MONTMARTRE décor de cinéma
MONTMARTRE, DÉCOR DE CINÉMA 12 avril 2017 – 14 janvier 2018 Société Kléber Rossillon Président : Kléber Rossillon Société Saint-Jean et Saint-Vincent Directrice : Aude Viart Conseiller historique scientifique de l’exposition : Pierre Philippe Co-commissaire et directrice de l’association Le Vieux Montmartre : Isabelle Ducatez Co-commissaire et responsable de la conservation au musée de Montmartre : Saskia Ooms Scénographe : Jean-Paul Camargo, Saluces, et Xavier Bonillo, Saluces Producteur audiovisuel : Jean-Pierre François, Clap 35 Exposition réalisée avec le concours des collections de la Cinémathèque française, de la Fondation Jérôme SeydouxPathé, du musée Gaumont, des Archives Pathé-Gaumont, de la Société Le Vieux Montmartre, du Moulin Rouge, ainsi qu’avec l’aide de collectionneurs privés et des sociétés de distribution des œuvres cinématographiques. © Musée de Montmartre, Paris, 2017 © Fondation pour le Rayonnement du musée de Montmartre, Paris © Sous l’égide de la Fondation de France © Société d’histoire et d’archéologie des 9 e et 18e arrondissements de Paris Le Vieux Montmartre © ADAGP, Paris, 2017 pour René Ferracci, Roger Forster, Boris Grinsson, Léo Kouper, Jean-Denis Malclès, Jean-Adrien Mercier, Alexandre Trauner © Bruno Calvo © Émile Savitry, courtesy Sophie Malexis © Dominique Le Rigoleur © Max Douy © Anne Seibel © DRAC Île-de-France © Conseil régional d’Île-de-France
Société d’histoire et d’archéologie des 9 e et 18 e arrondissements de Paris Le Vieux Montmartre Président : Jean-Manuel Gabert Vice-présidents : Alain Larcher et Michèle Trante Trésorier : Éric Sureau Trésorière adjointe : Odette Borzic-Hatchadourian Secrétaire : Catherine Rousseau Présidents d’honneur : Daniel Rolland et Jean-Marc Tarrit Conseil d’administration : Thierry Aimar, Laurent Bihl, Chantal Bodère, Odette Borzic-Hatchadourian, Catherine Charrière, Jean-Manuel Gabert, Jean-Claude Gouvernon, Alain Larcher, Yves Mathieu, Marie-France Moniot-Boutry, Daniel Rolland, Catherine Rousseau, Éric Sureau, Jean-Marc Tarrit, Xavier Thoumieux et Michèle Trante Directrice : Isabelle Ducatez Légendes de la couverture : Boulevard, Julien Duvivier, 1960, photographie, DR. © Orex Films, Fondation Jérôme Seydoux-Pathé Conception graphique de la 1re de couverture : Agence CIMAYA (visuel utilisé pour l’affiche de l’exposition du 12 avril 2017 au 14 janvier 2018 au musée de Montmartre). Le Fabuleux Destin d’Amélie Poulain, Jean-Pierre Jeunet, 2001, photographie de tournage de Bruno Calvo.
© Somogy éditions d’art, Paris, 2017 © Musée de Montmartre, Paris, 2017 Ouvrage réalisé sous la direction de Somogy éditions d’art Directeur éditorial : Nicolas Neumann Responsable éditoriale : Stéphanie Méséguer Coordination et suivi éditorial : Sarah Houssin-Dreyfuss Conception graphique : Nelly Riedel Contribution éditoriale : Anne-Marie Valet Fabrication : Béatrice Bourgerie et Mélanie Le Gros Coéditions et développement : Véronique Balmelle ISBN 978-2-7572-1243-1
Société d’Histoire et d’Archéologie des IXe et XVIIIe arrondissements de Paris
PRÉFET DE LA RÉGION
Dépôt légal : avril 2017 Imprimé en Union européenne
MONTMARTRE décor de cinéma
REMERCIEMENTS KLÉBER ROSSILLON adresse ses remerciements chaleureux à : ANNE HIDALGO, maire de Paris BRUNO JULLIARD, premier adjoint au maire de Paris, chargé de la Culture ÉRIC LEJOINDRE, maire du 18e arrondissement de Paris CARINE ROLLAND, première adjointe au maire du 18e arrondissement, chargée des Affaires générales, de la Culture et du Patrimoine NICOLE DA COSTA, directrice régionale, DRAC Île-de-France SYLVIE MULLER, chef du service des musées, DRAC Île-de-France, ministère de la Culture et de la Communication PAULINE LUCET, conseillère musées, DRAC Île-de-France LAURENCE ISNARD, conseillère musées, DRAC Île-de-France VÉRONIQUE BOURBIAUX, service des musées, DRAC Île-de-France VALÉRIE PÉCRESSE, présidente du Conseil régional d’Île-de-France Aux contributeurs et auteurs du catalogue : AUDE VIART, directrice du musée de Montmartre PIERRE PHILIPPE, conseiller historique et scientifique ISABELLE DUCATEZ, co-commissaire de l’exposition et directrice de la Société d’histoire et d’archéologie Le Vieux Montmartre SASKIA OOMS, co-commissaire de l’exposition et responsable de la conservation au musée de Montmartre JACQUES AYROLES, chef de service du département Affiches, Dessins et Matériel publicitaire de la Cinémathèque française FRANÇOISE LÉMERIGE, chargée du traitement des collections Dessins et Œuvres plastiques de la Cinémathèque française ANTOINE DE BAECQUE, historien et critique de cinéma, professeur à l’ENS de la rue d’Ulm MARC DURAND, arrière-arrière-petit-fils d’Antoine Lumière, historien de la photographie et du précinéma JEAN-PIERRE JEUNET, réalisateur JEAN-FRANÇOIS PIOUD-BERT, diplômé de l’École Louis-Lumière et chercheur ALAIN ROULLEAU, propriétaire-gérant du Studio 28 Aux prêteurs suivants : FRÉDÉRIC BONNAUD, directeur de la Cinémathèque française ANNE LEBEAUPIN, chargée du Développement des publics de la Cinémathèque française ISABELLE REGELSPERGER, chargée de la Régie des œuvres, Cinémathèque française JACQUES AYROLES, chef de service du département Affiches, Dessins et Matériel publicitaire de la Cinémathèque française FRANÇOISE LÉMERIGE, chargée du traitement des collections Dessins et Œuvres plastiques de la Cinémathèque française CHARLYNE CARRÈRE, chargée de collections Costumes et Objets de la Cinémathèque française CÉCILE TOURET et VÉRONIQUE CHAUVET, chargées d’images, iconothèque de la Cinémathèque française
SOPHIE SEYDOUX, présidente, Fondation Jérôme Seydoux-Pathé STÉPHANIE SALMON, directrice des collections historiques en charge des expositions, Fondation Jérôme Seydoux-Pathé NICOLAS SEYDOUX, président, musée Gaumont CORINE FAUGERON, conservatrice, musée Gaumont MÉLANIE HERICK, conservation, musée Gaumont SIDONIE DUMAS, présidente, Gaumont Pathé Archives AGNÈS BERTOLA, Fictions muettes, Gaumont Pathé Archives TANIA LESAFFRE, ayant droit Marcel Carné OLIVIER TRAGNAN, Succession Jacques Prévert JEAN-PIERRE JEUNET, réalisateur MARJORIE ORTH, Tapioca Films BRUNO CALVO, photographe JEAN-PIERRE DUCATEZ FRANCIS DUPONT, fils et ayant droit d’Émile Savitry CHRISTOPHE GOEURY DOMINIQUE LE RIGOLEUR, photographe SOPHIE MALEXIS, gestionnaire fonds Savitry MARINE MULTIER, Fémis JEAN-LUC PEHAU-RICAU, directeur de la communication et du marketing du Moulin Rouge JEAN-FRANÇOIS PIOUD-BERT ANNE SEIBEL, chef décoratrice de films ANNA-CLARA OSTASENKO BOGDANOFF, créatrice du décor Le Lapin Agile Et aux sociétés de distribution des œuvres cinématographiques Et à toutes les personnes qui ont permis la réalisation de cette exposition, tout particulièrement : JEAN-PAUL CAMARGO, scénographe, Saluces XAVIER BONILLO, scénographe, Saluces JEAN-PIERRE FRANÇOIS, producteur audiovisuel, Clap 35 CATHERINE DANTAN, attachée de presse THIERRY DEKNUYDT, restauration d’entoilage RÉGIS FROMAGET, restauration de dessins MARIE MESSAGER, restauration de documents NATHALIE RUSSO, iconographe RACHEL LEQUESNE MERIEM GRISS Toute l’équipe du musée : Alexia, Catherine, Claire, Karelle, Julia, Julien, Maxime, Mewen, Thierry, William Ainsi que l’équipe de montage Et la Société d’histoire et d’archéologie Le Vieux Montmartre
PRÉFACE Célèbre pour sa basilique du Sacré-Cœur, son Moulin Rouge, ses nombreux cabarets et ses ateliers où se sont succédé des artistes tels qu’Auguste Renoir, Henri de Toulouse-Lautrec, Suzanne Valadon ou encore Pablo Picasso, Montmartre est sans doute le quartier le plus emblématique de Paris. Par son charme et ses lieux, il a toujours suscité l’intérêt des réalisateurs, aussi bien français qu’internationaux. Dès la fin des années 1890, les films des frères Lumière puis de Méliès sont projetés aux magasins Dufayel, à l’angle du boulevard Barbès. Le premier quart du xxe siècle voit naître par la suite des salles de projection qui seront des jalons de l’épanouissement du 7e art dans le creuset parisien. Surtout, l’atmosphère de la Butte, son romantisme et tout l’imaginaire qu’elle évoque attirent les réalisateurs. Montmartre est alors personnifié à travers les films qui transforment ce décor si particulier et si reconnu en véritable protagoniste de l’œuvre cinématographique. Sont mis à contribution ses différents lieux (le Moulin Rouge, la Butte, le Sacré-Cœur, la place du Tertre, Le Lapin Agile…), ses tableaux atypiques (les escaliers, les ruelles, les maisonnettes, les lampadaires…), ses occupants (les artistes, les danseuses, les gens ordinaires, les flics et les voyous, les filles de joie…). Le Paris de la fête et du plaisir mais aussi celui du crime et de la perdition, souvent incarnés par les quartiers de la Chapelle, de Pigalle ou de la Goutte d’Or, se mêlent à la célébration de l’art et de la poésie à travers la Butte montmartroise. L’intérêt du musée de Montmartre pour le cinéma remonte au début des années 1920. Président de la Société d’histoire et d’archéologie Le Vieux Montmartre de 1921 à 1934, Victor Perrot, ami des frères Lumière, s’est longtemps attaché, en de multiples publications, à analyser les débuts de l’histoire du cinéma. Plus tard, trois expositions cinématographiques en lien avec Montmartre ont pris place entre les murs du musée fondé par Le Vieux Montmartre : « Marcel Carné » (1994), « Autour du Studio 28, le cinéma et Montmartre » (1994-1995), « Jean Marais, l’éternel retour » (2008-2009). C’est donc dans la logique et dans la continuité des projets précédents que l’exposition « Montmartre, décor de cinéma » a été initiée et organisée dans ce lieu chargé d’histoire du 12 avril 2017 au 14 janvier 2018. Afin de retrouver l’atmosphère de ces tournages, l’exposition présente de nombreux extraits, affiches, dessins, photographies de films tournés à Montmartre ou évoquant le quartier, du début de l’histoire du cinéma jusqu’à nos jours (d’Ernst Lubitsch à Jean-Pierre Jeunet) dans une scénographie originale. Le commissariat de cette exposition est assuré par Pierre Philippe, conseiller historique scientifique de l’exposition, Saskia Ooms, responsable de la conservation au musée de Montmartre, et Isabelle Ducatez, directrice de la Société d’histoire et d’archéologie Le Vieux Montmartre. Kléber Rossillon, président du musée de Montmartre
Casino de Paris, André Hunebelle, 1957 Caterina Valente et Gilbert Bécaud Photographie, DR, Fondation Jérôme Seydoux-Pathé, Société nouvelle Pathé Cinéma, PAC-Bavaria Filmkunst-Eichberg Film-Rizzoli Film, PHO-F-2655
SOMMAIRE
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Victor Perrot, l’autre « Monsieur Cinéma » Marc Durand Arrière-arrière-petit-fils d’Antoine Lumière, historien de la photographie et du précinéma
18
Naissance des salles de cinéma à Montmartre Isabelle Ducatez Co-commissaire de l’exposition et directrice de la Société d’histoire et d’archéologie des 9e et 18e arrondissements de Paris Le Vieux Montmartre
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Entre 1946 et 1993, ces salles furent des cinémas Isabelle Ducatez Co-commissaire de l’exposition et directrice de la Société d’histoire et d’archéologie des 9e et 18e arrondissements de Paris Le Vieux Montmartre
30
FRENCH CANCAN JEAN RENOIR
Le studio 28 « Le chef-d’œuvre des salles, 48 la salle des chefs-d’œuvre » Alain Roulleau Propriétaire-gérant du Studio 28
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Montmartre, vraiment ? Pierre Philippe Conseiller historique et scientifique de l’exposition
Le décor montmartrois, personnage et acteur : 60 de la muse à la star Jean-François Pioud-Bert Diplômé de l’École Louis-Lumière et chercheur
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MARCEL CARNÉ
Autour de Montmartre : Dessins d’ambiance pour le 7e art. 98 La collection des dessins de la Cinémathèque française Françoise Lémerige Chargée du traitement des collections Dessins et Œuvres plastiques de la Cinémathèque française
Décor et air de Montmartre, 104 de Marcel Carné à François Truffaut Antoine de Baecque Historien et critique de cinéma, professeur à l’ENS de la rue d’Ulm
116
FR ANÇOIS TRUFFAUT
122
Quelques affiches de cinéma Jacques Ayroles Chef de service du département Affiches, Dessins et Matériel publicitaire de la Cinémathèque française
Allen, Luhrmann, Klapisch, Gondry et Jeunet : 126 Montmartre au cœur du cinéma contemporain Saskia Ooms Co-commissaire de l’exposition et responsable de la conservation du musée de Montmartre
138
Carné, Prévert, Trauner... une fabuleuse histoire Jean-Pierre Jeunet, Réalisateur
140
AMÉLIE POULAIN JEAN-PIERRE JEUNET
ANNEXES 154 158
Liste des films par lieu de tournage Plan pour visiter le vieux village de Montmartre
VICTOR PERROT, L’AUTRE « MONSIEUR CINÉMA » Marc Durand Kœhler-Lumière
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“ Ne dérangez personne ! Ni fleurs ni couronnes ! Je veux être inhumé dans mon tombeau de famille, à Noé, dans l’Yonne, où, près de ce village, il y a une colline nommée Montmartre. ” 1
[pages précédentes] Victor Perrot et Louis Lumière au Château des Brouillards, 1938 Épreuve gélatino-argentique, 9 × 13 cm. Archives Le Vieux Montmartre
1 Paul Yaki, Oraison funèbre prononcée le 6 mars 1963, sur le parvis de l’église Saint-Pierre. Archives de la Société d’histoire et d’archéologie Le Vieux Montmartre, Dossier Victor Perrot. 2 Programme électoral de Jules Depaquit pour l’élection du premier maire de la commune libre de Montmartre (1920).
Le patronyme « Perrot » (« Perrault ») n’évoque plus guère aujourd’hui, auprès du grand public, qu’un des plus fameux fabulistes du Grand Siècle ou, pour les plus érudits, le créateur de la colonnade du Louvre voire un architecte contemporain, mais certainement pas un autre « Monsieur Cinéma ». Pourtant, Victor Perrot fut tout à la fois historien des débuts du cinéma, défenseur du Vieux Montmartre, membre de la commission départementale des Sites de la Seine et membre de la Commission du Vieux Paris. Il fut également membre puis président de la Société « Le Vieux Montmartre » ainsi que de la Société de l’histoire de Paris et de l’Île-de-France à partir de 1927, et ce, au moins jusqu’en 1960. Sa présence dans une exposition consacrée au cinéma à Montmartre, au sein même de l’hôtel Demarne, et réalisée en partenariat par le musée de Montmartre Jardins Renoir et la Société d’histoire et d’archéologie Le Vieux Montmartre était donc toute naturelle, voire indispensable. Perrot mènera toute sa vie un combat sans relâche pour la sauvegarde de la Butte et reste une figure marquante de la vie montmartroise de la première moitié du xxe siècle. « Antigrattecieliste » convaincu 2 , c’est d’abord la rue Girardon qui bénéficie de ses « largesses ». Il escamote dès 1924 le Château des Brouillards aux regards en biais des promoteurs et se mobilise pour empêcher les projets d’édification d’une fabrique de caoutchouc et, plus tard, d’une fabrique de métaux, obtenant ainsi la création du square SuzanneBuisson. Fort de ces premiers succès, il porte son regard rue Cortot et sauve de la destruction le manoir de Rosimond et l’hôtel Demarne, et obtient la sauvegarde des bâtiments frappés d’alignement. En 1925, grâce à son rôle à la Société du Vieux Papier et à la Commission du Vieux Paris, il propose un projet de restauration du manoir de Rosimond. Avec Claude Charpentier, il va lutter pour faire classer le site de Montmartre. Tournons-nous angle rue des Saules et rue Saint-Vincent où, là encore, les promoteurs ont déjà les dents longues ! Il organise avec Pierre Labric (maire de la commune libre) une pétition qui recueille 2 300 signatures et, le 9 juin 1929, il fait pousser en deux nuits le square de la Liberté, immédiatement adopté par les petits poulbots. La célèbre vigne de Montmartre y est plantée en 1933, elle coule encore à flots aujourd’hui. Victor Perrot devant une Chercheur infatigable, conférencier, collectionneur, tapisserie de Louis Morin Épreuve gélatino-argentique, esthète jusqu’à la fin de sa vie, il n’aura de cesse de 30 × 20 cm. Archives mener ces combats qui ne sont pas encore qualifiés Le Vieux Montmartre
NAISSANCE DES SALLES DE CINÉMA À MONTMARTRE Isabelle Ducatez
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“ Montmartre occupe dès les débuts du cinéma une place prépondérante et s’adapte à ce nouveau spectacle. ” [pages précédentes] Cinéma Palais Rochechouart Épreuve gélatino-argentique, 21 × 30,5 cm. Archives Le Vieux Montmartre
1 Victor Perrot fut président de la Société d’histoire et d’archéologie Le Vieux Montmartre de 1914 à 1934 et membre de la Commission du Vieux Paris. 2 Journal L’Illustration no 2779 du 30 mai 1896.
Le temps des premières projections – 1895-1907 La projection publique inaugurale, le 28 décembre 1895, du Cinématographe dans le Salon Indien du Grand Café, 14, boulevard des Capucines, suscita immédiatement la révolution dans l’industrie du spectacle. L’évènement organisé par les frères Lumière, auquel assistèrent les deux frères Charles et Émile Pathé ainsi que Georges Méliès, fut de portée historique pour le cinéma naissant. Victor Perrot 1, iconographe de Paris, assista à l’une des premières séances du Grand Café et, faisant allusion aux trente-trois clients payants de cette première soirée, relate : « Ce sont ces trente-trois apôtres qui vont porter la bonne parole dans la grande ville d’où leurs disciples s’en iront enseigner et convertir les nations ». Auguste et Louis Lumière ne sont pas les seuls créateurs de cette nouvelle technique, c’est une invention collective, mais ils profitent alors de leur situation de monopole pour exploiter le procédé, dans le monde entier et en quelques mois. Le Cinématographe Lumière est présenté à Paris, mais également en province et dans de nombreuses villes étrangères. « Jamais spectacle nouveau n’a conquis plus rapidement une vogue plus éclatante. On en a mis partout, dans le sous-sol des grands cafés, des boulevards et dans les dépendances des music-halls. Dans les théâtres où on l’intercale dans les revues ; dans les salons où les maîtres de maison offrent à leurs invités en séance privée le divertissement à la mode… » 2 Dès 1896, on assiste à des séances dans les foires et baraques foraines qui s’installent là où il y a du monde, comme sur le boulevard de Rochechouart, à Montmartre. On peut y voir les films de Georges Méliès tournés à partir de 1896. Charles Pathé s’impose en créant la société Pathé Frères qui se lance dans l’industrialisation de l’enregistrement du son puis la « nouvelle société Pathé Frères » qui englobe la production, la diffusion et l’exploitation de films. Dans les différentes salles de projection temporaires, le programme ne dure jamais plus de trente minutes. Au début, on s’y rend par curiosité pour avoir une idée de ce à quoi ressemble ce nouveau divertissement. Les magasins Dufayel Fin avril 1896, les projections se poursuivent au Salon Indien, à l’Eldorado et au premier étage de l’Olympia. Un quatrième lieu parisien va voir le jour hors
Studios Pathé cinéma, 6, rue Francœur, extérieur, G. Lebon Épreuve gélatino-argentique, 21 × 16 cm. Fondation Jérôme Seydoux-Pathé
LE STUDIO 28 « LE CHEFD’ŒUVRE DES SALLES, LA SALLE DES CHEFSD’ŒUVRE » Alain Roulleau
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“ Si j’avais à choisir un seul cinéma de Paris, pour mon bonheur de cinéphile, je choisirais le Studio 28. Aucun cinéma parisien n’évoque pour moi autant de souvenir, liés à l’histoire du cinéma. ” Jean-Charles Tacchella, scénariste et réalisateur
[pages précédentes] Jean Mitry devant le Studio 28 Photographie, DR, 18 × 24 cm. Archives Le Vieux Montmartre
Studio 28 Logo, 24 × 16,5 cm. Archives Le Vieux Montmartre
Les photographies promotionnelles des films à l’affiche ont fait rêver plus d’un spectateur dans les files d’attente de notre cinéma. Situé 10, rue Tholozé, au pied de la butte Montmartre, le Studio 28 est une salle unique, historique, emblématique, un endroit qui fait référence dans le monde des salles d’art et d’essai. Le précurseur fut, en 1928, Jean-Placide Mauclaire, qui inaugure la première salle de cinéma d’avant-garde, située en plein cœur de Montmartre. Le Studio 28 devient vite une véritable salle de cinéma indépendante, ainsi qu’un lieu de rencontre où se côtoient Luis Buñuel, Salvador Dalí, Abel Gance, Jean Cocteau… Sa politique est de présenter les films en version originale et d’être toujours ouvert aux nouveautés technologiques, jusqu’au jour où il décide de projeter L’Âge d’or, de Luis Buñuel. Scandale pour les extrémistes de droite. Le film est interdit. C’est un coup fatal pour le Studio 28. En 1932, la salle est reprise par Édouard Gross. Depuis 1948, c’est la famille Roulleau qui anime ce cinéma avec bonheur. Nous sommes encore quelques familles à gérer le patrimoine de notre commune, de troisième ou quatrième génération peu importe. Ce qui nous porte, c’est le partage qui nourrit notre relation avec notre fidèle clientèle. Petite anecdote : en 1969, le Studio 28 est le premier cinéma en France à instaurer un système de carte de fidélité. Il programme un film différent chaque jour et, chaque mardi, des avant-premières en présence des réalisateurs et des comédiens. Ce lieu, qui va bientôt fêter ses quatre-vingt-dix ans et qui a toujours été ouvert à tous, a su s’adapter aux techniques modernes pour donner à son public le meilleur de la qualité de projection. Pas nostalgique, mais fier de son histoire, il va de l’avant pour conserver et développer son audience – pour que le village de Montmartre puisse continuer d’avoir son cinéma de quartier. Haut lieu du 7e art, son écran est toujours et plus que jamais tourné vers le futur. À la pointe de la technologie, le Studio 28 offre un espace convivial et une large programmation qui ont su séduire un public montmartrois assidu, et au-delà. Il n’a pas démérité de ce qu’en disait Jean Cocteau qui, rappelons-le, a dessiné les luminaires de la grande salle : c’est toujours « le chef-d’œuvre des salles, la salle des chefs-d’œuvre ». Studio 28 Dessin, 24 × 32 cm. 2028 n’est pas loin, nous verrons les cent ans du Archives Studio 28 ! Le Vieux Montmartre
MONTMARTRE, VR AIMENT ? Pierre Philippe
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[pages précédentes] French Cancan, Jean Renoir, 1955 Production Gaumont (France)/Jolly Film (Italie) Scène de rue, photographie de Serge Beauvarlet, 27,5 × 37 cm, Archives Le Vieux Montmartre
Montmartre existe-t-il au cinéma ? Que l’on ne se récrie pas : il y existe un peu, un petit peu, mais bien moins qu’on ne pourrait le croire et, pour l’essentiel, au sein de visions peu flatteuses à la fois pour le cinéma et le lieu lui-même. Oui, une exception d’importance, celle du petit monde d’Antoine Doinel, pour le héros de François Truffaut incarné par JeanPierre Léaud entre 1959 et 1979 ; mais ce monde-là n’est pas tout à fait celui de la Butte proprement dite, c’est celui de la place de Clichy, de ses alentours, et le jeune Léaud ne sera vraiment un enfant de Montmartre que dans Boulevard, un évident pied de nez de Julien Duvivier à son contempteur Truffaut des Cahiers, le démolisseur des gloires vieillissantes de notre cinéma. Un paradoxe : le 18e arrondissement est celui où le tout nouveau phénomène qu’est le cinématographe ouvre ses premiers temples, la salle des Grands Magasins Dufayel de la rue de Clignancourt, quatre ans seulement après la séance inaugurale du Salon Indien du boulevard des Capucines et, en 1911, la mutation de l’Hippodrome de la place de Clichy en Gaumont-Palace, l’audacieux pari de Léon Gaumont désireux de diffuser la production de ses ateliers des Buttes-Chaumont dans une salle, géante pour l’époque, de 3 400 places assises. Avec, pour premier programme, La Tare, un film de la série « La vie telle qu’elle est » dénonçant le sort de ces filles de brasseries qui pullulent justement au bas de Montmartre et ne peuvent « se racheter », victimes qu’elles sont des préjugés bourgeois. Paradoxe, car les cinématographistes d’alors ne songent guère à exploiter la flore et la faune du Montmartre encore bocager dans ces années-là, tout un continent qui se protège d’une capitale méfiante de l’étrange colonie qui la domine, de ses artistes miséreux et géniaux, de ses artisans d’un autre âge, de ses voyous et de ses filles faciles. Parfois, pourtant, l’un d’eux ose y poser le trépied de sa caméra Lumière à manivelle pour en fixer des tableaux qui nous bouleversent toujours, plus de cent ans après : ruelles en pente où cheminent des silhouettes utrillesques, l’authentique Moulin de la Galette, la terrasse du Lapin Agile, l’illustre âne Lolo et le patron, Frédé, mâchonnant sa pipe, Francisque Poulbot crayonnant des gosses jouant à la petite guerre ou, un jour de neige, fichée devant la basilique du Sacré-Cœur, la statue du chevalier de La Barre, inaugurée en 1905 par des milliers de libres-penseurs aux cris d’« À bas la calotte ! ». Hors de ces merveilleuses images documentaires, le premier film de fiction connu de nous, tourné au Boulevard, pied de ce paradis, s’intitule L’Attrait de Paris et il Julien Duvivier, 1960 est signé par Gérard Bourgeois pour Charles Pathé Jean-Pierre Léaud et Monique Brienne, photographie, DR. en 1912. On y voit la place Blanche et son inévitable © Orex Films, Fondation Moulin Rouge abordé par une bande de viveurs, Jérôme Seydoux-Pathé
LE DÉCOR MONTMARTROIS, PERSONNAGE ET ACTEUR : DE LA MUSE À LA STAR Jean-François Pioud-Bert
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“ Montmartre, c’est tout à la fois le ciel et l’enfer. ” Voix du narrateur, Bob le flambeur de Jean-Pierre Melville
[pages précédentes] Boulevard, Julien Duvivier, 1960 Jean-Pierre Léaud et Monique Brienne, photographie, DR. © Orex Films, Fondation Jérôme Seydoux-Pathé
1 Plus de deux cents films ont pour sujet, argument de scénario et/ou comme « décor-acteur », Montmartre. Tous les titres ne pourront être traités ici. 2 Incomplet aujourd’hui. 3 Autre exemple : d’un titre aussi racoleur que Nuits de Pigalle (Georges Jaffé, 1958) ressort un film inepte.
« Non ! Pas à Montmartre ! » rétorque Poiccard (Jean-Paul Belmondo) dans À bout de souffle (Jean-Luc Godard, 1960), comme pour se protéger de l’attrait irrésistible qu’exerce la Butte. Car celle-ci est aguicheuse et séductrice et les artistes comme les cinéastes se sont laissé envelopper par cet air si particulier où se côtoient pègre et beau monde, absinthe et piquette, dentelles et linge sale, pinceaux et surins. Les « noces » de Montmartre avec le 7e art remontent à ses origines. Un Cinématographe Lumière avait trouvé place dans les magasins Dufayel dès 1896, quelques mois après la première projection publique et payante des frères Lumière. Puis les salles de projection se sont installées naturellement le long des Boulevards parmi les lieux de plaisir. Mais le cinéma narratif ayant besoin d’histoires, c’est l’atmosphère de la Butte avec tous ses imaginaires romanesques, irréels, extravagants qui s’est vite imposée aux gens de cinéma. Chacun interprète alors ces lieux selon sa propre vision, créativité, voire fantaisie : les Américains ne regardent pas Montmartre comme Truffaut. Mieux, le climat montmartrois peut être traduit sans qu’un objectif de caméra vienne sur place ! Inversement, tourner dans les rues du quartier n’implique pas un « jeu » de celui-ci : le décor reste anonyme. Nous retiendrons ici les films 1 qui ont su faire de la Butte leur muse, qui l’ont prise pour ce qu’elle est réellement, les films qui ont su l’intégrer et qui, de ce fait, lui ont donné une dimension dramatique, lui ont fait tenir un rôle, aussi minime soit-il. Mais parfois le nom de Montmartre (et de Pigalle) se suffit à lui-même pour stimuler dans l’imaginaire du futur spectateur des sentiments et émotions, des situations dramatiques et cocasses, sinon les fantasmes les plus canailles. Ce nom garantit en quelque sorte une origine, une qualité, une « marque ». Deux exemples : Ernst Lubitsch signe en 1922 Die Flamme, film muet inspiré de Maupassant qui devient simplement Montmartre 2 ; et Zig-Zig (László Szabó, 1975) n’évoque rien pour un Italien, sauf à le traduire en Due Prostitute a Pigalle 3. Mais la dénomination Montmartre trompe le spectateur quand elle fait entendre qu’action et personnages sont montmartrois. Le très beau film La Maternelle (Jean Benoit-Levy et Marie Epstein, 1932) est traduit par Children of Montmartre pour sa distribution internationale. Rien n’indique, par les images et les dialogues, que cette maternelle est à Montmartre, sauf à considérer que ces gamins sont des petits poulbots et la mère La Fête à Henriette, Julien Duvivier, 1952 volage de la petite Marie, une prostituée. Alors, comPhotographie, DR, 23,7 × 18,1 cm. ment s’énoncent les enjeux du décor montmartrois ? Collection Christophe Goeury
DÉCOR ET AIR DE MONTMARTRE, DE MARCEL CARNÉ À FR ANÇOIS TRUFFAUT Antoine de Baecque
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[pages précédentes] L’Air de Paris, Marcel Carné, 1954 Jean Gabin et Roland Lesaffre, photographie, DR, 23,5 × 30 cm. Archives Le Vieux Montmartre
Pour Juliette ou la Clef des songes (1950), Marcel Carné et son équipe s’installent plusieurs jours à Montmartre, dans l’escalier qui jouxte le restaurant Chez Manière, au 65 de la rue Caulaincourt, pour tourner une grande scène parisienne, sans doute, mais il ne le sait pas encore, la dernière de sa carrière, pourvue de cette ambition et de cette ampleur. Les techniciens, autour de Carné, de ses assistants Patrice Dally et Michel Romanoff, de son chef opérateur, Henri Alekan, et de son décorateur, Alexandre Trauner, se réunissent pour travailler dans la salle de billard, au fond du restaurant, tandis que Gérard Philipe loge un peu plus haut, dans un petit hôtel de la Butte, descendant tous les jours l’escalier avant d’y jouer. À l’écran, le rendu est parfait : Carné, pour une scène et pour une fois, n’a pas souhaité reconstituer le décor en studio, mais il accomplit la prouesse qu’il recherchait, transformant la rue en décor de studio, bouclant le cycle décoratif ouvert une vingtaine d’années auparavant. En novembre 1933, dans Cinémagazine, il exhortait sa génération : « Quand le cinéma descendra-t-il dans la rue ? » La rue, il l’a reconstituée par le décor via le passage par le studio, où il a enfermé son cinéma dans les immenses plateaux conçus par Alexandre Trauner pour Hôtel du Nord, Le jour se lève, Les Enfants du paradis, Les Portes de la nuit, et il y descend enfin, par le grand escalier de Caulaincourt, une fois le savoir-faire décoratif lui permettant de fixer le Montmartre réel dans l’imagerie pittoresque recherchée. Ce n’est pas la première fois que Carné fige ainsi la représentation de Montmartre : des scènes des Enfants du paradis ont été tournées rue Francœur, dans les anciens studios Pathé Cinéma (occupés désormais par la Fémis) et l’immense décor de Barbès des Portes de la nuit a été construit à Joinville. Et ce n’est pas tout à fait la dernière : dans L’Air de Paris (1954), la salle de boxe de Jean Gabin et Roland Lesaffre a été reconstituée en studio, puisqu’il était impossible d’immobiliser pendant les trois semaines de tournage la vraie salle montmartroise de Roger Michelot ; et dans Les Tricheurs, on retrouve Roland Lesaffre en garagiste montmartrois dans son établissement de la rue Caulaincourt. Marcel Carné est lui-même un Montmartrois d’adoption, et ce n’est donc pas par indifférence, voire cynisme, qu’il a ainsi figé la Butte. Il s’agissait plutôt d’un hommage par sublimation. Né aux Batignolles, le cinéaste a vécu vingt ans au 55 de la rue Caulaincourt, dans l’immeuble de fond de cour, en face de Jacques Viot, l’un de ses scénaristes, non loin de Pierre Mac Orlan, l’auteur du Quai des Brumes, de Jean Cocteau et d’Édith Piaf… Devant Juliette ou la Clef des songes, la critique fait cependant grise mine, sans doute parce qu’elle est lassée par cette imaTournage des Enfants du gerie montmartroise de convention, soulignée paradis, Studios Pathé de jusqu’au cliché par le personnage fil rouge de la rue Francœur, 1943-1944 Photographie, DR, Fondation l’intrigue, un accordéoniste, interprété par Yves Jérôme Seydoux-Pathé, Société Robert, qui ne cesse de jouer tout en bonimentant Nouvelle Pathé Cinéma
ALLEN, LUHRMANN, KLAPISCH, GONDRY ET JEUNET : MONTMARTRE AU CŒUR DU CINÉMA CONTEMPOR AIN Saskia Ooms
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“ Rien n’est plus beau que Paris, sinon le souvenir de Paris.” Chris Marker
[pages précédentes] Paris, Cédric Klapisch, 2008 Romain Duris, photographie. © 2008, Ce qui me meut/David Koskas
1 Jean-Yves de Lépinay, « Paris au cinéma ou Everyone says I love you », Urbanisme, janv.-fév. 2003, p. 66-67. 2 Laurent Dandrieu, Woody Allen, Portrait d’un antimoderne, 2010, CNRS Éditions, Paris, p. 427-428. 3 Jean-Michel Frodon, Conversation avec Woody Allen, 2000, Plon, Paris, p. 119.
Paris est l’une des villes les plus filmées au monde et de la façon la plus diverse. Elle a été imaginée, rêvée, transformée, mythifiée par les cinéastes de fiction du monde entier. C’est assurément pour le désir qu’elle inspire que Paris est la ville la plus représentée au cinéma, celle dont il suffit de prononcer le nom pour évoquer tout un univers de fantasme, de légèreté et de bonheur 1. Indémodable, Paris offre un cadre exceptionnel qui se prête à merveille au 7e art, indéfectiblement lié à la Ville lumière à laquelle il voue une fascination qui ne s’est jamais affaiblie. Les cinéastes contemporains, à leur tour épris de ses toits, ses immeubles bourgeois et ses ruelles chargées d’histoire, ne manquent pas de braquer les feux de leurs projecteurs sur Montmartre, le quartier sans doute le plus emblématique de la capitale. Réalisateurs étrangers ou français, tous à leur façon éclairent la Butte, subjugués par le charme irradiant de la blancheur du Sacré-Cœur, du granit des escaliers, du Moulin Rouge ou de la place du Tertre hantée par ses artistes peintres. Nous analysons ici comment Montmartre est mis en images par des cinéastes aux regards aussi différents qu’Allen, Luhrmann, Klapisch, Gondry et Jeunet. L’amour pour Paris et Montmartre du réalisateur américain Woody Allen n’est un secret pour personne. Dès le début de sa carrière, il a filmé Paris pour Love and Death en 1975. Vingt ans plus tard, en 1995, il a l’idée de tourner une comédie musicale, dont une grande partie doit se dérouler dans la capitale, comme un hommage au film Un Américain à Paris de Vincente Minnelli, mais aussi parce qu’il commence à considérer Paris comme sa ville. Il la fréquente depuis des années et y poser sa caméra ne change pas vraiment ses habitudes. C’était d’ailleurs une idée qu’il avait déjà en tête en tournant Annie Hall. Parallèlement à l’œuvre de Minnelli, il se réfère aux films de Jacques Demy, Les Parapluies de Cherbourg et Les Demoiselles de Rochefort 2. Il prévoit ainsi que les acteurs chantent eux-mêmes, sans les prévenir lors du casting afin d’obtenir un effet naturel. La plupart des numéros musicaux ont été tournés en une seule prise et montés tels quels, de façon à ce qu’ils ne soient pas hachés par le montage, qui aurait pu détruire le mouvement et l’atmosphère. Même si Le Fabuleux Destin le film est tourné en Europe, c’est peut-être le moins d’Amélie Poulain, Jean-Pierre Jeunet, 2001 européen de Woody Allen. « Pour la comédie musiAffiche, 160 × 120 cm. 3 cale », dit-il, « les Américains sont sans rivaux. » Collection Jean-Pierre Jeunet
ANNEXES
Boulevard, Julien Duvivier, 1960 Jean-Pierre Léaud et Monique Brienne, photographie, DR. © Orex Films, Fondation Jérôme Seydoux-Pathé
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LISTE DES FILMS PAR LIEU DE TOURNAGE LE MOULIN ROUGE An American in Paris (titre original) / Un Américain à Paris, Vincente Minnelli, 1951 (prod. Arthur Freed), Warner Bros Moulin Rouge, John Huston, 1952 (prod. John Huston), Itv French Cancan, Jean Renoir, 1955 (prod. Gaumont [France], Jolly Film [Italie]) Can-Can, Walter Lang, 1960 (prod. Jack Cummings, Saul Chaplin) Moulin Rouge! (titre original) /Moulin Rouge, Baz Luhrmann, 2001 (prod. Baz Luhrmann, Martin Brown, Fred Baron), 20th Century Fox Paris, Cédric Klapisch, 2006 (prod. Bruno Lévy)/Ce qui me meut BARBÈS Les Portes de la nuit (titre original) / Gates of the Night, Marcel Carné, 1946 (prod. Pathé Cinéma) Dupont Barbès, Henri Lepage, 1951 (prod. Gaumont) Les Ripoux (titre original) / My New Partner, Claude Zidi, 1984 (prod. Les Films 7) PIGALLE Minuit, place Pigalle (titre original) / Midnight, Place Pigalle, Roger Richebé, 1934 (prod. Société parisienne du film parlant) Pigalle St-Germain-des-Prés, André Berthomieu, 1950 (prod. Hoche Productions [Paris] et Ray Ventura) M’sieur la Caille (titre original) / No Morals, André Pergament, 1955 (prod. Société parisienne de l’industrie cinématographique, Paris-Nice Productions, Société parisienne d’études cinématographiques, et Jacques Santu), Eurociné Miss Pigalle, Maurice Cam, 1957 (prod. Gimeno-Phillips Films) Le Signe du lion (titre original) / The Sign of Leo, Éric Rohmer, 1959 (prod. Ajym Films et Claude Chabrol) Boulevard, Julien Duvivier, 1960 (prod. Orex Films et Lucien Viard) Zig-Zig, László Szabó, 1975 (prod. Renn Productions [Paris], FRAL Cinematografica [Roma], les Films de la Citrouille et Claude Berri) Pigalle, Karim Dridi, 1994 (prod. Première-Heure [Saint-Cloud], UGC, Delfilm, FCC [Paris])
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LE SACRÉ-CŒUR L’Attrait de Paris, Gérard Bourgeois, 1912 (prod. Pathé Frères), Gaumont Pathé Archives La Chienne, Jean Renoir, 1931 (prod. Pierre Braunberger et Les Établissements Braunberger-Richebé) Antoine et Antoinette (titre original) /Antoine and Antoinette, Jacques Becker, 1947 (prod. Gaumont) La Fête à Henriette (titre original) / Holiday for Henrietta, Julien Duvivier, 1952 (prod. Arys Nissotti, Pierre O’Connell, Regina Films [Paris] et Filmonosor) Marguerite de la nuit (titre original) / Marguerite of the Night, Claude Autant-Lara, 1955 (prod. Gaumont [France], Cino del Duca Spa [Italie]) Casino de Paris, André Hunebelle, 1957 (prod. André Hunebelle, Production artistique et cinématographique [PAC], Critérion Films [Paris], Pathé Cinéma, Société nouvelle Pathé Cinéma, Bavaria Film GmbH [Munchen Geiselgasteig], [Eichberg-Film GmbH Berlin], Elan Film [Paris], Rizzoli Film [Roma]) The Young Lions (titre original) / Le Bal des maudits, Edward Dmytryk, 1958 (prod. Al Lichtman) Les Quatre Cents Coups (titre original) / The 400 Blows, François Truffaut, 1958 (prod. Les Films du Carrosse [Paris], Société d’exploitation et de distribution de films [Paris] et François Truffaut), MK2 Everyone Says I Love You (titre original) / Tout le monde dit I love you, Woody Allen, 1996 (prod. Robert Greenhut, Sweetland Films, Jean Doumanian Productions) La Rafle (titre original) / The Round Up, Rose Bosch, 2010 (prod. Gaumont, Mitzé Films, Alva Films, TF1 Films Production, France 3 Cinéma [France], EOS Entertainment [Allemagne], Eurofilm Bis [Hongrie]) LES ESCALIERS Montmartre sur Seine, Georges Lacombe, 1941 (prod. SUF, Société universelle de films) Juliette ou la Clef des songes (titre original) / Juliette, or Key of Dreams, Marcel Carné, 1950 (prod. Les Films Sacha Gordine et Sacha Gordine), Impex Films L’Impossible M. Pipelet (titre original) / The Impossible Mr. Pipelet, André Hunebelle, 1955 (prod. PAC, Production artistique et cinématographique, Pathé Cinéma, Société nouvelle Pathé Cinéma, et André Hunebelle) C’était un rendez-vous, Claude Lelouch, 1976 (prod. Claude Lelouch, France), Les Films 13 L’Animal (titre original) / Animal, Claude Zidi, 1977 (prod. Les Films Christian Fechner)
AVENUE JUNOT CIMETIÈRE DE MONTMARTRE
L’Amour en fuite (titre original) / Love on the Run, François Truffaut, 1978 Les Souvenirs (titre original) / Memories, Jean-Paul Rouve, 2014
L’assassin habite au 21 (titre original) / The Murderer Lives at Number 21, Henri-Georges Clouzot, 1942 Baisers volés (titre original) / Stolen Kisses, François Truffaut, 1968
LE LAPIN AGILE
Allo Berlin ? Ici Paris ! (titre Here’s Berlin, Julien Duviv
RUE SAINT-VINCENT
L’Homme à l’imperméable (titre original) / The Man in the Raincoat, Julien Duvivier, 1956
RUE LEPIC
Le Rembrandt de la rue Lepic, Jean Durand, 1910 Peau de pêche, Jean Benoit-Levy, Marie Epstein, 1928 La Traversée de Paris, Claude Autant-Lara, 1957
LE MUSÉE DE MONTMARTRE
Midnight in Paris (titre original) / Minuit à Paris, Woody Allen, 2010
LE MOULIN ROUGE
PLACE DU TERTRE ET SES ALENTOURS (ATELIER)
An American in Paris, Vincente Minnelli, 1951 French Cancan, Jean Renoir, 1955 Can-Can, Walter Lang, 1960 Moulin Rouge, John Huston, 1952 Moulin Rouge!, Baz Luhrmann, 2001 Paris, Cédric Klapisch, 2006
Si Paris nous était conté (titre original) / If Paris Were Told to Us, Sacha Guitry, 1955
PIGALLE
Minuit, place Pigalle, Roger Richebé, 1934 Pigalle St-Germain-des-Prés, André Berthomieu, 1950 M’sieur la Caille, André Pergament, 1955 Miss Pigalle, Maurice Cam, 1957 Le Signe du lion, Éric Rohmer, 1959 Boulevard, Julien Duvivier, 1960 Zig-Zig, László Szabó, 1975 Pigalle, Karim Dridi, 1994
RUE FRANCŒUR
Les Enfants du paradis (titre original) / Children of Paradise, Marcel Carné, 1945
original) / vier, 1932
LE SACRÉ-CŒUR
L’Attrait de Paris, Gérard Bourgeois, 1912 La Chienne, Jean Renoir, 1931 Antoine et Antoinette, Jacques Becker, 1947 La Fête à Henriette, Julien Duvivier, 1952 Marguerite de la nuit, Claude Autant-Lara, 1955 Casino de Paris, André Hunebelle, 1957 The Young Lions (titre original) / Le Bal des maudits, Edward Dmytryk, 1958 Les Quatre Cents Coups, François Truffaut, 1958 Everyone Says I Love You, Woody Allen, 1996 La Rafle, Rose Bosch, 2010 Le Fabuleux Destin d’Amélie Poulain (titre original) / Amélie, Jean-Pierre Jeunet, 2001
RUE LABAT
La Sciences des rêves (titre original) / The Science of Sleep, Michel Gondry, 2006
BARBÈS
Les Portes de la nuit, Marcel Carné, 1946 Dupont Barbès, Henri Lepage, 1951 Les Ripoux, Claude Zidi, 1984
LES ESCALIERS
Montmartre sur Seine, Georges Lacombe, 1941 Juliette ou la Clef des songes, Marcel Carné, 1950 L’Impossible M. Pipelet, André Hunebelle, 1955 C’était un rendez-vous, Claude Lelouch, 1976 L’Animal, Claude Zidi, 1977
CRÉDITS PHOTOGR APHIQUES © Archives Le Vieux Montmartre : p. 10, p. 11, p. 13, p. 14, p. 15, p. 17, p. 18, p. 19, p. 23, p. 24, p. 25, p. 26, Maurice Chabas p. 27, p. 29, p. 36, p. 37, p. 48, p. 49, p. 50, p. 51, p. 79, p. 86-87, p. 88-89, p. 100, p. 104-105, p. 158-159. Serge Beauvarlet : p. 30-31, p. 32, p. 33, p. 34, p. 35, p. 38, p. 39, p. 40, p. 41, p. 42, p. 43, p. 44, p. 45, p. 46, p. 47, p. 52-53, p. 78-79. © Anne Seibel : p. 132-133. © Bruno Calvo : p. 146-147, p. 150-151, 4 e de couverture. Collection La Cinémathèque française : p. 71, p. 72, p. 73, p. 75, p. 77, p. 80, p. 81, p. 82-83, p. 85, p. 93, p. 99, p. 101, p. 102, p. 103, Roger Forester p. 111, p. 112-113, p. 115, p. 116-117, p. 118-119, Dominique Le Rigoleur p. 120-121, p. 123, p. 125, p. 134, p. 135. © Collection Jean-Pierre Ducatez : p. 108, p. 109. © Collection Jean-Pierre Jeunet : p. 129, p. 136-137, p. 139, p. 140-141, p. 142-143, p. 144-145, p. 146, p. 148-149. © Ce qui me meut/David Koskas : p. 126-127. © Fondation Jérôme Seydoux-Pathé : p. 7, G. Lebon p. 21, p. 55, p. 60, p. 61, p. 66, p. 68, p. 90-91, Raymond Voinquel p. 92-93, p. 96-97, p. 107, p. 152-153, couverture. © Christophe Goeury : p. 58, p. 59, p. 63, p. 64, p. 67. © Musée Gaumont : p. 57. © Émile Savitry, courtesy Sophie Malexis, Francis Dupont : p. 94-95. © Studiocanal : p. 76.
La photogravure a été réalisée par Quat’Coul, Toulouse. Cet ouvrage a été achevé d’imprimer sur les presses de Leporello (Union européenne) en mars 2017.