1620-vers 1730) : préfiguration du mouvement migratoire vers le Mexique ? » in Les Barcelonnettes au Mexique. État de la recherche, Actes du VIIIe colloque international México-Francia, Barcelonnette, 15-17 avril 2009, coédition musée de la Vallée et Sabença de la Valeia, Barcelonnette (à paraître, automne 2013).


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À la tête des activités bancaires, commerciales et industrielles, cette bourgeoisie dynamique investit massivement dans le secteur de la construction : grandes usines et barrages hydrauliques, lotissements, cités et logements patronaux pour les ouvriers et les employés, grands magasins ostentatoires et hôtels luxueux avec galeries marchandes, hôtels particuliers et villas « patronales » à leur usage, villas-châteaux d’un éclectisme tempéré, édicules funéraires et de commémoration comme ancrage des mémoires particulières et collectives. La lecture de ces éléments d’architecture nous permet pour la première fois de reconstituer la chaîne économique des secteurs industriels jusqu’aux circuits de distribution des produits manufacturés mais aussi de retrouver l’origine et la diffusion des messages culturels véhiculés sur les deux continents, sur les sols mexicain et français. Les Barcelonnettes s’illustrent particulièrement dans deux programmes de constructions spécifiques apparus au xixe siècle : les grands magasins au Mexique et, en France, les architectures de villégiature sur la Côte d’Azur et dans la vallée de l’Ubaye. Engagés dans la révolution industrielle mexicaine, ils se lancent dans l’édification de chaînes de grands magasins monumentaux avec des succursales dans tout le pays, pour diffuser des produits textiles à bas prix, grâce à leur maîtrise de la chaîne de production mécanisée et en série. L’édifice précurseur du Bon Marché (1852) d’Alexandre Boucicaut, à Paris, a largement été démultiplié à travers toute la France à partir de la fin du Carte du réseau des acteurs de la construction en Europe (France/Angleterre/Allemagne/Belgique) et aux Amériques (États-Unis/Mexique/Argentine).

xixe siècle

dans les

chaînes des Magasins Réunis, des Galeries Lafayette, des Grands Bazars, des Printemps, des Nouvelles Galeries… Le modèle est bien connu dans les pays européens et en Amérique du Nord. Au Mexique,


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il fait appel aux procédés de construction métallique dans une écriture posthaussmannienne de dômes et de grands combles cintrés, avec revêtements de décors à la mode importés des manufactures et ateliers français et mise en œuvre des derniers progrès techniques (électricité, ascenseurs, escaliers roulants). Commerçants et affairistes, ces émigrants connaissent parfaitement les règles de la spéculation immobilière qu’ils mettent en œuvre au Mexique dans le lotissement de la colonia francesa, par exemple, ou en France dans les milieux de villégiature comme à Cannes. Le processus, bien connu, est parfaitement utilisé par les entrepreneurs barcelonnettes sur la Côte d’Azur, particulièrement au Cannet, à Cannes et à Antibes ; dans la vallée de l’Ubaye, à Barcelonnette et à Jausiers, et plus récemment dans la station de sports d’hiver de Pra-Loup : maîtrise du foncier et du bâti avec la création de sociétés civiles immobilières, investissement dans les moyens de transports, acquisitions ou constructions d’hôtels de luxe avec galeries marchandes, de villas-châteaux et de maisons de rapport, avec diverses participations au développement touristique. Paradoxalement, alors que les réalisations mexicaines se veulent généralement à la pointe du progrès industriel et de la mode, les constructions sur le sol français, lieu du retour aux origines, sont davantage marquées par une culture conservatrice et rassurante, marquée par une volonté d’expression de la réussite sociale mais aux antipodes des cultures modernes d’avant-garde. Ces investisseurs industriels sont également fascinés par les réalisations hausmanniennes et les monuments emblématiques, publics ou privés élevés à Paris sous le Second Empire et la Troisième République par les architectes issus de l’École des beaux-arts. À la fin du

xixe siècle,

l’architecture

néoclassique et éclectique de l’afrancesamiento effectue de brillantes percées dans de nombreuses jeunes capitales comme Buenos Aires, Rio de Janeiro ou Mexico. Dans son agence de Mexico, le Grand Prix de Rome Émile Bénard, auteur du Palacio legislativo édifié à Mexico (1903-1912, non achevé), est entouré des architectes français P. Dubois, A. Godard et F. Marçon. Ces trois associés signent ensemble en 1909 le Cercle français de Mexico. Le même architecte Dubois s’installe ensuite à son compte, enseigne à l’Academia de Bellas Artes et signe d’innombrables projets au Mexique, grands magasins, sièges industriels ou de journaux, hôpital, et une villa en France (Seyne-les-Alpes) pour le compte d’un émigrant français au Mexique. Pragmatiques, les Barcelonnettes font également largement appel pour leurs réalisations mexicaines aux maîtres d’œuvre locaux, ingénieurs architectes mexicains (dont certains sont formés à Paris) ou originaires d’autres pays européens mais établis au Mexique qui connaissent les modèles à la française ou européens et les catalogues en usage. Autour de 1900, il semblerait que le style adopté par ces migrants pour leurs propres maisons mexicaines soit assez éclectique, depuis la demeure néopalladienne en provenance de l’Angleterre (maître d’œuvre inconnu) jusqu’au chalet suisse (E. Fuchs, architecte d’origine allemande).

Carte du réseau des acteurs de la construction en France (Paris/Province) et en Europe (Angleterre/Italie/Suisse).


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Le réseau d’influences des architectes joue sur la mode de l’architecture beaux-arts à la française mais aussi sur la notoriété, le jeu des relations professionnelles et les solidarités familiales. Le réseau des maîtres d’œuvre croise parfois celui des maîtres d’ouvrage, notamment en France avec les alliances familiales entre la famille Signoret et l’architecte Joseph Hiriart, la famille Tron et les architectes Jacques et André Robert, la famille Gassier et l’architecte Eugène Ewald. Les réalisations édifiées sur le territoire français par les Barcelonnettes répondent aux mêmes objectifs pour le recrutement des maîtres d’œuvre, issus pour la plus grande majorité des agences locales ou régionales les plus proches du lieu de construction incluant les régions transfrontalières (Italie, Suisse). À l’exception des constructions publiques, les maîtres d’ouvrage ne recherchent pas une architecture luxueuse et ostentatoire. Pour témoigner de leur réussite sociale sur le sol natal, ces anciens négociants rentiers recherchent plutôt une architecture fonctionnelle et bourgeoise, plus proche du style éclectique ou pittoresque, voire régionaliste avec décors ornementaux industrialisés sélectionnés sur catalogue. Les Barcelonnettes possèdent une vaste culture technique, notamment dans le domaine textile, installent leurs maisons d’achats en Angleterre (Manchester) et sont en phase avec le progrès et la modernité industrielle. Ils font appel à des ingénieurs constructeurs de renommée internationale, comme Victor Dubreuil qui a œuvré dans les grands centres industriels lainiers et cotonniers du nord de la France comme à Roubaix, ou à l’architecte Edmond Liétard qui signe les projets de plusieurs usines à Tourcoing. Les espaces urbains et industriels ou ceux de la villégiature temporaire ou résidentielle se créent également à partir des réseaux personnels des Barcelonnettes migrants et nomades, suivant leurs relations sociales, culturelles ou territoriales et à partir des savoir-faire des animateurs et des promoteurs. Ces nouveaux espaces et ces nouveaux quartiers de migrants établis au Mexique où prédomine l’estilo francés actual portent la marque d’une nouvelle vision néoclassique et européenne. En France et au Mexique, ces réalisations sont ouvertes aux nouvelles images et représentations mentales, servent de creuset aux influences culturelles véhiculées par les maîtres d’ouvrage d’origine française et des maîtres d’œuvre de toutes origines. Les Barcelonnettes ont produit une architecture spécifique, dans des lieux de distinction privilégiés où s’exercent, circulent et se croisent de multiples modèles culturels en usage au Mexique et en Europe. Bernard Toulier Conservateur général du patrimoine, direction générale des patrimoines, ministère de la Culture et de la Communication Responsable du programme Architectures de la villégiature, centre André-Chastel


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BOSQUEJO DE LA PRESENCIA EMPRESARIAL DE LOS BARCELONETES EN MÉXICO Leticia Gamboa-Ojeda

L

a llegada a México de franceses provenientes del valle bajoalpino del Ubaye, o Barcelonnette,

empezó antes de que la conquista de la independencia (1821) condujera allí a varios miles de extranjeros no españoles. Desde 1891 se ha escrito sobre los tres hermanos Arnaud, cuya

historia se ha corregido y enriquecido en los últimos veinte años. Ahora se sabe que Jacques y MarcAntoine se instalaron en 1805 en la Louisiana, territorio de Francia vendido a los Estados Unidos apenas dos años antes. El primero comenzó a desplazarse a México después de 1810, obteniendo buenos beneficios de la compra de plata y de su acuñación. Recién se ha descubierto que el segundo formó parte de una expedición que zarpó de Nueva Orleans a México con el propósito de reanimar la lucha emancipadora (abril de 1817). Fracasado el intento, estuvo preso y fue desterrado; retornó a México en 1824 y se dedicó al comercio en la capital del país. En 1827 arribó Dominique, económicamente más destacado por su ejercicio del préstamo con interés y por su participación en la explotación de una tienda de telas y ropa (Las Siete Puertas), fundada por un borgoñés con el cual se asoció. Gracias a sus relaciones con franceses de otros orígenes geográficos que llegaron antes de los provenientes del Ubaye, Dominique se abrió paso en los negocios con relativa facilidad. Este Arnaud representa el primer eslabón de la cadena de barcelonetes en México. Fue el primero en llamar a parientes y amigos del país natal, a los que contrató como empleados. Al hacerlo, aplicó una antigua práctica de su Valle: fomentar la emigración de jóvenes en busca de mejores salarios, acumular un capital y construirse un futuro prometedor. Ninguno de los hermanos Arnaud regresó a Francia; pero en 1845 lo hicieron dos de sus empleados, quienes se habían independizado y habían montado su propia tienda en 1837 con la ayuda de parientes a su vez llegados desde el Ubaye. Los doscientos mil francos que cada uno trajo en su bolsa al regresar causaron revuelo en el Valle. El acontecimiento alentó la emigración a México, que entre 1886 y 1891 implicó a cerca de mil individuos, y a mediados de 1914 había alcanzado aproximadamente el doble (su nivel máximo). En 1864 contaban con 43 tiendas en todo el país, 191 en 1891 y 214 en 1910 (en su mayor parte de ropa y novedades, aunque también restaurantes, pastelerías, hoteles y otros rubros). En 1892 un retornado, Émile Chabrand, calculó fortunas de 50.000 a 800.000 francos pertenecientes a unos 450 originarios del Ubaye residentes en México, además de registrar unas tres decenas de millonarios. Por entonces los barcelonetes vendían al año, en gran parte del territorio mexicano, mercancías valuadas en 150 millones de francos. Estas cifras no deben hacer perder de vista el hecho de que sólo triunfó una minoría. Pero al mismo tiempo cabe observar que, debido a los valores y costumbres imperantes en la compacta comunidad que estos inmigrantes formaron, el éxito de unos pocos se percibió entre ellos como el de Las Fábricas de Francia – Derrière le comptoir (Guadalajara, État de Jalisco) P. B. Barnes. Photographie. 16 x 21 cm

muchos, dando esperanzas a todos. En el cuadro 1 se indican los dieciséis almacenes más importantes ubicados en la ciudad de México, así como los nombres de sus fundadores y propietarios. Este cuadro


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no es por supuesto exhaustivo y no permite captar, además, la gran movilidad de socios de cada almacén. Cabe observar que sólo tres tuvieron una vida efímera (los dos primeros en instalarse, Las Siete Puertas y La Corta Utilidad, en 1829 y 1838 respectivamente), La Estrella de Santo Domingo duró catorce años en manos de barcelonetes, mientras que La Francia Marítima y El Puerto de Veracruz llegaron a cumplir cien años, y cerca de esta cifra El Correo Francés. El Centro Mercantil y Las Fábricas Universales duraron menos, pero superaron el medio siglo y fueron también muy importantes. Sin embargo todos ellos fueron superados por El Palacio de Hierro, Las Fábricas de Francia y El Puerto de Liverpool, que sobreviven hasta hoy, con 114 años el primero, y aproximadamente 157 y 160 años los otros dos. A ello cabe agregar la expansión que estos tres almacenes han experimentado con el tiempo, abriendo sucursales en la propia capital mexicana y en no pocas ciudades del interior del país; sobre todo Liverpool que cuenta con un centenar. Transformadas sus empresas en sociedades anónimas desde hace tiempo, este almacén y el de Las Fábricas de Francia pertenecen todavía hoy a accionistas barcelonetes, mientras que esa presencia desapareció en El Palacio de Hierro en 1963.

Fabrique de Metepec (Atlixco, État de Puebla) Photographie. Non signée. 45 x 60 cm. Coll. part.


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Volvamos atrás para decir que las expectativas de prosperar aumentaron aún más entre estos comerciantes con el salto que los más exitosos y sagaces dieron hacia la industria. Al inicio priorizaron la industria textil del algodón, porque deseaban eliminar a sus intermediarios nacionales volviéndose sus propios proveedores, lo que en parte consiguieron. En función de su modernidad y tamaño, sus principales fábricas se situaron en Orizaba, estado de Veracruz (Río Blanco y Santa Rosa), donde además establecieron otras tres. En la capital del estado de Jalisco (Guadalajara y sus cercanías) tuvieron siete; en diversos puntos del estado de México el mismo número; en el de Querétaro tres, y en la ciudad de México y sus alrededores otras siete. Participaron asimismo en una de las más grandes (Metepec, en Atlixco, estado de Puebla); pero a diferencia de lo que ocurrió en las anteriores, en ésta su presencia fue minoritaria. En el cuadro 2 se consignan los nombres de todas esas fábricas; se puede observar que la mayoría de las veces, lo que estos hombres hicieron fue reunir las empresas comerciales que manejaban sus tiendas para crear consorcios que adquirieron y explotaron tales factorías. Ya que los datos ofrecidos llegan hasta 1910, conviene añadir que en las décadas siguientes adquirieron otras más: por ejemplo, La Constancia, El León y La Covadonga en el estado de Puebla, o Soria en el estado de Guanajuato. Pero mucho antes los barcelonetes habían alcanzado otro objetivo estratégico. En el curso de unos veinticinco años habían logrado eliminar a los intermediarios extranjeros (ingleses y alemanes) que los proveían de finas mercancías de vestir y de una gama de novedades europeas. Para ello, los principales patrones de las tiendas empezaron a viajar a Francia con cuanta frecuencia pudieron, a fin de surtirse directamente de infinidad de mercancías de buena calidad. En esta tarea les ayudó la intervención francesa en México (1862-1867), pues una línea marítima que se inauguró entre Saint-Nazaire y Veracruz para trasladar y aprovisionar a los miles de soldados enviados por Napoleón III, redujo considerablemente el costo y tiempo de las travesías, ventaja que ellos aprovecharon plenamente. Por otro lado, poco más tarde esos mismos patrones empezaron a volver a su país natal para abrir y atender sus propias maisons d’achats. Una vez hecho esto, no sólo las pusieron a su servicio, sino también al de las tiendas más modestas de sus paisanos en México, con lo cual se convirtieron en proveedores de una red extendida a muchas ciudades mexicanas, e incluso de tiendas de personas ajenas a su comunidad. Ferdinand Jauffred y Joseph Ollivier fueron los primeros en dar este paso. También Sébastien Robert actuó precozmente, siendo además el único que con la ayuda de jóvenes del Valle del Ubaye abrió y mantuvo una gran tienda en Argentina. Más adelante, Alexandre Reynaud, Léon Signoret, los hermanos Tron (Joseph, Henri y Justin) y Adolphe Richaud tomarían la misma iniciativa. De este modo, en las cuatro décadas finales del siglo XIX florecieron media docena de estas maisons, atinadamente consideradas por Jean-Louis d’Anglade como “pivote del potente desarrollo del comercio barcelonete en México”. Todas se instalaron en París y al menos dos tuvieron filiales en Inglaterra. Dueños, pues, de reputadas tiendas y de una serie de fábricas textiles en México, así como de sus maisons d’achats en Europa, los barcelonetes encumbrados a tal posición vieron crecer sus ganancias mucho más que las del resto de sus paisanos emigrados. Con ello apareció en el seno de su comunidad una élite que rigió los modos de vida de la misma y se vinculó con destacados políticos mexicanos. Lógicamente, esta oligarquía, cuyos integrantes fueron a su turno regresando a su país, extendió cada vez más sus intereses. Por supuesto que no todos llegaron al mismo nivel y sólo unos cuantos se elevaron a la cúspide: entre otros, Joseph Ollivier, Sébastien Robert, Alexandre Reynaud y Aimé Gassier.


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Desarenadores. Compañía Eléctríca é irrigadora en el Estado de Hidalgo, S.A. (1902) Photographie. 18,5 x 24,5 cm. Coll. part.

Fue especialmente en el inicio del nuevo siglo cuando esta élite ubayense se interesó en negocios variados. De este modo participaron –uno o dos de sus miembros en cada caso, y generalmente a título personal– en una gran fábrica metalúrgica (Fundidora de Fierro y Acero de Monterrey), en fábricas productoras de azúcar (Compañía Agrícola del Paraíso Novillero y Compañía Azucarera del Pánuco), de cerveza (Cervecería Moctezuma), de alcohol (Compañía Destiladora), de cigarrillos (Compañía industrial El Buen Tono), de papel (Compañía Papelera de San Rafael) y de objetos de loza y cristal (Fábrica del Niño Perdido y Cristalera Moderna), en una planta productora de explosivos (Compañía de Dinamita y Explosivos) y en algunas empresas de generación de electricidad (Compañía Hidroeléctrica e Irrigadora del Estado de Hidalgo, Compañía del Río de la Alameda), así como en empresas de lotificación urbana (Compañías de las colonias Condesa y del Valle). Pero antes de ingresar a estos sectores, y más o menos paralelamente a su injerencia en las actividades con que enfrentaron a sus intermediarios nacionales y extranjeros, los barcelonetes se fueron expandiendo a la banca. La participación de un grupo que representaba a sus empresas comerciales más importantes tuvo lugar en bancos de diverso tamaño, entre ellos los tres mayores: el Banco Nacional de México (BNM), el Banco de Londres y México (BLM), y el Banco Central Mexicano (BCM). En el primero la participación fue menor que en los otros. En el segundo adquirió notoriedad a partir de 1896 y más aún en 1899, cuando


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Banco de Morelos (Cuernavaca, État de Morelos) Action. 1903. Papier. 32 x 21,5 cm

al aumentar el BML su capital de 10 a 15 millones de pesos, lograron su control con el apoyo de bancos franceses. En el tercero, BCM, se manifestó su presencia a partir de 1907, al aumentar su capital de 21 a 30 millones de pesos por el aporte de franceses metropolitanos y de los barcelonetes más pudientes. Otra institución fue el Banco Agrícola e Hipotecario, en el cual se involucraron en 1905; bajo su impulso y el de los capitales captados al colocar sus bonos y obligaciones en la Bolsa de varios países europeos, y especialmente en Francia, se transformó en 1908 en el Crédit Foncier Mexicain. Y no tanto capitales, como gestiones de parte de los ubayenses, deben considerarse en la creación de la Société Financière pour l’Industrie au Mexique en París (1900), la que captó recursos en las bolsas de valores de esta ciudad y de Ginebra, con una sucursal en México donde el activo hijo del Valle, Henri Tron, figuró en su directiva. También hubo presencia ubayense en algunos bancos de provincia, todos de depósito, descuento y emisión local. Cabe destacar el Banco de Morelos, que un grupo barcelonete controló desde su inicio (1903). A través de sus empresas los hallamos asimismo en el Banco de Jalisco y Oriental de México, y de manera individual en el Banco de Querétaro. Finalmente, hay que incluir a la Compañía Bancaria de París y México, que si bien surgió más tarde (1909), lo hizo exclusivamente por iniciativa de los socios de los principales almacenes de ropa y novedades de la ciudad de México, quienes se proponían realizar operaciones de descuento y de crédito comercial a corto plazo, con las cuales esperaban fortalecer aún más sus empresas. En el cuadro 3 puede verse cuáles fueron, lo mismo que quiénes intervinieron en otros bancos, y los nombres de barcelonetes convertidos en distinguidos banqueros, como JeanBaptiste Ébrard, Sébastien Robert, Léon y Joseph Signoret, Augustin Garcin, Mathieu Lambert, Léon Honnorat, Alphonse Michel, Léon Ollivier, Honoré Reynaud y Émile Meyran. Detrás de las razones sociales de las empresas, hay otros que no aparecen en el elenco, pero bien pueden citarse por lo menos a cuatro de ellos: Joseph Ollivier, Alexandre Reynaud, Henri Tron y Gratien Guichard. La Revolución Mexicana (1910-1920), y en menor medida la Gran Guerra (1914-1919), afectaron prácticamente toda la economía del país. Pero al fin de cuentas, los cambios más fuertes se dieron en la política y no en la economía. Esto permitió la supervivencia parcial de los negocios de estos inmigrantes, que otras circunstancias terminaron disolviendo. Pero no desapareció el impacto cultural, especialmente causado por sus tiendas y reflejado en un consumo de estilo afrancesado por parte de las élites urbanas. Mientras tanto, su baja tasa general de retorno a Francia dejó semillas que fructificaron en sus numerosos descendientes, entre los cuales se mantiene todavía la memoria de sus logros. Puebla, enero de 2013.

La traduction du texte ainsi que les trois tableaux sont placés en annexes (pages 176-181).



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LES ÉMIGRANTS-BÂTISSEURS DE LA VALLÉE DE L’UBAYE OU LE POUVOIR DE L’ARCHITECTURE Hélène Homps-Brousse

D

urant les deux décennies antérieures à la Révolution (1890-1910), de nombreux chantiers transforment la capitale mexicaine en un laboratoire de formes et modèles architecturaux où s’activent et se croisent maîtres d’œuvre français, italiens, anglais, américains et

mexicains. Les nouvelles constructions, officielles et civiles, se distinguent toutes par la calidad de factura y las innovaciones de tecnológicas y funcionales (Louise Noelle Gras), donnant à voir le sentiment nouveau de la modernité. En 1898, le Palacio de Hierro, premier grand magasin de nouveautés français bâti sur les plans des architectes-ingénieurs parisiens Pierron et Debrie et inauguré au centre historique de Mexico sept ans plus tôt (1891), est à nouveau en chantier. Ses propriétaires, originaires de la vallée de l’Ubaye, projettent de doubler sa surface (rue San Bernardo 18), de construire en face une annexe qui abritera des ateliers de fabrication (Anexo) et, enfin, de bâtir une fabrique de bonneterie, baptisée La Perfeccionada. La maîtrise d’ouvrage sera portée au Mexique par Henri Tron1, directeur général de la société anonyme El Palacio de Hierro, et, en France, par Joseph, l’aîné de la fratrie (fondateur du Palacio de Hierro S.A), retiré du Mexique en 1880 et habité par « la maladie de la pierre »2, nommé président du conseil d’administration du Palacio de Hierro, dont le siège est à Paris. Les deux frères engagent une correspondance suivie de 1898 à 1905 ; des échanges et allersretours incessants, entre Mexico et Paris, font vivre de l’intérieur, mois par mois, le rôle et la véritable implication de la maîtrise d’ouvrage. Cette correspondance exceptionnelle, et inédite, constitue le journal de la construction des chantiers portés par le groupe du Palacio de Hierro ; un triple chantier, particulièrement emblématique de la réalité des constructions sous le Porfiriato (1877-1911), avec ce « lien » très fort « de l’architecture entre Mexico et Paris » (Françoise Dasques)3.

Du rôle du commanditaire Henri et Joseph Tron partagent chaque étape du chantier : « Nous avons trouvé bien l’idée de placer l’ascenseur dans le centre de l’escalier ; de même que les autres modifications que tu as fait. Selon tes indications, à l’avenir les lettres de Mr Hidalga [architecte mexicain] seront traduites ici, [à Mexico] et elles iront en français [à Paris] pour que directement elles puissent être remises à l’ingénieur » (lettre du 22 mars 1898). Concernant le chantier des ateliers situés Prolongación de Necatitlán (qui 1. On retrouve Henri Tron à la tête de la Compagnie industrielle d’Orizaba (et bien d’autres) ; membre du conseil d’administration de la Banque de Londres ; président de la Chambre de commerce française de Mexico et de la commission monétaire établie par le gouvernement mexicain sous la présidence de José-Yves Limantour, et conseiller du commerce extérieur de la France. 2. Cité

Las Fábricas de Francia – Le chantier de modernisation (Guadalajara, état de Jalisco) C. H. Barrière. Photographie. 16 x 20,5 cm

par Henri Tron à son frère Joseph : « L’affaire constructions va te donner pendant un an beaucoup de tracas, mais tu y es habitué et d’ailleurs la maladie de la pierre est naturelle chez toi » (lettre du 28 novembre 1898), Correspondance des Frères Tron (1898-1905), vol. III, archives privées, Barcelonnette, 2007.

3. Françoise

Dasques, Deux Rome : Mexico-Paris (1784-1920), le lien de l’architecture, thèse, 3 vol., EHESS, Paris, 2003.


18

occuperont 25 000 m2) : « Nous faisons le mur d’enceinte comme indiqué sur ton plan » (lettre du 15 décembre 1898). Concernant le choix des verres pour la façade : « Je suis de ton avis, que ce qu’il nous faut c’est du verre uni avec un dessin dans les coins par exemple et un monogramme au milieu » (lettre du 23 mars 1900). Des échanges font directement allusion au choix fait en terme d’architecture : « Au sujet des plans pour nos ateliers que je vous ai remis, après m’être fixé presque au toit sheds et le trouver plus joli, je reviens à l’azotea […]. C’est du reste l’opinion de Quevedo et Hidalga [architectes mexicains] que j’ai aussi consulté là-dessus. Si c’est aussi votre opinion là-bas [à Paris], tu n’auras à t’occuper de rien comme édifice là-dessus » (lettre du 10 novembre 1898). « Un petit croquis pour te donner un aperçu de notre idée », jeté à la main, accompagne parfois la longue lettre qui débute, systématiquement, par le sujet des « constructions » et se poursuit par la description du contexte économique et des affaires (industrielles et bancaires) en cours (lettre du 8 juin 1899).

Croquis Lettre du 8 juin 1899. Coll. part.

Il est aussi question de la réalité du terrain : « San Bernardo 18. Là, nos fondations nous ont donné beaucoup de mal. En effet depuis plus de deux mois que nous avons commencé la démolition, nous n’avons encore fini rien du tout […]. Nous avons du aller plus profond que ce que nous avons dans la construction actuelle, et cela sur une largeur d’environ 1m75 de plus. Nous avons employé pour cela le ciment fait ici qui nous donne un très bon résultat » (lettre du 22 mars 1898). On apprend les contraintes et les restrictions imposées par la ville de Mexico : « Dans la partie façade pour l’instant, nous n’avons encore rien fait, car peut-être en vue d’arrangement avec la ville [de Mexico], serons-nous obligés de laisser les coins en Pan-coupés » (lettre du 22 mars 1898). Plus loin, il est question d’obtenir une autorisation de la ville pour l’emplacement de la marquise : « J’ai causé avec Hidalga de l’idée de la marquise […]. Toutefois si nous décidons de la mettre, il nous faudra avant obtenir la permission de l’ayuntamiento » (lettre du 10 novembre 1898). La correspondance entre les deux frères Tron donne aussi des informations sur les autres chantiers en cours, tel que celui du groupe du Puerto de Veracruz, situé à proximité immédiate du Palacio de Hierro : « Les Signoret ont acheté leur maison et sont déjà entrain de démolir les deux autres, une dans [la rue] Capuchinas et l’autre dans la [rue] Monterilla pour les y adjoindre. Léon Honnorat est parti aux États-Unis pour étudier un plan avec un constructeur américain déjà connu ici et qui y construit des maisons d’habitation au Paseo de la Reforma » (lettre du 23 octobre 1899). Plus loin : « Signoret Honnorat ont commencé leur agrandissement, ils ont démoli déjà les 2 petites maisons de Capuchinas et ensuite le no 3 de la 2me Monterilla. Ils ont contracté le tout avec une Cie Américaine qui le leur fera bon marché, très-vite, pas cher, et pas solide, genre de ce qui existe déjà » (lettre du 15 novembre 1899). On découvre les difficultés de livraison et d’acheminement des matériaux importés depuis la France : « Les fers seront ici [à Mexico] dans une dizaine de jours. Ils sont à Vera Cruz depuis deux jours […]. J’ai demandé deux colonnes en plus, de cette façon nous aurons toute notre devanture sur colonne fonte » (lettre du 18 juin 1899). « Le plus grave c’est que nous continuons à ne rien avoir, qui nous permette de travailler » (lettre du 15 novembre 1899). « De Paris, l’on ne nous a pas remis encore

Avertissement : les textes extraits de la correspondance entre Henri et Joseph Tron ont été retranscrits en l’état, non corrigés.


19

L’agence d’Émile Bénard (Mexico D. F.) Photographie. Fonds F. Marçon. 17 x 23 cm

les échantillons de verres pour la façade San Bernardo » (lettre du 23 mars 1900). Henri Tron se plaint des problèmes d’adéquation des matériaux : « Tout vient très mal, il faut presque tout repercer ici. […] Rien n’est bien ajusté, il faut ici repercer ou recouper la plus grande partie » (lettre du 12 mai 1900). Henri Tron évoque la situation de la construction à Mexico : « Tout marche à peu près, pas vite certes car de ce pays ci, rien ne va vite et surtout en ce moment qu’à cause de la multitude de constructions, les ouvriers manquent complètement, que les salaires ont augmenté de 15 à 20 %, que les matériaux ont haussé de prix, et manquent cependant ou tout au moins sont très rares. En ce moment il n’y a plus ni maçons, ni peones » (lettre du 28 mars 1898).

Du rôle de l’architecte On assiste aux relations et échanges entre le commanditaire et l’architecte (voire les ingénieurs, constructeurs et fabricants de machines), pas si simples : « Je m’aperçois que notre ingénieur Mr Liétard, ne vaut pas Mr Dubreuil, surtout comme activité, car voilà plus d’un mois qu’on nous a promis le plan façade définitif et je ne le vois pas souvent arriver » (lettre du 22 mars 1899). On découvre ainsi l’étroite imbrication entre les projets portés et réalisés en France (c’est-àdire à l’étranger) et les projets portés et adaptés sur place au Mexique (c’est-à-dire localement).


20

Les frères Tron, qui ont d’abord fait appel aux architectes et constructeurs français (Paris et Roubaix) et européens (Angleterre et Allemagne), ont systématiquement associé les ingénieurs architectes mexicains qui sont aussi intervenus sur les plans, afin d’être « corrigés et adaptés au pays » [Mexique] (Ignacio et Eusebio de la Hidalga, Miguel Ángel de Quevedo). « Hier d’accord avec la demande faite par la lettre des successeurs Pierron4, nous avons câblé “Projet B solivage F” ou soit la proposition de ces Mrs [Hidalga]. Mr Hidalga est en train de préparer une note de détails là-dessus et je la remettrais de suite » (lettre du 15 décembre 1898). Dans sa thèse, intitulée Deux Rome : Mexico-Paris, qui examine, sous l’éclairage de l’architecture, la constitution du Mexique en regard de la France au 19e siècle, Françoise Dasques insiste sur le véritable rôle joué par ces ingénieurs mexicains de formation française, devenus les interlocuteurs privilégiés des industriels français implantés sur le sol mexicain5. Les architectes français et mexicains seront associés à l’ensemble de la commande, publique et privée. Parce qu’ils réaliseront le projet du magasin (l’outil de travail), les architectes se verront aussi confier le projet de la villa de retour en France (l’outil de la villégiature). Pierron et Debrie, auteurs du premier Palacio de Hierro, dessinent les plans de la villa L’Ubayette édifiée à Barcelonnette pour Antoine Proal. Auteur du nouveau Palacio de Hierro (1921), Dubois fournit les plans de la villa de Léon Remusat à Seyne-les-Alpes. À Guadalajara, l’architecte Ernesto Fuchs intervient dans la modernisation du grand magasin Las Fábricas de Francia et dans la construction de la maison d’habitation du commanditaire, Louis Fortoul. Des relations familiales réunissent encore architectes et émigrants-bâtisseurs : l’architecte cannois Jacques Robert épouse Fabienne Tron (fille de Joseph Tron) ; l’architecte basque Joseph Hiriart est marié à la fille de Joseph Signoret et Caroline Lacouture ; l’architecte parisien Eugène 4. Le

25 septembre 1898, on apprend la mort de Pierron, « lui qui avait fait l’étude de nos plans », op. cit.

5. Françoise

Dasques, op. cit.

Le sénateur André Honnorat en visite à La Experencia (État de Jalisco), le 18 janvier 1922. Frédéric Faideau. Photographie. 8,3 x 13 cm


21

Ewald est lié à la famille Reynaud-Gassier (sa fille Valentine a épousé Paul Gassier). Émile Aillaud, architecte parisien (né à Mexico), est lui, directement issu de l’émigration ubayenne au Mexique. Une situation qui perdure aux 20e et 21e siècles avec les architectes franco-mexicains (nés au Mexique) : Robert Jean, qui réalise les nouveaux entrepôts et bureaux de La Francia Marítima à Mexico, et Marc Suberville-Tron, qui construit depuis 1985 les nouveaux programmes commerciaux portés par le groupe Liverpool. En 1921, le nouveau Palacio de Hierro, reconstruit entièrement en béton après l’incendie de 1914, est inauguré. Cette même année à Barcelonnette, la vallée célèbre le premier centenaire du départ des frères Arnaud au Mexique6, en présence des membres de la « colonie mexicaine »7, parmi lesquels le « groupe cannois immobilier » qui vient d’achever la mutation de l’Hôtel Carlton. L’architecte du Negresco (Nice), Édouard Niermans, a fait le voyage pour examiner « sérieusement » le projet d’un Grand Hôtel à Barcelonnette. Ce même jour, le 25 septembre 1921, le ministre de l’Instruction publique d’origine alpine, André Honnorat (qui projette de bâtir une cité internationale universitaire à Paris), lance un appel à ses compatriotes en activité au Mexique pour recueillir « toute une collection de documents qui attestent la beauté de l’œuvre accomplie par les Barcelonnettes au Mexique. […] Donnez-nous des lettres, des dessins, des photographies, procurez-nous le moyen de montrer ce qu’étaient "nos maisons" du Mexique autrefois et ce qu’elles sont devenues, aidez-nous à consacrer le souvenir de leurs fondateurs, à retracer leur histoire8… » Un an plus tard, André Honnorat (1868-1950) part au Mexique et recueille les témoignages photographiques de l’activité commerciale et industrielle portée par les émigrants installés sur le sol mexicain dès 1815. Accueilli par Auguste Génin (1862-1931), le doyen de la communauté française au Mexique9, et par les chefs des maisons de commerce françaises établies à Mexico et en province (Monterrey, Guadalajara…), il visite chaque fabrique et est accueilli dans chaque établissement. À son départ, les acteurs de l’émigration lui remettent des photographies contrecollées sur support carton et des albums de photographies reliés plein cuir, qui lui sont personnellement dédicacés. Cette première collecte constitue le noyau historique de la collection du musée de la Vallée consacrée à la mémoire de l’émigration ubayenne. Depuis 1988, année de l’ouverture du musée de la Vallée, installé dans une villa édifiée de retour du Mexique (La Sapinière), l’unité patrimoniale Photographie est sans cesse enrichie par les descendants des migrants et acteurs du patrimoine monumental. Les fonds proviennent des archives familiales et sont confiés au musée pour être conservés et valorisés. Ce fonds photographique associé à la correspondance des migrants (mais aussi aux objets de l’autre culture rapportés en France)10 constitue une source patrimoniale vers laquelle se tournent régulièrement chercheurs mexicains et américains qui travaillent sur l’histoire de l’émigration française aux Amériques.

6. On sait, depuis 1993, que les trois initiateurs du mouvement migratoire de l’Ubaye vers les Amériques ont émigré dès 1805 (et non 1821) à destination de la Louisiane (au souvenir français) puis du Mexique. 7. Nom

donné en Ubaye aux migrants de retour du Mexique fortune faite.

8. Hélène

Homps, « André Honnorat et les affaires mexicaines », in Chroniques de Haute-Provence, no 359, hiver 2007-2008.

9. D’origine franco-belge, industriel, chroniqueur et collectionneur. Des liens familiaux le rattachent aussi à la communauté ubayenne émigrée au Mexique (famille Tron du Palacio de Hierro). 10. Publiés

dans l’ouvrage 1 000 petits chefs-d’œuvre du Mexique, la collection américaine du musée de la Vallée, coédition musée de la Vallée et Somogy éditions d’art, Paris, 2006.


22

Du rôle du photographe Les photographes aussi jouent un rôle dans la valorisation et la mise en scène de la commande architecturale ou de l’outil de travail. On relève de nombreuses signatures parmi lesquelles celles de photographes français et étrangers (issus également de l’émigration) installés au Mexique11. Spécialisé dans la photographie d’architecture, Guillermo Kahlo photographie aussi les grands magasins français de Mexico : Puerto de Liverpool, Puerto de Veracruz, Centro Mercantil, Correo Francés, etc. Des images des façades dont on a pris soin de privilégier « l’arête la plus photogénique de leur silhouette (tourelle, ou rotonde…), comme une figure de proue installée par le cadrage et accusant à escient le parallélisme parisien » (Françoise Dasques) ; des images intérieures qui multiplient les points de vue et les scènes de comptoir, sans oublier la photographie du personnel du magasin, qui pose sur les marches du grand escalier central. Catalina et Luis Guzmán photographient le nouveau Palacio de Hierro (1921) et les ateliers de fabrication qui abritent, sous les structures métalliques sans fin, le travail des ouvriers et ouvrières. À Guadalajara, le photographe Abraham Lupercio signe une série de photographies du magasin Las Fábricas de Francia à différents moments de son actualité : lors des fêtes du 14 Juillet (particulièrement suivies par la communauté française), entièrement pavoisé et arborant le drapeau français ou lors de la barata (le jour des soldes). Certaines poussent très loin la mise en perspective du magasin, littéralement extrait de son contexte, qui devient une image emblématique, une véritable icône de la réussite que l’on rapportera de retour en France. D’autres vues signées brièvement « Lup » montrent les chantiers de constructions hydrauliques (barrages, retenues d’eau…) très importantes dans le programme de l’industrie textile. Le photographe intervient cette fois en milieu naturel, et sa composition est celle d’un paysagiste qui s’attache à mettre en valeur le site et ses caractéristiques géographiques. Abraham Delgado, qui signe les clichés des principaux magasins de Guadalajara (Las Fábricas de Francia et La Ciudad de México), photographie aussi la vie à l’intérieur des fabriques. On découvre les abords de l’usine, les différents bâtiments associés à la population qui travaille et vit là. Loin des images trophées de l’outil industriel à l’œuvre (les machines et installations diverses), les photographies montrent des aspects plus intimistes, tel ce groupe de jeunes filles oisives autour d’un bassin, etc. Eugenio Downing, photographe américain installé au Mexique, signe en 1912 le panoramique de la fabrique de Río Blanco, exceptionnel par ses dimensions, où l’on découvre l’ensemble de l’usine et la cité ouvrière dans son site. Le photographe Stiffler (qui reste à identifier) réalise une série d’images sur la fabrique de Santa Rosa. Comme à Río Blanco, on retrouve les vues et perspectives des bâtiments alignés ; les ouvriers photographiés au moment de la sortie, privilégiant un effet de foule innombrable. Au Mexique comme en France, les émigrants-bâtisseurs de la vallée de l’Ubaye ont confié à l’architecture leur rêve de réussite. Ils ont utilisé indifféremment la pierre, le fer, le béton, le verre, le marbre ; ont eu recours au savoir-faire des architectes (et au regard des photographes), français et mexicains, comme en témoignent l’unité patrimoniale Photographie du musée de la Vallée et les différents programmes d’architecture pour la première fois réunis dans une publication. Barcelonnette, La Sapinière, janvier 2013. 11. On

se reportera aux notices biographiques, en annexe.

Las Fábricas de Francia – Vue générale de la façade (Guadalajara, État de Jalisco) Abraham Lupercio. Photographie. 22,5 x 29 cm


23



LE patrimoine

monumental de l’émigration au mexique

’ C

est au Mexique, « devenu durant le

xixe

siècle un pôle

d’attraction pour les hommes d’affaires et les investisseurs qui inaugurèrent de nouvelles formes d’intérêt pour les affaires du pays et de participation dans la vie locale, de nouvelles formes aussi de perception et d’évaluation de

leur réalité » (Alfonso Alfaro)1, que les émigrants-bâtisseurs de la vallée de

l’Ubaye font « l’expérience de la modernité ». Les émigrants français d’origine alpine, qui investissent principalement dans l’industrie, le commerce et la banque2, seront étroitement associés à la mise en œuvre de deux programmes emblématiques de l’ère industrielle : celui de la fabrique (textile) et celui du grand magasin. Ils interviendront aussi dans l’urbanisation des nouveaux quartiers de la capitale mexicaine (las colonias) et seront parmi les premiers lotisseurs en province (à Guadalajara), sans oublier la commande funéraire, du cimetière à la tombe. Les nouveaux programmes ont bénéficié d’un contexte politique particulièrement favorable qui s’inscrit dans la très longue présidence du général Porfirio Díaz (1830-1915). Durant cette période dite du Porfiriato (1877-1911), fortement marquée par l’attraction envers Paris, « qui a joué le rôle de centre de rayonnement majeur, concentrant sur elle l’image de la France, mais aussi résumant à elle seule toute la civilisation européenne »3, la jeune République des États-Unis mexicains (1810) vit à l’heure de l’afrancesamiento ou cosmopolitisme. Elle invite et accueille sur son sol des architectes, artistes, ingénieurs français et européens, et, dans le même temps, envoie ses propres techniciens, architectes, ingénieurs militaires se former en France. 1. Alfonso Alfaro, « Historia de dos miradas. Cartografía de un encuentro », in Francia-Mexico. Imagenes compartidas, no 39, Artes de México, Mexico, 1997. 2. On

se reportera aux tableaux synoptiques présentés par Leticia Gamboa-Ojeda et placés en annexe.

3. Annick

Lempérière, « Mexico, fin de siècle et le modèle français », in L’Amérique latine et les modèles européens, ouvrage collectif, L’Harmattan, Paris, 1998.

Le Zócalo et les grands magasins (Mexico D. F.). Vue aérienne. Aérofoto mexicana. Photographie. 18,5 x 24 cm


26

L’av entu r e a rchitectu ra l e d es ém ig ra nts ba rc e lonnettes

Ainsi au cœur de la capitale, le Paseo de la Reforma ou un « rêve d’haussmanisation » (Annick Lempérière), tracé sur les ordres de l’empereur Maximilien de Habsbourg (1832-1867), comme les nouveaux quartiers résidentiels de Mexico (colonias Roma, Juarez et Condesa) évoquent-ils « certains jolis coins de Paris, de Bruxelles, de Londres et de New-York. Les maisons ne sont plus uniformes et toutes à terrasses comme autrefois ; les unes rappellent les cottages des environs de Paris ; d’autres les maisons flamandes ou plutôt hispanico-flamandes de Bruxelles, Bruges et Anvers ; beaucoup sont des copies de maisons new-yorkaises et bostoniennes […] »4. En 1910, les « industriels notables5 » prendront part aux fêtes du premier centenaire de l’Indépendance du Mexique (1810-1910), durant lequel seront inaugurées « en une fois » les nouvelles et modernes constructions publiques officielles commanditées par le pouvoir mexicain et confiées principalement à des architectes français, suisses, italiens et anglais6. Parmi les protagonistes et acteurs de la modernité, on trouve les fabriques textiles et les grands magasins (Centro Mercantil et Palacio de Hierro) de la communauté française, qui défilent avec leurs chars allégoriques, immortalisés par les images signées Guillermo Kahlo7. Cette transformation à la fois urbaine et architecturale ne fait toutefois pas l’unanimité parmi les observateurs et

La direction du Palacio de Hierro dans l’escalier central 1911. Mexico, D. F. Photographie. Coll. part.

intervenants mexicains contemporains. « De même, certains édifices tels que grands magasins, bureaux, etc, ont été construits d’après les caprices de leurs propriétaires et

signifient seulement une grande dépense et un manque de goût complet. […] Est-il nécessaire de faire usage

4. Auguste

Génin, Notes sur le Mexique, imprenta Lacaud, Mexico, 1908-1910.

5. Le

Mexique, son évolution sociale, J. Ballescá et Cie éditeur, México, 3 vol., 1900-1902 (don de J.-P. Proal, 2011). Publié en français, l’ouvrage dresse « l’inventaire monumental qui résume en immenses travaux les grands progrès de la nation [mexicaine] au 19e siècle ». En illustration, le portrait des entrepreneurs barcelonnettes au Mexique. Noelle Gras, « México : las fiestas del Centenario, 1910 », Apuntes, vol. 19, no 2 : 228-235, 2006 ; et « Arquitectos y arquitectura francesa en México, siglo XX », Villes en Parallèle. Paris-México en miroir, no 45-46, Nanterre, université Paris-X, 2012.

des abondantes ressources que donnent les structures métalliques8 ? » On retrouvera ces structures métalliques omniprésentes, dans l’édification des établissements de nouveautés comme dans la construction des fabriques.

6. Louise

7. Album

oficial del Comité nacional del Comercio. 1er Centenario de la independencia de Mexico, 1810-1910, México, E. Gomez de la Puente editor, 1910 (coll. musée de la Vallée).

8. Manuel

Torres Torija, ingénieur civil et architecte. Cité par François Trentini, La Prospérité du Mexique, édition illustrée en français publiée avec l’autorisation du gouvernement mexicain, Paris, Boyveau et Chevillet, 1908 (coll. musée de la Vallée).


L’outil industriel les fabriques [textiles]

D

ans son rapport manuscrit adressé au ministre

de Guadalajara, […] » Le rapport poursuit en présentant les

du Commerce et de l’Industrie (Office national

différents « groupes » dirigés par les Bas-Alpins de l’Ubaye :

du commerce extérieur), l’émigrant Léon Signoret,

« ROBERT et Cie Sucrs ; JEAN Hermanos Cia ; Al Puerto de

fondateur associé du groupe Puerto de Veracruz et

Veracruz ; El Palacio de Hierro, […]10 ».

conseiller du Commerce extérieur de la France, dresse

Les réalisations industrielles, étudiées et publiées par

en 1900 le panorama de l’activité française au Mexique

le milieu universitaire mexicain depuis 198111, connaîtront

et cite, en exemple, les principales réalisations de ses

au fil des époques des fortunes diverses. Deux entreprises,

compatriotes. « À Mexico, 2 000 Français détiennent tout

implantées dans l’État de Veracruz, perdureront jusqu’à la

le commerce de luxe, les grosses maisons de nouveautés

fin du 19e siècle (seule la fabrique textile de Soria, dans l’État

[…]. Nombreuses aussi sont les industries que nous avons

de Guanajuato, poursuit son activité). Le musée de la Vallée

créées et qui prospèrent : la Compagnie industrielle

en conserve et présente le témoignage photographique.

d’Orizaba, établissement de filature, tissage et impression sur coton […] ; la fabrique de cigarettes El Buen Tono ; la fabrique de draps de laines, couvertures et tapis de San

Deux exemples

Ildefonso ; la fabrique de papiers en tous genres de San l’Etat d’Hidalgo, la Compagnie industrielle Veracruzana de

La fabrique Río Blanco (Société industrielle d’Orizaba) [1892-2002] : le choix du fer et l’écriture palladienne

Santa Rosa9[…] »

Elle sera la plus grande de toute l’Amérique latine et prendra

Rafael ; la compagnie de force électrique et d’irrigation de

Quarante et un ans plus tard, sous la présidence de Manuel

place dans l’histoire moderne du Mexique en jouant un rôle

Ávila Camacho, la situation semble inchangée. « C’est une

de protagoniste au moment de la révolution (la tragédie

des branches de l’industrie mexicaine à laquelle les Français

du 7 janvier 1907)12. La fabrique textile de Río Blanco sera

du Mexique ont apporté la plus active collaboration. On évalue à plus de 100 millions de piastres les capitaux français investis dans l’industrie textile au Mexique. Parmi les plus importantes fabriques, on peut citer la Compañía Industrial d’Orizaba, S.A (C.I.D.O.S.A) qui possède 4 usines à Orizaba ; la Compañía Industrial Veracruzana ; la Compañía Industrial

10. L’œuvre

des Français au Mexique. Rapport de la Légation de la République Française au Mexique, Mexico, juillet 1935 (revu et mis à jour en mars 1941, 23 pages, CADN, Nantes, 2007).

11. Bernardo García Díaz, Un Pueblo Fábril del Porfiriato : Santa Rosa, Veracruz, México, Fondo de Cultura Económica SEP/80, 1981. Depuis 1997, les chercheurs mexicains sont rassemblés dans un projet collectif de recherche, México-Francia : memoria de una sensibilidad común, siglos XIX, XX y XXI, ICSyH, Benemérita Universidad Autónoma de Puebla. 12. Bernardo

9.  Léon

Signoret, Notes sur l’Industrie et le Commerce français au Mexique (1900), fonds F. Arnaud. A. D 04.

García Díaz, La Huelga del Río Blanco (1907-2007), édité par B. G. D., textes de Moisés González Navarro, Aurora Gómez Galvarriato, Jean-Pierre Bastian, Rodney D. Anderson, Leticia Gamboa. Mexico, 2007.


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L’av entu r e a rchitectu ra l e d es ém ig ra nts ba rc e lonnettes

la pièce clef de l’une des principales zones de la croissance

La fabrique de Santa Rosa (Société industrielle de Veracruz) [1898-2001] : de la fabrique au musée

économique au début du xxe siècle » (María García Holley). La

Retiré des affaires en 1878, installé entre Barcelonnette

« Manchester mexicaine » tire son nom du fleuve Río Blanco

et Paris, Alexandre Reynaud décide d’investir à nouveau au

qui produit la force hydraulique nécessaire au fonctionnement

Mexique et vend pour cela sa résidence de villégiature en

des machines et au traitement des fibres. Elle sera inaugurée

Ubaye (La Sapinière). Il fonde en 1896 la Compañía Industrial

en grande pompe le dimanche 9 octobre 1892 par le général

Veracruzana qui lance la construction d’une nouvelle fabrique

Díaz, omniprésent.

textile établie à quelques kilomètres seulement de Río Blanco.

aussi « à l’origine du développement d’une municipalité et

Le programme architectural est ambitieux : la fabrique

Implantée sur la commune de Necoxtla (État de Veracruz), la

textile accueille aussi une cité ouvrière organisée autour

fabrique de Santa Rosa est spécialisée dans les toiles et tissus

de son église et de sa propre place publique. Elle deviendra,

de coton. Elle sera inaugurée le 25 juin 1899 par le président

après la révolution, une véritable « ville-usine » disposant

Díaz. « Les bâtiments de la fabrique fraîchement peints en blanc

d’importants équipements : infirmerie, école, cinéma

et en jaune, décorés aux couleurs françaises et mexicaines,

(édifié dans le style Art déco), un palais municipal, une

présentaient un aspect des plus riants. Cette vaste fabrique est

Maison pour les ouvriers et un parc aquatique récréatif.

aujourd’hui comme importance, la seconde de la République.

Les charpentes métalliques des ateliers, implantés sur

[…] Les travaux de construction ont été commencés en

17 hectares, ont bénéficié de la technologie importée

janvier 1898 d’après les plans anglais corrigés et adaptés

de France : les plans portent la signature de l’ingénieur

au pays par M. Quevedo. La fabrique occupe 1 500 ouvriers.

constructeur de Roubaix, Victor Dubreuil (1890 et 1891).

On fabrique 15 000 pièces de 27 mètres par semaine15 […] »

L’architecte Arturo Coca, lauréat de Centrale dans

On retrouve l’ingénieur mexicain Miguel Ángel de Quevedo,

les années 1850 et d’origine partiellement française

important personnage de la construction civile à Mexico16,

(La Nouvelle-Orléans), intervient dès 1889 et jusqu’en

formé en France, actif sur les chantiers des ateliers du Palacio

1892 . Le dessin de la tour à campanile signé Dubreuil

de Hierro, de la fabrique San Ildefonso et du Buen Tono.

13

adopte un traitement baroquisant. Avec son vaste portique-

En avril 2001, la fabrique textile qui fonctionne toujours

colonnade et la superposition des ordres grecs (dorique et

accueille dans les anciens ateliers un musée de site. Le

ionique), l’architecture du bâtiment administratif renvoie,

nouveau musée s’intéresse à l’histoire de la fabrique et plus

elle, directement à l’écriture palladienne.

largement à la mémoire industrielle de la vallée d’Orizaba

Encore en fonction en 2002, la fabrique a aujourd’hui

(État de Veracruz). Fondé et porté par le Pr Bernardo García-

cessé toute activité. Se pose maintenant la question de sa

Díaz, le musée, baptisé Museo Communitario de Ciudad

reconversion. C’est le projet de thèse en cours porté par

Mendoza (anciennement Santa Rosa), signe en avril 2004

María García Holley venue à Barcelonnette en octobre 2012,

une convention de jumelage avec le musée de la Vallée à

interroger à son tour l’unité patrimoniale Photographie du

Barcelonnette, installé dans la Sapinière édifiée en 1878 par

musée de la Vallée .

l’industriel Alexandre Reynaud et qui résonne comme un

14

retour aux sources ! 13. Françoise

Dasques, Deux Rome : Mexico-Paris (1784-1920), le lien de l’architecture, thèse, 3 vol., EHESS, Paris, 2003.

14. María

García Holley, La fábrica de la memoria. Propuesta para la reutilización del patrimonio industrial de Río Blanco, Veracruz, como medio de renovación urbana y turismo cultural, thèse, UNAM, Facultad de Arquitectura, Taller Max Cetto, México, 2012.

15. « Texte

d’inauguration de la fabrique le 25 juin 1899 » in Journal de Barcelonnette, 1899.

16. Gustavo

Becerril Montero, « Los espacios para la manufactura de lana en la fábrica de San Ildefonso a finales del siglo XIX », Boletín de Monumentos Históricos/Tercera época, no 15, Enero-Abril 2009.


29

l e patr im oine m onu m enta l d e l’ ém ig ration au m e x iqu e

La fabrique de Santa Rosa (État de Veracruz) E. D. Aguilar. Dessin retouché. 92 x 40 cm


30

L’av entu r e a rchitectu ra l e d es ém ig ra nts ba rc e lonnettes

Le Palacio de Hierro – Première étape (1891) 1891. Lithographie. 44 x 52 cm. Coll. part.


L’outil commercial  les grands magasins sous le double signe de l’architecture industrielle et du modèle parisien

u cœur de la capitale mexicaine, plus modestement en

A

Les maisons françaises sacrifient toutes à l’effet de

province où ils sont implantés (à Puebla, Guadalajara,

silhouette monumentale ordonnancée (avec plusieurs

Morelia, Durango, Jalapa, etc.), les émigrants-bâtisseurs

façades), à l’adoption du pan coupé, de la tourelle d’angle

s’installent sur la place publique (le zócalo), centre

avec coupole (ou dôme) et deviennent « les points saillants

névralgique de la ville où se trouvent les autres monuments

de la physionomie des villes ». Une recherche de visibilité

du pouvoir, religieux (la cathédrale) et politique (le palais

qui se veut la métaphore de la réussite commerciale et du

municipal). Le programme nouveau du grand magasin (le

capitalisme triomphant (Julien Bastoen)19. Ces véritables

palais du commerce) vient ainsi rivaliser avec les édifices

monuments urbains accompagnent le développement

publics (et historiques) et entre véritablement en concurrence.

de la ville (percement d’une avenue), la croissance

Chacun de ces établissements a son histoire propre,

démographique, et participent à l’effort de modernisation

parfois longue, et mériterait à lui seul une étude

qui caractérise les villes sous le Porfiriato.

monographique . Chaque fois, le même mode opératoire

Les noms choisis pour ces nouveaux palais dédiés

remplace le modeste négoce de la première génération

au commerce font encore (et toujours) le lien avec la

(1845-1885), appelé cajon de ropa avec son unique

France et l’Europe, et prennent le nom des capitales ou

comptoir (mostrador), par un grand magasin, baptisé

des ports : Ciudad de Londres, Ciudad de México, Ciudad

tienda departamental ou gran almacén, lequel abrite

de París, Nuevo París, La Parisiense, La Francia, Francia

désormais plusieurs départements spécialisés (de 1890 à

Marítima, Fábricas de Francia, Fábricas de Mexico, Fábricas

nos jours) . Soucieux d’incarner la modernité, le nouveau

Universales, Nuevo Mundo, México-Londres, París-Londres,

programme fait l’objet d’agrandissements successifs, voire

París et New-York, Correo Francés, Puerto de Liverpool,

d’une complète reconstruction. Seules deux enseignes

Puerto de Veracruz, Al Progreso20… Un seul établissement

commerciales seront créées en une seule étape et ne

dit clairement son appartenance à l’architecture de son

subiront aucun remaniement : Las Fábricas Universales à

temps : Palacio de Hierro (Palais de fer).

17

18

Mexico (1909) et la Ciudad de México à Puebla (1910).

17. Patricia Martínez Gutiérrez, El Palacio de Hierro, arranque de la modernidad arquitectónica en la ciudad de México, Mexico, Facultad de Arquitectura, Instituto de Investigaciones Estéticas, UNAM, 2005. Anilu Elías et Hermania Dosal, 150 años de costumbres, modas y Liverpool, Mexico, El puerto de Liverpool, 1997. 18. Geneviève

Béraud-Suberville, « Centinelas del pasado : del cajón de ropa a las tiendas-ancla », in Los Barcelonnettes en México : miradas regionales, siglos XIX-XX, Puebla, 2004. p 247-273.

19. Julien

Bastoen, « La “Parisianité” des Grands Magasins. Contribution à l’étude de son interprétation architecturale », Caminhos e identidades da modernidade, Coimbra, 2010.

20. Voir

Leticia Gamboa-Ojeda, tableau 1, en annexe.


32

L’av entu r e a rchitectu ra l e d es ém ig ra nts ba rc e lonnettes

Le Palacio de Hierro Incendie du 15 avril 1914 Isaac Moreno Photographie 17,5 x 12,5 cm


33

l e patr im oine m onu m enta l d e l’ ém ig ration au m e x iqu e

À Mexico D. F., centre historique

Le 15 avril 1914, le Palacio de Hierro est détruit par un incendie. Les frères Tron confient sa reconstruction à

El Palacio de Hierro (1891, 1901, 1911 et 1921, 2010) ou la modernité en mouvement

l’architecte français Paul Dubois associé à Fernand Marçon,

Le tout premier d’entre eux voit le jour à Mexico en 1891.

projet démarre après la guerre et la démobilisation de

Directement placé sous le signe de la modernité, il sera

Dubois23. Inauguré le 22 octobre 1921, le nouveau Palacio de

construit en fer et en pierre. Quatre ans plus tôt, en 1888,

Hierro fait clairement référence au Printemps reconstruit

Henri Tron avait été initié par l’ingénieur et industriel

par Paul Sédille. À l’intérieur, la verrière zénithale – datée

français Gustave Eiffel aux prouesses du fer, lors d’une

de 192124 – est confiée à Jacques Gruber, peintre-verrier à

visite mémorable de la tour en construction . Édifié à

Paris qui est déjà intervenu à Barcelonnette (villa Javelly)

l’angle des rues 5 de Febrero et Capuchinas, sur les plans

et que l’on retrouve au même moment sur le chantier du

des architectes et ingénieurs parisiens Georges Debrie

Centro Mercantil. Cette verrière qui marque le triomphe de

et Georges Pierron, le nouvel établissement se présente

l’Art nouveau tranche avec le style Art déco de l’enveloppe.

sous la forme d’un bloc compact. Sa structure est, pour

Elle a été restaurée en 2010 par Gabriel Herrera García.

la première fois, entièrement métallique, portée par les

Les façades, les coupoles (restitution des mosaïques) et la

constructeurs français Schwartz et Meurer et la fonderie

marquise ont été réhabilitées par l’atelier mexicain Taller

Moisant, et mise en œuvre sur place, par les architectes

de Arquitectura et Urbanismo (TA+U). Cent ans après les

ingénieurs mexicains Ignacio et Eusebio de la Hidalga. Le

célébrations du centenaire de l’Indépendance (1810-1910), le

procédé utilisé en fondations, dit « système de Chicago »

Palacio de Hierro retrouve son lustre et participe ainsi aux

(assemblage de poutrelles noyées dans du béton), sera

célébrations du bicentenaire (1810-2010) !

21

condisciples d’atelier dans l’agence d’Émile Bénard. Le

largement utilisé par les constructions futures.

considérable la façade avec un effet tour en retour. Dans le

Las Fábricas Universales (1909 et seconde moitié du 20e siècle) : Eugène Ewald (Paris) et Miguel Ángel de Quevedo (Mexico)

même temps, les frères Tron construisent un bâtiment annexe

L’architecte parisien Eugène Ewald, lié à la famille Gassier-

(Anexo) de cinq étages, destiné à contenir l’exposition de

Reynaud, signe les plans du grand magasin projeté par

meubles et de tapisseries, et lancent la construction d’une

Alexandre Reynaud. Présenté comme un modèle du système

fabrique de bonneterie, La Perfeccionada. L’entreprise

de ciment armé, il sera réalisé sur place par l’architecte

de modernisation et d’agrandissement du magasin est

ingénieur mexicain Miguel Ángel de Quevedo25. Baptisé Las

renouvelée dix ans plus tard. La création en 1911 de la

Fábricas Universales, le nouvel édifice situé à l’angle des

grande coupole (el Faro) donne au Palacio de Hierro son

rues San Bernardo et Monterilla, dans l’entourage immédiat

visage emblématique qui fera date. La référence avec les

du Palacio de Hierro et du Puerto de Veracruz en cours

modèles parisiens (Le Bon Marché de Louis-Charles Boileau,

d’extension, est inauguré en janvier 1909. À l’intérieur, on

Dix ans plus tard, en 1901, une première extension du côté de la rue de San Bernardo augmente de manière

La Samaritaine de Frantz Jourdain ou Le Printemps de Paul Sédille) devient explicite22.

23. Les

premiers plans datent de février 1918 et ont été exécutés à Lyon. Fonds Fernand Marçon déposé au musée de la Vallée en 2010.

24. La 21. Témoignage

recueilli auprès de Jean-Pierre Proal (famille Tron-Proal)

en 2007. 22. Recuerdo

de la inauguración de los nuevos almacenes El Palacio de Hierro, 1911, album illustré, A. Jehlen, Paris (coll. du musée de la Vallée).

date de 1921 est indiquée sur la verrière avec la signature du peintre-verrier.

25. Françoise

Dasques, « Elementos del patrimonio monumental francés en México », in Inventio, La génésis de la cultura universitaria en Morelos, Universidad Autónoma del Estado de Morelos, año 2, no 3, 2006, p. 83-87.


34

L’av entu r e a rchitectu ra l e d es ém ig ra nts ba rc e lonnettes

etc. Sur les façades et sur la coupole en partie ajourée, les

Puerto de Veracruz, Puerto de Liverpool, Ciudad de Londres, La Francia Marítima ou l’affirmation du modèle parisien

céramiques, directement importées de France, sont signées

Les enseignes du Puerto de Veracruz (Signoret, Honnorat

de la Maison Gentil & Bourdet (Boulogne-Billancourt).

et Cie), du Puerto de Liverpool (Jean-Baptiste Ebrard et Proal),

L’édifice abrite aujourd’hui la marque de vêtements C&A.

de La Ciudad de Londres (Joseph Ollivier et Cie) et de la Francia

propose les produits directement issus de la fabrique de Santa Rosa : mousselines, calicots, cretonnes, imprimés,

Marítima (Meyran, Donnadieu, Veyan et Jean) connaîtront elles aussi plusieurs étapes dans la modernisation de leur programme architectural et commercial. Le résultat, qui intervient parfois à la troisième étape, fait clairement référence au modèle haussmannien ou parisien : façades ordonnancées, traitement du mur à refends, niveaux de fenêtres-lucarnes, grands combles brisés (dits à la Mansart), zinguerie décorative, etc. Au fil des époques, certains édifices volontairement détruits seront reconstruits dans un nouveau style, sans jamais perdre de vue le rôle de l’architecture comme vecteur de la modernité. Exemple, le Puerto de Liverpool qui voit pendant un temps se juxtaposer le modèle haussmannien signé de l’architecte Rafael Goyeneche (en 1906) et le nouveau projet architectural édifié en 1936 par l’architecte Enrique de la Mora (Louise Noelle Gras). Las Fábricas Universales – Coupe longitudinale (Mexico) 1909. Coll. part.

El Centro Mercantil (1896, 1921, 1968) : un rhabillage signé Paul Dubois (architecte) et Jacques Gruber (peintre-verrier) Situé à l’angle de la rue de Tlaperos et de la place de la Constitucion (le plus bel emplacement commercial de Mexico), le Centro Mercantil (1896-1897) a été construit par les ingénieurs militaires mexicains Daniel Garza et Gonzalo Garrita pour le promoteur d’origine espagnole José de Teresa Miranda. Inauguré le 2 septembre 1899 par le général Díaz, ce centre commercial avant l’heure, de 3 600 m2, est destiné à abriter vingt-trois magasins et une centaine de bureaux. Passé sous le contrôle de l’émigrant Sébastien Robert un an plus tard (il en sera propriétaire le 30 janvier 1907), le magasin,

Las Fábricas Universales (Mexico) Plaquette de l’inauguration. 1909. Coll. part.

Page de droite : El Centro Mercantil – Perspective du grand hall Paris, avril 1913. Dessin. 114,6 x 89,2 cm


35

l e patr im oine m onu m enta l d e l’ Êm ig ration en F ra nce


36

L’av entu r e a rchitectu ra l e d es ém ig ra nts ba rc e lonnettes

qui devient le centre de formation des jeunes migrants

édifiés à Mexico et à Guadalajara26. La nouvelle construction,

ubayens à leur arrivée, va faire l’objet de transformations et

qui s’implante de manière stratégique à l’angle des rues

modernisations successives.

2 oriente et 2 norte, est inaugurée le 21 février 1910.

En 1913, les architectes français Dubois et Marçon

La structure métallique achetée en France est signée

travaillent, depuis Paris, à sa mise au goût du jour et signent

de l’entreprise parisienne Schwartz et Meurer. Le nouveau

une perspective du grand hall ambitieuse, utilisant les

bâtiment rappelle étrangement la silhouette des Nouvelles

prouesses techniques et décoratives du fer. Les légendes

Galeries de Bourges (1905) où de la même façon « le fer

sont rédigées en espagnol. Un premier projet pour la

affleure dans une enveloppe maçonnée et largement percée

verrière zénithale date du 25 février 1914. Cette opération

de grandes baies » (Françoise Dasques). L’édifice conserve

de rhabillage exemplaire met en scène un décor intérieur

son allure générale à l’exception du grand escalier central

entièrement Art nouveau, qui tranche avec l’enveloppe

à double révolution détruit entre 1988 et 1990. Classé

et sa colonnade (ordre colossal) de style néoclassique. La

monument historique le 19 août 1983 par l’Instituto Nacional

verrière signée Jacques Gruber porte la date de 1921 et a

de Antropología e Historia, il est l’un des 319 monuments

été restaurée en 2000, par Helen et Javier Cárdenas-López.

majeurs du centre historique de Puebla. Il abrite depuis 1991

L’édifice subira une dernière transformation architecturale

une chaîne nationale de restaurants (VIPS) et, plus récemment,

que l’on peut qualifier de style régionaliste (ou néocolonial) :

au deuxième étage, une galerie d’art (Capilla del Arte UDLA).

sa façade sur le Zócalo (Plaza de la Constitucion) sera « mexicanisée » et recouverte d’un parement de tezontle rojo

26. Leticia

Gamboa-Ojeda, « Un Edificio Francés », in colección Puebla, la Ciudad y sus monumentos, ICSyH – BUAP, Puebla, 1997.

(pierre volcanique rouge foncé), pour être en harmonie avec l’architecture du Palacio Nacional, qui a accueilli cette même transformation, en 1931, sous la présidence Calles. Devenu le Grand Hôtel en 1968 (à l’occasion des Jeux olympiques), il abrite aujourd’hui le Gran Hotel de la Ciudad de México inauguré le 15 juillet 2005 après une longue période de fermeture pour travaux.

En province : deux exemples À Puebla : La Ciudad de México (1910) Initialement installée au rez-de-chaussée de la Casa de los Muñecos, bel exemple d’architecture coloniale du 18e siècle, La Ciudad de México fondée en 1862 (première raison sociale) devient en 1900 le négoce le plus important de la ville. Ses propriétaires, les frères Lions associés à Adrien Reynaud, décident alors de construire un édifice moderne, « à la fois luxueux et spacieux », dans le goût des établissements Las Fábricas de Francia – Destruction et élargissement de l’avenue Juarez (Guadalajara) Mai 1948. Photographie. 9 x 10 cm


Las Fábricas de Francia, Guadalajara 1951. Photographie. Coll. part.

À Guadalajara : Las Fábricas de Francia (1878, 1898, 1951, 1988)

En 1905-1906, la nouvelle société Fortoul, Bec y Cía (les

L’histoire de ce magasin fondé en 1878 (Berlie, Bonnafoux,

France) acquiert un édifice mitoyen du sien et réalise une

Fortoul et Chapuy) est, une fois de plus, exemplaire de

augmentation significative du nombre de travées.

l’évolution

continue

du

projet

architectural.

associés changent au fil des générations et des retours en

Installé

En 1948, des travaux d’agrandissement de l’avenue Juárez

initialement dans una finca típica de la época colonial

entraînent la démolition volontaire et inéluctable du bel édifice

(une maison coloniale à deux étages), l’immeuble situé au

haussmannien qui avait survécu durant cinquante ans (Sergio

croisement des rues San Francisco et de Carmen (rues Juárez

Valerio Ulloa). Il est remplacé par un établissement moderne

et 16 de Septiembre) est entièrement réorganisé dans un

et fonctionnel (un simple cube) d’après des plans américains,

style moderne, dit estilo francés, sur les plans de l’architecte

inauguré en 1951. C’est au dernier étage que résideront André

Ernesto Fuchs, et devient una tienda departamental

Gandoulf et sa famille jusqu’à leur retour en France en 1959.

(1898). Les exigences portées par les commanditaires sont

L’établissement sera remis au goût du jour entre 1975 et 1980.

importantes : « […] la vente ne doit pas être interrompue un

Incendié le 19 novembre 1981, il sera démoli puis reconstruit

seul jour durant les travaux ; l’établissement sera augmenté

en 1988. En cent trente ans, Las Fábricas de Francia aura été

de deux étages grâce à l’introduction d’une structure

reconstruit cinq fois, occupant toujours la même implantation28,

métallique ; la sécurité des clients et des locataires devra être

à la croisée des avenues Juárez et 16 de Septiembre.

assurée et enfin, la poussière produite par les destructions devra être évitée pour ne pas altérer les marchandises »27 ! 27. J.

Figueroa Doménech, Guía general descriptiva de la República

Mexicana, México, R. de S. N. Araluce, 1899, t. II, p. 250-253. 28. Sergio Valerio Ulloa, Las Fábricas de Francia. Historia de un almacén comercial en Guadalajara, Guadalajara, Universidad de Guadalajara, 2010.


Le cadre de vie du magasin à la villa, en passant par la fabrique

A

u Mexique, les émigrants sont hébergés par le magasin qui les emploie. Les espaces destinés à la vie privée en

occupent les étages supérieurs, « affectés à la cuisine, à la salle à manger, au logement des chefs et de tous les employés » (Émile Chabrand). À l’époque des grands magasins, les jeunes émigrants sont logés sur l’azotea (terrasse sur le toit) où se trouvent les chambres et une grande salle à manger (el comedor). Fernand Rolland, employé au Palacio de Hierro, réalise en juillet 1925 une série de photographies dans sa chambre, dans le couloir (avec son vélo), et pose encore sur le toit devant la coupole29. Comme beaucoup de directeurs

Villa El Cedral, fabrique La Escoba (environs de Guadalajara) Vers 1904. Photographie. 17 x 12,5 cm. Coll. part.

de maisons (encore célibataires), Eugène Cuzin habite le dernier étage de La Ciudad de México à Guadalajara, « le coin

barrage »31, une « belle maison » qui fait songer à l’archétype

avec la Tour ». Dans le magasin París-Londres, ce n’est que

de la villa palladienne. Les autres construisent une villa dans

vers 1965 que l’on supprimera les chambres et le comedor

les nouveaux quartiers en cours d’urbanisation.

pour pouvoir agrandir l’établissement . 30

Après quelques années d’activité et une fois mariés et

En octobre 1900, Henri Tron, marié à Léontine Génin32,

pères de famille, les émigrants qui occupent des postes de

s’installe à Mexico avec ses cinq filles, dans une « nouvelle

direction s’installent plus confortablement ou de manière plus

maison avec un grand jardin tout autour », dont il est l’auteur,

pérenne. Les uns s’installent dans les fabriques et occupent

et relate, dans les moindres détails, son organisation à son

la casa de los Dueños (la maison des patrons). C’est le cas

frère Joseph : « […] Quoiqu’il n’y ait pas encore beaucoup

d’Anselme Spitalier qui réside à l’intérieur de la fabrique

d’ombre, j’y ai toutefois fait planter pas mal d’arbres déjà

de Río Blanco (État de Veracruz) ; de la famille Cuzin qui

assez grands et il y a du gazon partout. La maison aussi est

séjourne à la fabrique textile La Escoba (État de Jalisco),

très agréable et très commode. Elle est un peu dans l’esprit

où « il y avait toujours la belle maison et le lac formé par le

de la tienne de Barcelonnette33 seulement plus grande et je crois encore plus commode, car j’avais fait mon plan en tenant

29. Photographies

de Fernand Rolland, Mexique, juin 1923 – avril 1932, inventaire du fonds par Jean Bernard, 1998.

30. Lise Cuzin de Le Brun, « Préface », Journal d’un Français au Mexique. Guadalajara : 16 novembre 1914 – 6 juillet 1915. M. Cuzin, agent consulaire à Guadalajara, Jean-Luc Lesfargues éditeur, Paris, 1983.

31. Lise

Cuzin de Le Brun, op. cit.

32. Sœur 33. Il

de l’américaniste Auguste Génin (1862-1931).

s’agit de la villa La Roseraie édifiée en 1882, allée des Dames à Barcelonnette.


39

l e patr im oine m onu m enta l d e l’ ém ig ration au m e x iqu e

compte des avantages et défauts de la tienne, et avais adapté

Construcciónes, en vue de lotir les terrains situés au

le tout au climat de ce pays-ci. Ainsi j’ai tout le dessous en

couchant de la ville. Cette société donne naissance au tout

caves de 2m50 hauteur, avec cuisine du rez-de-chaussée.

premier quartier de type résidentiel, baptisé la colonia

J’ai cuisine, salle de bain, 2 salons, 1 grande salle-à-manger

Francesa (quartier français)36. Ses objectifs sont l’achat et la

de 9m50 x 6, et une plus petite, 2 salles pour les enfants. Au

vente de terrains ; la construction et la vente de propriétés

1er étage, sept chambres à coucher avec entre elles 3 grands

(fincas) ; l’accord de prêts hypothécaires ; la fabrication et

cabinets de toilette et bain ; le tout donnant sur un corridor

la vente de matériaux pour la construction et la location de

très clair avec tragaluz fermé. […] J’ai encore en plus les

villas. « Une idée entièrement neuve à Guadalajara et dans

chambres des mansardes que j’ai fait faire en métal déployé

le reste du pays, il a fallu faire face à une forte opposition

et plâtre et qui sont très bonnes. A part et tout à fait au fond,

sans aucun appui » (Ernesto Fuchs)37. En 1902, les émigrants-

j’ai alors les écuries, remises et chambres cochers et autres.

bâtisseurs se retirent et l’architecte d’origine allemande

Enfin, j’ai de la place pour y loger encore deux familles . »

s’associe à l’ingénieur Carlos F. de Landeros, rachète les

34

terrains restants de la colonia Francesa et construit des À Puebla (État de Puebla), Adrien Reynaud occupe un

maisons à crédit.

immeuble en plein centre-ville (rue Miradores), l’un « des

Ernesto Fuchs réalisera le Chalet Fortoul édifié pour

plus luxueux de la ville » (Leticia Gamboa), exécuté en pierre

Louis Fortoul (Las Fábricas de Francia), qui devient la

de taille grise et couronné de combles brisés à la française .

parte habitacional de la huerta y el vivero de la colonia

Cet hôtel particulier mis au goût du jour en 1905 abrite un

Francesa en Hidalgo y Progreso (Ramos Millán)38. En 1905,

salon de musique, un fumoir. Les éléments du décor intérieur

Eugène Cuzin (La Ciudad de México) fait construire, dans la

mêlent le style rococo et le style Art nouveau en vogue. Les

colonia Americana, une grande villa située avenue Vallarta

vitraux sont signés Jean Lareaux. Un autre émigrant français

qui deviendra, après sa nomination d’agent consulaire, le

(originaire de Charente), Fermin Besnier, agent consulaire de

consulat de France. La villa édifiée dans le style normand

France à Puebla, réside à l’intérieur du Molino de San Manuel,

(opulenta villa normanda) existe toujours. En juillet 1938,

dans un décor raffiné dont le musée de la Vallée conserve la

la famille Brun réclame à l’architecte français Émile Aillaud

couverture photographique complète.

né à Mexico et « ayant eu […] une ascendance montagnarde

35

dans les Alpes de Provence »39, les plans de sa résidence à Guadalajara. Le programme est ambitieux, résolument

Un essai d’urbanisation pionnier la Compañía Jalisciense de Construcciónes, Guadalajara (1898)

À

moderniste, utilisant le fer, le béton, le ciment armé et le verre. Émile Aillaud signera encore le projet de tombeau en granit noir édifié en France, au cimetière de Barcelonnette.

Guadalajara, les émigrants-bâtisseurs (Fortoul, Chapuy, Gas) fondent le 15 octobre 1898 avec Justo Fernández

del Valle et l’architecte ingénieur Ernesto Fuchs une société anonyme baptisée La Compañía Jalisciense de 34. Lettre d’Henri Tron à son frère Joseph, 15 décembre 1900, archives privées. 35. Leticia

Gamboa-Ojeda, Au-delà de l’océan : les Barcelonnettes à Puebla, 1845-1928, coédition Benemérita Universidad Autonóma de Puebla (ICSyH) et Sabença de la Valeia, Barcelonnette, 2004, p. 234.

36. Sergio Valerio Ulloa, Ernesto Fuchs y la Compañía Jalisciense de Construcciónes, Guadalajara (non publié). 37. Eduardo

López Moreno, Une histoire du logement social au Mexique, L’Harmattan, Paris, 2001.

38. Cité par Javier Hernández Larranga, Guadalajara : identidad perdida. Transformación urbana en el siglo XX, Editorial Agata, Guadalajara, 2001. 39. Émile Aillaud (1902-1988), Désordre apparent, ordre caché, Fayard, Paris, 1975, p. 60, 95.


La commande funéraire du cimetière à la tombe

a colonie française dans son ensemble portera une

L

L. Zaccagna. On trouve aussi des signatures mexicaines :

attention particulière à la construction du cimetière (à

Auguste Volpi y Cía ; la Compañía de mármoles mexicanos ;

Mexico, Puebla, Guadalajara) ; rendra hommage aux morts de

les ingénieurs Luis de la Barra, Ygnacio M. Cevallos, etc.

l’intervention française au Mexique (1862-67), sans oublier

La nouvelle morgue du cimetière de La Piedad conserve

ses propres morts sur le front de la Grande Guerre. Elle

et présente les œuvres du maître-verrier français Jacques

participera au financement des monuments commémoratifs

Gruber, qui signe une représentation en pied de Jeanne

et le fera, à travers la puissante Société française, suisse et

d’Arc revêtue de l’armure, et trois verrières (1924) de Claudio

belge de bienfaisance fondée en 1842 . Avec l’installation

Tranquilino Pellandini, « le grand verrier artistique du

définitive des émigrants au Mexique, le programme du

Porfiriato » (Françoise Dasques), initialement placées dans

tombeau s’impose et fait l’objet, comme en France, d’un soin

la chapelle de l’ancien hôpital français.

40

particulier.

Le cimetière français de Puebla (1896) À Puebla, les Français impulsent la création d’un cimetière

Les cimetières français

moderne et singulier situé au sud de l’agglomération urbaine (Leticia Gamboa), le troisième cimetière de la ville, dit

Le cimetière français de Mexico (1865)

Panteón francés42. Inauguré en 1896, le cimetière des Français

À Mexico D. F., le cimetière français (Panteón de La Piedad),

devient très vite celui de l’aristocratie avec ses mausolées, ses

construit en 1865, est alors considéré comme l’« un des

obélisques et chapelles monumentales de style néogothique.

plus beaux d’Amérique » et accueille aussi les caveaux des

Les signatures relevées indiquent principalement l’œuvre des

principaux membres de l’aristocratie mexicaine, du président

marbriers et sculpteurs U. Luisi y Cía et César et Augusto

de la République et de plusieurs ministres41. Comme en

Bonfigli qui travaillent pour l’entreprise La Ciudad de Carrara,

France, les maîtres d’œuvre sont principalement italiens :

fondée un an après la création du cimetière.

Reynaldo Guagnelli (Proyecto y Ejecución) ; A. Ponzanelli ;

Les émigrants-bâtisseurs participeront, au Mexique

Giogue Frigerio (Milano) ; les ateliers de José Andreani y Cía,

mais aussi depuis la France, à l’édification du Monument à

etc. La famille David, originaire de l’Ubaye, confie le projet

la paix franco-mexicain (1898-1900), inauguré le 7 janvier

et l’exécution de son tombeau à l’architecte italien Gino

1901 et réalisé sur les plans de l’architecte Georges MorinGoustiaux et du sculpteur Marcel Desbois, avec le concours

40. Javier

Pérez-Siller, Los franceses desde el silencio : la población del Panteón francés de la Ciudad de México : 1865-1910, CEMLA, Buenos Aires, 2006. 41. Léon

Signoret, op. cit.

42. Leticia Gamboa-Ojeda, Une nécropole assez singulière : le cimetière français de Puebla, Sabença de la Valeia – ICSyH/BUAP, Barcelonnette, 2004.


41

l e patr im oine m onu m enta l d e l’ ém ig ration au m e x iqu e

sur place de l’architecte français Auguste Leroy, établi à Mexico. Alexandre Reynaud sera chargé, à Paris, d’effectuer les versements de fonds à l’artiste et au fondeur, de surveiller la fonte et de recevoir et d’expédier le groupe en bronze43 au Mexique. En 1922, Adrien Reynaud, officier d’académie et trésorier de la Société de bienfaisance française, suisse et belge de Puebla, offre une plaque en marbre blanc commandée en France (accompagnée d’un cadre en marbre vert, de ses boulons de fixage et d’une palme en bronze) et destinée à la mémoire des membres de la colonie française de Puebla morts pour la France pendant la guerre de 19141918. Elle sera placée en 1925 à l’entrée du cimetière français.

Le cimetière français de Guadalajara À Guadalajara aussi, la communauté française rendra hommage à ses morts ; en témoigne le monument dessiné en 1920 par l’architecte mexicain Luis Prieto et Souza, dont le musée conserve une photographie rapportée par André Honnorat de retour du Mexique en février 1922. On découvre les noms des émigrants français morts pour la France : Antoine et Charles Allegre, Ernest Arnaud, Antonin Berneaudy, Paul Besnier, Léopold et Victor Bideau, Gabriel Cazaubon, Vincent Chapuy, James Fitz, Calixte Gas, Raphael Jullien, Baptistin Martin, Paul et Pierre O’Kellard, Bienaimé Payan, Louis Pellat, Marius Proal, Eugène Provencal, Gustave Remusat, Sylvain Reynaud, Léon Richaud, Camille Sarrazin, Jean-B. Spitalier, Calixte Teissier et Baptistin Tron.

43.  Adrien

Reynaud, Cimetière français de Puebla. Monument à la paix franco-mexicaine, Mexico, 1931, p. 9.

Monument aux morts – Cimetière français (Puebla) P. Guillouz. Photographie. 25 x 20 cm


99

M e x iqu e. L es m agasins

La Ciudad de México (Guadalajara, État de Jalisco) – Vue générale de la façade Dessin, gouache sur papier. 22,5 x 27,5 cm. Coll. part.



143

U baye. L Es v illas

Villa La Rochette – Projet d’aménagement du parc (Les Sanières – Jausiers) 1925. Encre et aquarelle sur papier. 79 x 95 cm


161

U baye



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