L'épopée des rois thraces. DES GUERRES MÉDIQUES AUX INVASIONS CELTES 479-278 AVANT J.-C. (extrait)

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Cet ouvrage accompagne l’exposition « L’Épopée des rois thraces. Découvertes archéologiques en Bulgarie » présentée à Paris, au musée du Louvre, du 16 avril au 20 juillet 2015. Cette exposition est organisée par le musée du Louvre en collaboration avec le ministère de la Culture bulgare, avec le soutien de l'Institut français de Sofia.

République de Bulgarie Ministère de la Culture

Cette exposition bénéficie du mécénat principal de Lusis

L’édition du catalogue a été rendue possible grâce au soutien de Dalkia et de la Fondation Total

Le papier de cet ouvrage est fabriqué par Arjowiggins Graphic et distribué par Antalis.

© Musée du Louvre, Paris, 2015 www.louvre.fr © Somogy éditions d’art, Paris, 2015 www.somogy.fr i s b n musée du Louvre : 978-2-35031-498-3 i s b n Somogy : 978-2-7572-0932-5

Dépôt légal : mars 2015 Imprimé en Italie (Union européenne)

1 re et 4 e de couverture : Tête de Seuthès III bronze, cuivre, albâtre, pâte de verre (cat. 82) sofia, institut national d’archéologie et musée, abs

En application de la loi du 11 mars 1957 [art. 41] et du Code de la propriété intellectuelle du 1 er juillet 1992, toute reproduction partielle ou totale à usage collectif de la présente publication est strictement interdite sans autorisation expresse de l’éditeur. Il est rappelé à cet égard que l’usage abusif et collectif de la photocopie met en danger l’équilibre économique des circuits du livre.


L’Épopée des rois thraces des guerres médiques au x i n vas i o n s c e lt e s 4 7 9 – 2 7 8 a v. j . - c . découvertes archéologiques en bulgarie

textes de

sous la direction de

Daniela Agre, Zosia H. Archibald, Alexandre Baralis,

jean-luc martinez, alexandre baralis, néguine mathieux

Anelya Bozkova, Jan Bouzek, Lucilla Burn,

to t ko s toya n ov e t m i l e n a to n kova

Andrzej Chankowski, Véronique Chankowski, Maria Č i č ikova, Margarit Damyanov, Madalina Dana, Petar Delev, Kamen Dimitrov, Diana Dimitrova, Lydia Domaradzka, Blaise Ducos, Pierre Dupont, Côme Fabre Valeria Fol, Clara Gelao, Rumyana Georgieva, Diana Gergova, Alexey Gotsev, Romain Guicharrousse, Anne-Marie Guimier-Sorbets, Martin Gyuzelev, Antoine Hermary, Ivan Hristov, Pavlinka Ilieva, Jan Kindberg Jacobsen, Krasimira Karadimitrova, Kostadin Kisyov, Petya Kiyashkina, Ludovic Laugier, Gavrail Lazov, Mitko Madjarov, Jean-Luc Martinez, Néguine Mathieux, Alexandre Minchev, Christophe Moulherat, Dimitar Nedev, Krasimir Nikov, Sophie Padel-Imbaud, Krastina Panayotova, Petya Penkova, Olivier Picard, Hristo Popov, Franck Prêteux, Kostadin Rabadjiev, Maria Reho, Atila Riapov, Sofia Roumentcheva, Boryana Ruseva, Stefano Serventi, Totko Stoyanov, Daniela Stoyanova, Valentina Taneva, Nikola Teodosiev, Milena Tonkova, Nartsis Torbov, Yulia Valeva



l’exposition « L’Épopée des rois thraces. Découvertes archéologiques en Bulgarie »

e s t p l ac é e s o u s l e h au t pat ro n ag e d e Monsieur Boyko Borisov, Premier ministre de la République de Bulgarie


musée du louvre

Jean-Luc Martinez Président-directeur Hervé Barbaret Administrateur général Françoise Gaultier Directrice du département des Antiquités grecques, étrusques et romaines Vincent Pomarède Directeur de la Médiation et de la Programmation culturelle

exposition

Sous-direction de

édition

Direction de la Médiation

la Médiation dans les salles

Sous-direction de

et de la Programmation culturelle

Marina Pia-Vitali Sous-directrice

l’Édition et de la Production

Michel Antonpietri et Aline François-Colin Adjoints au directeur

Clio Karageorghis Chef du service Signalétique

Laurence Castany Sous-directrice

et Graphisme

Violaine Bouvet-Lanselle Chef du service des Éditions

Donato Di-Nunno Graphisme

Christine Fuzeau Coordination et suivi éditorial

Carol Manzano et Véronique Koffel Coordination signalétique

Gabrielle Baratella et Mélanie Puchault Collecte de l’iconographie

Sous-direction de la Présentation des collections Fabrice Laurent Sous-directeur Soraya Karkache Chef du service des Expositions Anne Gautier Coordinatrice d’exposition Karima Hammache-Rezzouk Chef du service Suivi de projets

Somogy éditions d’art Nicolas Neumann Directeur éditorial Michel Brousset, Béatrice Bourgerie

Émilie Langlet Adjointe au chef de service

et Mélanie Legros Fabrication

Juan Felipe Alarcon Scénographe Philippe Leclercq Conducteur de travaux Aline Cymbler Chef du service des

Astrid Bargeton Coordination éditoriale Tauros / Christophe Ibach Conception graphique et mise en pages

Ateliers muséographiques Marion Lacroix, Karim Courcelles Adjoint au chef de service

Sandra Pizzo et Anne-Marie Valet Contribution éditoriale Jean-Pierre Pirat et Nikola Tonkov (Institut national d’archéologie et musée, A B S ) avec la collaboration de Petar Delev, Totko Stoyanov et Alexandre Baralis Cartographie


comité d’honneur Monsieur Vejdi Rashidov, ministre de la Culture de la République de Bulgarie

Monsieur Dimcho Momchilov, directeur du musée d’Histoire de Karnobat

Madame Fleur Pellerin, ministre de la Culture de la République française

Madame Kalpa Kyzmanova, directrice du musée régional d’Histoire de Lovech

Monsieur Xavier Lapeyre de Cabanes, ambassadeur de France en Bulgarie

Monsieur Kostadin Kisyov, directeur du musée régional d’Histoire de Plovdiv

Monsieur Anguel T cholakov, ambassadeur de Bulgarie en France

Monsieur Nikolay Nenov, directeur du musée régional d’Histoire de Ruse Monsieur Daniel Perneliev, directeur du musée régional d’Histoire de Shumen

comité scientifique Madame Zosia H. Archibald, professeur à l’Université de Liverpool Monsieur Jan Bouzek, professeur à l’Université Charles de Prague Madame Véronique Chankowski, professeur à l’Université de Lyon 2 Monsieur Bojidar Dimitrov, directeur du musée national d’Histoire de Sofia Monsieur Pierre Dupont, chercheur CR 1, C N R S U M R 5138, Laboratoire d’archéométrie, Maison de l’Orient et de la Méditerranée Madame Valeria Fol, professeur, Université de documentation et des technologies de l’information, Sofia Monsieur Antoine Hermary, professeur émérite à l’Université d’Aix-Marseille Monsieur Olivier Picard, membre de l’Institut de France (Académie des

Madame Totka Kichukova, directrice du musée d’Histoire de Strelcha Monsieur Valentin Pletnyov, directeur du musée régional d’Histoire de Varna Monsieur Ilya Stoyanov, directeur du musée régional d’Histoire de Vratsa Madame Sirma Alexandrova, responsable des réserves muséales de l’Institut

Commissaire général

des Sciences, A B S

Jean-Luc Martinez, président-directeur du musée du Louvre

Madame Lyubava Georgieva, conservatrice en chef du musée national d’Histoire de Sofia Madame Pavlina Ilieva, directrice de la direction Réserves muséales de l’Institut national d’archéologie et musée, Académie bulgare des sciences, A B S Madame Natalya Ivanova, conservatrice de l’Institut national d’archéologie et musée, Académie bulgare des sciences, A B S

inscriptions et belles-lettres), professeur émérite,

Madame Vanya Kostova responsable des réserves muséales du musée national

Université de Paris-Sorbonne

d’Histoire de Sofia

Monsieur Lyudmil Vagalinski, directeur de l’Institut national d’archéologie et musée, Académie bulgare des sciences, A B S

Madame Meglena Parvin, conservatrice du musée d’Histoire « Iskra » de Kazanlak Madame Elka Penkova, conservatrice en chef du musée national d’Histoire de Sofia

comité d’organisation Monsieur Dimitar Nedev, directeur du Musée archéologique de Sozopol Madame Petya Kiyashkina, directrice du Musée archéologique de Nesebar « Starinen Nesebar » Madame Valentina Taneva, directrice du Musée archéologique « Prof. Mechislav Domaradzki » de Septemvri Monsieur Momchil Marinov, directeur du musée d’Histoire « Iskra »

Madame Maria Reho, docent et directrice adjointe de l’Institut national d’archéologie et musée, Académie bulgare des sciences, A B S Monsieur Stefan Stefanov, directeur du département Scénographie et Sécurité technique du musée national d’Histoire de Sofia Madame Gergana Vazvazova, responsable des réserves muséales du musée national d’Histoire de Sofia

de Kazanlak Monsieur Milen Nikolov, directeur du musée régional d’Histoire de Burgas Madame Magdalena Jecheva, directrice du musée régional d’Histoire de Haskovo Madame Boryana Mateva, directrice du musée d’Histoire d’Isperih

commissariat

national d’archéologie et musée, Académie bulgare

comité de suivi Monsieur David Weizmann, attaché culturel de l’Institut français et de l’ambassade de France en Bulgarie Madame Katya Djumalieva, ministère bulgare de la Culture

Commissariat Alexandre Baralis, archéologue, département des Antiquités grecques, étrusques et romaines, musée du Louvre Néguine Mathieux, chef du service Histoire du Louvre, direction de la Recherche et des Collections, musée du Louvre Totko Stoyanov, professeur à l’Université Saint-Clément d’Ochrid, Sofia Milena Tonkova, chercheur et directrice de la section d’Antiquités thraces à l’Institut national d’archéologie et musée, Académie bulgare des sciences assistés de Sofia Roumentcheva, département des Antiquités grecques, étrusques et romaines, musée du Louvre


auteurs d a n i e l a a g r e ( D A) , assistante, Institut national d’archéologie et musée, ABS, Sofia

z o s i a h . a r c h i b a l d ( Z A ) , professeur, Université de Liverpool a l e x a n d r e b a r a l i s ( A B a ) , archéologue, département

k o s t a d i n k i s y o v ( K K ) , docent, directeur du musée régional d’Histoire de Plovdiv

p e t y a k i y a s h k i n a ( P K ) , directrice du Musée archéologique de Nesebar « Starinen Nesebar »

des Antiquités grecques, étrusques et romaines, musée du Louvre, Paris,

l u d o v i c l a u g i e r ( L L ) , conservateur, Institut national du patrimoine, Paris

chercheur associé, U M R C N R S 7299, Centre Camille-Jullian

g a v r a i l l a z o v ( G L ) , responsable du département des Antiquités,

a n e l y a b o z k o v a ( A B o ) , docent, Institut national d’archéologie et musée, ABS, Sofia

j a n b o u z e k , professeur, Université Charles de Prague

musée national d’Histoire, Sofia

m i t k o m a d j a r o v ( M M ) , docent, directeur du Musée archéologique de Hissarya

l u c i l l a b u r n ( L B ) , en charge des Antiquités au Fitzwilliam Museum,

j e a n - l u c m a r t i n e z ( J L M ) , président-directeur du musée du Louvre, Paris

Cambridge

n é g u i n e m a t h i e u x ( N M ) , chef du service Histoire du Louvre, musée du

a n d r z e j c h a n k o w s k i ( A C ) , maître de conférences, Université de Lille 3 v é r o n i q u e c h a n k o w s k i , professeur à l’Université Lyon I I m a r i a č i č i k o v a ( M Č ) , docent, Institut national d’archéologie et musée, ABS, Sofia

m a r g a r i t d a m y a n o v ( M D a m ) , assistant en chef, Institut national d’archéologie et musée, ABS, Sofia

m a d a l i n a d a n a ( M D ) , maître de conférences, Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne

p e t a r d e l e v ( P D e ) , professeur, Université Saint-Clément d’Ochrid, Sofia k a m e n d i m i t r o v ( K D ) , docent, Institut d’études balkaniques, Centre de Thracologie, ABS, Sofia

d i a n a d i m i t r o v a ( D D ) , assistante, Institut national d’archéologie et musée, ABS, Sofia

l y d i a d o m a r a d z k a ( L D ) , docteur, professeur, Lycée national d’études classiques, Sofia

b l a i s e d u c o s ( B C ) , conservateur, département des Peintures, musée du Louvre, Paris

p i e r r e d u p o n t ( P D u ) , chercheur, C N R S - U M R 5138, Maison de l’Orient et de la Méditerranée, Lyon

Louvre, Paris, chercheur associé, U M R C N R S 8164 Halma-Ipel

a l e x a n d r e m i n c h e v ( A M ) , assistant en chef, musée régional d’Histoire de Varna

c h r i s t o p h e m o u l h e r a t ( C M ) , chargé des analyses des collections, musée du quai Branly, Paris

d i m i t a r n e d e v ( D N ) , d irecteur du Musée archéologique de Sozopol k r a s i m i r n i k o v ( K N ) , docent, Institut national d’archéologie et musée, ABS, Sofia

s o p h i e p a d e l - i m b a u d ( S P ) , documentaliste scientifique, département des Antiquités grecques, étrusques et romaines, musée du Louvre, Paris

k r a s t i n a p a n a y o t o v a ( K P ) , docent, responsable du département d’Archéologie classique, Institut national d’archéologie et musée, A B S , Sofia

p e t y a p e n k o v a ( P P ) , assistante en chef, responsable du laboratoire d’analyse, de conservation et de restauration, Institut national d’archéologie et musée, A B S , Sofia

o l i v i e r p i c a r d ( O P ) , membre de l’Institut (Académie des inscriptions et belles-lettres), professeur émérite, Université de Paris-Sorbonne

h r i s t o p o p o v ( H P ) , docent, directeur adjoint de l’Institut national d’archéologie et musée, A B S , Sofia

c ô m e f a b r e ( C F ) , conservateur, musée d’Orsay, Paris

f r a n c k p r ê t e u x ( F P ) , maître de conférences, Université de Paris-Sorbonne

v a l e r i a f o l ( V F ) , professeur, Université de documentation

k o s t a d i n r a b a d j i e v ( K R ) , professeur, Université Saint-Clément

et des technologies de l’information, Sofia

c l a r a g e l a o ( C G ) , directrice de la pinacothèque Corrado Giaquinto, Bari r u m y a n a g e o r g i e v a ( R G ) , docent, Institut national d’archéologie et musée, A B S , Sofia

d i a n a g e r g o v a ( D G ) , professeur, Institut national d’archéologie et musée, A B S , Sofia

a l e x e y g o t s e v ( A G ) , docent, Institut national d’archéologie et musée, A B S , Sofia

r o m a i n g u i c h a r r o u s s e ( R G u ) , professeur agrégé, doctorant, Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne et École française d’Athènes

a n n e - m a r i e g u i m i e r - s o r b e t s , professeur, Université Paris-Ouest Nanterre-La Défense

m a r t i n g y u z e l e v ( M G ) , docteur en archéologie

d’Ochrid, Sofia

m a r i a r e h o ( M R ) , docent, directrice adjointe, Institut national d’archéologie et musée, Sofia

a t i l a r i a p o v ( A R ) , céramologue, mission archéologique française à Apollonia du Pont

s o f i a r o u m e n t c h e v a , assistante, département des Antiquités grecques, étrusques et romaines, musée du Louvre, Paris

b o r y a n a r u s e v a ( B R ) , docent, Institut national d’archéologie et musée, ABS, Sofia

s t e f a n o s e r v e n t i ( S S ) , Bibliothèque ambrosienne, Milan t o t k o s t o y a n o v ( T S ) , Université Saint-Clément d’Ochrid, Sofia d a n i e l a s t o y a n o v a ( D S ) , assistante en chef, Université Saint-Clément d’Ochrid, Sofia

a n t o i n e h e r m a r y ( A H ) , professeur émérite, Université d’Aix-Marseille

v a l e n t i n a t a n e v a ( V T ) , directrice du Musée archéologique de Septemvri

i v a n h r i s t o v ( I H ) , docent, directeur adjoint du musée national d’Histoire,

n i k o l a t e o d o s i e v ( N Te ) , assistant en chef, Université Saint-Clément

Sofia

p a v l i n k a i l i e v a ( P I ) , responsable des réserves, Institut national d’archéologie et musée, ABS, Sofia

j a n k i n d b e r g j a c o b s e n ( J K J ) , conservateur, département des Sculptures grecques et romaines, Ny Carlsberg Glyptotek, Copenhague

k r a s i m i r a k a r a d i m i t r o v a ( K r K ) , assistante en chef, Institut national d’archéologie et musée, A B S , Sofia

d’Ochrid, Sofia

m i l e n a t o n k o v a ( M T ) , docent, responsable du département d’Archéologie thrace, Institut national d’archéologie et musée, A B S , Sofia

n a r t s i s t o r b o v ( N T ) , docent, responsable du département des Antiquités, musée régional d’Histoire de Vratsa

y u l i a v a l e v a ( Y V ) , professeur, Institut d’histoire de l’art, A B S , Sofia


traducteurs

prêteurs

traduction du bulgare vers le français

b a r i , pinacothèque Corrado Giaquinto

b e r n a r d l o ry , m a r i e v r i n at- n i ko l ov ,

b u r g a s , musée régional d’Histoire

at i l a r i a p ov , s o f i a ro u m e n t c h e va

C a m b r i d g e , Corpus Christi College-Fitzwilliam c o p e n h a g u e , NY Carlsberg Glyptotek

traduction de l’anglais vers le français

h a s k o v o , musée régional d’Histoire

élisabeth agius d’yvoire et j e a n - f r a n ç o i s a l l a i n

i s p e r i h , musée d’Histoire k a r n o b a t , musée d’Histoire k a z a n l a k , musée d’Histoire « Iskra »

traduction de l’italien vers le français

jean pietri

l o n d r e s , British Museum, département des Antiquités grecques et romaines l o v e c h , musée régional d’Histoire m a d r i d , musée du Prado m i l a n , Bibliothèque ambrosienne

restaurateurs

n a p l e s , musée national d’Archéologie n e s e b a r , Musée archéologique « Starinen Nesebar »

Institut national d’archéologie et musée,

p a r i s , Bibliothèque nationale de France,

avertissement

Académie bulgare des sciences, A B S

Bibliothèque de l’Arsenal

m a r i a k i rova

p a r i s , Bibliothèque nationale de France,

La translittération retenue

département des Manuscrits

dans ce volume est celle publiée

p e t ya p e n kova s e v da l i n a n e y kova z d r av k a sa b o t i n ova musée national d’Histoire de Sofia

m a r i o da m ya n ov

p a r i s , Bibliothèque nationale de France, département des Monnaies, Médailles et Antiques

dans le Journal officiel bulgare du 13 mars 2009, à l’exception

p a r i s , musée d’Orsay

de certains auteurs connus dans

p a r i s , musée du Louvre, département

la communauté scientifique

des Antiquités grecques, étrusques et romaines

sous d’autres graphies, comme

tat i a n a e j d i k - ta pa n ova

p l o v d i v , musée régional d’Archéologie

M. Čičikova (Chichikova)

k i ta n k i ta n ov

r u s e , musée régional d’Histoire

ou A. Bozkova (Bojkova).

yo n i ta n i ko l ova

s e p t e m v r i , Musée archéologique

sv e t l a t sa n e va

s h u m e n , musée régional d’Histoire

а

r a d o s t i n a t s e n kova

s o f i a , Institut national d’archéologie et musée,

б

b

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v

s o f i a , musée national d’Histoire

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g

s o z o p o l , Musée archéologique

е

e (prononcer è)

s t r e l c h a , musée d’Histoire

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v a r n a , musée régional d’Histoire

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v r a t s a , musée régional d’Histoire

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a l e x a n d e r vatov musée régional d’Archéologie de Plovdiv

m i l i t sa i l i e va autres institutions

nathalie bruhière jeanne cassier juliette levy m a r i e - m a n u e l l e m e yo h as delphine masson

Académie bulgare des sciences, A B S

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remerciements

Levy, premier conseiller de l’ambassade, de M. Guillaume Robert, directeur de l’Institut français à Sofia, de M. Gilles Rouet, attaché scientifique de l’Institut. Mmes Blaga Deltcheva, Maria Konaktchieva et Nadejda Danailova, par leur efficacité et leur dévouement, ont été d’infatigables piliers de ce projet. Ils ont pu disposer en France de l’aide renouvelée de Mme Diana Ignatova, directrice de l’Institut culturel bulgare, et de M. Assen Krestev, conseiller de l’ambassade de Bulgarie, auxquels nous adressons nos remerciements les plus chaleureux. Cette exposition a su compter au sein du musée du Louvre sur le soutien et l’appui de Mme Françoise Gaultier, directrice du département des Antiquités grecques, étrusques et romaines, qui a toujours été présente à nos côtés et dont les suggestions se sont avérées précieuses. Nous devons également exprimer notre reconnaissance et notre gratitude à Benoît de Saint-Chamas et Alberto Vial, qui nous ont accompagnés tout au long de l’élaboration de cette exposition, prodiguant une disponibilité et un soutien permanents. Vincent Pomarède, directeur de la Médiation et de la Programmation culturelle, Aline François-Colin, adjoint au directeur, et Fabrice Laurent, sous-directeur

Les commissaires adressent leurs remerciements les plus vifs à M. Vejdi Rashidov,

de la Présentation des collections, ont apporté un soin attentif à chaque étape

ministre de la Culture de la République de Bulgarie, pour avoir suscité

de ce projet, résolvant avec bienveillance les obstacles rencontrés. Ce travail

et encouragé ce projet ambitieux lors de sa naissance et de sa finalisation.

a également bénéficié de l’aide et de l’appui de Brice Mathieu, directeur

Ce soutien n’a été possible que par l’adhésion de M. Petar Stoyanovich

par intérim de la Recherche et des Collections. Anne-Solène Rolland, qui lui

et de M. Marin Ivanov lors de leurs mandats successifs à la tête du ministère

a succédé, a poursuivi et maintenu son attention à ce projet.

de la Culture. Que tous soient remerciés pour leur engagement sincère au service de l’archéologie.

Une telle aventure n’était pas imaginable sans le concours des dix-sept directeurs des Musées archéologiques et des musées régionaux d’Histoire bulgares qui ont

Cette exposition a bénéficié de l’engagement et de l’intérêt de M. Xavier Lapeyre

bien voulu nous honorer par le prêt de leurs œuvres, leur accueil chaleureux

de Cabanes, ambassadeur de France en Bulgarie, et de Mme Maria Lapeyre

et leurs conseils bienveillants, et dont les noms, nombreux, figurent en tête

de Cabanes, reprenant en ce sens l’œuvre de son prédécesseur M. Philippe Autié

de ce volume. Ces remerciements ne seraient pas complets sans saluer l’accueil

et de Mme Marianne Autié. Nous souhaiterions saluer leur érudition tout comme

formidable réservé par M. Angel Dinev, directeur du musée régional d’Histoire

leur amour généreux de la Bulgarie. Celui-ci a su rencontrer l’intérêt et l’écoute

de Stara Zagora, ainsi que le prêt généreux de chefs-d’œuvre accordé par

bienveillante de M. Anguel T cholakov, successeur de M. Marin Raykov,

M. Miguel Zugaza, directeur du musée du Prado ; Mme Valeria Sampaolo,

ambassadeurs de Bulgarie en France et soutiens remarquables de ce projet,

directrice du Musée archéologique de Naples ; Mme Clara Gelao, directrice

tout comme de M. Todor Chobanov, maire adjoint de Sofia et ancien

de la pinacothèque Corrado Giaquinto de Bari ; M. Marco Ballarini, directeur

vice-ministre de la Culture. Nous remercions également pour son aide M. Yasen

de la bibliothèque Ambrosienne de Milan ; M. Flemming Friborg, directeur

Atanasov, conseiller culturel du Premier ministre de la République de Bulgarie.

de la Ny Carlsberg Glyptotek de Copenhague ; M. Neil MacGregor, directeur du British Museum ; et Tim Knox, directeur du Fitzwilliam Museum à Cambridge.

Ce projet doit beaucoup à feu M. Jean-François Jarrige, président

Ces pièces ont été judicieusement complétées par le tableau de Gustave Moreau,

de la commission des fouilles du ministère français des Affaires étrangères,

mis à disposition par M. Guy Cogeval, président des musées d’Orsay et

serveur infatigable de l’archéologie et de la science. Son travail a été poursuivi

de l’Orangerie, et de nombreuses œuvres exceptionnelles de la Bibliothèque

dignement en Bulgarie par M. David Weizmann, attaché culturel de l’ambassade

nationale de France, obtenues grâce à l’aide scientifique et amicale de Christian

de France, qui a joué un rôle essentiel dans la coordination des équipes françaises

Forstel, Patrick Morantin et Mathilde Avisseau-Broustet, auxquelles nous

et bulgares et dans la consolidation financière de ce projet en rendant possible

n’avons pu joindre, pour des questions de délais, celles proposées par l’Ephorie

colloque, restauration des œuvres, voyage de presse et expositions organisées

de Komotini, malgré l’enthousiasme et la générosité de Dimitris Matsas.

par le musée du Louvre à Sofia et à Plovdiv. Son dévouement exceptionnel et son

Enfin, au sein du département des Antiquités grecques, étrusques et romaines,

efficacité ainsi que ceux de Mathilde Weizmann ont été un soutien sans faille.

Anne Coulié et Christophe Piccinelli-Dassaud ont veillé avec bienveillance

Nous leur exprimons par ces remerciements notre profonde gratitude.

à la disponibilité des œuvres du musée. Que tous soient profondément remerciés pour leur dialogue, leur écoute et leur participation.

Ce projet a été grandement facilité par la coordination efficace et l’expérience de M. Bojidar Dimitrov, directeur du musée national d’Histoire, qui a œuvré

Certaines de ces œuvres n’auraient toutefois pu être présentées sans la maîtrise et

de façon déterminante au succès de cette exposition, aidé de M. Ivan Hristov,

l’expérience de l’ensemble des restaurateurs qui ont travaillé à leur préservation :

directeur adjoint, et avec le concours de M. Stefan Vodenicharov, directeur

Elka Penkova, Lyubava Georgieva, Vanya Kostova, Gergana Vazvazova, Stefan

de l’Académie bulgare des sciences. Que tous trois soient assurés de notre

Stefanov, Pavlina Ilyeva, Sirma Alexandrova, Natalya Ivanova, Meglena Parvin,

reconnaissance. Celle-ci s’adresse également à M. Lyudmil Vagalinski, directeur

Svetla Tsaneva, Petya Penkova, Marya Kirova, Zdravka Sabotinova, Sevdalina

de l’Institut et musée national d’Archéologie, et à Mme Maria Reho, responsable

Neykova, Kitan Kitanov, Ionita Nikolova, Alexandar Vatov, Mario Damyanov,

de la composante muséale, qui ont offert à cette exposition quelques-unes de

Tatyana Ejdik-Tapanova, Radostina Tsenkova, Militsa Ilyeva ; Nathalie

ses plus belles pièces. Nos remerciements vont aussi à Mme Katya Djumalieva,

Bruhière, Jeanne Cassier, Juliette Levy, Marie-Manuelle Meyohas, Delphine

coordinatrice au sein du ministère de la Culture, supervisée par Mme Diana

Masson. Le soin apporté à ce patrimoine fragile dépassera de loin le temps

Maleeva et aidée de Mme Diana Danailova et de Mme Radka Petrova. Leur

de cette exposition. Il n’a été possible que grâce à la sollicitude et à l’accueil

action a toutefois été grandement facilitée par l’appui et le soutien de M. Boris

chaleureux d’Elina Mircheva à Varna et des équipes du musée d’Histoire

Danailov, conseiller auprès du ministre. Que tous soient remerciés.

de Burgas et des équipes du musée national d’Histoire ; un accompagnement

L’exposition a bénéficié du soutien actif et de l’engagement de Mme Florence

merveilleux que nos équipes ont aussi rencontré à Plovdiv grâce à Elena Filarska,


Slavka Cherneva, Milicha Ilyeva, Elena Kantarova et Marina Nenova, à Vratsa

par l’atelier de montage et Aline Cymbler ont été capitales. Un grand merci

grâce à Nartsis Torbov et à Septemvri grâce à Violeta Duneva. Cette exposition

à l’ensemble des ateliers muséographiques et à la cellule planification :

a bénéficié en ce sens de l’exceptionnelle érudition de Mme Sophie Descamps-

Cédric Breton, Soraya Kamano et Franck Poitte.

Lequime et M. Dominique Robcis, qui nous ont accompagnés sur le terrain, diagnostiquant les pièces les plus fragiles et pour certaines parmi les plus

La présence des œuvres à Paris aurait été inimaginable sans le travail imposant

exceptionnelles. Leur étude a été enrichie par les conseils scientifiques

réalisé par Anne Gautier, et auparavant par Martin Kieffer, et le soutien

d’éminents spécialistes et confrères : Alix Barbet, Anaïs Boucher, Cécile

de Soraya Karkache, accompagnés de Florence Masson. Les visuels, éléments

Colonna, Madalina Dana, Dan Dana, Pierre Dupont, Anne-Marie Guimier-

essentiels pour la personnalisation de cet événement, ont bénéficié des

Sorbets, Antoine Hermary, Ludovic Laugier, Gavrail Lazov, Nassi Malagardis

propositions élégantes et subtiles préparées par Camille Dupaquier, Audrey

et Alexandar Minchev, Christophe Moulherat, Georgi Nekhrizov, Alain Pasquier,

Boulery, Isabel Lou-Bonafonte, Danielle Pintor, et défendues par Laurence

Olivier Picard, Vasil Nikolov et Atila Riapov. Nous leur renouvelons notre

Roussel. Ce projet ambitieux, adossé à deux expositions retour, n’était toutefois

gratitude et saluons leur engagement généreux et sincère.

pas possible sans l’encadrement et la réactivité d’Anca Iliutu, Anne Dubile, Frédérique Vernet, Valérie Game et Pascal Perrault.

Ces objets ont été mis en valeur et présentés par quatre photographes de renom, Todor Dimitrov, Ivo Hadjimishev, Krasimir Georgiev et Loïc Damelet,

L’accompagnement d’Anne-Laure Beatrix, directrice des Relations extérieures,

qui œuvrent chacun depuis longtemps par leur talent à l’enregistrement

a été essentiel. Cette exposition a bénéficié d’une couverture de qualité dans

du patrimoine archéologique. Nous tenons en ce sens à souligner le concours

les revues et journaux qui doit beaucoup aux efforts de Coralie James, aidée

bienveillant de Mme Marie-Brigitte Carre, directrice du Centre Camille-Jullian,

de Marion Benaiteau, et à l’intérêt de Valérie Coudin, accompagnée par

qui a facilité l’utilisation du fonds du laboratoire auquel est associée la mission

Sophie Grange et Adel Ziane, dont nous saluons l’écoute, l’enthousiasme et la

archéologique à Apollonia du Pont.

disponibilité. Nathalie Cuisinier a su préparer avec soin et attention le vernissage

Ce catalogue, travail exceptionnel de traduction, est le produit des efforts

du service Mécénat dirigé par Fréderic Le Coz, et auparavant par Christophe

conjoints de Marie Vrinat-Nikolov, Bernard Lory, Atila Riapov, Sofia

Monin, assistés de Thibault Bruttin, Anne Demarque et Caroline Colombe.

Roumentcheva, Élisabeth Agius d’Yvoire et Jean-François Allain. Ils ont tous

Grâce à Sophie Kammerer-Farant, chef du service Louvre conseil, la collaboration

apporté un soin minutieux aux contributions de l’ensemble des auteurs, trop

franco-bulgare a eu un rendez-vous à sa mesure lors d’un séminaire à Sofia.

nombreux pour être énumérés ici, mais dont le nom est mentionné en début

Ces échanges s’appuient sur l’enthousiasme et la générosité de Cécile Giroire

de volume. Ces textes ne seraient pas ce qu’ils sont sans la relecture avisée

et de Florence Specque, qui ont accepté au sein du département des Antiquités

de Sophie Descamps-Lequime, Florence Specque, Pierre Dupont et Atila Riapov.

grecques, étrusques et romaines d’offrir au public sofiote une exposition

de l’exposition et l’accueil des officiels. Cet événement a bénéficié des efforts

Ils ont été judicieusement complétés par les cartes élaborées avec l’aide de Jean-

exceptionnelle sur le trésor de Boscoréale ; un effort enrichi et doublé par

Pierre Pirat et Nikolay Tonkov. Que tous soient assurés de notre gratitude pour

celui consenti par Vincent Rondot, directeur du département des Antiquités

leur disponibilité, leur générosité et leur enthousiasme sans égal. Rien n’aurait

égyptiennes, avec Sophie Labbé-Toutée qui proposa une ingénieuse exposition sur

toutefois était possible sans l’engagement formidables de Christine Fuzeau. Par

le prêtre Nakhthorheb, dont la qualité dépasse de loin la portée de nos demandes.

son sang-froid et une maîtrise de tous les instants, elle a su accompagner le long

Nous tenons à saluer leur engagement sincère au service d’une discipline.

accouchement de ce volume pour qu’il réponde aux exigences d’un public averti. Cette aventure n’a été possible que par l’encadrement éclairé et bienveillant

Au sein de la direction, nous remercions Magali Teissier. Au sein du département

de Violaine Bouvet-Lanselle, qui lui a apporté un soutien sans faille dont nous

des Antiquités grecques, étrusques et romaines, nous souhaiterions remercier

sommes ici débiteurs. Nous leur exprimons à tous notre profonde gratitude.

vivement pour leur aide et leur soutien David Blanchet, Pascale Gillet, Violaine Jeammet, Alexandra Kardianou, Sophie Marmois, Sophie Padel, Jenny Solis

La mise en maquette est l’œuvre d’un artiste, Christophe Ibach, qui a placé

et Annabel Remy.

son amour de l’objet dans chacune des pages de ce catalogue, sublimant par son talent chacun des contextes présentés ; l’iconographie a été servie par

En Bulgarie, notre gratitude va à G. Assa, S. Ganeva, D. Miteva, V. Stoeva,

l’enthousiasme et l’efficacité redoutable de Mélanie Puchault, qui a repris un

St. Delahaye, St. Jelev pour les efforts déployés en faveur du financement

travail amorcé par Gabrielle Baratella, supervisées avec attention et précision par

de ces opérations.

Anne-Myrtille Renoux. Les textes ont été corrigés de façon attentive et éclairée par Marion Lacroix, qui a donné à chaque contribution sa forme définitive,

En guise de conclusion, nous souhaiterions souligner le fait que l’ensemble

une œuvre de longue haleine reprise au pied levé par Sandra Pizzo et Anne-Marie

de ce projet doit une part infinie à l’engagement personnel, au professionnalisme et

Valet. Leur édition n’était possible sans le soutien et l’accompagnement des

à la passion de Sofia Roumentcheva pour l’archéologie et la Bulgarie. Sofia

éditions Somogy, de leur directeur éditorial Nicolas Neumann, de Stéphanie

a assisté de façon précieuse le commissariat, en participant à l’élaboration

Méséguer, Marc-Alexis Baranes, Michel Brousset et Béatrice Bourgerie, et sans

du catalogue et de la signalétique, avec l’aide de Joanna Martin, et en assurant

l’investissement d’Astrid Bargeton, dont nous saluons le professionnalisme.

au jour le jour l’énorme travail de correspondance et de coordination entre

Nous les remercions chaleureusement de ce magnifique travail.

les équipes françaises et bulgares, tout en aidant le service des Expositions, celui des Éditions ou nos confrères en charge de l’iconographie. En ne comptant ni

Cette exposition est cependant avant tout le fruit d’un travail collectif qui a

son temps ni ses week-ends, cette exposition est également le fruit de son labeur.

fédéré en interne une équipe de grande qualité, dont l’adhésion et l’engagement

Notre reconnaissance, profonde et sincère, lui est acquise.

nous ont profondément touchés. Nous souhaiterions remercier en premier lieu Juan-Felipe Alarçon pour sa très élégante muséographie, œuvre de finesse et

Enfin, cette œuvre doit, comme souvent, son existence à l’aide silencieuse

de précision, qui a su saisir et traduire toutes les subtilités de l’histoire thrace

et à la patience mise à rude épreuve de proches, Loucas Baralis, Kianouche

par son écoute et son accompagnement lors de son déplacement avec Xavier

et Franck Kausch, qui ont été comme souvent nos plus directs conseillers

Guillot en Bulgarie. Cette mise en scène a été ornée de façon juste et convaincante

et nos complices quotidiens.

par la signalétique offerte par Donato Di Nunno. Karima Hammache, Clio Karageorghis, accompagnée de Carol Manzano, ont apporté leur supervision

Nous ne saurons oublier de remercier nos mécènes, Dalkia et la Fondation Total

bienveillante. L’aide de Philippe Leclercq et la mise en valeur des objets proposée

ainsi que Lusis, qui a su nous apporter un soutien déterminant.



préface

La collaboration franco-bulgare remonte à plus d’un siècle ; ses racines sont profondes. A u début du xx e siècle, le célèbre spécialiste de l’École française d’Athènes, Georges Seure, entreprend

des fouilles à Veliko Tarnovo, capitale du Deuxième Royaume bulgare. Sont également associées à son nom les premières recherches sur notre territoire concernant la ville romaine de Nicopolis ad Istrum. Durant l’année 1904, à la demande de l’Institut de France, le consul général français à Plovdiv, Alexandre Degrand, entreprend des fouilles à Sozopol, dont les résultats sont publiés par Georges Seure vingt ans plus tard dans « Archéologie thrace » (Revue archéologique). Les découvertes archéologiques provenant d’Apollonia du Pont et conservées au Louvre sont nombreuses : vaisselle grecque peinte, dont vingt exemplaires se trouvent encore aujourd’hui dans les salles de ce musée encyclopédique, éléments architecturaux parmi lesquels un fragment de terre cuite représentant des guerriers. Il sera présenté dans cette exposition avec d’autres objets découverts en 2009-2010 au même endroit, lors des fouilles de l’antique sanctuaire de l’île Saints-Cyriaque-et-Juliette, à Sozopol. Il est tout à fait symbolique que, des décennies plus tard, toujours dans la région de l’antique Apollonia, cette collaboration se soit poursuivie avec le projet bulgaro-français, extrêmement productif, portant sur une étude conjointe des nécropoles de l’antique cité, de son territoire et de son arrière-pays, étude qui s’est déjà matérialisée par une série de publications scientifiques de qualité. Ce n’est pas non plus un hasard si la première exposition présentant au monde l’art thrace sur les terres bulgares s’est tenue précisément à Paris, dans les salles du Petit Palais, en 1974. Le partenariat entre nos deux pays dans le domaine de la culture s’est élargi avec la signature en 2012 d’un accord de coopération pour cinq ans entre le ministère de la Culture de la République de Bulgarie et le musée du Louvre, accord qui marque le point de départ d’une série d’initiatives conjointes et qui a permis l’échange d’expositions importantes présentant les recherches archéologiques, le développement de la science ainsi que l’héritage culturel exceptionnel conservé dans les fonds des musées bulgares et du Louvre. Cette exposition constitue le point culminant de nos efforts mutuels pour montrer l’une des périodes les plus brillantes du passé culturel des terres bulgares : l’épanouissement de la civilisation thrace durant les époques classique et hellénistique. C’est le fruit d’un travail de longue haleine réalisé par des spécialistes du Louvre et leurs collègues bulgares du musée national d’Histoire, de l’Institut national d’archéologie et musée de l’Académie des sciences bulgare, de l’université de Sofia et d’un certain nombre de musées du pays, sans oublier des chercheurs de Grande-Bretagne, de République tchèque et de Grèce, qui ont participé aux expéditions archéologiques internationales sur le territoire bulgare et qui se sont investis dans l’étude de l’héritage culturel thrace. C’est la première fois que l’on présente au public dans leur totalité des ensembles funéraires découverts par les archéologues bulgares durant ces dernières années. Sont ainsi exposés dans toute leur splendeur des dons funéraires provenant du tombeau du roi thrace Seuthès III, du tumulus Golyama Kosmatka, près de Shipka : sa couronne de chêne et sa coupe en or, toutes deux magnifiques, son casque portant l’inscription « À Seuthès », deux cnémides, de la vaisselle en argent et en bronze, son épée unique avec ses incrustations en or, l’ornement en or d’un harnachement de cheval. Parmi ces objets se trouve également la remarquable tête provenant de l’une de ses statues en bronze, particulièrement mise en valeur dans l’exposition. Les dons trouvés dans d’importants tombeaux d’autres guerriers thraces, à Chernozem-Kaloyanovo et à Zlatinitsa-Malomirovo, ne sont pas moins remarquables. Le public pourra admirer les superbes parures en or et la vaisselle en argent et en bronze mises au jour dès les années 1920 dans une riche tombe du tumulus de Mushovitsa, dans la nécropole de Duvanli. L’exposition montre aussi les découvertes archéologiques faites sur les terres bulgares et déjà connues dans le monde : trésors de Panagyurishte et de Borovo, superbe vaisselle provenant du trésor de Rogozen, trésor de Letnitsa, de même que les dons en or récemment découverts dans le tumulus Golyama Svershtarska Moguila, près de Sveshtari. L’accent est également mis sur des aspects nouveaux : villes et résidences royales, administration urbaine et vie quotidienne, développement des artisanats locaux, dont les magnifiques productions en or et en argent brilleront également dans cette exposition. Pour conclure, je voudrais remercier les présidents sortant et actuel du Louvre, les musées bulgares, ainsi que l’équipe de commissaires et spécial istes bulgares et français qui ont fait tout leur possible pour que cette exposition unique au monde puisse être vue et estimée à sa juste valeur par des visiteurs du monde entier. v e j d i r as h i d ov Ministre de la Culture de la République de Bulgarie



préface

Les expositions consacrées à la Thrace se sont attachées jusqu’à présent à dévoiler les contours de cette civilisation et à révéler la richesse de son aristocratie en illustrant son raffinement par une sélection de pièces parmi les plus remarquables. Elles ont suscité un regard émerveillé et enchanté, enrichissant l’univers mythique qui entoure la Thrace. Les dernières découvertes archéologiques réalisées en Bulgarie, auxquelles répondent d’importantes publications monographiques, invitent depuis à une nouvelle lecture qui restitue à cette civilisation son épaisseur historique en replaçant sa trajectoire au sein du contexte régional qui fut le sien. Cette nouvelle étape répond à l’intérêt d’un public curieux de la diversité patrimoniale du sud-est de l’Europe et qui, déjà au fait de ses richesses, cherche désormais à approfondir ses connaissances. Le musée du Louvre poursuit ainsi la valorisation de régions et de sites dans le sillon des dernières expositions archéologiques consacrées à la Macédoine, à la cité de Cerveteri ou à Rhodes. Dans cette perspective, nous avons souhaité retenir comme prisme l’émergence et l’affirmation d’un centre de pouvoir majeur, celui des Odryses, en resserrant les limites chronologiques sur une période relativement étroite, depuis le retrait des forces perses de Thrace égéenne en 479 av. J .- C . jusqu’aux invasions celtes. D’emblée, la perspective proposée n’est pas celle d’une lecture locale. Loin de vouloir transmettre l’image idéalisée d’un centre de pouvoir autonome, comme suspendu dans un destin clos et dans ses représentations, sans relation avec ses voisins, cette exposition entend au contraire replacer la réalité odryse dans le contexte global du monde antique contemporain. Elle vise en ce sens à identifier les différents acteurs que la Thrace abrite sur son territoire ou à ses marges immédiates – Triballes, Gètes, Grecs… – afin de mettre en valeur les multiples emprunts que des dynastes thraces accomplirent durant cette période. Il ne s’agit pas non plus de diluer l’identité thrace au sein d’autres réalités voisines, mais de démontrer ici comment un centre de pouvoir rassemble en un même lieu des éléments de prestige issus d’horizons géographiques divers – Asie Mineure achéménide, monde grec poliade, Royaume de Macédoine – pour les reformuler au service d’un discours qui lui est propre et par lequel il acquiert sa pleine identité. Par la confrontation régulière d’œuvres de civilisations diverses au sein de ses départements, le musée du Louvre ne cesse de démontrer que ces échanges, ces emprunts et ces transmissions fécondèrent les civilisations. Cette exposition ne pouvait être ainsi que le fruit d’une coopération internationale. L’importance d’une civilisation n’a de sens que par son universalité, et sa participation active à la grande histoire du monde antique confère à la Thrace toute sa grandeur. Son patrimoine, élément essentiel de notre héritage commun, ne saurait être la propriété d’une seule institution. C’est cette dimension fondamentale que l’exposition et le catalogue ont voulu souligner en permettant à cinquante-sept chercheurs, représentant l’ensemble des institutions universitaires et de recherches bulgares – Institut national d’archéologie et musée, Université Saint-Clément d’Ochrid, Institut de Thracologie, musées régionaux d’Histoire et musées d’Archéologie –, d’engager un fertile dialogue inscrit dans une perspective pluridisciplinaire et d’en croiser les résultats avec les recherches menées par leurs confrères européens – français, britanniques, tchèques. Le résultat obtenu dépasse de loin le cadre d’une simple exposition, en offrant une synthèse rare sur la réalité de ce fascinant royaume et en en dévoilant les multiples facettes, dont le visage de Seuthès III, placé dans le rôle d’un extraordinaire passeur, offre une remarquable incarnation. Elle donne ainsi corps, de la façon la plus concrète et la plus efficace, à la coopération engagée entre les institutions françaises et bulgares qui se poursuit au quotidien sur le terrain par des fouilles archéologiques. jean-luc martinez,

président-directeur du musée du Louvre alexandre baralis,

archéologue au département des Antiquités grecques, étrusques et romaines du musée du Louvre néguine mathieux,

chef du service Histoire du Louvre, direction de la Recherche et des Collections du musée du Louvre


préface

C’est par l’archéologie que commencèrent les relations culturelles entre la France et la Bulgarie, qui venait tout juste de recouvrer un statut d’État autonome, à la fin du xix e siècle : en 1892, Georges Seure parcourut la Bulgarie et offrit à son retour la première description de la civilisation chalcolithique des tells bulgares. Au début du x x e siècle, Alexandre Degrand, qui était également consul de France à Plovdiv, fouilla à Apollonia du Pont, actuelle Sozopol, où des archéologues français et bulgares travaillent encore ensemble aujourd’hui. Il est donc logique, et ce n’est que justice, que la première exposition au Louvre d’œuvres venues de Bulgarie soit consacrée à l’archéologie, particulièrement à l’archéologie thrace. C’est d’autant plus important que l’archéologie porte la reconnaissance de l’égale dignité des civilisations qui se sont succédé sur un même territoire et dont nous sommes tous les héritiers : chaque peuple plonge ses racines dans un passé inconnu ou oublié et qu’il ignore bien souvent avant que des archéologues ne viennent, peu à peu, présenter des hypothèses, toujours incertaines, toujours remises en cause par de nouvelles découvertes. Il n’est d’ailleurs pas de pire service pour l’archéologie – et cela vaut pour la science historique en général – que l’utilisation de ces hypothèses par les États et leurs dirigeants pour fonder un récit historique national : nous avons vu, au xix e siècle mais encore aujourd’hui, comment l’histoire et l’archéologie peuvent servir à des revendications qui ne sont d’aucun autre ordre que politique et qui ne répondent qu’à des préoccupations bien actuelles. Pourtant, les frontières des civilisations qui se succèdent se recoupent rarement. C’est donc l’honneur des archéologues – bulgares en l’occurrence, mais également français, comme Alexandre Baralis, qui travaille à Sozopol depuis plus de dix ans – que d’œuvrer loin de ces controverses et avec le seul souci de la connaissance. D’où l’utilité d’une exposition comme celle sur « l’épopée des rois thraces – découvertes archéologiques en Bulgarie », qui ne se contente pas de présenter des trésors, fussent-ils sublimes, comme lors des précédentes expositions en France consacrées à la Thrace, mais qui vise à expliquer une civilisation particulière à partir des fouilles et des découvertes les plus récentes effectuées en Bulgarie. Certaines des pièces présentées le sont d’ailleurs pour la première fois au grand public, et certaines n’avaient encore jamais quitté le territoire bulgare. L’idée de cette exposition est née de la visite en Bulgarie en 2011 de l’ancien président-directeur du Louvre, Henri Loyrette, et du directeur du département des Antiquités grecques, étrusques et romaines de l’époque, Jean-Luc Martinez, visite vivement souhaitée par Vejdi Rashidov, à l’époque déjà ministre de la Culture, suscitée par feu Jean-François Jarrige, qui fut le secrétaire général de la commission des fouilles du ministère français des Affaires étrangères pendant vingt-cinq ans, et organisée par mon prédécesseur, Philippe Autié : sans eux et sans la volonté de faire découvrir aux visiteurs du « plus grand musée du monde » une civilisation riche d’un « pays injustement méconnu », cette idée n’aurait pas vu le jour. Une fois l’idée lancée, c’est l’insistance de Jean-Luc Martinez, devenu président-directeur du Louvre, qui a permis que cette idée qui lui tenait à cœur – peut-être plus encore qu’à moi – devienne aujourd’hui réalité. Cette exposition n’aurait pas été non plus possible sans l’engagement et le travail des archéologues, conservateurs et restaurateurs, spécialistes et techniciens, bulgares surtout, en collaboration avec leurs collègues français, qui agissent en dépit des vicissitudes matérielles et financières et partagent une passion pour la compréhension et le respect des civilisations disparues. La Bulgarie est donc présente pour la première fois au Louvre. Mais la coopération entre les musées bulgares, le ministère bulgare de la Culture et le Louvre n’en est qu’à ses prémices : comme l’ont remarqué tous mes prédécesseurs, la Bulgarie est méconnue en France. Cette méconnaissance est nuisible au projet européen : pour vouloir vivre ensemble et constituer ensemble une politie, pour reprendre l’expression de Jean Baechler, active sur la planète, nous devons nous connaître. Passés ou présents, l’art et la culture de tous les peuples partenaires de notre union, qui sont l’expression la plus élevée de leur civilisation propre, sont sans doute leurs meilleurs messagers. Je formule donc le vœu que cette exposition ne soit qu’une première et que d’autres aspects de la culture bulgare, si vaste et si ancienne, puissent être à l’avenir offerts au regard et à la compréhension de mes compatriotes. Kazanlak, Vratsa, Plovdiv, Septemvri, Panagyurishte, Nesebar… Pour beaucoup de Français, les noms des dix-sept villes dont les musées archéologiques et historiques de Bulgarie prêtent leurs œuvres et montrent l’immense richesse du passé antique sont parfois inconnus : que cette exposition aide à les faire connaître et reconnaître, et qu’elle donne envie à tous d’aller les découvrir in situ ! x av i e r l a p e y r e d e c a ba n e s

Ambassadeur de France en Bulgarie


préface

L’Épopée des rois thraces. Découvertes archéologiques en Bulgarie n’est pas la première exposition consacrée aux Thraces et présentée à l’étranger. Ce n’est pas non plus la première en France, car les archives de l’Institut national d’archéologie et musée (qui combine le plus vieux musée et le premier Institut de recherches en Bulgarie) conservent la documentation de l’exposition qui s’est tenue en 1974 dans les salles du Petit Palais, et qui fut un succès. Cette exposition se distingue de celles qui l’ont précédée car elle résulte d’une étroite collaboration entre chercheurs français et bulgares du Louvre, de l’Institut national d’archéologie et musée de l’Académie bulgare des sciences et de l’université Saint-Clément d’Ochrid de Sofia, tout en présentant les découvertes dans leur contexte. Cette approche permet de mieux saisir l’une des pages les plus riches de l’histoire de la culture bulgare. Sont ainsi présentés des trésors et objets découverts dans des tombes thraces plus ou moins connues. L’ensemble des objets mis au jour dans le tumulus Golyama Kosmatka occupe une place centrale. Cet ensemble somptueux, qui a appartenu au roi odryse Seuthès III, est exposé pour la première fois à l’étranger dans sa totalité. La tête en bronze du souverain, trouvée devant le tombeau, est un chef-d’œuvre de l’art hellénistique, revêtant une importance mondiale. C’est à ce jour le premier cas où des archéologues ont mis au jour l’ensemble funéraire intact d’un souverain de la période hellénistique, connu par les sources écrites. Il faut souligner le fait que ce portrait en bronze coïncide avec celui que l’on voit sur les pièces de monnaie du roi. Cette incontestable ressemblance ainsi que les inscriptions écrites sur les objets trouvés dans la tombe indiquent sans aucun doute à qui appartenait ce riche ensemble funéraire disposé au cœur de la Thrace antique. Cette mise à disposition temporaire de la tête en bronze de Seuthès III est un privilège accordé au Louvre et à ses visiteurs. La collaboration entre l’Institut national d’archéologie et musée et des archéologues français est une tradition. C’est un plaisir pour moi de mentionner les longues et fructueuses fouilles franco-bulgares dans la grotte paléolithique de Kozarnika (nord-est de la Bulgarie), sur l’établissement néolithique de Kovachevo (sud-ouest de la Bulgarie), dans les colonies grecques de Bizone (aujourd’hui Kavarna) et d’Apollonia du Pont (aujourd’hui Sozopol), sur la côte bulgare de la mer Noire, et dans l’emporion de Pistiros (près du village de Vetren, en Bulgarie méridionale). Conformément à la conception européenne de réciprocité entre musées, une exposition se tiendra à l’Institut national d’archéologie et musée, qui présentera des objets provenant du Louvre : le fameux trésor romain de Boscoreale. Je suis convaincu que ces deux expositions parallèles encourageront les spécialistes bulgares et français à poursuivre une collaboration fondée sur notre patrimoine culturel commun. Il s’agit du moyen le plus direct et le plus attractif de se connaître et de s’estimer mutuellement. ly u d m i l vag a l i n s k i

Directeur de l’Institut national d’archéologie et musée, Académie bulgare des sciences



préface

Lusis avait eu le plaisir de participer il y a quelques années au financement de la magnifique exposition Au royaume d’Alexandre le Grand – La Macédoine antique. Aussi, c’est tout naturellement que nous avons répondu positivement à la demande du Louvre pour ce nouvel événement concernant une civilisation majeure voisine de la Grèce. Nous le faisons d’autant plus volontiers que cette manifestation permet de rendre accessible à un vaste public un savoir archéologique peu diffusé, réalisant ainsi une vraie mission pédagogique. Bien entendu, pour nous, c’est aussi l’héritage antique qu’il s’agit d’honorer. De nouveau, c’est une manière de lui marquer notre attachement et notre affection filiale. Plus que jamais, en ces temps de grand trouble, les concepts inventés en Grèce, liberté, démocratie, clarté du raisonnement, science, nous sont nécessaires et méritent qu’on les défende avec la dernière énergie. Ces valeurs ont, elles, trouvé un écho chez ces lointains voisins du Nord-Est, l’exposition le montrera, malgré l’affirmation d’Homère les rangeant aux côtés des Troyens (Acamas et le héros Piroüs conduisent les Thraces, renfermés par I’Hellespont orageux, Iliade I I ). Des Thraces, notre mémoire garde, à tort, bien peu de chose. Seuls deux noms émergent. Si le premier, Spartacus, ne relève que des films hollywoodiens et des séries télévisées, le second, lui, traverse toute la culture occidentale : Orphée, le poète-musicien, apparaît sur les céramiques dès le v i e siècle av. J .- C ., au quatrième chant des Géorgiques, il trône sur les mosaïques du Bon Pasteur, chante dans les opéras de Monteverdi et de Gluck, et, au x x e siècle, va jusqu’à tenir le premier rôle dans les derniers films de Jean Cocteau. Si les Grecs ont tenu à faire de lui le fils d’un roi thrace, ne faut-il pas y voir là un signe ? p h i l i p p e p r é va l

Lusis www.lusis.com www.lusispayments.com


sommaire

La Thrace antique

22

petar delev

i la thrace dans l’imaginaire antique et moderne Les Thraces dans l’imaginaire antique e t m o d e r n e – c at. 1 à 10

L’urbanisation de la Thrace

165

26

histro popov

28

Aperçu de la vie quotidienne à Seuthopolis au début de l’époque hellénistique – c at. 116 à 123 maria

jean-luc martinez et néguine mathieux

La monnaie entre Thraces et Grecs – Les Thraces dans la cité grecque –

c at. 11 à 15

44

c at. 124 à 140

11 l ’ é m e r g e n c e d e l’aristocratie odryse

172

olivier picard

Les échanges commerciaux et les émissions monétaires de Seuthopolis – c at. 141 à 147

romain guicharrousse

166

č ič ikova

180

kamen dimitrov

52

L’ é m e r g e n c e d e l ’ a r i s t o c r a t i e o d r y s e

54

Les phiales inscrites : taxes et impositions dans le Royaume odryse

184

alexandre baralis

zosia h. archibald

Le trésor de Rogozen –

Les insignes de l’aristocratie thrace : parure et harnachement

58

milena tonkova

L’armement du guerrier thrace

60

c at. 148 à 151

186

nartsis torbov

Pistiros, un emporion en Plaine supérieure de Thrace

188

zosia h. archibald, jan bouzek et alexey gotsev

totko stoyanov

La nécropole de Duvanli

62

kostadin kisyov

Le tumulus de Mushovitsa, nécropole de Duvanli – c at. 16 à 35

c at. 152 à 163

190

véronique chankowski

64

kostadin kisyov

Le tumulus 1 de Chernozem-Kaloyanovo –

Les zones de marché et le dispositif légal des emporia –

no

Les techniques de l’orfèvrerie en Thrace : ateliers fixes et itinérants – c at. 164 à 178

197

milena tonkova

76

c at. 36 à 48

kostadin kisyov

Le tombeau de Zlatinitsa-Malomirovo –

c at. 49 à 81

88

Les nécropoles aristocratiques de la vallée de Kazanlak

116

c at. 82 à 111

118

Les contextes funéraires odryses, miroir d’une pompe aristocratique

Les résidences aristocratiques Borovo : un cadeau royal –

144

totko stoyanov

147

totko stoyanov

211

Les rites funéraires en Thrace

c at. 179 à 183

Le trésor de Panagyurishte –

alexandre baralis, atila riapov

Le règne des « persianismes » –

rumyana georgieva

L’architecture funéraire en Thrace

148

c at. 112 à 113

150

c at. 184 à 192

220 c at. 193 à 195

230

pierre dupont

111 l ’ o r g a n i s a t i o n d u r o y a u m e o d r y s e La langue thrace et le rôle de l’écriture d a n s l e m o n d e t h r a c e – c at. 114 à 115

anelya bozkova et krasimir nikov

Le tumulus Bashova Moguila, nécropole de Duvanli – c at. 196 à 201

yulia valeva

152

236 238

kostadin kisyov

158

lydia domaradzka

Architecture et décor funéraires dans le Royaume odryse : des modèles macédoniens ? – c at. 202 à 204

Seuthopolis

162

anne-marie guimier-sorbets

č ič ikova

212

Les céramiques : importation, production, usages

daniela stoyanova

maria

206

alexandre baralis, jean-luc martinez

hristo popov

diana dimitrova

La peinture funéraire des tombeaux thraces –

204

et néguine mathieux

totko stoyanov et milena tonkova

Le tumulus de Golyama Kosmatka –

iv un mode de vie aristocratique Le mode de vie aristocratique thrace et ses modèles

daniela agre

244


v la thrace : un espace pluriel Un centre de pouvoir gète : Hélis-Sboryanovo

252

La nécropole de Mésambria

254

anelya bozkova et petya kiyashkina

Les nécropoles antiques d’Odessos

totko stoyanov

Guinina Mohuila : le tombeau royal aux caryatides maria

310

alexandar minchev

256

č ič ikova

La nécropole de Sveshtari

257

La céramique grecque peinte dans les colonies grecques du littoral occidental de la mer Noire

316

maria reho

diana gergova

Le trésor en or du tumulus de Golyama Sveshtarska Moguila –

c at. 205 à 226

258

Apollonia du Pont : la terrasse funéraire ( U P I 5172) et la tombe n o 4 – c at. 264

316

krastina panayotova

diana gergova

L’art des terres gètes et triballes –

c at. 227 à 229

266

La tombe n o 442 de la nécropole de Mésambria – c at. 265 à 267

270

anelya bozkova et petya kiyashkina

totko stoyanov

Les Triballes nikola theodosiev

Le tumulus Moguilanska Moguila –

308

c at. 230 à 251

271

La coroplathie dans les cités grecques ouest-pontiques et les terres cuites de la nécropole d’Apollonia du Pont

321

krastina panayotova et néguine mathieux

nartsis torbov

La restauration de la cnémide

318

280

La sépulture S P 278 –

321

c at. 268 à 277

krastina panayotova

kostadin rabadjiev

L’orfèvrerie dans les cités grecques de l’ouest du Pont

La colonisation grecque du littoral de la Thrace

288

Nord de l’Egée, Hellespont et Propontide

288

326

milena tonkova

Le tombeau de la rue Prilep –

c at. 278 à 284

328

alexandar minchev

alexandre baralis

Pont-Euxin occidental anelya bojkova et margarit damyanov

La sculpture grecque archaïque et classique sur la côte occidentale de la mer Noire – c at. 252 à 253

290

vi la religion La religion thrace 292

332

kostadin rabadjiev

ludovic laugier

Les lieux de culte en Thrace –

Sanctuaires et architecture monumentale dans les colonies grecques du littoral occidental du Pont-Euxin – c at. 254 à 256

alexandre baralis et milena tonkova

334

Letnitsa, Rogozen et les cycles mythologiques 296

342

kostadin rabadjiev

krastina panayotova, margarit damyanov

Le trésor de Letnitsa –

et daniela stoyanova

kostadin rabadjiev

Documents épigraphiques des villes grecques du littoral de la mer Noire – c at. 257 à 258

c at. 285 à 287

c at. 288 à 315

Les cultes thraces dans le monde grec – 300

kostadin rabadjiev

302

annexes L’apport de la thracologie

343 c at. 316

356

martin gyuzelev

L’urbanisme et l’architecture domestique des colonies grecques ouest-pontiques Apollonia du Pont krastina panayotova, dimitar nedev

Mésambria –

c at. 259

valéria fol

303

anelya bozkova, petya kiyashkina

Les nécropoles des cités grecques d e T h r a c e p o n t i q u e – c at. 260 à 263

306

La nécropole d’Apollonia du Pont

306

krastina panayotova, alexandre baralis et margarit damyanov

360

Les Thraces à Paris sofia roumentcheva

362

Les principaux sites archéologiques en Thrace Chronologie nord-balkanique Généalogie Glossaire Bibliographie Index

364 378 379 380 382 397


petar delev

fig. 1 Nécropole chalcolithique de Varna, mobilier funéraire de la tombe n o 1. fig. 2 La Thrace historique : localisation des principales tribus thraces et limites des royaumes odryses.

la thrace antique 22

Le pays de Borée La Thrace (Θρ κη) désignait pour les Grecs l’ensemble des régions disposées au nord de la mer Égée ; un pays qu’ils imaginaient fait de hautes montagnes couvertes de neige, riche en froment, en bétail et en chevaux, et habité par le peuple belliqueux des Thraces ( Θρ κες ). Cette région occupait l’extrémité

sud-est de la péninsule Balkanique. Elle était délimitée au sud par les rivages de la mer Égée, à l’est par ceux du Pont-Euxin (la mer Noire) et au nord par les Carpates. Elle s’étendait donc sur les territoires actuels de la Bulgarie, du sud de la Roumanie, du nord-est de la Grèce et de la Turquie d’Europe. À l’ouest, les vallées de l’Axios (le Vardar) et de la Morava marquaient une frontière relative entre les terres des Thraces et celles des Illyriens. Le nord-ouest de l’Asie Mineure, au-delà du Bosphore de Thrace et de la Propontide (la mer de Marmara), était lui aussi habité par des populations thraces, les Bithyniens. Les principales chaînes de montagnes qui structuraient cet espace étaient l’Haimos (Haemus en latin, la Stara Planina ou le Balkan d’aujourd’hui) et le Rhodope, qui se prolonge plus à l’est jusqu’au littoral pontique par les montagnes du Sakar et de la Strandja. La Thrace septentrionale, au nord de la chaîne de l’Haimos, était traversée par le cours puissant de l’Istros (le Danube). La Thrace méridionale disposait de ses propres fleuves, qui coulaient vers la mer Égée par des vallées fécondes entourées de hautes montagnes, tels le Strymon (la Strouma), le Nestos (la Mesta), l’Hébros (la Maritsa ou le Meriç) et son tributaire le Tonzos (la Tundja). La Thrace protohistorique Les Thraces comptaient parmi les peuples indo-européens ayant fait leur apparition au cours de l’Âge du Bronze. Ils succédaient à un Néolithique balkanique particulièrement brillant, lequel résultait de la rencontre fertile, au début du VII e millénaire av. J.-C., entre une population agricole venue d’Anatolie et des communautés européennes mésolithiques dynamiques. L’essor des cultures sédentaires néolithiques et chalcolithiques durant les trois millénaires suivants s'est matérialisé par les nombreux tells qui parsèment les paysages thraces et reflètent la stabilité de l’habitat. Ce développement long et ininterrompu aboutit,

fig. 1


fig. 2

N G

SCYTHES

Istros

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50 kilomètres

100

E) NUB (DA

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T R I B

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Eu xin Apollonia du Pont

Seuthopolis Agrianes

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Bisaltes

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E DOIN Edones ACÉ M Pella Crestones DE

Aigai

CHALCIDIQUE

23

Odryses

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Po n t-

Odessos

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Astes

T H R A C E

Sapéens Bistones

Scyrmiades

Thyniens

Byzance

Cicones

Apsinthes Paites

Thasos

Propontide

Ainos Saïens

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Bithyniens

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Athènes

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SCYTHES

Sardes Aigai Thasos Agrianes

Peuple périphérique Satrapies Capitales macédoniennes Cités grecques Tribus thraces

Premier Royaume odryse (dans ses limites maximales, 2e moitié du Ve s.) Extension du premier Royaume odryse sous Kotys Ier (383-359 av. J.-C.) Second Royaume odryse sous Seuthès III (vers 324-290 av. J.-C.) Seuthopolis Capitale du second Royaume odryse sous Seuthès III

dans la deuxième moitié du V e millénaire, à l’éclosion, sur les bords de la mer Noire, de la culture de Varna, dotée de structures pré-étatiques et qui, forte des premiers pas de la métallurgie, se distingua par une accumulation inédite de richesses, notamment d’objets en or, avant de connaître bientôt une fin tragique (fig. 1). La période dite de transition entre le Chalcolithique et l’Âge du Bronze, au cours du IV e millénaire av. J.-C., reste relativement méconnue sur le plan archéologique. L’Âge du Bronze ne commença véritablement que dans la seconde moitié de ce millénaire et se poursuivit sur près de deux mille ans. Cette longue période fut rythmée par de nouveaux mouvements de populations dont l’établissement et la fusion aboutirent à l’émergence des anciens peuples de la péninsule Balkanique : les Grecs dans les



la Thrace dans l’imaginaire antique et moderne


jean-luc martinez et néguine mathieux

fig. 1 Cratère à volutes du Peintre des Enfers (vers 330-310 av.  J .- C .) : Orphée se tient à la gauche du trône d’Hadès. munich, antikensammlungen, i n v.   n o   3 2 9 7

l e s t h r ac e s da n s l’imaginaire antique et moderne 28

La Thrace : aucun texte antique conservé n’a, dans la langue de cette contrée, narré l’histoire de ses héros, aucun poète local n’a, en l’état actuel de nos connaissances, chanté ses paysages et peu de voyageurs célèbres ont, depuis l’Antiquité, décrit ses coutumes. C’est pourtant, dans la tradition, une contrée habitée de personnages mythiques. En effet, les Grecs, alors qu’ils peuplaient les marges de leur monde et cherchaient sans cesse à caractériser les figures de l’altérité et de l’étranger, y ont inscrit, dès les chants homériques, des héros que la tradition classique n’a plus jamais oubliés. Ainsi, chez Monteverdi, c’est dans « le champ de Thrace » que le cœur du plus célèbre d’entre eux, Orphée, fils du roi Œagre et de la Muse Calliopé, fut « transpercé de douleur 2 ». Et le poète reste encore pour Apollinaire le « Thrace magique 3 ». Cette région à la fois lointaine et familière, sur les bords de la mer Égée et de la mer Noire, abrite non seulement des héros mais surtout des rois mythiques, comme Rhésos, Diomède, Phinéas, Lycurgue et Térée, ainsi que des dieux, Arès, le dieu de la Guerre, ou Borée, le vent du Nord 4. Nombreuses et plurielles, ces figures sont cependant toutes masculines et appartiennent souvent à deux règnes principaux, qui ne sont pas nécessairement opposés en Grèce 5 : d’un côté la musique, de l’autre la guerre et la violence. En effet, Thamyris, frappé de cécité après avoir concouru avec les Muses, Eumolpos, petit-fils de Borée qui accompagna le départ de Triptolème, et Mousaios sont des suiveurs d’Orphée, le joueur de lyre. Du côté des rois, on trouve Diomède, qui avait coutume de faire dévorer les étrangers par ses juments, Lycurgue, qui chassa Dionysos de son pays et fut condamné pour cela à être écartelé par quatre chevaux, et Térée, qui fut contraint, après avoir violé la sœur de sa femme, de dévorer son propre fils, Itys 6 (cat. 8 et 10) : tous sont fils ou petits-fils du dieu de la Guerre. Mais la généalogie de ces personnages qui peuplent la Thrace offre d’autres liens familiaux et d’autres attaches géographiques. Térée, par exemple, épousa Procné, la fille du roi Pandion, héritier d’Érichthonios, l’un des premiers rois d’Athènes. C’est aussi une arrière-petite-fille de ce roi fondateur de la cité et fille du frère de Procné, Orithye, qui fut enlevée par le dieu Borée, avec lequel elle eut deux fils et deux filles. L’une d’entre elles s’unit à Poséidon pour donner naissance à Eumolpos, qui se rangea avec son armée aux côtés des habitants d’Éleusis dans leur guerre contre Athènes. Il y fut tué en duel par Érechthée, son arrière-grand-père. Ainsi, par un jeu d’alliances matrimoniales, héros, dieux et rois thraces s’unissent aux fondateurs mythiques de la cité d’Athéna. L’histoire est belle et elle est principalement contée dans les sources littéraires attiques. Certes le roi Rhésos est un des héros de l’Iliade ( X , 434-525), mais ce sont les auteurs du v e siècle av.  J .- C ., et en particulier les tragiques, qui ont véritablement mis en scène ces rois à Athènes : Sophocle écrit une pièce sur Térée, Euripide sur Rhésos, et Eschyle, dans sa tétralogie consacrée à Dionysos, qui se passe en partie en Thrace, racontait déjà l’histoire et le châtiment de Lycurgue 7. De même Orphée, ignoré par Homère et Hésiode, cité rapidement par Pindare (Pythiques IV , 177) et Simonide (frag. 40), ne prend véritablement

1


29

fig. 1


romain guicharrousse

Les Thraces dans la cité grecque 44

Les images stéréotypées des Thraces qui apparaissent sur les vases ne sont pas

d’ailleurs en place un corps de peltastes qu’il commande, avant de servir

isolées. Dès le milieu du v e siècle av.  J .- C ., la littérature comique, ethnogra-

auprès du roi odryse Kotys I er. Les mercenaires thraces sont une réalité de

phique et historique dépeint des Thraces belliqueux et amateurs de boissons.

mieux en mieux connue et reconnue : leur description devient moins carica­

Dans les cités grecques, dont Athènes, les Thraces sont nombreux, notam-

turale dans les sources historiques, d’autant qu’Athènes a besoin d’eux

ment parmi les esclaves. Ces derniers ne parlent souvent pas grec lorqu’ils

lorsqu’elle combat Philippe de Macédoine, père d’Alexandre.

arrivent à Athènes : ils répondent ainsi à la définition littérale du Barbare.

Ces lieux communs transmis par les sources littéraires ne correspondent

L’illettrisme des Thraces est d’ailleurs proverbial au iv e siècle (Androtion,

donc pas toujours à la réalité décrite par les documents de nature archéo­­­

Fragmente des griechischen Historiker 324, F 54a). Quand ils parlent grec,

logique. Dans les sources épigraphiques (épitaphes, décrets gravés), on ren-

c’est avec un accent prononcé – souvent moqué dans la comédie. Ces esclaves

contre des esclaves thraces comme des hommes libres, des métèques comme

ont eu, à n’en pas douter, une forte influence sur la vision qu’avaient les

des fils de rois naturalisés (Rhéboulas, fils du roi odryse Seuthès II, frère de

Athéniens des « Barbares thraces ». C’est peut-être d’eux que vient la vision

Kotys I er, a ainsi vécu à Athènes dans les années 330 4), des mineurs comme

d’individus tatoués – marque infamante et servile pour les Grecs, mais signe

des artisans. L’un d’entre eux semble même avoir joué les arbitres de l’élé-

de noblesse chez les Thraces selon Hérodote ( V , 6). Autre lieu commun, les

gance : il était persikopoios 5, « créateur de chaussures de luxe pour femmes à

Thraces auraient été des guerriers valeureux mais sanguinaires et désordon-

la mode perse ». Beaucoup paraissent bien intégrés. Dans la documentation

nés. Or, nombreux sont les mercenaires venus en Attique entre le v e et le

épigraphique, la dénomination « thrace » regroupe une population hétéro-

iii e siècle,

gène, loin des stéréotypes qui servent surtout la stratégie de construction

à la faveur des liens établis entre les Odryses et Athènes. Leur com-

portement devait concourir à renforcer les clichés sur le Thrace. Leur pré-

identitaire grecque.

sence, épisodique, n’en est pas moins marquante : les peltastes odomantes, alliés de l’Odryse Sitalkès au début de la guerre du Péloponnèse selon Aristophane (Les Acharniens, 158-170), sont ainsi présentés comme des voleurs brutaux 1. Les Athéniens s’intéressent à la Thrace dès le vi e  siècle : productrice du bois nécessaire à la construction des trières, la région est une étape obligée sur la route qui mène vers la mer Noire et ses blés. À plusieurs reprises, les Athéniens tentent d’y implanter des colons et d’y nouer des alliances. Les royaumes thraces, qui émergent au milieu du v e  siècle, sont alors autant d’alliés potentiels et les contacts sont nombreux dès cette époque. S’ajoutent à cela des liens individuels : plusieurs grands aristocrates athéniens 2 ont vécu dans la région (comme Miltiade, futur vainqueur de Marathon, en Chersonèse, où il a épousé la fille d’un roi local, tels l’historien Thucydide, qui y possède des mines, et Iphicrate, général athénien, au milieu du iv e siècle) et sont en relation avec les peuples locaux. Les clichés se sont nourris de cette présence, mais les Athéniens ont aussi utilisé la caricature du Thrace comme repoussoir pour forger leur identité 3. Chez Hérodote ( II , 67) comme chez Thucydide ( II , 98, 4), les peltastes sont des figures de l’altérité : valeureux mais désordonnés, ils représentent le décalque inversé de la phalange grecque. Seul Xénophon, au iv e siècle, juge que leur équipement léger est un atout car il est adapté au terrain montagneux du nord de l’Égée (Anabase VI , 3, 6-7). À la même époque, Iphicrate met

l a t h r a c e

da n s

l ’ i m a g i n a i r e

a n t i q u e

e t

m o d e r n e

1 Lonis, 2002, p. 192-193. 2 Sears, 2013. 3 Hartog, 1980. 4 Inscriptiones Graecae I I 3 351. 5 Inscriptiones Graecae I I 2 11689.


c at. 11

Stamnos à figures rouges : mort d’Orphée Argile Nola, acquisition, 1861 Athènes, Hermonax Vers 470 av. J .- C . h. 31,2 cm ; d. 26,9 cm ; l. 33,2 cm

paris, musée du louvre, département des antiquités g r e c q u e s , é t r u s q u e s e t r o m a i n e s , i n v.  n o  g   4 1 6

La scène recouvre entièrement le vase. Au centre, Orphée est représenté à terre, blessé, à moitié couvert de son manteau, la lyre levée dans une ultime tentative pour se défendre. Autour de lui, six femmes thraces – reconnaissables, pour certaines d’entre elles, aux tatouages qui recouvrent leurs bras – l’attaquent à l’aide d’armes aussi diverses que des lances, un rocher, un caillou, une hache double ou encore une faucille qui servira à la décollation du poète. bibliographie Pottier, 1922, p. 253 ; C VA Louvre 3, p. 10, pl. 19, 1, 4, 6, 7 ; C VA Louvre 4, p. 13, pl. 20, 1, 2 ; Beazley, 1963, p. 484, n o 17 ; Beazley, 1971, p. 379 ; Philippaki, 1967, p. 37, 39, pl. 24, 1 ; Zimmermann, J D A I 95, 1980, p. 176, fig. 11, p. 177, n o 14 ; L I M C V I I , 1994, p. 86, n o 39. expositions Baltimore, 1995, n o 129 ; Bogota, 2013-2014, n o 51.

S P

45

t i t r e

c o u r a n t



l’émergence de l’aristocratie odryse


zosia h. archibald

l ’ é m e r g e n c e d e l ’ a r i s to c r at i e o d rys e 54

L a T h r a c e à l ’ é p o q u e c l a s s i q u e  1 Les premiers documents qui attestent l’existence d’une dynastie royale et d’une aristocratie odryses sont de nature littéraire et numismatique. Les monnaies des dynastes odryses se révèlent assez tardives dans la séquence des rois et princes puisqu’elles ne débutent que sous Sparadokos, le frère de Sitalkès, et sont datées aux alentours de 424 av.  J.-C. Hérodote et Thucydide, les grands historiens du v e siècle, non seulement avaient entendu parler des Odryses, mais prétendaient tous deux en avoir une connaissance personnelle. Hérodote se réfère à eux dans sa description de la marche du roi perse Darius en Thrace orientale, en route en 513 av.  J.-C. vers le Danube. Il explique que le fleuve Arteskos (l’Ardas ?) traverse le territoire des Odryses ( IV , 92). Nous ignorons si les Odryses constituaient déjà une puissance territoriale à cette époque ; il est probable qu’ils formaient durant les guerres médiques un groupe tribal qui, au moment où les Perses se sont retirés de l’Europe, a réussi à étendre son autorité sur une région beaucoup plus vaste. Par ailleurs, Hérodote rapporte une anecdote concernant deux des petits-fils de Térès (le plus ancien roi de Thrace connu ; Thucydide II , 95) : Oktamasadès, l’un des fils de la fille de Térès, et Skylès, fils du roi scythe Ariapeithès et d’une femme d’Istros (Hérodote IV , 80). Étant donné qu’Ariapeithès était aussi un fils de Térès, les dynasties thrace et scythe étaient étroitement liées, et ce lien se renforça dans la dernière partie de cette histoire, où Sitalkès, fils et successeur de Térès, intervient. Dans ce récit, Hérodote s’intéresse à la variabilité des valeurs culturelles, mais, ce faisant, il fournit aux lecteurs une vue étonnamment détaillée des relations dynastiques et, en même temps, des tensions auxquelles elles donnèrent lieu. On ignore si les intrigues dynastiques ou de pouvoir ont, dans les faits, joué un rôle plus important dans le sort de Skylès que son enthousiasme pour les festivités dionysiaques. La toile de fond de cette histoire demeure une confrontation entre deux armées de cavaliers : celle des Scythes et celle des Odryses de Sitalkès. Le mode de vie et les cou­ tumes des deux cavaleries d’élite présentaient de nombreux points communs. Les rapports sociaux qui unissaient les aristocraties odryse et scythe nous rappellent que l’identité ethnique n’est qu’un des angles sous lesquels de tels groupes aristocratiques peuvent être analysés. Les liens familiaux entre la famille athénienne des Philaïdes et la maison thrace d’Oloros rappellent que l’élite sociale du Royaume odryse partageait également les coutumes et les valeurs de l’aristocratie grecque. Miltiade le Jeune, père du grand général athénien Cimon, épousa Hégésipylè, fille d’Oloros (Hérodote VI , 39). C’est en l’honneur de ce roi que le père de Thucydide fut ainsi nommé ; compte tenu de la position exceptionnelle qu’occupaient les Philaïdes à Athènes, il est probable qu’il était bien introduit en Thrace odryse, et le fait que l’historien ait hérité de droits dans les mines d’or situées sur le continent, face à Thasos (Thucydide IV , 105, 1), démontre que ces liens familiaux continuaient d’être avantageux – et d’avoir des retombées sociales – dans le dernier quart du v e siècle.

1 Archibald, 1998 ; Archibald, 2014.


milena tonkova

fig. 1 Pectoral de Dalboki. ox f o r d , as h m o l e a n museum

Les insignes de l’aristocratie t h r a c e  : p a r u r e e t h a r n a c h e m e n t 58

L’essor tout comme l’évolution des insignes de l’élite thrace sont révélateurs des métamorphoses de cette société durant la période classique et au début de l’époque hellénistique. Fortement influencés à leurs débuts par l’art grec et oriental, ils forment bientôt un répertoire caractéristique à l’origine d’une école thrace d’orfèvrerie et de toreutique. Les pectoraux, bagues et parures en or de cérémonie, ou les plaques décorées destinées aux harnais des chevaux, comptent parmi les œuvres les plus remarquables de l’art thrace  1. Près d’une cinquantaine de pectoraux nous sont parvenus des terres odryses et gètes. Au cours du ve siècle av. J.-C., ils représentent d’imposantes plaques en or décorées de personnages mythologiques de facture grecque et orientalisante. On peut en déduire l’influence des artistes grecs, travaillant sur place, bien que des parallèles extérieurs à la Thrace se révèlent rares. C’est le cas notamment des exemplaires provenant du tumulus de Bashova Moguila à Duvanli, de Chernozem-Kaloyanovo (cat. 36) et de Dalboki 2

fig. 1

(fig. 1). Rapidement, les sujets changent et s’inscrivent dans un répertoire exclusivement thrace qui s’articule autour d’animaux réels et fantastiques de style local, voire de l’arbre de la vie ou de motifs floraux et géométriques. La qualité de leur exécution décline vers le milieu du iv e siècle av. J.-C.

Les parures de cérémonie en or du v e siècle av.  J .- C . attestent elles aussi

Toujours en or, mais également en argent, ils présentent vers la fin du siècle

la volonté exprimée par les Thraces de développer leur propre écriture.

et au début du suivant des dimensions plus modestes, tandis que leur décor se simplifie 3. Au sein du mobilier funéraire, les pectoraux ne sont jamais

Les ornements de tête composés de l’association de six à dix boucles

accompagnés de couronnes en or qui, semble-t-il, les remplacent.

d’oreilles et de deux pendants d’oreilles en forme d’omégas ou de spirales, visibles dans les trois tombes féminines de Duvanli (cat. 21, 22),

Les bagues en or, ornées d’un cavalier, sont caractéristiques de l’aris-

n’ont pas d’équivalent en dehors de la Thrace. Ils constituent des insignes

tocratie odryse. Au v e siècle av.  J .- C ., le cavalier apparaît seul sur les

proprement odryses, ce qui explique leur maintien dans la région au

bagues de Duvanli où il est conforme à l’iconographie grecque. Seuls

cours des deux siècles suivants. Les Gètes disposaient, eux aussi, de

l’inscription et le style lui confèrent un trait local. Vers le milieu du

parures cérémonielles originales, comme le démontrent les boucles

iv e siècle av.  J .- C ., les scènes reproduisent au contraire un fond idéolo-

d’oreilles s’achevant par de grands manchons terminés par une pyra-

gique propre au monde thrace. La séquence la plus répandue est celle de

mide, le torque et le collier qui ornent la déesse figurée sur les cnémides

l’investiture royale, représentée sur les bagues de Zlatinitsa-Malomirovo

d’Agighiol et de Zlatinitsa-Malomirovo (cat. 54). De tels exemplaires en

(cat. 50) et de Brezovo (cat. 308), tandis que l’exemplaire de Rozovets se

or ont été retrouvés en territoire gète, notamment à Koprivets pour

révèle très proche (cat. 307). La chasse royale décore en revanche la bague de Peychova Moguila  4 (cat. 309).

l’époque classique, et des variantes, plus tardives, y ont également été mises au jour  5.

Les pectoraux et les bagues en or, qui témoignent de la création de

Les couronnes en or traduisent à l’inverse en Thrace, et chez les

sujets, de schémas iconographiques et de styles locaux, matérialisent

Odryses en particulier, une tout autre tendance en faveur d’une universa-

ensemble l’idéologie des Odryses. Ces ornements étaient identifiables

lisation des symboles du pouvoir, qui s’inscrit dans une volonté de rivali-

durant l’Antiquité comme des symboles du pouvoir odryse et traduisaient une volonté d’autocaractérisation et de différenciation dans le

ser avec les autres élites politiques régionales, à commencer par le Royaume de Macédoine  6. En effet, les couronnes découvertes en Thrace

cadre d’un apparat original.

ne diffèrent pas de celles de facture grecque. Les couronnes d’olivier de

l ’ é m e r g e n c e

d e

l ’ a r i s t o c r a t i e

o d rys e


totko stoyanov

suggère que l’on avait adopté également en Thrace les innovations introduites par Philippe II et Alexandre le Grand  4. C’est au v e siècle av.  J .- C . que le long glaive à double tranchant (du type Naue II ), caractéristique du début de l’Âge du Fer, est remplacé par le xiphos  5, une épée courte. L’arme dominante pour un combat rapproché, surtout pour la cavalerie, est la machaira. Le glaive (cat. 56) provenant de la tombe de Zlatinitsa-Malomirovo suggère que les dimensions de cette arme dépendaient vraisemblablement de la taille du guerrier. Comme en Macédoine, on réalisait également pour l’élite dirigeante en Thrace des glaives richement décorés, tel celui qui a été découvert dans la tombe de Seuthès III – Golyama Kosmatka –, qui constitue un véritable

60

chef-d’œuvre (cat. 92).

L’ a r m e m e n t du guerrier thrace

sons se révèle réduite. Cette situation, surtout pour les peltès, résulte

Les données de plus en plus nombreuses dont nous disposons sur l’arme-

boucliers ronds d’Alexandrovo et le bouclier du tombeau de Sveshtari

ment des Thraces, acquises grâce aux riches sépultures, ainsi qu’aux

sont des objets fonctionnels. Les appliques en fer mises au jour à Golyama

fouilles menées sur d’importants établissements et forteresses, suscitent un intérêt croissant pour ce sujet  1. Les Thraces ne sont pas parvenus au

Kosmatka présentent pour leur part quelques différences par rapport aux

En ce qui concerne les boucliers, la documentation dont nous dispopeut-être des matériaux périssables qui les composaient. La question demeure de savoir si les boucliers ovales du tombeau de Kazanlak, les

boucliers grecs (cat. 90).

niveau d’organisation politique de la cité grecque, ni à celui du corps

En Thrace, les casques sont habituellement de type chalcidien, comme à

hoplitique dans le domaine militaire. Les sources, tant archéologiques

Zlatinitsa-Malomirovo (cat. 53), Moguilanskata Moguila et Golyama

que textuelles, désignent comme type principal de formation l’infanterie

Kosmatka (cat. 89). Nous en connaissons jusqu’à présent plus de soixante

légère armée de lances, d’arcs et de flèches. Souvent, ces combattants

qui illustrent une tendance diffuse au développement de variantes locales,

portaient un bouclier léger (peltè), qui leur a valu le nom de peltastes sous

sans analogies en dehors de la Thrace, tels que les casques de parade en argent du type Agighiol 6. À partir du ive siècle av. J.-C., les casques de type

lequel ils sont connus. Il était admis dans l’Antiquité que peltè et peltastes avaient été introduits en Grèce depuis la Thrace  2. Les conditions

« thrace » ou « phrygien » acquièrent une certaine popularité 7.

naturelles étant favorables en Thrace à l’élevage des chevaux, c’est donc

Au v e siècle av.  J .- C ., les aristocrates thraces ajoutent à leur armement

dotés de cet armement que les Thraces guerroyaient sur leurs montures.

des armures en bronze du type « en cloche ». Celle de Chernozem-

Ces deux groupes de guerriers – fantassins et cavaliers – sont figurés

Kaloyanovo (cat. 36) représente une variante évoluée : pour renforcer la

ensemble sur la petite cruche de Karnobat (cat. 14).

protection du cou, on a ajouté un gorgerin à l’avant (peritrachelion)

L’évolution sociale a abouti à quelques différenciations entre l’arme-

lequel peut être réalisé en divers matériaux – en feuille de métal, en écailles

ment des aristocrates et celui des cavaliers et fantassins, plus légère-

placées sur une base de cuir, etc. Ces derniers sont alors combinés avec

ment équipés, recrutés parmi la population ordinaire. Les tombeaux

d’autres types de cuirasses, en cuir ou en lin, dotées de plaques ou des

de Chernozem-Kaloyanovo, de Zlatinitsa-Malomirovo, ceux de

écailles. La reconstruction intégrale de l’armure en écailles équipée de ce

Moguilanskata Moguila et de Golyama Kosmatka, présentés dans cette

type de dispositif, découverte dans la tombe de Zlatinitsa-Malomirovo

exposition, illustrent quelques-unes des étapes fondamentales dans

(fig. 1), permet de se faire une idée claire de ce à quoi ressemblaientles cui-

le développement de l’armement du guerrier aristocratique thrace du

rasses, populaires en Thrace durant le iv e siècle. Les cnémides font leur introduction dans l’armement thrace au cours

v e au iii e  siècle av.  J .- C . Les Thraces se servaient d’arcs réflexes proches par leurs dimensions

du iv e siècle av.  J .- C . Comme dans le cas des casques, les artisans réali-

et leur structure de ceux des Scythes. En témoignent les pointes en bronze,

saient des cnémides de cérémonie, à l’image de celles de Moguilanskata

destinées aux flèches, trilobées et à douille, analogues à celles des

Moguila (cat. 240) et de Zlatinitsa-Malomirovo (cat. 54). Les cnémides

Scythes. C’est vers le v e siècle av.  J .- C . que ces arcs de dimensions

en bronze de Golyama Kosmatka sont fonctionnelles (cat. 91), mais les

modestes ont atteint leur qualité et leur puissance optimales. Dans les

représentations de la tête d’Athéna les rapprochent des cnémides de

tombes riches, on retrouve des pointes de trois longueurs différentes,

parade en tant qu’armures de prestige.

sans doute liées à des utilisations distinctes. Dès le début de l’Âge du Fer en Thrace, deux types de pointes de lance se développent : celles, petites, qui sont destinées au lancer (15-25 cm), et de plus grandes, adaptées au combat rapproché (31-43 cm). Dans certaines tombes du v e siècle av.  J .- C ., comme celle de ChernozemKaloyanovo, sont déposées habituellement deux lances  3 (cat. 48). Le tombeau de Moguilanskata Moguila, avec ses quatorze exemplaires (cat. 237), démontre qu’ils tendent à se multiplier de façon perceptible au cours des iv e et iii e siècles. De la forteresse située près de Dragoevo proviennent un saurotère et une douille pour une capuca de fantassin, ce qui

l ’ é m e r g e n c e

d e

l ’ a r i s t o c r a t i e

o d rys e

1 Webber, 2011. 2 Best, 1969. 3 Archibald, 1998, p. 202-203. 4 Stoyanov, 2015. 5 Nankov, 2007. 6 Ognenova-Marinova, Stoyanov, 2005. 7 Waurick, 1988.


kostadin kisyov

fig. 1 Fouilles du tumulus Kukova Moguila, Duvanli, 1929. sofia, archives de l’institut national d’archéologie et musée, abs

fig. 2 Fouilles du tumulus Kukova Moguila, Duvanli, 1930. sofia, archives de l’institut national d’archéologie et musée, abs

La nécropole de Duvanli 62

fig. 3 La nécropole de Duvanli.

La nécropole s’étend sur environ 100 kilomètres carrés, autour des vil-

d’un mobilier funéraire imposant qui comprenait de nombreux vases

lages de Duvanli, Jitnitsa, Chernichevo, Miromir, Chernozem, Pesnopoy la nécropole comptait encore une cin-

grecs importés. Les tumuli voisins sont plus modestes et l’on pense qu’ils entouraient l’homme inhumé dans le tumulus de Bashova Moguila  1.

quantaine de tumuli. Vingt-cinq d’entre eux ont fait l’objet de recherches

Le deuxième groupe de tumuli se trouvait au nord-ouest de Duvanli,

complètes ou partielles, conduites durant les années 1930 par Bogdan

sur les hauteurs surplombant la rive gauche du Kulak Dere. Il se compo-

Filov et Ivan Velkov. Cinq tumuli ont été étudiés entre 2000 et 2003, tan-

sait de trois tertres de dimensions diverses : Lozarska, Arabadjiyska et

dis que les autres ont été détruits par des pilleurs.

Doncheva. Dans le tumulus Lozarska a été mis au jour un sujet inhumé

et Begovo. Au début du

xx e siècle,

oscillant entre 500 mètres et 5 kilomètres. Soit ils sont isolés, soit ils for-

accompagné d’éléments caractéristiques relevant des pratiques funéraires grecques  2. Les dépositions réalisées au sein de ce groupe s’étalent

ment de petits groupes de trois ou quatre unités. Tous occupent les sec-

sur une génération, comme le démontre la plus riche des tombes, celle du

teurs les plus élevés du relief, alors que l’habitat était situé le long des

tumulus Arabadjiyska, qui est aussi la plus tardive, datée au plus tard du milieu du v e siècle av.  J .- C .  3.

Les tumuli sont disposés à des distances variables les uns des autres,

terrasses qui bordent les rivières Pikla, Kulak Dere et Stryama. Un premier groupe se trouvait au nord de Duvanli et comprenait quatre tumuli dispo-

Le troisième groupe se trouve à 3 kilomètres à l’ouest du village de

sés en ligne droite. Le plus important d’entre eux était Bashova Moguila

Jitnitsa. Sur un haut promontoire qui surplombe la rive gauche de la

(cat. 196 à 201), au sein duquel a été découvert un riche tombeau, doté

Pikla, treize tumuli de diverses dimensions ont été érigés. Le plus grand

fig. 1 l ’ é m e r g e n c e

d e

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o d rys e


Le tumulus de Mushovitsa, nécropole de Duvanli

kostadin kisyov 64

Le tumulus de Mushovitsa est situé à environ

Toutes les offrandes qui composaient le mobilier

500 mètres au nord-ouest de celui qui est dénommé

funéraire ont été déposées autour de la tête,

« Bashova Moguila ». Il présente une hauteur de

à l’exception d’un vase monochrome à pâte grise

4 mètres sur un diamètre de 32 mètres. Au sommet

(cat. 31), qui était placé près du pied gauche.

du tertre, à une profondeur de 10 centimètres, une

À quelques centimètres au-dessus de la fosse

tombe secondaire a été installée au cours du

funéraire, on a observé des traces de cendre et des

iv e siècle

une amphore Chios ainsi qu’une fibule de bronze

charbons qui témoignent des pratiques rituelles accomplies après les funérailles  1. La céramique

caractéristique des vii e et vi e siècles av.  J .- C .

de type attique présente dans la tombe et l’amphore

ont été découvertes toutes deux au niveau du sol

chiote permettent de dater le tumulus du deuxième

antique. La tombe initiale était disposée elle aussi

quart du v e siècle av.  J .- C . Il s’agit du premier tertre funéraire de la nécropole située près de Duvanli  2.

après J .- C . Au centre du tumulus, sous la couverture,

au centre du tumulus. Il s’agissait d’une fosse de forme carrée, orientée est-ouest (l. 3,50 m ; l. 2 m ; p. 1,50 m), qui abritait un cercueil en bois. Celui-ci contenait un sujet de sexe féminin, auquel il manquait les ossements des membres supérieurs.

1 Filov, 1934a, p. 84-98. 2 Reho, 1990, p. 15 ; Archibald, 1998, p. 75 ; Tonkova, 2000-2001, p. 280.

fig. 2

1 Hydrie en bronze (cat. 27) 2 Trois œnochoés miniatures (cat. 24) 3 Alabastres (cat. 25) 4 Pectoral (cat. 16) 5 Fibules avec chaînettes (cat. 17) 6 Fibule (cat. 18) 7 Protomé en terre cuite (cat. 23) 8 Collier (cat. 19) 9 Boucles d’oreilles (cat. 21) 10 Pendants d’oreilles (cat. 22) 11 Miroir (cat. 26) 12 Amphore à figures noires (cat. 32) 13 Coupe à vernis noir (cat. 30) 14 « Salière » (cat. 29) 15 Phiale en argent (cat. 28) 16 Vase monochrome (cat. 31) 17 Perles (collier ?) (cat. 20) 18-20 Trois petits objets (cat. 34) 21-22 Quarante-neuf petits objets (cat. 33)

fig. 1 Fouilles du tumulus de Mushovitsa, Duvanli, 1930. sofia, archives de l’institut national d’archéologie et musée, abs

fig. 2 Tumulus de Mushovitsa, Duvanli, plan de la tombe et répartition du mobilier funéraire.

fig. 1 l ’ é m e r g e n c e

d e

l ’ a r i s t o c r a t i e

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c at. 19

c at. 20

Collier

Collier

Or Duvanli, tumulus de Mushovitsa, 1930 Découvert sous la mâchoire inférieure du crâne Première moitié du v e siècle av. J .- C . d. 0,8-1,3 cm ; poids 79,6 g

Or Duvanli, tumulus de Mushovitsa, 1930 Découvert sur la partie sommitale du crâne Première moitié du v e siècle av. J .- C . d. d’une perle 0,9 cm ; poids total 26,4 g

p l ov d i v, m u s é e r é g i o n a l d ’ a r c h é o l o g i e i n v. n o 1 5 3 4 ; 1 5 3 6

p l ov d i v, m u s é e r é g i o n a l d ’ a r c h é o l o g i e i n v. n o 1 5 3 5

La parure est constituée de vingt pendentifs sphériques, ou bullae, bordés d’un fil tressé doublé de granulation, et ornés d’une rosette à cinq feuilles en filigrane et de deux autres dépourvues de toute ornementation 1. bibliographie Filov, 1934a, p. 85, ill. 108.

66

1 Les colliers de petites perles en or cat. 19 et 20 ont été découverts à des emplacements différents du crâne, mais ils appartiennent vraisemblablement à la même parure qui constitue un collier caractéristique de la toreutique grecque classique. Venedikov, Gerasimov, 1973b, p. 98 ; Gerasimov, 1979a ; Tonkova, 2000-2001, p. 280.

c at. 19–20

l ’ é m e r g e n c e

d e

l ’ a r i s t o c r a t i e

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K K

La parure est constituée de dix-neuf perles cannelées. bibliographie Filov, 1934a, p. 85-88, ill. 108. K K


Le tumulus n o 1 de Chernozem-Kaloyanovo kostadin kisyov

76

Le tumulus se trouve au lieu-dit « Tranaka », près du village de Chernozem (commune de Kaloyanovo). On observe la présence, à 15 mètres au nord de la périphérie du tumulus, d’un fossé de forme courbe, qui a été creusé pour extraire la terre nécessaire à l’édification de la couverture tumulaire. Le tertre montre des dimensions imposantes. Son diamètre est de 48 mètres ; sa hauteur de 6 mètres. Le défunt a été déposé dans une ciste aménagée dans une fosse de plan rectangulaire (l. 3 m ; l. 2 m ; h. 1,70 m) que le tumulus est venu recouvrir. Les parois de la tombe, tout comme le sol, sont composées de grandes dalles rectangulaires dont la surface interne et les côtés sont soigneusement polis, alors que la face externe demeure, elle, grossièrement équarrie. La chambre funéraire a été recouverte par cinq dalles posées à l’horizontale, les deux qui composent l’extrémité formant un toit à double pente faiblement incliné. La construction est en pierres sèches, sans mortier ni agrafes métalliques. Les parois intérieures et le sol sont revêtus d’un mortier blanchâtre de 5-6 millimètres d’épaisseur. Il est recouvert lui-même d’une épaisse couche de peinture qui a pénétré parfois le mortier. Sur la paroi occidentale, le mortier est teint en rouge. Cette coloration a également été appliquée le long des parois nord et sud sur une longueur de 1 mètre, afin d’encadrer la tête et la poitrine du défunt. On a eu recours, pour réaliser cette décoration, à de l’ocre rouge appliquée suivant la technique de la fresque. Une ligne droite souligne la limite entre les surfaces rouge et blanche.

Le défunt est déposé en décubitus dorsal, les membres inférieurs en extension, la tête à l’ouest. Ses bras sont croisés sur la poitrine (fig. 1a). Les résultats anthropologiques ont permis d’établir qu’il s’agit d’un homme jeune, décédé à l’âge d’environ 20-25 ans. Durant les fouilles, on a découvert, dans le remplissage de terre qui avait pénétré dans la chambre funéraire, de nombreux éléments d’un linceul composé d’un tissu orné de fines paillettes et de fils d’or. Cet usage a également été observé dans le tumulus Golyamata Moguila, où les ossements incinérés étaient aussi recouverts d’un tel linceul 1. Les offrandes ont été réparties en deux groupes à l’intérieur de la chambre funéraire (fig. 1d), dans l’espace situé entre la paroi orientale et les pieds du défunt. À gauche du corps était placé un premier ensemble de pointes de flèche (cat. 38), accompagné de deux pointes de lance disposées parallèlement et orientées à l’ouest (cat. 39) ; dans l’angle nordouest, un lécythe (cat. 46) était posé droit ; dans l’angle nord-est la lékanè (cat. 41), l’hydrie en bronze (cat. 42), la clepsydre (cat. 44), l’hydrie à figures rouges (cat. 48), avec dans son embouchure un lécythe (cat. 46), ainsi que les deux petites cuillères en argent (cat. 45). La cuirasse (cat. 40) était placée verticalement dans l’angle sud-est, le pectoral tourné vers le défunt. Fortement corrodé, un rivet en fer, destiné au gorgerin (peritrachelion), était déposé sur sa partie supérieure, tandis que la courroie en cuir d’un carquois était conservée sur l’épaule gauche ; 30 centimètres plus loin, le long de la paroi méridionale de la tombe, se trouvaient plusieurs autres pointes de flèche (cat. 38), dont les fûts étaient partiellement conservés avec la coupe en argent (cat. 47) et la passoire (cat. 43). Près du pied gauche apparaissaient les vestiges d’un récipient en bois, décomposé, de forme circulaire, doté de deux fines anses de bronze. Sur l’os iliaque gauche (bassin) a été découverte la bague en or (cat. 37) et le pectoral (cat. 36) dans la région du ventre. Celui-ci a été réalisé spécialement pour les funérailles. L’inhumation du défunt et l’édification du tertre (fig. 1b) ont été accompagnées d’autres pratiques rituelles qui appartiennent elles aussi aux funérailles. La première couche du remblai qui recouvrait la tombe, composée de terre noire de type chernozem, a livré à une profondeur de 2 mètres un os et des dents de mouton. Dans la partie centrale de la tombe, sur les dalles de couverture, se trouvaient également deux fragments d’un vase à vernis noir d’excellente facture. Sa couleur dense et sa surface très lisse sont toutes deux caractéristiques des premières productions attiques. Au niveau des dalles de couverture, devant la façade occidentale, une plate-forme construite en dalles orthogonales, placées horizontalement, répondait à une fonction rituelle. Enfin, parmi les autres actes rituels, on note la dispersion sur le sol de la tombe de cendres et de charbons avant la déposition du corps. La tombe du tumulus n o 1 est datée des années 440 et 430 av. J .- C . 2.

fig. 1a 1 F ilov, 1934a, p. 103-104. 2 Kisyov, 2014, p. 141-143.

Terre noire (chernozem) Terre calcaire blanche Terre mélangée Terre sableuse jaune Terre argileuse brune

fig. 1b

fig. 1c

fig. 1d

fig. 1a ChernozemKaloyanovo, tumulus n o 1, parois de la ciste peintes et partie supérieure du défunt. fig. 1b ChernozemKaloyanovo, tumulus n o 1, coupe du tertre funéraire. fig. 1c ChernozemKaloyanovo, tumulus n o 1, plan du tertre funéraire.

Chernozem-Kaloyanovo, tumulus n o 1, disposition du mobilier funéraire. a Lékanè (cat. 41) b Hydrie en bronze (cat. 42) c Clepsydre (cat. 44) d Lécythe (cat. 46) e Hydrie à figures rouges (cat. 48) f Cuillères (cat. 45) g Cuirasse (cat. 40) h Pointes de flèche (cat. 38) i Coupe de Rhénée (cat. 47) j Passoire (cat. 43) k Récipient en bois l Bague (cat. 37) m Pectoral en or (cat. 36) n Pointes de flèche (cat. 38) o Pointes de lance (cat. 39) p Lécythe (cat. 46)


c at. 36

c at. 37

Pectoral

Bague à cachet

Or Chernozem-Kaloyanovo, tumulus n o 1, 2000 Production locale thrace Troisième quart du v e siècle av. J .- C . l. 31 cm ; h. 27 cm ; ép. 0,1 cm ; poids 132,8 g, 23,8 carats

Or, calcédoine Chernozem-Kaloyanovo, tumulus n o 1, 2000 Atelier grec Première moitié du v e siècle av. J .- C . l. 2,5 cm ; l. 2,3 cm ; poids 16,68 g, 23,8 carats

p l ov d i v, m u s é e r é g i o n a l d ’ a r c h é o l o g i e i n v. n o i v - 1

p l ov d i v, m u s é e r é g i o n a l d ’ a r c h é o l o g i e i n v. n o i v - 2

Pectoral de forme circulaire avec une profonde échancrure arrondie dans la partie supérieure. La face présente un espace central, délimité par deux rangées de perles en relief et une frise d’oves. Au centre apparaissent, réalisés au repoussé, la tête de la Gorgone Méduse ainsi que deux biches et trois lions qui se déplacent vers la gauche. Les lions s’avancent sur une ligne de sol en relief ; leurs organes virils sont figurés avec précision. Ce pectoral a été fabriqué à la hâte, à l’occasion des funérailles, sans avoir été cousu aux vêtements du défunt.

Le chaton, en forme de scarabée, est fixé par un rivet en or de section circulaire, monté dans l’axe longitudinal de la pierre. Sur le chaton, encadré de hachures, est gravée la figure d’un guerrier, représenté nu, casqué, chargeant vers la gauche. De la main droite, il porte un lourd bouclier rond pour se protéger ; dans la gauche, il serre une longue lance avec laquelle il s’apprête à frapper. Ce genre de bague relève du type A/C 1.

bibliographie Kisyov, 2005, p. 48-51, fig. 29, tabl. XII .

K K

bibliographie Kisyov, 2005, p. 51-54, fig. 30-1, 2, tabl. IX -b. 1 Boardman, 1975, p. 12-13, fig. 87.

c at. 36

c at. 37

77 K K


Le tombeau de Zlatinitsa-Malomirovo

daniela agre fig. 1

88

Le 23 juillet 2005, sous la couverture tumulaire

pointes de flèche en bronze, sept lances, une cotte

(fig. 1) du tertre de Golyamata Moguila (le « Grand

de mailles en fer, un casque en bronze et une cnémide

Tumulus »), situé près des villages de Malomirovo

en argent doré qui constitue l’une des plus belles

et de Zlatinitsa (département d’Elhovo), a été mise

réalisations de la toreutique thrace. En guise

au jour la tombe intacte d’un souverain thrace 1.

d’offrandes, de nombreux récipients en argent,

C’est l’une des plus riches découvertes qui aient

en bronze et en argile ont été déposés dans la tombe

été faites en Thrace dans le cadre de fouilles

et sur son coffrage, ainsi que dans le remplissage

archéologiques programmées. Le tombeau

de la fosse. On distingue parmi eux deux rhytons en

s’articulait autour d’une fosse profonde creusée sur

argent recouverts d’or : ils comptent indubitablement

une faible éminence dont les parois ont été doublées

parmi les récipients les plus raffinés répondant à ce

d’un coffrage en bois. Le sol et les murs ont été très

type connus jusqu’à présent. Aux pieds du souverain

vraisemblablement décorés d’étoffes tissées.

étaient placés également deux ensembles d’appliques

La personne inhumée est un homme jeune (de 18 à

en argent servant au harnachement des chevaux.

20 ans), mesurant entre 1,85 et 1,90 mètre. Sa tête

Ces derniers, accompagnés d’un chien de chasse, ont

portait une couronne en or ornée en son centre

été sacrifiés et enterrés devant la tombe (fig. 2 et 3).

d’une plaque à l’effigie de la déesse de la Victoire

Tout autour du tumulus, un fossé cultuel formait une

Nikè, tenant dans sa main une couronne semblable.

sorte d’allée consacrée aux hommages dus au

Sur son auriculaire gauche était posée une bague-

souverain défunt. Des actes rituels ont été effectués

sceau en or massif. On a retrouvé autour de sa tête

à cet endroit durant plusieurs années. L’analyse

vingt-neuf rosettes en or qui devaient agrémenter

du matériel découvert lors des fouilles démontre

un diadème en cuir. Dans la tombe (fig. 3 et 4) était

que l’inhumation a eu lieu au milieu du iv e siècle

placé l’armement complet du souverain guerrier :

av. J .- C . Le souverain déposé ici peut être identifié

un glaive en fer, un couteau, cent soixante-quinze

avec le fils du roi thrace Kersobleptès. 1 A gre, 2011.

fig. 2

fig. 3

fig. 1 Tumulus Golyamata Moguila, vue depuis le sud-est. fig. 2 Tumulus Golyamata Moguila, les chevaux et le chien sacrifiés et le foyer rituel intermédiaire. fig. 3 Tumulus Golyamata Moguila, vue de la sépulture et du mobilier funéraire. fig. 4 Tumulus Golyamata Moguila, coupe stratigraphique (est-ouest). fig. 5 Localisation du tombeau de Zlatinitza-Malomirovo. fig. 6 Tumulus Golyamata Moguila, plan du tombeau et des contextes rituels extérieurs à la tombe.


c at. 68

c at. 69

Rhyton

Rhyton

Argent doré Zlatinitsa-Malomirovo, 2005 Découvert dans l’angle nord-est de la fosse. Il avait probablement été accroché à l’origine à un clou planté dans la paroi en bois de la tombe. Milieu du iv e siècle av.  J .- C . h. 18,8 cm ; d. embouchure 10,4 cm sofia, institut national d’archéologie et musée, abs

Argent doré Zlatinitsa-Malomirovo, 2005 Découvert au milieu de la tombe sur le genou droit du défunt Milieu du iv e siècle av.  J .- C . h. 17 cm ; d. embouchure 9,9 cm sofia, musée national d’histoire i n v.   n o  5 0 4 5 6

i n v.   n o  8 6 2 0

106

La partie antérieure se termine par une tête de biche en relief. Les oreilles ont été faites à part. L’oreille gauche n’a pas été correctement soudée, ce qui explique qu’elle ait été fixée à l’aide d’une bande en argent. La paroi extérieure est ornée d’une frise illustrant un combat entre un taureau et deux griffons. Le taureau symbolise sans doute la bête destinée au sacrifice dévorée par les griffons, animaux sacrés associés à Apollon. bibliographie Agre, 2011, p. 137-146.

D A

Fabriqué par martelage et ciselure. La partie antérieure se termine par la représentation en relief d’une tête de biche. Les oreilles ont été exécutées à part et soudées à la tête. Sur la lèvre inférieure, une petite ouverture circulaire a été aménagée pour l’écoulement du liquide. La paroi extérieure est ornée d’une frise illustrant une chasse au sanglier  1. Il s’agit certainement de la représentation d’un des mythes grecs les plus populaires, celui de la chasse du sanglier de Calydon, à laquelle prirent part les guerriers les plus braves de la Grèce  2. Ce mythe est un modèle d’initiation masculine : la victoire sur l’animal est la condition obligatoire pour passer de l’adolescence à l’âge adulte. Ce rython et le précédent (cat. 68) ont probablement été fabriqués dans une cité grecque prospère du nord de l’Égée ou de la Propontide. bibliographie Agre, 2011, p. 127-137. 1 Schnapp, 1988, p. 158. 2 Botvinnik, 1980, p. 615-616.

D A

c at. 68

l ’ é m e r g e n c e

d e

l ’ a r i s t o c r a t i e

o d rys e


totko stoyanov et milena tonkova

fig. 1 Tumulus d’Ostrusha, vallée de Kazanlak, vue depuis le tumulus de Golyama Kosmatka. fig. 2 Carte des tumuli de la vallée de Kazanlak, avec les principales tombes et les tombeaux monumentaux.

Les nécropoles aristocratiques de la vallée de Kazanlak 116

fig. 3 Chambre funéraire du tombeau de Grifonite.

Le tombeau monumental monolithique de Svetitsa, au sud de Shipka, atteste la présence d’une famille de dynastes dans la vallée dès l’époque classique ; un guerrier important 2 y fut inhumé dans la seconde moitié du v e  siècle av.  J .- C ., comme l’indique son fastueux mobilier, semblable à celui de Chernozem-Kaloyanovo. La cuirasse de bronze de Tarnichene suggère l’existence d’une tombe de rang identique dans l’ouest de la vallée. Parallèlement aux riches sépultures, des tombeaux monumentaux apparaissent dans les environs de Shipka à partir du deuxième ou du troisième quart du iv e siècle av.  J .- C . Sous le règne de Seuthès III, un centre résidentiel, qui a précédé la création de la capitale, devait s’y développer. Le phénomène connaît son apogée durant la haute époque hellénistique, mais – à la différence de ce qu’il en est dans d’autres régions de Thrace – ce processus se prolonge jusque dans la seconde moitié du iii e siècle av.  J .- C . et même jusqu’au début du ii e siècle av.  J .- C . La tombe, parfois décorée d’une façade élaborée, s’articule autour d’une

fig. 1

chambre funéraire circulaire avec coupole, dotée d’un prothalamos qui

Depuis le début de l’Holocène (vers 10000 av.  J .- C .), la vallée de Kazanlak

la relie à un dromos. Les tumuli d’Arsenalka, de Grifonite et de

offre un environnement naturel protégé, propice au développement de

Shushmanets sont du même type 3.

l’habitat. Plusieurs centaines de tumuli parsèment sa surface où ils for-

La nécropole de Seuthopolis, qui apparaît après la fondation de la

ment des regroupements plus ou moins imposants (fig. 1). Une concen-

ville, et les tombes du secteur de Kazanlak-Maglij suivent le même plan,

tration exceptionnelle de nécropoles caractérise la partie centrale de la

mais la chambre funéraire (à coupole ou de plan rectangulaire) ainsi que

vallée, en particulier le secteur compris entre les agglomérations

le prothalamos sont en brique ; une innovation qu’il faut lier à la culture

modernes de Shipka et de Sheynovo, et entre le lac artificiel de Koprinka

architecturale hellénistique qui s’est enrichie grâce aux conquêtes

(où se trouvait Seuthopolis) et Kazanlak, ainsi que vers Maglij.

d’Alexandre en Orient. L’exemple le plus brillant parmi les neuf tombes

Les fouilles menées ces dernières décennies ont démontré que la plu-

fouillées est celui de Kazanlak, célèbre pour son programme pictural 4. La

part de ces tumuli appartiennent au début de l’époque hellénistique.

seule tombe en brique hors de la vallée de Kazanlak est, à ce jour, celle du

Certains tertres atteignent 20 mètres de hauteur pour un diamètre de

village d’Oryahovitsa, au sud de la chaîne de la Sredna Gora 5.

50 mètres. Le dispositif architectural monumental des tombeaux de

On y retrouve l’influence d’une koinè hellénistique et peut-être l’écho

Golyama Kosmatka, de Shushmanets ou d’Ostrusha répond à la volonté

de la présence d’immigrés venus du sud ou de l’est, et ce, aussi bien dans

de quelques familles ou individus appartenant aux hautes sphères de la

certains éléments du mobilier funéraire que dans la position de la coupole

société odryse d’affirmer leur rang. Les riches offrandes découvertes

en brique de la tombe de Racheva Moguila, près de Maglij, qui fut creu-

dans le tumulus Golyama Kosmatka, parmi lesquelles figurent un casque

sée en dessous du niveau du sol 6. L’herôon du tumulus d’Ostrusha offre

(cat. 89) et une œnochoé (cat. 104) portant le nom de Seuthès, accompa-

un témoignage remarquable des influences orientales au moment où se

gnés d’une couronne en feuilles de chêne (cat. 84) et surtout de la tête en

constitue la culture hellénistique 7 (fig. 3).

bronze ayant valeur de portrait (cat. 82), laissent penser que ce tombeau est celui du souverain odryse Seuthès III  1. Les autres tumuli ont livré plus d’une vingtaine de tombes monumentales appartenant à des membres de l’aristocratie (fig. 2).

l ’ é m e r g e n c e

d e

l ’ a r i s t o c r a t i e

On observe des variations sensibles dans le plan, les matériaux de construction, l’appareil, les intérieurs et la décoration. De nombreuses tombes ont été pillées, ce qui constitue un obstacle majeur à leur datation exacte et à l’établissement d’une typologie ou

o d rys e


Le tumulus de Golyama Kosmatka

Le remblai tumulaire présente une composition

fig. 1 Tombeau de Golyama Kosmatka vu depuis le corridor.

relativement homogène. Dépourvu de matériel archéologique, il est édifié principalement avec de la terre brune qui alterne avec des strates

fig. 2 Plan du tombeau de Golyama Kosmatka.

de nuances plus grises. Le tombeau, dans la partie sud du tumulus, rompt les strates presque symétriquement  3. Après l’enlèvement d’une partie

fig. 3 Tombeau de Golyama Kosmatka, plan de la chambre funéraire de Seuthès I I I et disposition du mobilier.

du tertre au iv e siècle av.  J .- C ., le tombeau monumental a été construit sous le tumulus. Les murs sont édifiés suivant un appareil pseudoisodome en pierres sèches, sans attache métallique, par des blocs de pierre parfaitement équarris. Les différents espaces qui composent ce tombeau sont placés « en enfilade  4 » (fig. 1 et 2). Il est doté d’une façade imposante, longtemps visible avant

diana dimitrova

que l’on ajoute le dromos, ainsi que de trois chambres disposées suivant une ligne axiale :

118 Le tumulus de Golyama Kosmatka est situé au sud

une première rectangulaire (1,53 × 3,37 m), une

ses armes, l’askos (cat. 106) et la patère en bronze

de la ville de Shipka et à environ 10 kilomètres

deuxième circulaire (d. 3,35 m) et une dernière qui

(cat. 109), ainsi que des appliques en or destinées

au nord du barrage de Koprinka dont les eaux

comprend un imposant sarcophage monolithique

à décorer le harnais d’un cheval. Dans la partie

recouvrent les vestiges de la capitale odryse de

(1,92 × 3,30 m).

est de la chambre ont été placées verticalement

Seuthopolis. C’est l’un des plus remarquables tumuli découverts en Thrace  1. Il fait partie d’une

Le tombeau a été utilisé durant quelques

trois amphores (cat. 105), l’œnochoé et la phiale

décennies avant de devenir, au cours de la seconde

en argent (cat. 104, 108), sur lesquelles est inscrit

nécropole comprenant cinq tertres. Son diamètre

moitié du iv e siècle av.  J .- C ., un tombeau familial (?)

le nom de Seuthès. Sur la longueur du lit funéraire

avoisine les 120 mètres suivant un axe est-ouest

de la dynastie odryse (les dents d’un jeune individu

a été posé un fragment de la porte de marbre qui

et 130 mètres suivant un axe nord-sud. La hauteur,

ont été découvertes dans la chambre circulaire),

a été volontairement cassée, la coupe en or placée

mesurée depuis le sol de la chambre circulaire

puis il a accueilli au début du iii e siècle av.  J .- C .

à l’envers (cat. 107), la pyxide en argent (cat. 101)

du tombeau jusqu’au point le plus élevé du tumulus est de 22,65 mètres  2.

la cérémonie d’inhumation de Seuthès III dont

et deux alabastres (cat. 102). La salle est restée

le corps est ici absent. Par la suite, on a ajouté

accessible pendant un certain temps, comme

à cet édifice un dromos de 13 mètres de long, dont

le montre l’espace laissé vide de tout objet entre

une équipe dirigée par le professeur Georgi Kitov

les parois sont consolidées par des blocs et des

l’entrée et le lit. Plus tard, les ouvertures des

a conduit des recherches à la périphérie sud

moellons grossièrement équarris, avec comme

chambres ont été murées, le dromos a été incendié

du tumulus, sur un secteur de 20 mètres de large

mortier de la boue, un toit en bois et une façade

puis remblayé. À 7 mètres de la façade, la tête

(est-ouest) et de 25 mètres de long (nord-sud),

faite de blocs en situation de réemploi. Lors de la

en bronze de Seuthès III , préalablement découpée

ce qui a permis d’atteindre au nord le dromos.

dernière étape du fonctionnement de cet édifice,

et ôtée du corps de la statue, a été inhumée

on a ajouté à la chambre circulaire une porte en

rituellement (cat. 82), puis placée avec soin

Durant les mois de septembre et d’octobre 2004,

marbre à double battant qui a très vraisemblable­

dans le dromos avant d’être recouverte d’un tas

ment remplacé une porte « ordinaire », en granit,

de moellons.

à double battant. Ces derniers sont eux-mêmes

Cette tête a été élaborée à la fin du

funéraires présentes sous tumulus dans la région.

iv e siècle av.  J .- C . par l’un des meilleurs sculpteurs de l’Antiquité, peut-être Silanion  7. Le visage, qui

Cette porte forme un contraste saisissant avec la

présente les caractéristiques d’un portrait, révèle

technique de construction et le matériau employés,

un homme d’âge moyen à l’expression noble,

offrant un terminus ante quem pour l’édification

inspirée, intelligente et un peu pensive. Golyama

du tombeau lui-même, et non sa datation contraire­ ment à ce que supposent certains chercheurs  5.

Kosmatka constitue la sépulture unique d’un souverain thrace  8.

à deux caissons, comme dans toutes les structures

La chambre monolithique était recouverte d’un tapis tissé de fils d’or. Sur ce tapis, et sur la petite table posée dessus, était disposée une partie des objets appartenant au souverain lors de son inhumation symbolique (?)  6 (fig. 3). Sa couronne en or (cat. 078) est faite de feuilles et de petits fruits coupés rituellement. Cette couronne, son poignard (cat. 088) et son épée (cat. 087) ont été placés sur le lit funéraire, à l’endroit où devrait se trouver la tête du corps absent. Dans la partie ouest de la chambre, sur le sol, apparaissent sa cuirasse et fig. 1

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1 K itov, 2005d, p. 68. 2 Dimitrova, 2014, sous presse. 3 Kitov, 2005d, p. 68 ; Dimitrova, 2011, p. 26. 4 Getov, 1988, p. 18. 5 Stoyanov, Stoyanova, 2011, p. 113. 6 Dimitrova, 2014, sous presse. 7 Moreno, 2005, p. 53-55 ; Kitov, 2006e, p. 66 ; Manov, 2008, p. 41. 8 Kitov, 2005d, p. 97.


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119

c at. 82

fig. 2 1  Couronne en or (cat. 84) 2  Six appliques (cat. 87) 3  Casque avec applique décorative (cat. 89) 4  Supports de couronne (cat. 88) 5  Appliques pour bouclier (cat. 90) 6  Cnémides (cat. 91) 7  Glaive avec son fourreau (cat. 92) 8  Poignard (fragment) (cat. 93) 9  Pointes de lance (cat. 94) 10  Appliques pour cuirasse (cat. 98) 11  Appliques de harnachement pour cheval (cat. 97, cat. 99, cat. 100) 12  Éperons fragmentaires (cat. 96) 13  Œnochoé (cat. 104) 14  Alabastra fragmentaires (cat. 102) 15  Strigile (cat. 103) 16  Pyxide en forme de coquillage et ses rosettes décoratives (cat. 101) 17  Amphores, dont la n o 72 est timbrée (cat. 105) 18  Askos et applique (cat. 106) 19  Coupe-canthare (cat. 107) 20  Phiale (cat. 108) 21  Patère avec applique décorative (cat. 109) 22  Dés et jetons pour jeu de table (cat. 110) 23  Douilles en fer 24  Fragment d’une porte en marbre 25  Pectoral 26  Objet fragmentaire en fer

c at. 82

Tête de Seuthès III

Bronze, cuivre, albâtre, pâte de verre Shipka, tumulus Golyama Kosmatka, dromos, 2004 Dernière décennie du iv e siècle av.  J .- C . h. 32,5 cm sofia, institut national d’archéologie et musée, abs i n v.   n o  8 5 9 4

Cette tête a été découverte à quelques mètres de l’entrée du tombeau monumental du tumulus Golyama Kosmatka. Le contexte archéo­ logique, de même que la comparaison avec les profils de Seuthès III gravés sur les monnaies, laisse supposer qu’il s’agit de la tête de ce souverain et qu’elle appartenait à sa statue exposée dans la ville proche de Seuthopolis. L’étude de la patine révèle qu’elle a dû demeurer à l’air libre durant un laps de temps relativement court. Seuthès III est présenté comme un homme mûr encore dans la force de l’âge. Son appartenance à un contexte culturel « différent » est indiquée par la chevelure et la barbe longues. Le visage se distingue par un nez au profil arqué, un grain de beauté sur la pommette gauche, les rides de chaque côté des yeux. La tension intérieure est exprimée par le front froncé et la veine saillante sur la tempe droite. La profondeur du regard est renforcée par les sourcils proéminents et la polychromie. La tête a été exécutée selon la technique de la fonte indirecte à la cire perdue, mais les boucles des cheveux ont été coulées puis fixées avec précision par un soudage « bronze sur bronze ». Pour les yeux, divers matériaux ont été employés : de l’albâtre pour le bulbe oculaire, de la pâte de verre colorée pour la pupille, l’iris et l’auréole qui l’entoure, ainsi que pour la caroncule lacrymale, du cuivre pour les cils. Comme le démontrent les résultats de l’analyse noyau retrouvé à l’intérieur de la tête, le moulage de la statue a dû être effectué en Thrace, sur les territoires actuels de la Bulgarie du Sud ou de la Grèce du Nord-Est. C’est l’œuvre d’un artiste grec venu travailler pour la cour des Odryses. Sans doute originaire d’Attique, le sculpteur fait preuve d’une maîtrise exceptionnelle de la technique de travail du bronze, ainsi que des moyens d’expression. bibliographie Kitov, 2005b, p. 39-54 ; Lehmann, 2006, p. 155-169 ; Rome, 2006, p. 66-67 (G. Kitov) ; Lombardi, 2009, p. 520-527 ; Saladino, 2012-2013, p. 125-206.

M R



alexandre baralis, atila riapov

Les contextes funéraires odryses, miroir d’une pompe aristocratique 144 Si les contextes funéraires aristocratiques du vi e siècle av. J .- C . demeurent

armes. Seules ces dernières sont réservées aux tombes masculines, tandis que

encore peu étudiés, le second quart du v e siècle av. J .- C . consacre l’essor d’as-

les deux premières catégories accompagnent les sujets de sexe tant masculin

semblages inédits en Thrace, articulés autour de l’importation d’objets exo-

que féminin, malgré des différences de proportion évidentes. C’est ce que

gènes particulièrement luxueux. Associés au sein d’un mobilier funéraire qui

révèle la présence aux côtés de la bague (cat. 37) et du pectoral (cat. 36) de la

ne cherche pas à éviter la répétition d’objets ou de formes, ils composent des

tombe masculine de Chernozem-Kaloyanovo de deux vases à parfum

ensembles imposants qui reflètent les innovations d’une classe aristocratique

(cat. 46), ou la déposition dans la sépulture de Rouets d’une pyxide et d’un

prospère, désormais inscrite dans des réseaux de sociabilité et d’échanges qui

aryballe en verre, un vase associé par excellence dans le monde grec à la toi-

dépassent le cadre de la tribu. Ces nouveaux usages nous sont connus par la

lette des athlètes mais qui apparaît ici seul, sans strigile. À l’inverse, d’impo-

nécropole tumulaire de Duvanli 1, ainsi que par diverses sépultures découvertes

sants services de banquet accompagnent à Duvanli les défuntes inhumées

en Plaine supérieure de Thrace autour de Plovdiv, Stara Zagora et Kazanlak 2

dans les tumuli de Mushovitsa, Kukova et Arabadjiyska Moguila.

3

et quelques riches contextes situés au nord des Balkans . Parmi ces sépul-

La vaisselle en or, en argent, en bronze ou en terre cuite provient au ve siècle

tures, les tombes féminines jouissent, tout du moins au v e siècle av. J .- C ., d’un

av. J.-C. d’ateliers disposés dans les cités grecques ou de l’ouest de l’Asie

statut important que l’on ne retrouve guère durant les deux siècles suivants.

Mineure achéménide, deux sphères aux frontières éminemment perméables.

Trois catégories d’objets structurent ces mobiliers funéraires : les acces-

L’influence du monde perse prédomine nettement durant la première moitié du

soires liés à la parure et à la toilette, les vases associés au banquet et enfin les

ve siècle av. J .- C ., tandis que les années 430-420 av. J.-C. consacrent une plus

l ’ é m e r g e n c e

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rumyana georgieva

Les rites funéraires en Thrace Au cours du i er millénaire av. J.-C., il coexistait en Thrace une très grande

du défunt se fait jour 5 ; les sacrifices de chevaux et/ou de chiens 6 se multi- 147

variété de pratiques funéraires articulées autour de la crémation ou de l’inhu-

plient, des festins funéraires ont lieu avant les funérailles, puis des jeux de

mation, ces pratiques prenant place au sein de nécropoles plates ou de tumuli

compétition consacrés à la mémoire du défunt leur succèdent. Enfin, la cou-

accompagnés de divers types d’aménagements dans la tombe. On a également

tume consistant à vouloir « suivre » la personne décédée « dans la mort » se

recensé des tombes plus inhabituelles, dont la majeure partie témoigne de

met en place. La cérémonie funéraire en elle-même démontre une égalité entre

manipulations secondaires des corps des défunts 1. Les observations sur le ter-

les sexes et demeure étroitement liée à la situation sociale de l’aristocrate.

rain et la lecture critique des sources littéraires antiques 2 reflètent un système

L’accent mis, dans le rituel, sur le statut ou l’essence guerrière du défunt

complexe de traditions, d’innovations, de prescriptions strictes et d’actions

reflète non seulement son rang et ses occupations, mais aussi l’image que l’on

pratiques diverses à caractère régional.

a de sa vie après la mort 7.

Durant le premier Âge du Fer, qui précède l’essor des premiers États

L’analyse des sources indique que, durant la période étudiée, il coexiste en

thraces, la société thrace est animée par des changements qui aboutissent à

Thrace plusieurs conceptions de la mort, du défunt et de l’au-delà. Pour une

l’émergence de différentes élites fondées sur le lignage et/ou sur des alliances

grande partie des Thraces, la mort n’est qu’une étape de l’existence humaine ;

de guerriers, groupées autour du futur souverain. Après le

av. J .- C .,

après elle, les défunts se rendent dans un endroit où ils vivront éternellement

ces évolutions, ainsi que la doctrine de l’immortalité 3, laissent une forte

et jouiront de tous les biens matériels. On suppose que, dans l’au-delà, ils

empreinte dans l’eschatologie thrace. On élabore de nouvelles règles qui

conservent leur individualité et que certains d’entre eux acquièrent une force

entourent les funérailles des aristocrates en Thrace. Le tumulus funéraire se

leur permettant d’exercer en retour une influence sur les vivants. Les défunts

transforme ainsi peu à peu en lieu d’inhumation individuelle. On assiste à

nobles font ainsi l’objet d’un culte fondé sur la vénération des ancêtres et la

vi e siècle

4

l’émergence de structures nouvelles, comme des tombeaux maçonnés . La recherche d’une certaine monumentalisation qui matérialise le prestige social 1 2 3 4 5 6 7

Georgieva, 2003. Analyse des sources dans Delev, 1995. Gergova, 1996. Rabadjiev, 2011, p. 25-31, 44-60. Domaradzki, 1988, p. 86. Georgieva, 1995. Archibald, 1998, p. 167 sq. ; Georgieva, 2011a, p. 110-122.

fig. 1 Le tumulus de Gyaur, Karnobat : tombe du iv siècle av. J .- C .).

foi en l’immortalité.


daniela stoyanova

L’architecture funéraire en Thrace

fig. 1

148 Plus de deux cents tombeaux maçonnés ont été recensés en Thrace.

Gagovo). L’élément le plus impressionnant est l’accès au tombeau du

Habituellement, ils sont édifiés au niveau du sol naturel, avant d’être

tumulus Chetinyova Moguila (dernier quart du iv e siècle av. J .- C .). Un

recouverts d’un remblai tumulaire. Ils se composent d’une chambre funé-

escalier, sans doute conçu comme des propylées monumentaux, part de la

raire, à laquelle s’ajoutent une ou plusieurs antichambres, un dromos (cou-

base du tumulus et mène à un espace découvert qui aboutit à une façade

loir) et/ou un vestibule ouvert, voire, rarement, une chambre latérale. Ces

imposante 4 (fig. 2).

1

éléments sont de formes, de dimensions et de volumes variables .

Les murs sont élevés en blocs ajustés. Les façades présentent différentes

Avant le milieu du iv e siècle av. J .- C ., les tombeaux maçonnés ne sont

variantes d’appareils pseudo-isodomes, voire plus rarement isodomes 5.

guère répandus. On dénombre alors les seuls tombeaux de Rujitsa,

On recourt cependant parfois à de simples moellons grossièrement

Tatarevo, Ruets 2. Ce n’est qu’entre le milieu du iv e siècle et la fin du

équarris. Le lien est assuré par des agrafes en bois ou métalliques. Dans la

iii e siècle

région de la vallée de Kazanlak, on utilisait également des briques trapé-

av. J .- C . que l’architecture funéraire prend son véritable essor

zoïdales et rectangulaires 6. Mais la maçonnerie en briques de terre crue

en Thrace. Les tombeaux sont disposés soit à proximité de la périphérie du tumu-

est plus rare 7.

lus, soit en son centre. On y pénètre par la façade monumentale du vesti-

Les baies avec un seuil monolithique, des jambages et un linteau

bule, l’antichambre ou le dromos. La réalisation des façades témoigne

dépourvus de décoration (Golyama Kosmatka, Mal Tepe, Mezek)

d’une exceptionnelle variété 3. Les exemples les plus simples présentent des

constituaient la norme. Les entablements ioniques des tombeaux de

murs lisses et une baie. Les plus sophistiquées comportent des encadre-

Chetinyova Moguila et de Jaba Moguila, de même que les entablements

ments sculptés suivant les ordres classiques, des éléments d’entablement

doriques des tombeaux de Sveshtari et de Borovo sont les plus représen-

(Golyama Kosmatka), des demi-colonnes engagées ou semi-engagées

tatifs. Les baies sont fermées par des portes à un ou deux battants, en

(Smyadovo), des colonnes et des frontons (Shushmanets), avec un enta-

pierre, plus rarement en bois (Dolno Izvorovo), voire en métal (Mezek).

blement présenté dans son intégralité, avec ou sans fronton (Ostrusha,

Les battants en pierre sont, pour leur part, lisses ou à caissons, avec ou sans décoration supplémentaire. Les constructions sont réalisées en pierre, en brique et/ou en bois. Pour les chambres et antichambres funéraires, on recourt à des toits en dalles à deux versants (Golyama Arsenalka, Grifonite) ; une voûte à encorbellement (Vetren, Mezek, Chetinyova Moguila) ; une voûte « galate » (Jaba Moguila, Kurt Kale) ; une voûte en berceau (Sveshtari, Odessos). Pour les chambres circulaires, on réalisait une coupole à encorbellement déclinée dans ses diverses variantes : en ruche (Grifonite, Golyama Kosmatka, Strelcha), en ruche avec une section en lanterne (tombeau de Kazanlak) et en encorbellement avec une section en cloche (Chetinyova Moguila, Shushmanets, fig. 3). Les façades décorées à l’extérieur peuvent avoir un intérieur dépourvu de toute ornementation (Jaba Moguila, Grifonite, Borovo, Gagovo), tandis que les tombeaux du tumulus de Shushmanets (fig. 2), de Chetinyova Moguila (fig. 4), de même que le tombeau aux caryatides, exhibent des façades imposantes avec un intérieur encore plus soigné dans lequel on retrouve une véritable ordonnance architecturale. Derrière les façades simples des tombeaux de Kazanlak, de Maglij et d’Alexandrovo se cache un intérieur qui, par ses fresques, présente de réels éléments architecturaux.

fig. 2

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155

c at. 113



l’organisation du royaume odryse


lydia domaradzka

la langue thrace et le rôle de l’écriture da n s l e m o n d e t h r ac e 158 Le thrace est une langue indo-européenne qui fut parlée jusqu’à la fin de l’époque antique sur un

vaste territoire situé dans le sud-est de l’Europe, depuis les Carpates jusqu’à la mer Égée et de la mer Noire aux bassins de la Morava et du Vardar. Selon Hérodote, elle atteignait au nord-est les terres scythes, suivant des frontières fluctuantes 1. Il faut associer à la zone de langue thrace le nord-ouest de l’Asie Mineure, essentiellement la Bithynie. Un des grands débats concerne son homogénéité. Jusqu’au milieu du xx e siècle, l’unité du thrace n’était pas mise en cause 2, mais le linguiste bulgare V. Georgiev émit alors l’hypothèse selon laquelle deux langues étaient parlées au sein des diverses régions qui composent la Thrace : le thrace et le daco-mœsien 3. Certains auteurs bulgares et roumains ont adopté depuis cette hypothèse 4, mais beaucoup d’autres chercheurs la rejettent encore 5. La langue thrace n’était pas écrite et l’on n’a retrouvé sur les territoires actuels de la Bulgarie et de la Grèce qu’un très petit nombre d’inscriptions en thrace, auxquelles s’ajoutent quelques centaines de graffiti sur céramique 6 (cat. 158), tous recourant à l’alphabet grec. Nous disposons cependant d’informations à ce sujet dans les œuvres d’une centaine d’auteurs antiques et dans plusieurs centaines de documents épigraphiques grecs ou latins. Parmi ces informations, on dénombre quelques dizaines de gloses thraces, des mots dont les auteurs antiques livrent la traduction en grec ou en latin 7. Les données onomastiques sont toutefois les plus nombreuses. Près de mille cinq cents noms propres thraces ont été récemment collectés dans l’Onomasticon Thracicum 8, dont certains sont restés en usage jusqu’à la fin de l’Antiquité. L’analyse des toponymes, des noms de dieux avec leurs épithètes, des tribus (une centaine) et surtout des rivières (environ cent quarante) 9 fournit de précieuses indications sur le sort du thrace jusque à la fin de l’époque antique. Le corpus onomastique permet d’établir par ailleurs des comparaisons avec le lexique d’autres langues. Les parallélismes les plus fréquents se font avec le substrat préhellénique 10, ainsi qu’avec la toponymie en usage en Asie Mineure occidentale et notamment avec le phrygien, mais aussi avec la toponymie illyrienne, ou les langues baltes. Le thrace a laissé ainsi quelques vestiges dans certaines langues actuelles. La toponymie balkanique en a conservé de nombreux exemples : hydronymes, oronymes et toponymes 11. De rares mots de ce substrat subsistent en bulgare 12, un peu plus (une centaine, dont quinze avérés) en roumain et en albanais. Sur la place respective du thrace et du grec dans la vie quotidienne, l’analyse des graffiti grecs fournit de nombreux éléments. On en a découvert plus de trois cents lors des fouilles de « Pistiros » (voir cat. 157 et 158), ainsi que dans d’autres centres importants de la Thrace hellénistique (Seuthopolis, Sboryanovo, Kabylè…). Ils nous informent sur la structure de la population, les noms de représentants hellènes ou thraces, la langue utilisée dans la vie quotidienne et les moyens de communication – langue vernaculaire ou littéraire (dialecte ionien du grec ancien) –, le système de numération (attique ou acrophonique), la vie religieuse, les cultes les plus populaires, etc. 13.

l ’ o r g a n i sa t i o n

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royau m e

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1 Sur les frontières de la Thrace d’après les auteurs antiques, voir Oberhummer, 1936, p. 393 sq. ; Gerov, 1978, p. 4-6. 2 Tomaschek, 1894 ; Kretchmer, 1896, p. 217 ; Detschew, 1960. 3 Georgiev, 1977, p. 181-192 ; Georgiev, 1983, p. 1185. 4 Duridanov, 1976 ; Vlahov, 1976 ; Velkova, 1986, p. 33 ; Poghirc, 1989. 5 Pisani, 1961, p. 250 ; Russu, 1969 ; Bernstein, 1978, p. 5 ; Mihaylov, 1986, p. 382-383, 386. 6 Lehman, 1955, p. 93-100 (Samothrace) ; IThrAeg., 2005, p. 476-478, n os E 376, E 377, E 378 (Maronée) ; Brixhe, 2006, p. 121-146 (graffiti découverts lors des fouilles de 1988 à Zônè, dans le temple d’Apollon, gravés après cuisson sur des vases à figures noires, en caractères grecs, mais « en langue locale, non hellénique »). 7 Detschew, 1976. Par exemple argilos, « souris », bolinthos, « taureau sauvage », bria, « ville », briza, « seigle », brynchos, « guitare », bryton, « boisson à base de millet », genton « viande », pithye, « trésor », poltyn, « tour en bois », rhomphaia, « lance ou grand glaive », skalme, « glaive », skarke, « monnaie d’argent », zalmos, cuir », zeira, « manteau », zelas, « vin », zetraia, « pot », zibythides « nobles thraces », etc. 8 Dana, 2014. 9 Yanakieva, 2009. 10 Langue indo-européenne parlée dans la partie méridionale des Balkans avant l’arrivée des Grecs, aussi désignée comme pélasge. 11 Ainsi les rivières Iskar (en langue thrace Oiskos), Osam (Asamus), Vit (Utus), Lom (Almus), Yantra (Iatrus), Struma / Strymon (Strymon), Timok (Timacus), Mesta / Nestos (Nestos/Mestos), Stryama (Sermes), Tunja (Tonzos), Ibar (dérivé de Hebros), Olt (Alutas), Prut (Pyretos), Timi ş (Tibiskos / Timesis), Mure ş / Maros (Marisos), Ergene (Agrianes/Erginos), etc. ; les montagnes Carpates (Karpates) et Rhodopes (Rhodope) ; les villes Plovdiv (Pulpudeva, du grec Philippopolis), Nesebar (Mésambria), Ni š (Naisos), Skopje (Scupi, du grec Skopos), le village de Poibrene (dérivé d’Ibar), etc. Voir Yanakieva, 2014, p. 710.


maria čičikova

Seuthopolis 162 La capitale de Seuthès III, Seuthopolis, a été fouillée entre 1948 et 1954

Le quartier royal (basileia) occupait une place prééminente dans le

lors de la construction du barrage de Koprinka, situé à 8 kilomètres à

plan de Seuthopolis 2. Situé dans la partie nord-est de la ville, il était

l’ouest de la ville de Kazanlak. Il s’agit de la seule agglomération thrace

apposé contre le rempart. Une entrée monumentale de type propylée,

étudiée dans son intégralité dont la construction remonte aux

ménagée dans le mur méridional, donnait accès à une grande cour inté-

années 320 av. J .- C . La ville s’est développée sur un petit promontoire

rieure de 0,4 hectare, au fond de laquelle se trouvait le palais (40 × 17 m).

aux berges escarpées, sur la rive gauche de la rivière Toundja (l’antique

Toute la moitié orientale accueillait la salle du trône qui était décorée

Tonzos). Elle était entourée de remparts dont les fondations, réalisées en

de peintures murales polychromes imitant un plaquage de marbre. Les

pierre, étaient surmontées d’une élévation en briques crues. Le mur de

appartements étaient disposés dans la moitié occidentale du bâtiment, à

fortification présente une longueur totale de 890 mètres, englobant une

l’instar du sanctuaire des Grands Dieux de Samothrace, conformément

superficie de 5 hectares. Il était renforcé de tours et de bastions, tandis

à l’inscription découverte in situ (voir cat. 116).

que trois portes assuraient l’accès à l’intérieur de la ville (fig. 4).

On a pu distinguer à l’intérieur de la ville quarante-six insulae rectan-

Le réseau urbain orthogonal de Seuthopolis et son organisation en

gulaires de taille presque égale (45 × 18 m). Leurs dimensions, tout

îlots (insulae) témoignent de l’application stricte des principes de l’urba-

comme celles des rues et des remparts, étaient calculées sur la base du

nisme hellénistique. Deux rues principales ont été mises au jour ; elles

pied attique de 29,6 centimètres 3.

délimitaient à l’est et au sud une agora, surdimensionnée par rapport à

Les fondations en pierre de douze édifices, d’une superficie oscillant

la taille de la ville (48 × 46 m), qui remplissait des fonctions publiques et

entre 350 et 500 mètres carrés, ont été relativement bien conservées. On

religieuses. Elle abritait l’autel de Dionysos, quelques statues, ainsi que

retrouve ici les trois types d’habitations caractéristiques de l’époque hel-

1

lénistique. L’édifice n o 5, à portique couvert devant la pièce principale et

les archives de la chancellerie royale .

fig. 1

l ’ o r g a n i sa t i o n

d u

royau m e

o d rys e


hristo popov

L’ u r b a n i s a t i o n de la Thrace Les réseaux d’occupation spatiale, tout comme la structure sociale en

objets de luxe importés que fournissent des contacts commerciaux loin- 165

Thrace, sont animés durant la seconde moitié du I er millénaire av. J .- C .

tains. La forte concentration de ce type d’agglomération en Plaine

par des processus centrifuges. La différenciation des classes sociales et la

supérieure de Thrace, aussi bien qu’aux périphéries méridionale et

stratification des communautés thraces étaient déjà à l’œuvre depuis

septentrionale de la chaîne de la Sredna Gora, correspond à l’essor et au

l’Âge du Bronze Récent. Malgré tout, il reste difficile d’esquisser une

développement du puissant État odryse et démontre son rôle croissant.

quelconque hiérarchisation parmi les divers éléments qui composent

On peut mentionner ici l’établissement proche du village actuel de Vasil

l’habitat au début du I er millénaire av. J .- C . Le potentiel démographique

Levski, ainsi que les sites de Philippopolis et de Kabylè, auxquels

de la population demeure important, mais cette dernière est dispersée en

s’ajoutent celui qui vient d’être découvert près du village de Krastevich.

de nombreuses communautés, petites et souvent nomades, traversées par

Durant la seconde moitié du iv e siècle av. J .- C ., après les victoires rem-

des tendances centripètes et caractérisées par une certaine décentralisa-

portées par Philippe II et son fils Alexandre III , une grande partie de la

tion du pouvoir. Ce tableau change peu à peu à la fin de l’époque

Thrace se retrouve incluse dans le royaume de Macédoine. Cet événe-

archaïque (vii e-vi e siècles av. J .- C .), période durant laquelle l’émergence

ment n’est pas sans exercer en retour une influence sur l’aspect extérieur

des premiers États ainsi que la colonisation grecque sur le littoral

de plusieurs grandes villes, qui deviennent des centres importants de

exercent une forte influence sur la structure urbaine en Thrace.

l’État macédonien. Certaines sources documentent alors l’installation de

La fondation de nombreuses cités grecques, entre le viii e et le vi e siècle

colons macédoniens.

av. J .- C ., sur le littoral nord-égéen et le long de la côte occiden-

C’est incontestablement l’apparition de capitales politiques, les-

tale de la mer Noire, aboutit non seulement à l’établissement de zones

quelles constituent autant de centres urbains jouant un rôle moteur dans

d’influence durables et à l’édification progressive d’un réseau de cités

la formation des différents États thraces, qui illustre les processus actifs

satellites dans l’arrière-pays immédiat des colonies, mais aussi à la

favorisant une centralisation de la structure urbaine. Si l’exemple le plus

construction de voies de communication commerciales stables condui-

souvent cité pour la Thrace méridionale est Seuthopolis, c’est indubita-

sant à des régions importantes de l’intérieur du pays. Le commerce du

blement en Thrace du Nord-Est la ville gète découverte près de

métal, son extraction et son traitement jouent un rôle majeur dans les

Sboryanovo, dans la région de l’actuelle Isperih, qui occupe cette place.

processus urbains qui se manifestent alors dans les Balkans. La circula-

La structure urbaine des territoires occidentaux du pays offre en

tion à partir du littoral vers l’intérieur s’effectue par l’intermédiaire de

revanche un tableau différent. Les centres urbains développés y sont

quelques voies fondamentales dont le tracé suit le cours des grandes

rares. Au sein de cette catégorie, on peut compter les établissements

rivières et des fleuves. De grands centres urbains naissent et se déve-

de petites communautés regroupées en tribus, situées dans la zone de

loppent autour de ces routes dont ils assurent le contrôle. C’est le cas, par

contact des Balkans centraux où elles sont fortement exposées à l’in-

exemple, de Koprivlen, dans la vallée moyenne du Nestos, et de l’établissement d’Adjiyska Vodenitsa (« Pistiros »), situé sur le cours supérieur

fluence culturelle de voisins plus grands, comme la Macédoine au sud-

de l’Hébros, dans le secteur le plus occidental de la Plaine supérieure

à l’est ou les États illyriens à l’ouest.

de Thrace. Ces deux agglomérations témoignent d’une grande prospérité et de l’existence de liens commerciaux actifs qui les distinguent au sein du maillage urbain régional, ainsi que parmi les autres formes d’habitat qui fleurissent dans le reste de la Thrace à cette époque. Durant les v e et iv e siècles av. J .- C ., dans les vallées de l’Hébros et du Tonzos, ainsi que sur les versants peu élevés des montagnes voisines, apparaissent de nombreuses agglomérations fortifiées disposant de fonctions centrales, à l’architecture remarquable, dans lesquelles les habitants jouissent d’un niveau de vie élevé, comme l’attestent les nombreux

ouest, les colonies grecques du littoral nord-égéen au sud, l’État odryse


Aperçu de la vie quotidienne à Seuthopolis au début de l’époque hellénistique

maria

Č

i

Č

fig. 1 Seuthopolis, foyer de l’édifice n o 5.

ikova

166 Les découvertes archéologiques faites

et sauvages occupait une part significative

à Seuthopolis constituent une riche source

à table, comme on peut le voir dans les complexes

d’informations sur la vie quotidienne au sein

d’habitation. On élevait aussi des chevaux,

de cette cité. Nous pouvons avoir un aperçu

utilisés dans la vie de tous les jours ainsi qu’en

du mobilier des maisons grâce aux appliques

temps de guerre.

en ivoire, aux plaques en os et en métal prove-

Les poids en argile de métiers à tisser

nant vraisemblablement de lits, de chaises,

et les fusaïoles, découverts in situ, démontrent

de tables et de coffres en bois, dont il est possible

enfin que le tissage faisait partie des principaux

de restituer la forme d’après les fresques du

artisanats domestiques, dans la mesure où il

tombeau de Kazanlak. Clous et clés métalliques

permettait la fabrication des vêtements en lin,

se rapportent au fonctionnement des portes

en chanvre et en laine.

en bois et d’autres meubles 1. La pièce centrale des maisons contient un élément incontournable : l’autel domestique, ou eschara, placé à même le sol et modelé dans

1 Ognenova-Marinova, 1984. 2 Dimitrov, Či č ikova, 1978 ; Ognenova-Marinova, 1984. 3 Balkanska, 1984 ; Či č ikova, 1984. 4 Dimitrov, Či č ikova, 1978.

l’argile avant d’être richement orné (fig. 1). Les statuettes en terre cuite de divinités grecques, les kernoi (vases à offrandes), les petites idoles et « pains » en argile apportent un témoignage sur les cultes domestiques 2. Pour assurer l’éclairage des salles, on recourait aux lampes à huile en argile. Les nombreux pithoi (jarres) et amphores nous renseignent sur les techniques appliquées pour la conservation des denrées alimentaires et des liquides. La richesse des formes des récipients en terre cuite destinés à la consommation de la nourriture et du vin, qu’il soit de production locale ou importé – de Thasos et d’autres centres égéens –, reflète le caractère raffiné des habitants de Seuthopolis en matière d’alimentation. La production locale de mets à base de poissons indique qu’ils avaient emprunté aux Grecs leurs habitudes alimentaires 3. On a découvert dans les maisons des socs de charrue métalliques et des moulins en pierre de type olynthien. Ces derniers accompagnent le développement de la production céréalière et rappellent son importance dans la cuisine locale 4. La viande provenant d’animaux domestiques fig. 1 l ’ o r g a n i sa t i o n

d u

royau m e

o d rys e


olivier picard

La monnaie entre Thraces et Grecs 172 Objet de prestige et donc d’art, instrument du pouvoir, devenu indispen-

sable pour faire la guerre, la monnaie permet d’analyser au mieux le jeu

monnayages thraces indiquent des relations très étroites avec des cités voisines.

des interactions dans les échanges entre les deux peuples. Les Thraces,

La raréfaction des statères de Thasos due à la guerre incita des

qui ont parfois utilisé l’alphabet grec sans vraiment adopter l’écriture,

dynastes inconnus à pallier cette pénurie en frappant des imitations : ils

ont accueilli la monnaie en y imprimant leur propre marque.

avaient du métal, il leur fallait de la monnaie qu’ils savaient comment

Cela tient bien sûr à l’existence de riches mines d’argent et d’or dans le

frapper, mais ils n’éprouvaient pas le besoin de se signaler. Sparadokos,

sud-ouest du pays, autour du mont Pangée et du bassin inférieur du

qui guerroie en Chalcidique, fait un autre choix : il reprend les types de

Strymon. Exploitées depuis fort longtemps, elles ont attiré bien des Grecs

l’argent d’Olynthe, mais y fait mettre son nom, tout comme un autre

lors de l’installation de cités (vii e siècle av.  J .- C .), notamment Thasos, et

dynaste, Saratokos, dans les environs de Thasos ; un chef de guerre au

suscité l’intérêt des Perses lorsqu’ils conquièrent la Thrace égéenne en

nom grec, Bergaios, fait de même.

513 av.  J .- C . Les Perses imposent à tous, cités grecques et peuples

Entre-temps, Seuthès I er inaugure le monnayage des rois odryses. C’est

thraces, un tribut à verser en monnaies, qui sont frappées avec l’argent

bien un système monétaire : le cavalier sur les pièces les plus lourdes,

local. Pièces grecques et thraces pèsent le même poids, utilisent les

le cheval sur les drachmes, un demi-cheval sur la plus petite fraction,

mêmes techniques, adoptent des types voisins et ne se distinguent que

le douzième. Il utilise un type populaire dans la région, le cavalier saluant,

par ce qui relève du politique : les types renvoient chez les uns aux cités,

que reprendra Philippe II . Le revers affirme fièrement que la pièce est

chez les autres à la source du minerai. Mais ces pièces circulent toujours

l’argyrion (ἀργύριον) ou le komma (κόμμα) de Seuthès : c’est une des plus

ensemble.

anciennes attestations de ce mot « frappe », la seule sur une monnaie.

Les premiers monnayages thraces cessent d’être frappés au plus tard

Ses successeurs se limitent aux douzièmes, mais introduisent la mon-

vers 470-460, quand toute présence perse disparaît, quand s’affirme le

naie de bronze, divisée en quatre fractions. Celle-ci sert à payer la partie

Royaume odryse et quand le contrôle des mines du Pangée incite Thasos

de la solde qui doit être versée à intervalles réguliers pour permettre au

– qui sera vaincue – à attaquer Athènes. La monnaie des cités grecques

soldat d’acheter sa nourriture quotidienne. Les rois créent une iconogra-

– surtout les statères de Thasos – continue à circuler dans le pays, comme

phie originale, la double hache et une sorte de tasse de profil conique à

le montrent plusieurs trésors ou la mention, à « Pistiros », de prêts de

deux anses. Ces pièces ont été retrouvées un peu partout dans le sud-est

commerçants grecs à des Thraces.

de la Thrace, notamment à « Pistiros ».

La guerre du Péloponnèse, qui embrase le monde grec (431-404), réac-

La vie de la dynastie fut agitée, frères ou cousins cherchant à se tailler

tive la frappe de la monnaie : les rois odryses, des princes (dynastes) auto-

leur principauté. Certains soulignent sur leurs monnaies leur proximité

nomes cherchent à en tirer profit en louant leurs services.

avec des cités de la côte. Ainsi Amatokos II et son fils mettent au revers de leurs bronzes un cep de vigne à quatre grappes qui reproduit un type de

Les monnayages odryses

Maronée, tandis que Ketriporis choisit une tête de Dionysos qui copie

Les rois odryses affichaient un luxe éblouissant, alimenté par les vases

Thasos.

de métaux précieux qu’ils recevaient en « cadeaux ». Mais la modestie de leur monnayage – le volume restreint des émissions, la petite valeur

D e s m o n n a i e s d e P h i l i p p e  II à S e u t h è s  III

des monnaies frappées, qui sont pour la plupart en bronze, rarement

Ces pratiques monétaires – et militaires – cessent avec la montée en puis-

en argent – amène à conclure qu’ils n’imposent pas de tribut en monnaie

sance du roi de Macédoine, Philippe II , qui réussit à détruire la dynastie

et que l’armée n’est pas récompensée de la sorte. Pour autant, les Thraces

odryse et à mettre la main sur le pays, par la force et la diplomatie. Ses

maîtrisent les techniques financières les plus récentes : ils adoptent très

monnaies, l’or qui sert aux cadeaux faits aux chefs, l’argent qui récom-

vite le monnayage de bronze, la frappe d’imitations de grosses monnaies,

pense la fin de la campagne et le bronze qui nourrit les soldats, sont thé-

ainsi que les méthodes de rétribution des armées mercenaires. La mon-

saurisées en grand nombre dans toute la Thrace. Celle-ci est même la

naie est l’instrument des divers échanges avec les Grecs : plusieurs

région qui compte le plus de trésors ; comme les Thraces ne sont pas allés

l ’ o r g a n i sa t i o n

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royau m e

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alexandre baralis

fig. 1 Rogozen, phiale inv. n o b 491 [cat. 149]. Sur la lèvre :

ΚΟΤΥΟΣ ΕΞ ΒΕΟ

(« À Kotys de Beos »). fig. 2 Service de Borovo, rhyton avec protomé de sphinge [cat. 139]. Sous le vase est inscrit : ΚΟΤΥΟΣ Ε(sic)ΒΕΟ

(« À Kotys de Beos »).

Les phiales inscrites : taxes et impositions dans le Royaume odryse

fig. 3 Persépolis, délégation XIX , escalier de l’Apadana. c h i c ag o, o r i e n ta l i n s t i t u t e

184 Le trésor de Rogozen se démarque par son articulation singulière autour

divinité à laquelle l’objet est consacré ou sa valeur. C’est cet usage que

de deux formes très standardisées incarnées par la cruche et la phiale en

nous retrouvons sur la phiale n o 22329 de Rogozen, où apparaît la

argent, cette dernière se révélant prépondérante, avec cent huit exem-

séquence

plaires. Loin de composer un ensemble cohérent, apte à servir un ban-

en revanche tout à fait différente pour les autres phiales de ce trésor ou les

quet, le trésor de Rogozen se présente plutôt comme une accumulation

pièces du service de Borovo où figure le nom du souverain suivi de la for-

d’objets au style hétéroclite, au sein desquels seuls quelques regroupe-

mule EK (« de ») accompagnée d’un toponyme au génitif (cat. 180 à 183 ;

ments logiques émergent, comme le fameux « service de Dionysos ».

fig. 2). La finalité de l’inscription est alors de rappeler l’origine géogra-

Autre particularité, trois noms – Kotys, Kersobleptès, Satokos – sont ins-

phique de l’objet. Pour autant, il demeure difficile d’affirmer s’il s’agit du

crits au poinçon sur la lèvre de treize phiales et d’une cruche (cat. 148 à

lieu de fabrication 7 ou plutôt du nom de la communauté ayant offert ce

151 ; fig. 1). Si Z. Archibald réfute le rapprochement de Satokos avec le

cadeau 8, voire de celle qui s’est acquittée du tribut 9. Dans le premier cas,

1

(« Disloias l’a fait »). La situation est

souverain odryse Sadokos , I. Venedikov et G. Mihaylov n’hésitent pas à

le nom du souverain fonctionnerait comme un poinçon attestant la qua-

identifier les deux autres avec Kotys I er (383-359 av. J .- C .) et son fils 2.

lité du vase 10 ; dans le second, la question de la fiscalité dans le monde

Nous aurions donc ici une thésaurisation couvrant partiellement deux

odryse serait ainsi directement posée.

règnes. L’origine de ces vases a parfois été mise en relation avec le butin

Sur ce point, Thucydide précise que les revenus du Royaume odryse

amassé par Philippe II lors de la conquête de la Thrace, avant qu’il n’en

s’élevaient sous Seuthès I er à 400 talents, augmentés d’une somme équi-

soit dépossédé à son tour par les Triballes 3. Pour autant, Rogozen n’ap-

valente perçue en nature sous forme de présents en or et en argent que

paraît pas comme un cas isolé. D’autres phiales inscrites ont été décou-

venaient par ailleurs compléter étoffes et autres cadeaux ( II , 97). Cette

vertes au nord du Balkan, notamment à Alexandrovo, près de Lovech, à

somme recouvrait alors le tribut payé par les sujets thraces et les cités

Moguilanskata-Moguila, Agighiol et Branichevo, tandis que toutes les

grecques. Dans les faits, cependant, le système fiscal odryse était bien

pièces de Borovo portent elles aussi le nom de Kotys. En dehors des noms

plus complexe. Au tribut s’ajoutaient aussi des taxes indirectes prélevées

d’Amatokos et de Térès, qui figurent sur la phiale de Branichevo, celui de

sur les flux induits par les diverses places de commerce actives au sein du

Kotys prédomine, ce qui permet de replacer cette pratique dans une four-

royaume, comme l’établissement d’Adjiyska Vodenitsa dit « Pistiros »

chette chronologique assez étroite. C’est ce que souligne également

(cat. 152), au sujet desquelles Démosthène précisait qu’elles rapportaient

l’usage d’un grec caractéristique du premier quart du iv e av. J .- C . 4. Autre

encore sous le règne de Kersobleptès près de 200 talents (Contre

particularité : la répartition géographique de ces objets aux marges du

Aristokratès 110). De même, le roi odryse recevait le produit des mines,

Royaume odryse nous encouragerait à reconnaître des cadeaux diploma-

ainsi que le butin des raids militaires qu’il opérait parfois, suivant

tiques offerts par le souverain odryse aux aristocrates locaux, qui lui

l’exemple offert par le dynaste local Seuthès (Xénophon, Anabase VII , 4,

restent soumis jusqu’à ce que sa mort scelle la perte de ces territoires 5.

2). Cette fiscalité mixte, pour partie en cadeaux, n’était alors pas sans

Néanmoins, quel sens donner à ces inscriptions ? S’agit-il d’une indi-

entretenir quelques similitudes avec le système achéménide. Hérodote

cation de l’appartenance première de l’objet ou plutôt d’une volonté d’en

rappelle en effet que ce dernier était tout entier fondé, sous Cyrus et

rehausser la valeur en en soulignant l’origine royale ? Et surtout à quel

Cambyse, sur un acquittement en cadeaux, donc en nature ( III , 89). C’est

moment se produit son apposition sur les vases ? On note en ce sens que

encore des objets luxueux que réclame Xerxès dans le nord de l’Égée ( VII ,

cette pratique a souvent été rapprochée de l’usage prêté à la chancellerie

119) lors de son périple qui le conduit vers la Grèce. Après la réforme fis-

achéménide de marquer les objets qui entrent en la possession du Grand

cale introduite par Darius I er, quatre formes de perception semblent avoir

Roi. Pourtant, les vases inscrits découverts à Persépolis ou sur le terri-

coexisté au sein du Royaume achéménide : le tribut, les taxes indirectes,

toire de l’ancien empire sont peu nombreux et l’authenticité de certaines

les cadeaux royaux et les frais de table du satrape et du Grand Roi 11.

6

dédicaces a longtemps été discutée . Les exemples les plus fréquents pro-

Toutefois, les incertitudes demeurent nombreuses dans la mesure où l’on

viennent en fait du monde grec où les inscriptions sur vases peuvent indi-

ignore si les frais de table constituaient un impôt régulier ou ponctuel. De

quer alternativement le nom du propriétaire, celui du fabriquant ou de la

même, la question reste ouverte si la procession des tributaires qui orne

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Le trésor de Rogozen

fig. 1 Rogozen, découverte du deuxième ensemble du trésor par les archéologues du musée régional d’Histoire de Vratsa, Bogdan Nikolov, Spas Mashov et Plamen Ivanov. vratsa, archives du musée régional d’histoire

nartsis torbov

186 L’un des plus importants trésors antiques de l’Europe du Sud-Est a été découvert dans le village de Rogozen, dans le nord-ouest de la Bulgarie. Le trésor se compose de cent soixante-cinq récipients en argent, de grande qualité, dont le poids total s’élève à 20 kilos. Ils peuvent être divisés en trois groupes : des phiales, au nombre de cent huit, cinquantequatre cruches et trois coupes de formes différentes. La vaisselle de banquet qui compose cet ensemble a probablement appartenu à la dynastie de souverains locaux et s’est transmise sur plusieurs générations durant le iv e siècle av. J .- C . La première partie du trésor a été découverte par hasard. Pendant l’automne 1985, Ivan Dimitrov, un habitant du village de Rogozen, a trouvé lors de travaux agricoles réalisés dans son jardin soixante-cinq récipients en argent. Ils reposaient à une faible profondeur (0,5 m) sous le niveau du sol moderne. Les archéologues du musée régional d’Histoire de Vratsa – Bogdan Nikolov, Spas Mashov et Plamen Ivanov – ont alors procédé à des fouilles archéologiques dans le jardin. Le 6 janvier 1986, ils ont mis au jour le second lot du trésor, constitué de cent récipients regroupés en tas et enterrés à la même profondeur, à seulement 5 mètres au nord-ouest du premier lot. Le trésor a vraisemblablement été caché à la hâte et divisé en deux parties avant d’être enfoui 1. Le trésor a suscité un très grand intérêt chez les spécialistes bulgares et étrangers. Il a donné une nouvelle vision de la culture thrace de la période classique et du début de l’époque hellénistique. Cette découverte a nourri des discussions scientifiques fructueuses liées aux questions entourant la chronologie, la technique de fabrication, la décoration, l’origine des formes, les motifs décoratifs et l’interprétation des scènes mythologiques qui ornent certains de ces vases, qui ont renouvelé nos connaissances sur l’art thrace 2.

c at. 148

1 Nikolov, 1989. 2 Cook, 1989 ; Fol, 1989 ; Alexandrescu, 1993 ; Marazov, 1996 ; Kull, 1997a.

c at. 1 4 9

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zosia h. archibald, jan bouzek et alexey gotsev

Pistiros, un emporion en Plaine supérieure de Thrace 188 Le nom de Pistiros (

) apparaît dans le lexique d’Étienne de

6 mètres, adopte une orientation au sud-ouest. Des plates-formes, basses et

Byzance, qui appartient à la fin de l’Antiquité (171.6 ; 524.11), ainsi que

quadrangulaires, en argile cuite, désignées sous le terme d’« autels », ont été

dans l’inscription grecque du milieu du

iv e siècle

av. J .- C . découverte à Bona

découvertes sur l’ensemble du site. Leurs angles indiquent systématiquement

Mansio. L’établissement mis au jour en 1988 par l’archéologue polonais

les quatre points cardinaux. Les édifices qui bordent la route sont dotés de

Mieczys ł aw Domaradzki à Adjiyska Vodenitsa, près de Vetren (à

fondations de galets et conservent parfois des parements de blocs disposés

68,9 kilomètres à l’ouest de Plovdiv, l’antique Philippopolis), entretient sans

en carreau. Ils étaient desservis par une conduite d’évacuation centrale en

aucun doute un rapport étroit avec le texte de l’inscription. Il constitue en ce

pierre dont la longueur de 28 mètres correspond à la longueur de la rue qui a

sens un candidat possible pour une identification avec l’ancienne Pistiros.

été préservée. Elle se ramifiait en deux branches devant la tour qui

M. Domaradzki avait déjà noté la forte concentration de trésors monétaires

protégeait la porte orientale. Chacune de ces conduites sortait de

en argent du v e siècle av. J .- C . dans un rayon de 20 kilomètres autour

l’établissement par des ouvertures verticales pratiquées dans le mur de

1

d’Adjiyska Vodenitsa . Les fouilles menées sur près de 0,5 hectare dans le

fortification. Les vestiges d’occupation à l’intérieur de l’enceinte couvrent

secteur proche de la porte orientale de cet établissement ont livré mille six

une surface d’environ 2,5 hectares. M. Domaradzki estime que le centre

cent cinquante-six monnaies qui s’échelonnent du

av. J .- C .

urbain, enceint par le rempart, a pu s’étendre sur une surface de plus de

Sur cet ensemble, cinq cent quarante-neuf pièces d’argent et trois pièces d’or

15 hectares, en excluant de ce chiffre le territoire agricole. Ces données

proviennent d’un pot enterré aux alentours de 280 av. J .- C ., peut-être en lien

classent l’établissement d’Adjiyska Vodenitsa dans la catégorie des cités

avec une attaque des forces celtes menée en Thrace centrale.

grecques de taille moyenne.

ve

au

iii e siècle

La majeure partie de l’établissement a subi l’érosion du fleuve Hébros/ 2

La rue centrale présente trois niveaux successifs dont la chronologie

Maritsa au cours des deux derniers millénaires , n’épargnant que les

confirme les grandes lignes historiques de cet établissement 3. Bien que

secteurs est du site. Ils représentent un quart de sa superficie initiale et se

certaines découvertes, qui remontent à la fin du vi e ou au début du

répartissent de part et d’autre de la rue principale ; s’y ajoute un secteur

v e siècle av. J .- C ., constituent les vestiges d’une occupation plus ancienne

disposé sur le versant nord-ouest, doté de quelques maisons extra-muros.

ou de travaux préliminaires, il apparaît que le site d’Adjiyska Vodenitsa fut

Les dimensions du mur de fortification (2,15 m de large), ainsi que des

planifié et construit comme une zone urbaine enceinte au troisième quart du

différents édifices urbains, sont comparables à celles qui caractérisent les

v e siècle av. J .- C . Le blocage qui sépare le niveau le plus ancien de la rue du

grands centres de l’Égée. À titre d’exemple, la maison

no 1

s’étend sur

second niveau a livré de la céramique et des monnaies datables de la seconde

18,2 × 14,35 mètres, soit 261,17 mètres carrés. Une porte imposante, munie

moitié du v e et du début du iv e siècle av. J .- C . Ce deuxième niveau est à

d’une tour mesurant 9,02 × 8,3 mètres, reflète un plan d’urbanisme

rapprocher d’un aménagement apporté à la porte orientale, qui a eu lieu vers

ambitieux. L’assise inférieure du mur, qui se dresse au-dessus d’une plinthe

370 av. J .- C ., durant le règne de Kotys I er (383-359 av. J .- C .). Le dernier

en pierre, s’articule autour de deux parements. Elle était élevée en blocs de

niveau, le plus récent, appartient au troisième quart du iv e siècle av. J .- C .

granit, placés en carreau, issus des carrières proches de Vurshilo et de

Il est contemporain de l’apparition d’un quartier d’habitation adjacent dont

Boshulya. Certains d’entre eux sont d’une largeur supérieure à 1 mètre. Le

les édifices ont été incendiés après 280 av. J .- C . C’est dans ce quartier que se

remplissage du mur – emplecton – était composé d’un blocage de galets et

trouvait la « maison méridionale » qui a livré, au sud de la rue, le trésor

d’un mortier en argile au-dessus duquel se dressait une élévation en briques

monétaire évoqué précédemment. La voie était bordée, de chaque côté, de

crues. Cette dernière se révèle mieux documentée au voisinage immédiat de

portiques en bois dont les colonnes reposaient sur des bases en pierre, tandis

la porte où une tour, construite au-dessus de l’entrée elle-même, s’est

que la couverture était assurée par une toiture en tuiles. Derrière ces

effondrée lors d’un violent incendie dans les premières décennies du

portiques se dressaient des édifices dotés de plusieurs salles. L’importante

iii e siècle av. J .- C .

quantité de monnaies retrouvées dans ces bâtiments, ainsi que le long de la

Le réseau urbain de l’établissement d’Adjiyska Vodenitsa est similaire à

voie, laisse supposer qu’ils étaient liés à des activités commerciales. C’est

celui de Seuthopolis. Le mur de fortification, suivi sur plus de 120 mètres, est

l’impression qui ressort également de la présence d’une balance et de

orienté au nord-ouest - sud-est, tandis que la rue principale, large de

plusieurs poids dans l’édifice n o 1 (au nord de la voie), tandis que l’« édifice

l ’ o r g a n i sa t i o n

d u

royau m e

o d rys e


Les zones de marché et le dispositif légal des emporia

fig. 1 L’emporion d’Adjiyska Vodenitsa dit « Pistiros » : routes fluviales et terrestres conduisant aux cités grecques mentionnées dans l’inscription de Vetren.

véronique chankowski

190 Les populations thraces ont été très tôt impliquées dans des relations commerciales avec les cités

dans l’inscription découverte à proximité de Vetren, d’autres établissements pouvaient recevoir des

grecques du nord de la côte égéenne, comme

marchés organisés, bien que leur localisation exacte

le démontre la circulation de productions

fasse encore débat aujourd’hui : Démosthène

(céramique, monnaies, imitations monétaires)

(Contre Aristokratès 23, 110) mentionne

de part et d’autre du massif des Rhodopes. Parmi

par exemple les revenus que tirait le roi odryse

les produits échangés, il faut compter aussi tout

Kersobleptès, probablement sous forme

ce dont ne témoigne guère l’archéologie : esclaves,

tributaire, des emporia de la côte égéenne.

bétail, textiles, à côté de marchandises mieux connues (bois, métaux, artisanat). Suivant un mouvement général en Méditerranée orientale qui, depuis la colonisation grecque de l’époque archaïque, voit le développement d’un cadre politique et juridique d’organisation des échanges à l’initiative des cités grecques, des zones de marché se constituent progressivement en Thrace, au contact des commerçants grecs, au cours de la période classique. Une inscription trouvée à proximité du village de Vetren atteste, vers le milieu du iv e siècle av. J .- C ., le renouvellement d’un accord entre un dynaste thrace, successeur du roi Kotys I er, et des commerçants, nommés « emporitains », originaires de trois cités de la côte nord-égéenne : Thasos, Maronée et Apollonia du Pont 1. Les différentes clauses du texte fournissent un cadre juridique au commerce, assurant en particulier aux Grecs la protection de leurs avoirs (terres et troupeaux) et de leurs échanges (le souverain thrace renonce à l’annulation des dettes contractées par des Thraces envers des Grecs). En l’absence de tels accords, les relations commerciales entre Grecs et Thraces n’étaient pas exemptes de violence ou de contrainte, comme en témoigne un passage de l’Économique du Pseudo-Aristote ( II , 2, 27) qui explique que les habitants de Périnthe furent soumis à des emprunts forcés et à des prises d’otages de la part des Thraces. Les échanges se structurent autour de comptoirs commerciaux (emporia) accueillant des commerçants dont l’autorité thrace garantit la sécurité. Outre les emporia mentionnés

l ’ o r g a n i sa t i o n

d u

royau m e

o d rys e

1 Sur l’édition et l’interprétation de ce texte épigraphique, voir en dernier lieu Chankowski, Chankowski, 2012, p. 275-290.

fig. 1


milena tonkova

fig. 1 Nécropole de Duvanli, tumulus Bashova Moguila, pectoral.

Les techniques de l’orfèvrerie en Thrace : ateliers fixes et itinérants L’émergence du royaume odryse s’accompagne d’un véritable essor de la

fig. 1

Une biche en bronze du début du v e siècle av. J .- C ., de style grec, retrouvée 197

métallurgie, en particulier de la toreutique et de l’orfèvrerie. La prospérité

près de Vasil Levski 5, et une pièce de harnachement à tête de bélier, de style

atteinte par la société thrace se traduit par des goûts et des besoins nouveaux.

orientalisant et provenant de « Pistiros 6 », trahissent à leur tour le travail de

Divers objets de luxe pénètrent alors en Thrace : de la vaisselle en argent et en

ces artisans venus s’installer en territoire odryse dans des villes nouvelles, que

bronze, des vases figurés grecs, des objets en albâtre et en verre, ainsi que des

ce soit sur le cours supérieur de l’Hébros (« Pistiros »), dans la vallée de la

parures en or. Ils dessinent ensemble une esthétique novatrice, fondée sur des

Stryama (Duvanli, Krastevich) ou le bassin de Karlovo (Vasil Levski). On y

modèles inédits qui engendrent des changements dans les sphères religieuse et

perçoit chaque fois la présence de la culture grecque. C’est là, en toute

1

culturelle .

logique, que les métiers entourant l’extraction et le travail des métaux ont

L’artisanat local entre dès lors dans une phase active dont témoigne la pro-

naturellement fleuri.

duction d’objets de luxe utilisés par l’élite thrace, laquelle favorise en retour

Les fouilles d’Adjiyska Vodenitsa (« Pistiros ») sont à ce jour celles qui ont

l’émergence de styles autochtones à un moment où l’aristocratie thrace se

fourni les données les plus abondantes sur l’activité métallurgique, ferreuse et

dote de nouveaux insignes. La décoration des pectoraux (cat. 36), les orne-

non ferreuse, dans la région 7. Trois contextes, datés de 370-360 av. J .- C . (sous

ments destinés au visage et à la coiffure (cat. 20 et 21), les bagues arborant des

le règne de Kotys I er), contenaient des moules de terre cuite de forme ovoïde,

scènes de cavaliers ou les masques en or présentent des formes et des motifs

caractéristiques du monde grec et révélateurs de l’introduction de nouvelles

influencés par des modèles grecs ou orientaux (fig. 1). Les techniques issues

techniques artisanales. Ils étaient voués à la réalisation d’objets de consom-

de l’orfèvrerie grecque sont alors adoptées puis maîtrisées : repoussé, fili-

mation locale 8. La célèbre applique de bronze figurant un acteur (cat. 161)

grane, granulation. Ces innovations touchent aussi bien les formes, les sujets

appartient pour sa part à la seconde moitié du iv e siècle av. J .- C . Les vestiges

2

ou le style que les outils nécessaires à leur fabrication .

d’ateliers découverts près de la porte orientale, ainsi que ceux du bâtiment

Ces transferts de compétences empruntent différents canaux. Parallèlement

n o 1, sont cependant plus tardifs. Ils ont livré de grandes quantités de scories

à l’importation directe d’objets de luxe, les artisans eux-mêmes circulent

de fer, accompagnées de creusets et de restes d’activités métallurgiques,

pour servir l’élite thrace. Des ateliers fixes s’installent dans les nouveaux

comme des traces de cuivre fondu, des pièces non achevées, des marteaux, des

centres urbains, dont la population est cosmopolite, ainsi que dans les rési-

moules et des matrices (cat. 164 à 166), un lingot d’or et une pierre de touche

dences royales fortifiées.

avec des traces d’or, tout comme des objets en bronze, dont des fibules inache-

Certains objets archéologiques découverts en pays odryse, datant du

vées ou entières 9.

début de l’époque classique, permettent de suivre ce processus. Deux d’entre

Ces données rappellent le rôle joué par « Pistiros » en tant que centre de

eux ont été mis au jour dans un contexte purement thrace, à savoir dans les

production régionale. La qualité des outils, autant que celle des produits

sanctuaires à fosses de Malko Tranovo et de Yabalkovo, situés sur le cours

finis, démontre les compétences mobilisées pour la fabrication d’objets de

moyen de l’Hébros. Le dépôt de Malko Tranovo (fig. 5) livre des renseigne-

luxe en bronze, en or et en argent, destinés aussi bien aux habitants de la ville

ments sur le milieu des artisans du

qu’à l’aristocratie thrace.

v e siècle

av. J .- C . ; il regroupe cent treize

objets : des parures en bronze, un petit marteau de cuivre aux extrémités éro-

Des vestiges d’activité métallurgique ont également été découverts à

dées par un usage prolongé (cat. 169), des fragments de divers récipients en

Seuthopolis (creusets, moules, fibules complètes ou en cours d’élaboration).

bronze (dont une anse d’œnochoé « rhodienne ») (fig. 3) et des objets en os 3.

La quantité d’œuvres de toreutique et d’orfèvrerie de style local que l’on a

Une matrice de Yabalkovo, ornée d’un lion accroupi (cat. 176), servait à

retrouvées dans les tombes aristocratiques de la région laisse penser que la

l’exécution de figures d’or et d’argent au repoussé. Si cet objet est unique en

ville était alors un centre artisanal de premier ordre 10. On peut rappeler en ce

Thrace, il dispose en revanche en Asie Mineure de parallèles exacts qui appar-

sens les deux petites cruches de bronze et d’argent du tombeau de Kazanlak,

tiennent à la fin du vi e et au début du v e siècle av. J .- C . 4. Cette matrice consti-

les parures d’or et d’argent de Malkata Moguila, près de Shipka 11, et les orne-

tue ainsi l’une des plus anciennes attestations de l’importation de cette

ments de harnachement en or et en argent présents au sein de plusieurs sépul-

technique dans la région. La présence de ces outils d’origine étrangère laisse

tures. Il est permis de supposer que des artisans de renom, sculpteurs ou

également supposer que des artisans itinérants séjournaient en Thrace.

toreutes, ont résidé dans cette ville. Quant à la tête en bronze de Seuthès III



un mode de vie aristocratique


alexandre baralis, jean-luc martinez et néguine mathieux

le mode de vie aristocratique thrace et ses modèles 206 Les services de banquet mis au jour, comme celui de Panagyurishte (cat. 184 à 191), ou les

produits des fouilles récentes réalisées sur le site de Kozi Gramadi reflètent les usages de l’aristocratie odryse 1. Celle-ci reste volontiers attachée à ses aptitudes guerrières et à ses qualités de cavalier, comme elle prend soin de l’exprimer elle-même par le choix des objets déposés dans les tombes. D’autres activités ont souvent été invoquées pour décrire le mode de vie de ses membres, à l’image de la chasse, qui nourrit un riche répertoire iconographique, présent sur des supports aussi divers que les fresques du tombeau d’Alexandrovo, l’anneau de Peychova (cat. 309), ou plus au nord, en terre gète, la cruche n o B 463 de Rogozen (cat. 310) et quatre des appliques de Letnitsa (cat. 290). Pourtant, sur la scène d’Alexandrovo, un homme nu, de taille particulièrement remarquable, armé d’une double hache, ou plusieurs créatures surnaturelles sur les pièces de Letnitsa orientent davantage vers un répertoire mythologique que vers une illustration du quotidien. D’autres chercheurs pensent en ce sens retrouver l’écho des jeux

fig. 1 Tombeau de Zlatinitsa-Malomirovo, détail de la jambière. sofia, musée national d’histoire, no 50457

fig. 2 B iceni, détail de la scène figurée sur le casque en or. fig. 1

fig. 2


hristo popov

Les résidences aristocratiques Les résidences aristocratiques constituent un élément essentiel des réseaux

La situation apparaît différente sur les sites de Knyajevo, Sinemorets, 211

d’occupation spatiale en Thrace 1. Plusieurs auteurs antiques, parmi lesquels

Pastich ou Mandra, lesquels constituent la résidence principale de puissants

Xénophon, Théopompe, Tite-Live, mentionnent l’existence de domaines qui

dignitaires qui disposaient d’un fort ancrage local. Ces établissements

furent les résidences de représentants de l’aristocratie thrace. De petites forti-

contrôlaient d’importantes voies de communication, ainsi que les ressources

fications, nommées turzis, sont en ce sens interprétées comme des tours ou

naturelles alentour. Les vestiges mis au jour dans ces petites résidences locales

des résidences. Elles sont étroitement liées à la structure sociale de la société

sont également plus abondants et reflètent une occupation quotidienne. En se

thrace 2, où une aristocratie relativement peu nombreuse exerçait un contrôle

fondant sur le matériel archéologique, on peut considérer que certaines d’entre

sur les ressources économiques et se distinguait très nettement par les privi-

elles constituaient des centres économiques abritant une production artisa-

lèges militaires et politiques dont elle jouissait.

nale variée. Elles étaient disposées au cœur des échanges commerciaux dont

La question du caractère résidentiel prêté à certaines manifestations

elles assuraient le contrôle. Ces sites ne sont en effet pas isolés. Les établisse-

urbaines, largement répandues en Thrace durant la seconde moitié du

ments de Sinemorets, Pastich, Bosnek et Mineralni Bani, près de Haskovo,

I er millénaire av. J.-C., a acquis une certaine importance au sein des recherches

contrôlaient ainsi l’accès immédiat aux principales ressources métallifères de

menées en Bulgarie durant les dix dernières années. Pendant longtemps, ces

Thrace orientale.

éléments demeuraient en effet mal renseignés, à l’exception du complexe

L’existence des résidences aristocratiques au sein des réseaux d’occupation

architectural disposé sur les rives de la lagune de Mandra, près de Burgas.

spatiale est attestée non seulement durant la période faste des États thraces,

Cependant, le nombre de sites résidentiels enregistrés ces dernières années

qui s’étend du v e siècle à la fin de la première moitié du iii e siècle av. J.-C., mais

s’est notablement accru. Parmi eux, on peut mentionner ceux fouillés dans

elle se maintient également par la suite durant toute l’époque hellénistique.

3

4

la région de Starosel, à Kozi Gramadi , de Smilovene, près de Strelcha , 5

6

Certains ensembles funéraires thraces des i er et ii e siècles av. J.-C. (Karanovo,

Sinemorets , Knyajevo , Pastich, en Bulgarie du Sud-Est, et Mirkovo, à la péri-

Chatalka et autres), de même que les établissements qui leur sont liés, nous

phérie orientale du bassin de Sofia. En règle générale, ils forment des ensembles

permettent de supposer qu’ils constituent les héritiers de domaines plus

fortifiés et denses qui témoignent souvent d’une architecture imposante et

anciens.

révèlent un niveau de vie élevé. Il faut remarquer que la période durant laquelle ils furent occupés s’avère relativement brève. À la lumière des nouvelles découvertes faites ces dernières années, on peut également réinterpréter certains sites archéologiques comme résidentiels, notamment ceux de Bosnek, près de Gorna Struma, l’établissement fortifié de Mineralni Bani, près de Haskovo, ou celui, toujours fortifié, de Kralevo 7, dans le nord-est de la Bulgarie. Malgré leurs nombreuses caractéristiques communes, ces résidences entretiennent des différences notables. On peut voir ainsi dans les ensembles de Kozi Gramadi et de Smilovene des résidences liées à des représentants du pouvoir royal. Elles sont disposées dans des secteurs montagneux éloignés et difficilement accessibles. Pourtant, leur édification a mobilisé des moyens importants, car les techniques de construction et les matériaux utilisés s’avèrent coûteux et témoignent d’un certain luxe et d’un mode de vie raffiné. On peut les interpréter comme des sites de refuges éloignés qui intègrent les dernières techniques de fortification contemporaines, tout comme des endroits de villégiature et de chasse. Le matériel archéologique n’est guère abondant, révélant que ces lieux furent occupés sur de courtes périodes.

1 Dimitrov, 1958 ; Popov, 2002 ; Balabanov, 2012. 2 Fol, 1970. 3 Hristov, 2006 ; 2011-2012. 4 Agre, Dichev, 2010. 5 Agre, Dichev, 2013. 6 Agre, Dichev, 2014. 7 Ginev, 1998.

t i t r e

c o u r a n t


Borovo : un cadeau royal

fig. 1 Localisation du trésor de Borovo.

totko stoyanov

212 Des travaux de labour entrepris en 1974

de banquet appartenant à un dynaste gète,

au lieu-dit Sivri Tepe, à l’ouest de Borovo,

lequel a été constitué à partir d’objets acquis

ont accidentellement mis au jour des fragments

séparément. Les vases inscrits témoignent peut-

de deux rhytons à protomé de cheval pour

être de contacts avec Kotys 4, ou bien constituent

l’un et de taureau pour l’autre, ainsi qu’un

des cadeaux faits par Philippe II à l’occasion

fragment provenant d’un large bassin. Lors

de son mariage avec Meda, la fille de Cothélas 5.

des fouilles qui ont suivi cette découverte,

Le rython à protomé de taureau est probablement

D. Ivanov a dégagé une cruche-rhyton, un rhyton

le produit d’un atelier du nord-ouest de l’Asie

à protomé de sphinge et un autre fragment

Mineure 6, arrivé dans la région de Borovo par

du bassin. Enfin, en 1975, quelques petits

une autre voie. Quant au bassin, il a été fabriqué

éléments supplémentaires ont été récoltés :

par un artisan local à une date plus tardive que

1

une aile du sphinge et une anse du bassin . L’hypothèse selon laquelle ces objets pourraient

les autres récipients du trésor, ce qui permet de fixer le terminus post quem pour la dépo -

provenir d’un tumulus 2 est aujourd’hui largement

sition des objets au cours du troisième quart

abandonnée en raison de l’absence de toute donnée

du iv e siècle av. J .- C .

contextuelle. Il s’agit plus vraisemblablement d’un trésor ou d’un dépôt rituel. Dans la plupart des travaux, Borovo est attribué à la première moitié du iv e siècle av. J .- C . en raison des inscriptions présentes sur la cruche et sur les rhytons à protomés de cheval et de sphinge, qui mentionnent le nom de Kotys. On considère qu’il est question du roi Kotys I er (383-359 av. J .- C .), d’où l’opinion courante suivant laquelle les récipients ont été réalisés dans un atelier travaillant pour le souverain odryse, situé dans une agglomération du nom de Béos, avant d’être offerts à un aristocrate gète voire au roi gète Cothélas, dont le nom est rapporté par les sources. Cependant, on a pu démontrer que les deux rythons et la cruche s’avèrent plus anciens et qu’ils proviennent plutôt d’ateliers d’Ionie ou de Propontide 3. De même, les inscriptions maladroites contrastent avec la qualité exceptionnelle des vases. Il est donc fort probable qu’elles aient été gravées a posteriori, après l’acquisition des récipients par Kotys. Il apparaît dès lors plus logique de conclure que nous sommes en présence d’un service

u n

m o d e

d e v i e

a r i s t o c r a t i q u e

c at. 179 (d é t a i l )

1 Zdravkova, Ivanov, 1996, p. 13. 2 Ivanov, 1980, p. 391. 3 Stoyanov, 1998b, p. 70-82 ; Teodosiev, 1998a, p. 43-44, p. 53. 4 Marazov, 1986. 5 Tacheva, 1986. 6 Stoyanov, 2011b, p. 411-414.


c at. 180

Rhyton à protomé de cheval Argent doré Borovo, lieu-dit Sivri Tepe, 1974 Fin du v e-première moitié du iv e siècle av. J .- C . h. 20,8 cm ; d. embouchure 10,2 cm ruse, musée régional d’histoire, i n v. n o i i 3 5 7

La protomé représente un cheval au galop. Elle est constituée de deux parties coulées dans un moule. Les détails anatomiques (muscles, articulations, crinière, etc.) ont été ajoutés par martelage et ciselure. Les yeux sont incrustés. L’orifice sur le poitrail du cheval est obstrué par un médaillon en relief. Ce dernier, en forme de tête de lion, a été fabriqué à part, tout comme la panse du rhyton. Celle-ci est ornée de cinquante-deux cannelures. Le bord évasé porte sur sa face supérieure une décoration en relief, constituée d’une rangée de perles et d’une frise d’oves. Une seconde frise, composée de rameaux de lierre en relief, est modelée sous le bord. Au point de jonction des deux extrémités est figuré un oiseau. Sur le ventre du cheval et la partie supérieure de la panse, on peut lire une inscription en caractères grecs gravée 1 . L’embouchure, la frise à l’aide d’un poinçon : de rameaux de lierre et certaines parties de la protomé sont dorées.

214

bibliographie Ivanov, 1980, p. 391, p. 396, fig. 1 ; Marazov, 1978, p. 36, p. 39, fig. 29-30. 1 Dans un premier temps, la corne avec la frise en rameaux de lierre avait été montée par erreur sur la protomé de la sphinge (cat. 183). Ce n’est que plus tard, une fois que l’on s’est aperçu que les inscriptions ne correspondaient pas, que l’on a procédé à l’échange. Voir Stoyanov, 1998b, p. 71, note 24.

u n

m o d e

d e v i e

a r i s t o c r a t i q u e

T S


Le trésor de Panagyurishte

fig. 1 Localisation du trésor de Panagyurishte. fig. 2 Panagyurishte, découverte du trésor par les frères Deykovi en 1949. p l o v d i v, a r c h i v e s d u m u s é e régionale d’archéologie

totko stoyanov fig. 1

220 En 1949, dans la cour d’une briqueterie installée

de fabrication de ces objets 6. La lecture des

près de la ville de Panagyurishte, neuf vases en or

inscriptions sur la phiale et l’amphore-rhyton

massif (6,164 kilos au total) on été mis au jour,

remet cependant en question cette hypothèse 7.

à savoir une phiale et huit rhytons de formes

L’interprétation émise par E. Simon selon

variées 1. Les parallèles disponibles pour ces

laquelle les figures mythologiques et les motifs

formes ainsi que le riche répertoire icono-

des différents vases constitueraient un écho

graphique, comprenant des compositions

de la propagande royale macédonienne au temps

en relief de plusieurs personnages, permettent

d’Alexandre le Grand 8 apparaît plausible.

de dater cet ensemble de la haute époque

Le trésor de Panagyurishte pourrait avoir été

hellénistique, soit vers 300 av. J .- C .

de même un cadeau diplomatique lié à l’État

La discussion qui entoure le lieu de fabrication

de Lysimaque, qui s’étendait de la Thrace jusqu’au

et le propriétaire des objets reste encore ouverte.

nord-ouest de l’Asie Mineure 9. On a également

Elle repose pour l’essentiel sur l’interprétation du

émis l’hypothèse que le commanditaire ou le

programme iconographique. Certains chercheurs

destinataire de ce service serait Seuthès III 10.

estiment que les vases ont été réalisés et utilisés

Celle-ci est néanmoins contredite par les résultats

2

dans un contexte thrace . D’autres publications

des dernières recherches menées dans la région

attribuent au contraire ces vases, tout ou en partie,

de Panagyurishte qui replacent le trésor dans

3

4

à des ateliers attiques , du nord de la mer Égée ,

une structure politique différente, à savoir

de Propontide ou du nord-ouest de l’Asie

celle d’une famille dynastique liée à la résidence

Mineure 5. Les chercheurs bulgares privilégient

de Kozi Gramadi et aux remarquables nécropoles

en général la ville de Lampsaque comme lieu

de Starosel et Strelcha.

1 2 3 4 5 6 7 8 9 10

fig. 2 u n

m o d e

d e v i e

a r i s t o c r a t i q u e

Con č ev, 1956. Dernièrement Agre, 2003 ; Kitov, 2006a. Con č ev, 1956. Simon, 1960. Ebbinghaus, 1999 ; Stoyanov, 2004 ; Tonkova, 2005b. Venedikov, 1961. Vickers, 1989, p. 101. Simon, 1960 ; Kontoleon, 1962. Pfrommer, 1990a, p. 201. Venedikov, Gerasimov, 1975, p. 86.


c at. 186

c at. 187

Rhyton à tête de daim

Rython à protomé de bouc

Or 1 Panagyurishte, 1949 Fin du iv e-début du iii e siècle av.  J .- C . h. 13,5 cm ; d. embouchure 8,8 cm ; poids 674,6 g

224

Or Panagyurishte, 1949 Fin du iv e-début du iii e siècle av.  J .- C . h. 14 cm ; d. embouchure 9 cm ; poids 439,05 g

p l ov d i v, m u s é e r é g i o n a l d ’ a r c h é o l o g i e ,

p l ov d i v, m u s é e r é g i o n a l d ’ a r c h é o l o g i e ,

i n v.   n o  3 1 9 7

i n v.   n o  3 1 9 6

Le rhyton 1 est constitué d’une corne courte et conique se terminant par la tête d’un daim, représentée de façon réaliste. L’anse attachée à la corne porte à son extrémité supérieure une petite figure de lion. Ses pattes avant sont posées sur le bord, alors que les pattes arrière s’appuient sur une colonne dont les tambours sont séparés par des anneaux en relief. Le vase est coulé d’une seule pièce. Les cornes et les oreilles du daim ainsi que l’anse ont été réalisées à part et assemblées à l’aide d’orifices spécialement prévus à cet effet. L’anse est insérée dans un orifice en forme de tête féminine qui a été fait en même temps que la tête de daim. Au-dessus du point de fixation, on aperçoit encore quelques gouttes de la soudure. Le bord évasé est orné d’une rangée de perles et d’une frise d’oves. La décoration de la corne s’articule autour d’une frise de quatre figures en haut relief. De gauche à droite, on observe Athéna tenant un casque dans la main droite et un bouclier dans la main gauche, Pâris en costume phrygien, Héra assise sur un trône et Aphrodite se tenant debout à côté d’elle. Les personnages sont identifiés grâce aux inscriptions gravées à côté des têtes par un poinçon. Pâris est identifié en tant qu’Alexandre. La scène représente de toute évidence le Jugement de Pâris. L’ensemble des détails des visages et des vêtements, les accessoires des personnages, la fourrure, les yeux, les cornes du daim et la figure du lion sont réalisés par ciselure et martelage. Les yeux sont incrustés. Des traces de nielle sont visibles dans les points qui forment les inscriptions, ainsi que dans les cornes et dans d’autres détails 2.

Le corps du bouc est allongé et légèrement recourbé vers le haut. Il se prolonge par une partie conique plus large ornée de représen­ tations en haut relief d’Apollon, Héra, Artémis et Nikè, tous dotés de leurs attributs caractéristiques. Le bord, évasé et déversé, est parcouru par une frise d’oves. Le vase est coulé en une seule pièce, à l’exception des pieds, des oreilles et des cornes du bouc, qui ont été réalisés à part et assemblés à l’aide d’orifices spécialement prévus à cet effet. Les détails des vêtements et des accessoires, tout comme la fourrure et le museau du bouc, ont été ajoutés par ciselure et martelage. bibliographie Cončev, 1956, p. 135-138, ill. 5, 16, tabl. V I I - I X  ; Venedikov, 1961, p. 11-12, fig. 12-16 ; Marazov, 1978, p. 88-93, fig. 87-90.

T S

bibliographie Con č ev, 1956, p. 126-131, ill. 2, tabl. I - I I , I V  ; Venedikov, 1961, p. 7-9, fig. 2-5 ; Marazov, 1978, p. 76-80, ill. 75-77 ; Kolev, 1978a, p. 319-323, fig. 4-5. 1 Composition : or de 97,9 à 98,1 %, argent de 0,22 à 1 %, cuivre de 0,7 à 1,43 % (Tsaneva, 2013, p. 41). 2 Tsaneva, 2013, p. 41, ill. 7a-b. Comparer les résultats similaires de l’analyse du rhyton en argent du Civico Museo de Trieste dans Giumlia-Maier, La Niece, 1998.

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T S

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pierre dupont

Le règne des « persianismes » 230 L’essor du pouvoir odryse consacre la prospérité inédite

1

Curieusement, la fondation et la montée en puissance de l’État odryse sont consécutives à une longue occupation perse du littoral égéen de la Thrace.

d’une aristocratie régionale désormais en quête d’un apparat

Par ailleurs, le peuplement thrace est censé avoir débordé sur le continent

qui soit à la mesure de son nouveau statut. Elle bénéficie

anatolien, comme en témoignent successivement Homère et Strabon, lequel

en ce sens des facilités offertes par l’essor contemporain des

rappelle l’installation des Thyniens de part et d’autre de la Propontide.

réseaux d’échanges régionaux, ainsi que des alliances qu’elle

D’où un phénomène d’osmose culturelle latent entre Thrace d’Europe et Asie

tisse avec les cités grecques et les autres royaumes voisins.

Mineure, celle des populations anatoliennes (celles de Lydie en particulier)

Cette recherche explique l’accumulation d’objets de luxe

comme celle des cités grecques d’Ionie. D’où aussi une extrême confusion

étrangers, qui constituent comme autant de vecteurs du prestige

perceptible dans les études traitant des œuvres d’art exhumées en Thrace,

politique et social associé à leur région d’origine. Dans ce jeu

en particulier dans les publications consacrées à la vaisselle métallique et à la toreutique, où l’étiquette « achéménide » apparaît galvaudée à l’extrême,

d’influences, la Perse, considérée via ses centres de pouvoir

alors que l’art de la Perse achéménide se caractérise par la synthèse de styles

disposés dans l’ouest de l’Asie Mineure, joue un rôle premier.

multiples, par exemple en matière de sculpture, à propos de laquelle

Elle est bientôt rejointe par le monde grec avant d’être

A. Godard relevait naguère qu’« elle se plaisait à utiliser dans son décor des

progressivement remplacée par le Royaume de Macédoine.

formes étrangères qui lui étaient comme autant de souvenirs des pays que

Ces importations ne sont pas pour autant la traduction

la Perse avait conquis, ou, si l’on veut, une collaboration de tous ces pays

d’une immédiate acculturation, mais elles représentent

à l’œuvre de la grandeur achéménide  2 ». C’est le cas, notamment, dans le traitement des bas-reliefs de Persépolis, directement influencé par l’art grec, dont

comme autant d’éléments isolés dont l’usage et la valeur

on commence même à maîtriser les effets plastiques du drapé.

sont reformulés au sein de contextes dont le signifiant sert

Mais c’est sans doute dans le domaine de l’orfèvrerie thrace que les cher-

de support à l’émergence d’une identité de classe originale

cheurs se sont le plus évertués à déceler une influence proprement achémé-

inscrite dans un contexte culturel thrace. A Ba

nide, jusqu’à opérer un subtil distinguo ternaire entre un « court-style art », un « satrapal art » et un « Perso-barbarian art » sous la plume d’E. Rehm. Du premier relèvent quelques formes de récipients bien typés, à savoir le rhyton, vase à boire en forme de corne renversée, prolongée en bout d’une protomé d’animal ou d’être hybride, souvent percée d’un petit trou permettant d’en aspirer le contenu liquide par le bas ; l’amphorette, parfois pourvue d’anses plastiques, animalières ou anthropomorphes ; la phiale sous diverses variantes, à vasque galbée de profondeur variable, souvent à omphalos plus ou moins prononcé et à lèvre en dévers plus ou moins élancée. Des trois, c’est assurément la phiale qui est la plus répandue en Thrace (cent huit exemplaires dans le seul trésor de Rogozen), sans doute à titre non seulement de simple vase à boire, mais aussi d’unité de valeur pour les échanges, qu’il s’agisse de cadeaux entre élites ou du paiement du tribut. Comme, d’autre part, la forme de la phiale est également populaire en Grèce, alors qu’en Perse même seul un petit nombre de pièces proviennent de contextes clairs, l’identification de celles qui sont imputables au « style de la cour » paraît reposer sur des critères bien illusoires. Surtout, le fait que les exemplaires représentés sur les frises de Persépolis le soient entre les mains des porteurs de tribut des délégations

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anelya bozkova et krasimir nikov

Les céramiques : importation, production, usages 236 L’apparition et la diffusion de céramique d’importation en Thrace à

l’époque archaïque prennent des aspects très divers selon les régions.

tendance appelée à perdurer durant les siècles suivants, témoignant ainsi de la faveur dont elle jouit auprès des populations thraces 1.

Quelques cas isolés de vases peints sont connus à l’intérieur du pays,

De la fin du vie jusqu’au début du iiie siècle av.  J.-C., des quantités consi-

principalement le long des vallées des rivières Hébros (Maritsa) et Tonzos

dérables de céramique peinte à figures noires ou rouges et de céramique

(Toundja), lesquels résultent de l’intensification des échanges avec la

noire vernissée pénètrent en Thrace. On trouve ces vases dans de nom-

population grecque des zones littorales. Si l’exemple le plus ancien

breux contextes liés aux modes de vie aristocratiques, à la vie urbaine ou à

remonte à la période géométrique tardive, la plus grande partie de la

des pratiques religieuses spécifiques. Ce sont principalement des œuvres

céramique importée date de la fin du

vii e

et du

vi e siècle

av.  J .- C . et relève

d’ateliers attiques ou d’autres écoles régionales subissant leur influence 2.

de styles caractéristiques du monde grec oriental (bols à oiseaux, coupes ioniennes). On constate une certaine sélectivité dans le choix des productions diffusées. Celles-ci portent pour l’essentiel une décoration géométrique (les représentations d’oiseaux, seules, font exception) qui reste proche des schémas décoratifs caractéristiques de la céramique thrace de l’époque archaïque. Les vases peints sont peu populaires jusqu’au début du v e siècle av.  J .- C . ; ils apparaissent dans un nombre limité de contextes (tombes, fosses rituelles) et étaient probablement appréciés en tant qu’objets de luxe ou d’exotisme par un petit groupe de consommateurs. Le sud-ouest de la Thrace constitue un cas particulier qui s’éloigne quelque peu du schéma décrit ci-dessus : à la fin de l’époque géométrique et au début de l’époque archaïque s’y répand une céramique de production locale faite au tour de potier et décorée d’ornements géométriques peints. Le faible intérêt pour la céramique peinte est compensé par l’adoption d’une vaisselle grise monochrome faite au tour (fig. 2), qui change l’aspect de la séquence céramique en Thrace au cours de la période archaïque tardive. Ces récipients deviennent rapidement populaires et, peu après leur apparition en provenance de l’Éolide et des colonies, commencent à être produits sur place, aboutissant progressivement à un renouvellement complet des formes traditionnelles et à l’élaboration d’un répertoire nouveau. Parallèlement, on assiste à la diffusion de nouvelles formes révélatrices d’un mode de consommation à la grecque tout comme des changements intervenus dans les modes alimentaires euxmêmes. Il est en effet remarquable de noter l’emploi de procédés technologiques identiques sur le littoral et dans l’intérieur du pays. Les données archéologiques démontrent alors la mise en place d’un réseau stable de production et de diffusion qui englobe l’ensemble du territoire de la Thrace, consacrant la céramique grise monochrome comme un facteur économique majeur pour la société thrace. Sa présence dans des contextes variés, distincts par leur caractère et leur faste, inaugure une

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fig. 1


Le tumulus Bashova Moguila, nécropole de Duvanli

kostadin kisyov fig. 1

238 Le tumulus Bashova Moguila fait partie de

cruche grise à double anse de facture locale.

métamorphiques, tandis que des poutres de bois

Les vases avaient été brisés avant leur déposition

de 15 centimètres de diamètre, placées dans le sens

village de Duvanli  . Il mesurait 6 mètres de haut

dans le tumulus. Sur une des faces de la pélikè

de la longueur de la tombe et fixées à l’aide de

pour un diamètre de 35 mètres. À une profondeur

sont représentées deux femmes accomplissant un

grands clous en fer, assuraient la couverture.

de 40 centimètres à partir du sommet du remblai

sacrifice sur un autel quadrangulaire ; sur l’autre,

Le rite appliqué au défunt était l’incinération

tumulaire, on a mis au jour une sépulture

une troisième femme offre elle aussi un sacrifice.

secondaire. Les ossements incinérés du défunt,

secondaire à inhumation placée dans un cercueil

La sépulture primaire a été découverte sous le

manifestement un homme, avaient été rassemblés

de bois. À 2 mètres de profondeur, toujours au

niveau du sol antique. C’était une tombe à ciste,

dans une phiale en argent, placée avec l’essentiel

centre du remblai tumulaire, une fosse sacrificielle

orientée ouest-est, installée dans une grande

du mobilier funéraire dans la partie occidentale

de 2,20 mètres de diamètre contenait des cendres,

fosse de 3 mètres de long sur 2 mètres de large

de la tombe, sur le sol. Seules deux pointes de lance

des charbons et des fragments de vases sans

et 1,20 mètre de profondeur. Les dimensions

en fer ont été trouvées à l’écart du dépôt principal,

décoration. Immédiatement sous la fosse se

intérieures de la ciste sont de 1,80 mètre de long,

dans l’angle nord-est de la ciste. Sur la base du

trouvaient deux vases fragmentaires : une pélikè

1,10 mètre de large et 1 mètre de profondeur. Ses

riche mobilier funéraire, la sépulture peut être

à figures rouges de production attique et une

parois étaient élevées en blocs calcaires et roches

datée du dernier quart du v e siècle av.  J .- C . 2.

la nécropole dynastique odryse située près du 1

1 Filov, 1934a, p. 63-86. 2 Reho, 1990, p. 11-19.

fig. 1 Fouilles du tumulus Bashova Moguila, Duvanli, 1929. sofia, archives de l’institut national d’archéologie et musée, abs

fig. 2 Fouilles du tumulus Bashova Moguila, Duvanli, 1929. sofia, archives de l’institut national d’archéologie et musée, abs

fig. 2 u n

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c at. 201 (d é t a i l s )

243

c at. 201


anne-marie guimier-sorbets

fig. 1 Tombeau de Guinina Moguila (Sveshtari), façade du naïskos de pierre placé à l’intérieur de la chambre funéraire.

fig. 2 Tombe de Kazanlak, coupole peinte de la chambre funéraire. fig. 3 Tombeau d’Alexandrovo, prothalamos, scènes de combat. fig. 4 Tombeau de Kazanlak, prothalamos.

Architecture et décor funéraires dans le Royaume odryse : des modèles macédoniens ?1 244 Les découvertes archéologiques des dernières décennies en Bulgarie ont mis

À l’imitation des maisons des vivants, les tombes de Macédoine, comme

en évidence la richesse des tombes monumentales, de leur décor ainsi que de

celles de Thrace, sont peintes selon le style structural, qui donne l’illusion

leur matériel. En raison de la proximité géographique de cette région avec le

d’une construction en grand appareil (Kazanlak, Maglij). La couleur

Royaume macédonien, de leurs relations économiques, diplomatiques et

pourpre y est largement employée, y compris sur les sols dans la tombe de

même familiales, et de l’intégration de la Thrace par Philippe II à son

Kazanlak, comme sur ceux du palais de Philippe II à Vergina.

royaume, il est légitime de s’interroger sur l’appropriation par les élites du

L’aménagement d’un naïskos de pierre à fronton, de type grec, souli-

Royaume odryse des modèles funéraires – particulièrement brillants – déve-

gnant le caractère héroïque du défunt principal de la tombe de Guinina

loppés en Macédoine durant la seconde moitié du ive siècle av. J.-C.

Moguila, doit-il être mis en parallèle avec la chambre funéraire d’Os-

À partir du v e siècle av. J.-C., les Thraces disposaient d’une riche tradi-

trusha, en forme de sarcophage, au plafond à caissons peints de figures

tion d’architecture funéraire sous tumulus comportant diverses tech-

mythologiques et de fleurons ? La tombe d’Amphipolis découverte en

niques de couvrement. Ce faisant, ils s’approprièrent des éléments de

2014 offre, outre le parallèle des caryatides, l’exemple d’une plaque de

construction grecque, pour des emplois particuliers. Dans la tombe de

pierre ornée sur sa face inférieure d’une imitation peinte de caissons à

Shushmanets, une colonne ionique est utilisée dans l’antichambre pour

fleurons. On ne sait pas encore ce qu’elle surmontait. Les plafonds à

soutenir le centre de la voûte en berceau réalisée en encorbellement, alors

caissons sont fréquents dans les édifices grecs, et dans le sanctuaire

que dans la tholos c’est une grande colonne dorique sans cannelures qui soutient le bloc sommital de la coupole, tandis que des demi-colonnettes doriques cannelées sont placées sous la corniche. Au contraire, dans la tombe de Guinina Moguila (Sveshtari), quatre colonnes engagées doriques soutiennent, avec les caryatides et une colonnette à chapiteau corinthien, un entablement dorique qui semble former un baldaquin audessus de la chambre funéraire (fig. 1). En Macédoine, la tombe du Jugement de Lefkadia présente un dispositif proche, mais sans caryatides. Les chapiteaux en sofa de pilastres du naïskos de Sveshtari sont directement empruntés à l’architecture grecque. Comme en Macédoine, des lits pleins ou des lits-sarcophages de pierre, enduits et peints à l’imitation des lits d’apparat des vivants, servent pour la déposition des restes funèbres (Alexandrovo, Sveshtari). On a pu mettre ce dispositif, éventuellement complété d’un baldaquin, en relation avec l’héroïsation des défunts. Dans la tombe de Naip (mont Ganos, conservée au musée de Tekirda ğ , Turquie), au lit funéraire de pierre s’ajoutent des sièges et une table sur laquelle sont sculptés des supports pour la vaisselle précieuse. Découverts dans des tombes non pillées, en Macédoine comme en Thrace, des disques étoilés, d’or ou de terre cuite dorée (cat. 52), ornaient des textiles luxueux : étaient-ils placés en baldaquin, comme dans l’antichambre de la tombe de Philippe II , ou sur une couverture ou un vêtement du mort ?

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fig. 1


Monnaies macédoniennes en or du trésor de Topolovo c at. 202 a

Monnaie de Philippe I I

Statère, or Topolovo, 1940 avers : tête d’Apollon couronné de laurier, de profil droit revers : bige au galop, cheminant vers la droite, mené par un aurige ; en bas, sous la ligne du sol, inscription Φιλίππου  ; sous les chevaux, symbole de l’abeille Atelier monétaire : Pella Vers 323/322-315 av.  J .- C . d’après G. Le Rider d. 1,9 cm ; poids 8,6 g

c at. 202c

sofia, institut national d’archéologie et musée,

247

a b s , i n v.   n o  8 8 8 3 bibliographie Ruseva 1 (= Le Rider 546c : Pella, groupe I I I  A - C ) ; Ruseva, 1997, p. 243-256.

B R

c at. 202 b c at. 202e

Monnaie d’Alexandre I I I

Statère, or Topolovo, 1940 avers : tête d’Athéna en casque corinthien décoré d’un serpent, de profil droit revers : Nikè, de profil gauche, tenant de la main droite une couronne, de la gauche un stylus ; dans le champ à droite, inscription λεξάνδρου  ; dans le champ à gauche, symbole d’un aigle de profil droit Atelier monétaire : Salamine de Chypre d’après M. Price ; Amphipolis (?) d’après H. Troxell Vers 332-323 av.  J .- C . d’après M. Price ; apr. 323 av.  J .- C . d’après H. Troxell d. 1,7 cm ; poids 8,6 g

c at. 202g

sofia, institut national d’archéologie et musée, a b s , i n v.   n o  8 8 8 7 bibliographie Ruseva 3 (Salamis 3 = Price 3128b [Salamine]). D’après l’avers commun avec Price, 1991, p. 831-832, l’émission est déterminée par H. Troxell comme « late Macedonian striking […] from Amphipolis » (voir Troxell, 1999, p. 362, note 11) ; Newell, 1915, p. 294-322 ; Ruseva, 1997, p. 243-256. B R

c at. 202d

c at. 202a

c at. 202f

c at. 202b



la Thrace, un espace pluriel


totko stoyanov

Un centre de pouvoir gète : Hélis-Sboryanovo 254 En dépit du rôle unificateur joué par le pouvoir odryse auprès

Les Gètes représentaient la plus grande communauté tribale thrace.

de l’aristocratie thrace, le jeune royaume n’efface pas pour

Depuis leur consolidation, aux environs du vi e siècle av.  J .- C ., les terri-

autant sur son territoire les particularismes des identités

toires qu’ils occupaient restaient stables. Sur les terres situées entre

tribales, locales et régionales. Il laisse de même à ses marges

l’Haimos (Stara Planina), la Yantra, l’Olt et les Carpates, le développe-

de nombreuses communautés thraces hors de son contrôle, en particulier le long du littoral égéen, où s’affirment les royaumes Crestones, Odomantes ou Edônes. Néanmoins, son expansion territoriale lui permet d’affirmer sa domination

ment économique et politique connut alors une séquence particulièrement dynamique. Les riches sépultures du v e siècle av.  J .- C . situées près de Ruets, Svetlen, Golemanite, Koprivets et Obretenik, dans le nord-est de la Bulgarie actuelle, sont autant d’indices de l’existence de résidences de dynastes locaux, voire de la formation de centres urbains encore en gesta-

sur les colonies grecques qui occupent la zone littorale,

tion. Il est certes difficile de déterminer lesquelles parmi ces sépultures se

leur obligeant à payer tribut. Il domine de même les centres

rapportent à l’aristocratie odryse ou gète. Les riches complexes funé-

de pouvoir gètes présents dans le nord-est de la Thrace, tandis

raires du iv e siècle av.  J .- C . d’Agighiol et de Peretu, tout comme les nécro-

que ses relations avec les populations triballes du nord-ouest

poles de Borovo, Branichevo, Smyadovo, Zimnicea, ainsi que le trésor de

de la Thrace demeurent particulièrement complexes. L’ensemble

Borovo et les trouvailles fortuites datées de la seconde moitié du

de ces acteurs qui gravitent autour du pouvoir odryse dessine

iv e siècle, éclairent un renforcement de l’aristocratie gète après la mort

un espace pluriel suscitant un jeu complexe d’alliances et de rivalités entre les diverses familles royales dont on observe le reflet dans le mobilier funéraire ou les différents trésors découverts dans ces régions périphériques.

de Kotys I er, lorsque les Odryses perdirent le contrôle sur les territoires situés au nord de l’Haimos 1. Avec les campagnes de Philippe II , le nom du souverain gète Cothelas fait son apparition dans les sources historiques. Le mariage de sa fille

A Ba

Meda avec Philippe II reflète l’émergence d’un puissant royaume gète 2. On suppose que sa résidence se trouvait dans le secteur de Byala-BorovoBrestovitsa. L’extraordinaire tombe de Gagovo a stimulé de nombreuses études de terrain qui ont révélé l’existence d’une puissante agglomération, située non loin sur les hauteurs de Zaraevo, dont l’activité économique connut un net essor dès le milieu du ve siècle av. J.-C. S’y rattachent la riche tombe de Svetlen, tout comme les matrices de Garnichevo (cat. 171) et Gorsko Ablanovo, qui attestent l’activité d’ateliers de toreutique 3. À l’est du centre initial fut fondé vers 325 av. J .- C . un nouveau centre politique et économique gète. Les fouilles du site de Sboryanovo, près d’Isperih, dans le nord-est de la Bulgarie, ont livré au cours des trois dernières décennies les vestiges d’un grand établissement de 3 hectares. Un puissant système défensif, doté d’une structure complexe résultant d’un développement commun mené sur plusieurs décennies, enserre le plateau bordé par la rivière Teketo (fig. 1) 4. À la fin du iv e siècle, une enceinte, haute de 7 mètres, fut édifiée au centre de la citadelle. Le mur, large d’environ 3,60 mètres, est articulé autour de deux parements avec emplecton central. Il est pourvu de deux portes monumentales disposées au nord et

fig. 1 l a t h r a c e , u n

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maria

Č

i

Č

ikova

fig. 1 Tombeau de Guinina Moguila, vue générale de la façade. fig. 2 Tombeau de Guinina Moguila, chambre funéraire. fig. 3 Tombeau de Guinina Moguila, restitution axonométrique du naïskos.

Guinina Moguila : le tombeau royal aux caryatides 256 Le tombeau a été découvert en 1982 dans le tumulus de Guinina Moguila, situé dans la nécropole orientale d’Hélis, la capitale des Gètes. Il est construit en blocs de calcaire et se compose d’un dromos, d’une antichambre, d’une chambre latérale et d’une chambre funéraire, toutes trois recouvertes d’une voûte en berceau 1 (fig. 1). L’accès à l’antichambre est flanqué de pilastres couronnés de chapiteaux et d’un linteau portant des représentations en haut relief de bucranes, de rosettes, et orné d’une guirlande. L’intérieur de la chambre funéraire suit l’ordre dorique. Sur un socle élevé, entre quatre demi-colonnes doriques et une demi-colonne corinthienne, sont disposées dix caryatides exécutées en haut relief. Elles sont vêtues de longs chitons qui s’ouvrent vers le bas pour former trois feuilles d’acanthe (fig. 2). Deux lits et un naïskos ont été retrouvés à l’intérieur de la chambre funéraire. Le naïskos était placé fig. 2

devant le lit principal contre le mur arrière de

fig. 3

la chambre. Il se compose de pilastres monolithes surmontés de chapiteaux en sofa et d’un entablement

en pierre à trois battants (fig. 3). La composition

ionique couronné d’un fronton. La façade évoque

qui orne la lunette au-dessus du grand lit figure

celle d’un temple. Elle est fermée par une porte

l’héroïsation du roi gète enterré dans le tombeau (sans doute Dromichaitès) : au centre de la scène, une déesse présente une couronne en or au souverain monté à cheval. L’architecture imposante, le riche décor sculpté et peint, ainsi que les structures funéraires découvertes à l’intérieur du tombeau illustrent l’adoption en Thrace de tendances artistiques provenant de l’architecture hellénistique de la Macédoine, de la Grèce et de l’Asie Mineure 2. Le tombeau date du deuxième quart du iii e siècle av.  J .- C .

1 Fol et al., 1986. 2 Č i č ikova et al., 2012.

fig. 1 l a t h r a c e , u n

e s pa c e

p l u r i e l


diana gergova

fig. 1 Vue aérienne de la nécropole orientale de Sboryanovo, avec au premier plan le groupe des tumuli disposés au sud. fig. 2 Sboryanovo, groupe disposé au sud, tumulus 27, avec la bige celtique et les deux fosses funéraires.

fig. 1

La nécropole de Sveshtari La capitale religieuse et politique des Gètes, probablement la Dausdava de la

des tombes creusées dont les parois sont vêtues d’un parement en pierre ou 257

neuvième carte de Ptolémée, fut fondée au tournant du I er millénaire av.  J .- C .

d’un coffrage en bois. Elles contiennent les cendres d’individus dont on

près des sources d’eau qui se joignent au Danube. Elle rassemblait un

soupçonne la fonction de prêtre, ainsi que des fosses contenant des ossements

ensemble de sanctuaires et de lieux de culte édifié sur les deux rives du

ou seulement des autels 6 . Deux tumuli voisins ont été édifiés au-dessus d’un

Krapinets, autour duquel se développa ultérieurement la cité d’Hélis 1.

cheval de monte et de deux chevaux attelés à un bige, accompagnés, dans

Plusieurs tumuli d’époque hellénistique l’entourent à l’est, à l’ouest et au

des fosses distinctes, des ossements incinérés d’un homme et d’une femme

nord 2, sans que les nécropoles plates, relatives aux habitants de la ville,

(fig. 2). Les appliques du harnachement et les pièces de bronze du char sont

n’aient été mises au jour.

indénia­b lement d’origine celte 7 . Les amphores thasiennes, datées de 296 et

Hérodote affirme que les Gètes se distinguaient des autres Thraces par leur

292 av. J .- C ., tout comme d’autres objets, éclairent l’étroitesse de l’inter-

doctrine sur l’immortalité. De fait, certains chercheurs essaient de recon-

valle chrono­logique qui entoure leur installation autour du tumulus de

naître dans la disposition des tumuli de Sveshtari le schéma de certaines

Cothelas, lui-même daté des dernières années du iv e ou au plus tard des

constellations, ceux de la nécropole orientale dessinant le Grand Chien, ceux

premières du iii e  siècle av.  J .- C . On constate que le rituel funéraire figuré sur

3

de la méridionale, Orion, ceux de l’occidentale, le Sagittaire  . Indépen­

la voûte du tombeau de Kazanlak démontre l’existence de grandes simila­

damment de ces lectures, chaque tumulus, qui recouvre des sépultures indivi-

rités entre les rituels funéraires aristocratiques pratiqués chez les Gètes

duelles, a livré un ensemble structuré de contextes rituels qui reflète les

et chez les Odryses 8 .

croyances des Gètes, notamment en l’immortalité. Le tertre lui-même est édi-

Les trois tumuli les plus imposants du groupe septentrional sont respecti-

fié en trois étapes. La première est une éminence ovoïde recouverte de galets

vement celui du tombeau de Guinina Moguila (Sveshtari), que l’on associe

blancs. Les tombes elles-mêmes restaient accessibles pour des pratiques

au souverain Dromichaitès 9, et ceux de deux tombeaux plus modestes avec

4

rituelles jusqu’au remblaiement définitif du tumulus  .

une voûte en berceau, pourvus de portes qui coulissent chacune latéralement

Le groupe de tumuli le plus ancien est celui situé au sud, tout autour du

en sens opposé, selon un modèle jusqu’ici inconnu  10. Ces tombes, dotées de

tumulus Golyama Sveshtarska Moguila 5. Les tertres qui l’entourent ont livré

dispositifs originaux, ont été conçues comme un ensemble 11. On note ainsi que l’axe de la tombe de Sveshtari est orienté sur le solstice d’hiver

fig. 2

(22 décembre) 12. Au centre de la nécropole, les tombes sont creusées à 5 mètres en dessous du niveau du sol. Elles comprennent un escalier, un prothalamos et une chambre funéraire. Elles sont destinées à recueillir les cendres des défunts, accompagnées de chevaux et de chiens sacrifiés, ainsi qu’un riche mobilier funéraire 13. Ces tombes disposent aussi, fait unique, d’autels (esharai) de forme carrée réalisés en argile modelée 14. Lié au culte des grandes divinités de Samothrace et de la Déesse-Mère, ce type d’autel s’est répandu en Europe du Nord, trahissant, estime-t-on, des croyances sur l’immortalité influencées par celles des Gètes 15. 1 Gergova, 1988a ; 1997 ; 2000 ; 2004 ; 2007 ; 2010 ; 2012 ; Stoyanov et al., 2006. 2 Gergova, 1999. 3 Gergova, 1996 ; Valev, 1996. 4 Gergova, 2006b. 5 Gergova, 2013b ; 2014. 6 Feher, 1934 ; Gergova, 2014. 7 Gergova, 2013b, p. 24 ; 2014. 8 Gergova, 2013a ; 2013b.

9 Stoyanov, 1998a ; Č i č ikova et al. , 2012. 1 0 Gergova, 1996, p. 55-58. 1 1 Gergova, 1996. 1 2 Gergova, 2004, p. 24 ; Gergova, Kadyiska, 2003. 1 3 Gergova, Ivanov, Katevski, 2011. 1 4 Gergova, 2006a. 1 5 Makiewiecz, 1987.


Le trésor en or du tumulus Golyama Sveshtarska Moguila

diana gergova 258 D’une hauteur de 19 mètres, le tumulus Golyama Sveshtarska Moguila est situé au centre des

et de deux enfants. Durant le remblaiement

et en Grèce. Il indique surtout des liens étroits

du tumulus, à l’ouest de la sépulture, un cheval fut

entre deux royaumes thraces, celui des Gètes

sacrifié. Après le tremblement de terre, la tombe

et celui du Bosphore 8. Sa chronologie se rapporte

fut partiellement démontée et la reconstruction

à un souverain mort avant la fin du iv e ou au début

du tertre s’accompagna d’un second sacrifice

du iii e siècle av.  J .- C . 9. Le premier souverain gète

4

de chien  .

de l’époque hellénistique mentionné par les sources

Les objets en or ont été découverts dans la partie

est Cothelas. Il est connu pour l’alliance nouée

différents tertres qui composent le secteur

occidentale du tumulus, au sein d’un contexte

avec Philippe II de Macédoine contre les Scythes

méridional de la nécropole de Sveshtari et dont

surprenant. Ils étaient déposés dans un coffret

en 441-439 av. J .- C ., laquelle fut renforcée par

il est le plus ancien. De par sa grande visibilité,

en chêne de forme carrée et pourvu de petits pieds,

le mariage de Philippe II avec Meda, la fille de

il devait, outre ses fonctions funéraires, constituer

mesurant 60 × 60 centimètres sur 54 centimètres de

Cothelas, qui devint sa seconde épouse, succédant

un des marqueurs du territoire sacré des Gètes.

haut. Les restes du tronc et des racines d’un chêne

ainsi à la mère d’Alexandre le Grand 10. Elle est

La couverture tumulaire protégeait elle-même au

sacré et séculaire indiquent que ce coffret était

vraisemblable­m ent ensevelie avec lui à Vergina 11.

sud-est une tombe monumentale maçonnée dotée

placé à la bifurcation de ses branches, à environ

Les fouilles archéologiques autant que les données

d’une voûte en berceau dont l’espace s’articule

4 mètres au-dessus du sol (fig. 4) 5. Les tumuli

historiques font dès lors penser que le tumulus

autour d’un prothalamos et d’une chambre

gètes étaient édifiés en trois étapes, accompagnées

Golyama Sveshtarska Moguila doit être attribué

funéraire de 3 × 3 mètres, ornée de colonnes

chacune d’actes rituels, de sacrifices et de dépôts

à ce souverain gète et Cothelas 12.

doriques. Elle fut détruite au début du iii e siècle

d’offrandes 6. Le coffret avec les objets en or – un

av. J .- C . par un tremblement de terre d’environ

don destiné aux dieux – fut déposé dans la tombe

7,5 degrés sur l’échelle de Richter 1. On a découvert

avant son remblaiement complet. Les parures

à proximité de son mur nord-ouest des fragments

(fig. 1 et 2) et les appliques de harnachement

d’un squelette humain et une hache en fer. L’espace

de cheval sont des objets constitutifs du mobilier

rituel devant la tombe est couvert de petits galets

funéraire thrace 7.

blancs ; dans une fosse furent déposés un chien et

Quel souverain gète fut enseveli dans le tumulus

une amphore de Thasos 2 contenant un des vins

Golyama Sveshtarska Moguila ? Le mobilier

alors les plus prisés de Méditerranée 3 ; à l’est

de ce tumulus et des tumuli voisins entretient une

de cette fosse furent déposées deux urnes

forte similitude avec d’autres contextes découverts

contenant les os calcinés d’une jeune femme

en pays gète, sur le littoral du nord de la mer Noire

1 Gergova, Iliev, Rizzo, 1994. 2 Gergova, 2013a. 3 Zareva, Kuleff, 2010. 4 Gergova, 2013a. 5 Gergova, 2015 (sous presse). 6 Gergova, 2006. 7 Gergova, 1988b ; 1988c. 8 Gergova, 2013b ; 2015 (sous presse) ; Tonkova, 2010a ; Kalashnik, 2014, p. 136, p. 188, p. 200. 9 Gergova, 2015 (sous presse). 1 0 Yordanov, 1998, p. 82-83. 1 1 Donnelly-Carney, 2000, p. 68, p. 236-237. 1 2 Gergova, 2013a ; 2013b.

fig. 1 Tumulus de Sveshtari, le diadème in situ. fig. 2 Tumulus de Sveshtari, les bracelets en or in situ.

fig. 1 l a t h r a c e , u n

fig. 2 e s pa c e

p l u r i e l


totko stoyanov

L’ a r t d e s t e r r e s g è t e s e t t r i b a l l e s 266 Les pièces de toreutique et d’orfèvrerie de la fin du vi e et du v e siècle av. J.-C. provenant des territoires situés au nord de l’Haimos traduisent la volonté de l’aristocratie locale de s’affirmer. L’émancipation des dynastes gètes et triballes durant la première moitié du iv e siècle se manifeste ainsi par des tombeaux monumentaux, de riches sépultures, des trésors de vaisselle de banquet, des ensembles de harnachement ornés et quelques découvertes sporadiques. Les sites d’Agighiol, de Peretu et de Vratsa (cat. 231-251), les trésors de Rogozen, de Letnitsa et de Lukovit 1 sont en ce sens les plus éloquents. Les casques d’apparat d’Agighiol et de Peretu, les cnémides d’Agighiol et de Vratsa (cat. 240) et les gobelets d’Agighiol et de Rogozen (cat. 228) disposent d’une même décoration composée de créatures réalistes ou fantastiques, zoomorphes ou anthropomorphes, elles-mêmes dotées d’un style propre et d’une iconographie originale. Ces objets posent en retour la question de l’émergence d’un répertoire spécifique correspondant aux conceptions religieuses et politiques de l’aristocratie gète admis et adopté par les notables triballes. L’analyse des techniques de fabrication du casque et du vase réalisée par le Detroit Institute of Arts et celle du gobelet par le Metropolitan Museum of Art ont démontré que ce sont les mêmes ateliers qui ont fabriqué ces insignia propres à l’aristocratie gète 2. L’hypothèse entourant l’existence d’un « atelier d’Agighiol » ou d’un « atelier de Letnitsa », reflétant la production des mêmes artisans itinérants ou sédentaires 3, tend à trouver confirmation grâce à l’avancée des recherches menées sur la Bulgarie du Nord-Est. La découverte de la tombe de Gagovo a précédé celle d’une agglomération disposée sur les hauteurs de Zaraevo qui s’avère antérieure au milieu du v e siècle 4. Les matrices de Garchinovo (cat. 171) 5 et de Gorsko Ablanovo, mises au jour à proximité, démontrent l’activité d’un ou de plusieurs ateliers situés dans ce centre urbain qui précéda l’émergence de la capitale hellénistique des Gètes (Hélis ?) à Sboryanovo, où l’existence d’ateliers est bien attestée (cat. 174 à 178) 6. La figure anthropo-zoomorphe de la matrice de Kubrat 7 apparaît en ce sens presque identique à celle de Gorsko Ablanovo. On peut comparer leur iconographie aux créatures fantastiques de la cruche n o 158 de Rogozen (cat. 313) et, en partie, avec le personnage du frontal de Sveshtari 8. Ces œuvres éclairent les liens actifs tissés entre les artisans gètes et ceux des pays triballes. Les instruments de Dragoevo renvoient ainsi à un autre atelier sédentaire en pays gète, alors que l’on ne dispose en revanche pas encore de données aussi précises concernant les pays triballes.

l a t h r a c e , u n

e s pa c e

p l u r i e l

1 Venedikov, Gerasimov, 1975 ; Alexandrescu, 1983 ; Marazov, 1996 ; Sîrbu, 2002. 2 Meyers, 1982. 3 Alexandrescu, 1993 ; Sîrbu, 2002. 4 Stoyanov, 2012. 5 Treister, 2001, p. 161-167. 6 Antonov, 2007. 7 Bruxelles, 2002, n o 199 ; Treister, 2001, p. 166. 8 Stoyanov, 2000a ; 2012, p. 418-423, fig. 8-13.


c at. 229


nikola teodosiev

L e s Tr i b a l l e s 270 Le peuple thrace des Triballes est mentionné pour la première fois par

guerre avec les Triballes. Le roi de Macédoine fut grièvement blessé et son

Thucydide ( II , 96, 4 ; IV , 101, 5), bien qu’Hérodote ( IV , 49, 2) évoque

armée, défaite, tandis que le « butin scythe » fut volé par les Triballes.

déjà quelques décennies plus tôt « la plaine triballe ». La tribu vivait dans

D’après Arrien (Anabase I , 1, 4-4, 8 et 10, 9), en 335 av.  J .- C ., Alexandre

une aire située entre les rivières de l’Iskar et de la Morava et entre

le Grand lança une campagne militaire pour riposter à un soulèvement

le Danube et la chaîne du Grand Balkan, soit dans le nord-ouest de la

des Triballes et des Illyriens. Le roi de Macédoine traversa le Grand

Bulgarie et dans l’est de la Serbie actuelles. L’histoire des Triballes a été

Balkan et atteignit le Danube. Pendant que le roi triballe Syrmos et les

étudiée par différents spécialistes 1, mais leur émergence tout comme les

aristocrates de son entourage trouvaient refuge sur l’île de Peucé, la plu-

premiers temps de leur existence demeurent obscurs. Strabon ( VII , 5, 11)

part des Triballes furent écrasés dans une bataille sanglante et trois mille

précise que le peuple illyrien des Autariates avait autrefois soumis les

d’entre eux furent décimés par l’armée macédonienne. Alexandre le

Triballes. Cet événement a pu avoir lieu à la fin du vi e siècle ou durant

Grand tenta sans succès de débarquer sur l’île de Peucé. Il conclut dès lors

la première moitié du

v e siècle av.  J .- C .

D’après Thucydide ( II , 96, 4), les

une alliance avec Syrmos, qui devint vassal de la Macédoine ; des ambas-

Triballes étaient indépendants en 429 av.  J .- C . et occupaient le territoire

sadeurs des Celtes installés sur la côte adriatique prirent également part à

situé au nord-ouest du Royaume odryse. Il ajoute qu’en 424 av.  J .- C . « le

ces négociations. À la suite de la campagne d’Alexandre de 335 av.  J .- C .,

roi odryse Sitalkès, en menant une campagne contre les Triballes, a été

sept mille Odryses, Triballes et Illyriens, accompagnés de mille archers

défait lors d’une bataille et y a trouvé la mort » ( IV , 101, 5). Le fait que

agrianes, furent enrôlés dans l’armée macédonienne et partirent pour

l’armée du puissant roi odryse ait été mise en échec démontre la force

l’Asie en 334 av.  J .- C . Après la mort d’Alexandre en 323 av.  J .- C ., les terri-

militaire dont disposaient les Triballes. À la fin du

et au début du

toires des Triballes restèrent sous le contrôle du régent de Macédoine

iv e siècle av.  J .- C ., les Triballes menèrent des razzias contre les posses-

Antipater. À la fin des années 280 av.  J .- C ., les Triballes furent confrontés

sions athéniennes de la côte nord-égéenne et acquirent alors la réputation

à la grande invasion des Celtes en Thrace, en Macédoine et en Grèce. Les

d’un peuple primitif et fourbe. L’expédition lancée en 376-375 av.  J .- C .

Celtes conduits par Kéréthrios se préparèrent en 280 av.  J .- C . à combattre

v e siècle

contre Abdère, que décrit Diodore ( XV , 36, 1-4), marqua l’apogée de

les Triballes et les autres Thraces. En 279 av.  J .- C ., après le départ de

l’expansion militaire triballe. Elle fut menée par Chalès, le premier roi

Brennos pour Delphes, les Celtes revenus pour protéger leur territoire

triballe mentionné dans les sources historiques. Poussés par la famine,

levèrent une armée de trois mille cavaliers et de quinze mille fantassins

environ trente mille Triballes attaquèrent et dévastèrent le territoire

qui écrasa les Triballes et les Gètes. Après ces conflits militaires et l’éta-

abdéritain. Les habitants d’Abdère parvinrent cependant à surprendre

blissement des Celtes dans le sud-est de l’Europe, les Triballes décli-

les Triballes et en tuèrent plus de deux mille. Les hordes triballes vain-

nèrent. Ils ne sont plus mentionnés dans les sources historiques jusqu’à

quirent néanmoins les Abdéritains et en massacrèrent un grand nombre,

la fin du ii e siècle av.  J .- C ., où ils apparaissent à nouveau comme des

bien que le stratège athénien Chabrias eût réussi à préserver Abdère

adversaires romains participant aux campagnes de pillage contre la pro-

d’une défaite totale. C’est probablement à cette époque que les Triballes

vince de Macédoine. Deux découvertes archéologiques majeures ont été

er

instaurèrent de bonnes relations avec le roi odryse Kotys I , comme l’at-

faites dans les territoires des Triballes, et témoignent de leur importance

testent les phiales en argent portant son nom qui proviennent du trésor de

politique et de leur puissance économique durant la période classique

Rogozen et du tumulus de Moguilanskata. Certaines sources historiques

et au début de l’époque hellénistique : le trésor de Rogozen, constitué

rapportent l’échec des opérations de guerre menées par les Triballes contre

de cent soixante-cinq pièces de vaisselle en argent, datées du milieu du

le roi scythe Atéas vers le milieu du iv e siècle av.  J.- C. Cette période connut

v e siècle jusqu’au début du iii e siècle av.  J .- C . (cat. 148 à 149), et le tumu-

plusieurs conflits opposant les Triballes et le royaume de Macédoine,

lus de Moguilanskata, qui protégeait trois riches sépultures aristocra-

comme en témoignent plusieurs historiens antiques. Une importante

tiques datées de 375 à 300 av.  J .- C .

bataille eut lieu en 339 av.  J.- C., lorsque Philippe II de Macédoine revint de sa marche victorieuse contre Atéas et refusa de partager son butin de

l a t h r a c e , u n

e s pa c e

p l u r i e l

1 Polaschek, 1937 ; Papazoglu, 1978 ; Teodosiev, 2000.


Le tumulus Moguilanska Moguila

fig. 1a Coupe du tumulus de Moguilanska Moguila, avec l’emplacement des trois tombeaux et du mur circulaire de ceinture 1 Tombeau n o I 2 Tombeau n o I I 3 Tombeau n o I I I 4 Mur de ceinture fig. 1b Relevé du tumulus de Moguilanska Moguila, avec l’emplacement des trois tombeaux et du mur circulaire de ceinture. 1 Tombeau n o I 2 Tombeau n o I I 3 Tombeau n o I I I 4 Mur de ceinture

nartsis torbov

Le tumulus Moguilanska Moguila était situé

funéraires. Cependant, la découverte dans la même

dans le centre-ville de Vratsa, dans le nord-ouest

pièce d’armes et d’équipement guerrier témoigne

de la Bulgarie. Durant l’automne 1965 et le prin­

de l’existence, à côté de la sépulture féminine, d’un

temps 1966, au terme de deux courtes campagnes

cénotaphe masculin qui doit être celui du souverain

de sauvetage, les archéologues I. Venedikov

lui-même. La toiture en bois et les murs latéraux

et B. Nikolov ont mis au jour trois structures

s’étant effondrés, il est impossible de déterminer

funéraires dans le remblai tumulaire. Le tombeau n o I

la position exacte des objets du riche mobilier

fut construit au niveau du sol antique vers le début

funéraire et des ossements des défunts 2.

du deuxième quart du iv e siècle av.  J .- C . et recouvert d’un premier remblai de terre. Le tombeau n o II fut 1 Torbov, 2005. installé durant le troisième quart de ce siècle dans 2 Torbov, 2005. la partie méridionale de ce remblai. Vers la fin du troisième quart du iv e siècle av.  J .- C ., le tombeau n o III fut à son tour édifié au sud des deux premières structures, de nouveau au niveau du sol antique. Cet événement marqua la dernière étape de l’accumulation du remblai tumulaire, qui prit à ce moment-là sa forme définitive (fig. 1 a-b). Enfin,

fig. 1b

un mur de ceinture rectangulaire à gradins, construit en blocs de pierre taillés et conservé seulement dans la partie orientale du remblai (fig. 1 a-b), a été mis en place autour du tumulus. À ce stade, ce dernier faisait probablement office d’hérôon 1. Le tombeau n o II fut construit sur une plateforme aménagée à cet effet. Il présente un plan rectangulaire et, d’après les mesures prises au niveau du soubassement des murs, des dimensions approximatives de 11 × 4 mètres. Il se caractérise par un appareil de moellons sans liant avec l’adjonction supplémentaire d’un blocage de pierres de plus petite taille pour les murs sud-ouest et sud-est. L’intérieur est divisé en deux pièces dont l’une, à l’est, est de dimensions plus grandes. Cette dernière a livré les restes d’un char à quatre roues ainsi que les squelettes de trois chevaux, dont un cheval de selle avec un harnais richement décoré d’appliques en argent. La pièce occidentale contenait seulement le squelette d’une femme, probablement l’épouse du souverain, accompagné de riches offrandes fig. 1a

271


273


la colonisation grecque du littoral de la thrace

Nord de l’Egée, Hellespont et Propontide 288 Méthônè constituerait la première fondation coloniale grecque dans le nord de l’Égée. Suivant

alexandre baralis

Plutarque, les Érétriens installés à Corfou en auraient été chassés par les Corinthiens en 733 ou en 709 av.  J .- C . (Aetia Romana et Graeca, p. 293, section A , 1.8 à section B , 1.7). Devant l’impossibilité de retourner dans leur métropole, ils se seraient alors dirigés vers le nord pour tenter leur chance en Piérie, face au mont Olympe. Pourtant, les données archéologiques recueillies ces trois dernières décennies reflètent un processus complexe au sein duquel la fondation de Méthônè semble n’avoir rien d’accidentel.

Les contacts précoloniaux dans le nord de l’Égée Dès le ixe siècle av. J.-C., commerçants et navigateurs fréquentent à nouveau les établissements du golfe Thermaïque et de Chalcidique, redonnant vie aux réseaux d’échanges qui liaient à la fin du IIe millénaire avant notre ère le nord de l’Égée aux régions plus méridionales, sous influence mycénienne 1. Un nouveau seuil est franchi durant le deuxième tiers du viiie siècle av. J.-C., quand les volumes de céramique importée atteignent sur le tell d’Anchialos des proportions sans précédent, tandis que ce commerce touche des habitats secondaires 2. Désormais, un réseau d’échanges dense et structuré s’étend depuis Eubée jusqu’aux rivages du nord-ouest de l’Égée, tandis que ces routes touchent au sud les Cyclades 3. Parallèlement, un phénomène semblable se développe face aux rivages micrasiatiques où, depuis l’Éolide et la Troade, une circulation inédite de matériel atteint les îles de Limnos, Samothrace et Thasos 4. Pour autant, ce commerce ne touche que ponctuellement le littoral égéen de la Thrace 5, à partir duquel il pénètre parfois dans l’arrière-pays en suivant les vallées de l’Hébros 6 ou du Nestos 7.

Les premiers temps de la colonisation grecque sur le littoral thrace Si ce renouveau des contacts maritimes a longtemps été attribué aux Phéniciens, les contextes archéo­ logiques du nord de l’Égée ne reflètent guère leur présence 8. Cette constatation réhabilite les acteurs régionaux, au premier rang desquels les Grecs d’Eubée et ceux d’Éolide. Ces derniers transforment à la fin du viii e siècle av.  J .- C . ce qui n’était encore qu’une simple fréquentation du littoral en une chaîne continue d’établissements. Les Érétriens, installés à Méthônè, colonisent l’embouchure du golfe Thermaïque et la péninsule de Cassandra, tandis que les Chalcidiens s’emparent de Sithônia. Au même moment, les Éoliens étendent leur domination aux îles du nord-est de l’Égée et s’implantent en Chersonèse de Thrace avant de poursuivre leur aventure jusqu’en Thrace, où ils fondent Ainos à l’embouchure de l’Hébros. Ils franchissent enfin les Détroits et s’installent à Troie, Élaious, Sestos et Madytos, ouvrant les routes de la Propontide à la présence grecque.

La multiplication des acteurs La guerre Lélantine met un terme au dynamisme eubéen alors que les Éoliens doivent affronter la rivalité des cités ioniennes. Ce retrait favorise en retour la venue de nouveaux acteurs liés aux premiers colons. Andros, longtemps vassale d’Érétrie, s’associe ainsi à sa rivale Chalcis pour coloniser vers le milieu du viie siècle av. J .- C . le golfe Strymonique ; Paros, qui a pris part à la guerre Lélantine et servi d’arbitre dans le

l a t h r a c e , u n

e s pa c e

p l u r i e l

1 Soueref, 1999, p. 1057-1064 ; Vokotopoulou, 2001, p. 753-754. 2 Tiverios, 1993, p. 246 ; Tzanavari, Lioutas, 1993, p. 271. 3 Papadopoulos, 1996, p. 158. 4 Bernard, 1964, p. 88-114. 5 Ilieva, 2009, p. 109-122. 6 Karadjinov, 2010, p. 163. 7 Koukouli-Chrysanthaki, 1993, p. 689 ; Bo z kova, 2005, p. 86-88. 8 Baralis, 2007, p. 535-541. 9 Tiverios, 2006, p. 75 ; Tiverios, 2008, p. 52-53. 1 0 Muller, 2010, p. 222. 1 1 Baralis, 2009, p. 112-115. 1 2 Baralis, 2010, p. 260-261.


ludovic laugier

Pour se faire une idée plus concrète de la sculpture grecque sur la côte thrace, il faut se tourner vers les quelques vestiges qui nous sont parvenus. Pour l’époque archaïque, il faut citer le cas exceptionnel d’une grande stèle en marbre à Apollonia du Pont (fig. 1) 4. Amphiglyphe, c’està-dire sculpté sur ses deux faces en bas-relief, le monument funéraire montre deux fois un homme

La sculpture grecque archaïque et classique sur la côte occidentale de la mer Noire

d’âge mûr. La face secondaire a été entièrement bûchée. Sur la face principale, le défunt est représenté barbu, appuyé sur un bâton, drapé dans un lourd manteau. Il tend un objet ou un mets à un chien, pattes dressées vers lui. C’est le mode traditionnel de représentation des élites à la fin de l’époque archaïque, avec distinction générique des âges de la vie. L’épigramme qui occupe le haut

292

Les cités grecques de la côte occidentale de la mer

du champ sculpté de la face principale nous apprend

Noire, en Bulgarie, ont livré peu de sculptures,

que la stèle marquait la tombe de Deinès, fils

notamment pour les époques archaïque et classique.

d’Anaxandros, « le plus renommé des citoyens ».

N’y ont été découvertes que quelques statues et

Provenant peut-être de la nécropole d’Harmanité,

statuettes, et un peu plus de reliefs 1. Les colonies

elle est attribuée par H. Hiller et E. Pfuhl à un atelier

de Milet, comme Apollonia du Pont et Odessos,

de la métropole d’Apollonia, Milet 5. Il faut ajouter

ou celles de Byzance et Chalcédoine, comme

que la composition est aussi dépendante des modèles

Mésambria, étaient pourtant prospères. Apollonia

élaborés à Athènes durant le dernier tiers du vi e siècle

a d’ailleurs abrité une œuvre célèbre : un grand

av. J .- C . pour représenter les citoyens dans la force

Apollon en bronze. La statue est mentionnée par

de l’âge. Du site d’Atia, l’ancienne Antheia, provient

Strabon (Géographie VII , 6, 1) et par Pline l’Ancien

le petit kouros vêtu qui témoigne à son tour d’un lien

(Histoires naturelles XXXIV , 18, 39). Pour

fort avec l’Asie Mineure (cat. 253) 6. Drapé dans

consacrer l’offrande dans le sanctuaire d’Apollon

une tunique et un manteau dessinant d’abondantes

Istros, les Apolloniates avaient fait appel au célèbre

chutes de plis en serviette, il s’inscrit en effet dans

sculpteur Calamis, un bronzier actif vers 470-450

la tradition des kouroi richement vêtus de Grèce

av. J .- C . L’œuvre faisait 30 coudées (environ

de l’Est. Mais plus qu’avec les exemplaires de Samos

13 mètres) ; elle avait coûté la forte somme de

et de Milet, il trouve un parallèle étroit avec

50 talents. Emportée à Rome par Marcus Lucullus

un exemplaire découvert à Myous. Le relief

et dédiée au Capitole, elle en disparut par la suite,

en calcaire trouvé dans le port de Sozopol

si bien que, pour connaître l’apparence de la statue,

et provenant donc aussi du territoire d’Apollonia

il faut se contenter des monnayages de la cité émis

du Pont (cat. 257), plus fruste, est quant à lui une

à l’époque hellénistique. Sur des tétradrachmes

production assurément locale. En haut du fût de

portant l’inscription « Apollonos Iatrou »,

la stèle à fronton, la divinité assise rappelle de près

on voit un Apollon nu, en appui sur la jambe droite,

les représentations de Cybèle et plus largement de

lauré, portant un arc et des flèches de la main

divinités féminines telles qu’elles sont inlassablement 2

fig. 1 Apollonia du Pont, stèle de Deinès. sofia, institut d'archéologie et musée, abs.

gauche et un rameau d’olivier dans la main droite  .

reproduites à l’époque archaïque, à Milet et plus

La représentation du dieu rappelle le type

généralement en Ionie.

statuaire de l’Apollon à l’omphalos. Ce dernier,

L’époque classique livre une moisson bien

généralement attribué à Calamis, est connu par

modeste. La tête d’éphèbe du musée de Varna

plusieurs exemplaires d’époque impériale, dont

(cat. 252) témoigne de façon très isolée de l’influence

la statue du Musée national d’Athènes et l’Apollon

du style sévère dans la région, en simplifiant les traits

Choiseul-Gouffier, conservé au British Museum 3 .

caractéristiques des productions grecques. Nous

Si ces statues ne reproduisent pas directement

sommes probablement loin de l’Apollon de Calamis,

la statue d’Apollonia, elles en sont en tout cas

pourtant dédié durant la même période. Quant à la

fort proches. Sur les rives de la mer Noire,

stèle de Ravda provenant de Mésambria (cat. 260),

on avait donc fait appel à l’un des grands

il s’agit d’une production locale datée de la fin du

maîtres de la statuaire classique, mais il ne

v e siècle av.  J .- C . Cette représentation très canonique

reste hélas aujourd’hui de cette œuvre majeure

d’une défunte accompagnée par sa servante est

que des témoignages indirects.

un exemple de l’influence des modèles attiques.


krastina panayotova, margarit damyanov et daniela stoyanova

Sanctuaires et architecture monumentale dans les colonies grecques du littoral occidental du Pont-Euxin 296 Ces dernières années ont été marquées par plusieurs découvertes

Les données disponibles sur les autres colonies grecques se révèlent

archéologiques majeures qui éclairent notre connaissance de la vie

bien plus éparses. Deux chapiteaux ioniques de la fin de l’époque

religieuse des colonies grecques situées sur le littoral bulgare de la mer

archaïque, trouvés à Odessos, appartenaient probablement à un temple

Noire. Parmi elles, la zone sacrée d’Apollonia du Pont, sur l’île de Saint-

in antis similaire à celui d’Apollonia. Dans le courant de l’époque

1

Cyriaque, occupe une place particulière  . Les vestiges les plus anciens

hellénistique, au moins deux bâtiments cultuels d’ordre dorique ont été

liés aux pratiques rituelles qui ont pris place dans cet espace s’articulent

érigés dans la ville : un grand temple et une tholos (de 2,4 m de

autour de plusieurs autels primitifs et de fosses (bothroi). Ils ont livré

diamètre) 4. À Mésambria, de nombreux éléments architectoniques

des offrandes datées de la fin du vii e et la première moitié du

provenant d’un petit temple d’ordre dorique, mesurant environ

vi e siècle av.  J .- C . Au nombre de ces dernières, on recense la coupe ornée

6 × 12,60 m, ont été mis au jour. Il était probablement dédié à Zeus

d’une inscription dédicatoire adressée à Apollon Iétros (cat. 254) qui

Hyperdexios 5.

confirme la localisation de son temple détaillée par Strabon ( VII , 6, 1). Vers la fin du vi e et au début du v e siècle av.  J .- C ., la zone sacrée subit une profonde réorganisation. Elle se développa alors aux dépens des secteurs d’habitat périphériques par la construction de nouvelles structures, dont un temple et un autel en grands blocs de calcaire qui observent tous deux une orientation différente par rapport aux édifices plus anciens (fig. 1). Une semblable phase « monumentale », postérieure d’un siècle environ à la fondation de la ville, a été également constatée à Istros 2. Le temple d’Apollonia mesurait environ 12 × 7 mètres. D’après les analogies fournies par les édifices découverts à Milet et dans ses colonies, il était d’ordre ionique et constitué d’un naos et d’un pronaos avec une façade in antis composée de deux colonnes. Devant le temple se trouvait un autel monumental dont seul le socle est préservé (5,8 × 5,8 m). La zone sacrée d’Apollonia abritait d’autres cultes. C’est ce que révèlent en effet les éléments architectoniques en marbre et en calcaire mis au jour lors des fouilles, qui appartiennent probablement à des autels, alors qu’une série de bas-reliefs en terre cuite, ornés de figures de guerriers, formaient la décoration d’un de ces bâtiments de culte. De nouveaux changements intervinrent au début de l’époque hellénistique, lorsqu’un temple de plan et de dimensions similaires à ceux du temple archaïque fut érigé dans son voisinage immédiat. Les monuments épigraphiques et certaines découvertes isolées témoignent de l’existence d’autres sanctuaires dans la ville antique, dédiés à Aphrodite, à Hécate, à Dionysos et à la Grande Déesse mère 3. Les nombreuses offrandes votives – figurines en terre cuite et vases miniatures – provenant du cap Skamni permettent d’identifier sur ce site, établi à la limite nord-est d’Apollonia, un sanctuaire de Déméter actif dès le vi e siècle av.  J .- C .

l a t h r a c e , u n

e s pa c e

p l u r i e l

fig. 1


L’ u r b a n i s m e e t l ’ a r c h i t e c t u r e d o m e s t i q u e des colonies grecques ouest-pontiques 302

Apollonia du Pont krastina panayotova, dimitar nedev L’organisation urbaine de la cité, qui était disposée à la fois sur la péninsule

étaient plus profondes, atteignant parfois le substrat. Les soubassements

de Skamni et la petite île de Saint-Cyriaque, tenait compte de la spécificité du

demeuraient en pierre et l’élévation en brique crue, tandis que les plafonds

terrain. Les fouilles archéologiques témoignent du caractère bâti de l’en-

étaient réalisés en planches de bois enduites d’argile. Les toitures, à pan unique

semble de cet espace dès le début du

av.  J .- C . et révèlent la mise en

ou à deux pans, étaient recouvertes de tuiles corinthiennes ou mixtes.

place contemporaine de voies de circulation, dont la principale traversait

Parallèlement à l’existence de cours dotées de puits, les fouilles menées dans

la péninsule de Skamni dans le sens de la longueur. Les habitations et les rues

le centre urbain ont révélé la présence de nombreuses citernes 2. Elles ont éga-

du vi e siècle av.  J .- C . mises au jour sur l’île de Saint-Cyriaque observaient

lement mis au jour des secteurs du réseau de la voirie, d’approvisionnement

la même orientation. Les édifices disposaient de une ou deux pièces de

en eau et d’évacuation des eaux usées 3. Les éléments architecturaux en marbre,

5 × 5 mètres environ. Les murs étaient dotés d’un soubassement de pierre et

les terres cuites architecturales et les fragments de décoration murale poly-

d’une élévation en brique crue. Un réseau de canalisations assurait le drai-

chrome découverts pendant les fouilles témoignent de la présence de rési-

vi e siècle

1

nage de ces terrains pentus  .

dences d’apparat au cours de l’époque hellénistique 4.

Au cours des époques classique et hellénistique, certaines demeures pré-

Le premier rempart de la ville et sa porte monumentale, située sur l’isthme

sentaient des dimensions plus importantes et relevaient du type à pastas ou à

de la péninsule de Skamni, furent construits au début du v e siècle av.  J .- C .

péristyle. On distingue alors des secteurs réservés au logement de la famille et

La mise en place des fortifications est contemporaine des aménagements dont

d’autres répondant à des fonctions économiques. Les fondations des maisons

bénéficia le sanctuaire d’Apollon Iétros sur l’île de Saint-Cyriaque.

fig. 1 Apollonia du Pont, vue générale des fouilles de la parcelle cadastrale U P I   X I - X I I -515, rue Milet, n o 16. À gauche le rempart et le four protobyzantins, à droite les édifices classiques. fig. 2 Apollonia du Pont, fosses d’époque archaïque, rue Sveti Kiril i Metody, n o 36. fig. 3 Apollonia du Pont, plan général des fouilles de la parcelle cadastrale U P I   X I - X I I -515, rue Milet, n o 16. fig. 4 Fouilles de l’espace urbain de Mésambria, parcelle cadastrale U P I  9047.

fig. 1 l a t h r a c e , u n

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les nécropoles des cités grecques de thrace pontique 306

La nécropole

Quelques tombes de la première moitié du vi e siècle av.  J .- C . ont été découvertes à proximité immédiate de la ville, sous la zone artisanale qui

d’Apollonia du Pont

lui succède à la fin de ce siècle devant les remparts. Ces sépultures

krastina panayotova, alexandre baralis et margarit damyanov

au début du v e siècle av.  J .- C . sur plus de 1 kilomètre par-delà la péninsule

appartiennent à la première nécropole de la cité, laquelle s’étend déjà voisine de Harmanite. On observe, vers le milieu du v e siècle av.  J .- C ., un réaménagement de l’espace funéraire, peut-être en relation avec les luttes

Grâce aux fouilles menées sur près de trois mille tombes et à la publication

internes provoquées par l’arrivée de nouveaux colons (Aristote, Politique V ,

de neuf cents d’entre elles, les nécropoles qui bordent l’ancienne Apollonia

3, 1303a). Une nouvelle nécropole apparaît dans les secteurs de Kalfata et de

bénéficient d’un éclairage rare sur le littoral occidental de la mer Noire 1.

Budjaka, où elle occupe une longue et étroite bande disposée de part et

Elles se développent pour la plupart au sud de la ville antique, où elles

d’autre d’une voie littorale menant vers le sud. Les sépultures présentent

traversent l’ensemble des périodes qui rythment l’Antiquité. Elles offrent de

alors une typologie assez homogène, articulée autour de fosses de

ce fait de précieuses informations sur la trajectoire historique de la cité, tout

dimensions imposantes.

comme sur les métamorphoses de son espace urbain.

1 Venedikov, 1963 ; Hermary et al., 2010. 2 Baralis, Panayotova, 2013.

fig. 1 l a t h r a c e , u n

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La céramique grecque peinte dans les colonies grecques du littoral occidental de la mer Noire maria reho

Apollonia du Pont : la terrasse funéraire ( U P I  5172) et la tombe n o  4

krastina panayotova

316 La céramique grecque peinte est présente dans

La tombe n o 4 a été découverte en 2007 dans

étaient scellés par un dallage en calcaire.

les colonies du littoral occidental de la mer Noire

la nécropole littorale d’Apollonia du Pont,

Deux éléments architecturaux en marbre – une

dès les années qui ont suivi leur fondation. D’abord

dans le secteur de Budjaka, au sein d’une terrasse

feuille d’acanthe et une rosette – rappellent

grecque orientale, corinthienne et attique, elle

funéraire de 7,30 × 6,20 mètre. Ce monument en

le raffinement du décor. Les parois de deux

n’est plus que de type attique aux v e et iv e siècles

appareil isodome repose sur un socle de grandes

des trois tombes étaient peintes en rouge.

av. J .- C .  . La céramique à figures noires et rouges

dalles calcaires placées en boutisses qui fait office

La tombe n o 4 représentait une ciste construite

répertorie les formes populaires à Athènes aux

à la fois de mur de fondation et d’assises de réglage.

par quatre dalles agrafées aux angles. D’une

époques archaïque et classique. Deux vases à

Seule la face sud-est est travaillée, laissant

longueur extérieure de 1,80 mètre pour

figures rouges de la fin du v e siècle, provenant

apparaître un léger bossage. Dans la moitié

une largeur de 0,60 mètre, elle disposait d’une

de la nécropole d’Apollonia, font seuls exception :

orientale succèdent une à deux assises de blocs

hauteur de 0,58 mètre. La couverture était

une œnochoé de grandes dimensions, qui constitue

de marbre placés en carreau, liés les uns aux autres

formée par quatre dalles en marbre. Tout autour,

une variante rare des œnochoés de type VIII B ,

par des agrafes en plomb et décorés d’un léger

un blocage de blocs calcaires assurait la stabilité

et une petite cruche ornée de guerriers thraces,

bossage. Ailleurs, quatre assises de blocs de

de la structure. Le défunt reposait inhumé

qui imite manifestement un modèle local.

calcaire grossièrement équarris placés en carreau,

en décubitus dorsal, membres en extension.

Le vase le plus fréquent est le lécythe, attesté

suivant un appareil pseudo-isodome, confèrent

Sur le genou droit était posé le lécythe poly­-

dans la nécropole d’Apollonia par de nombreux

au monument une élévation de 0,82 mètre.

chrome (cat. 264), tandis qu’un lécythe

exemplaires de petite, moyenne et grande taille.

Un sarcophage et deux cistes occupaient l’intérieur

à palmettes a été découvert sur le côté droit

Les scènes représentées s’inspirent de la vie

de la terrasse, dont les espaces périphériques

du sujet, à proximité du crâne.

1

quotidienne ou du répertoire mythologique. Des thèmes « pontiques » apparaissent sur les vases du iv e siècle, mais les scènes les plus fréquentes sont liées au monde féminin, dans lequel Aphrodite et Éros se voient attribuer un rôle nouveau. Parmi les vases de meilleure qualité, on trouve des œuvres du Peintre de la Phiale, du Peintre d’Érétrie, ainsi que de quelques peintres du « style orné » (ornate style) développé, dont ceux du « Groupe d’Apollonia ».

1 Ivanov, 1963, p. 65-273 ; Reho, 1990 ; Reho, 2005, p. 30-50 ; Hermary, 2010, p. 179-193. 2 Baralis, Panayotova, 2013, p. 251, fig. 8.

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fig. 1 Secteur de Budjaka, parcelle cadastrale U P I 5172, terrasse funéraire, 360-340 av. J .- C .


La sépulture SP  278

krastina panayotova et néguine mathieux

La coroplathie dans les cités grecques ouest-pontiques et les terres cuites de la nécropole d’Apollonia du Pont

krastina panayotova

Dans la nécropole classique et du début de

étroitement aux productions d’Athènes et

La tombe 278 représente une ciste construite

l’époque hellénistique d’Apollonia du Pont

de Tanagra, mais également à ceux de Rhodes,

en dalles de calcaires dont la couverture est

(secteurs de Harmanite-Kalfata-Budjaka), ce

Chypre ou la Cyrénaïque 4. Une production locale

assurée par trois dalles imposantes. Plusieurs

sont les sépultures d’enfant qui ont livré le plus riche

est toutefois manifeste mais cela a pu se faire sur

lignes verticales de couleur rouge décoraient

mobilier funéraire, non pas tant par la valeur des

place à l’aide de moules ou de modèles importés 5.

l’extrémité supérieure des parois, ainsi que les

objets que par leur diversité, leur nombre et leur

Certains ensembles comme celui de la tombe 278

angles. Elle contenait le squelette d’un enfant inhumé

typologie variée. On y a trouvé de la céramique,

montre une adaptation régionale de modèles

en décubitus dorsal, la tête placée à l’est. Comme

essentiellement des vases à parfums, des lécythes,

attiques.

de nombreuses sépultures d’enfant, elle a livré un

alors que les vases à boire étaient d’avantage présents

A Apollonia, ou bien à Mesambria par exemple,

au vi e et au début du v e siècle av. J .- C . Ces vases sont

la succession des types, depuis les figurines d’acteurs,

désignant peut-être une tombe masculine. Un chous

habituellement déposés avec le goulot préalablement

les danseuses voilées jusqu’aux tanagréennes,

rappelle la fête des Anthestéries et la première

brisé 1. Y sont joints également, des biberons (gutti),

succession qui suit la chronologie des créations

inscription de l’enfant dans le corps social sous

6

riche mobilier funéraire. Un strigile y était placé

des vases miniatures, des jouets, des amulettes,

attiques ou béotiennes  , démontre que ces cités

l’égide de Dionysos. L’enfance y est désignée

des astragales et quelques bronzes, essentiellement

étaient intégrées dans des réseaux d’échanges

par les trois figurines accroupies alors que la réunion

des aiguilles ou des strigiles, et un nombre important

réguliers les liant aux importants producteurs

des acteurs et des acrobates désignent l’univers

de figurines en terre cuite représentant des divinités,

du monde grec.

du dieu. Des courtisanes effectuant des mouve-

des enfants, des animaux, etc. 2 L’assemblage des figurines présentent souvent une cohérence générale avec une majorité de figures féminines ou de figures se rattachant au monde de Dionysos par exemple. L’importance de ce dieu, visible

ments de contorsionnistes pouvaient, en effet

1 B aralis, 2010, p. 148. 2 Panayotova, 2007, p. 102-103. 3 Hermary, Dubois, 2011. 4 Panayotova, 2010, p. 247-248. 5 Dremsizova, 1963, p. 285. 6 Jeammet, 2003, p. 120-129.

être présentes lors des banquets pour divertir les convives. Des exemplaires assez proches ont été trouvés en Grèce et ont été rattachés à une production d’Italie du Sud. La figurine du cavalier

à travers les représentations de satyres mais aussi

couronné affublé d’un ventre postiche au traitement

les masques, les figurines d’acteurs ou bien encore

semblable aux deux autres figures masculines

celles de musiciens, est manifeste dans les contextes

parachève l’originalité de l’ensemble.

funéraires. Si on a pu penser que ces figurines, présentes à Apollonia essentiellement dans des tombes d’enfants, pouvaient satisfaire le besoin de protection de ces défunts décédés avant d’être devenu citoyen ou épouse de citoyen, les études récentes envisagent que ces objets, qui pouvaient rythmer des rites de passages, aient pu être conçus comme des auxiliaires pour la réalisation du destin de l’enfant dans le monde des morts. 3 La cohérence de certaines thématiques n’exclue pas une grande variété iconographique et une certaine diversité typologique et artisanale. Les terres cuites découvertes dans les colonies grecques de la côte bulgare de la mer Noire se rattachent fig. 1


milena tonkova

fig. 1

L’ o r f è v r e r i e d a n s l e s cités grecques de l’ouest du Pont 326 L’orfèvrerie dans les colonies grecques du littoral ouest-pontique traduit

des incrustations en émail vert et bleu rattache la mode d’Odessos à celle

à la fois des modes et des styles particuliers, ainsi que des pratiques funé-

d’Istros ainsi qu’à celle de Mésambria, où l’on a découvert un exemplaire

raires spécifiques. Ces productions connurent quelques périodes fastes,

semblable en bronze. Les boucles d’oreilles à tête de lion, tout comme les

alors accompagnées de divers contacts établis tant avec l’outre-mer

colliers plus simples mais élégants portant des perles de forme conique

qu’avec la Thrace intérieure. Les parures de l’époque classique qui nous

aux extrémités, populaires à Odessos, dérivent de modèles connus pour

sont parvenues ne sont pas réalisées en métaux nobles, et rarement en

le début de l’époque hellénistique.

argent. En revanche, les élégants bijoux en or du début de l’époque hellé-

Les protomés de femmes en terre cuite, ornées de diadèmes, boucles

nistique mis au jour dans les nécropoles d’Odessos et de Mésambria

d’oreilles et colliers (cat. 267), attestent l’existence d’une mode raffinée à

révèlent la richesse de leurs habitants, tout comme leur volonté d’afficher

Messambria au iv e siècle av. J.-C. Les tombes de la seconde moitié de ce

un certain prestige social. Cette tendance se maintint durant la période

siècle livrent des imitations en bronze de colliers en or, dotées de penden-

suivante, où apparurent les bijoux en or polychromes de Mésambria. À

tifs en forme d’amphore ou de perles cylindriques à pendentifs pyrami-

Apollonia du Pont, la mode demeura néanmoins plus sévère. Les parures

daux. Les luxueux colliers-rubans en or avec pendentifs (fig. 2) sont alors

en or étaient rares, bien qu’on y rencontrât une grande variété de bijoux

en vogue, ainsi que des assemblages caractéristiques du début de l’époque

en bronze, en argent et en verre. La fin de la période hellénistique est mar-

hellénistique composés de boucles d’oreilles à tête de lion et de colliers de

quée par les remarquables ensembles de bijoux en or incrustés de

perles 2. On connaît également pour cette période des bagues de bronze

1

Sinemorets et d’Anchialos .

avec des représentations incisées et des perles de verre. Ces bagues sont

Les bijoux dont disposaient les femmes grecques de ces colonies corres-

fréquentes parmi les offrandes funéraires de la nécropole d’Apollonia du

pondent à des modèles connus dans l’orfèvrerie du début de la période

Pont pour la période classique et le début de l’époque hellénistique 3. La

hellénistique ; la plupart trahissent le style élégant et l’exécution parfaite

plupart ont un chaton fixe, mais certaines sont en forme de scarabée.

des meilleurs artisans, et certains exemples, comme les boucles d’oreilles

Elles sont réalisées en bronze, en fer ou en argent, plus rarement en or, en

discoïdales avec figurines de Nikè (cat. 278), constituent de véritables

os ou en verre. Les boucles d’oreilles en anneaux à tête de lion sont égale-

chefs-d’œuvre. Les boucles d’oreilles en anneau avec tête de lion sont

ment populaires, tout comme les bracelets en argent et en bronze ou les

particulièrement fréquentes, mais chaque ville possède son répertoire

colliers de perles de verre. Certaines tombes ont alors livré des fibules de

spécifique.

type thrace présentant un modèle « citadin 4 ». Elles révèlent les échanges

Les parures en or des nécropoles d’Odessos et de ses environs forment

intenses tissés entre les habitants des colonies et l’arrière-pays thrace.

en ce sens un groupe distinct. Les gracieuses boucles d’oreilles avec Nikè (cat. 278) du tombeau de la rue Prilep sont associées avec un collier de perles à pendants en forme de tête de taureau (cat. 279). On trouve des boucles d’oreilles identiques dans la zone des Détroits, où se situe vraisemblablement leur atelier de fabrication. Le collier se rapproche de modèles provenant de Méditerranée orientale et du nord de la mer Noire, en particulier de la cité de Panticapée. Les boucles d’oreilles discoïdales richement ornées sont caractéristiques d’Odessos, ainsi que les agrafes assorties (fig. 1). Elles relèvent du « style luxueux » de l’orfèvrerie grecque et sont accompagnées de bagues ornées de figures en relief : un petit Éros, une tête d’Aphrodite. Un pendentif pyramidal en or portant

l a t h r a c e , u n

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p l u r i e l

1 Mladenova, 1963b ; Frel, 1963 ; Dimitrova, 1989 ; Minchev, 1990b ; Pfrommer, 1990b, p. 243-259 ; Tonkova, 1997b ; Oppermann, 2004, p. 202-205 ; Jackson, 2011 ; Tonkova, 2015. 2 Kiyashina et al., 2012, cat. 63, 66. 3 Mladenova, 1963b. 4 Vasileva, 2014.


Le tombeau de la rue Prilep

k

alexandar minchev

328 En 1970, au cours d’un chantier de construction dans les quartiers du nord-ouest de Varna, un tumulus de faible hauteur a été arasé rue Prilep, mettant au jour quelques tombes maçonnées. Elles ont été fouillées par O. Savova, archéologue du Musée archéologique de Varna, qui en a publié les premiers résultats. Le tumulus disposait d’un diamètre d’environ 18 mètres. Son remblai protégeait deux cistes. La tombe n o 1 se trouvait à la périphérie méridionale du remblai, tandis que la tombe n o 2, la principale, occupait le centre du tumulus. Les deux sépultures étaient de forme rectangulaire avec une couverture réalisée en grandes dalles plates de pierre calcaire, présentant

c at. 278

Paire de boucles d’oreilles

de 20 centimètres, de 35 centimètres pour la couverture.

Or Varna, tombeau de la rue Prilep, tombe n o 2, 1970 Fin du iv e – début du iii e siècle av.  J .- C . h. figurines 3,4 cm ; l. 3,7 cm ; d. disques 2,1 cm ; ép. 0,4 cm ; poids 18,17 et 18,18 g

Toutes présentaient des joints soignés, sans mortier.

v a r n a , m u s é e r é g i o n a l d ’ h i s t o i r e , i n v.   n o  i i - 4 2 1 2

une surface intérieure soigneusement polie qui contrastait avec leur surface extérieure grossièrement équarrie. L’épaisseur des dalles sur les parois latérales étaient

Ces deux tombes faisaient vraisemblablement partie d’une petite nécropole tumulaire familiale située au nord-ouest de l’antique Odessos. Leur construction s’avère en effet identique et quasiment contemporaine. D’autres tertres autour d’elles ont probablement été détruits lors de la construction d’immeubles durant les années 1960. La tombe n o 2 a livré un mobilier funéraire riche et varié. La chambre funéraire présentait à l’extérieur une longueur de 2,25 mètres sur 0,80 mètre de largeur pour une hauteur de 0,85 mètre. Elle était dépourvue de toute paroi sur son côté oriental. Une jeune fille y reposait, protégée par un cercueil en bois, la tête disposée à l’est. Une partie des vêtements était encore discernable au moment des fouilles. Selon les analyses anthropologiques menées par les professeurs M. Balan et Y. Yordanov, la jeune fille avait entre seize et dix-huit ans. Ses bijoux personnels ont été retrouvés in situ sur le squelette, tandis que le mobilier était disposé autour de la tête. Conservé de nos jours au Musée archéologique de Varna, il permet de dater la sépulture de la fin du iv e ou du début du iii e siècle av.  J .- C . Il s’agit, selon toute vraisemblance, de la tombe d’une jeune fille issue d’une famille thrace aisée résidant à Odessos.

l a t h r a c e , u n

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p l u r i e l

Ces boucles d’oreilles appartiennent au type « disque et pendentif », caractéristique du début de l’époque hellénistique. Elles se composent d’un disque en relief, au bord rehaussé, décoré en filigrane et granulation, au revers lisse, avec une longue attache verticale en fil métallique. Par un petit anneau est suspendue une figurine de la déesse Victoire (Nikè) représentée en plein vol, superbement ciselée et délicatement proportionnée. Une de ses jambes, soit la droite soit la gauche selon la boucle d’oreille, s’avance légèrement. Le corps de la déesse est représenté nu. Les ailes sont déployées et le détail des plumes est figuré. Un himation flotte en arrière, retenu en travers des épaules par une mince écharpe. Les ailes et le vêtement ont été travaillés séparément avant d’être ajoutés au corps, qui, lui, a été moulé. La Nikè tient un rhyton à protomé de faon et une phiale, dans la main droite ou la main gauche suivant le côté où était portée la boucle. Tous les détails anatomiques du corps sont présents, jusqu’aux ongles des pieds. Sur l’une des boucles, une partie du vêtement a été brisée. La fabrication de ces boucles d’oreilles a mobilisé toutes les techniques de l’orfèvrerie grecque de l’époque hellénistique : le martelage sur matrice, la fonte dans un moule, le filigrane, la granulation et le ciselage. Cette paire, datée du début de l’ère hellénistique, provient probablement d’un grand atelier d’Asie Mineure. Compte tenu du fait que le rhyton et la phiale sont absents de la plupart des boucles d’oreilles à pendentifs de Nikè ou d’Éros



la religion


kostadin rabadjiev

la religion thrace 334 La richesse des conceptions religieuses thraces nous est connue aujourd’hui par quelques divinités et

pratiques cultuelles sur lesquelles nous sommes renseignés grâce aux sources grecques, aux découvertes archéologiques, ainsi qu’aux scènes figurées et inscriptions locales. Le récit témoignant du goût du roi Kotys I er pour des lieux ombragés et proches de points d’eau où il construisait des salles de banquet et consacrait des sacrifices aux dieux (Athénée XII, 531e-f) nous permet de considérer les dieux thraces comme des êtres omniprésents et surnaturels. Ils résidaient sans doute dans les cieux, si l’on en croit l’anecdote du chef militaire Kosingas qui assembla un grand nombre d’échelles en bois dans l’intention de monter au ciel pour se plaindre à la déesse Héra de la désobéissance des Kébrènes et des Sykaiboens (Polyen VII, 22). Ils étaient anthropomorphes, comme l’atteste la déclaration rationaliste de Xénophane selon laquelle les mortels se figurent leurs dieux à leur propre image, ce qui explique que les dieux thraces aient tous des yeux bleus et des cheveux roux (frag. 21, B16). La définition d’un espace géographique thrace n’est que trop approximative, tout comme l’identification des différentes tribus. Hérodote (V, 3) considère que les Thraces constituent la nation la plus nombreuse de la Terre après les Indiens, mais que le manque d’unité politique les rend faibles. Dans les brumes des périodes historiques les plus anciennes, on reconnaît sans surprise des conceptions naturelles, tel le culte solaire révélé par une scène qui figure sur une dalle en pierre provenant d’un sanctuaire de l’Âge du Bronze récent découvert près de l’actuelle ville de Razlog : une barque zoomorphe avec le disque solaire opposée à la figure ithyphallique d’un guerrier 1. Les noms des dieux ne nous sont connus qu’à l’époque du Royaume odryse, lorsque la Thrace entra dans la sphère politique des cités grecques, tandis que de nouvelles colonies apparaissaient sur son littoral. Hérodote cite Arès, Dionysos et Artémis, en précisant que les rois thraces honorent tout particulièrement Hermès, dont ils se croient les descendants (V, 7). Dans la mesure où les noms thraces de ces divinités ne sont pas mentionnés, on peut émettre des doutes sur l’authenticité des appellations d’Hérodote, car l’hellénisation de la Thrace restait encore limitée au v e siècle av. J.-C. Une explication plausible serait qu’il a décrit aux lecteurs grecs les occupations habituelles de l’élite thrace, qui méprisait le travail de la terre et ne trouvait de plaisir que dans l’oisiveté ou le festin (Dionysos), la guerre (Arès) et la chasse (Artémis). Parmi les autres divinités thraces, bien reconnaissables par les Grecs en raison de leur caractère exotique, on dénombre Bendis, Cotyto, vénérée par les Édones et mentionnée par Eupolis (Fragmenta comicorum graecorum 2, 450), Pléistoros, chez les Apsinthes, qui selon Hérodote exigeait des sacrifices humains (IX, 119), ou encore Kandaôn en Crestonie, cité par Lycophron (328, 938) 2. Tous ces noms proviennent de la zone de contact entre le monde thrace et les colonies grecques. Une telle diversité religieuse laisse supposer l’existence d’une multitude de divinités tribales, tout comme l’absence respective d’un panthéon et d’une idéologie unifié. Cette situation résulte de la fragmentation politique des Thraces et laisse peu de place aux hypothèses entourant une unité et un répertoire de concepts communs reconstruits sous la forme d’une doctrine orphique 3 ou d’une mythologie cabirique 4.

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1 Hänsel, 1969, ill. 1. 2 Popov, 2010. 3 Fol, 1986a. 4 Marazov, 2011. 5 Yurukova, 1976. 6 Fol, 1993. 7 Archibald, 1999. 8 Rabadjiev, 2002 ; Rabadjiev, 2014.


alexandre baralis et milena tonkova

fig. 1 Sanctuaire près de Babyak, vue générale. fig. 2 Les principaux contextes rituels de Plaine supérieure de Thrace et de Thrace du nord.

Les lieux de culte en Thrace 336

(Suétone, Vie des douze Césars, Auguste 94, 7). Si les sanctuaires de sommet constituent un élément emblématique du paysage religieux thrace, leur fonctionnement interne nous échappe encore, malgré la présence dans le sanctuaire satre de Dionysos d’une prêtresse qui transmettait la parole du dieu suivant le modèle delphique (Hérodote VII , 111). Les recherches archéologiques récentes révèlent toutefois le caractère particulièrement modeste de certains d’entre eux, lesquels se limitent à des zones d’offrande matérialisées par une grande quantité de céramiques jetées dans les crevasses naturelles du rocher (Lubcha, Ostritza, Zagrajden, Boykovo ou Assenovgrad) 2. Parfois, un fossé, doublé plus tard d’un muret, en délimite l’espace (Bosilkovo, Sivino, Treve et Zabardo 3). Enfin, plusieurs fosses peuvent compléter ce dispositif, comme à Skaleto, près de Tsrancha 4. Le sanctuaire de Babyak réunit tous ces éléments 5. Il domine depuis le double sommet de Babyaska Chuka (1 653 m d’altitude) la vallée du Nestos (fig. 1) et offre une large vue sur les Rhodopes occidentaux. Son espace, enceint par un large péribole en

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Les sources antiques grecques et romaines nous permettent d’approcher

pierres sèches, s’articule autour de plusieurs terrasses. Bien que sa fré-

certains des lieux dans lesquels s’incarnent les cultes thraces. Le premier

quentation couvre une large période, depuis le Bronze récent jusqu’au

d’entre eux n’est autre que le bois sacré que rencontrent Ulysse et ses

iv e siècle apr.  J .- C ., le site n’a livré aucun édifice antérieur à l’époque

compagnons quand ils parviennent à la demeure de Maron, le prêtre

romaine. En revanche, plusieurs plates-formes en argile, interprétées

d’Apollon, divinité protectrice du mont Ismaros (Odyssée IX , 193-216).

comme des autels (fig. 2), étaient recouvertes d’un assemblage hétéroclite

D’autres témoignages évoquent la présence dans les monts Zônaia d’un

d’offrandes – pesons, fusaïoles, fragments de céramique, fibules, bijoux

bois consacré à Œagre ou Orphée (Nicandre, Les Thériaques 461). De

en bronze, armes et outils en fer, monnaies. Un fossé et divers dépôts for-

même, le piémont du mont Kerdylion abritait une zone interdite à l’agri-

més de moellons complètent ce dispositif auquel s’ajoutent des dépôts

culture (Hérodote VII , 115). En ce sens, le bois sacré semble proche du

rituels répartis dans différentes crevasses, ainsi que des niches rupestres.

lucus latin que les auteurs décrivent comme des espaces intacts et déserts,

La présence à Babyak de plusieurs fosses destinées à récolter le produit

où l’homme n’a pas sa place, tandis que la divinité choisit d’y établir sa

des actes rituels trouve un écho direct dans les champs de fosses rituelles

demeure 1. On observe toutefois en Thrace l’association privilégiée d’un

identifiés dans l’ensemble de l’espace thrace. Ce terme archéologique

bois et d’une zone de relief. C’est ce que reflète l’existence au nord de la

désigne communément une concentration singulière de fosses auxquelles

Propontide d’un Hieron Oros, d’un « mont sacré » (Xénophon, Anabase

on prête une vocation cultuelle. Parmi les divers critères qui leur sont

VII , 3). Une même dualité se retrouve en pays triballe, près du Danube,

appliqués, deux se révèlent particulièrement pertinents : leur localisation

où Étienne de Byzance note à son tour la présence d’une montagne sacrée,

et leur contenu. En effet, les cent fosses que l’on trouve dans le tertre de

alors qu’un épisode relate la fuite en 29 av.  J .- C . d’un groupe de Bastarnes

Kukova à Duvanli ou les cent trente-sept fosses qui ponctuent la couver-

dans un bois sacré que les troupes du proconsul Marcus Licinius Crassus

ture du tumulus n o 3 de Kralevo peuvent difficilement être réduites à de

n’hésitent pas à incendier (Dion Cassius LI , 24).

simples fosses à déchets 6. De même, le site d’Aşağı Pınar, en Thrace orien-

On comprend dès lors que ces espaces soient souvent associés aux

tale, a livré à son tour un ensemble imposant de cent fosses, entouré par

sanctuaires de hauteur, suivant l’exemple offert par celui de Liber, dis-

un vaste fossé circulaire de 100 mètres de diamètre 7. À Malko Tranovo

posé dans les Rhodopes au sein d’un bois sacré qu’Octave, le père d’Au-

(fig. 3), en Plaine supérieure de Thrace, un fossé délimite l’espace initial

guste, aurait fréquenté, tout comme Alexandre le Grand auparavant

du site 8. Près de cinq cents fosses y ont été mises au jour. D’autres

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kostadin rabadjiev

Letnitsa, Rogozen et les cycles mythologiques 342 Le trésor de Rogozen offre un regard intéressant sur les préférences de l’élite

et de gestes. La frise de la maîtresse des animaux (cat. 313) en est un bon

thrace et le répertoire des toreutes locaux. L’abondance de vases coûteux doit

exemple : elle montre une déesse ailée accompagnée de chiens, encadrée de

être examinée dans le contexte d’un choix restreint en ce qui concerne aussi

deux couples de taureaux ailés à tête humaine ; au registre inférieur, deux

bien la forme que la fonction, ce qui ne garantit pas l’exhaustivité de la

couples de lions attaquent un taureau. Cette composition héraldique fait

reconstruction thématique. Il est essentiel d’observer qu’ici, à l’exception de

penser par ailleurs à de possibles emprunts orientaux dans le répertoire figu-

la phiale montrant Héraclès et Augé (cat. 285), qui est un produit d’importa-

ratif thrace 6.

tion fabriqué dans un atelier grec, l’ensemble des vases figurés constitue

Les quinze appliques du trésor de Letnitsa qui étaient probablement

manifestement l’œuvre d’artisans thraces. Parmi ces vases, on dénombre sept

destinées à décorer la lanière pectorale d’un cheval sont différentes 7 (cat. 288

cruches et un gobelet. Les sujets sont mythologiques. Certains évoquent des

à 306). On n’y retrouve pas d’influence grecque directe, mais les similarités

mythes grecs, comme celui d’Héraclès et de la reine des Amazones, Hippolyte,

qu’entretiennent les schémas iconographiques des cavaliers suggèrent une

recréé dans une frise de trois scènes répétitives représentant un homme nu qui

composition unique et incitent à les interpréter successivement comme les

tient une massue et engage la lutte avec une Amazone munie d’une lance

épreuves subies par le cavalier chasseur et guerrier jusqu’à son mariage 8 ; la

(cat. 286). Il s’agit d’une version simplifiée de l’iconographie de l’Amazone à

narration en images d’une légende théogonique qui est une adaptation thrace

cheval que l’artisan a copiée avec des erreurs de détails 1. Sur une autre cruche,

d’un modèle emprunté aux Hittites, selon lequel le dieu suprême (Zeus),

on reconnaît Cybèle qui chevauche un lion, cette fois-ci dédoublée et alter-

par son mariage avec la fille (Perséphone) et en présence de la déesse mère

nant avec le thème populaire du « prédateur attaquant un animal herbivore »,

(Déméter), donne la vie au jeune dieu (Dionysos) 9 ; le récit unifié du rite royal

en l’occurrence un lion attaquant un cerf 2 (cat. 312). Le même affrontement,

de consécration 10. En réalité, les difficultés viennent de notre désir de lire

mais avec une biche à la place du cerf, apparaît à deux reprises sur une troi-

dans les détails un texte en images que nous ne connaissons pas, tout en étant

sième cruche de Rogozen. On reconnaît de même une version assez inhabi-

guidés par l’impression trompeuse que nous sommes en mesure de faire cette

tuelle du mythe de Bellérophon et de la Chimère. Les différences ici

lecture. La question est de savoir si nous sommes fondés à supposer qu’il s’agit

concernent moins les protagonistes que les personnages secondaires qui les

d’un long récit ou s’il s’agit de huit cavaliers différents, un nombre qui semble

accompagnent 3. La chasse au sanglier, populaire en Thrace, est également

correspondre à celui des têtes de chevaux représentées sur la phalère ronde.

représentée (cat. 310). Cependant, l’animal est entouré de deux cavaliers, ce qui complique quelque peu l’identification du vainqueur. Éventuellement, un lien avec les Dioscures grecs serait possible, si l’on admet que le buste féminin visible sous l’anse est celui de leur sœur Hélène 4. On observe de nouveau un dédoublement sur la cruche figurant deux quadriges tirés par des chevaux ailés qui volent à la rencontre l’un de l’autre (cat. 311). Dans chacun des deux quadriges, derrière le cocher, se tient une divinité : l’une d’elles est vêtue d’un long chiton et porte une branche fleurie, ainsi qu’une phiale, ce qui évoque l’iconographie de Triptolème distribuant dans un char ailé les dons de Déméter ; l’autre, vêtue d’un chiton court, est munie d’un arc et de flèches, ce qui la rapproche d’Apollon ou d’Artémis. Le décor des vases détaille le monde conceptuel des dieux et des héros, tout comme des récits de victoires qui étaient particulièrement prisés lors des banquets aristocratiques. On perçoit la forte influence grecque qui s’exerce au cours de la haute époque hellénistique, lorsqu’un langage figuratif se forme par l’emprunt de sujets et probablement d’idées proches 5. Les images sont statiques et tentent de communiquer des idées par l’intermédiaire de signes

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1 2 3 4 5 6 7 8 9 10

Rabadjiev, 1996. Stoyanov, 1991. Marazov, 1996, p. 207-219. Rabadjiev, 2004, p. 368. Marazov, 1996. Stoyanov, 2012, p. 418-421. Boshnakova, 2000, p. 20. Alexandrescu, 1983, p. 64-66. Venedikov, 1996, p. 39-42. Boshnakova, 2000.


kostadin rabadjiev

Les cultes thraces dans le monde grec 356 Suite à un décret voté par le peuple athénien en 430 ou 429 av.  J .- C ., la déesse

des esclaves, étaient à l’origine de l’essor du culte privé de la déesse dans

thrace Bendis jouissait sur la colline de Mounichie, au Pirée, d’un culte public

la cité, au Laurion et à Salamine 6. La question est plutôt de savoir si Bendis

rendu dans un temple qui lui était consacré. Elle était fêtée le 19 thargélion

constituait une divinité commune à toute la Thrace, dans la mesure où elle est

(mai-juin) par une procession, formée de deux groupes – celui des orgéons des

absente du répertoire iconographique créé en milieu grec en Thrace d’Europe

Athéniens et celui des Thraces –, qui débutait sa course au Prytanée d’Athènes

et où le seul sanctuaire qui lui est dédié est un temple, situé sur le cours infé-

pour rejoindre la ville portuaire. Cette procession était accompagnée de rites

rieur de l’Hébros, dont l’existence est mentionnée par les auteurs romains

auxquels Grecs et Thraces participaient (Platon, République I , 327c-328a).

(Tite-Live 38, 41, 1). Il est plus aisé de reconnaître des liens avec la Bithynie,

Les festivités duraient toute la nuit (pannuchis) et comprenaient des courses

où le nom de Bendis est associé au mois du calendrier correspondant à sa fête,

de chevaux, au cours desquelles les compétiteurs se passaient en relais des

tandis que son effigie orne les monnaies royales 7.

torches allumées, ainsi que des réjouissances qui réunissaient une grande foule. Les relais de torche (lampas) étaient populaires lors des fêtes à Athènes : c’est ainsi que l’on transportait le feu jusqu’à l’autel lors des Panathénées, tandis que des éphèbes prenaient part à des courses de chevaux. Mais la particularité de la Bendideia résidait dans la combinaison de ces deux événements, comme nous pouvons le percevoir dans l’exclamation étonnée de Socrate (328a). La cavalcade elle-même avait lieu après la procession et le sacrifice, excluant ainsi le transport du feu jusqu’à l’autel. Il faut donc trouver un autre sens à cet acte qui pourrait constituer une démonstration de performances guerrières ou un rite de purification par le feu, lequel serait le cas échéant une pratique thrace. C’est ce que suggère une dédicace à la déesse faite par un certain Daos, un homme dont le nom n’est pas athénien, peut-être un esclave, qui a gagné la compétition 1. Mais sur le relief votif de Bendis provenant du Pirée et conservé au British Museum figurent huit jeunes hommes dans une nudité athlétique, à la manière des éphèbes grecs – probablement le relais des vainqueurs de la compétition –, précédés par deux mentors drapés. Le premier tient une torche dont la forme évoque celle qu’utilisent les cavaliers des Bendideiai, tandis que huit postes de relais représentent un nombre normal si le feu a été pris au foyer de la cité. La procession doit alors parcourir une distance de 12 kilomètres pour parvenir jusqu’au Pirée. Cette hellénisation du culte transparaît également dans un décret de l’Ecclesia, par lequel on interroge l’oracle sur le choix d’une prêtresse : doit-elle être athénienne ou thrace 2 ? On a tenté d’expliquer le caractère public du culte de Bendis par la politique menée par Athènes à l’égard du roi odryse Sitalkès afin qu’il tolère la maison dynastique des Édones 3, voire par l’épidémie de peste qui frappe la cité au début de la guerre du Péloponnèse 4. Aucune de ces hypothèses ne fait toutefois l’unanimité parmi les chercheurs 5. J’admettrais pour ma part qu’il s’agisse d’une forme de contrôle imposé par les Athéniens aux pratiques religieuses des Thraces, nombreux, dans la cité. Ces derniers, principalement

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r e l i g i o n

1 Parker, 1996, p. 172. 2 Parker, 1996, p. 172. 3 Popov, 2010, p. 80-81. 4 Planeaux, 2001, p. 179-182. 5 Parker, 1996, p. 173-175. 6 Garland, 1992, p. 112. 7 Popov, 2010, p. 70-72.


359 L’apport de la thracologie Les Thraces à Paris Les principaux sites archéologiques en Thrace

Chronologie nord-balkanique Généalogie Glossaire Bibliographie Index

t i t r e

c o u r a n t


valeria fol

L’ a p p o r t d e l a t h r a c o l o g i e 360 L’ouvrage de Sigebert Haverkamp, Histoire générale du monde antique 1,

Dès l’année de la création de l’Institut de thracologie, les recherches s’in-

publié à La Haye, constitue le point de départ des recherches sur la Thrace. À

ternationalisent par l’organisation du premier congrès international de thra-

la fin du second tome, Sigebert Haverkamp, professeur à l’université de

cologie, à Sofia (1972). Onze congrès internationaux suivront alors : Bucarest

Leyde, publie dix-sept monnaies appartenant à des rois thraces, une liste de

(1976), Vienne (1980), Rotterdam (1984), Moscou (1988), Palma

noms et une généalogie des souverains odryses et d’autres dynasties ayant

de Majorque (1992), Constan ț a/Mangalia/Tulcea (1996), Sofia/Yambol

régné entre le v e et le i er siècle av.  J .- C . Vingt ans plus tard lui succède l’ouvrage

(2000), Chi ș n ă u (2004), Komotini/Alexandroupoli (2005), Istanbul (2010)

de M. Cary sur l’histoire des rois de Thrace et du Bosphore cimmérien 2. Ces

et Târgovi ș te (2013). Les actes publiés, de même que le Conseil international

deux travaux sont inspirés par des collections de monnaies mises en perspec-

des études indo-européennes et thraces, créé en 1988, qui regroupe des cher-

tive avec les sources écrites. Les études linguistiques et ethnologiques appro-

cheurs de divers pays (Bulgarie, Roumanie, Grèce, Allemagne, Royaume-Uni,

fondies du savant autrichien W. Tomascek prouvent pour la première fois le

France, Turquie…), rendent actifs les contacts entre chercheurs et encoura-

caractère indo-européen de la langue thrace parlée dans l’espace compris

gent l’introduction de la Thrace dans le tableau général de l’histoire du monde

entre les Carpates, le littoral nord-égéen avec ses îles, la mer Noire et le bassin

antique, de l’Europe et plus particulièrement de la Méditerranée, ainsi que la

de l’Axios/Vardar et du Timok 3.

détermination du rôle joué par les Thraces dans les échanges culturels entre

En Bulgarie, le début des recherches scientifiques sur l’histoire, la culture et

l’Europe et l’Asie Mineure. Ce conseil poursuit grâce à l’action de son secré-

la langue des Thraces remonte à la fin du xixe siècle et au début du xxe. Elle est

tariat l’organisation de congrès internationaux en thracologie et édite la revue

tout d’abord menée par la collecte et la publication d’artefacts, d’objets archéo-

Orpheus. Journal of Indo-European Paleo-Balkan and Thracian Studies.

logiques, ainsi que par la traduction, la systématisation et la publication des

L’exposition sur les Thraces qui a eu lieu en 1974 au Petit Palais, à Paris,

sources écrites concernant la Thrace antique et les Thraces. C’est durant la pre-

avant de circuler dans les plus grands musées du monde, a également contri-

mière moitié du xxe siècle que sont également publiés les premiers ouvrages de

bué à diffuser et à dynamiser les recherches sur la culture et l’histoire politi-

synthèse sur l’histoire politique des Thraces, principalement celle des Odryses,

que des Thraces. Cette exposition n’était pas conçue comme une simple

les croyances religieuses et la frappe de monnaies. À de rares exceptions près,

reproduction d’une série d’objets choisis, accompagnés d’un catalogue. Sa

ils reprennent les thèses des savants européens reconnus de cette époque 4.

structure différait toujours en fonction du discours que le musée d’accueil et

Les chercheurs bulgares suivent les tendances de l’historiographie européenne de la seconde moitié du

xx e siècle

en étudiant les peuples antiques de

culture orale comme des sujets indépendants, mais de valeur égale, au sein des

l’équipe qui la préparait voulaient adresser sur les Thraces et leur culture comme part intégrante et importante de l’héritage culturel commun des Européens.

processus historiques 5. La nécessité de mener des recherches interdisciplinai-

Un grand nombre de chercheurs adoptent depuis une nouvelle méthodolo-

res sur l’Antiquité thrace et de les coordonner aboutit à la création, en 1972,

gie pour étudier les peuples de culture orale en analysant et en interprétant les

d’une institution scientifique spécialisée, l’Institut de thracologie, rattaché à

sources écrites et archéologiques du point de vue de leur histoire et de leur

l’Académie des sciences de Bulgarie, suivie, au début des années 1980, par la

culture propres, et non pas de celles des Grecs et des Romains. Les résultats

formation d’une section d’archéologie thrace à l’Institut d’archéologie et

obtenus par la thracologie touchent plusieurs problématiques : la formation

musée de Sofia, dépendant lui aussi de l’Académie des sciences de Bulgarie.

de l’ethnos thrace, leur histoire sociopolitique et économique, le rôle des

Depuis sa création et jusqu’à nos jours, l’Institut de thracologie publie les col-

zones de contact en tant qu’espaces historico-culturels d’échanges avec les

lections « Sources pour l’histoire de la Thrace et des Thraces », Semonarium

autres peuples anciens de la Méditerranée, d’Asie Mineure, d’Europe centrale

Thracicum, Thracia, ainsi que la collection de monographies Studia Thracica.

et des steppes, la reconstruction des représentations mythiques et religieuses

Peu à peu, on commence à enseigner dans les universités l’histoire, l’archéolo-

des Thraces, l’art, l’héritage culturel thrace dans les cultures traditionnelles

gie et l’art des Thraces antiques, à l’instar de la Grèce et de Rome. Dans les

bulgare et balkanique. Les contacts entre l’éducation orale thrace et celle de

années 1970 sont également créées en Roumanie une section d’étude sur les

la cité sont étudiés non seulement dans le cadre des documents archéo­

Thraces tout comme des chaires d’université qui collaborent activement avec

logiques découverts dans les colonies grecques des littoraux thraces, mais

leurs collègues bulgares pour diffuser les recherches en thracologie.

aussi de la culture écrite grecque et du langage figuratif. On est parvenu dans


sofia roumentcheva

Les Thraces à Paris 362 Les collections thraces des musées bulgares, tels des ambassadeurs presti-

la politique culturelle de la Bulgarie. En tant que manifestations internatio-

gieux, voyagent autour du monde depuis plus de cinquante ans pour offrir

nales, elles ont permis la promotion du patrimoine national et leur étude

1

au public de remarquables découvertes archéologiques  . Dans cette suite

démontre l’importance des efforts déployés par l’État bulgare à cette fin. Ces

d’expositions internationales, Paris a toujours été un point incontournable.

événements ont souvent été accompagnés de conférences et de quelques acti-

C’est en pleine guerre froide, en 1960, que les Thraces sont présentés 2

vités culturelles annexes telles que des concerts et des spectacles de danse.

pour la première fois au public parisien au Musée pédagogique  . Succédant

Ainsi, ils ont constitué l’occurence pour les scientifiques et les artistes bul-

à une série d’expositions inaugurée en 1958 au musée d’Ethnographique de

gares d’accéder à la scène internationale. Par ailleurs, les expositions des tré-

3

Neuchâtel  , destinée à offrir un regard synoptique de l’art présent sur les

sors thraces ont offert l’opportunité d’échanges diplomatiques intenses en

terres bulgares depuis le Néolithique jusqu’à la peinture contemporaine,

établissant des relations internationales durables, comme en témoignent les

l’exposition montre les trésors de Panagyurishte et de Valchitran sous forme

visites politiques officielles de haut niveau, les échanges et les accords de

de copies. Le succès est tel que, trois ans plus tard, les originaux, exposés

coopération signés à ces occasions.

jusqu’alors dans leur intégralité dans les seuls musées bulgares, retournent à Paris à la galerie Charpentier 4.

Concernant leur organisation, au-delà de leur diversité, les expositions thraces se caractérisent par une certaine unité scientifique, indéniablement

De nouveau à Paris, en 1974 a lieu au musée du Petit Palais 5 la première

liée à leur caractère officiel. Elles ont toujours été conçues par les scienti-

exposition consacrée exclusivement aux Thraces organisée en dehors de la

fiques bulgares en tant que parcours tant au niveau du choix des œuvres que

Bulgarie. Il s’agit d’une manifestation d’importance scientifique puisqu’elle

du contenu textuel étant réalisés par les scientifiques bulgares. L’accent a

est liée à la création de l’Institut de thracologie par Alexandre Fol ainsi qu’à

souvent porté sur les richesses et la finesse de l’art des Thraces, illustré par

la tenue du premier congrès international sur ce sujet à Sofia 6. Elle a pour

une sélection d’œuvres prestigieuses. De nouveau à Paris, cette fois au

objectif de valoriser ce peuple encore méconnu en faisant découvrir les mul-

Louvre, le public aura l’occasion de découvrir pour la première fois des

tiples facettes de son art. Elle marque alors le début d’une série d’expositions

ensembles archéologiques complets qui apportent une vision archéologique

qui se poursuit jusqu’en 1989 sur le modèle élaboré pour l’exposition pari-

et historique de la Thrace. Cette exposition est le fruit d’une collaboration

sienne par Ivan Venedikov – une présentation chronologique qui s’étale du

scientifique internationale au cœur de laquelle se trouve le travail mené

Néolithique à l’époque romaine. Ainsi, les trésors voyagent dans quelques-

entre les spécialistes français et les archéologues bulgares.

uns des plus grands musées du monde, dont l’Ermitage à Saint-Pétersbourg, le British Museum à Londres puis, après avoir fait le tour de l’Europe, le Metropolitan Museum of Art à New York et d’autres musées au Mexique, en Inde et au Japon. En 1994, les expositions se renouvellent, ajoutant à l’approche chronologique un plan désormais plus thématique qui offre l’occasion d’aborder de manière plus approfondie des sujets tels que la religion, la mythologie et la royauté. Les trésors, enrichis par les dernières découvertes archéologiques, retournent à Paris en 2006, au musée Jacquemart-André 7, où « l’or des Thraces » brille de tous ses feux à travers une sélection d’œuvres prestigieuses. Au même moment, le musée national d’Archéologie de SaintGermain-en-Laye offre au public un aperçu des riches collections des musées de Varna 8, dont de précieux objets d’origine thrace. Le bilan de cette politique d’exposition s’élève à quatre-vingt-cinq expositions organisées dans vingt-quatre pays différents. Au-delà de leur intérêt scientifique et de leur valeur artistique, elles ont été un vecteur important de

1 Roumentcheva, 2014. 2 Bulgarie 2 500 ans d’art, Musée pédagogique, Paris, 28 juin – 18 septembre 1960. 3 Bulgarie 2 500 ans d’art. Les Thraces, les Romains, le Moyen Âge, la Renaissance, les arts populaires, musée d’Ethnographie de Neuchâtel, 29 juin 1958 – 1 er février 1959, commissaire Jean Gabus. 4 Trésors des musées bulgares, depuis le x e siècle avant Jésus-Christ, galerie Charpentier, Paris, 1963. 5 Découverte de l’art thrace, trésors des musées de Bulgarie, Petit Palais, Paris, 9 mai – 26 août 1974, commissaire Ivan Venedikov.

6 C’est justement en 1972, à la galerie municipale des Beaux-Arts de Sofia, qu’est montrée l’exposition Art thrace. Elle peut être considérée comme le prototype de toutes les expositions qui vont suivre. 7 L’or des Thraces, trésors de Bulgarie, musée Jacquemart-André, Paris, 14 octobre 2006 – 31 janvier 2007, commissaire Valeria Fol. 8 Des Thraces aux Ottomans, la Bulgarie à travers les collections des musées de Varna, musée de Lattes, musée national d’Archéologie de Saint-Germain-en-Laye, 2006-2007.


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365


Chronologie nord-balkanique d ’ a p r è s  Y. Boyadjiev, «Absolute Chronology of the Neolithic and Eneolithic Cultures in the Valley of Struma», dans H. Todorova, M. Stefanovich, G. Ivanov (éd.), The Struma / Strymon River Valley in Prehistory, Sofia, 2007, p. 309-316. B. Weininger, B. Jung, «Absolute chronology of the end of the Aegean Bronze Age», dns S. Deger-Jalkotzy, E. Bächle (éd.), LH III c Chronology and synchronisms III, LH III c Late and the Transition to the Early Iron Age, Österreichische Akademie der Wissenschaften, Vienne, p. 373-416 (Philosophisch-Historische Klasse, Denkschriften 384).

378 Néolithique ancien

6800-5400 av. J .- C .

chronologie générale

Néolithique récent

5400-4900 av. J .- C .

Invasions perses

513-479 av. J .- C .

Chalcolithique

4900-3800 av. J .- C .

Bataille de Platées

479 av. J .- C .

Période de transition

3800-3200 av. J .- C .

Fondation de la ligue de Délos

477-404 av. J .- C .

Bronze ancien

3200-2200 av. J .- C .

Guerres du Péloponnèse

431-404 av. J .- C .

Bronze moyen

2200-1500 av. J .- C .

Règne de Philippe II

359-336 av. J .- C .

Bonze récent

1500-1070 / 1040 av. J .- C .

Règne d’Alexandre le Grand

336-323 av. J .- C .

Premier Âge du Fer

1070 / 1040 av. J .- C . - 460 av. J .- C .

Royaume de Lysimaque

304-281 av. J .- C .

Période archaïque

600-480 av. J .- C .

Période classique

480 av. J .- C . - 331 av. J .- C .

Époque hellénistique

331-46 av. J .- C .

Époque romaine

46 av. J .- C . - 330 apr. J .- C .

r è g n e s d e s d y n a s t e s o d r y s e s (d’après P. Delev)

Période protobyzantine

330 apr. J .- C . - 628 apr. J .- C .

Térès I er

première moitié du v e siècle av.  J .- C . er

Sitalkès (fils de Térès I ) avant 431 - 424 av. J .- C . Sparadokos (fils de Térès I er) er

Seuthès I (fils de Sparadokos)

troisième quart du v e siècle av.  J .- C . avant 424 - 405 av. J .- C .

er

Amadokos I avant 405 - 390 av. J .- C . Seuthès II

399 - vers 391 av. J .- C .

Hébryzelmis vers 390 - vers 384 av. J .- C . Kotys I er (fils de Seuthès I er ou II ) vers 383-359 av. J .- C . Division du Royaume odryse après la mort de Kotys I er entre ses trois fils, Kersobleptès, Berisades et Amadokos II

359 av. J .- C .

Kersobleptès (fils de Kotys I er)

359 - 340 av. J .- C .

er

Berisades (fils de Kotys I )

359 - vers 356 av. J .- C .

Ketriporis (fils de Berisades) er

vers 356 - 352 (?) av. J .- C .

Amadokos II (fils de Kotys I )

360 - 352 (?) av. J .- C .

Teres II (fils d’Amadokos II )

352 (?) - vers 340 av. J .- C .

Invasions de Philippe II de Macédoine

340 av. J .- C .

Seuthès III avant 323 - vers 290 av. J .- C

t i t r e

c o u r a n t


Généalogie

règnes des dynastes odryses

Térès I er première moitié du v e siècle av. J .- C .

Sitalkès

Sparadokos

(fils de Térès I er) avant 431-424 av. J .- C .

(fils de Térès I er) troisième quart du v e s. av. J .- C .

379

Seuthès I er

Seuthès I I

Amadokos I er

(fils de Sparadokos) 424- après 405 av. J .- C .

399- vers 391 av. J .- C .

avant 405-390 av. J .- C .

Hébryzelmis

Kotys I er

vers 39-384 av. J .- C .

vers 383-359 av. J .- C .

d i v i s i o n d u r oya u m e o d ry s e a p r è s l a m o r t d e k o t y s i er e n 3 5 9 av.  j . - c .

Berisades

Kersobleptès

Amadokos I I

359- vers 356 av. J .- C .

(fils de Kotys I er) 359-340 av. J .- C .

360 – 352 (?) av. J .- C .

Kétriporis

Térès I I

(fils de Bérisadès) vers 356-352 (?) av.  J .- C .

(fils d’Amadokos I I ) 352 (?)- vers 340 av. J.-C

i n va s i o n s d e p h i l i p p e i i d e m a c é d o i n e e n 3 4 0 av. j. - c .

Seuthès I I I avant 323- vers 290 av. J .- C .

t i t r e

c o u r a n t



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