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Directeur éditorial : Nicolas Neumann Responsable éditoriale : Stéphanie Méséguer Suivi éditorial : Lore Gauterie Conception graphique : Nelly Riedel Contribution éditoriale : Renaud Bezombes et Françoise Cordaro Fabrication : Béatrice Bourgerie et Mélanie Le Gros
ISBN 978-2-7572-1269-1 Dépôt légal : octobre 2017 Imprimé en Union européenne
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Nous tenons à remercier le maire de Lyon, Georges Képénékian, l’adjoint à la Culture, Loïc Graber, ainsi que le directeur général des services de la Ville de Lyon, Claude Soubeyran de Saint-Prix, et le directeur général adjoint à la Culture, Xavier Fourneyron. Que les mécènes qui, par leur engagement, ont permis la réalisation de cet ouvrage, trouvent ici l’expression de notre profonde reconnaissance : à l’initiative de Thierry Lévêque, président de la Fondation de l’Olivier, Jean-Marie Chanon, Gérard Espesson (Via-Juris), PierreMichel Monneret (RSM France), Dominique Prud’hon (Archipolis), Éric Stiel (P.R.I.S.M.E.), Sylvain Ruggiu. À Catherine Chevillot, qui a initié ce projet, ainsi qu’à Claire Barbillon, qui en a rejoint la direction scientifique, nous souhaitons témoigner notre très sincère gratitude, de même qu’à l’ensemble des auteurs qui ont accepté de s’associer à ce catalogue, pour cette riche collaboration. Cet ouvrage a été réalisé avec le concours d’Isabelle Dubois-Brinkmann, conservatrice en charge des peintures et sculptures anciennes au musée des Beaux-Arts de Lyon de 2005 à 2010, qui en a débuté la préparation. Il a également bénéficié du précieux appui de Cécile Bertran, d’Anne-Charlotte Cathelineau, dans le cadre de stages de l’Institut national du patrimoine, de Camille Lévêque-Claudet et d’Élodie Mercier-Perrault. Nous assurons chacun d’eux de nos plus amicaux remerciements. Ce catalogue n’aurait pu être mené à bien sans l’indispensable soutien quotidien de l’équipe de la bibliothèque et de la documentation du musée des Beaux-Arts à laquelle nous souhaitons rendre hommage : Laurence Berthon, Gérard Bruyère, Dominique Dumas, Ewa Penot, ainsi que Géraldine Heinis. Nous associons à ces remerciements les services de documentation du musée d’Orsay et du département des Sculptures du musée du Louvre, tout particulièrement Nadège Horner et Béatrice Tupinier-Barrillon pour leur si utile assistance. Henrique Simoes et Alain Basset ont accompli avec brio l’immense tâche que constituait la couverture photographique de l’ensemble de la collection, poursuivant le travail débuté par Rébecca Duffeix, avec l’assistance d’Armelle Bonneau-Alix. Nous leur en sommes très reconnaissants et nous remercions également les services images des différentes institutions sollicitées. Cette entreprise, initiée en 2005, a été conduite sur un temps long nécessité par l’ampleur de la collection et du travail scientifique. Celle-ci a mobilisé l’ensemble des personnels du musée des Beaux-Arts, plus particulièrement Patricia Viscardi, secrétaire générale, Salima Hellal, conservatrice chargée des objets d’art, François Planet, responsable du médaillier, Sophie Leconte, assistée d’Armelle Bonneau-Alix, avec le concours d’Anouck Luquet, Élodie Mercier-Perrault et Marie Nérot, pour la régie des œuvres, Christian Dufournel et l’équipe de l’atelier du musée, Agnès Cipriani, Isabelle Duflos, Agathe Lagauche et Claire Moret pour le
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développement, Violaine Doucerain-Thiébaud, Aurélie Galas-Sauthier, Heidi Galut, Carole Jambe, Régine Malaghrakis, Marie Vicente, Virginie Vuillet pour le service administratif, Stéphane Bayeul, ainsi que Jocelyne Reynaud et les agents du service gestion technique du bâtiment. La préparation de ce catalogue s’est également accompagnée d’un important programme d’études et de restaurations sur les œuvres de la collection, dont nous remercions l’ensemble des intervenants : Laurence Chicoineau, Emmanuel Desroches, Pascale Klein, Lionel Lefèvre, Florence Lelong, Violaine Pillard, Jennifer Vatelot. Nous souhaitons remercier particulièrement l’équipe dédiée à ce projet aux éditions Somogy : Nicolas Neumann, Véronique Balmelle, Lore Gauterie, Nelly Riedel, Renaud Bezombes, Françoise Cordaro, Flore Langlade, Béatrice Bourgerie et Mélanie Le Gros. Nous souhaitons encore remercier toutes celles et tous ceux qui, à des titres divers, nous ont apporté leur aide : Clémence Alexandre, l’association des Amis de Saint-Martin d’Ainay, Victoire Autajon, Géraldine Banik, Jean-Sébastien Baschet, Véronique Belle, Maël Bellec, Domitille Beretta, Gilles Bernasconi, François Blanchetière, Jean-Luc Bouchier, Brigitte Bouret, Émilie Bronner, Jonas Burvall, Aline Carpené, Bruno Cartier, Noëlle Chiron-Dorey, Hélène Chivaley, Liliane Colas, Isabelle Collon, François Coulon, Anna Czarnocka, Élodie Dartois, Catherine Dormont, Michaël Douvegheant, Rébecca Duffeix, Marie-Claude Dumont, Céline Eyraud, Marion Falaise, Gilles Faure, Stéphanie Fletcher, Isabelle Gignoux, Afsaneh Girardot, Cécile Gotterand, Marc Goutierre, Étienne Grafe, Mohamed Graine, Gloria Groom, Christophe Guérard, Julien Guillot, Xavier-Philippe Guiochon, Nicole HebertGros, Sonia Héllégouarch, Nathalie Houzé, Muriel Jacq-Semat, Pierrick Jan, Claudette Joannis, Anette Kruszynski, Adam Kulewicz, Alain Lacombe, Céline Laforest, Perrine Latrive, Morgane Lecareux, Éva Le Leuch, Laure de Margerie, Anne-Catherine Marin, Brigitte Massé, Audrey Mathieu, Véronique MorénoLourtau, Myriam Morlion, Claire Muchir, Astrid Nielsen, Camille Orensanz, Guillaume Peigné, Virginie Perdrisot, Françoise Perrotey, Gladys Pilastrini, Sergueï Piotrovitch d’Orlik, la compagnie Pockemon Crew, Renate Poggendorf, Corinne Poirieux, Marguerite Préau-Sido, Stefan Püngel, Manuelle-Anne Renault-Langlois, Éric Rocher, Nerina Santorius, Brigitte Sanvoisin, Dominique Sauvegrain, Danièle Sessiecq, Amélie Simier, Brigitte et Richard Sinding, Jérôme Sirdey, Emmanuella Stauron, Pascale Steimetz-Le Cacheux, Jean-Christophe Stuccilli, Céline Thomas-Chaffange, Isabelle Toromanof, Frédéric Tuderot, Arnaud Vaillant, Pierre Vallet, Daniel F. Valot, André Vessot, Florence Vidonne, Élise Voisin, Tristan Vuillet, Jan Egil Woll. Nous témoignons enfin notre reconnaissance aux stagiaires qui nous ont apporté leur assistance dans la préparation de ce catalogue : Apolline Beaufils, Naomi Bisping, Julie Hugues, Céline Kamand, Héloïse Labaty, Pauline Rates.
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Édition Musée des Beaux-Arts de Lyon Catalogue sous la direction scientifique de Claire Barbillon, professeur d’histoire de l’art contemporain, université de Poitiers, École du Louvre Catherine Chevillot, conservatrice générale du patrimoine, directrice du musée Rodin Stéphane Paccoud, conservateur en chef du patrimoine, chargé des peintures et sculptures du XIXe siècle, musée des Beaux-Arts de Lyon Ludmila Virassamynaïken, conservatrice du patrimoine, chargée des peintures et sculptures anciennes, musée des Beaux-Arts de Lyon
Véronique Gautherin Adjointe à la directrice du musée Zadkine, responsable des collections
Ouvrage réalisé sous la direction de Somogy éditions d’art
Nadège Horner Chargée d’études documentaires, chargée des sculptures, musée d’Orsay
Directeur éditorial : Nicolas Neumann
Ingrid Junillon Directrice du service expositions, musée Fabre, Montpellier
Coéditions et développement : Véronique Balmelle
Élisabeth Lebon Historienne de l’art
Responsable éditoriale : Stéphanie Méséguer
Colin Lemoine Responsable des sculptures, musée Bourdelle
Suivi éditorial : Lore Gauterie
Direction du musée Sylvie Ramond
Antoinette Le Normand-Romain Conservatrice générale honoraire du patrimoine
Service images Henrique Simoes
Anne Longuet Marx Maître de conférences en lettres modernes, université Paris 13
Auteurs : Claire Barbillon Professeur d’histoire de l’art contemporain, université de Poitiers, École du Louvre Laurent Baridon Professeur d’histoire de l’art contemporain, université Lumière Lyon 2 Geneviève Bresc-Bautier Conservatrice générale honoraire du patrimoine au musée du Louvre, directrice honoraire du département des Sculptures Christian Briend Conservateur général du patrimoine, chef du service des collections modernes, Musée national d’art moderne, Centre Georges Pompidou Gérard Bruyère Documentaliste, musée des Beaux-Arts de Lyon Cécilie Champy-Vinas Conservatrice du patrimoine, chargée des sculptures, Petit Palais-musée des Beaux-Arts de la Ville de Paris Frédéric Chappey Maître de conférences en histoire de l’art contemporain, université Lille 3 Catherine Chevillot Conservatrice générale du patrimoine, directrice du musée Rodin Xavier Deryng Maître de conférences en histoire de l’art contemporain, université Rennes 2 Stéphanie Deschamps-Tan Conservatrice du patrimoine, département des Sculptures, musée du Louvre Sabrina Dubbeld Docteur en histoire de l’art contemporain Philippe Dufieux Professeur, École nationale supérieure d’architecture de Lyon Philippe Durey Conservateur général du patrimoine, directeur de l’École du Louvre
Laure de Margerie Directrice du Répertoire de sculpture française, The University of Texas, Dallas
Conception graphique : Nelly Riedel Contribution éditoriale : Renaud Bezombes et Françoise Cordaro
Valérie Montalbetti Conservatrice des collections, Fondation de Coubertin, Saint-Rémy-lès-Chevreuse
Index des noms propres : Flore Langlade
Stéphane Paccoud Conservateur en chef du patrimoine, chargé des peintures et sculptures du XIXe siècle, musée des Beaux-Arts de Lyon
Fabrication : Béatrice Bourgerie et Mélanie Le Gros
Édouard Papet Conservateur général du patrimoine, chargé des sculptures, musée d’Orsay Sophie Picot-Bocquillon Documentaliste, section histoire du Louvre, musée du Louvre Anne Pingeot Conservatrice générale honoraire du patrimoine Sylvie Ramond Conservatrice en chef du patrimoine, directrice du musée des Beaux-Arts de Lyon, professeur associé à l’École normale supérieure de Lyon Isabelle Saint-Martin Directrice de l’Institut européen en sciences des religions, École pratique des hautes études Guilhem Scherf Conservateur général du patrimoine au département des Sculptures du musée du Louvre Anne Théry Doctorante-contractuelle en histoire de l’art contemporain, université Paris Nanterre Béatrice Tupinier-Barrillon Documentaliste, département des Sculptures, musée du Louvre Ludmila Virassamynaïken Conservatrice du patrimoine, chargée des peintures et sculptures anciennes, musée des Beaux-Arts de Lyon
Ophélie Ferlier-Bouat Conservatrice du patrimoine, chargée des sculptures, musée d’Orsay
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Avant-propos SYLVIE RAMOND
Le musée des Beaux-Arts de Lyon a commencé à mettre en œuvre une politique de publication systématique de pans entiers de ses collections, qui se distinguent à la fois par leur dimension encyclopédique et par leur enracinement local. Depuis 2014, un groupe de mécènes s’est constitué pour permettre la réalisation de tels ouvrages, véritables miroirs de notre musée. Leur présence fidèle à nos côtés donne un sens plus fort encore à cette transmission. En témoigne le catalogue raisonné des peintures françaises du XVe au XVIIIe siècle déjà paru, mais aussi dorénavant ce catalogue des sculptures des XVIIe, XVIIIe, XIX e et XX e siècles, rassemblant plus de huit cents œuvres, qui furent versées à l’inventaire du musée depuis le début du XIXe siècle. Fruit de la collaboration entre responsables de collections publiques, universitaires et historiens d’art, il a pour ambition de rendre compte de l’éminente richesse de ce fonds, que l’on peut considérer comme le premier en région, ainsi que de révéler des personnalités méconnues, souvent d’origine lyonnaise. Dans cette perspective, un important travail scientifique, comprenant le dépouillement systématique des archives du musée, ainsi qu’une campagne photographique et de nombreuses restaurations, ont été entrepris au cours des dernières années, en parallèle à la préparation de cet ouvrage. La sculpture est certes brillamment représentée au musée des Beaux-Arts de Lyon pour les périodes antique, médiévale et Renaissance, cependant le choix a été fait de privilégier les quatre siècles venant de s’écouler. De fait, il se dégage de ce fonds et de la publication afférente une véritable unité, puisque ce sont, à de rares exceptions près, des œuvres françaises qui le constituent, Paris et Lyon étant les deux pôles aimantant les artistes concernés. En préambule à l’évocation des œuvres mêmes, sept études introductives visent à les replacer dans les différents contextes de l’histoire de la collection à laquelle elles appartiennent et de leur présentation au musée, du décor sculpté du bâtiment du musée et enfin de l’art tel qu’il s’est épanoui à Lyon au fil des quatre derniers siècles. Un premier essai rend ainsi compte de la politique et des modalités qui ont présidé à la constitution de ce fonds au cours des deux siècles écoulés, un second portant plus précisément sur l’histoire tumultueuse des dépôts de l’État au musée de Lyon. Leur succèdent deux textes traitant pour l’un du décor intérieur du palais Saint-Pierre tel qu’il fut sculpté à la fin du XVIIe siècle, au moment de la reconstruction de l’abbaye
abritant de nos jours le musée, tandis que l’autre a trait au décor du cloître conçu au XIXe siècle. Pour terminer, trois synthèses permettent d’envisager le foyer de création lyonnais, en se penchant tour à tour sur le décor sculpté monumental du XVIIe au début du XXe siècle, sur les monuments publics créés aux XIXe et XXe siècles, ainsi que sur la sculpture religieuse du XIXe siècle. Une sélection des sculptures les plus emblématiques fait ensuite l’objet de commentaires au travers de notices regroupées par périodes, introduites à chaque fois par un texte synthétique valorisant les points forts de ces différents ensembles. Il apparaît qu’à chacune des époques envisagées, la collection du musée des Beaux-Arts s’appuie aussi bien sur les grands noms de la sculpture française, que sur des personnalités originales issues du milieu lyonnais. Les XVIIe et XVIIIe siècles sont ainsi représentés par des œuvres de Parisiens de renom tels que Jean Antoine Houdon, Étienne Maurice Falconet, Jean-Baptiste Lemoyne et Augustin Pajou, mais aussi de personnalités lyonnaises gagnant à être davantage connues telles que Jacques Mimerel, Marc Chabry, Joseph Chinard et Clément Jayet, que ce catalogue entend mettre en lumière. Ces œuvres lyonnaises méritent d’autant plus d’être publiées qu’elles sont extrêmement rares, bien que l’art de la sculpture ait connu un formidable essor dans cette ville au cours de ces deux siècles, grâce à des chantiers tels que ceux de l’Hôtel de Ville, du palais Saint-Pierre, de la place Royale, de l’HôtelDieu et d’églises au décor somptueux telles que SaintBruno-des-Chartreux. La situation géographique de la ville, sur un axe reliant Paris à Rome, favorisa la connaissance des avant-gardes ayant cours sur ces deux scènes majeures, tandis qu’un cercle d’amateurs et de collectionneurs éclairés permit au XVIIIe siècle la création d’une école de dessin et stimula de jeunes sculpteurs tels que Chinard, Julien ou Poncet. Particulièrement développé, le fonds de sculptures du XIXe siècle illustre tous les grands courants, du néoclassicisme au symbolisme. Il s’appuie sur une politique d’acquisition volontariste menée dès la création du musée et soutenue par les envois réguliers de l’État, visant à offrir aux visiteurs le meilleur de la création contemporaine et tout spécialement lyonnaise. Les artistes originaires de la ville occupent en effet une large place dans cet ensemble et le musée s’affirme comme l’institution de référence pour l’étude de l’œuvre de Chinard déjà évoqué plus haut, mais aussi de Clémence Sophie de Sermézy, de Jean François Legendre-Héral, de Denis Foyatier,
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Fig. 1 Vue de la collection de sculptures présentée dans la chapelle
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Fig. 2 Vue de la collection de peintures et de sculptures présentée dans le Salon des fleurs, au second étage du musée
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de Jean Marie Bonnassieux, de Joseph Fabisch. De même que pour les collections de peinture, ces créations locales voisinent avec des chefs-d’œuvre des grandes figures de la scène artistique nationale de leur temps. Le romantisme constitue assurément l’un des points forts, autour de créations majeures d’Antoine Étex, Francisque Duret, James Pradier et Antoine Louis Barye. La tradition classique est évoquée par de grands marbres et plâtres, comme ceux d’Eugène Guillaume, d’Ernest Barrias, d’Émile Joseph Carlier ou de Laurent Marqueste. La fin du siècle s’illustre par le plus important ensemble d’œuvres d’Auguste Rodin présent dans les collections publiques françaises hors de Paris, constitué pour l’essentiel du vivant même du maître par des achats auprès de lui ou des dons de sa part, grâce à l’action de la commission du musée dans les premières années du XXe siècle. Ainsi, celui-ci revêt une véritable importance historique en comportant des fontes originales et des pièces uniques. Le symbolisme enfin s’impose à travers la figure si originale de Jean Carriès, originaire de Lyon, qui irrigue un groupe de sculptures récemment complété par le dépôt par la Bibliothèque polonaise de Paris de quatre plâtres de Bolesław Biegas. Le XXe siècle offre un panorama profondément varié. Il s’ouvre avec la génération qui succède à Rodin, formée dans son atelier et qui cherche à s’émanciper de cette influence pour ouvrir de nouvelles voies : Antoine Bourdelle, Aristide Maillol, Joseph Bernard, tous trois représentés par des pièces importantes, ainsi que de rares sculptures dans les collections françaises de Medardo Rosso ou Rik Wouters. Le « retour à l’ordre » des années 1920, marqué par la leçon des précédents, s’impose de nouveau comme un ensemble de premier plan, qu’il s’agisse des figures de la scène nationale, comme Henri Bouchard, Charles Despiau, Charles Malfray ou Robert Wlérick, mais également lyonnaises. Certes, les grands acteurs de la modernité sont moins présents, malgré l’achat de pièces d’Henri Laurens, Pablo Picasso ou Ossip Zadkine. Par la suite, les années 1970 et 1980 ont vu de nombreuses acquisitions auprès de jeunes artistes – notamment de la scène lyonnaise – dont certains, comme ÉtienneMartin ou Marta Pan, renouvelèrent alors les formes de la sculpture. Cet ouvrage se conclut par le catalogue sommaire de la totalité du fonds, y compris les pièces ayant bénéficié de notices. Pour la première fois, chacune des sculptures de cette période conservées au musée des Beaux-Arts de Lyon se voit ainsi publiée, reproduction à l’appui. Il est escompté que la diversité, la richesse, mais aussi la cohérence de cette collection frapperont et charmeront le lecteur, le familiariseront avec un fonds qu’il se sentira invité à fréquenter de nouveau, en même temps que l’on espère que ce catalogue stimulera le chercheur et donnera lieu à de nouvelles découvertes et publications.
alors dans un contexte général de renouveau d’intérêt, après que le XXe siècle eut longtemps négligé de larges pans de cet art, souvent relégué en réserve. Le musée de Lyon n’avait pas alors échappé à cette règle, comme le rappellent certains des essais de cet ouvrage. Le projet du Grand Louvre et surtout l’ouverture en 1986 du musée d’Orsay, prenant appui sur les travaux fondateurs d’une génération de conservateurs et de chercheurs pionniers, ont permis cette redécouverte. Le musée des Beaux-Arts de Lyon est fier d’avoir pu contribuer, grâce à l’action d’Anne Pingeot et au soutien de Philippe Durey, au sauvetage de quelques-unes de ces œuvres oubliées, dont le si fondamental plâtre du Monument aux morts d’Albert Bartholomé. De nombreuses restaurations et l’installation de ce fonds en majesté dans le parcours des salles du musée, ainsi que dans l’espace lumineux de l’ancienne chapelle, ont contribué à la mise en valeur de la collection, également représentée depuis le XIXe siècle dans le jardin du musée où elle contribue à la poésie du lieu. Il était essentiel de poursuivre cette dynamique. Ainsi, de récentes expositions ont exploré certains aspects de cette histoire : Le Temps de la peinture, Lyon 18001914 (2007), Juliette Récamier, muse et mécène (2009), L’Atelier d’Étienne-Martin (2011-2012), L’Invention du Passé. Histoires de cœur et d’ épée en Europe 1802-1850 (2014), l’accrochage Un regard sur la scène artistique lyonnaise au XXe siècle (2015-2016). Des dépôts sont venus s’intégrer à cet ensemble, également enrichi par des acquisitions. Si le Neptune d’Augustin Pajou (cat.20) a constitué une opportunité exceptionnelle pour le XVIIIe siècle, la période néoclassique a été plus privilégiée, autour en particulier de la personnalité de Clémence Sophie de Sermézy remise en avant durant ces dernières années. Pour le XXe siècle, la recherche menée autour du groupe Témoignage, liée au don par Françoise Dupuy-Michaud des archives de son père le galeriste Marcel Michaud, s’est accompagnée d’un accent spécifique sur le travail d’Étienne-Martin, dont le musée des Beaux-Arts détient désormais une collection de référence de dix-sept sculptures à laquelle s’ajoute le dépôt de ses archives. Aujourd’hui s’ouvrent de nouveaux champs, comme ceux offerts en 2016 par la donation, par les frères Robelin, d’œuvres d’Erik Dietman. La suite de l’histoire demeure à écrire.
La rénovation du musée menée par Philippe Durey, achevée en 1998, a contribué à mettre particulièrement en valeur la sculpture. Ce chantier s’inscrivait 9
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Sommaire 14
ESSAIS Les conservateurs lyonnais et la sculpture CATHERINE CHEVILLOT
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Dépôts de l’État au musée des Beaux-Arts de Lyon. Sculptures XIXe -XXe siècles ANNE PINGEOT
30
Le décor sculpté de l’abbaye royale des Dames de Saint-Pierre, actuel musée des Beaux-Arts de Lyon
176 Caïn et Chactas ou deux incarnations romantiques
du désespoir SOPHIE PICOT-BOCQUILLON
180 III. De la monarchie de Juillet à la Seconde
République 1830-1851 218 Sculpteurs portraitistes à Lyon sous le Second
Empire : Lyonnais illustres et allusions à l’antique CLAIRE BARBILLON
222 IV. Le Second Empire 1851-1870
LUDMILA VIRASSAMYNAÏKEN
252 Le dernier tiers du XIXe siècle : apogée 34
40
Le décor sculpté intérieur du cloître : une double proposition historiographique
de la statuomanie, foisonnement des styles, triomphe de Rodin
CLAIRE BARBILLON
CLAIRE BARBILLON
Le décor monumental à Lyon, du XVIIe siècle aux années 1930 LUDMILA VIRASSAMYNAÏKEN, STÉPHANE PACCOUD
50
Un art de la mémoire : deux siècles de statuaire publique à Lyon LAURENT BARIDON
56
La sculpture religieuse à Lyon au XIXe siècle : le rêve de l’« artiste-apôtre » ISABELLE SAINT-MARTIN
64
CATALOGUE Note introductive au catalogue
256 V. La Troisième République 1871-1900 338 D’un siècle à l’autre, la richesse de la collection
de Lyon CATHERINE CHEVILLOT
342 VI. Les débuts du XXe siècle 1900-1914 416 Le mur et le maillet. Sculpter à Lyon dans
l’entre-deux-guerres PHILIPPE DUFIEUX
420 VII. L’entre-deux-guerres 1919-1940 448 Donner à voir la mythologie individuelle
d’Étienne-Martin. La collection lyonnaise : un ensemble de référence SYLVIE RAMOND
66
La sculpture à Lyon aux XVIIe et XVIIIe siècles, à la croisée des chemins entre Rome et Paris LUDMILA VIRASSAMYNAÏKEN
72
I. XVIIe-XVIIIe siècles
126 Joseph Chinard et la question d’une école
lyonnaise
452 VIII. De l’après-guerre à nos jours 480 Catalogue sommaire
ANNEXES 558 Liste des œuvres restituées
STÉPHANIE DESCHAMPS-TAN, STÉPHANE PACCOUD
130 II. Du Consulat à la Restauration 1800-1830
560 Bibliographie 585 Index des noms propres 592 Crédits photographiques
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ESSAIS Joseph Chinard, L’Enlèvement de Déjanire (détail), cat. 30
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Les conservateurs lyonnais et la sculpture CATHERINE CHEVILLOT
1 Édouard Aynard, Les Musées de Lyon, leur état actuel, leur avenir. Rapport à Monsieur le Maire de Lyon sur l’emploi du legs Chazière fait au Musée de la Ville, Lyon, Mougin-Rusand, 1887. Un grand nombre de sculptures médiévales et de la Renaissance sont également acquises dans ces années-là. 2 Lyon 2004.
Dans les toutes premières années du musée des Beaux-Arts de Lyon, ouvert en 1803, le principal fonds de sculptures était constitué par le lapidaire antique disposé sous les arcades du cloître ; la galerie du premier étage de l’aile sud, seule à être dévolue à l’institution durant cette décennie initiale, mêlait peintures et sculptures, dont des moulages d’antiques. La physionomie de la collection a tellement changé en deux siècles que, malgré le départ de l’ensemble lapidaire au musée gallo-romain à partir de 1957, l’enrichissement permet aujourd’hui la publication d’un catalogue, du XVIIe siècle à aujourd’hui, de 849 sculptures. Dès le directorat de François Artaud (de 1806 à 1830), les grandes orientations furent données : les Lyonnais devinrent un objet d’attention (Joseph Chinard, Jean François Legendre-Héral, Clémence Sophie de Sermézy), ainsi que la sculpture contemporaine : des œuvres de Jean Pierre Cortot, Jean-Baptiste Joseph Debay, Denis Foyatier entrèrent alors au musée. Augustin Thierriat, son successeur (de 1831 à 1870), inscrivit son action dans la droite ligne de celle d’Artaud : les Lyonnais sont acquis en nombre (Chinard, Legendre-Héral, Jean Marie Bonnassieux, Joseph Fabisch), et de grands artistes viennent rejoindre les salles : Antoine Louis Barye fait son apparition dès 1836 alors qu’il est refusé au Salon parisien, puis l’Odalisque de James Pradier (cat. 75) arrive dès 1843. Ces œuvres peuplent l’extraordinaire galerie de sculpture dont la réalisation est confiée en 1833 à l’architecte René Dardel au premier étage de l’aile est, demeurée en place jusqu’en 1874. Le même aménage aussi une « salle des marbres modernes » de 1837 à 1841 dans l’angle nord-est, pour présenter les premiers bustes de la série des « Lyonnais dignes de mémoire » : ceux-ci, commandés régulièrement par la Ville sur les fonds du legs de François Grognard jusque dans les années 1940, s’insèrent par dizaines dans les collections. Les huit années d’Edme Camille Martin-Daussigny (1870-1878), dont l’effort se concentre sur les sections archéologiques1, furent moins fastes et moins averties pour la sculpture, et les très courts directorats de Joseph Guichard (1878-1880) et Achille Chaine (1880-1884) peu propices aux audaces comme aux innovations, malgré une réorganisation de l’administration des musées en 1878. En 1874, la somptueuse galerie de sculpture est dispersée en raison de la nécessité de libérer cet espace pour accueillir la donation de Jacques Bernard ; la collection se tasse dans une demi-galerie au rez-de-chaussée de l’aile sud (libérée par l’école des beaux-arts), tandis que les objets d’art et les petites sculptures sont installés dans une autre demi-galerie de l’aile nord.
Quoique antiquisant, Paul Dissard, qui présida aux destinées du musée durant vingt-sept ans (18861913), alimenta énormément le fonds de sculptures en nombre et en qualité, pour toutes les périodes représentées au musée. La collection des Lyonnais s’accroît (une dizaine de Chinard et autant de Bonnassieux, les premiers Jean Carriès, tout un fonds Charles Dufraine). De grands noms de la seconde moitié du XIXe siècle apparaissent : Ernest Barrias, Alexandre Falguière, Antonin Mercié, Ernest Meissonier. Le tournant de 1900 est représenté par Jules Desbois, Joseph Bernard et Albert Marque, qui entourent Auguste Rodin, dont Dissard réussit, grâce à l’action de la commission du musée, placée sous la présidence active du docteur Raymond Tripier, à réunir douze œuvres. Les provenances des acquisitions indiquent un conservateur parfaitement informé de l’actualité, entretenant des liens directs avec les artistes, sachant entraîner des dons à la suite d’un achat. Après son départ, personne n’allait pouvoir rivaliser avec lui pour Rodin : il avait agi avec ingéniosité au moment propice. L’arrivée d’Henri Focillon (1881-1943), conservateur de 1913 à 1924, allait marquer le début d’une tradition qui allait durer plus d’un siècle : lui-même, comme ses successeurs Léon Rosenthal et René Jullian, était diplômé de l’École normale supérieure, comme le maire Édouard Herriot, et tous trois furent nommés à la fois directeur du musée et professeur à l’université de Lyon. Cette situation atypique méritait qu’on s’y arrête, tant ces trois figures furent aussi des historiens de l’art reconnus pour leur travail académique et leurs textes de référence. Focillon poursuivit pour les acquisitions les directions qui étaient devenues les lignes de force de la collection, mais en privilégiant la sculpture symboliste : Carriès, Zacharie Astruc, Antoine Injalbert, Rodin, et la production des jeunes s’éloignant de Rodin, comme Joseph Bernard ou Antoine Bourdelle. Sur le plan de la muséographie, il retire les « Lyonnais dignes de mémoire » qui avaient envahi le réfectoire pour y placer les antiquités, ce qui permet de consacrer l’ensemble du rez-de-chaussée de l’aile sud à la sculpture, de l’Antiquité à l’époque contemporaine. La prolongation naturelle, qui consistait à occuper la chapelle et faisait partie de son projet, ne devait s’effectuer que beaucoup plus tard. Focillon ayant fait l’objet déjà d’une étude approfondie, nous nous contenterons de renvoyer à celle-ci2, mais nous attarderons sur les directorats suivants.
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Fig. 1 E. THÉROND
Musée de Lyon (galerie des statues) Gravure sur acier, dans Adolphe et Paul Joanne, Lyon et ses environs, Paris, Hachette, 1882
Léon Rosenthal (1870-1932), conservateur de 1924 à 1932 Léon Rosenthal3 a une formation littéraire classique et entre à l’École normale supérieure en 1890, avant de devenir professeur d’histoire à Montauban (1893), Nevers (1894-1897) et Dijon (1897-1905). C’est à ce moment qu’il prend divers engagements de type social : participation à l’Université populaire dès sa fondation (1899), conférences à la Ligue française pour la défense des droits de l’homme et du citoyen (1903). En 1904, il devient adjoint au maire de Dijon, chargé des beaux-arts et des enseignements, menant campagne pour réformer l’apprentissage du dessin. Après son mariage et son installation à Paris (lycée Louis le Grand, 1906-1924), il entre à la Société nationale de l’Art à l’école, enseigne l’histoire de l’art à l’École normale de jeunes filles à Sèvres (1911-1924) et tient la chronique artistique de L’Humanité de 1909 à 1917. Développant une connaissance des arts décoratifs, il est membre du Comité central technique des arts appliqués (1917), fait partie du comité d’admission à l’Exposition internationale des arts décoratifs de 1925 et est rapporteur de la classe « Art de la rue ». Comme chez tout normalien, l’éventail des « humanités » est ouvert, et l’art, qui le passionne dès avant sa formation4, est l’objet de ses travaux académiques : la thèse latine, consacrée à la sculpture (De la sculpture : dans quelle mesure peut-elle évoquer des sentiments ?5), qui aborde notamment l’œuvre de LouisFrançois Roubiliac à Westminster, et la thèse française, La Peinture romantique6, qui sera suivie en 1914 par son célèbre volume Du romantisme au réalisme, qui devait demeurer longtemps un ouvrage de référence au côté de La Peinture au XIXe siècle de Focillon.
L’activité de Rosenthal, dans le domaine intellectuel comme sur le terrain, devait être gouvernée par ses centres d’intérêt : l’enseignement – il est professeur d’histoire durant près de quarante ans (de 1893 à 1932) –, et un goût pour les arts lié à un attrait pour le politique, si bien que l’art social focalise son action. Son engagement, dominé par des idéaux de progrès social par l’éducation, devait durer toute sa vie. Acquis aux idées républicaines de gauche, il se consacre particulièrement à l’enseignement populaire en s’y spécialisant dans quelques domaines : les arts et les questions liées à l’architecture et l’urbanisme. La rencontre entre pédagogie et histoire de l’art non seulement explique une grande part de la production de Rosenthal, mais fournit une clé déterminante pour comprendre son action à la tête du musée de Lyon, comme en témoigne sa publication Notre musée, l’art expliqué par les œuvres à l’usage des classes de troisième, deuxième, première des lycées et collèges7. Nommé directeur du musée de Lyon en avril 1924 grâce au soutien décisif d’Herriot qu’il a côtoyé à l’École normale supérieure, Rosenthal prend ses fonctions le 1er juin. Il succède également à Focillon à l’université le 2 décembre. Gérard Bruyère a montré comment son directorat, après celui de Focillon, fut plutôt marqué par une volonté de bonne collaboration avec les milieux lyonnais 8 et Thomas Höpel comment sa nomination coïncidait à la fois avec l’ambition qu’Herriot développait pour Lyon et avec sa politique de « républicanisation » des cadres des grands établissements nationaux 9. Stéphane Paccoud a suffisamment approfondi le passage de Rosenthal au musée de Lyon10 pour que nous n’en reprenions que les grandes lignes, mais en replaçant l’action du conservateur dans le contexte plus large des idées défendues par l’historien de l’art.
3 Sur Rosenthal, cf. Rosenthal 2012 ; Chambarlhac/Hohl/Tillier 2013 ; Rosenthal 2014. 4 Georges Beaulavon, « Rosenthal », notice, 1933, doc. du musée, communiqué par Pierre Jourjon. 5 Léon Rosenthal, De sculptura, Quatenus animi sensus describere possit…, Dijon, Félix Rey, 1900. 6 Léon Rosenthal, La Peinture romantique, essai sur l’ évolution de la peinture française de 1815 à 1830, Paris, H. May, 1900 ; prix Charles Blanc partagé avec Louis Dimier. 7 Paris, Delagrave, 1928. 8 Gérard Bruyère, « Un intellectuel juif socialiste chez Calixte. Rosenthal et la bourgeoisie lyonnaise », dans Chambalhac/Hohl/Tillier 2013, p. 103-118. 9 Thomas Höpel, « Le musée des Beaux-Arts de Lyon sous Rosenthal et la politique culturelle municipale », dans Chambalhac/Hohl/Tillier 2013, p. 305-314, ici 310-311, 305. 10 Paccoud 2013. 15
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Dépôts de l’État au musée des Beaux-Arts de Lyon. Sculptures xixe-xxe siècles ANNE PINGEOT
1 Calcul de Stéphane Paccoud, conservateur en chef, que je remercie de son aide scientifique et de son bienveillant accueil au musée des Beaux-Arts de Lyon. 2 La numérisation de ces procès-verbaux, conservés à la documentation du musée, demandée par Catherine Chevillot et effectuée par le LARHRA, université Lumière Lyon 2, offre un outil de recherche incomparable que nous a aimablement fait partager Stéphane Paccoud. 3 ANF, F/21/4394. Arrêté municipal du 6 juin 1885. 4 Pierre Aubert, Jeanne Bardey, Joseph Bernard, Louis Bertola, Max Blondat, Guillaume Bonnet, Henri Bouchard, Antoine Bourdelle (en 1927), Augustin Courtet, Robert Darnas (atelier 1948), Louis Dejean, André Delorme, Jean-Baptiste Deschamps, Charles Despiau, Pierre Devaux, Henri Dropsy, Charles Dufraine, Joseph Fabisch père et fils, Marcel Gimond (atelier 1935), René Iché (1939), Jean Larrivé, Claudius Linossier (1950), Aristide Maillol (atelier 1934), Charles Malfray, Édouard Navellier, Étienne Pagny, Louis Prost, Marcel Renard, Auguste Rodin (dès 1903), Emmanuele de Rosales, François Félix Roubaud, Rousselon (graveur), Georges Salendre, Auguste Suchetet (1909), Charles Textor, André Vermare, Robert Wlérick. 5 Philippe Durey, dans Durey 1988, p. 12 : « Il faut le souligner : le musée de Lyon s’est largement et plus que d’autres, constitué par ses achats. De là provient sans doute le caractère encyclopédique de ses collections, plus marqué et plus abouti que dans la plupart des grands musées de province. » 6 Registres des procès-verbaux de la commission du musée, séance du 10 avril 1913 qui se trompe sur les dates. 7 Séance du 26 avril 1951.
Jouant le rôle de mécène qui convient au pouvoir, les gouvernements français du XIXe et du XXe siècle achètent aux artistes vivants. Après la création en 1801 de quinze musées de province, une part de ces acquisitions rejoint ces établissements. L’examen des sculptures du musée des Beaux-Arts de Lyon offre une surprise : le nombre des dons et des achats de la Ville est élevé par rapport à celui des dépôts de l’État qui ne représenteraient que 15 % de la collection1. Sous le Premier Empire, les envois en sculpture se limitent aux bustes de Napoléon. Sous la Restauration arrivent ceux de Vien et d’Audran par Marguerite Julie Charpentier ainsi que deux statues en marbre, la Pandore de Jean Pierre Cortot (cat. 57) et le Tireur d’ épines d’Abel Dimier. C’est la monarchie de Juillet qui offre à Lyon ses premiers chefs-d’œuvre : Chactas en méditation sur la tombe d’Atala (1836), de Francisque Duret (cat. 74) ; Caïn et sa race maudits de Dieu (18321839), d’Antoine Étex (cat. 73) ; la colossale Minerve (1840), de Jean François Legendre-Héral (cat. 68) ; l’Odalisque (1841), l’une des meilleures statues de James Pradier (cat. 75), et le Tigre terrassant un cerf (1831), groupe en pierre d’Antoine Louis Barye (cat. 78). Le Second Empire a la main moins heureuse, même si on le fait commencer du temps du prince-président. L’histoire des dépôts sous la République nous est offerte par les précieux procès-verbaux de la Commission des musées de Lyon qui succède au Comité d’inspection de 1851. En 1874 elle prend le nom de Commission consultative, puis en 1878 de Conseil d’administration des musées (copié par le Conseil des musées nationaux en 1895), et enfin en 1897, de Commission consultative des musées2. Les délégués qui la composent – soutiens bénévoles du conservateur – nommés par le préfet puis à partir de 1885 par le maire3, élisent leur président. Ils achètent aux artistes vivants, visitent les Salons, les galeries, explorent les ateliers – ceux de la veuve de Jean-Baptiste Carpeaux (1894, 1905, 1907), d’Auguste Rodin (1903), d’Antoine Bourdelle (1927), de Joseph Bernard (1912), d’Aristide Maillol (1934), de Marcel Gimond (1935), etc.4. Ils impriment au musée son caractère encyclopédique, donnant des fonds plutôt que des collections5. Cette participation d’une sphère éclairée de la ville dévouée à l’enrichissement du musée prend fin à l’arrivée de Madeleine Rocher-Jauneau comme conservateur en 1963, mais pendant près d’un siècle, forte de son autonomie culturelle, la ville parle d’égal à égal à l’État, comme le montre la saga des « dépôts ». Ces dépôts vont-ils corriger ou compléter les collections lyonnaises ?
Le patriotisme lyonnais Il est institutionnalisé par des mécènes. 1) Le testament de François Grognard ouvert en novembre 1823, suivi d’une convention en 1831, crée la galerie des Lyonnais dignes de mémoire. Une somme de 1 000 francs annuelle peut être conservée trois ans pour commander un buste (3 000 francs) au profit du musée ou des écoles. En 1877, la galerie est présentée dans l’ancien réfectoire mais en 1905, devant l’engorgement, le maire propose l’enlèvement des deux tiers des effigies pour installer des œuvres de plus grande valeur qui attendent dans les dépôts. Une souscommission est nommée pour faire le tri. 2) Par testament, le peintre Paul Chenavard offre une rente annuelle de 8 000 francs pouvant se capitaliser pendant dix ans affectée à l’achat d’une œuvre d’un artiste lyonnais. 3) La dotation municipale annuelle pour achat aux Salons lyonnais permet, grâce au report des fonds non utilisés, d’acquérir en 1908 L’Aurore (cat. 139) de René de Saint-Marceaux (l’artiste n’est pas lyonnais mais l’œuvre est exposée au Salon de Lyon) ; en 1909 le Jeune athlète, bronze de Jean Larrivé (cat. 179) ; en 1910 L’Étude, en marbre, de Pierre Devaux 6. Ce crédit est supprimé le 3 février 1942. Le budget d’achat destiné aux musées diminue. De 45 000 francs-or avant 1914, il n’est plus, en 1951, que de 7 000 francs-or (soit 1 500 000 des francs de l’époque)7. D’où le rôle incomparable des familles d’artistes.
Fig. 1 JEAN LARRIVÉ
Édouard Aynard
Marbre, 1919, Lyon, place de la Bourse
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Fig. 2 JEAN GAUTHERIN
Fig. 3 AUGUSTIN MOREAU-VAUTHIER
Marbre, 1879, Paris, musée d’Orsay
Bronze, 1879, anciennement au palais de l’Élysée à Paris, refondu pendant l’Occupation. Photographie ancienne, Paris, documentation du musée d’Orsay, albums Michelez
Clotilde de Surville
La vertu des veuves Les veuves placent les modèles dans les collections publiques et le musée de Lyon est prestigieux. Les enrichissements sont dus à Mmes Barrias (1907), Crauk (1909), Delorme (1909), Alexandre Charpentier (1922), Pierre Roche (1924), Sinding (1934), Joseph Bernard (1935, 1937), Guimard (1948), Wlérick (1949), Vermare (1949), Tony Garnier (1951), Bourdelle (1952), Cappiello (1955), Chorel (1957), Muller (1957), Exbrayat (1960), Gimond (1962), Chaissac (1968). Le rôle des filles n’est pas négligeable, Astruc (1909), Alfred Lenoir (1951 sans suite), ou des nièces, Larrivé (1950) – et même des fils, Castex (1955). Le musée qui accepte ou refuse les dons des artistes et de leur famille restera-t-il passif devant les dépôts de l’État ? Le musée des Beaux-Arts revendique un droit de regard sur les dépôts de l’État Sous le Second Empire, la soumission prévaut. Les désirs d’Émilien de Nieuwerkerke, directeur général des musées, intendant des Beaux-Arts de la Maison de l’empereur, sont exaucés ; par exemple (bien qu’il s’agisse d’une peinture) quand il appuie la demande de Joséphine Sarazin de Belmont pour l’acquisition de sa Vue du lac d’Albano, la commission l’accepte avec reconnaissance bien qu’elle n’ait pas vu l’œuvre (séance du 6 décembre 1862). Sous la République, les rapports évoluent. Un exemple pris encore dans la peinture donne une idée du climat : le
La Fortune
2 janvier 1875, le ministre de l’Instruction publique et des Beaux-Arts veut emprunter les chefs-d’œuvre du musée. On lui rétorque : « La commission regrette qu’une ville de Province n’ait pas été choisie pour cette exposition » ; la parade est trouvée : les trente-quatre tableaux requis ne peuvent être envoyés puisqu’ils sont « recouverts » par le Salon lyonnais8. Comme à l’origine au Louvre, la collection permanente est cachée pour permettre aux œuvres du « Salon » d’être accrochées par-dessus. À la plainte d’Édouard Aynard (1837-1913) (fig. 1), président de la commission, adressée au ministre par l’intermédiaire du préfet – Lyon « se trouve moins favorisée que des villes secondaires 9 » –, le ministre répond aussitôt par dépêche au préfet : « Lyon sera traitée d’une façon digne de la seconde ville de France » (24 mars 1879). Le 23 juin, Aynard récidive pour que le préfet appuie « la demande faite à l’administration des Beaux-Arts, à l’effet d’obtenir, dans la répartition des Musées de Province, des œuvres d’art plus importantes que par le passé10 » et il désigne de son propre chef à Paris, car le temps presse et la ratification de la commission pourra advenir par la suite, la statue en marbre de Clotilde de Surville par Jean Gautherin (fig. 2) et La Fortune d’Augustin Moreau-Vauthier (fig. 3). Malheureusement son choix qui représente le goût des années 1879-1880, est aussi celui… du palais de l’Élysée qui obtient les deux sculptures11.
8 Le 18 octobre 1872, la commission demandait « une construction provisoire pour les expositions annuelles pour ne pas couvrir pendant trois mois les tableaux de la collection permanente ». Les Salons prennent fin au palais Saint-Pierre en 1887. 9 Séance du 4 février 1879. 10 Séance du 23 juin 1879. 11 Clotilde de Surville, après un séjour extérieur au Chambon-Feugerolles de 1950 à 2004, est aujourd’hui au musée d’Orsay (inv. R.F. 3985). La Fortune (2,25 × 0,5 × 0,5) a été refondue pendant l’Occupation. 25
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Le décor sculpté de l’abbaye royale des Dames de Saint-Pierre, actuel musée des Beaux-Arts de Lyon LUDMILA VIRASSAMYNAÏKEN
1 Sur ce point, voir Lyon 2010-2011, p. 150.
Un décor palatial Les décors sculptés de l’abbaye royale des Dames de Saint-Pierre qui subsistent sont localisés dans l’escalier d’honneur et le réfectoire de l’actuel musée des Beaux-Arts. Ils constituent à la fois l’unique témoignage de la magnificence des décors lyonnais sculptés au XVIIe siècle et la plus importante commande que la ville ait connue en la matière, au moment de la reconstruction de l’abbaye Saint-Pierre-les-Nonnains placée sous la règle de saint Benoît entre le VIIe et le IXe siècle. Ces décors fastueux sont tout autant ceux d’un palais que d’une abbaye, la fortune personnelle des moniales issues de la haute noblesse ayant été mise à
Fig. 1. SIMON GUILLAUME et NICOLAS BIDAULT, d’après THOMAS BLANCHET
Escalier d’honneur de l’abbaye des Dames de Saint-Pierre
contribution pour rénover et décorer l’édifice de manière dispendieuse. Armes, allégories et portraits faisaient l’apologie d’Anne d’Albert d’Ailly de Chaulnes et de sa belle-sœur, Antoinette, les deux abbesses de haut rang nommées par décision royale qui furent à l’initiative, à partir de 1659, de cet ambitieux projet. Originaires du Comtat Venaissin, elles firent appel à un architecte avignonnais, François Royers de la Valfenière, qui distribua les espaces sur le modèle palatial romain et imprima à la façade une inflexion italianisante. L’architecte mourut en 1667, alors que le gros œuvre n’était pas terminé et que le chantier de décoration restait à entreprendre. C’est à Thomas Blanchet que cette tâche incomba, aux environs de 1681. Selon Joachim von Sandrart, le Premier peintre de la ville, grand ordonnateur des décors de l’Hôtel de Ville et du palais de Roanne, avait envisagé dans sa jeunesse de se consacrer à la sculpture, avant d’en être dissuadé par Jacques Sarazin. D’où, sûrement, son goût prononcé pour les sculptures feintes en grisaille et pour les décors sculptés. Reçu en 1667 à l’Académie royale de peinture et de sculpture de Paris, le peintre jouissait de l’appui de Camille de Neuville de Villeroy, archevêque, comte de Lyon, primat des Gaules de 1653 à 1693 et protecteur inlassable des artistes romanistes actifs à Lyon. Blanchet avait en effet séjourné à Rome, vingt ans avant que le peintre Louis Cretey et les sculpteurs Simon Guillaume et Nicolas Bidault ne suivent le même chemin, ce qui fait penser qu’il aurait pu être l’instigateur des séjours de formation de ces trois artistes, avant de les faire travailler au chantier de l’abbaye Saint-Pierre1. Les décors dessinés par Thomas Blanchet, mis en œuvre par Louis Cretey, Simon Guillaume et Nicolas Bidault, procèdent de la formule associant peinture, stuc et lambris, inaugurée en France au château de Fontainebleau, sous l’égide des Italiens Rosso Fiorentino et Primatice. Au siècle suivant, Jacques Sarazin, qui admira à Rome la voûte des Carrache au palais Farnèse et la chapelle Cerasi à Santa Maria del Popolo, y collabora avec le Dominiquin à San Lorenzo in Miranda et à Sant’Andrea della Valle. Il servit ensuite de relais entre les stucateurs romains et la génération de sculpteurs français qui exerça ses talents au Louvre, à Versailles et dans les hôtels parisiens. Les appartements d’été d’Anne d’Autriche, aménagés par Le Vau en 1655-1658, se virent ainsi dotés de stucs réalisés par les frères Marsy et par Michel Anguier, ce dernier œuvrant aux côtés du peintre italien Giovanni Francesco Romanelli. Puis ce fut au tour du décor de la galerie d’Apollon, conçu par Charles Le Brun, d’être scandé par de grands stucs ayant gagné en autonomie.
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Les décors du palais Saint-Pierre partagent avec ces grands décors parisiens la même technique dans la mise en œuvre des stucs2, voyant se succéder une couche de plâtre gâché avec des grains de gypse, au contact des armatures métalliques, puis une fine couche rouge avec des éléments argileux ralentissant le séchage d’une couche de surface constituée de carbonate de calcium – sûrement de la chaux – et de grains de gypse. Cette déclinaison de la formule en vigueur en Italie s’explique par la proximité et donc le faible coût des matériaux employés, le gypse étant largement présent autour de Paris, mais également en Saône-et-Loire, ce qui permettait de l’acheminer par la Saône jusqu’à Vaise, à l’ouest de Lyon, où se trouvaient des fours à plâtre et à chaux dès le XVIe siècle 3. Le programme même des décors peints et sculptés exaltant les qualités morales des abbesses et des moniales de Saint-Pierre, en ayant recours aussi bien aux allégories féminines qu’aux « femmes fortes » et aux saintes de la Bible, rappelle celui célébrant au Louvre les vertus d’Anne d’Autriche dans la chambre de parade et le petit cabinet de la reine. On peut également penser que l’élaboration de décors éphémères pour les entrées lyonnaises familiarisa Blanchet à la fois avec le discours allégorique à visée élogieuse et avec la coexistence de scènes peintes avec des figures sculptées en stuc. L’escalier d’honneur Héritiers de cette tradition, les décors conçus par Thomas Blanchet pour l’abbaye des Dames de Saint-Pierre sont sans équivalent en France à cette époque, à commencer par celui de l’escalier d’honneur (fig. 1). Peu d’escaliers peuvent en effet lui être comparés, à l’instar de celui de Maisons dessiné par François Mansart. Lui aussi de plan carré, surmonté d’une coupole et éclairé de grandes fenêtres, il est notamment orné de quatre groupes d’angelots en stuc sculptés par Philippe Buyster sous l’égide de Sarazin. Le rapprochement le plus probant concerne l’escalier d’honneur de l’hôtel de ville de Lyon, attribué à Jacques Lemercier et agrémenté par Blanchet lui-même, vingt ans avant celui de l’abbaye, de 1661 à 1667, d’une grande scène peinte et de sculptures feintes, mais également d’un bas-relief représentant La Paix sculpté par Mimerel associé à Bidault. Trois volées de marches s’y accrochent déjà aux parois via un système de voûtains et le dessin de la balustrade y est similaire. L’état actuel de l’escalier du palais Saint-Pierre ne permet pas d’apprécier sa somptuosité originelle, une grande part des sculptures ayant, hélas, disparu, tandis que le bouchage de baies l’a privé d’un éclairage plus franc. Nous pouvons cependant nous référer à la description de l’abbaye par André Clapasson en 17414, à celle par Gaspard-François Berger de Moydieu en 1783 5, aux contrats et actes de paiement des sculptures et enfin aux neuf modèles dessinés par Blanchet que Bidault vendit à Nicodème Tessin et que conserve de nos jours le Nationalmuseum de Stockholm, ceux dessinés pour Guillaume manquant pour leur part. Blanchet imagina un décor totalement inédit, à l’iconographie inspirée de L’Iconologie de Cesare Ripa, moins complexe que le programme élaboré par Ménestrier
Fig. 2. THOMAS BLANCHET Vestale Plume et lavis d’encre brune, Stockholm, Nationalmuseum, NMH THC 3802
à l’Hôtel de Ville. En 1681 et 1682, trois contrats lient l’abbesse Antoinette de Chaulnes à Nicolas Bidault et Simon Guillaume, le paiement final intervenant le 9 juillet 1682 : le premier contrat6 a trait aux Béatitudes sculptées au-dessus des quatre frontons, ainsi qu’aux Vertus monacales devant surmonter les portes ; le deuxième7 aux Renommées situées au niveau des pendentifs de la coupole ; le troisième8 à la statue de la Force tenant les armes de l’abbesse et aux trois vestales, que l’on a plaisir à se figurer assises sur les retours de la rampe, brandissant les lampes des Vierges sages (fig. 2). Dans ces documents, il est clairement stipulé que les sculpteurs auront à suivre des dessins donnés par Thomas Blanchet pour mettre en œuvre ce programme glorifiant la jeune abbesse, dont le buste en marbre surmontait la porte d’accès à l’église, et son ordre. La description de Berger de Moydieu évoquant un décor « coupé de six statues et de cinq tableaux, qui jouent alternativement et semblent reposer l’œil par des fuiants et des contrastes9 », Lucie Galactéros-de Boissier a postulé que, « sachant que [l]es modèles [de Blanchet] pour les niches de l’escalier Saint-Pierre projettent des Vertus que les prix-faits aux sculpteurs ne mentionnent pas, […] ils prévoyaient des peintures et non des bas-reliefs10 ». Pour avoir une idée de l’effet escompté, il faudrait donc imaginer le jeu entre la pierre de Seyssel ambrée, la pierre noire de Saint-Cyr des rampes, le blanc immaculé des stucs et du marbre, le dallage noir et blanc et les tons chamarrés de la peinture, l’ensemble bénéficiant d’un éclairage éclatant. Dans les autres espaces du musée, qu’il s’agisse de l’église, de la salle du chapitre ou du réfectoire, peintures et sculptures allaient en effet de pair pour les magnifier.
2 Voir Borel et al. 2004, ainsi que : Anne Gérard-Bendelé, Rapport d’examen relatif aux stucs du réfectoire du palais Saint-Pierre, 15/03/1995 ; Lionel Lefèvre, Rapport d’essai de nettoyage des stucs du réfectoire du palais Saint-Pierre, 30/10/1996 ; Dominique Luquet et Lionel Lefèvre, Rapport de restauration des stucs du réfectoire du palais Saint-Pierre, 30/12/2003. 3 Voir Puisais 2005, p. 13-14. 4 Clapasson 1741 (1982). 5 Berger de Moydieu 1783. 6 Le 15 juin 1677 [ADR, Minutes de Me Rougeault, 9 e vol., fo 123]. 7 Le 12 décembre 1681 [ADR, Minutes de Me Rougeault, 10 e vol., fo 21]. 8 Le 3 novembre 1682 [ADR, Minutes de Me Rougeault, 9 e vol., fo 142 vo]. 9 Hervier 1922, p. 20. 10 Galactéros-de Boissier 1991, p. 164. 31
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Le décor sculpté intérieur du cloître1 : une double proposition historiographique CLAIRE BARBILLON
1 La présente étude a largement bénéficié des travaux préparatoires réalisés par Valérie Lavergne-Durey lorsqu’elle était responsable de la documentation du musée des BeauxArts de Lyon. L’auteur la remercie ainsi que Philippe Durey, directeur du musée de 1986 à 2002. Elle adresse également ses remerciements à Gérard Bruyère et à Anne Pingeot, pour leurs précieux apports, en particulier archivistiques. 2 Haskell/Penny 1988. 3 William A. P. Childs, Pierre Demargne, Fouilles de Xanthos, t. VIII, Le Monument des Néréides, le décor sculpté, Paris, 1989.
La cour intérieure du palais Saint-Pierre, ancien cloître de l’abbaye, constitue pour le musée des Beaux-Arts un lieu à l’atmosphère paisible où les visiteurs, avant de pénétrer dans les salles, peuvent rompre avec l’animation de la ville, ou, après leur parcours dans les collections, profiter d’un temps de repos. Cet espace incite aussi les Lyonnais à une halte rafraîchissante, une manière de s’approprier implicitement le musée, de l’insérer dans leur déambulation urbaine familière. Le charme du lieu est incontestablement lié à la fontaine du bassin central, aux arbres et aux massifs en harmonie avec les sculptures en ronde bosse qui y sont disposées. Le décor des grands murs qui protègent ce lieu clos est cependant loin d’être anodin : il offre aux regards une véritable leçon d’histoire et d’histoire de l’art, réunissant des reliefs sculptés qui font référence tant à des chefs-d’œuvre de l’Antiquité qu’au contexte local (fig. 1). Ainsi, dans un ensemble de tirages en plâtre de bas-reliefs des plus célèbres s’intercalent divers médaillons constituant une série de portraits d’illustres artistes lyonnais.
La leçon des frises antiques : une apparente constante, des années 1840 à nos jours Observer aujourd’hui ces fragments de frises antiques renvoie à la fois à l’exceptionnelle notoriété de leurs modèles au XIXe siècle, à leur haute valeur pédagogique et paradigmatique ainsi qu’à leurs qualités décoratives. Toutefois, il faut remarquer que le quadrilatère est composé de deux ensembles distincts. Vingt-huit fragments issus de la frise du Parthénon de l’Acropole d’Athènes dominent puisqu’ils occupent intégralement les parois est, sud et ouest, ainsi que, pour deux d’entre eux, la partie est de la paroi nord. Les autres fragments de cette paroi, au nombre de huit, sont par ailleurs des moulages du monument des Néréides de Xanthos, en Lycie. La place prépondérante accordée aux bas-reliefs du Parthénon n’a rien d’étonnant : l’immense renommée de la frise continue qui couronnait l’extérieur du mur de la cella du Parthénon vient, au XIXe siècle, de la certitude que l’on se trouve face à des œuvres attribuées à Phidias, donc indiscutablement authentiques, contrairement aux statues canoniques qui se révèlent,
Fig. 1 Cloître du palais Saint-Pierre
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Fig. 2 JAMES STEPHANOFF
Vue d’une galerie du British Museum contenant une partie des métopes du Parthénon, de la frise du temple d’Apollon à Bassae, ainsi que d’autres pièces antiques, vers 1819 Aquarelle sur papier, Londres, British Museum
au fil des travaux de plus en plus précis des archéologues, souvent des copies2. Il y a un « avant » et un « après » la découverte que peuvent faire, à partir de 1816, artistes et amateurs à Londres, des marbres du Parthénon. Comme on le sait, après de multiples péripéties et l’achat qu’il en fit à lord Elgin, le British Museum installa les fragments de la frise dans une salle dont la muséographie tendait à rappeler la cella d’un temple, suivant l’ordonnance même des frontons (fig. 2). C’est aussi au British Museum que se trouvent rassemblés, une grande génération plus tard, les éléments de la frise de soubassement du monument des Néréides de Xanthos, dont les fragments parviennent, après la découverte faite par Charles Fellows, à Londres fin 1842 (fig. 3). Ces reliefs antiques, qui datent environ des années 380 av. J.-C., sont considérés alors comme la plus importante acquisition du musée depuis ceux du Parthénon. Ils présentent, du reste, des différences stylistiques notables avec ces derniers : même si la culture grecque était à l’honneur à la cour du dynaste barbare Arbinas, les bas-reliefs, mouvementés et dominés par des scènes de combats, dénotent des influences lyciennes et les équipes d’artistes auxquelles est dû ce décor étaient semble-t-il placées sous la direction d’un maître originaire d’Ionie 3. Le visiteur du musée des Beaux-Arts de Lyon découvre donc, à 360 degrés, un dispositif qui lie, certes
Fig. 3 JAMES STEPHANOFF
Vue d’une galerie du British Museum contenant une partie des frises du monument des Néréides à Xanthos, 1843 Aquarelle sur papier, Londres, British Museum 35
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Le décor monumental à Lyon, du xviie siècle aux années 1930 LUDMILA VIRASSAMYNAÏKEN STÉPHANE PACCOUD
1 Rondot 1884, p. 369-370. 2 Ibid., p. 370. 3 Pariset 1873, p. 128. 4 Ibid., p. 472 : « en quelque endroict notable de ladite ville (de Lyon) ». Le « pied d’estail, porté par quatre lyons », devait avoir, sur chaque face, « cizellée une des batailles de Sa Majesté ». Rondot précise en note que le dessin de cette statue se trouve dans le registre des actes consulaires du temps (AML, BB 171, f° 79 recto) ; Pariset 1873, p. 129. 5 Voir Thomas Blanchet, Dessin pour les murs de la Grande Salle de l’Hôtel de Ville de Lyon, 1658, Stockholm, Nationalmuseum, dans Galactéros-de Boissier 1991, p. 88-89, fig. 60. On remarquera, outre la présence des sculptures de Mimerel, l’importance accordée par Thomas Blanchet à la sculpture feinte en grisaille, sensible également dans le décor toujours visible du soubassement de l’escalier d’honneur. 6 Audin/Vial 1918-1919, vol. 2, p. 42. 7 Ibid., vol. 2, p. 31. 8 Ibid., vol. 2, p. 34.
Alors qu’aux XVIIe et XVIIIe siècles les modèles sont le plus souvent élaborés à Paris et fournis par la surintendance des Bâtiments et que les praticiens affluent d’autres provinces, au XIXe siècle, le recours à des artistes locaux s’impose, aussi bien à la municipalité qu’aux particuliers, les sculpteurs lyonnais s’attachant à doter leur cité d’un décor qui l’a rendue singulière et qui continue de témoigner de son glorieux passé. Ce n’est qu’à cette date que la commande municipale s’affranchit de la tutelle de l’État, largement prééminente jusque-là, en même temps qu’elle s’intensifie et se structure. Le XVIIe siècle dominé par un chantier au programme ambigu Le chantier de l’Hôtel de Ville semble résumer l’histoire de la commande publique en matière de sculpture à Lyon aux XVIIe et XVIIIe siècles. C’est le seul de cette ampleur à être initié par le Consulat lyonnais, qui jusque-là n’a fait appel aux sculpteurs de Lyon que pour de menus travaux, tels que la réalisation d’écus aux armes de la ville destinés à marquer l’entrée de passages publics1, et surtout pour la décoration des entrées des souverains, qui ont émaillé la vie de la cité tout au long du XVIe siècle. Ces sculpteurs sont le plus souvent qualifiés d’« ymaigiers », de « tailleurs d’images » et font aussi office de maîtres maçons, tailleurs en nacre, orfèvres, ciseleurs, graveurs, voire de maîtres peintres. Au tournant du XVIIe siècle, le Consulat souhaite pérenniser des réalisations éphémères dédiées à la glorification de la royauté en même temps qu’à l’exaltation de la grandeur de la cité, en particulier des effigies royales. Philippe Laliame2 est ainsi chargé de reproduire dans la pierre des statues qui ont servi à orner des arcs de triomphe lors de l’entrée de Louis XIII en 1622. Ce sculpteur avait déjà exécuté en 1609 pour l’hôtel de la Couronne, abritant alors les services municipaux, des statues parmi lesquelles figurait un buste en bronze d’Henri IV dans un cartouche en pierre 3. Dans la même optique, en 1627 et 1628, Clément Gendre livre le dessin, l’ébauche de cire et le modèle en bronze d’une statue équestre de Louis XIII que le Consulat projette d’élever4. C’est dans ce contexte qu’est entreprise la construction d’un nouvel hôtel de ville aux dimensions imposantes, à même d’accueillir des services administratifs, mais aussi de servir d’écrin aux célébrations communales, avec son large vestibule et son escalier monumental. Ce projet est initié par le Consulat, sous l’égide de l’influent Nicolas de Neuville de Villeroy (1597-1685), gouverneur de Lyon, du Lyonnais, du Forez et du
Beaujolais, mais aussi gouverneur du jeune Louis XIV, puis chef du Conseil royal des finances. L’emplacement choisi pour l’édification du bâtiment et de la place des Terreaux attenante correspond alors à la limite de la ville au nord, à proximité du fossé de la Lanterne. Les plans de l’architecte de la Ville, Simon Maupin, sont approuvés par Louis XIV le 8 mai 1646, tandis que le gros œuvre du corps de logis principal est achevé en 1650. Dès lors, les commandes passées en vue de la décoration de l’édifice se succèdent. L’absence de figure majeure imprimant sa marque à une école de sculpture lyonnaise, de structuration de la formation et d’organisation des sculpteurs expliquent que le Consulat ait recours pour ce faire à des artistes aux origines diverses et parfois lointaines. De fait, une grande part des mentions de sculpteurs exerçant à Lyon au XVIIe siècle se rapportent à des artistes d’origine nordique, à l’instar du Lorrain Jacob Richier, des Wallons Gérard Sibrecq et Georges le Wallon, de Georges Hannicq du Hainaut ou encore du Champenois Nicolas Bidault. Originaire d’Amiens, Jacques Mimerel occupe une place prééminente dans la première phase de la décoration de l’Hôtel de Ville, puisqu’en 1651 il livre des sculptures figurant Flore, Neptune, Thétys, Acis et Galathée pour les jardins, quatre vertus cardinales5 pour la grande salle, et une Paix pour l’escalier d’honneur. Nommé par délibération consulaire du 28 juillet 1654 sculpteur officiel de la Ville, il taille également dans le bois, à la demande du Consulat, « les sept planettes qu’il a faittes pour dessigner chasque jour de la semaine au dessoubz de l’astrolabe de la grande salle du nouvel hostel commun de ceste ville », ainsi que « deux batteaux d’artiffices » pour l’entrée de « Madame Royale » de Savoie 6. L’auteur de l’une des réalisations majeures de ce premier chantier de décoration de l’Hôtel de Ville, Martin Hendricy, est pour sa part natif de Liège. Il sculpte, sur le fronton coiffant l’avant-corps central, le haut-relief figurant les armes du gouverneur Nicolas de Neuville, surmontées des armes du roi, elles-mêmes encadrées de trophées à l’antique. Dans le même temps, il lui est demandé de concevoir un cadre pour les Tables claudiennes comprenant un buste du roi7. Le Consulat charge, par ailleurs, Claude Warin de réaliser des médaillons de bronze à l’effigie de Louis XIII, de Louis XIV, d’Anne d’Autriche et d’Henri IV. Si l’on ajoute qu’en 1668 un grand portrait équestre de Louis XIV est installé sur la cheminée de la grande salle 8, on mesure toute la place accordée à l’apologie de la monarchie et du monarque lui-même dans le programme sculpté de l’Hôtel de Ville. Certes, on peut lire des allusions
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Fig. 1 NICOLAS LEFEBVRE
La Philosophie et la Prudence Stuc, vers 1660, Lyon, Hôtel de Ville, salon du Consulat
à la ville de Lyon dans les médaillons en bronze de Mathias Simon fixés sur les battants de chêne de la grande porte, ces médaillons figurant des enfants à califourchon sur des lions, ainsi que sur les rampants des frontons qui surplombaient les hautes fenêtres de la façade, des lions couchés y trônant. L’équilibre entre l’exaltation de la gloire du souverain et celle de la cité semble cependant bien fragile, si l’on s’en tient au seul décor sculpté extérieur du palais communal, les rues de la ville offrant elles-mêmes au passant l’occasion d’admirer les monarques du siècle : la façade de « la maison de M. Vareille »9 à la Grenette était ornée de l’effigie de Louis XIV sculptée par Jacques Mimerel, tandis qu’« au coin de la rue de la Palme »10, on pouvait voir celle de Louis XIII, œuvre de Girard Sibrecq. Ce discours se teinte de nuances lorsque l’on considère le décor sculpté intérieur de l’édifice. Les figures réalisées vers 1660 par Nicolas Lefebvre pour la cheminée du salon du Consulat (fig. 1) constituent l’unique vestige des chantiers de décoration sculptée entrepris aux XVIIe et XVIIIe siècles, avec la Plaque en l’ honneur de la naissance du Dauphin11, exécutée par Mimerel et amputée des motifs qui la couronnaient, et les médaillons de bronze de la grande porte. Sur cette cheminée, les figures en stuc de La Prudence et de La Philosophie célèbrent les vertus de la noblesse consulaire lyonnaise, en écho aux compositions peintes par Thomas Blanchet, qui serait l’inventeur de la totalité du décor de cette pièce, y compris des stucs de Lefebvre, du Temps, du Conseil et de la Prudence peints pour les murs de ce même salon, ainsi que du cortège de vertus de La Noblesse consulaire de Lyon leur répondant au
plafond12. De même que le parallèle a été tracé entre le décor peint par Thomas Blanchet à l’Hôtel de Ville et le rôle tenu par la Ville de Lyon dans la conclusion de la paix avec l’Espagne, consacrée par le traité des Pyrénées en 1659, on peut imaginer que la figure de La Paix de l’escalier d’honneur sculptée par Nicolas Bidault et Jacques Mimerel visait à célébrer le rôle joué par la Ville dans cet heureux dénouement, Bidault étant également l’auteur de monuments éphémères en vue des « Réjouissances de la paix » de 166013. Cette hypothèse semble corroborée par la collaboration avérée de Bidault avec Blanchet à l’abbaye des Dames de SaintPierre. Une véritable dichotomie se jouait ainsi entre le programme du décor sculpté offert au regard du plus grand nombre, dans l’espace public récemment aménagé avec la création de la place des Terreaux, et celui du décor intérieur, rendu plus explicite encore par la présence d’un décor peint. Une double commande consulaire lie les mêmes Bidault et Mimerel, à l’époque où ils sont mobilisés sur le chantier de l’Hôtel de Ville. Elle concerne deux Vierges à l’Enfant, manifestant le placement de la ville de Lyon sous la protection de la Vierge par les échevins en 1643, à la suite des épidémies de peste qui ont sévi en 1628-1637 et en 1643. La première prend place devant la Loge du Change, mais elle est, hélas, exécutée par Bidault dans une pierre poreuse et donc abîmée par les intempéries, avant d’être enlevée et finalement perdue. Le Projet de statue de la Vierge avec l’Enfant dessiné par Thomas Blanchet, donné à Tessin par Bidault et aujourd’hui conservé à Stockholm14, serait le modèle de cette statue datant de 1658, la Vierge y foulant du
9 Bombourg 1862, p. 161. 10 Ibid., p. 165. 11 Dans l’escalier d’honneur de l’Hôtel de Ville. 12 L’Hôtel de ville de Lyon 1998, p. 73. 13 Ibid., p. 211-213. 14 Inv. NM THC 3811, dans Galactérosde Boissier 1991, p. 410, no D 33 ; fig. 3, p. 68. 41
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Un art de la mémoire : deux siècles de statuaire publique à Lyon LAURENT BARIDON
1 Buren 1980, p. 5. 2 Agulhon 1979, et du même auteur, Agulhon 1989. 3 Régis Debray, « Trace, forme ou message ? », Les Cahiers de médiologie, La confusion des monuments, 1999/1, no 7, Paris, p. 27-44. 4 Aloïs Riegl, Le Culte moderne des monuments : sa nature et ses origines, Paris, Allia, 2016 [Vienne, 1903]. 5 Gardes 1987, et du même auteur, notamment, Gardes 1988.
« Que dire d’une statue dans la ville par rapport à sa sœur au musée ? » s’interroge Daniel Buren en 1980 alors qu’il ceint les socles des monuments lyonnais de bandes alternées comme pour de nouveau attirer l’attention sur eux1. Ils semblaient en effet avoir disparu des regards, soit qu’on les ignorât, soit qu’ils fussent détruits, déplacés ou délaissés. Depuis une trentaine d’années, les monuments publics commémoratifs ont fait l’objet d’un intérêt renouvelé de la part des chercheurs et du public. Les historiens de l’art ont réhabilité tout un pan de la production du XIXe siècle qui était auparavant ignoré pour cause de banalité ou « d’académisme ». La sculpture et l’architecture en ont bénéficié et l’ouverture du musée d’Orsay en 1986 a amplifié ce mouvement. Les historiens ont fait apparaître l’importance de cette mémoire de pierre et de bronze dans l’esprit public comme dans la construction des imaginaires politiques et sociaux 2. « Monument-message » selon Régis Debray 3, « monument intentionnel » selon Aloïs Riegl4, le monument public ne peut être isolé de
son contexte historique et des débats qui traversent la société. Une idée reçue veut que ces monuments aient été l’œuvre du XIXe siècle et que, dès la Première Guerre mondiale, ils aient subi la tabula rasa des avant-gardes modernes. Autre hypothèse fautive, la commémoration monumentale aurait été recouverte par la grande vague des monuments aux morts, faisant ainsi accéder chaque famille à la reconnaissance publique. La commémoration monumentale n’a jamais cessé au XXe siècle. Elle a certes pris des formes moins ostentatoires dans un contexte de modernisation urbanistique qui laissait plus de places au stationnement automobile qu’aux monuments. Mais le phénomène ne s’est jamais interrompu, sauf pendant les conflits. C’est pourquoi il nous a paru nécessaire de présenter, de façon synthétique après les travaux fondateurs de Gilbert Gardes5, deux siècles de statuaire publique en intégrant des œuvres récentes. Bien qu’elles n’aient pas toujours de fonction commémorative, elles appartiennent incontestablement à ce peuple statuaire qui incarne l’histoire de Lyon.
Fig. 1 Musée des Beaux-Arts, vue actuelle de la salle du médaillier
Représentations politiques La commémoration monumentale prend son essor dans les années 1840 avec la statue de Joseph Marie Jacquard. Ses origines sont cependant plus anciennes. Au XVIIIe siècle, des panthéons sculptés apparaissent dans toute l’Europe, en se référant explicitement à des formes antiques. Mais les statues des rois règnent sans partage sur les places des villes. Ériger une effigie qui ne soit ni religieuse ni royale dans l’espace public est peu courant avant la période révolutionnaire, époque où apparaissent les premières manifestations d’esprit public. Fort logiquement, elles s’attachent à détruire les symboles de l’ordre ancien et notamment les statues royales. La statue équestre de Louis XIV par Martin Desjardins, inaugurée en 1713, est ainsi détruite entre la fin août et le 23 octobre 1792. Elle est envoyée à la fonte mais les reliefs allégoriques du Rhône et de la Saône qui l’accompagnent sont déposés à l’Hôtel de Ville, preuve que seul le symbole monarchique était visé. Durant la Révolution, les fêtes s’organisent autour de monuments le plus souvent éphémères, l’histoire accélérée de cette période ne permettant pas la réalisation d’œuvres définitives. Leur fonction est de célébrer le début d’une ère nouvelle en entraînant l’adhésion des citoyens. Au moment de la Restauration, les monuments qui ont été détruits sont rétablis. C’est notamment le cas de la statue de Louis XIV place Bellecour, commandée à François Lemot, et inaugurée le 6 novembre 1825. Saint Louis, Henri IV, Louis XIII, Louis XV et Louis XVI
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reçoivent également des hommages. Si d’autres statues royales sont rétablies ou érigées en France, la volonté de commémorer les grands hommes se manifeste de plus en plus fréquemment. À Lyon, François Grognard, négociant en soie et inspecteur du Mobilier impérial, effectue différents legs au profit de sa ville. Ce bienfaiteur prévoit notamment d’honorer les « Lyonnais dignes de mémoire », reprenant une expression employée dès le milieu du XVIIIe siècle dans un ouvrage de biographie 6. Cette initiative a donné naissance à une collection de bustes de Lyonnais célèbres. Elle est présentée dans une salle du musée, fastueusement aménagée par l’architecte René Dardel durant les années 1830. Des consoles accueillent les bustes qui dominent la collection des sculptures modernes du musée, depuis remplacée par le médaillier (fig. 1). C’est en effet pendant la monarchie de Juillet que se concrétise durablement le culte des grands hommes. Dès 1840, le monument consacré à Jacquard, mort en 1834, adopte la typologie caractéristique du monument public commémoratif. Seule sur un piédestal conçu par Antoine Marie Chenavard, la statue du grand homme est érigée sur la place Sathonay. Cette œuvre de Denis Foyatier est déposée un demi-siècle plus tard pour être remplacée par un hommage au sergent Blandan. La statue de Jacquard est alors présentée devant la mairie du IVe arrondissement de Lyon en 1899, puis érigée sur un piédestal, conçu par Abraham Hirsch en 1901, place de la Croix-Rousse. Envoyée à la fonte en 1942, elle a été remplacée par une statue en pierre en 1947 qui reproduit celle de bronze. Ces vicissitudes n’ont rien que de très ordinaire dans la vie des statues. La commémoration est un phénomène soumis à des passions, des oublis ou des reniements. Les changements politiques les expliquent le plus souvent et les grandes places ont toujours vocation à accueillir les dirigeants de la nation. Au début du Second Empire, la place Bellecour étant occupée par Louis XIV, la statue équestre de Napoléon Ier est érigée devant la gare de Perrache, cette nouvelle porte de la ville. Dès la chute du régime impérial, la statue est détruite et seuls les deux reliefs en bronze de Georges Diébolt sont conservés (cat. 83). En 1887, sur ce même emplacement, la municipalité décide, non sans lenteurs, d’ériger une statue à la République, en vue d’un centenaire qui ne fait pas l’unanimité à Lyon (fig. 2)7. De ce fait, l’iconographie recherche le consensus. La statue de Marianne, symbole de modération et de paix, brandit un rameau d’olivier de sa main gauche, tandis que de la droite elle caresse la tête d’un lion qui marche à ses côtés. Aujourd’hui, cette statue d’Émile Peynot est toujours en place sur le haut piédestal conçu par Victor Auguste Blavette, mais l’ensemble du monument a été rejeté sur le côté de la place pour permettre la réalisation du métro dans les années 1970. Mutilé, il présente un haut développement vertical qui l’isole et le rend incompréhensible. Dans le dispositif originel, trois groupes statuaires de la Liberté, de l’Égalité et de la Fraternité se détachaient sur le piédestal en donnant à l’ensemble une cohérence visuelle et iconographique. Ces trois groupes sont aujourd’hui dispersés dans un
Fig. 2 ÉMILE PEYNOT (sculpteur), VICTOR AUGUSTE BLAVETTE, TONY DESJARDINS (architectes)
Monument de la République, 1889
Lyon, place Carnot, carte postale ancienne, Lyon, Bibliothèque municipale
parc public et ne reçoivent guère d’hommages – cruel destin pour de si belles valeurs. En outre, le monument de la République était entouré de bassins et d’un système complexe de balustre afin de le mettre en scène dans l’espace urbain. Ce cadre architectural avait été conçu pour le monument Vaïsse dont le destin est plus cruel encore 8. Préfet de Lyon en 1853, « l’Haussmann lyonnais » est le grand modernisateur de la ville, perçant les grandes rues de la presqu’île et initiant la réalisation du parc de la Tête d’Or. Brutalement décédé en 1864, la municipalité décide d’ériger en son honneur un monument sur la place de l’Impératrice qu’il avait contribué à créer – aujourd’hui des Jacobins. La préfecture néanmoins préconise que ce monument soit une fontaine, et qu’un second monument voie le jour au parc de la Tête d’Or. L’imposante architecture du monument de la place de l’Impératrice est réalisée par Tony Desjardins. Un concours de sculpture a été organisé et la statue du préfet est livrée en 1869. Elle n’est cependant pas installée, la municipalité préférant finalement un seul monument, au parc de la Tête d’Or. La chute du régime fait que l’on abandonne purement et simplement le projet du centre-ville. La statue est remisée, puis la municipalité pense réutiliser le bronze en 1890 pour réaliser un hommage à Claude Bernard. Les descendants de Vaïsse protestent et rachètent l’œuvre. Néanmoins, faute de pouvoir en financer le transport, ils la revendent en 1900 pour être finalement fondue. Le piédestal de la place de l’Impératrice est déplacé à la Tête d’Or, sans son entourage. Le buste, préparé pour le monument du parc, surmonte cette composition très disproportionnée. Les quatre statues d’enfants représentant les saisons, qui devaient orner le monument de la place de l’Impératrice, sont installées devant la grande serre du parc de la Tête d’Or, mais trouvent finalement leur place définitive dans les niches de
6 Jacques Pernetti, Recherches pour servir à l’ histoire de Lyon, ou Les Lyonnois dignes de mémoire, Lyon, Chez les frères Duplain, 1757. 7 Agulhon 1989, p. 223, ainsi que Gardes 1987, vol. 4, p. 445-450. 8 Giri 1991. 51
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La sculpture religieuse à Lyon au xixe siècle : le rêve de l’« artiste-apôtre » ISABELLE SAINT-MARTIN
1 Fabisch 1842a. L’artiste s’installe à Lyon vers 1841. 2 Quoiqu’il s’agisse plus précisement de variantes, dont celle du sculpteur Raffl connut sans doute la plus grande diffusion ; voir Carminati 2016. 3 Meynis 1865. 4 Autrefois à l’angle de la rue du Bât-d’Argent et de la rue Sirène, voir Georges 1913, fig. 30. Cf essai de L. Virassamynaïken, fig. 5, p. 69. 5 Je remercie vivement Séverine Penlou, qui a mis à ma disposition son travail (Penlou 2008) ; son aide me fut précieuse. 6 Voir Durand 2014. 7 Voir Foucart 1987. 8 Voir Dufieux 2004, chap. I, « La recherche d’une identité lyonnaise ». 9 Voir Jean-Baptiste Tissaudier, Leçons de philosophie professées au Lycée de Lyon par M. l’abbé Noirot, Lyon-Paris, 1852. 10 Sobriquet qui leur fut attribué en raison de leur coiffure dite « à la nazaréenne », voir Cordula Grewe, Painting the Sacred in the Age of Romanticism, Burlington, Ashgate, 2009. 11 Voir Sylvie Ramond, François-René Martin, « Le goût pour les Primitifs à Lyon au XIX e et au début du XX e siècle », Lyon 2007, p. 111-123. 12 Bien que la question des « nazaréens français » reste en débat, voir Michel Caffort, Les Nazaréens français. Théorie et pratique de la peinture religieuse au XIXe siècle, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2009, et Pierre Vaisse, « Y a-t-il une école de peinture lyonnaise au XIX e siècle ? », Lyon 2007, p. 17-25. 13 Voir Le Normand-Romain 1982. 14 Peintre et membre du Tiers-Ordre dominicain, Thérèse Chatt. 15 En religion Antonin Danzas (18171888) ; voir Jean-Marie Gueullette (dir.), Un passé recomposé. Fondation et construction du couvent dominicain de Lyon 1856-1888, Chrétiens et Sociétés, coll. « Documents et Mémoires » n° 25, 2015. 16 Sur ce contexte, voir Saint-Martin 2014.
« Fais que la toile prêche et que la pierre prie1. » Par ces mots, Joseph Fabisch espère des artistes dont « l’œuvre reflète les magnificences de Dieu ». Célèbre pour sa Vierge de Lourdes, mondialement reproduite2 (1864), le sculpteur fut d’abord l’auteur de la Vierge dorée de la colline de Fourvière (1852 ; fig. 1) dont la popularité s’impose bien avant que le Saint Michel de Paul Émile Millefaut (1885), figure mariale dans l’hymne édifié par Pierre Bossan, ne vienne lui faire écho. Marie s’inscrit ainsi dans les emblèmes de Lyon, du vœu des échevins de 1643 à celui de 1870 contre les envahisseurs prussiens ; elle imprime sa marque à une cité présentée en 1865 comme la ville du monde qui possède sur ses maisons le plus grand nombre de madones 3. La Vierge à l’Enfant d’Antoine Coysevox (1697) fut une de ces madones des rues 4 avant de gagner la chapelle Notre-Dame des Grâces de l’église Saint-Nizier. Les Vierges du XIXe siècle ont complété
Fig. 1 JOSEPH FABISCH
Vierge dorée
Bronze doré, 1852, Lyon, basilique Notre-Dame de Fourvière
ce vaste ensemble et si Fabisch ou Charles Dufraine n’égalent pas au panthéon de la statuaire les Lyonnais Coysevox ou Coustou, ces deux professeurs de l’école des beaux-arts de Lyon méritent l’attention, tout comme leurs élèves5, pour redécouvrir l’art religieux d’un siècle souvent mal aimé qui a pourtant laissé sa trace dans les pierres comme dans l’imaginaire d’une ville associée à l’imposante silhouette de la basilique de Fourvière 6. Lyon au cœur du renouveau de l’art religieux Après les vicissitudes de la période révolutionnaire auxquelles répond le Génie du christianisme de Chateaubriand (1802), le renouveau de l’art religieux7 des années 1830 n’est certes pas une spécificité lyonnaise. Néanmoins la capitale des Gaules8 offre un contexte favorable tant par l’engagement du cardinal de Bonald (archevêque de Lyon de 1839 à 1870) en faveur des édifices du culte que par l’existence d’un milieu intellectuel et spirituel propice aux idées religieuses. Ainsi des rapprochements ont pu être esquissés entre la Palingénésie sociale (1827) du philosophe Simon Ballanche et Le Bien et le Mal de Victor Orsel (1832, Lyon, musée des Beaux-Arts) ou La Philosophie de l’ histoire de Paul Chenavard (vers 1850, Lyon, musée des Beaux-Arts). Cet idéalisme mystique se retrouve dans l’enseignement de l’abbé Noirot 9 qui compte parmi ses élèves Frédéric Ozanam, Victor de Laprade mais aussi l’architecte Louis Sainte-Marie Perrin ou le peintre Louis Janmot. L’ambition des artistes nazaréens10 qui prônent à Rome un mode de vie quasi monastique et le retour à la pureté des primitifs italiens11 a trouvé des échos chez certains peintres lyonnais12 sans qu’il faille y lire une pleine adhésion à leurs principes, comme en témoignent les réserves d’Hippolyte Flandrin. Ces affinités se traduisent toutefois par la proximité de plusieurs artistes avec la Confrérie de Saint-Jean fondée en 1839 sous l’égide du père Lacordaire pour rénover l’art chrétien. Le peintre et maître verrier Claudius Lavergne en fut prieur. Le sculpteur Jean Marie Bonnassieux13 réalise en 1840 un buste de Lacordaire quelques années avant le portrait du dominicain par Janmot (1846). Le peintre Louis Lacuria et sa femme14 sont parmi les proches de Lacordaire. Dans cet entourage, certains prennent l’habit tel le peintre Danzas15 qui fonde par la suite le couvent du Saint-Nom de Jésus à Lyon (1856) pour lequel Fabisch compose une Vierge du rosaire se détachant en ronde bosse dans une mandorle (1870). Lecteur d’Alexis François Rio et de Charles de Montalembert qui ont contribué à diffuser l’esthétique nazaréenne en France16, Fabisch publie dans
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leur sillage, en 1842, son credo artistique17. Il se défie des formes trop sensuelles mal adaptées à une religion toute spirituelle, et voit dans la sculpture d’Edme Bouchardon l’effet d’une longue décadence tandis qu’Antonio Canova annonce un retour au sérieux que l’art chrétien doit enfin sanctifier. Retenue et sobriété pour traduire une religiosité sans excès de pathos pourraient être des traits communs d’une statuaire religieuse lyonnaise, alors que Fabisch a enseigné dès 1845 à l’école des beaux-arts dont il fut directeur de 1871 à 1876. S’il est sans doute excessif de parler d’une école lyonnaise, Catherine Chevillot y voit « plus qu’un milieu18 », un foyer significatif dans la sculpture du XIXe siècle. Dans le cas plus spécifique des interventions dans les églises, les principaux sculpteurs sont passés par l’école des beaux-arts soit comme professeur (Jean François Legendre-Héral, de 1818 à 1839, ou Dufraine qui succède à Fabisch en 1884), soit au cours de leur formation19. Les chantiers alors n’ont pas manqué ; au cours du siècle, la population s’étend et de nouvelles paroisses se forment. Le néogothique s’impose à Sainte-Blandine (Clair Tisseur, 1863-1869) ou à l’église de la Rédemption (Claude Anthelme Benoît, 1867-1877), tandis que, avant Fourvière, Bossan imprime son style à l’église de l’Immaculée-Conception (1853-1858). En parallèle, la restauration d’anciens édifices tels Saint-Bonaventure, Saint-Paul, Saint-Nizier et Saint-Martin d’Ainay, où le tympan néo-roman de Fabisch reprend le motif du Christ en majesté entouré du tétramorphe (1860), offre l’occasion de nouveaux décors. Dès les années 1850, la chapelle baroque de l’Hôtel-Dieu20 reçoit de nouvelles œuvres. Fabisch est sollicité pour quatre d’entre elles. D’inspiration classique, la composition pyramidale du Christ chez Marthe et Marie (1850 ; fig. 2) est dominée par la figure de Marthe et ses gestes de reproche mais les regards des deux femmes sont tournés vers le profil christique qui pourrait évoquer une peinture de Johann Friedrich Overbeck 21. Si les drapés fluides couvrent chastement les corps, l’élégance de ce groupe se rapproche de la grâce de la Béatrix que sculpte Fabisch dans ces mêmes années (cat. 88). Pureté et sobriété se retrouvent avec plus de froideur dans la Pietà (1853, le sujet est repris en bas relief pour le tympan de la façade) ou le relief de la Résurrection de Lazare. Cette retenue marque également le traitement du Sacré-Cœur à Saint-Polycarpe (1859). Pour ce thème cher à la spiritualité du siècle22, le sens du sacrifice est ici suggéré par le calice tenu dans la main droite tandis que la main gauche désigne la poitrine nue du Christ vêtu à l’antique d’un himation. Fabisch évite ainsi l’excès de réalisme dans la représentation – tant décriée par Adolphe Didron – du cœur sanglant devenue traditionnelle pour ce sujet et qu’il reprend de manière plus conventionnelle en 1877 pour l’église Saint-Paul ou en 1886 pour Notre-Dame du Bon Secours, à l’instar de Dufraine à NotreDame-Saint-Vincent (1877) ou Émilien Cabuchet à Saint-François de Sales (1892), tandis que Bonnassieux à Sainte-Croix (1873) ou à Saint-Nizier (1889) préfère le geste du Christ écartant sa tunique. Mais c’est à ses madones que Fabisch doit sa célébrité. Il remporte
Fig. 2 JOSEPH FABISCH
Le Christ chez Marthe et Marie Marbre, 1850, Lyon, chapelle de l’Hôtel-Dieu
en 1851 le concours pour Notre-Dame de Fourvière. L’inauguration le 8 décembre 1852 de sa Vierge dorée23 (fig. 1) sur le clocher édifié par l’architecte Duboys est à l’origine de la fête des Lumières24. Vierge de l’Immaculée Conception25 (deux ans avant la proclamation du dogme, 1854), elle apparaît en reine du ciel, couronnée, vêtue d’un manteau et d’une longue tunique aux plis sages, les bras étendus en orante à l’instar de la Vierge de Bouchardon (vers 1735, Paris, église Saint-Sulpice), quoique dans une pose plus hiératique qui évoque également la Vierge dispensatrice de grâces popularisée par l’iconographie de la médaille miraculeuse (1832). Pour ses nombreuses Vierges à l’Enfant, Fabisch a su en maintes occasions s’adapter au contexte architectural ; celle du porche de l’église Saint-Bonaventure (1863) rappelle le gothique du XIIIe siècle comme celle de Sainte-Blandine (1878), tandis qu’à l’église baroque de Saint-Bruno des Chartreux le gracieux échange de regards entre la Mère et l’Enfant (1880) s’accompagne d’une gestuelle et de plissés plus souples, pour ne citer que quelques exemples. Rival malheureux pour le concours de Fourvière, Bonnassieux, pourtant prix de Rome (1836), demeure présent dans les églises lyonnaises et son Baptême du Christ orne la place de la cathédrale26. Il eut cependant surtout une carrière parisienne et reçut en 1860 la commande plus monumentale encore de la Vierge du Puy 27 (Notre-Dame de France, h. 16 m). Diffusé avec succès, son album de Douze statues de la Vierge (Firmin-Didot, 1879) comporte l’exemple de l’église Saint-Martin d’Ainay (1851 ; fig. 3) où il suit le goût du temps pour l’Immaculée Conception et celui de Notre-Dame de Grâces (1858), sur le pignon de l’église Saint-Nizier, qui cherche l’harmonie avec le style flamboyant du XVe siècle28.
17 Fabisch 1842b. 18 Catherine Chevillot, « La sculpture au XIX e siècle à Lyon : école ou École ? », Lyon 2007, p. 144-151. 19 Tels Guillaume Bonnet, Jean Marie Bonnassieux, Émilien Cabuchet, Jean Antoine Cubisole, Paul Émile Millefaut, Jean Larrivé. 20 Voir Marchand 2014. 21 Johann Friedrich Overbeck, Le Christ chez Marthe et Marie, 1815, Berlin, Staatliche Museen zu Berlin, Alte Nationalgalerie. 22 En 1856, Pie IX étend la fête du Sacré-Cœur à l’Église universelle. Marguerite-Marie Alacoque est béatifiée en 1864, canonisée en 1920. 23 5,6 m sur un socle de 3 m, fonderie Lanfrey et Baud. Le cardinal de Bonald a renouvelé en 1848 la consécration de la Ville à la Vierge. 24 Prévue le 8 septembre, elle fut décalée au 8 décembre en raison des intempéries qui cessèrent ce jour-là. 25 Pour le débat autour de la conception de la Vierge exempte du péché originel, voir Claude Langlois, « Le temps de l’Immaculée Conception. Définition dogmatique (1854) et événement structurant », p. 365-379, et Philippe Boutry, « L’Iconographie des apparitions mariales dans la France du XIX e siècle : l’Unique et ses représentations », p. 347-363, dans Bruno Béthouart et Alain Lottin (dir.), La Dévotion mariale de l’an mil à nos jours, Arras, Artois Presses Université, 2005. 26 Voir l’article de Ludmila Virassamynaïken et Stéphane Paccoud, fig. 8, p. 47. 27 Voir Anne Pingeot, « Les Vierges colossales du Second Empire », dans Paris 1986, p. 208-213. 28 Voir Armagnac 1897, p. 91 et 96. 57
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I. XVII e -XVIII e SIÈCLES
CATALOGUE antoine bourdelle, Carpeaux au travail (détail), cat. 186
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Note introductive au catalogue Le présent catalogue se compose de deux parties successives : – une sélection d’œuvres commentées, organisées en chapitres chronologiques, chacun introduit par un texte traitant d’une problématique de contextualisation ; – le catalogue sommaire de l’ensemble des œuvres appartenant à la collection du musée, classé pour chaque siècle par ordre alphabétique d’artiste, puis par numéro d’inventaire, offrant le cas échéant un renvoi aux notices de la partie précédente. Le catalogue des œuvres a été établi par Ludmila Virassamynaïken pour les XVIIe et XVIIIe siècles, et par Stéphane Paccoud pour les XIXe et XXe siècles, avec la contribution d’Isabelle Dubois-Brinkmann, et le concours de Laurence Berthon, Cécile Bertran, AnneCharlotte Cathelineau, Camille Lévêque-Claudet et Élodie Mercier-Perrault. Celui-ci répertorie l’ensemble des œuvres appartenant aux collections du musée, en prenant appui sur les registres d’inventaires, les catalogues anciens et les archives, et comprend celles actuellement non localisées. Les sculptures ayant fait l’objet d’une restitution passée sont en revanche listées en annexe. Le fonds de moulages, principalement connu par les inventaires anciens car actuellement non localisé dans sa majeure partie, n’est pas intégré à ce catalogue. Les plaquettes et médaillons n’ont été pris en compte que dans le cas où ceux-ci relèvent d’un travail de sculpture et non de gravure en médailles, et dans la mesure où il s’agit d’épreuves à taille originale et non de réductions. Les bronzes d’édition ont été systématiquement inclus pour les XIXe et XXe siècles, alors que l’on a considéré que les bronzes de petites dimensions des XVIIe et XVIIIe siècles relevaient pour leur part du département des Objets d’art. La répartition chronologique des œuvres a été définie en fonction de la date de naissance de l’auteur, l’année 1970 constituant pour chacun la limite retenue pour basculer vers le siècle suivant. Les intitulés livrés pour chaque œuvre privilégient dans la mesure du possible la forme originale voulue par l’artiste. Ils reprennent en particulier les titres mentionnés le cas échéant dans les catalogues des Salons. Si plusieurs formes coexistent, chacune des variantes est citée. Afin d’établir ce catalogue, les matériaux et techniques, les dimensions et les inscriptions ont été intégralement vérifiés sur pièce. Les dimensions sont exprimées en mètres. Les inscriptions sont citées dans leur intégralité, à l’exception du marquage du numéro d’inventaire. La graphie originale a été systématiquement respectée. L’historique délivre l’ensemble des informations connues à ce jour sur la provenance des œuvres, leur
mode d’acquisition, leurs mouvements éventuels hors du musée – à l’exception des prêts pour expositions –, ainsi que les interventions de restauration qu’elles ont pu connaître. La liste des expositions ne précise que les manifestations auxquelles l’exemplaire ici commenté a physiquement été présenté. La mention de l’exposition est indiquée en abrégé, la référence complète du catalogue étant fournie dans la bibliographie finale. Les manifestations non accompagnées d’une publication figurent en revanche sous leur intitulé intégral. Les différents Salons sont détaillés par l’usage d’abréviations listées infra. Dans chaque cas est précisé le numéro sous lequel la pièce figure au catalogue, ainsi qu’un renvoi vers une éventuelle notice. La sculpture est un art du multiple. La liste des œuvres en rapport proposée mentionne les autres exemplaires référencés à ce jour, en précisant leur matériau, leur statut, leur date éventuelle, ainsi que leur localisation pour ceux conservés en collection publique. Le détail des œuvres en mains privées ou passées en vente n’est indiqué que dans le cas de versions uniques. Les données fournies prennent appui sur la littérature, ainsi que sur la documentation du musée, complétée par celle du département des sculptures du musée du Louvre et du musée d’Orsay, et ne prétendent pas à l’exhaustivité. Les sources manuscrites listées renvoient aux inventaires anciens du musée, aux registres des procèsverbaux de la commission, à la correspondance conservée dans les dossiers documentaires, aux archives versées aux archives municipales de Lyon, ou bien conservées aux archives départementales du Rhône et de la métropole de Lyon, ainsi qu’aux Archives nationales de France. Dans certains cas, d’autres documents ont pu être cités, leur localisation étant systématiquement précisée. La bibliographie indiquée, bien que se voulant la plus complète qui soit, ne prétend pas à l’exhaustivité. Elle cite l’ensemble des catalogues et publications du musée dans lesquels l’œuvre apparaît, ainsi que, dans la mesure du possible, toutes les références mentionnant cet exemplaire précis. Il est indiqué si celui-ci bénéficie d’une reproduction. Elle exclut cependant les dictionnaires (Bellier et Auvray, Bénézit, Thieme & Becker, AKL…), à l’exception de ceux de Lami et d’Audin et Vial. Les catalogues d’expositions, déjà détaillés plus haut, n’ont pas été repris dans cette rubrique afin d’éviter des doublons. Dans le cas de multiples, ont été signalées des références plus générales sur l’œuvre, ainsi que les sources critiques, même si celles-ci portent sur une version dans un autre matériau. Les mentions sont toutes indiquées sous une forme abrégée renvoyant vers la bibliographie finale contenue dans cet ouvrage.
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Auteurs des notices Claire Barbillon (CB) Geneviève Bresc-Bautier (GBB) Christian Briend (CBr) Gérard Bruyère (GB) Cécilie Champy-Vinas (CCV) Frédéric Chappey (FC) Catherine Chevillot (CC) Xavier Deryng (XD) Stéphanie Deschamps-Tan (SDT) Sabrina Dubbeld (SD) Philippe Dufieux (PhDx) Philippe Durey (PhD) Ophélie Ferlier-Bouat (OFB) Véronique Gautherin (VG) Nadège Horner (NH) Ingrid Junillon (IJ) Élisabeth Lebon (EL) Colin Lemoine (CL) Antoinette Le Normand-Romain (ALNR) Anne Longuet Marx (ALM) Laure de Margerie (LM) Valérie Montalbetti (VM) Stéphane Paccoud (SP) Édouard Papet (EP) Sophie Picot-Bocquillon (SPB) Anne Pingeot (AP) Guilhem Scherf (GS) Anne Théry (AT) Béatrice Tupinier-Barrillon (BTB) Ludmila Virassamynaïken (LV)
Liste des abréviations utilisées ADR : Archives départementales du Rhône et de la Métropole de Lyon AFR : Académie de France à Rome, Villa Médicis AML : Archives municipales de Lyon AMN : Archives des musées nationaux, versées depuis 2015 aux Archives nationales de France ANF : Archives nationales de France, Pierrefitte-sur-Seine Arch. mun. : Archives municipales bibl. : Bibliographie BML : Bibliothèque municipale de Lyon BNF : Bibliothèque nationale de France, Paris cat. : Catalogue CNAP : Centre national des arts plastiques coll. part. : Collection particulière diam. : Diamètre dim. : Dimensions doc. : Documentation ENSBA : École nationale supérieure des beaux-arts, Paris EU : Exposition universelle exp. : Expositions FNAC : Fonds national d’art contemporain FRAM : Fonds régional d’acquisition pour les musées h. : Hauteur hist. : Historique inscr. : Inscriptions INHA : Institut national d’histoire de l’art, Paris inv. : Inventaire l. : Largeur MC : Minutier central des notaires loc. : Localisation n.p. : Non paginé œ. en r. : Œuvres en rapport p. : Profondeur reg. com. : Registres des procès-verbaux des séances de la Commission du musée repr. : Reproduit s.d. : Sans date s.l. : Sans lieu SAAL : Société des Amis des arts de Lyon SAF : Société des artistes français SLBA : Société lyonnaise des beaux-arts SNBA : Société nationale des beaux-arts
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La sculpture à Lyon aux xviie et xviiie siècles, à la croisée des chemins entre Rome et Paris LUDMILA VIRASSAMYNAÏKEN
À l’aube du XVIIe siècle, les entrées du roi Henri IV (fig. 1), de son épouse Marie de Médicis et de leur fils Louis XIII, qui se succédèrent à Lyon en 1598, 1600 et 1622, furent l’occasion pour la municipalité de passer de nombreuses et coûteuses commandes de sculptures aux « ymagiers ». Le souvenir des décors éphémères scandant ces fastueuses processions a été conservé grâce aux livrets des entrées illustrés d’estampes. Les statues qu’ils abritaient consistaient en allégories d’inspiration antique, ainsi qu’en portraits de souverains, dans le droit fil des entrées organisées au siècle précédent. Les vestiges de la production sculptée aux XVIIe et XVIIIe siècles pour être pérenne sont, pour leur part, plus rarement visibles qu’on ne le penserait dans les rues et édifices de la capitale des Gaules. Le parti pris anti-jacobin de la majorité municipale valut en effet à la ville d’être assiégée et bombardée en 1793 sur
ordre de la Convention. Il en résulta que les façades de l’Hôtel de Ville, de l’Hôtel-Dieu et des bâtiments de la place Bellecour furent défigurées, les XIXe et XXe siècles apportant par la suite leurs lots de destructions. L’essor religieux consécutif à la Contre-Réforme n’en donna pas moins lieu, au XVIIe siècle, à un déploiement de nouvelles congrégations1 tel et à la création ou la transformation d’un si grand nombre de lieux de culte, que pléthore de sculpteurs furent mis à contribution pour doter ces édifices de décors témoignant aujourd’hui encore pour certains de l’ambition de chantiers qui virent affluer des artistes issus de provinces parfois éloignées. D’une ampleur exceptionnelle, le chantier de l’Hôtel de Ville retint également à Lyon des sculpteurs qui étaient pour une grande part de passage2, s’acheminant vers ou revenant de Rome. C’est le cas du Liégeois Martin Hendricy,
Fig. 1 JEAN PERRISSIN (attr.) 1 Trente et une entre 1606 et 1696, cf. Gardes 1988, p. 138. 2 Cf. Perez 1976.
Gravure de l’entrée du roi Henri IV, dans Pierre Matthieu, Les deux plus grandes, plus célèbres et mémorables résiouissances de la ville de Lyon. La première, pour l’entrée de très-grand, très chrestien, très victorieux Prince, Henry IIII, roy de France et de Navarre Lyon, Thibaud Ancelin, 1598, Lyon, BML
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qui obtint en 1648 la charge de sculpteur ordinaire de la ville. Le Picard Jacques Mimerel, qui lui succéda en 1654 à cette charge, fut l’auteur aussi bien de médailles que de décors éphémères et de sculptures, telles que le Buste de l’archevêque Camille de Neuville de Villeroy (cat. 9), une Vierge pour le pont du Change (Lyon, chapelle de l’Hôtel-Dieu ; fig. 2, p. 42) ou des figures allégoriques pour la cour d’honneur et la grande salle de l’Hôtel de Ville. Ultime sculpteur à assumer cette charge au tournant du XVIIIe siècle, le Provençal Marc Chabry fut pour sa part attiré à Lyon par le chantier de l’abbaye Saint-Pierre dirigé par un autre Méridional, l’architecte avignonnais François Royers de La Valfenière. S’il ne reste quasiment que des œuvres peintes de cet artiste 3, on sait néanmoins qu’outre ses réalisations pour l’abbaye Saint-Pierre, il conçut un autel pour la chapelle des Grands Artisans du collège de la Trinité et des œuvres pour des particuliers, le Consulat faisant également appel à lui dans le cadre des chantiers de l’Hôtel de Ville et de la place Louis le Grand. À son instar, d’autres artistes de passage à Lyon, le temps d’y participer à un chantier ou d’y obtenir des commandes permettant de financer la suite de leur voyage, s’y fixèrent et y fondèrent une dynastie perpétuant leur activité. Dans une ville où « l’italianisme […] est plus le fait d’artistes français qui sont allés en Italie que d’Italiens venus travailler en France 4 », Chabry, qui fut l’élève de Pierre Puget à Toulon, fait en quelque sorte figure d’exception. À son retour en France en 1627, au terme de dix-sept années d’apprentissage à Rome, Jacques Sarazin fit ainsi bénéficier la cité du fruit de cette expérience, avant de repartir s’établir à Paris dès l’année suivante. Peut-être sur la recommandation du peintre lyonnais Horace Le Blanc qu’il connut sûrement à Rome, l’étape lyonnaise lui offrit l’occasion de recevoir la commande pour l’église des Chartreux des statues de Saint Bruno (fig. 2) et de Saint Jean-Baptiste, ainsi que de deux bas-reliefs, ces œuvres témoignant des leçons tout juste apprises outre-monts. Davantage connu en tant que peintre, le Parisien Thomas Blanchet, qui s’établit également à Lyon à son retour d’Italie, apparaît sans conteste comme la personnalité la plus riche se rattachant à l’histoire de la sculpture à Lyon au XVIIe siècle. À en croire Joachim von Sandrart, dans sa prime jeunesse, Blanchet conçut le projet de devenir sculpteur, mais se tourna finalement vers la peinture sur les conseils de Jacques Sarazin, en raison de sa faible complexion 5. D’où, peut-on penser, son implication dans l’élaboration de programmes et de modèles sculptés par Nicolas Bidault et Simon Guillaume. C’est ainsi qu’après avoir fait ses preuves comme quadratiste sur le chantier de l’Hôtel de Ville, pour lequel il livra également des modèles destinés à être sculptés, il s’illustra en déterminant l’ordonnancement et les contours de l’ensemble des sculptures animant l’escalier d’honneur et le réfectoire de l’abbaye Saint-Pierre. Le décor de l’escalier, pour lequel il donna dix-sept modèles de sculptures, se présente selon Lucie Galactéros-de Boissier « malgré son amoindrissement, [… comme]
Fig. 2 JACQUES SARAZIN
Saint Bruno
Bois stuqué, Lyon, église Saint-Bruno des Chartreux
l’ensemble le plus représentatif de Blanchet architecte et ordonnateur d’un décor sculpté monumental alliant à la ronde-bosse le bas et le haut-relief 6 ». Ce projet comprenait également des Vertus qui consistaient sûrement en des sculptures feintes en grisailles, comme on en relève à l’Hôtel de Ville ou dans la chapelle des Messieurs au collège de la Trinité. Son sens de la scénographie, comme le répertoire formel mis en œuvre, révèlent l’assimilation de modèles italiens, tels que la Sala Paolina au château Saint-Ange. Des modèles conçus par Blanchet se rapprochent plus particulièrement de l’art du Bernin, que l’on considère la Vierge à l’Enfant (fig. 3) réalisée par Bidault en 1658, à la demande des échevins, et caractérisée par le mouvement tumultueux des figures et des drapés, ou encore le maître-autel du Carmel de la Croix-Rousse dont le groupe sculpté par Bidault en 1681 avait pour vis-à-vis un imposant tableau de Charles Le Brun7 et un tabernacle issu de l’atelier du Bernin lui-même. La description par Clapasson de ce dernier ensemble permet de se figurer des contrastes de formes et de couleurs rappelant l’exemple romain. La fréquentation des vestiges de l’Antiquité romaine et la collaboration avec le père Ménestrier ont dans
3 Cf. Perez 1971. 4 Perez 1976, p. 15. 5 Joachim von Sandrart, dans Galactéros-de Boissier 1991, p. 562 : « né à Paris de bonne famille, et dès sa plus tendre enfance très doué pour la sculpture, mais étant jugé trop faible de corps et de membres pour s’y adonner, fut persuadé par les conseils bien intentionnés du talentueux sculpteur nommé Sarrazin de choisir le noble art de peinture ». 6 Ibid., p. 172. 7 La copie disparue de Charles Le Brun, Descente de Croix, vers 1680, huile sur toile, h. 545 ; l. 329 cm, Rennes, musée des Beaux-Arts. 67
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I. XVIIe-XVIIIe siècles ARTUS I QUELLINUS (Anvers, 1609 – id., 1668)
Artus I Quellinus eut pour père Érasme I Quellinus (vers 1580-1642), sculpteur originaire de Liège, maître de la guilde de Saint-Luc à Anvers à compter de 1606 et fondateur de la dynastie des Quellinus, constituée d’éminents sculpteurs, peintres et graveurs. Parmi les onze enfants qu’eurent Érasme I et Élisabeth Quellinus, trois furent artistes : Érasme II (1607-1678) devint un peintre réputé, Hubert (1619-1687) se distingua comme graveur et Artus I reprit avec succès l’atelier de son père. À l’occasion d’un séjour à Rome qui dura de 1635 à 1639, Artus I fut initié à l’art du Bruxellois François Duquesnoy, qui l’influença durablement. De retour d’Italie, en 1640, il intégra comme son père la guilde d’Anvers, avant de devenir sculpteur de la ville d’Amsterdam, une cité particulièrement florissante au lendemain de la paix de Westphalie. À partir de 1650 et jusqu’en 1664, Artus I se consacra au chantier de l’hôtel de ville d’Amsterdam, le plus grand bâtiment civil de son temps, bâti d’après les dessins de Jacob van Campen (1596-1657) et converti en Palais royal depuis 1808. Il y réalisa un programme sculpté consistant essentiellement en frontons, statues et bas-reliefs exaltant la paix retrouvée, à travers des références aussi bien bibliques que mythologiques. Son frère Hubert contribua à la diffusion de ces créations via la publication d’un ouvrage richement illustré de reproductions gravées par ses soins. Outre cette commande officielle majeure, le sculpteur exécuta des portraits et des monuments funéraires pour des particuliers, tels que les gisants du comte de Bokhoven et de la comtesse Hélène de Montmorency (église de Bokhoven). De son vivant, la renommée du sculpteur fut telle que, lors de l’inauguration de l’hôtel de ville d’Amsterdam en 1655, le poète Joost van den Vondel (1587-1679) érigea Artus I Quellinus en « Phidias » des Pays-Bas. Son style classicisant, alliant la monumentalité à la mesure, offrit un contrepoint à l’éloquence rubénienne et fit école durant la seconde moitié du XVIIe siècle.
1. Cybèle bas-relief, terre cuite DIM. : h. : 0,687 ; l. : 0,390 ; p. : 0,040 INSCR. : à sa gauche, en bas : Chinard. HIST. : 1925 : don de M. Baverey ; 1994 : restauration par Hervé Manis (nettoyage, collage du gland du bâton et réintégration). EXP. : 1990b, Lyon, no 9, p. 16. Œ. EN R. : bas-relief en terre cuite, Amsterdam, Rijksmuseum ; bas-relief avec variantes en terre cuite signalé en 1925 (AML, 1400 Wp 3), loc. inconnue. SOURCES : reg. com., séance du 1/07/1925 (don) ; AML, 1400 Wp 3 (don). BIBL. : Rosenthal 1928a, p. 11 ; Rocher-Jauneau 1978b, p. 6, repr. p. 7 ; Paccoud 2013, p. 318. INV. : B 1365
Depuis 1925, date à laquelle il fut donné au musée par un particulier lyonnais, ce bas-relief passe pour être l’œuvre de Joseph Chinard, car il porte la signature de l’artiste. En 1978, tout en précisant que « la technique du travail de la terre et la signature so[]nt absolument de lui », Madeleine Rocher-Jauneau admettait que « ce bas-relief nous pose un problème », puisqu’il n’a jamais été mentionné par le sculpteur et par les historiens d’art qui se sont penchés sur son œuvre au XIXe siècle. Il s’avère par ailleurs difficile de porter cette œuvre au crédit de Chinard d’un point de vue stylistique, ce qui fit écrire à la même Madeleine Rocher-Jauneau que « ce bas-relief serait une œuvre de jeunesse de Chinard, peutêtre une étude pour la décoration de l’Hôtel de Ville qu’il exécuta sur les ordres de Barthélemy Blaise » (Rocher-Jauneau 1978b, p. 6). De fait, jusqu’à ce jour, on a reconnu la Ville de Lyon dans cette figure féminine s’avançant flanquée d’une lionne et d’un lion, le front ceint d’une couronne murale, drapée dans un manteau aux lourds plis s’accusant par-dessus une tunique, un sceptre fleurdelisé et une clef dans la main gauche, la droite appuyée sur la hanche. Il convient plutôt de reconnaître Cybèle, mère des dieux et déesse de la Terre chez les Phrygiens, puis les Grecs et les Romains. Dans l’Iconologie de Jean-Baptiste Boudard (1766), Cybèle apparaît en effet comme « une Matrône couronnée de fleurs et de fruits ; elle tient une tour ou un jeune arbrisseau. Son attribut
ordinaire est le lion ». Ainsi la divinité est-elle traditionnellement représentée des tours de rempart dans la main ou en guise de couronne, pour signifier les villes placées sous sa protection. Parfois, comme c’est ici le cas, elle tient une clef, destinée à ouvrir la porte de la Terre pour accéder aux richesses y étant enfouies. Quasi invariablement, un ou des lions accompagnent celle qui fut recueillie par cet animal dans son enfance et qui personnifie la nature sauvage. La couronne murale et le sceptre fleurdelisé se retrouvent dans un panneau peint en grisaille, en 1663, par l’un des frères d’Artus, Érasme II Quellinus (Belgique, coll. part.). Le premier, le professeur Theverkauff, des Staatliche Museen de Berlin, a rapproché le bas-relief du musée de Lyon d’une estampe représentant Cybèle d’après une œuvre d’Artus I Quellinus (doc. du musée, courrier du 30/12/1992). Plus récemment, Frédérique Brinkerink a à son tour attiré l’attention sur la filiation évidente entre le relief de Lyon et un relief, également en terre cuite, conservé à Amsterdam. Le relief du Rijksmuseum est considéré soit comme le modèle, soit comme la réplique d’un relief en marbre d’Artus Quellinus ornant la galerie nord de l’hôtel de ville d’Amsterdam. Devenu au XIXe siècle Palais royal, ce bâtiment a été conçu par Jacob van Campen et il a été richement orné, afin d’incarner la puissance des Provinces-Unies au lendemain des traités de Westphalie. Le relief figurant Cybèle
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appartient ainsi à une série représentant huit planètes et dieux, le cadre enserrant Cybèle se retrouvant dans les hauts-reliefs en marbre décorant cet édifice. Les proportions exagérées du haut du corps de Cybèle s’expliquent par la monumentalité des marbres et par le point de vue en contre-plongée. Le modèle supposé du Rijksmuseum daterait de 1651, à l’instar de ceux représentant Apollon et Diane cités à cette date dans les comptes de l’Hôtel de Ville, l’exécution en marbre ayant eu lieu ensuite, entre 1653 et 1654. En l’absence de confrontation et d’analyses des terres il est difficile de déterminer si le relief lyonnais est un modèle préparatoire ou une réplique du marbre de l’Hôtel de Ville, voire du relief du Rijksmuseum, d’autant plus qu’un relief similaire a été signalé en 1925 par un particulier domicilié à Bruxelles (doc. du musée, courrier du 17/04/1925). En terre cuite, ce dernier ne se distingue des spécimens lyonnais et amstellodamois que par l’absence d’encadrement et par des pans coupés dans la partie supérieure. Il reste cependant à expliquer la présence de la signature de Chinard. Pourrait-il s’agir d’une copie exécutée par le sculpteur lyonnais, davantage connu pour ses copies d’antiques
romains ? Pour ce faire, Chinard aurait pu s’appuyer sur la reproduction du relief gravée par Hubert Quellinus, dans son ouvrage diffusant les décors de l’Hôtel de Ville créés par son frère (Prima Pars praecipuarum effigierum…), d’autant plus qu’une édition de 1665 figurait dans le fonds du palais des Arts (BML). Le sceptre remplaçant dans l’œuvre lyonnaise la trompette tenue par Cybèle dans la gravure semble cependant compromettre cette hypothèse. De même, l’inclinaison de la tête de Cybèle et la position du lion sont plus fidèles au relief d’Amsterdam qu’à la gravure d’Hubert Quellinus, l’analogie entre les deux reliefs étant renforcée par la similitude de leurs dimensions. Enfin, il apparaît que la signature a été gravée après cuisson, alors que Chinard avait pour habitude de l’inscrire dans la terre avant cuisson. Tous ces éléments tendent à faire de cette œuvre une réalisation du XVIIe siècle issue de l’atelier d’Artus Quellinus, qu’il s’agisse d’un modèle ou d’une réplique, vraisemblablement transformée en œuvre de Chinard pour répondre à la demande du marché lyonnais en la faisant passer pour une œuvre inspirée au sculpteur par sa fréquentation des antiquités romaines. LV
2. France,
xviie siècle Saint Pierre
ronde-bosse, bois polychromé DIM. : h. : 1,035 ; l. : 0,580 ; p. : 0,790 HIST. : découvert dans une maison de la banlieue lyonnaise ; 1968 : don de l’Association des Amis du musée pour 2 800 francs. SOURCES : reg. com., séance du 8/11/1968 (achat par les Amis du musée). BIBL. : BMML 1969, p. 46. INV. : 1968-152
Cette figure d’applique, dont on distingue les traces d’accrochage au revers, doit probablement provenir d’un grand décor d’église. Le titre traditionnel se réfère à saint Pierre. Mais le torse nu et la barbe très longue évoquent plutôt un saint Jérôme pénitent. GBB
3. France,
milieu du xviie siècle Tête de profil tournée vers la droite, saint Pierre ?
fragment de haut-relief, pierre polychromée DIM. : h. : 0,26 ; l. : 0,24 ; p. : 0,15 HIST. : date et mode d’acquisition inconnus. INV. : H 1920
Le visage de profil d’applique présente le type iconographique traditionnel de saint Pierre, tonsuré, portant une courte barbe noire. Il est vêtu d’une chape dorée ornée d’un décor de quadrillage et d’une fleurette, qui doit correspondre à la figuration de l’apôtre en pape. GBB 73
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Joseph Chinard et la question d’une école lyonnaise STÉPHANIE DESCHAMPS-TAN, STÉPHANE PACCOUD
1 Paris 1909-1910, p. 9. 2 Rapport du 25 mars 1839, AML, 78 Wp 4. 3 Reg. com., séance du 17 mars 1855. 4 Bertaux 1909 ; Saunier 1910 ; Vitry 1910b. 5 Catalogue des sculptures par Joseph Chinard de Lyon (1756-1813) formant la collection de M. le Comte de PenhaLonga, Paris, galerie Georges Petit, 2 décembre 1911 ; Voir Tourneux 1909.
Au tournant des XVIIIe et XIXe siècles, Joseph Chinard s’impose comme le sculpteur majeur sur la scène artistique lyonnaise et comme l’un des créateurs les plus originaux de son temps. La collection du musée des Beaux-Arts de Lyon est aujourd’hui la plus riche pour témoigner de son travail dans toute sa diversité. En 1909, Paul Vitry, organisateur d’une rétrospective de son œuvre au pavillon de Marsan à Paris, n’hésitait-il pas à juger, en ouverture au catalogue, que celui-ci avait joué « dans l’histoire politico-artistique de Lyon, un rôle qui, toute proportion gardée, peut être comparé à celui du peintre David, à Paris1 ». Pourtant, l’étoile de celui qui bénéficia de grandes commandes, de la Révolution à l’Empire, et qui fut l’un des plus brillants portraitistes de cette période, avait dès après sa mort très vite pâli. Le goût changeant condamnait désormais la grâce légère de ses œuvres héritée de l’Ancien Régime. Il est d’ailleurs frappant de relever, en confrontant les inventaires manuscrits
Fig. 1 JOSEPH CHINARD
Juliette Récamier
Marbre, vers 1805-1806 (cat. 45)
successifs du palais Saint-Pierre établis par François Artaud aux catalogues des collections qu’il publie, de 1820 à 1837, que les sculptures de Chinard mentionnées dans le descriptif des salles, dans les premiers de ces documents, ne sont pas signalées aux visiteurs dans les seconds. La sculpture n’y occupe une place que par les créations contemporaines de Jean François Legendre-Héral, Clémence Sophie de Sermézy, Denis Foyatier et Jean-Baptiste Vietty, la Pandore (cat. 57) de Jean Pierre Cortot étant considérée comme le chefd’œuvre de la collection. Le groupe en terre cuite de Persée et Andromède (cat. 32) se trouvait alors au milieu des antiques. À la demande du maire de la ville, Legendre-Héral, Pierre Marie Prost et l’architecte René Dardel se rendent en 1839, lors de la succession de Marie Berthaud, veuve du sculpteur, dans la propriété de celui-ci, située dans le quartier de Pierre-Scize, afin de dresser une liste d’œuvres qui « leur semblent éminament [sic] propres à décorer et embellir les nouveaux Musées et galeries du Palais St. Pierre2 ». De cette énumération détaillée ne sont retenus finalement que deux bustes copiés d’après l’antique (cat. 27). En 1855, un débat agite la commission à propos de l’opportunité d’acquérir le Centaure dompté par l’Amour (cat. 29) : « la Commission exprime l’opinion que cette œuvre a quelques parties d’un mérite supérieur digne du talent qui a fait la juste réputation de l’auteur, mais cette figure mythologique avec les attributs qu’elle comporte et l’attitude qui lui est donnée, répond-elle bien au sentiment qui domine aujourd’hui dans les arts ? La statue offre-t-elle cette parfaite harmonie de formes, cette beauté d’ensemble, cette exécution étudiée du détail qui caractérisent une œuvre capitale ? La Commission n’oserait l’affirmer 3 ». En conséquence est privilégié l’achat à Joseph Fabisch de sa Béatrix (cat. 88). Symptôme supplémentaire significatif de cette dépréciation, le buste de Juliette Récamier (cat. 45), chef-d’œuvre le plus célèbre issu de son ciseau, devait connaître une diffusion par des copies et moulages sur lesquels était inscrit le nom de son rival Jean Antoine Houdon. En 1909, l’exposition conçue par Vitry constitue-t-elle ainsi un jalon essentiel dans la redécouverte de l’artiste, appuyée par plusieurs érudits 4 et collectionneurs, parmi lesquels le comte de Penha-Longa qui avait réuni un ensemble sans pareil dispersé en vente publique trois ans plus tard5. Cependant, le musée de sa ville natale se situe alors hors de ce mouvement. Certes, grâce à l’appui d’Édouard Herriot, auteur d’une thèse consacrée à son modèle, le buste en marbre de Juliette Récamier (fig. 1) parvient-il à être acheté en 1909 ; mais l’identité
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Fig. 2 Vue des salles de sculpture du musée vers 1925, avec au premier plan le Vase en l’honneur du couronnement de Napoléon et Joséphine de Joseph Chinard (cat. 41) Photographie anonyme, documentation du musée
du personnage compte plus que celle de l’artiste dans ce geste. Il faut attendre l’arrivée de Léon Rosenthal à la tête de l’institution pour qu’un véritable changement d’orientation soit opéré. En 1924, celui-ci se voit proposer l’acquisition du modèle de La Liberté et l’Égalité (cat. 34), jusque-là inédit. Lorsqu’il le présente devant la commission, son président, Arthur Kleinclausz, rappelle que celle-ci « avait précédemment estimé que le talent de ce sculpteur était déjà bien représenté dans les collections. Il ne voit toutefois pas d’inconvénient, en ce qui le concerne, à ce qu’on acquiert quelque autre ouvrage de ce maître, à condition que le prix en soit modique 6 ». En réponse, le conservateur plaide pour une révision de cette politique : « M. le Directeur pense qu’il serait bon de donner plus de développement à la salle Chinard. Le renom de cet artiste va grandissant et l’ouverture de la chapelle St Pierre à nos collections permettra d’accueillir d’autres œuvres de lui7. » D’autres acquisitions suivront celle-ci et désormais le sculpteur sera particulièrement mis en avant (fig. 2), replacé dans une généalogie idéale de la sculpture française dépassant largement le cadre de la ville : « Au moment où Houdon décline, dans une époque de statuaires ampoulés et médiocres, Chinard apparaît vraiment comme le plus grand, de très loin. Au seuil du XIX e siècle, il annonce les Rude, les Barye, les Carpeaux,
les Dalou, les Rodin8. » Camille Mauclair n’hésite pas à ponctuer ainsi son récit d’une visite des collections lyonnaises : « Assurément personne n’ignore sa haute valeur parmi les historiens de l’art français ; mais les sculpteurs et le public s’en doutent-ils ? Pour la plupart de ceux qui visitent le Musée de Lyon, c’est une révélation. Il nous faut commencer par lui, car ce grand artiste a été, comme Berjon pour les peintres, l’inspirateur de l’École lyonnaise. […] Au Musée de Lyon, il est en place d’honneur 9. » Si la figure de Chinard s’est imposée progressivement, dans l’historiographie de la sculpture française du XIXe siècle, comme celle d’un artiste majeur, son rôle d’initiateur d’une école lyonnaise de sculpture est encore questionné. En effet, il est tentant de vouloir créer un pont entre une école lyonnaise de peinture dont les carrières des acteurs majeurs ont été parfaitement étudiées et les enjeux esthétiques riches et divers cernés10 et une supposée école lyonnaise de sculpture dont le fondateur serait Chinard. Catherine Chevillot11 a démontré le caractère forcé de ce parallèle qui ne résiste pas à l’analyse des stratégies de carrière individuelles des principaux protagonistes de la sculpture à Lyon et à un centralisme artistique grandissant tout au long des années 1820 à 1840, qui ne permettent pas l’émergence d’une cohérence esthétique évidente :
6 Reg. com., séance du 14 octobre 1924. 7 Ibid. ; voir Paccoud 2013, p. 317-318. 8 Mauclair 1929, p. 140-141. 9 Ibid., p. 135-136. 10 Voir à ce sujet Lyon 2007. 11 Catherine Chevillot, « La sculpture à Lyon au XIX e siècle, école ou École ? », Lyon 2007, p. 145-151. 127
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II. Du Consulat à la Restauration 1800-1830 JOSEPH CHINARD (Lyon, 1756 – id., 1813)
38. Groupe
allégorique des familles Dumas et Creuzet, 1801
groupe, terre cuite
DIM. : h. : 0,425 ; l. : 0,326 ; p. : 0,230 INSCR. : sur le rocher à l’avant : A / DUMAS ; sur le ballot : A / DUMAS / A / LYON ; sur la plinthe de la terrasse à l’avant : Le Creuzet [sic] du malheur Eprouvant l’amitié / fait de L’homme Sensible une divinité ; sur la plinthe de la terrasse à sa gauche : Les enfans de j.h Creuzet / a leur T uteur ; sur la plinthe de la terrasse à l’arrière : esquisse faite par Chinard à Lyon / 1801 HIST. : avant 1909 : collection du comte de PenhaLonga ; 2 décembre 1911 : vente Penha-Longa, Paris, galerie Georges Petit, no 61, cédé pour la somme de 2 000 francs ; collection de Bonnier ; 1965 : acquis par le musée de la galerie Wildenstein pour la somme de 4 000 francs, don de la Société Lyonnaise ; 2015 : nettoyage et consolidation par Pascale Klein. EXP. : 1909-1910, Paris, no 25, p. 32 ; 1989-1990, Lyon, no 35, p. 83, 89, repr. p. 82 ; 2003-2004, Paris, New York, Stockholm, no 125, notice de G. Scherf, p. 280-281, repr. p. 280 [édition anglaise : no 125, p. 266-267]. SOURCES : reg. com., séance du 25/02/1966 (achat). BIBL. : Lami 1898-1921, vol. III, p. 207 ; Michel 1909, p. 1 ; Tourneux 1909, p. 26-28, repr. p. 6 ; Saunier 1910, p. 36, repr. p. 35 ; Desvernay 1915, p. 129 ; Audin/Vial 19181919, vol. 1, p. 189 ; Tapissier 1936, p. 41 ; BMML 1967, p. 55 ; Rocher-Jauneau 1978b, p. 32-33, repr. p. 34 ; Lyon 2007, p. 150. INV. : 1965-47
Ce petit groupe, conçu par Chinard dans un contexte privé, présente une iconographie particulièrement complexe. Joseph Creuzet (1771-1801), fabricant-brodeur, venait tout juste de décéder en laissant veuve et orphelins une épouse, Antoinette Buffard, et deux enfants, une fille, Françoise (1795-1816), et un garçon, André (1798-1881), futur député du Cantal. Ceux-ci sont alors confiés à un tuteur, auquel cette allégorie rend hommage. Il était jusqu’alors admis que ce dédicataire était Jean-Baptiste Dumas (1777-1861), employé à la préfecture du Rhône, rédacteur du Journal de Lyon et du Midi. Ce dernier deviendra ensuite secrétaire de l’Académie des sciences, belles-lettres et arts de Lyon, dont il est l’auteur d’un historique publié en 1839, et composera l’éloge funèbre de plusieurs de ses membres, parmi lesquels Chinard (Dumas 1814, p. 15). Certains commentateurs ont fait état de liens d’amitié entre eux mais aucune source n’apporte de précision et le texte de Dumas lui-même demeure peu probant à ce propos. Cependant, l’existence au cimetière de Loyasse à Lyon d’un monument aux familles Dumas et Creuzet livre une autre identité : celle d’André Dumas (1755-1822), propriétaire, piste plus probable car son âge en 1801 correspond davantage à la possibilité d’obtenir la tutelle de deux jeunes enfants que les vingt-quatre ans de son homonyme. Cette hypothèse trouve confirmation dans la présence à ses côtés dans le même monument de Françoise et dans le fait que son acte de décès révèle qu’il avait épousé la veuve de Creuzet. Sans doute ce groupe est-il une commande, mais l’historique de cette œuvre nous demeure inconnu avant sa présence dans la collection du comte de PenhaLonga au début du XXe siècle. Le personnage principal de cette composition, figuré nu, une draperie glissant le long de son corps, évoque un génie. Il peut en cela être comparé à plusieurs autres représentations masculines contemporaines dans l’œuvre de Chinard, comme celle du jeune homme tenant une colombe et protégeant un enfant dans un groupe allégorique provenant de la collection Ciechanowiecki (terre cuite, vers 1800, Varsovie, Château royal). Il évoque la noble action de Dumas, qui tire à lui, hors d’un œuf brisé – symbole de leur situation familiale –, les deux enfants, figurés à un âge correspondant à celui qu’ils avaient alors. Un serpent, placé au premier plan, se dirige vers eux et
leur tuteur vient les sauver de la menace de sa morsure. À ses pieds, un ballot, un livre et une corne d’abondance renversée symbolisent l’éducation et le soutien matériel qu’il va leur apporter. À l’arrière gît éplorée leur mère. À ses côtés apparaît sur l’œuf un portrait en médaillon dont il est à supposer qu’il s’agit de celui du défunt. Plusieurs inscriptions sont gravées dans la terre, rappelant le contexte mémoriel de cette création. La multiplicité des symboles et le caractère très érudit d’un tel programme sont un aspect relativement propre au travail de l’artiste, si l’on songe à ses allégories de la période révolutionnaire. Cette œuvre peut être rattachée, comme l’a souligné Guilhem Scherf, à une série de groupes allégoriques à caractère familial, débutant avant même la Révolution et se prolongeant jusqu’aux premières années du XIX e siècle (Paris/New York/Stockholm 20032004, p. 280). Il cite ainsi le portrait de Mme Van Risamburgh en Minerve protégeant son fils (terre cuite, 1789, loc. inconnue ; marbre, 1790, Los Angeles, Getty Museum) ou La Famille du général Duhesme (terre cuite, vers 1801-1805, Los Angeles, Getty Museum). Ces sculptures témoignent toutes de la nouvelle importance de la sphère familiale qui s’est développée dans la seconde partie du XVIIIe siècle et donne désormais naissance à de nombreuses représentations à la dimension intime. Cependant, Chinard s’en distingue ici par la référence mémorielle et le caractère de quasi-monument funéraire attaché au souvenir du défunt Joseph Creuzet. Cette dimension se retrouvera davantage dans les travaux de son élève Clémence Sophie de Sermézy (voir cat. 51 et 56). Ce groupe démontre toute la virtuosité de l’artiste dans le modelage de la terre. Les traces d’outils, laissées visibles, apportent une véritable animation à la composition qui, malgré son étagement pyramidal classique, échappe ainsi à la rigueur pour rendre l’expression des affects. Le spectateur est invité à la découvrir sous tous ses plans pour en lire les différents aspects. Plutôt que l’antique, la référence regardée par Chinard semble ici à chercher auprès de son contemporain Antonio Canova. Quelques mois plus tôt, l’artiste avait effectué un nouveau séjour à Rome et il est possible qu’il ait pu alors revoir certains des travaux de son illustre confrère. Le traitement presque stylisé de la femme éplorée à l’arrière n’est pas
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39. Napoléon Bonaparte, 1801 Napoléon Bonaparte (1769-1821), Premier consul, puis empereur des Français buste, plâtre patiné DIM. : h. : 0,770 ; l. : 0,435 ; p. : 0,330 INSCR. : sur le baudrier : DE / MAINJ / NOD ; DE / MON DOVI ; BAT. / DE / LODY ; B. / DE / RIVOLY ; B. / DE / CASTILLI / ONI / B. / D’ARCOLE [suite non lisible] ; sur le piédouche en haut à l’avant : HIC EST HOMO MEDICUS LEONI ; sur le piédouche à sa gauche : Chinard / de l’institut national / et de l’athénée de Lyon / le 24 frimaire an 10. HIST. : 1930 : don des héritiers du sculpteur Arthur de Gravillon ; 2009 : étude par Florence Lelong ; 2010 : nettoyage, collage de fragments, comblements et retouches par Florence Lelong. Œ. EN R. : autres plâtres, dont Genève, musée d’art et d’histoire, Lyon, Académie des sciences, belles-lettres et arts (actuellement non localisé), et Rueil-Malmaison, musée national des châteaux de Malmaison et BoisPréau ; marbre, loc. inconnue. BIBL. : Dumas 1814, p. 8 ; Dumas 1839, vol. 2, p. 164 ; La Chapelle 1896-1897, p. 355, 49 ; Lami 1898-1921, vol. III, p. 208 ; Desvernay 1915, p. 129 ; Schwark 1937,
sans comparaison avec certaines esquisses du Vénète, tandis que le groupe lui-même peut être rapproché de l’esthétique et de la symbolique développées dans les tombeaux du pape Clément XIII (marbre, 1784-1792, Rome, basilique Saint-Pierre) ou de l’archiduchesse
Marie-Christine d’Autriche (marbre, 1798-1805, Vienne, église des Augustins). La figure masculine principale peut ici en particulier faire écho par sa grâce idéale au génie à la torche renversée placé à la droite du monument papal.
La période du Consulat s’avère particulièrement propice en commandes pour Chinard, sollicité par le préfet et par la Ville de Lyon pour la réalisation de décors éphémères pour toutes les grandes célébrations publiques. Un événement politique de premier ordre se tient dans la cité entre décembre 1801 et janvier 1802 : alors que l’Italie est occupée par les armées françaises, Bonaparte réunit entre Rhône et Saône, dans la chapelle de l’ancien collège de la Trinité, la Consultà, assemblée de notables choisis par ses soins destinée à définir un nouveau cadre législatif à la jeune République cisalpine. Le 11 janvier, Bonaparte et son épouse sont reçus avec éclat par les autorités. Pour l’occasion, Chinard a notamment conçu un arc de triomphe sur le pont du Change, ainsi qu’un grand édifice à trois portiques sur la place Bellecour.
En complément de ces célébrations est présenté au Premier consul son portrait en buste, réalisé par le sculpteur. Le Journal des débats du 13 janvier 1802 en donne le détail suivant : « Un de nos meilleurs sculpteurs, le citoyen Chinard (de Lyon) a exécuté en marbre le buste du premier consul ; on le dit d’une ressemblance parfaite. Le conseiller-d’état, préfet du Rhône, s’est empressé d’accueillir cette nouvelle production d’un artiste lyonnais, et l’a fait placer dans le salon de l’appartement que doit occuper le premier consul. L’on assure que plusieurs préfets vont employer le ciseau de Chinard, pour les monumens [sic] qu’ils veulent consacrer à la paix, et à celui auquel l’Europe la doit. » (p. 3). Plutôt qu’un marbre, cette première version est vraisemblablement un plâtre, ce que confirme Salomon de
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Caïn et Chactas ou deux incarnations romantiques du désespoir SOPHIE PICOT-BOCQUILLON
Fig. 2 JEAN JACQUES FEUCHÈRE
Satan
Bronze, 1833, Paris, musée du Louvre
La collection de sculptures du musée des Beaux-Arts de Lyon illustre, dans sa diversité, la richesse de l’art statuaire au cours de la décennie 1830. L’art du portrait, à travers l’œil acéré de David d’Angers (cat. 72) et les caricatures d’Honoré Daumier (cat. 81), apparaît dans
toute son originalité. L’héritage classique, incarné par la Minerve de Jean François Legendre-Héral (cat. 68), reste certes prégnant dans l’art statuaire. Cependant, la palette des sensibilités tend à s’élargir comme en témoigne par exemple le goût pour un Orient fantasmé sensible dans l’Odalisque de James Pradier (cat. 75). Si le célèbre sculpteur avait aux yeux de Charles Baudelaire « un talent froid et académique », l’écrivain lui reconnaissait malgré tout sa capacité à « faire de la chair1 » : Pradier fait montre en effet de qualités sans pareil dans le travail du marbre pour révéler toute la sensualité des corps féminins. Son jeune voisin d’atelier à l’Institut, Francisque Duret 2, présent dans les collections de Lyon avec Chactas en méditation sur la tombe d’Atala (cat. 74), s’est davantage attaché aux jeunes corps masculins servis par de très belles fontes en bronze. Il propose ainsi au Salon parisien de 1833 un Jeune pêcheur dansant la tarentelle fondu à la cire perdue (Paris, musée du Louvre), dont la grâce pleine d’entrain et le sujet évoquant une Italie pittoresque séduisent le public et la critique. Lors de la même exposition, qui consacre l’avènement d’une nouvelle génération de sculpteurs, Antoine Louis Barye présente le plâtre du fameux Lion au serpent (cat. 76) tandis qu’Antoine Étex 3 apparaît comme un des talents les plus prometteurs avec Caïn et sa race maudits de Dieu, qui sera traduit en marbre quelques années plus tard (cat. 73 – fig. 1) : « M. Étex nous transporte bien loin des pêcheurs napolitains : il nous ramène au berceau du monde ; il nous fait assister à une scène de ce drame sublime du premier fratricide : il s’adresse à notre âme tout autant qu’à nos yeux4. » Dans cette critique, l’érudit et ancien directeur des Beaux-Arts du ministère Thiers, Charles Lenormant, qui a permis à Étex en 1830 d’obtenir une bourse pour étudier deux ans en Italie où il conçoit son Caïn, est particulièrement enthousiaste. Pour lui comme pour d’autres observateurs, Étex a su révéler toute la puissance de son sujet par une force d’expression inédite. Tout le désespoir et l’abattement du héros sont sensibles dans l’affaissement de ce corps massif. Certains critiques reprochent au sculpteur la vulgarité et le manque de noblesse de son Caïn. De fait, pour incarner ce fils d’Adam et sa famille, Étex a couru les quartiers populaires de Rome à la recherche de types physiques loin des modèles académiques. En représentant un épisode dramatique du livre de la Genèse, Étex reste fidèle à la hiérarchie des genres mais renouvelle le traitement d’une telle scène. De plus, l’intérêt porté à une figure vaincue, désespérée, maudite, rejoint les préoccupations de toute une
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Fig. 1 ANTOINE ÉTEX
Caïn et sa race maudits de Dieu Marbre, 1832-1839 (cat. 73)
génération d’artistes romantiques. Caïn est en outre le héros éponyme d’un drame romantique publié par Byron en 1822, qui s’inscrit dans la filiation du Paradis perdu de Milton, publié en français en 1805. Ce dernier texte est à son tour la principale source littéraire de Jean Jacques Feuchère lorsqu’il modèle son Satan (fig. 2), autre « héros romantique », en 1833. Caïn et sa race maudits de Dieu semble donc incarner une sculpture nouvelle. Sa puissance ne laisse personne insensible, à commencer par le maître d’Étex lui-même, Pradier, qui, semblant craindre la
comparaison, exige que, lors du Salon de 1833, Caïn ne soit pas exposé dans la même salle que son propre groupe, le très classique Cyparisse et son cerf (détruit dans l’incendie du palais de Saint-Cloud). Toutefois, opposer de manière trop tranchée les classiques et les modernes n’est pas la clé de lecture la plus efficiente pour aborder l’histoire de la sculpture de cette époque. Lorsque trois ans plus tard, Duret expose Chactas en méditation sur la tombe d’Atala (fig. 3), il ne puise ni dans l’histoire antique, ni dans les thèmes
1 Charles Baudelaire, « Salon de 1846 », dans Baudelaire 1868, p. 187. 2 Picot-Bocquillon 2014. 3 L’ensemble des références sur Étex de cet article sont issues de Püngel 2010. 4 Lenormant 1833, vol. 2, p. 71. 177
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III. De la monarchie de Juillet à la Seconde République 1830-1851 JEAN FRANÇOIS LEGENDRE-HÉRAL (Montpellier, 1795 – Marcilly, Seine-et-Marne, 1851) 67. Silène ivre, statue, marbre
1822-1833
DIM. : h. : 0,535 ; l. : 1,105 ; p. : 0,660 INSCR. : à l’arrière de la terrasse, derrière le pied : L egendre-héral / à lyon 1833 HIST. : 1834 : acquis de l’artiste, à l’issue de l’exposition des artistes lyonnais, pour la somme de 3 000 francs ; 1998 : nettoyage par Laurence Blondaux. EXP. : 1833, Lyon, no 117. Œ. EN R. : maquette en terre cuite, présentée à l’exposition de Lyon en 1822 (no 29), 1826 (no 38) et à l’exposition rétrospective de Lyon en 1904 (no 773), loc. inconnue ; plâtre, anciennement à Montpellier, musée Fabre, actuellement non localisé ; premier marbre, présenté au Salon de 1824 (no 1873), Paris, musée du Louvre (inv. CC 5), en dépôt à Grenoble, musée. SOURCES : inv. 1833, p. 27 ; cat. Martin-Daussigny, no 4 ; AML, 78 Wp 4 (achat) ; 78 Wp 12 (projet de déplacement) ; 78 Wp 14 (projet de déplacement). BIBL. : Chauvin 1824, p. 227 ; Jal 1824, p. 450 ; Revue critique 1825, p. 231-232 ; P.D. 1833, p. 1-2 ; P.R. 1833, p. 2 ; Cat. 1834, no XXII, p. 43-44 ; Cat. 1836, no XXII, p. 43-44 ; Cat. 1837, no XXII, p. 43-44 ; Dumas 1839, vol. 2, p. 111 ; Pointe 1840, p. 486 ; Nettement 1864, p. 227 ; Pariset 1873, p. 353 ; Cat. 1887, no 45, p. 5 ; Cat. 1897, no 62, p. 7 ; Lami 1898-1921, vol. VII, p. 287 ; Birot 1910, p. 22, 34 ; Audin/Vial 1918-1919, vol. 1, p. 497 ; Rosenthal 1928a, p. 12 ; Mauclair 1929, p. 142, repr. p. 129 ; Jullian 1960, p. 106 ; Tronel 1984, vol. 1, p. 52, 105, vol. 2, no 11 D, p. 148-149, vol. 3, repr. pl. 4 ; Tronel 1985, p. 116 ; Lyon 1986, p. 192 ; Chevillot 1995, p. 376-377 ; Dumas 2007, vol. 2, p. 795. INV. : H 786
La thématique retenue par Legendre-Héral pour cette œuvre paraît relativement atypique dans la sculpture des années 1820-1830 et ne connaîtra de véritable fortune que quelques décennies plus tard (voir cat. 94). Le sujet est emprunté aux Bucoliques de Virgile dont il cite un extrait de la VIe églogue dans le livret du Salon de 1824, emprunté à l’édition de Firmin Didot parue en 1806 : « Ivre encor du nectar qu’il avait bu la veille / Le vieux Silène, un jour, sous un autre étendu, / Dormait ; à ses côtés on voyait suspendu / Un vase aux larges flancs, dont l’anse était usée. » Le vieux satyre repose à même le sol, couché sur un drapé et appuyé contre un rocher. La trace d’un élément métallique arasé peut être relevée au niveau de l’index de la main gauche du personnage, ouvrant l’hypothèse de la présence initiale d’un objet perdu. Si un rapprochement est possible avec certaines sculptures antiques de même sujet, tel un marbre romain du musée national de Beyrouth, le naturalisme de cette sculpture semble avant tout propre au travail de l’artiste. Catherine Chevillot a souligné combien celle-ci s’écarte de la typologie habituelle de la figure couchée durant cette même période par le rendu sans concession des plis de la chair et l’expression d’extase hilare du visage (Chevillot 1995, p. 377). La référence semble presque plus rubénienne (Silène ivre, vers 1618-1625, Munich, Alte Pinakothek) qu’évoquer les modèles classiques, même si certains faunes antiques, tel celui en marbre rouge du Capitole, pouvaient déjà jouer d’expressions ambiguës à la veine comique. L’artiste paraît ouvrir une voie qui culminera à la fin du siècle dans le Triomphe de Silène de Jules Dalou (bronze, 1897, Paris, Jardin du Luxembourg). Un tel choix semble relativement dissonant envers le goût contemporain et rebute la critique. Auguste Chauvin s’interroge ainsi : « Qu’un sculpteur ait la fantaisie de reproduire certaines divinités champêtres d’un aspect bizarre ; qu’il cherche un modèle dans la troupe mutine et légère des satyres, des faunes, des sylvains, passe encore ; mais qu’un Français du dix-neuvième siècle aille justement choisir parmi toutes les figures du paganisme le personnage le plus rebutant et le plus difforme, le vieux Silène, voilà de ces idées malheureuses
qui ne devraient pas germer dans le cerveau d’un ami des arts, d’un statuaire comme M. Legendre-Héral. » (Chauvin 1824, p. 226227). Auguste Jal en revanche lui reconnaît au moins le mérite de son parti : « L’ivresse est assez bien rendue dans cette grimace bouffonne du Sylène [sic] de M. Legendre. Le style de cette figure est peut-être un peu trop bas, même pour le sujet ; il y a cependant du naturel, et cette qualité fait passer sur l’absence de beaucoup d’autres. » (Jal 1824, p. 450). Selon les biographes du sculpteur, les dimensions de cette figure, en demi-grandeur, constitueraient une parade pour échapper à l’accusation de moulage sur nature qui lui avait tant nui en 1822 à propos d’Eurydice (cat. 59), portée par plusieurs confrères et critiques (Pointe 1840, p. 487 ; Birot 1910, p. 22). Au Salon suivant, il soumet ainsi une première version en marbre de cette composition, qui lui est achetée par l’État (Grenoble, musée), associée à une figure monumentale, Othryadès blessé (plâtre, loc. inconnue). De son propre chef, il en réalise plus tard un second exemplaire qu’il présente en 1833 à Lyon dans le cadre d’une exposition organisée au palais Saint-Pierre. L’achat de celui-ci est engagé sur la proposition du maire lui-même, Gabriel Prunelle. Ce dernier affirme explicitement à cette occasion, dans un rapport lu devant le conseil municipal, sa volonté de soutenir par une politique d’expositions et d’acquisitions les peintres et sculpteurs lyonnais. Il loue en particulier les mérites de Legendre-Héral, qui selon lui se doit d’occuper une place centrale dans les galeries du musée, et tout spécialement du Silène ivre : « L’exécution en marbre a répondu à l’idée que le public s’était déjà formé de cet ouvrage, qui est à mon avis le travail le plus capital de ce maître. Dans l’intention ou [sic] nous sommes de former un Musée Lyonnais, il serait d’autant plus pénible à ne pas avoir à y placer le Silène de Mr. Legendre-Héral, que ce statuaire se trouve être professeur à l’école des Beaux-arts de Lyon. » (délibération du conseil municipal, 13 janvier 1834, AML, 78 Wp 4). L’achat manquera cependant d’être compromis par une dette due par l’artiste envers la Ville en raison de l’achat d’un terrain dans le quartier de Perrache non totalement réglé. SP
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Sculpteurs portraitistes à Lyon sous le Second Empire : Lyonnais illustres et allusions à l’antique CLAIRE BARBILLON
1 Bruyère 1999. 2 Claude Bréghot du Lut, Antoine Péricaud aîné, Biographie lyonnaise : catalogue des Lyonnais dignes de mémoire, Lyon, Société littéraire, 1839. 3 Alphonse Hodieu, Essais de nomenclatures lyonnaises, municipales et autres, de 1800 à 1865, Lyon, Thibaudier et Boin, 1866.
En 1852, alors que naissait le Second Empire, Théophile Gautier publiait le recueil Émaux et Camées qui lui assure encore aujourd’hui une véritable notoriété poétique. Passionné par l’art de son temps dont il fut un remarquable critique, il écrivait à propos de la sculpture : « Tout passe. L’art robuste / Seul a l’éternité. / Le buste / Survit à la cité. » Dans leur concision, ces quelques vers disent beaucoup : la fonction pédagogique, civique et mémorielle de la sculpture, conçue dans des matériaux qui assurent sa pérennité, le rôle du portrait – incarné par le buste – comme forme métonymique privilégiée pour incarner non seulement la sculpture mais l’art tout entier. Depuis l’Antiquité, le buste est bien l’expression sculptée première du portrait, que la statue peut aussi, plus coûteusement, incarner. L’exigence de ressemblance traverse l’ensemble de ces productions, de manière directe si un modèle pose devant l’artiste qui répond à une commande, ce qui est le cas le plus fréquent, ou de manière indirecte lorsque l’artiste cherche à évoquer la personnalité d’un personnage illustre, lointain ou disparu. Ainsi, le portrait peut être imaginaire, ou encore se combiner avec l’allégorie, ce qui perdure au fil des siècles en particulier à la période moderne. Quelle que soit la manière dont est entendue la ressemblance, elle n’en constitue pas moins une caractéristique fondamentale. Les mythes de la naissance de la sculpture sont toujours fondés sur l’illusion ou l’ambiguïté entre le vivant et l’œuvre sculptée. Rapporté par Pline dans l’Histoire naturelle, l’un de ces récits met en scène une jeune fille de Corinthe qui, sachant que son amant allait partir pour un long voyage, dessine le contour de son ombre sur un mur. À partir de cela son père, qui est potier, réalise un relief en terre cuite : la sculpture, plus que le dessin, restitue la présence de l’absent. Le portrait photographique, dont le succès a été immédiat dès le milieu du XIXe siècle, aurait pu constituer une menace à l’égard du portrait sculpté, autant que du portrait peint ou dessiné. Le Second Empire fut au contraire une période faste pour le portrait traduit par tous les médiums. À Lyon, le portrait sert dès avant le XIXe siècle une « politique de la mémoire1 » qui s’épanouit de façon particulièrement brillante en se fondant de diverses manières, écrite ou figurée, sur la prosopographie des grands hommes nés dans la capitale des Gaules. Dans le domaine des publications, une grande dizaine d’années avant l’avènement du Second Empire paraît la vaste entreprise de la Biographie lyonnaise : catalogue des Lyonnais dignes de mémoire2, suivie en 1866 par les Essais de nomenclatures lyonnaises, municipales
et autres, de 1800 à 18653. Plus encore, le legs de François Grognard, mort en 1823, est particulièrement intéressant en ce qu’il offre à la Ville, grâce au revenu d’un fonds placé, la possibilité de promouvoir et d’entretenir une véritable politique de commandes de portraits « peints ou gravés ou sculptés en buste ou gravés en médailles » des Lyonnais illustres, en particuliers artistes et savants. Dans cette série, les bustes dominent largement, unifiés par l’ambition unique et partagée de constituer un panthéon digne des grands hommes et du musée de la ville (fig. 1). Aucun buste peut-être n’est aussi caractéristique des qualités attendues pour un statufié que celui de François Artaud réalisé par Joseph Fabisch en 1856 (cat. 89 ; fig. 2), précisément sur les fonds disponibles grâce au legs Grognard. Le statuaire des Vierges de
Fig. 2 JOSEPH FABISCH
François Artaud
Marbre, 1856 (cat. 89)
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Fig. 1 Bustes de la série des « Lyonnais dignes de mémoire » installés au pied de l’escalier aménagé par Abraham Hirsch : Jean François Legendre-Héral par Jean Marie Bonnassieux (marbre, 1879 ; cat. 87), Hippolyte Flandrin par Joseph Fabisch (marbre, 1866), Victor Orsel par Guillaume Bonnet (marbre, 1857)
Fourvière et de Lourdes, des « jeunes filles élancées » (Anne Pingeot) de la littérature ou de la Bible, est aussi portraitiste. Il fixe les traits de l’archéologue François Artaud (1767-1838), figure fondatrice essentielle du musée des Beaux-Arts de Lyon puisqu’il en fut le directeur pendant près d’un quart de siècle entre 1806 et 1830. Le choix d’un buste « en hermès » convient à l’amour de l’antique incarné par le modèle et s’accorde aux collections archéologiques et au décor de la salle des bronzes (ou salle des antiques) dans lequel il fut installé, comme en témoigne une photographie ancienne (voir infra, la notice que lui consacre Gérard Bruyère, cat. 89). Mais le visage, souriant, et la coiffure, naturelle, voire un peu ébouriffée à la manière des portraits romantiques, cherchent à fixer les traits de l’archéologue dans un âge qui se situerait approximativement au cours de la première décennie du siècle. Significatifs de l’abondante production de portraits fournie par les sculpteurs lyonnais pendant le Second Empire, les bustes et médaillons de Félix Roubaud, élève de Fabisch, témoignent de sa prolixité dans le domaine. Deux médaillons de saint-simoniens, Arlès-Dufour et Enfantin (dit « le Père Enfantin »), respectivement réalisés en 1856 et 1857 (cat. 90), appartiennent à un important envoi du sculpteur, cette dernière année, à l’exposition de la Société des amis des arts de Lyon.
Bien qu’un peu plus tardif, achevé après la chute de l’Empire, le buste de Jean François Legendre-Héral par Jean Marie Bonnassieux (cat. 87) ne fut pas commandé à l’artiste sur le legs Grognard mais par l’État, qui l’envoya au musée de Lyon. Il y fut présenté avec les autres, dans la galerie des Lyonnais célèbres. Un peu plus grand que nature, en costume moderne (la convention du buste en hermès a été abandonnée au cours de la seconde moitié du siècle), il est conforme à la taille des bustes de la galerie (entre 60 et 70 cm). Réalisé vingt-huit ans après la mort du sculpteur qui fut le premier maître de Bonnassieux, il prend place aux côtés de ses propres œuvres (dix bustes avaient été commandés à Legendre-Héral entre 1824 et 1839 !) et y demeure jusqu’à ce que la réorganisation de la présentation des sculptures soit réalisée par Henri Focillon juste après la Première Guerre mondiale. Au temps de l’éclectisme où les portraits de Charles Cordier et d’Albert Ernest Carrier-Belleuse apportent autant de variantes à l’exubérance d’Auguste Clésinger, alors que la cour impériale est le lieu où s’épanouissent la liberté et l’élégante sensibilité de Jean-Baptiste Carpeaux, la collection lyonnaise, riche des portraits de ses grands hommes, ne néglige pas le portrait imaginaire, contribuant à l’illustration d’une Antiquité classique et d’une Renaissance constituées en répertoires de modèles. Deux exemples sont 219
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IV. Le Second Empire 1851-1870 GEORGES DIÉBOLT (Dijon, 1816 – Paris, 1861)
Fils d’un ébéniste, Georges Diébolt se forme dans un premier temps à l’école des beaux-arts de Dijon sous la direction de Pierre Paul Darbois, professeur de sculpture depuis 1829. Il y obtient un second prix de sculpture d’après le modèle vivant avant d’être admis à l’École des beaux-arts de Paris en 1835 où il intègre les ateliers d’Étienne Jules Ramey et Augustin Dumont. Il remporte le prix de Rome en 1841 avec son bas-relief La Mort de Démosthène (Paris, ENSBA). Il fait ses débuts au Salon en 1848 en présentant son dernier envoi de Rome, Sapho sur le rocher de Leucade (no 4714), qui lui vaut une médaille de seconde classe et l’achat par l’État de son marbre pour envoi dans le musée de sa ville natale. Pour sa seconde participation en 1852, il obtient une médaille de première classe pour La Méditation (no 1364, marbre, détruit). Il se voit également décerner une mention honorable à l’Exposition universelle de 1855. Sculpteur néoclassique accompli, Diébolt se révèle un sculpteur monumental de talent. Il se fait ainsi remarquer en 1851 grâce à la statue colossale en plâtre de La France rémunératrice placée au rond-point des Champs-Élysées lors de la distribution des récompenses obtenues par les industriels français à l’Exposition universelle de Londres (réduction en bronze conservée au musée d’Orsay). Il participe en 1852 au décor du piédestal de la statue équestre de Napoléon Ier pour la place Carnot à Lyon (statue détruite en 1870 ; cat. 83) dont l’audience fut nationale. Il reçoit alors des commandes de la Ville de Paris pour des édifices publics (Saint Jean l’Évangéliste, pierre, 1854-1855, tour Saint-Jacquesla-Boucherie, D’Alembert, pierre, Hôtel de Ville) et des ponts (La Victoire maritime, pierre, 1854-1855, pont des Invalides, Un grenadier, Un zouave, pierre, 1857, pont de l’Alma). Il participe activement au décor du palais du Louvre en sculptant quatre œils-de-bœuf pour le pavillon Turgot et en organisant la décoration complexe du fronton du pavillon de Rohan, côté place du Carrousel, avec les allégories du Travail intellectuel et du Travail manuel entourant La France artiste. Sa mort prématurée met fin à une carrière prometteuse. Son groupe en marbre Héro et Léandre sera présenté de manière posthume au Salon de 1863 (no 2333) et à l’Exposition universelle de 1867 (no 65) avant d’être envoyé par l’État au musée de Clermont-Ferrand en 1874. SDT 83. La Force, 1852 haut-relief, bronze, fonte Eck et Durand DIM. : h. : 1,60 ; l. : 2,10 ; p. : 0,53 INSCR. : à gauche de la terrasse : G DIEBOLT 1852 ; à droite de la terrasse : FDERIE DE ECK ET DURAND HIST. : 1852 : haut-relief placé sur le piédestal de la statue équestre de Napoléon Ier réalisée par le comte de Nieuwerkerke, installée sur la place Napoléon (actuelle place Carnot) à Lyon ; 1870 : destruction du monument ; 1871 : transfert du relief au musée ; 1960 : dépôt à la cour d’appel, installé dans la salle des pas perdus. SOURCES : cat. Martin-Daussigny, no 8 ; AML, 78 Wp 2 (transfert) ; 468 Wp 2 (commande) ; ANF, F/21/814 (commande). BIBL. : Cat. 1887, no 29, p. 4 ; Cat. 1897, no 43, p. 5 ; Lami 1898-1921, vol. VI, p. 196 ; Laveissière 1980, vol. 1, p. 176 ; Kjellberg 1987, p. 288 ; La Justice à Lyon 1995, p. 166 ; Compiègne 2000-2001, p. 168-169. Déposé auprès de la cour d’appel de Lyon INV. : H 2197
Vers la fin de l’année 1849 se constituait à Lyon un comité pour l’érection d’un monument équestre à Napoléon Ier financé par une souscription publique et une loterie, destiné à orner l’actuelle place
Carnot. Alfred Émilien O’Hara de Nieuwerkerke fut choisi pour réaliser le portrait de l’Empereur. La réalisation du piédestal monumental qui supportait la statue équestre fut quant à elle confiée
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La Loi, 1852
haut-relief, bronze, fonte Eck et Durand DIM. : h. : 1,45 ; l. : 2,05 ; p. : 0,51 INSCR. : à gauche de la terrasse : E1CH ET DURAND FON DEUR ; sur la tranche supérieure de la stèle : DIEBOLT. C .F.it ; sur la stèle : LA LOI HIST. : 1852 : haut-relief placé sur le piédestal de la statue équestre de Napoléon Ier réalisée par le comte de Nieuwerkerke, installée sur la place Napoléon (actuelle place Carnot) à Lyon ; 1870 : destruction du monument ; 1871 : transfert du relief au musée ; 1960 : dépôt à la cour d’appel, installé dans la salle des pas perdus. SOURCES : cat. Martin-Daussigny, no 9 ; AML, 78 Wp 2 (transfert) ; 468 Wp 2 (commande) ; ANF, F/21/814 (commande). BIBL. : Cat. 1887, no 30, p. 4 ; Cat. 1897, no 44, p. 5 ; Lami 1898-1921, vol. VI, p. 196 ; Laveissière 1980, vol. 1, p. 176 ; Kjellberg 1987, p. 288 ; La Justice à Lyon 1995, p. 166 ; Compiègne 2000-2001, p. 168-169. Déposé auprès de la cour d’appel de Lyon INV. : H 2198
à un architecte, Pierre Manguin. Entré en 1842 à l’École des beaux-arts comme élève d’Hippolyte Lebas, Manguin était alors réputé comme un brillant aquarelliste. Il débuta sa carrière en réalisant des relevés pour la Commission des Monuments historiques. Dessinateur des fêtes du gouvernement provisoire de 1848, il obtint la même année au Salon une médaille de première classe. Il exposa au Salon de 1851 sous le numéro 3696, trois dessins présentant son projet lyonnais : un projet de jardins publics, un plan d’ensemble du quartier dont le plan détaillé du piédestal, ainsi que le projet du piédestal de l’Empereur (dessins non localisés). Ce projet fut approuvé le 10 juillet 1851 et le 21 août 1851 un marché était passé avec les sculpteurs Georges Diébolt et Jean-Baptiste Jules Klagmann pour les ornements sculptés. Le piédestal elliptique devait porter quatre basreliefs en bronze séparés par des bas-reliefs en marbre. La réalisation du modèle et la fonte par Eck et Durand de la statue coûta 70 000 francs, bien loin du budget de 229 473 francs nécessaire à la mise en œuvre du piédestal. Il est indiqué dans le mémoire des travaux que « le sculpteur n’a demandé aucune rémunération [et que] les autres artistes ont été très coulants ». Avant d’être transporté à Lyon, le monument fut exposé aux Champs-Élysées à l’occasion de la fête de l’empereur le 15 août 1852, puis fut inauguré de manière grandiose à Lyon le 20 septembre 1852 par le prince-président Louis Napoléon en présence du comte de Nieuwerkerke et de Manguin. Sur le piédestal figuraient, sur le devant, un aigle aux ailes déployées, sur les côtés, les allégories de La Guerre (devenue La Force) et de La Loi, à l’arrière les génies de L’Industrie et
du Commerce. L’Illustration du 2 octobre souligne la qualité du travail de Manguin qui se vit remettre la Légion d’honneur : « Ce monument repose sur un piédestal en marbre d’Italie, orné de bas-reliefs et d’un très-bon [sic] effet, dont l’auteur est M. Manguin, jeune architecte plein de talent et d’avenir. M. Manguin est décoré pour cette œuvre. Au moment où le Prince arrivait sur place, le voile noir semé d’étoiles d’or qui couvrait la statue est tombé au bruit du canon, de puissantes fanfares et d’un hymne-monstre [sic] entonné par huit cents voix de jeunes enfants. » Nulle mention n’est faite du travail des sculpteurs. Georges Diébolt avait pourtant déjà débuté une carrière prometteuse. Lauréat du grand prix de Rome en 1841, il s’était fait remarquer au Salon de 1848 où il avait reçu une médaille de deuxième classe pour sa statue en marbre de Sapho sur le rocher de Leucade (Dijon, musée des BeauxArts). En 1851, il fut l’auteur de la statue colossale en plâtre, exécutée pour la distribution aux artistes des récompenses obtenues à l’occasion de l’Exposition universelle de Londres, érigée au rond-point des Champs-Élysées, point d’orgue de l’ensemble des seize statues de grands hommes alignées le long de l’avenue. Cette célébrité nouvelle a dû certainement jouer dans la commande que lui passa Manguin de même que sa proximité avec Nieuwerkerke à laquelle fait allusion Maxime du Camp dans ses Souvenirs d’un demi-siècle, au temps de Louis-Philippe et de Napoléon III (Du Camp 1949, p. 217). Diébolt parvient à renouveler ici le genre de l’allégorie. Il recourt en effet aux codes traditionnels de représentation inspirés de la mythologie gréco-romaine en figurant sous les traits du dieu Mars La Guerre et sous ceux de la déesse Thémis La Loi, tout en faisant montre d’un souci nouveau de vérité archéologique. Le soin accordé à la représentation détaillée de la cuirasse, du glaive, du casque, des jambières et du bouclier de Mars ainsi que des sandales ou du diadème de Thémis rend charnelles ces figures puissantes traduites dans un style ample et vigoureux que la qualité de la fonte et de la ciselure d’Eck et Durand magnifient. Le sculpteur a réussi également le tour de force de traduire en relief ces deux effigies qui s’apparentent davantage par les volumes de leurs draperies aux plis fouillés et par leur inscription formelle dans des espaces triangulaires à de majestueuses rondes-bosses. Diébolt semble s’inscrire ainsi dans une tradition académique : la position de son dieu Mars n’est pas sans faire penser à Othryadès blessé à mort écrivant sur son bouclier de David d’Angers (plâtre, 1810, Angers, galerie David d’Angers), luimême redevable d’exemples antiques. Diébolt s’impose avec ces deux figures comme un sculpteur monumental alliant un talent de concepteur et de décorateur qui sera largement mis à contribution sur le chantier du palais du Louvre. SDT 223
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Le dernier tiers du xixe siècle : apogée de la statuomanie, foisonnement des styles, triomphe de Rodin CLAIRE BARBILLON
La collection lyonnaise est tout à fait représentative de la diversité des tendances et des sensibilités qui se croisent dans la sculpture française pendant les premières décennies de la Troisième République. Elle combine cette exemplarité avec un accent particulier, bien prévisible, mis sur les sculpteurs lyonnais, ou simplement nés dans la capitale des Gaules. Elle présente aussi plusieurs ensembles remarquables, l’un de cires préparatoires dues au peintre-sculpteur Ernest Meissonier, un autre de bustes en divers matériaux dus au sculpteur symboliste Jean Carriès. Un autre encore rassemble la plus importante collection d’œuvres d’Auguste Rodin en dehors de celles du musée Rodin et du musée d’Orsay. Pour faciliter la perception de cet ensemble foisonnant par le nombre d’œuvres conservées, par leur qualité et leur diversité, il est possible de proposer des regroupements en fonction de proximités stylistiques ou de problématiques communes.
Fig. 1 ERNEST BARRIAS
Les Premières Funérailles Plâtre, 1878-1883 (cat. 103)
Un premier groupe est constitué par des œuvres qui témoignent de la persistance, en cette dernière partie du siècle, de tendances qui se sont exprimées tout au long de son cours. La statue d’Eugène Guillaume, Castalie (1873-1883 ; cat. 101), et le groupe d’Ernest Barrias, Les Premières Funérailles (18781883 ; cat. 103 ; fig. 1), dont la réalisation en marbre est concomitante, montrent comment perdurent un dernier classicisme et un dernier romantisme : avec « élégance » (le terme revient sous la plume des critiques pour les deux œuvres) et une parfaite maîtrise technique. Le raffinement et la virtuosité sont du reste des critères esthétiques de premier plan dans les œuvres du groupe des néo-florentins dont la collection lyonnaise comporte quelques exemples brillants, conçus une dizaine d’années après l’éclosion de la tendance. En effet, Un vainqueur au combat de coqs d’Alexandre Falguière (bronze, 1864, Paris, musée d’Orsay) et le Chanteur florentin du XVe siècle de Paul Dubois (bronze argenté, 1865, Paris, musée d’Orsay) qui marquent l’apparition de cette sensibilité « néo-florentine » datent du milieu des années 1860, et la section précédente de ce catalogue y fait allusion lors du commentaire du Retour d’une fête de Bacchus de Léon Cugnot (cat. 94) ainsi que du buste de Bernardino Cenci de Charles Marie Degeorge (cat. 99). Une étude monographique d’envergure consacrée à Alexandre Falguière, figure essentielle de la sculpture toulousaine, grand professeur de toute une génération de sculpteurs (Rodin réalise son buste ; Bourdelle lui dédie son Poème du sculpteur), manque à ce jour. Le sculpteur est né en 1831, l’année du premier Salon romantique de la sculpture. Son prix de Rome plutôt précoce (après deux années d’étude à l’École des beaux-arts et à vingtsix ans), son Tarcisius triomphant au Salon de 1868 (marbre, Paris, musée d’Orsay), affirmant la possibilité d’une sculpture religieuse sensible, voire sentimentale, lui assurent un grand renom. Un groupe de ses compatriotes toulousains adhère à ses choix esthétiques et les développe. L’esquisse en terre cuite de la Nymphe à la coquille lyonnaise (cat. 107) est une œuvre tardive, mais elle rappelle l’importance durable du maître de tant de sculpteurs de la génération suivante. En témoigne le groupe Persée et la Gorgone (1875-1890 ; cat. 105 ; fig. 2) de Laurent Marqueste, qui allie le nu antique et le souvenir du Persée de Benvenuto Cellini (bronze, 1553, Florence, Loggia dei Lanzi), tout en prenant ses distances avec l’illustre modèle par le déploiement mouvementé de la lutte des deux personnages et par la figure d’épouvante caravagesque de
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Méduse à terre. Un regard féministe porté sur l’œuvre ne peut du reste qu’enregistrer avec un certain malaise le contraste entre la maîtrise virile et la gesticulation vaincue du corps féminin. Le résultat pourrait paraître peu éloigné, sur le plan de la composition, du groupe d’Émile Joseph Carlier Gilliatt et la pieuvre (1879-1890 ; cat. 104) mais la référence néo-baroque l’emporte ici sur la réminiscence antique (Laocoon) – la source est du reste littéraire, et romantique puisqu’il s’agit des Travailleurs de la mer de Victor Hugo. Plus que d’autres types d’œuvres sculptées, les monuments publics réalisés à la mémoire des grands hommes et la grande statuaire allégorique destinée à l’espace public incarnent le triomphe de la statuomanie républicaine. La maquette du Monument à Victor Hugo de Barrias (cat. 110), inauguré en 1902 place Victor-Hugo à Paris, fondu sous le régime de Vichy dès 1942, illustre les normes en vigueur du dispositif de l’hommage, compatibles d’ailleurs avec une exigence de réalisme : l’abondance d’attributs, d’allégories, de reliefs narratifs sous-tendant l’effigie du statufié. Le modèle de la Liberté de Frédéric Auguste Bartholdi (cat. 111), maquette mise en vente dix ans avant l’installation dans le port de New York de la statue colossale, rappelle à la fois l’incroyable popularité de l’œuvre et l’importance du multiple dans la perception de la sculpture de ce temps. Le groupe des sculpteurs lyonnais se signale, dans la collection du musée, en particulier par des maquettes de monuments (Jacques Perrin, Charles Textor…), des statuettes religieuses (Charles Dufraine), des bustes (Pierre Aubert, Philibert Claitte). L’un des plus célèbres artistes fils de la capitale des Gaules, Ernest Meissonier – dont les œuvres peintes étaient, en leur temps, parmi les plus prisées et les plus chères du marché de l’art –, pratiquait la sculpture comme une étape préparatoire à ses tableaux. Attiré dès sa jeunesse par le moulage sur nature, auquel il s’était essayé avec Adolphe Victor Geoffroy-Dechaume, il modela, comme Edgar Degas ou Gustave Moreau, des figurines comme esquisses pour ses tableaux. Meissonier était un artiste méticuleux, et la radiographie du Voyageur (cire, 1878-1890, Paris, musée d’Orsay ; fig. 3) a confirmé qu’il avait fait confectionner avec une exigence anatomique très poussée un squelette de cheval en miniature pour monter sa cire ainsi que, avec une précision confinant à l’hyperréalisme, du tissu pour le tapis de selle et pour le manteau, gonflé pour donner l’illusion d’une prise au vent, enfin un mors et des rennes en cuir. Les nombreuses statuettes de gladiateurs, de personnages divers exposés au musée des Beaux-Arts de Lyon, mais surtout les chevaux étudiés dans toutes leurs attitudes montrent avec quel souci extrême de vérité et quelle exigence de réalisme clinique il traque les moindres détails. C’est dans une veine esthétique bien différente que travaille le sculpteur et potier symboliste Jean Carriès. Son « grand œuvre », la Porte de Parsifal commandée par Winnaretta Singer pour son hôtel particulier parisien, devait conduire à une sorte de sanctuaire wagnérien aménagé à l’intérieur d’une pièce. Le sculpteur conçut,
Fig. 2 LAURENT MARQUESTE
Persée et la Gorgone
Marbre, 1875-1890 (cat. 105) 253
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V. La Troisième République 1871-1900 EUGÈNE GUILLAUME (Montbard, Côte-d’Or, 1822 – Rome, 1905)
Eugène Guillaume, né à Montbard en 1822, mort à Rome en 1905, connut une carrière exceptionnelle en ce qu’il sut conjuguer une abondante production sculptée, des écrits théoriques importants, un rôle institutionnel considérable et une activité d’enseignement peu commune. Magistrat, le père du sculpteur aurait souhaité que son fils embrassât une carrière juridique. Mais le jeune homme fréquenta l’école de dessin de Dijon et partit pour Paris à l’âge de dix-neuf ans. Après avoir été élève de James Pradier à l’École des beaux-arts, il remporta le prix de Rome de sculpture en 1845 avec Thésée trouvant sur un rocher l’épée de son père. De la Villa Médicis, il expédia plusieurs travaux qui illustrent sa fidélité profonde à l’antique et aux principes académiques. Ainsi, le double buste du Cénotaphe des Gracques (plâtre, 1847-1848 ; bronze, 1853, Paris, musée d’Orsay ; fig. 4, p. 220), dont un marbre a figuré à l’Exposition universelle de 1889 à Paris, inaugure chez le jeune sculpteur le néoclassicisme sévère qui demeure une de ses principales caractéristiques. L’année suivante, Le Faucheur (bronze, 1848-1849, Paris, musée d’Orsay ; autre exemplaire, Copenhague, Ny Carlsberg Glyptotek) rivalise, dans la parfaite maîtrise des proportions du nu, avec le Gladiateur Borghèse auquel il se réfère implicitement. Enfin, son dernier envoi, en 1851, Anacréon (Paris, musée d’Orsay), présente une figure assise en marbre d’une grande élégance. Une fois revenu en France, Guillaume connaît, sous le Second Empire et la Troisième République, une carrière brillante et représentative des sculpteurs régulièrement sollicités par la commande publique. Il participe à Paris au décor intérieur de l’église Sainte-Clotilde, au décor extérieur du Louvre et de l’église de la Trinité. Passionné par Napoléon Ier, il en réalise une série de bustes, présentés à l’Exposition universelle de 1867. Charles Garnier lui commande, pour la façade de l’Opéra, le groupe de La Musique instrumentale, qui obéit scrupuleusement – contrairement à celui de Carpeaux – aux principes d’équilibre et de symétrie prescrits par l’architecte. Ses monuments à des grands hommes sont nombreux, érigés sur l’ensemble du territoire français (Colbert à Reims, 1860, Rameau à Dijon, 1878, Blaise Pascal à Clermont-Ferrand, 1880, Becquerel à Châtillon-sur-Loing, 1882, Claude Bernard à Paris, 1886…). Dans ce registre de l’hommage public, il réalise aussi une série de médaillons monumentaux mis en place sur la façade de la galerie de Zoologie au Muséum d’histoire naturelle à Paris. Une de ses thématiques favorites demeure cependant l’inspiration antique et mythologique, qui traverse toute sa production : on notera particulièrement le Mariage romain, groupe dont le plâtre fut exposé au Salon de 1877, le marbre à l’Exposition universelle de 1889, puis à l’Exposition centennale de 1900, la nymphe Castalie (cat. 101), qui illustre, dans les collections lyonnaises, cette tendance majeure du sculpteur et une de ses dernières statues en marbre, Orphée, présentée à l’Exposition universelle de 1900, même si le plâtre avait été exposé dès 1878. La carrière du sculpteur fut parallèlement celle du professeur puis directeur de l’École des beaux-arts (1863-1878), inspecteur général de l’enseignement du dessin en 1872, directeur des Beaux-Arts (18781879), titulaire de la chaire d’esthétique et d’histoire de l’art au Collège de France, où il succéda en 1882 à Charles Blanc, professeur de dessin à l’École polytechnique en 1887. Membre de l’Institut, il fut élu dès 1862 à l’Académie des beaux-arts, puis, en 1898, à l’Académie française où il occupa le siège laissé vacant par le duc d’Aumale. Il avait remplacé le peintre Ernest Hébert à la direction de l’Académie de France à Rome à partir de 1891. Il demeura à Rome jusqu’à la fin de sa vie. Guillaume laissa un œuvre écrit qui développe et justifie les grands principes du néoclassicisme : il valorisa la référence à l’antique, la prévalence du dessin et les théories des proportions. Furent notamment publiés, en 1896, des Essais sur la théorie du dessin et de quelques parties des arts, et, en 1900, des Études sur l’ histoire de l’art. CB
101. Castalie,
1873-1883
dit aussi Source de la Poésie,
statue, marbre DIM. : h. : 1,89 ; l. : 1,23 ; p. : 0,76 INSCR. : sur la plinthe à l’avant : CASTALIE ; sur le rocher à sa gauche : Eug. GVILLAUME / 1883 HIST. : 1873 : commandé à l’artiste par l’État à l’issue du Salon pour la somme de 10 000 francs ; 1884 : réception de l’œuvre achevée, installée au dépôt des marbres, puis au ministère de l’Instruction publique ; 1934 : déposé à Plombières, musée thermal, et installé rue Liétard ; 1997 : déposé au musée de Lyon ; 1999 : nettoyage, consolidation, ragréage et retouches par Emmanuel Desroches ; 2015 : remise en place d’un fragment détaché par Emmanuel Desroches.
Lorsqu’il présente au Salon de 1873 le plâtre de sa Castalie, Guillaume est membre de l’Institut depuis plus de dix ans (1862), officier de la Légion d’honneur (1867), directeur de l’École impériale des beaux-arts (1864), inspecteur général de l’enseignement du dessin (1872). Dix ans plus tard, quand la version en marbre, commandée par l’État, est à son tour exposée au Salon, il est commandeur de la Légion d’honneur (1875), il vient d’être nommé directeur des Beaux-Arts (1878-1879) et d’acceder à la chaire du Collège de France. C’est dire le caractère
officiel de la carrière du sculpteur, qui s’achève par la direction de l’Académie de France à Rome (1891) et un fauteuil à l’Académie française. Eugène Guillaume ne cessa pour autant de produire, dans un style néoclassique auquel il resta toujours fidèle. Cette statue en témoigne. Le sujet en est mythologique : la chaste naïade Castalie, fille du dieu-fleuve Achéloos, poursuivie par Apollon, se jeta dans une fontaine pour lui échapper et s’y noya. Ce n’est pas cet épisode mouvementé que retient le sculpteur, mais le souvenir de la fontaine Castalie
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EXP. : 1883, Paris, SAF, no 3731 ; 1883, Paris, Exposition nationale, no 1008. Œ. EN R. : plâtre, présenté au Salon de 1873 (no 1706), loc. inconnue. SOURCES : ANF, F/21/223, dossier 24 (achat) ; F/21/4314 (achat) ; F/21/4849 A, dossier 1 (dépôt). BIBL. : Bertall 1873, p. 381 ; Jouin 1874, p. 36-37 ; About 1883, p. 183 ; Burty 1883, p. 182-185 ; Houssaye 1883b, p. 622 ; Jouin 1883a, p. 64-67 ; Lafenestre 1883, p. VIII ; Lefort 1883, p. 462 ; Mantz 1883, p. 2 ; Jouin 1884, p. 72, 73-75 ; Exposition universelle 1889, p. 60-61 ; Lafenestre 1889, p. 60-61 ; Castagnary 1892, vol. 2, p. 96-97 ; Lami 1898-1921, vol. VII, p. 119 ; BMML 1998, p. 48. Dépôt du Centre national des arts plastiques (inv. FNAC 3838 et 577) INV. : 1997-10
qui exista bien, à Delphes, sur le versant du Parnasse : on y puisait les eaux d’une source consacrée aux muses, breuvage censé donner l’inspiration poétique à qui en buvait. La source est encore mentionnée, au XIXe siècle, comme « excellente et toujours très fraîche » (Grand Larousse universel, t. III, p. 516). Alfred de Musset y fait, comme d’autres auteurs, allusion en disant : « Voilà qui est plaisant : En achevant mes derniers vers, j’ai oublié net les premiers. Faudra-t-il donc refaire mon commencement ? J’oublierai à son tour ma fin pendant ce temps-là, et il ne tient qu’à moi d’aller ainsi de suite jusqu’à l’éternité, versant les eaux de Castalie dans la tonne des Danaïdes ! » (Carmosine, Comédies et proverbes). La naïade qui préside à la fontaine est figurée sous les traits d’une jeune femme à la tête couronnée de feuillage, au torse dénudé, aux jambes recouvertes d’une draperie. Elle tenait, de sa main droite, une des deux cornes d’une grande lyre dont il ne subsiste que le corps, la traditionnelle carapace de tortue. Son avant-bras gauche repose sur une urne béante d’où s’échappe une coulée d’eau à laquelle vient boire un petit génie
ailé. En contrebas de cette urne, quatre autres putti de même format se distinguent encore : le plus visible, sur le piédestal en face, est allongé en contrebas de la chute d’eau, deux autres semblent recueillir du liquide dans un vase, un dernier « se tient caché sous le rocher avec un livre » (Lafenestre 1883, p. VIII). Tous incarnent sans doute l’inspiration poétique. L’histoire de la conception de l’œuvre est connue grâce à une note du dépôt des marbres du 24 novembre 1873 qui précise les conditions de la commande : « aucun marbre des dimensions nécessaires ne se trouvant disponible M. Guillaume a fait une maquette de sa statue ; cette maquette sera envoyé [sic] à M. Nicoli à Carrare, lequel fera épanneler un bloc de la Fossa di Cecchino, nature du marbre demandée par M. Guillaume » (ANF, F/21/223). L’œuvre est bien reçue par la critique qui célèbre à son propos la permanence du classicisme. Henry Jouin l’exprime en estimant que « de pareilles œuvres n’ont pas de date et ne devront pas vieillir ». Il en admire la « sévère élégance » et le « haut style », s’interrogeant cependant sur la nécessité des cinq putti, 257
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D’un siècle à l’autre, la richesse de la collection de Lyon CATHERINE CHEVILLOT
La collection du musée de Lyon permet, par sa richesse particulière pour le tout début du XXe siècle, d’en éclairer en profondeur les différents aspects. Au tournant de 1900, se prolongent les derniers feux du grand décor, que la Troisième République a si bien su promouvoir et développer, et du symbolisme européen. Pour les premiers, le relief d’André Vermare, Le Rhône et la Saône (cat. 177), est un exemple typique de sculpture urbaine, traduisant dans un langage néo-baroque les allégories indissociables de la ville de Lyon. Le symbolisme est présent à travers deux sculpteurs rarement représentés dans les collections françaises, le Polonais Bolesław Biegas et le Norvégien Stephan Sinding. Ce dernier, à la formation plutôt classique mais à la carrière très internationale, s’intéressa comme tous les jeunes Scandinaves aux grandes gestes nordiques
Fig. 1 BOLESŁAW BIEGAS
La Création de l’Infini Plâtre, 1914 (cat. 201)
et aux traditions décoratives régionalistes, travaillant volontiers pour les arts décoratifs. Biegas, installé en France en 1901, fut une figure très importante du symbolisme tardif, autour des écrivains et poètes comme André Fontainas, Émile Verhaeren, et développa une vision onirique parallèle à la pensée de son compatriote littérateur et penseur Mécislas Golberg. Pour autant, sa sculpture occupe une place très isolée dans le panorama contemporain par son géométrisme, son aspect architecturé l’emportant parfois sur la sculpture elle-même et une figuration anguleuse servant une iconographie inquiétante (fig. 1). Lyon est l’un des seuls musées de France à conserver une cire de Medardo Rosso (Vers le soir. Femme à la voilette, cat. 160) : ce sculpteur italien fut l’auteur de toute une réflexion sur la possibilité pour la sculpture d’être impressionniste. Issu à l’origine du milieu de la Scapigliatura, mouvement naturaliste radical, il évolua vers une conception du modelage comme interpénétration entre les figures et leur environnement, tentant de trouver une sorte d’équivalent plastique de l’interaction entre objet, mouvement et lumière. Utilisé comme fer de lance d’un combat qui le dépassait par des critiques d’art, Rosso s’enferra dans une rancœur aigrie à l’égard d’Auguste Rodin, accusant ce dernier de s’être servi de ses idées pour terminer son Balzac. Malheureusement, ses sculptures de grande taille n’ont pas été conservées, mais la cire de Lyon montre parfaitement la perception mêlée du visage et de la voilette, et le parti tiré de la matière pour restituer l’objet de sa recherche : une impression. Symbolisme et impressionnisme sont aussi deux mouvements dans lesquels on a tenté d’enrôler Rodin. Certains aspects de son œuvre peuvent l’expliquer : un modelé vibrant qui dématérialise les volumes, l’exploration des grands thèmes de la destinée humaine à travers des grappes humaines emportées par la souffrance ou le désir. Toutefois, au cours de son évolution esthétique, ce géant de la sculpture apporta surtout un langage expressif – voire expressionniste – poussant à leurs limites les possibilités de la matière dans l’espace. La portée de sa création, sa célébrité et l’immense rayonnement qui fut le sien attirèrent de très nombreux jeunes artistes, pour certains praticiens du « maître », comme Jules Desbois ou Antoine Bourdelle. Lorsque ce dernier présenta en 1910 son Héraklès archer (cat. 187), une partie de la critique considéra que, par son primitivisme et son impétuosité, l’élève avait dépassé le maître. Le Belge Rik Wouters, s’il eut un œuvre de peintre plus proche du fauvisme, n’en fut pas moins marqué par le renouvellement apporté
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par Rodin dans le mouvement et le modelé : sa Folle danseuse (cat. 190 ; fig. 2), unique dans les collections françaises, comme le Faune dansant de Joseph Bernard (cat. 171) en sont des exemples frappants, à la limite de la transe, imposant leur rythme hypnotique à l’espace environnant. Cependant des artistes soit venus d’autres horizons, soit plus jeunes, cherchèrent une voie nouvelle, rompant avec les excès du réalisme illusionniste de la fin du XIXe siècle, le symbolisme noir mais aussi l’expressionnisme rodinien. Une sculpture devint le symbole de cette aspiration : le Monument aux morts réalisé par Albert Bartholomé, inauguré le 1er novembre 1899 au Père-Lachaise, et dont le plâtre fut sauvé d’une destruction lente par son installation dans le chœur de la chapelle du musée de Lyon (cat. 155). Bartholomé modela des figures aux formes épurées, aux attitudes calmes, aux expressions intériorisées, dans une composition monumentale qui fit sensation. Immédiatement après, de jeunes sculpteurs se regroupèrent en 1905 dans la « bande à Schnegg », qui reprirent à leur compte ce changement d’esprit : Louis Dejean et Albert Marque s’y rattachent. Cette sensibilité se distingue par un goût de l’équilibre et de la clarté, des visages à la douceur mystérieuse. Chez Dejean, l’élégance des silhouettes est marquée par l’Art nouveau et le modelé conserve une vibration sensible, un goût pour une certaine joliesse. Chez Marque, on trouve une touchante simplicité, une connotation sentimentale, parfois une préciosité dans les attitudes, qui servit de prétexte aux fameux mots du critique Louis Vauxcelles. C’est en effet en commentant les œuvres d’Albert Marque au milieu des peintures au Salon d’automne de 1905 qu’il eut cette fameuse formule : « Donatello chez les fauves…1 ». Joseph Bernard est la troisième figure des grands précurseurs de ce changement, et cet artiste souvent oublié par les histoires de la sculpture est particulièrement bien représenté dans la collection de Lyon, ville dont il fréquenta l’école des beaux-arts (1881) avant celle de Paris. Le fondeur et éditeur Adrien Aurélien Hébrard, qui tenait aussi une galerie, lui fit rejoindre un groupe de sculpteurs qu’il exposait, tels François Pompon ou Rembrandt Bugatti, et il lui consacra une exposition en 1908. Son œuvre fut tellement significative d’un renouveau qu’il fut choisi pour participer à l’Armory Show à New York (1913), première grande exposition internationale d’art moderne aux États-Unis, notamment avec la Jeune fille à la cruche (cat. 166). Une rétrospective lui fut consacrée au Salon d’automne en 1911. Peu à peu, Bernard s’est libéré de façon décisive du sentiment pathétique qui révélait l’influence de Rodin pour une manière sans cesse plus sobre et plus monumentale. Renonçant à tout détail réaliste, et délaissant le modelage en terre, il fut le premier à aborder la taille directe, dont Les Voix (cat. 170) est un magnifique exemple. Il en tire des effets archaïsants d’une grande puissance (Jeune fille à sa toilette, cat. 168) : volumes denses, formes simples, compositions compactes. La Jeune danseuse (cat. 169) et la Jeune fille à la cruche (cat. 166 ; fig. 3) montrent
une veine agile et filiforme, où la géométrisation primitiviste accentue les scansions. Parfaite incarnation de la réaction post-rodinienne, il fraye, entre l’expressionnisme de Bourdelle et le classicisme d’Aristide Maillol, une voie indépendante. La production sculptée d’Auguste Renoir, entreprise très tardivement en collaboration avec le jeune sculpteur Richard Guino, ne fait que prendre acte de cette évolution. Le même mouvement s’observe dans la sculpture animalière. Le groupe de Jacques Froment-Meurice (cat. 184) est encore dans la tradition d’une sculpture réaliste évoquant ici la vie des champs. Georges Gardet utilise les capacités évocatrices du marbre ou de la pierre pour pousser le réalisme jusqu’à un illusionnisme presque humoristique : le parti qu’il tire des veines du marbre pour figurer le pelage de son grand Chien danois (cat. 181) est à la fois un tour de force et un jeu. Puis Bugatti et Pompon sont en quelque sorte ce que Rosso et Maillol sont à la figure. Bugatti explore un
1 Vauxcelles 1905b, p. 6.
Fig. 2 RIK WOUTERS
La Vierge folle, dit aussi La Folle danseuse Bronze, 1909-1912 (cat. 190) 339
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VI. Les débuts du xxe siècle 1900-1914 ALBERT BARTHOLOMÉ (Thiverval-Grignon, actuelles Yvelines, 1848 – Paris, 1928)
Né à Thiverval (anciennement Seine-et-Oise), le jeune Albert Bartholomé se destinait à la peinture. Il fut d’abord l’élève à Genève du peintre Barthélemy Menn, disciple d’Ingres, à la réputation de grand pédagogue, qui fut le maître de Ferdinand Hodler. Puis, le jeune homme fréquenta l’atelier de Jean Léon Gérôme à l’École des beaux-arts de Paris. Bartholomé épousa en 1874 à Genève Prospérie de Fleury, de vingt ans sa cadette, et le couple tint pendant quelques années, dans sa demeure parisienne, un salon qui réunit de nombreux artistes et intellectuels, comme en témoigna Jacques Émile Blanche. Bartholomé exposa régulièrement des toiles de 1879 à 1886 au Salon : des portraits et scènes de la vie quotidienne, comme Dans la serre, un grand portrait en pied de Prospérie, daté de 1881 (Paris, musée d’Orsay), proche du naturalisme de Jules Bastien-Lepage mais aussi des audaces de coloriste d’un Édouard Manet et d’un Gustave Caillebotte. La mort prématurée de la jeune femme provoqua un cataclysme dans la vie de son époux, et le projet de réaliser son tombeau, qui seul l’aurait, selon ses amis, détourné du suicide, le conduisit à la sculpture. Ce contexte marqua profondément les thèmes dont s’empara alors l’artiste : la mort, la douleur, le deuil y occupent durablement une place centrale. Autodidacte dans le domaine de la sculpture, Bartholomé ne suivit pas le parcours canonique qui passait par l’Académie de France à Rome. Ses références furent davantage les monuments funéraires et religieux de la Renaissance française que les grands antiques, dont l’appropriation faisait le cœur de la discipline académique. Son œuvre sculpté, qui n’est pas très abondant, s’illustre par quelques magistrales scansions monumentales. Ainsi, le Monument aux morts, installé au bout de l’allée principale du cimetière du Père-Lachaise à Paris, montre comment le sculpteur peut exercer une synthèse de plusieurs traditions (la frise antique, le mastaba égyptien, les modèles de tombeaux canoviens…) dans une simplicité et une universalité bouleversantes. Cent mille personnes étaient présentes à son inauguration, le 1er novembre 1899. La notoriété de Bartholomé en sortit renforcée ; certaines études éditées en bronze furent exposées individuellement, comme l’Enfant mort (1895) conservé à la Scottish National Gallery d’Édimbourg. Le sculpteur remporta, en 1900, le grand prix de l’Exposition universelle. À peine plus de dix ans plus tard, un groupe en pierre lui fut commandé en vue de la célébration du 200 e anniversaire de la naissance de Jean-Jacques Rousseau. Le remariage de Bartholomé, en 1901, avec Florence Letessier, qui prêta ses traits aux cinq allégories (Philosophie, Nature, Vérité, ainsi que Musique et Gloire de part et d’autre du tombeau), marqua un tournant vers l’apaisement dont témoigne cette nouvelle composition. Installé au Panthéon, le monument confirme les choix de simplicité, d’équilibre et de sérénité qui caractérisent une sensibilité post-rodinienne qu’on a qualifiée de « retour au style ». Bartholomé poursuit sa carrière pendant l’entre-deux-guerres en réalisant, notamment, de nombreux monuments aux morts dans lesquels il décline certains types représentatifs de sa production artistique, comme celui de la pleureuse, figure féminine drapée aux formes simples et sobres, courbée sous le poids du chagrin. CB
155. Monument aux hauts-reliefs, plâtre
morts, 1895-1899
DIM. gisants du registre inférieur : h. : 0,330 ; l. : 1,950 ; p. : 0,795 ; haut-relief du registre inférieur : h. : 1,28 ; l. : 1,97 ; p. : 0,60 ; frise du registre supérieur : h. : 1,96 ; l. : 6,25 ; p. : 1,80 HIST. : 1895 : achat du plâtre à l’artiste et commande conjointe de l’État et de la Ville de Paris du monument en pierre pour le cimetière du Père-Lachaise à Paris pour la somme de 150 000 francs ; 1899 : plâtre déposé par l’État au musée des Beaux-Arts de Marseille ; 1952 : déposé à l’école des beaux-arts de Marseille, devenue ensuite le conservatoire ; 1997 : déposé au musée des Beaux-Arts de Lyon ; nettoyage, consolidation structurelle, ragréage des lacunes et réintégration par Emmanuel Desroches ; 2009 : consolidation de L’Ange de lumière par Violaine Pillard, pose de renforts et comblements par Georges Barthe. EXP. : 1895, Paris, SNBA, no 5 ; 1897, Bruxelles, EU, no 454 ; 2009, Paris, Madrid, no 96 (L’Ange de lumière), notice de C. Chevillot, p. 282, repr. p. 205.
Œ. EN R. : étude dessinée au crayon noir rehaussé de blanc, loc. inconnue (vente après décès d’Edgar Degas, Paris, galerie Georges Petit, 26-27 mars 1918, no 94) ; quatre études dessinées de jeune femme agenouillée, crayon graphite sur papier, coll. part. ; première maquette en plâtre, 1891, Le Havre, musée d’art moderne André Malraux ; projet pour la frise gauche issu de la première maquette, bronzes, Brest, musée des Beaux-Arts, et Chicago, Art Institute ; seconde maquette en plâtre, cinq hauts-reliefs, 1894, Le Havre, musée d’art moderne André Malraux ; cinq fragments de hauts-reliefs liés à la seconde maquette, 1893-1894, plâtre, Le Havre, musée d’art moderne André Malraux ; esquisses en plâtre pour L’Ange de lumière (dont vente Sotheby’s, Londres, 29 mai 2008, no 102) ; monument final en pierre, 1899, Paris, cimetière du Père-Lachaise ; moulages en plâtre, l’un présenté à la Décennale de l’EU de 1900 (no 35), détruit, ainsi qu’à Dresde, Staatliche Kunstsammlungen, Skulpturensammlung ; moulage en plâtre des figures centrales du monument à Béziers, musée Fabrégat, et anciennement à Pau, musée des Beaux-arts, actuellement non localisé ; L’Adieu, moulages en plâtre, à Rouen,
musée des Beaux-Arts, Sélestat, mairie, et Toulouse, bibliothèque universitaire du Tarn (groupe de deux figures) ; Les Époux, marbre à Rome, Galleria Nazionale d’Arte Moderna, et moulage en plâtre à Rouen, musée des Beaux-Arts ; tête de L’Ange de lumière, plâtre, moulage réalisé vers 1920, Le Havre, musée d’art moderne André Malraux ; nombreux fragments repris isolément par l’artiste ou édités dans différents matériaux, dont fontes Siot-Decauville ; revers d’une médaille en bronze d’Heinrich Kautsch, 1905 ; dessin de Wilhelm Lehmbruck d’après L’Ange de lumière, vers 1910, pastel sur papier, Duisbourg, Stiftung Wilhelm Lehmbruck Museum ; peinture de Rudolf Jettmar, Le Tombeau d’Alembert, huile sur toile, coll. part. (vente Pierre Bergé & associés, Paris, Drouot Richelieu, 18 juin 2003, no 152). SOURCES : ANF, F/21/2157 (commande) ; F/21/2250, dossier 3 (dépôt) ; F/21/4289 ; F/21/7663, fo 38, repr. ; AMN, S 14/6 ; Marseille, archives du musée des Beaux-Arts ; lettres d’Albert Bartholomé à Paul Lafond, coll. part. BIBL. : Geffroy 1892, p. 289-291 ; Alexandre 1895b ; Bénédite 1895, p. 92-93 ; Fourcaud 1895, p. 388-390,
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repr. p. 389 ; Gachons 1895, p. 332 ; Geffroy 1895a, p. 3 ; Geffroy 1895b, p. 226-229 ; Gonse 1895a, p. 326 ; Gonse 1895b, p. 902-904 ; Larroumet 1895, p. 143145 ; Marx 1895, p. 120-122 ; Thiébault-Sisson 1895a, p. 81-82, repr. ; Fierens-Gevaert/Migeon 1897, p. 83 ; Lafenestre 1897, p. 190-191 ; Saint-Marceaux 1897, p. 490-491 ; Bénédite 1899, p. 161, 164, 166-173, repr. p. 170, 171 ; Demaison 1899, p. 265-266, 268280, repr. ; Fontainas 1899, p. 811 ; Demeny 1900 ; Roger-Milès 1900 ; Denise 1901, p. 169-170, 175-176 ; Claris 1902, p. 67 ; Clemen 1902, p. 36-45 ; Bénédite 1904, p. 572 ; Mauclair 1905, p. 271-272 ; Treu 1906, p. 37-40, 80 ; Auquier 1908, no 978, p. 167 ; Gsell 1908, p. 109-111 ; Taft 1917, repr. no 107 ; Blanche 1930, p. 154156 ; Burollet 1974, p. 109-116 ; Los Angeles 1980, p. 99, 104, 105 ; Paris 1986, p. 303-304 ; Dolinschek 1989, p. 16, 28, 66 ; Ottinger 1991, p. 238, repr. ; Albertinum 1994, p. 204-209 ; Le Normand-Romain 1995, p. 40, 120, 160, 370, 376-380 ; Verhaeren 1997, p. 666-667 ; BMML 1998, p. 48 ; Burollet 1998, p. 138-144 ; Durey 1998, p. 277, notice de P. Durey, repr. ; Durey 2006a, p. 284-293, repr. ; Nancy 2006, p. 176 ; Barbillon 2009, p. 91-101 ; Gaudichon 2009, p. 322-324 ; Roubaix 2010-2011, p. 35, repr. ; Le Havre 2011-2012, p. 5-11 ; Ramond 2013, p. 105, repr. p. 106 ; Ramond 2014b, p. 230-231, notice de S. Paccoud, repr. ; Wittlich 2014, p. 230, repr. ; Burollet 2017, p. 43-67, 156, no S. 6/20, p. 222-223, repr. p. 59, 65 ; Chevillot 2017, p. 37-38, repr. fig. 1. Dépôt du Centre (inv. FNAC 1537) INV. : 1997-9
national
des
arts
plastiques
Chef-d’œuvre de l’artiste, le Monument aux morts du Père-Lachaise coûta dix ans de travail à Bartholomé qui, de la peinture, s’était tourné vers la sculpture seulement en 1887, pour réaliser le tombeau de sa défunte épouse. Philippe Durey résume ainsi l’histoire de la création du Monument aux morts inauguré à la Toussaint 1899 : « Conçue par fragments successifs à partir de 1889, la composition définitive du monument ne semble avoir été trouvée par le sculpteur que peu de temps avant le Salon de 1895. Le succès qu’y connut le modèle d’ensemble […] confirma l’État dans son intention de passer commande, avec la participation financière de la Ville de Paris, d’une réalisation en pierre agrandie d’un tiers, pour l’installer dans l’axe de l’entrée du cimetière du PèreLachaise » (Durey 2006a, p. 285). De fait, l’œuvre, un cénotaphe, avait d’abord été imaginée comme un édifice à quatre faces sculptées, et devint une façade unique à deux registres. Sa structure massive, due à l’architecte Camille Formigé, permet aux personnages sculptés de se déployer sur deux niveaux : en bas, un homme, une femme et un enfant nus semblent protégés, dans leur sommeil éternel, par une figure féminine nue qui, de ses bras largement ouverts, soutient, ou semble même soulever la dalle ouverte du tombeau. En haut, le couple est présenté de dos, debout, de part et d’autre d’une porte béante, trouée noire, entrée dans la mort. En frise et haut relief, à leur droite comme à leur gauche, des personnages disposés en deux diagonales descendantes cheminent, ployant sous le désespoir ou vaincus par les larmes, accablés ou consentants. Le monument est si poignant, si mystérieux aussi, qu’il n’a cessé d’appeler, depuis son inauguration, des descriptions interprétatives. Une abondante littérature critique à laquelle contribuèrent, dès la fin du XIXe siècle, Roger Marx, Georges Lafenestre, Léonce Bénédite, Gaston Migeon, Arsène Alexandre ou André Fontainas, lui est consacrée. Dans le débat historiographique qui oppose les tenants de la Renaissance italienne à ceux qui se réclament d’un Moyen Âge français, l’œuvre est convoquée au secours du second camp. Ainsi Lafenestre décèle, dans les gisants, une filiation médiévale : « C’est de la sculpture grave, franche, loyale, remontant vers une tradition française plus lointaine encore et plus simplement grande, celle du Moyen Age » (Lafenestre 1897, p. 190). Le monument aux morts est aussi analysé comme anti-classique, au sens où il se démarquerait fortement du modèle gréco-romain. Bénédite invoque une autre Antiquité, celle de l’Égypte, estimant que Bartholomé serait « remonté d’instinct vers la grande tradition septentrionale et chrétienne, dont il associa plus tard, dans son esprit, le
culte avec celui du génie de ce peuple qui a le plus hautement célébré la mort : le génie de l’antique Égypte » (Bénédite 1904, p. 566). Devant le modèle en plâtre, Roger Marx, dans un article de la Gazette des beaux-arts de 1895, avait déjà considéré que « l’édifice se rapproche, pour l’architecture, du temple égyptien » (Marx 1895, p. 120). Mais Bénédite le développe, comparant l’évolution architecturale du monument au passage d’un naos à un mastaba, mais ne limitant pas la trace de l’influence égyptienne à l’architecture : « des témoignages indiscutables de l’influence de l’art égyptien s’offrent à nous, non point seulement dans les aspects superficiels du monument, mais dans la conception sculpturale des formes même » (Bénédite 1899, p. 166). L’histoire matérielle du modèle du monument, installé dans l’abside de l’ancienne église SaintPierre depuis l’achèvement des travaux de rénovation et d’extension du musée, « réunit de façon exemplaire la plupart des ingrédients qui ont fait le destin difficile, parfois tragique, de la sculpture du XIXe siècle : non seulement les conséquences radicales de l’évolution du goût, mais aussi l’affectation problématique des modèles de commandes publiques, la gestion de plus en plus incertaine, au cours du temps, des dépôts de l’État dans les musées de région, la fragilité particulière des sculptures monumentales qui craignent, plus que d’autres, démontages et déplacements, la perte de sens et l’incompréhension touchant techniques et matériaux… », selon les termes de Philippe Durey qui conclut qu’« il s’en fallut de très peu pour que le modèle […] ne disparût purement et simplement » (op. cit.). En effet, arrivé à Marseille en octobre 1899, juste avant l’inauguration du monument parisien, présenté au palais Longchamp que Bartholomé pouvait aimer en particulier en raison des décors peints réalisés par Pierre Puvis de Chavannes, le modèle ne fut cependant plus visible par le public à partir de la Seconde Guerre. Les figures, démontées, furent déposées à l’école des beaux-arts et n’échappèrent, par la suite, à la destruction – sort réservé aux moulages – que parce qu’elles avaient été accrochées en hauteur. Leur identification se perdit pendant un temps, et le monument dut son sauvetage aux efforts conjugués des conservatrices du jeune musée d’Orsay et du conservateur du musée des Beaux-Arts de Lyon. Après une restauration qui eut lieu in situ, il fut remonté dans une présentation qui reprend, de manière simplifiée, celle du monument au Père-Lachaise. CB
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Le mur et le maillet. Sculpter à Lyon dans l’entre-deux-guerres PHILIPPE DUFIEUX
À l’aube des temps nouveaux, le retour à la tradition se confond avec le renouveau de la taille directe, la volonté de renouer avec un métier précis aux contours arrêtés, le besoin de formes aisément perceptibles à l’imagination tout autant que la soumission de l’œuvre à une destination, sa subordination rationnelle à la construction, forment autant de caractères qui préludent à la
Fig. 1 JULES SYLVESTRE
Villa Gros à Saint-Didier-au-Mont-d’Or (Rhône), 1920-1923 Tony Garnier (architecte) Photographie, Lyon, bibliothèque municipale
restauration classique qui s’épanouira sur les surfaces murales de l’entre-deux-guerres. Longtemps occulté, le rôle de la sculpture dans l’esthétique de Tony Garnier se révèle à la lumière de spéculations historiques et archéologiques dont Une cité industrielle, publié en 1917, constitue la matrice intellectuelle et plastique. Outre les fonctions d’éloquence que l’architecte attribue à la sculpture publique – matérialisant la finalité éminemment civique de sa ville idéale –, Garnier voue sa prédilection à un univers de constructions géométriques peuplées de figures se détachant sur des façades inondées de lumière. Cette acuité au dialogue que la forme sculptée cultive avec l’architecture se développe au cours de son séjour à la Villa Médicis à la faveur des amitiés nouées avec Henri Bouchard, André Vermare et surtout Jean Larrivé, premier grand prix de Rome en 1904, qu’une véritable communion d’esprit devait réunir au lendemain de la Grande Guerre. En 1919, Larrivé devient directeur de l’école des beauxarts de Lyon et obtient la même année la création d’un cours de taille directe. C’est en matière d’habitation privée et d’architecture funéraire que la sculpture affirme son veritable dessein dans l’œuvre de Garnier ; à l’image du cloître de la villa aménagée pour l’industriel lyonnais Barthélemy Gros à Saint-Didier-au-Mont-d’Or (Rhône) entre 1920 et 1923 (fig. 1). Cet espace qui se rattache aux expériences viennoises contemporaines sert d’écrin à la Jeune fille à sa toilette (vers 1912, cat. 168) de Joseph Bernard dont Gros possédait une édition en bronze (loc. actuelle inconnue), placée au cœur de cet étonnant atrium dont l’ouverture zénithale et les arcades latérales dispensent une lumière qui divise brutalement l’espace, les volumes comme les reliefs. Socles, sellettes et gaines jalonnent les lieux et offrent à l’amateur de multiples points de vue. Cette recherche de dépouillement destinée à rendre à la forme sculptée son expressivité première n’est pas sans lien avec les expériences picturales et les efforts contemporains tendant à refondre le décor théâtral et le jeu d’acteur. L’idée d’ordonner en matière décorative les protagonistes des drames en poses hiératiques, dans des gestes suspendus, renvoie invariablement à l’univers onirique de Pierre Puvis de Chavannes comme à celui d’Albert Bartholomé (fig. 2) et il n’est pas indifférent que de nombreuses feuilles libres de Garnier privilégient le thème de l’atrium et du cloître pour leurs effets scénographiques. Dans cet ordre d’idées, la sculpture s’assimile aux acteurs d’un drame évoluant au milieu d’espaces découpés dans une manière noire qui envahit sa production graphique au lendemain de la
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Fig. 2 Élèves de la classe de sculpture de l’école des beaux-arts de Lyon mimant la double théorie du Monument aux morts du Père Lachaise Photographie anonyme, vers 1910, collection particulière
Première Guerre. La distance savamment entretenue avec le cadre visuel – le mur en l’occurrence – et son abstraction même, fondements de la muséographie contemporaine, puisent leurs origines dans l’analyse attentive des planches de la Cité industrielle dans lesquelles la sculpture est omniprésente. Ce dernier détail n’échappera pas à Louis Hautecœur et moins encore à Henri Focillon lorsque celui-ci étudiera le réaménagement du cloître du palais SaintPierre avec la complicité de Garnier entre 1917 et 1924. La modernisation du quadrilatère doit métamorphoser sa physionomie de salle de sculptures contemporaines à ciel ouvert dans laquelle seuls Auguste Rodin (L’Âge d’airain, cat. 120, et L’Ombre, cat. 133), Antoine Bourdelle (Carpeaux au travail, cat. 186) et Larrivé (Jeune athlète, cat. 178) sont jugés dignes de dialoguer avec les collections épigraphiques et les savants empilements de fragments médiévaux comme leurs portes-chapiteaux à colonnes imaginés par l’architecte et le conservateur. En 1923, Focillon fera déposer du palais Farnèse L’Homme qui marche (1907) au cœur de ce campo santo dans le dessein de parachever ce nouvel ordre de pierre et de bronze. Selon cette construction idéale de l’Antiquité, la Jeune fille à la cruche de Bernard (cat. 166), dont Focillon acquerra un plâtre pour le musée en 1921, et le Jeune athlète de Larrivé sont frère et sœur. Si les mânes du Gallo-Romain Aetius, vainqueur d’Attila lors de la bataille des champs Catalauniques (451), sont réveillés par Paul Bigot à Mondement (Marne, 1931-1937) afin de conjurer de nouvelles invasions, c’est à la Provincia romana que songe Garnier lorsqu’il conçoit sa célèbre suite de monuments funéraires
et cette ascendance devait profondément marquer l’esprit des constructions jalonnant les terres méridionales, de Lyon à Marseille, de Tournon à Nice. De son « temple aux morts » projeté à l’extrémité du boulevard de la Croix-Rousse (1918) jusqu’au concours en vue de l’érection du monument aux morts de la Ville de Lyon en 1922, pour lequel l’architecte ne présente pas moins de six projets – du monument de Montplaisir (1924-1929) à ses développements pour le parc de l’Est –, Garnier compose, à travers ses projections graphiques, un cortège funèbre plongeant la cité dans une commémoration perpétuelle. De cette « nuit éternelle » (Focillon), charbonnée au fusain, émerge – dans une ultime métaphore poétique – le cénotaphe de l’île aux Cygnes du parc de la Tête d’Or, à la fois autel et figure de proue, conçu par Larrivé avec la complicité de Louis Bertola et de Claude Grange pour les bas-reliefs du soubassement (fig. 3). Si le sculpteur viennois compose avec emphase La Victoire et La Paix, Le Départ et La Guerre de Bertola accusent des accents de vérité dans des compositions largement inspirées d’événements observés au front. En cela, la guerre aveugle (caecum bellum), ivre de furie au milieu des flammes, que taille Larrivé pour le monument de Montplaisir (fig. 4), dans une puissance plastique parente de Bourdelle, se fait l’écho des visions hallucinées qui marqueront profondément nombre d’artistes, témoins horrifiés des tranchées. Si la divinité impassible conçue par Larrivé pour le « temple des morts » de la Croix-Rousse est demeurée une figure de papier, l’admirable Christ à l’ascendance janséniste de l’église Saint-Antoine de Gerland (1934, h. 13 m ; fig. 5), de même que le Monument national 417
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VII. L’entre-deux-guerres 1919-1940 ARISTIDE MAILLOL (Banyuls-sur-Mer, Pyrénées-Orientales, 1861 – id., 1944)
202. La Montagne, statue, pierre
1937
DIM. : h. : 1,74 ; l. : 1,83 ; p. : 0,78 INSCR. : sur la plinthe de la terrasse à l’arrière : ARISTIDE MAILLOL
HIST. : 1937 : commandé à l’artiste par l’État pour l’Exposition internationale pour une somme inconnue ; 1941 : affecté au Musée national d’art moderne ; 1977 ; affecté au musée du Louvre ; 1982 ; déposé au musée des BeauxArts de Lyon ; 1986 : affecté au musée d’Orsay ; 1998 : dévernissage, nettoyage et comblement d’épaufrures par Laurence Blondaux et Emmanuel Desroches ; 2012 : ragréage de quelques épaufrures précédemment restaurées, par Emmanuel Desroches. Œ. EN R. : dessin préparatoire, vente, Versailles, hôtel Rameau, 30 novembre 1980, no 98 ; étude en terre cuite, coll. part. ; esquisses éditées en bronze, avec bras, dont Canberra, National Gallery of Australia, et sans bras, dont Paris, musée d’Orsay (inv. R.F. 3249) ; plâtre, coll. part. ; plombs, dont Canberra, National Gallery of Australia, Paris, Jardin des Tuileries, et Pasadena, Norton Simon Museum. SOURCES : ANF, F/21/6798 (commande). BIBL. : Cladel 1937, p. 120 ; Sentenac 1938, p. 12-13, repr. p. 13 ; George 1964, p. 48 ; Bresc-Bautier/Pingeot 1986, p. 303 ; Pingeot/Le Normand-Romain/de Margerie 1986, p. 191, 275 ; Saint-Tropez 1994, p. 90 ; Berlin/ Lausanne/Brême/Mannheim 1996-1997, p. 54, 169 ; Champion 1998, p. 389 ; Da Costa 1999, p. 369-370, repr. p. 370 ; Barcelone 2009-2010, p. 58 ; Rotterdam 20122013, p. 51. Dépôt du musée d’Orsay (inv. R.F. 3244 ; AM 685) INV. : 1982-14
La préparation de l’Exposition de 1937 fut source pour Maillol d’un regain d’activité. Il fut en effet le seul, avec Henri Matisse, à bénéficier d’une exposition particulière – où il présenta une soixantaine d’œuvres couvrant toute sa carrière (Paris/Madrid 2009, p. 23). La Ville de Paris lui avait commandé une version en marbre de Pomone, au prix de 20 000 francs, et la direction des Beaux-Arts La Montagne pour la terrasse du nouveau Musée national d’art moderne construit par Jean-Claude Dondel et André Aubert. L’une des jambes engagée dans le socle comme pour souligner son appartenance à une masse originelle, la main levée, disait Maillol, pour protéger la Montagne du vent, celle-ci vient clore le cycle des figures accroupies. Elle n’est ni idéaliste ni naturaliste, elle ne cherche ni à embellir, ni à copier la réalité mais elle offre, à la fin de sa carrière, une parfaite démonstration de la vision qu’il avait de la sculpture : « Quand le mouvement est donné avec excès, disait l’artiste, il est figé : ce n’est plus la vie. L’immobilité que crée l’artiste n’est pas du tout la même que celle de la photographie. L’œuvre d’art contient la vie latente, des possibilités de mouvement : une grimace qui s’éternise ne représente pas la vie » (Cladel 1937, p. 135). Pour la réaliser en temps voulu, Maillol sacrifia son hiver à Banyuls. Mais le projet remontait à plusieurs années auparavant. Maillol avait en effet confié à Henri Frère en avril 1933 l’idée d’une sculpture qu’il appelait alors La Montagne et le Vent, inspirée par les arbres agités qui se dressaient sur la montagne en face de son mas. Il réalisa une première esquisse dès l’année suivante, puis une autre en avril 1936 pour laquelle il fit poser, pour la première fois, celle qui allait être son dernier modèle, la toute jeune Dina Vierny. Un texte de Paul Sentenac déroulant « le film documentaire » de la réalisation et des photographies prises par Henri Frère, alors proche de Maillol, permettent de suivre les différentes étapes du travail. Comme toujours le point de départ est constitué par des dessins suivis d’un petit modèle que Frère a photographié à la fois en terre et encore sans bras gauche, et en plâtre posé pour la prise de vue
sur le poêle de l’atelier. À ce stade, Maillol ne fait appel qu’à son imagination et à sa maîtrise de la forme, le modèle vivant lui servant surtout pour vérifier l’exactitude d’une position ou la proportion d’un membre. Une visite à l’atelier de Maillol à Marly en novembre 1936 permit à Sentenac de mieux comprendre le processus de création, de l’esquisse au modèle : « Tout le rythme qui la caractérise s’y trouve déjà enclos. Le visage, les doigts demeurent à l’état d’ébauche. Mais, une fois que l’œuvre sera fixée dans le plâtre, agrandie désormais à ses dimensions définitives, le sculpteur la poussera jusqu’à ce point de perfection qu’il cherche et qu’il réussit à atteindre toujours. […] Maillol entend toujours traiter et terminer lui-même un pied, une main. Il a employé de nombreuses séances à parfaire le visage de la Montagne » (Sentenac 1938, p. 12, 13). Le modèle abouti fut photographié par Matisse (cf. Sentenac 1938, fig. 1 et p. 13) et Brassaï qui, tous deux, connaissaient bien Maillol, ainsi que par Frère qui a laissé des images du plâtre préparé avec les points de basement pour la traduction en pierre. Celle-ci se fit durant l’hiver 1936-1937, dans l’atelier de Jean Van Dongen, le frère de Kees, voisin de celui de Maillol (Lajoix 2011). Kessler, pour qui Maillol avait traduit en pierre sa grande Femme assise (la Méditerranée) du Salon d’automne de 1905 et qui suivait donc son travail depuis le tout début du siècle, vit la pierre en cours d’exécution le 15 janvier 1937. « Sa grande sculpture ne le lâche pas. Il y travaille sans interruption depuis des mois pour créer entre les masses un rapport toujours plus harmonieux et convaincant. Quand il change quelque chose à un endroit, par exemple à l’épaule, c’est juste vu d’un côté, mais faux de l’autre. Il est donc obligé de tout refaire. C’est comme ça, de petite correction en petite correction, en avançant lentement à tâtons, qu’il arrive pour finir à la parfaite harmonie des masses. Il est sur ce point d’une patience et d’une application infinies. Ce qui ne l’empêche pas de pester contre son metteur au point, qui est un imbécile, qui n’a pas placé correctement les masses, car s’il les avait faites exactement d’après le modèle
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en argile, la sculpture serait finie depuis longtemps ! Mais cela fait trente ans qu’il peste contre chacun de ses metteurs au point, disant qu’ils l’ont laissé en plan et lui ont causé un travail infini. En réalité, c’est à corriger sans fin ses œuvres qu’il prend le plus de plaisir » (Kessler 2017). Les corriger ou les utiliser comme point de départ d’une nouvelle figure : lorsqu’en 1938, Frantz Jourdain fit appel à lui pour le Monument
à Henri Barbusse, Maillol décida de découper un plâtre de La Montagne, comme il l’avait déjà fait pour L’Air, né de l’Hommage à Cézanne, afin de réaliser avec l’aide de Robert Couturier une nouvelle figure en hommage à Henri Barbusse : la paisible Montagne agitée par le vent devint ainsi La Rivière, puissante figure d’une femme renversée et semblant se défendre, dont l’achèvement fut retardé par la guerre. ALNR
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Donner à voir la mythologie individuelle d’Étienne-Martin. La collection lyonnaise : un ensemble de référence SYLVIE RAMOND
1 Carnet sans nom [juin 1977août 1978], archives Étienne-Martin, doc. du musée. 2 Registre « Enfance, adolescence, la vie d’homme », ibid. 3 Registre « DA D2 D3 7 portes», ibid. 4 Fonds Étienne-Martin, musée d’Art moderne de la Ville de Paris, MAMVP/EM/MAN/CAR/CLJ, cité dans Lyon 2011-2012a, p. 196-197. 5 Lettre d’Étienne-Martin à Marcel Michaud, 3 avril 1937, archives Michaud, doc. du musée. 6 On se reportera à l’essai de Catherine Chevillot, p. 14-23. 7 Lettre d’Étienne-Martin à Marcel Michaud, 27 janvier 1942, archives Michaud, doc. du musée.
Le musée des Beaux-Arts de Lyon fait une part exceptionnelle à Étienne-Martin, l’un des plus grands sculpteurs français du XXe siècle, auquel il consacra du reste une rétrospective durant l’hiver 2011-2012 (fig. 1 et 2). Au milieu des nouvelles tendances qui s’expriment de manière particulièrement foisonnante à la veille et au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, l’œuvre d’Étienne-Martin demeure résolument isolé. Dès l’origine, et jusqu’à la fin, son travail fut placé sous le signe de l’expérimentation, de l’usage de matériaux a priori étrangers au monde de la sculpture et d’une quête spirituelle complexe, ouvrant de nouvelles perspectives à l’art contemporain. La collection lyonnaise se concentre sur deux périodes de la production du sculpteur : les années de jeunesse, qui s’achèvent après la guerre, puis les années 1970 et 1980, au cours desquelles sont produites des sculptures monumentales en bois, qui affirment et développent la mythologie individuelle d’un artiste plus que singulier. Étienne-Martin est reçu au concours d’entrée de l’école des beaux-arts de Lyon alors qu’il est âgé de seize ans. Dans le contexte d’un enseignement académique où, dans la tradition du XIXe siècle, l’antique et le modèle vivant se partageaient la première place dans l’emploi du temps des élèves, invités à développer autant leurs capacités de dessinateurs que la maîtrise du modelage, le jeune homme ne semble pas mal à l’aise, tant s’en faut. Ses souvenirs évoquent, comme l’a noté Sabrina Dubbeld, un « temps d’ouverture et de liberté heureuse1 », une « époque solaire2 », « la découverte de l’amitié et du monde 3 ». Très tôt, il fait à Lyon des rencontres déterminantes pour son évolution artistique et intellectuelle : Paul Denavit, Simone Boudot, Raymonde in Albon (illustratrice avec laquelle il noue sa première relation amoureuse) et d’autres, plus âgés, Marguerite Guichemerre, le poète et galeriste Marcel Michaud, qui lui présente Léon Reymond. Tous deux sont, avec l’architecte Louis Thomas et le compositeur César Geoffray, à l’initiative de la fondation du groupe Témoignage à Lyon en 1936. Marcel Michaud occupe une place essentielle dans cette constellation amicale. Dans une chronique biographique rédigée en 1960, Étienne-Martin décrit ainsi leur rencontre en 1930 : « Toute l’absence d’apprentissage de la vie qu’est notre temps enfance de jeunesse se trouve parfois démasquée par la rencontre de certains êtres qui sont comme des miroirs, des souvenirs, des témoignages peut-être fortuits d’un monde où les frontières seraient ouvertes et où les péages seraient possibles. Ces êtres le portent en eux comme une science ou comme un don, sortes de colporteurs d’autres lieux, d’autres coutumes […]. J’étais au début du moule, lui était déjà engagé sur
la route. Tout en lui me disait d’avancer sans crainte. […] Dans mon étape lyonnaise il figure comme un des signaux qui fut une charnière essentielle 4. » Revenir sur le parcours de formation artistique d’Étienne-Martin permet d’apprécier son lien précoce avec le palais Saint-Pierre et le musée qu’il abrite. Lorsque Étienne-Martin s’inscrit aux Beaux-Arts en 1929, l’école est alors dirigée par Arthur Kleinclausz, un médiéviste qui devait apporter une contribution essentielle à la connaissance de la sculpture bourguignonne et, plus particulièrement, de Claus Sluter. La circulation des salles d’étude aux salles du musée se faisait alors le plus naturellement, autorisant une certaine intimité avec quelques œuvres : « […] je pense à ce que vous m’avez dit du Saâr [sic], voir son buste magnifique à la non moins magnifique salle de sculpture, entrepôt St Pierre, je ne sais quel est le nouveau voisinage de cette illustre image, autrefois il était dans la pénombre favorable au mystère d’un escalier tranquille5. » Cette remarque pleine d’impertinence – l’« entrepôt St Pierre », pour ce qui se donne habituellement comme un espace quasiment sacré – se double d’une vision sensible et ouverte. Le souvenir électif du portrait d’un prophète vu dans un recoin laisse entière la curiosité à l’égard des salles de sculpture du musée, entre-temps présentées dans une nouvelle muséographie. L’ancienne chapelle du couvent avait été réaménagée en galerie de sculpture moderne, en 1934, par le directeur du musée, René Jullian6, et présentait peut-être le buste du Sâr Péladan par Zacharie Astruc (cat. 141) au milieu des œuvres plus célébrées de Joseph Chinard et d’Antoine Bourdelle. L’on peut croire que l’intérêt pour ce modeste buste tenait à l’aura de Péladan, plus qu’à ses qualités proprement esthétiques. Plus attendue est l’admiration portée à la koré, l’œuvre la plus célèbre de la collection d’antiques, alors présentée dans le réfectoire, qu’Étienne-Martin nomme la « Vénus à la colombe », qu’il invite à aimer tout simplement car « ce qui importe, c’est ce que disent les statues de tous les âges et de tous les climats et jamais oreille ne serat-elle assez subtile et œil assez aigu pour les entendre et pour les voir7 ». On sait également que la section égyptienne du musée des moulages de la faculté des lettres et le musée Guimet marquent le jeune sculpteur au cours de ses années lyonnaises. Mais une des rencontres principales faites au musée de Lyon est pour lui celle d’Auguste Rodin, dont la collection présente un fonds exceptionnel, et qui constitua une référence très féconde pour Étienne-Martin, moins dans l’apparence sensible que par l’appropriation du principe de mouvement, de la puissance de germination et de croissance que les œuvres expriment.
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Fig. 1 Vue de l’exposition L’Atelier d’Étienne-Martin Musée des Beaux-Arts de Lyon, 22 octobre 2011-23 janvier 2012
Fig. 2 Vue de l’exposition L’Atelier d’Étienne-Martin Musée des Beaux-Arts de Lyon, 22 octobre 2011-23 janvier 2012 449
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VIII. De l’après-guerre à nos jours OSSIP ZADKINE (Vitebsk, actuelle Biélorussie, 1890 – Paris, 1967)
Ossip Zadkine, né à Vitebsk en 1890, arrive à Paris à l’automne 1909, après avoir séjourné dans le nord de l’Angleterre puis à Londres où il noue des contacts et des amitiés avec les milieux du modern art, qu’il conservera tout au long de sa vie. Formé au métier d’ébéniste, dans lequel il se perfectionne auprès de son oncle paternel, Zadkine manifeste un goût précoce pour la sculpture qui deviendra vite, à son arrivée à Paris, une prédilection pour la taille directe. Il est dans l’histoire de la sculpture l’un de ses représentants majeurs. La puissance de son œuvre sculpté, fortement teinté de primitivisme, est redevable à l’art grec des Cyclades aussi bien qu’à l’art africain qu’il a découvert, très tôt, au British Museum. À Montparnasse, habitué du salon de la baronne d’Œttingen et de son cousin Serge Férat, de l’atelier de sa compatriote Marie Vassilieva, fondatrice d’une académie aux allures d’artel, Zadkine rencontre Guillaume Apollinaire, Blaise Cendrars, Fernand Léger et tout ce que Paris compte d’artistes en devenir. Il se lie d’une amitié intense avec Amedeo Modigliani. Dès 1913, au Salon d’automne, ses bois sculptés font impression. Engagé volontaire durant la Première Guerre, gazé et définitivement réformé en octobre 1917, Zadkine rapporte de son affectation au sein d’une ambulance russe, sur le front en Champagne, un ensemble d’une trentaine de dessins, dont il tire une suite de vingt gravures à l’eau-forte réunies dans un album de guerre édité au printemps 1918. S’y révèle son goût pour un art qu’il ne cessera de pratiquer – parallèlement à la sculpture, au dessin, à la gouache et à l’aquarelle. Dès les années 1920, ses œuvres, exposées à Tokyo grâce à son ami Léonard Foujita – témoin de son mariage avec l’artiste peintre Valentine Prax, en 1920 –, sont acquises par d’éminents collectionneurs : le Dr. Barnes, aux États-Unis, Andry-Farcy pour le musée de Grenoble en France, le Stedelijk Museum à Amsterdam. Son travail mêlant géométrie cubisante et néoclassicisme des formes est salué à travers une suite d’expositions personnelles majeures : en 1925, à la galerie Barbazanges, à Paris, au palais des Beaux-Arts à Bruxelles, puis à Anvers en 1933. En 1936, la Ville de Paris achète la figure d’un Orphée en bois d’orme, aujourd’hui conservé au musée d’Art moderne de la Ville. Un an plus tard, Zadkine reçoit la commande d’une grande sculpture monoxyle figurant un Messager pour l’Exposition internationale de 1937. En 1941, contraint de se réfugier aux États-Unis, où il retrouve Marc Chagall, né à Vitebsk, comme lui, Léger, Max Ernst et bien d’autres, il enseigne à la Art Students League puis au Black Mountain College ; activité qu’il poursuivra à son retour en France en 1945, à l’académie de la Grande Chaumière. En 1953 est inauguré à Rotterdam le Monument à La Ville détruite, comparé par la critique, dans sa dénonciation de la guerre et de ses horreurs, à un Guernica de la sculpture. En 1982, le musée Zadkine est inauguré, rue d’Assas à Paris, dans la maison et les ateliers où l’artiste vécut et travailla de 1928 à novembre 1967, date de sa mort. VG
227. La Prisonnière, 1943 statue, bronze, fonte Susse, épreuve de 1956 DIM. : h. : 1,90 ; l. : 0,78 ; p. : 0,65 INSCR. : à l’arrière de la terrasse à sa droite : Susse fondeur Paris ; sur la plinthe de la terrasse à sa droite : O. ZADKINE 1943 HIST. : 1956 : acquis de l’artiste pour la somme de 2 250 000 francs ; 1996 : nettoyage par Lionel Lefèvre. EXP. : 2008-2009, Osnabrück, no 58, p. 158, repr. ; 20092010, Lyon, musée des Beaux-Arts, Picasso, Matisse, Dubuffet, Bacon… Les Modernes s’exposent. Œ. EN R. : esquisse en terre cuite, Paris, musée Zadkine, et éditions en bronze, dont Paris, musée Zadkine ; plâtre à Paris, musée Zadkine ; autres bronzes, dont Cologne, Wallraf-Richartz Museum. sources : reg. com., séances des 26/01/1956 (achat), 2/03/1956 (achat), 17/01/1957 (présentation) ; Paris, archives du musée Zadkine (achat). BIBL. : Écho-Liberté, 4 janvier 1957 ; Jullian 1960, p. 110 ; Cassou 1962, no 9, p. 26 ; Jianou 1964, p. 98, repr. pl. 64 ; Babelon 1966, p. 160, repr. ; Huyghe 1985, p. 69 ; Marchal 1992, p. 102-108 ; Lecombre 1994, p. 403-408 ; Curtis 1999, p. 65 ; Ramond 2014b, p. 267, notice de C. Mathieu, repr. INV. : 1956-37
Cette œuvre représentant un personnage féminin, enfermé dans une cage, est telle que Zadkine se figurait la France durant la Seconde Guerre mondiale, depuis les États-Unis, où il se trouvait. Contraint de fuir, en juin 1941, en raison de ses ascendances juives, il y vécut durant quatre ans. Cette œuvre fut réalisée dans son atelier de New York, entre octobre et novembre 1943 ; sous la forme d’une maquette, d’abord, puis à son échelle définitive, sur armatures de fer, avant d’être moulée en plâtre fin décembre 1943. Zadkine abhorrait travailler le sable mais, désespéré de se voir restituer son œuvre « en quarante morceaux » par l’apprenti du professionnel auquel il l’avait confiée, il fut conduit, durant une semaine, à s’atteler lui-même au moulage. Achevé le 21 décembre 1943, le plâtre de La Prisonnière fut exposé dans une galerie de New York dès janvier 1944.
La genèse de cette œuvre renvoie au sentiment de profonde révolte et de terrible désarroi dans lequel se trouvait Zadkine en songeant à la France et à l’Europe dans son exil. Les mots de son journal disent combien, par-delà la distance, il était hanté par les réalités qu’il avait fuies et celles dont des bribes lui parvenaient à travers la presse et les lettres reçues de son épouse, l’artiste peintre Valentine Prax, restée seule dans leur maison du Quercy. « Pense et repense à la France, à ceux restés là-bas comme dans des cachots, dans des cages à poules, au silence morbide qui embrasse ses vallées et prés, villages et villes », écrivait-il le 25 septembre 1943, peu avant d’entreprendre La Prisonnière. « Ai lu dans le Times une description terrifiante d’assassinats de gens innocents des petites villes russes. Les Allemands écrasaient les enfants devant leurs mères torturées, gardaient des
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trains remplis de gens dans le froid, sans nourriture, jusqu’à leur mort fatale […]. » (journal de l’artiste, 1941-1944, Paris, musée Zadkine). Les Carceri de Piranèse, « extraordinaires imaginations d’architectures […], de sombres recoins, où de minuscules êtres, même pas humains, apparaissent avec des gestes de désespoir pétrifiés », contribuèrent-elles à nourrir cette obsédante idée de l’enfermement ? Deux ans plus tôt, le 15 octobre 1941, sortant d’une exposition consacrée à l’architecte italien, Zadkine notait dans son journal : « Comme il serait intéressant de rencontrer un Piranesi de l’Europe d’aujourd’hui qui ayant vécu dans les prisons et camps de concentration actuels, nous les dessineraient avec la même force et la même pénétration [et] aussi avec la même abstraction d’esprit […] pour ne narrer que l’essentiel. […] Les fils barbelés et baraques en bois, un pauvre ou appauvri bagage […]. Des latrines immondes et l’étable triste avec l’alignement nostalgique des grabats en bois. » (ibid.). Aller à l’essentiel, telle ne pouvait être que l’unique ligne. Évoquant l’état d’esprit dans lequel il se trouvait en concevant La Prisonnière, Zadkine écrivait au soir de l’achèvement du moulage en plâtre de cette triple figure, l’une derrière des barreaux, l’autre écrasée derrière une porte, la troisième regardant au loin avec une expression énigmatique : « En [la] modelant j’avais des soupçons, des appréhensions, des peurs, même, de tomber dans le littéraire, dans la petite illustration […] mais je continuais, car le désir de “parler” de la chose autour de nous était le plus fort. […] Tout en me demandant où j’allais, je sentais tout le temps qu’il fallait que je fasse cette sculpture. Absolument. Et la créant, je répondais, à ma façon, à un monde terriblement cuisant de questions, de regrets, de reproches et amères réflexions sur ma vie ici aux États-Unis. […] La Prisonnière est une tentative de parler franc et simple, à tout le monde, de ce qu’est la France en ce moment. Il m’est impossible de ne pas en parler, hurler, gueuler même. » (ibid.). On ne saurait imaginer, de fait, figure plus éloquente. L’accueil reçu, lors de la première présentation de l’œuvre à New York, fut pour Zadkine une épreuve. « Rentré esquinté du vernissage, avec un rictus de sourire qui ne voulait pas s’en aller de [s]a pauvre figure crispée », il avait la conviction d’avoir eu tort de montrer une telle œuvre dans un pays « avachi par le “money making”, convaincu qu’il aurait dû attendre et l’emmener en Europe où « l’humanité souffrante et terrifiée comprendra[it] […] de quoi il s’agi[ssai]t, dans cette tentative de parler clair et “pas distingué” » de ce qui rongeait tout un continent (ibid.). L’épreuve en bronze de La Prisonnière acquise par le musée des Beaux-Arts de Lyon fut achetée à Zadkine par la municipalité, en 1956, pour la somme de 2 250 000 francs. Fondue 453
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CATALOGUE SOMMAIRE
xviie siècle
Tête de mort laurée Voir cat. 4, p. 74. INV. : 1977-5
FRANCE MARC I er CHABRY (Barbentane, vers 1660 – Lyon, 1727)
Le Peintre Jan Joost van Cossiau, 1711 Voir cat. 10, p. 78. INV. : 1938-3.
JACQUES MIMEREL
Junon bas-relief, marbre DIM. : h. : 0,242 ; l. : 0,315 ; p. : 0,450 HIST. : date et mode d’acquisition inconnus. INV. : H 712
Torse d’homme
(Amiens, 1614 – Lyon, 1675)
Tête d’homme Camille de Neuville de Villeroy, 1658 Voir cat. 9, p. 76. INV. : D 2009.1.1
Voir cat. 6, p. 75. INV. : H 2067
Milieu du XVIIe siècle Tête de profil tournée vers la droite, saint Pierre ? ANTOINE COYSEVOX (Lyon, 1640 – Paris, 1720)
Voir cat. 3, p. 73. INV. : H 1920
ronde-bosse, pierre (fragment) DIM. : h. : 0,30 ; l. : 0,39 ; p. : 0,20 HIST. : date et mode d’acquisition inconnus. INV. : 2017.0.12
ITALIE ANONYME
Louis XV à l’âge de neuf ans, 1719 Voir cat. 12, p. 80. INV. : 2006-26
D’après ANTOINE COYSEVOX La Vierge et l’Enfant Voir cat. 14, p. 84. INV. : D 260
D’après ANTOINE COYSEVOX ? Jean-Baptiste Colbert Voir cat. 13, p. 83. INV. : 1962-29
À la manière d’ANTOINE COYSEVOX Charles-Honoré d’Albert, duc de Luynes, de Chevreuse et de Chaulnes, 1714 Voir cat. 11, p. 80. INV. : 1962-26
Buste de femme buste, bois DIM. : h. : 0,86 ; l. : 0,59 ; p. : 0,44 HIST. : date et mode d’acquisition inconnus. INV. : H 2064
Saint Pierre Voir cat. 2, p. 73. INV. : 1968-152
Le Roi David France, milieu du XVIIe siècle, traditionnellement attribué à ANTOINE COYSEVOX La Vierge et l’Enfant
statuette, albâtre DIM. : h. : 0,540 ; l. : 0,185 ; p. : 0,100 (avec socle) ; h. : 0,490 ; l. : 0,185 ; p. : 0,095 (sans socle) INSCR. : sur le devant de la robe, peint en lettres romaines, en noir sur fond blanc : le roi David. BIBL. : Comarmond 1855-1857, p. 764, no 5. INV. : H 14
Voir cat. 15, p. 84. INV. : B 699
ANONYMES Début du XVIIe siècle Buste de femme Voir cat. 5, p. 74. INV. : D 384
Mascaron à tête de satyre Voir cat. 8, p. 75. INV. : D 692
Captif Voir cat. 7, p. 75. INV. : H 625-1
Captif Voir cat. 7, p. 75. INV. : H 625-2
Sainte Anne ronde-bosse, bois DIM. : h. : 1,04 ; l. : 0,38 ; p. : 0,21 HIST. : 1971 : legs de Renaud Icard. INV. : 1971-89
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ESPAGNE ANONYME
xviiie siècle FRANCE D’après ANTOINE DENIS CHAUDET (Paris, 1763 – id., 1810)
Napoléon Ier
Saint Hyacinthe
Napoléon Ier
statuette, bois polychromé DIM. : h. : 0,405 ; l. : 0,190 ; p. : 0,100 HIST. : 1862 : achat auprès du dessinateur de fabrique lyonnais Reybaud ; 1894 : mis en dépôt au musée par la Chambre de commerce de Lyon ; 1992 : restauration, Pascale Klein (refixage, nettoyage, consolidation, dégagement, retouches). Dépôt du musée des Tissus et des Arts décoratifs de Lyon (inv. MT 2016) INV. : D 693
Napoléon Ier (1769-1821), empereur des Français buste, marbre DIM. : h. : 0,595 ; l. : 0,320 ; p. : 0,295 INSCR. : à l’avant de la base : NAPOLÉON. HIST. : envoyé par l’État à l’hôtel de ville de Lyon à une date inconnue (s’agirait-il du buste initialement envoyé à la préfecture ?) ; 1870 : transféré au musée. Œ. EN R. : nombreux exemplaires en tous matériaux et toutes dimensions. SOURCES : cat. Martin-Daussigny, no 38. Dépôt du Centre national des arts plastiques (inv. FNAC PFH-9014) INV. : A 3048
Napoléon Ier (1769-1821), empereur des Français buste, bronze DIM. : h. : 0,595 ; l. : 0,320 ; p. : 0,295 INSCR. : à l’avant de la base : NAPOLÉON. HIST. : 1808 : peut-être l’un des quinze bustes exécutés par Caulers d’après le modèle de Chaudet ; 1813 : envoyé par l’Empereur, par l’entremise de Vivant Denon, à la Ville de Lyon, remis par le préfet du Rhône à François Artaud, directeur du Conservatoire des arts, pour être placé dans le musée ; 1815 : précipité dans le puits du palais Saint-Pierre ; 1877 : redécouvert et replacé parmi les collections. Œ. EN R. : nombreux exemplaires en tous matériaux et toutes dimensions. SOURCES : inv. 1813 (classe de la bosse) ; cat. MartinDaussigny, no 46 ; AML, 78 Wp 1 (redécouverte) ; 78 Wp 7 (redécouverte) ; 78 Wp 14 (déplacement). BIBL. : Rosenthal 1928a, p. 12 ; Mauclair 1929, p. 142 ; Jullian 1960, p. 110 ; Dupuy/Le Masne de Chermont/ Williamson 1999, vol. 2, p. 958, no 2772 ; Hubert/ Ledoux-Lebard 1999, p. 87. Dépôt du Centre national des arts plastiques (inv. FNAC PFH-9015) INV. : X 1017
JOSEPH CHINARD (Lyon, 1756 – id., 1813)
Laocoon Voir cat. 28, p. 108. INV. : A 2913
Vase en l’honneur du couronnement de Napoléon et Joséphine, 1807 Napoléon Ier Jeune Moine statuette, bois polychromé DIM. : h. : 0,410 ; l. : 0,180 ; p. : 0,130 HIST. : 1862 : achat auprès du dessinateur de fabrique lyonnais Reybaud ; 1894 : mis en dépôt au musée par la Chambre de commerce de Lyon ; 1992 : restauration, Pascale Klein (refixage, nettoyage, consolidation, dégagement, enlèvement de la main refaite, retouches). Dépôt du musée des Tissus et des Arts décoratifs de Lyon (inv. MT 2016) INV. : D 694
FLANDRES
Napoléon Ier (1769-1821), empereur des Français buste, biscuit, exemplaire d’édition, manufacture de Sèvres DIM. : h. : 0,285 ; l. : 0,145 ; p. : 0,140 INSCR. : à l’avant de la base : NAPOLÉON. / SEVRES ; sur la découpe de l’épaule à sa droite : Chaudet F.ct ; à l’arrière : A .B. / A.B. 28j.+ HIST. : 1841 : legs Rocoffort de Vinnière. Œ. EN R. : nombreux exemplaires en tous matériaux et toutes dimensions, dont un similaire à Lyon, Académie des sciences, belles-lettres et arts. SOURCES : AML, 78 Wp 8 (legs) ; 1400 Wp 2 (legs). BIBL. : Lyon 1992-1993, p. 164. INV. : H 2025
Voir cat. 41, p. 135-136. INV. : A 2918
Juliette Récamier, 1798 Voir cat. 45, p. 141-143. INV. : A 2961
Portrait de femme, vers 1796-1797 Voir cat. 37, p. 125 INV. : B 370
Portrait de femme, dit Antoinette Chinard (?), 1802-1803 Voir cat. 44, p. 139-140. INV. : B 426
ARTUS I QUELLINUS (Anvers, 1609 – id., 1668)
Cybèle Voir cat. 1, p. 72. INV. : B 1365 481
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CATALOGUE SOMMAIRE
xixe siècle
PIERRE AUBERT (Lyon, 1853 – id., 1912)
ARTISTES NÉS ENTRE 1770 ET 1869
Ernest Meissonier, 1891-1895
EUGÈNE AIZELIN
Voir cat. 115, p. 285. INV. : B 522
(Paris, 1821 – id., 1902)
Léandre statue, marbre DIM. : non connues INSCR. : non connues HIST. : œuvre acquise par l’État selon un mode et à une date inconnus, attribuée au musée du Louvre ; 1890 : envoyé au musée de Lyon ; 1986 : affecté au musée d’Orsay ; actuellement non localisé. Il est possible que cette œuvre, dont aucune trace ne se retrouve dans les archives du musée, n’existe pas en réalité et soit le fruit d’une confusion avec celle de même titre de Gaston-Guitton (inv. R.F. 51), déposée au musée en 1890, puis restituée en 1951. BIBL. : Pingeot/Le Normand-Romain/de Margerie 1986, p. 265. Dépôt du musée d’Orsay (inv. R.F. 847) INV. : non inventorié
FRANÇOIS ANTOMMARCHI (Morsiglia, Haute-Corse, 1789 – Santiago de Cuba, 1838)
René Dardel, 1883-1884
Jacques Stella, 1899-1902 Jacques Stella (1596-1657), peintre buste, marbre DIM. : h. : 0,81 ; l. : 0,66 ; p. : 0,41 INSCR. : à l’avant de la base à sa gauche : STELLA ; sur la draperie à sa gauche : P. Aubert / 1902 HIST. : 1899 : commandé à l’artiste par la Ville de Lyon sur les arrérages du legs Grognard pour la galerie des Lyonnais dignes de mémoire pour la somme de 3 000 francs ; 1900 : achèvement du modèle en terre ; 1902 : réception de l’œuvre achevée, affectée au musée ; 1998 : nettoyage par Lionel Lefèvre. Œ. EN R. : étude préparatoire exposée à la SLBA en 1905 (no 594), loc. inconnue. SOURCES : AML, 78 Wp 14 (commande) ; 110 Wp 22 (commande) ; 110 Wp 23 (commande) ; 468 Wp 19 (commande) ; 1400 Wp 4 (commande). BIBL. : Champavère 1992, no 74, p. 115-116 ; Bruyère 1999, no 134, p. 260. INV. : B 648
René Dardel (1796-1871), architecte buste, marbre DIM. : non mesuré en raison de l’impossibilité d’accès INSCR. : sur le piédouche à l’avant : RENE DARDEL ARCH. [inscriptions éventuelles sur les autres faces non visibles] HIST. : 1883 : commandé à l’artiste par la Ville de Lyon sur les arrérages du legs Grognard pour la galerie des Lyonnais dignes de mémoire pour la somme de 3 000 francs, puis soumission du modèle ; 1884 : réception de l’œuvre achevée ; déposé au palais du Commerce, installé dans l’escalier monumental côté Saône. EXP. : 1884, Paris, Salon des indépendants, no 246. Œ. EN R. : bronze, présenté à la SAAL en 1884 (no 22), loc. inconnue. SOURCE : AML, 77 Wp 7 (commande) ; 468 Wp 19 (commande). BIBL. : Lyon 1986, p. 50 ; Bruyère 1999, no 40, p. 247. Déposé à Lyon, Chambre de commerce et d’industrie INV. : H 2472
Simon Maupin, 1883 Masque funéraire de Napoléon Ier, 1821 Napoléon Ier (1769-1821), empereur des Français masque, bronze, fondeur inconnu DIM. : h. : 0,330 ; l. : 0,145 ; p. : 0,185 INSCR. : cachet à la base du cou : NAPOLEON EMP. ET ROI / [inscription illisible] / ANTOMMARCHI [inscription illisible] ; sur la tranche du cou à sa droite : Moulé à Ste Hélène ; sur la tranche du cou à sa gauche : F ANTOMMARCHI HIST. : 1821 : épreuve exécutée d’après l’empreinte relevée quarante heures après la mort de l’empereur le 7 mai 1821 ; 1926 : acquis par mode inconnu. Œ. EN R. : vingt-cinq épreuves en plâtre, 1833, dont Paris, musée du Louvre (inv. LP 240) et Rueil-Malmaison, musée national des châteaux de Malmaison et Bois-Préau ; cinq bronzes, 1833, fonte Richard et Quesnel, dont Paris, musée du Louvre (inv. LP 235) et Rueil-Malmaison, musée national des châteaux de Malmaison et BoisPréau ; autres exemplaires d’édition en plâtre (dont Lille, palais des Beaux-Arts, et Paris, musée Rodin) ou bronze. BIBL. : Paris 2002, p. 146-149. INV. : H 2460
ZACHARIE ASTRUC (Angers, 1835 – Paris, 1907)
Le Sâr Péladan, 1898 Voir cat. 141, p. 323. INV. : B 1219
Simon Maupin (1598-1668), architecte médaillon, bronze, fonte Charles Gruet DIM. : diam. : 0,70 ; p. non mesurable INSCR. : à sa droite : SIMON MAUPIN ; à sa gauche : ARCH. 1598-1668 HIST. : 1883 : commandé à l’artiste par la Ville de Lyon pour la décoration de la cour du palais des Arts pour la somme de 1 200 francs ; placé sur la façade est du cloître. SOURCES : reg. com., séance du 1/10/1881 (commande) ; AML, 465 Wp 13 (commande) ; 465 Wp 17 (commande) ; 465 Wp 18 (commande). BIBL. : Hours 1987, p. 10 ; Champavère 1992, no 20, p. 31-32 ; Jocteur Montrozier 2000, repr. p. 3. INV. : H 2520
Le Docteur Léon Tripier, vers 1891 Léon Tripier (1842-1891), chirurgien, professeur de médecine médaillon, plâtre DIM. : h. : 0,61 ; l. : 0,55 ; p. : 0,12 INSCR. : sur le bandeau supérieur : [FA]MILLE…TRI[PIER] HIST. : date et mode d’acquisition inconnus. Œ. EN R. : projet pour la tombe de la famille Tripier au cimetière de Sainte-Foy-lès-Lyon ? INV. : H 2060 bis
François Lemot, 1883 François Lemot (1772-1827), sculpteur médaillon, bronze, fonte Charles Gruet DIM. : diam. : 0,70 ; p. non mesurable INSCR. : à sa droite : FRANÇOIS LEMOT ; à sa gauche : SCULP.
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CATALOGUE SOMMAIRE
HIST. : 1863 : légué par le comte Sébastien Des Guidi à
la Ville de Lyon sous une attribution à Antonio Canova ; 1882 : affecté à la bibliothèque de la ville ; 1972 : transféré au musée. Œ. EN R. : Niobé et sa plus jeune fille, groupe en marbre, copie romaine d’après un original grec en bronze attribué à Scopas, vers 320-300 av. J.-C., réalisée au IIe siècle, Florence, Galleria degli Uffizi. SOURCES : AML, 78 Wp 8 (legs). INV. : 1972-26
ANONYME,
XIXe
siècle
Amour moissonneur statuette, terre cuite patinée DIM. : inconnues HIST. : date et mode d’acquisition inconnus ; 1944 : déposé à l’hôtel de ville de Lyon ; actuellement non localisé. INV. : non inventorié
xxe siècle ARTISTES NÉS APRÈS 1870 JOSEPH ALESSANDRI (Tunis, 1940)
ANONYME, première moitié du XIXe siècle
Relief, 1978
La Sainte Famille bas-relief, terre cuite DIM. : h. 0,723 ; l. 0,550 ; p. 0,120 (avec cadre) ; h. 0,640 ; l. 0,460 ; p. 0,120 (sans cadre) HIST. : 1978 : achat auprès de Pierre Montheillet pour la somme de 5 500 francs. BIBL. : BMML 1979, p. 115. INV. 1978-12
haut-relief, bois, os, textile DIM. : h. : 1,055 ; l. : 0,810 ; p. : 0,225 INSCR. : au revers en rouge : E3 Format 105 × 81 / REF. 31.5.78 E ygalières / Alessandri ; en dessous à la craie blanche : MALAVAL HIST. : 1980 : acquis de la galerie Malaval à Lyon pour la somme de 6 000 francs. INV. : 1980-16
NICOLE ALGAN (Épinal, 1925 – Romans, Isère, 1986)
ANONYME, deuxième quart du XIXe siècle
Le Petit Dieu
Alphonse de Lamartine Alphonse de Lamartine (1790-1869), écrivain, poète, député, président du Conseil général de Saône-etLoire, ministre des Affaires étrangères statuette, plâtre teinté DIM. : h. : 0,39 ; l. : 0,14 ; p. : 0,13 INSCR. : sur la plinthe à l’avant : DE LAMARTINE HIST. : 1988 : don de Mme Lasserre. BIBL. : BMML 1989, p. 44. INV. : 1988-7
assemblage, bois, métal, toile DIM. : h. : 1,365 ; l. : 0,780 ; p. : 0,290 INSCR. : sur une étiquette : ALGAN HIST. : 1973 : acquis de l’artiste pour l’État par le service de la création artistique, puis dépôt au musée des Beaux-Arts de Lyon. Dépôt du Centre national des arts plastiques (inv. FNAC 9842) INV. : 1973-19
ARMAND FERNANDEZ, dit ARMAN (Nice, 1928 – New York, 2005)
Accumulation Voir cat. 241, p. 475. INV. : 1973-6
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ANNEXES ossip zadkine, La Prisonnière (détail), cat. 227
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Liste des œuvres restituées Les œuvres mentionnées ci-dessous ont, après avoir appartenu à la collection du musée, fait l’objet d’une restitution. Il est, dans la mesure du possible, précisé leur localisation actuelle.
JEANNE BARDEY
AUGUSTIN COURTET
PIERRE MARC FRÉDÉRIC-TOURTE
(1872-1954)
(1821-1891)
(1873-1960)
La Pensée
Centauresse et faune, 1849-1851
Silène enfant, 1913
inv. B 1208-b acquis de l’artiste en 1919 sur les arrérages du legs Chazière ; restitué en 1936 pour échange contre Tête de femme (inv. 1936-19) Lyon, musée des Tissus et des Arts décoratifs
groupe, bronze, présenté au Salon de 1852 (no 1340) inv. A 2857 envoi de l’État en 1852 ; restitué en 1952 Lyon, parc de la Tête d’Or, dépôt du CNAP auprès de la Ville de Lyon (inv. FNAC 7548)
statue, marbre, présentée à la SAF en 1913 (no 3494) envoi de l’État en 1913, mais ne semble jamais avoir été réceptionné car aucune mention de cette œuvre n’apparaît ni sur les registres d’inventaire, ni dans les archives du musée Collections du CNAP (inv. FNAC 2615)
Le Maréchal de Castellane, 1853 ANTOINE LOUIS BARYE (1795-1875)
Lion au serpent, 1832 groupe, plâtre patiné, moulage réalisé en 1889, présenté à la Centennale de l’EU de 1889 (no 5) inv. B 1652 envoi de l’État en 1930 ; restitué en 1951 Lyon, université Lumière Lyon 2, musée des moulages, dépôt du CNAP (inv. FNAC 1674 ; FNAC 2480)
JEAN MARIE BONNASSIEUX (1810-1892)
David enfant, 1844 statue, marbre, présentée au Salon de 1844 (no 2164) envoi de l’État en 1845, brisé au moment de l’emballage et demeuré au musée du Louvre torse seul conservé à Compiègne, musée national du château, dépôt du CNAP (inv FNAC PFH-184)
buste, marbre, présenté au Salon de 1853 (no 1281) inv. A 2871 envoi de l’État en 1853 ; restitué en 1951 Caluire, mairie, dépôt du CNAP (inv. FNAC 7567)
GUSTAVE GASTON-GUITTON (1825-1891)
Léandre, 1852-1856 EUGÈNE DELAPLANCHE (1836-1891)
Sainte Agnès, 1872-1873 statue, marbre, présentée au Salon de 1873 (no 1605) et à l’EU de 1878 (no 1189) inv. B 379 envoi de l’État en 1886 ; restitué en 1952 Paulhan, église Sainte-Croix, dépôt du musée d’Orsay (inv. R.F. 218)
ANDRÉ DELORME (1829-1905)
statue, marbre, présentée au Salon de 1857 (no 2931) inv. B 450 envoi de l’État en 1890 ; restitué en 1951 Sainte-Maxime, mairie, dépôt du musée d’Orsay (inv. RF. 51)
JEAN ROBERT, dit IPOUSTÉGUY (1920-2006)
L’Agonie de la mère, 1971 statue, marbre, composée de neuf éléments inv. 1983-14 dépôt du FNAC en 1983 ; restitué en 2015 Collections du CNAP (inv. FNAC 9912)
Mercure, 1880 HENRI BOUCHARD (1875-1960)
Crispius Reburrus, architecte romain, 1924 statue, plâtre patiné, présentée à la SAF en 1924 (no 3255) inv. B 1386 envoi de l’État en 1926 ; restitué en 1951 Poitiers, musée Sainte-Croix, dépôt du CNAP (inv. FNAC 3287)
MARGUERITE JULIE CHARPENTIER
statue, marbre, présentée au Salon de 1880 (no 6255) et à la Nationale de 1883 (no 961) inv. B 330 envoi de l’État en 1883 ; restitué en 1951 Lyon, musée des Tissus et des Arts décoratifs, dépôt du CNAP (inv. FNAC 582)
Autoportrait buste, bronze inv. B 879 don de la veuve de l’artiste en 1909 ; restitué en 1912 au motif que cette œuvre se serait avérée non autographe loc. inconnue
LOUIS CHARLES JANSON (1825-1881)
Bacchus et l’Amour, 1865-1867 groupe, marbre, présenté au Salon de 1866 (no 2828) et à l’EU de 1867 (no 132) inv. A 3006 envoi de l’État en 1869 ; restitué en 1951 Cahors, Hôtel de Ville, dépôt du CNAP (inv. FNAC 7524)
ALFRED CHARLES LENOIR (1850-1920)
Saint Sébastien, 1875
(1770-1845)
Joseph Marie Vien, 1819
PIERRE FÉLIX FIX-MASSEAU
buste, marbre, présenté au Salon de 1819 (no 1230) œuvre non inventoriée ; appartenance à la collection attestée par les archives du musée envoi de l’État à une date indéterminée ; restitué en 1943 pour échange avec le musée Fabre Montpellier, musée Fabre, dépôt du musée du Louvre (inv. MR 2632)
(1869-1937)
Le Secret, 1894
groupe, bronze inv. B 1358 envoi de l’État en 1925 ; restitué en 1951 La Roche-sur-Yon, musée, dépôt du CNAP (inv. FNAC 3057)
statuette, acajou, présentée à la SNBA en 1894 (objets d’art, no 459) et à la Décennale de l’EU de 1900 (no 261) inv. B 555 envoi de l’État en 1896 ; restitué au musée d’Orsay en 1982 Paris, musée d’Orsay (inv. R.F. 3638)
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Bibliographie SOURCES MANUSCRITES Berger de Moydieu 1783 Gaspard-François Berger de Moydieu, Tableau historique de l’abbaye royale de S. Pierre… Second manuscrit, revu, corrigé et augmenté, 1783, Lyon, bibliothèque municipale, Ms Coste 297. Clapasson 1744 André Clapasson, Remarques sur la nouvelle construction de Saint-Pierre les Nonains de Lyon, discours tenu le 15 juillet 1744, Lyon, Académie des sciences, belleslettres et arts, Ms recueil 121, fos 24-28. Cat. Martin-Daussigny Edme Camille Martin-Daussigny, Catalogue des tableaux du musée de Lyon au palais des arts, inventaire manuscrit, 1870 (et poursuivi au-delà), documentation du musée. Inv. 1813 Inventaire général des objets appartenant au palais des arts de la Ville de Lyon fait en l’année 1813, inventaire manuscrit, 2 vol., documentation du musée. Inv. 1820 Registre contenant l’ inventaire exact de tous les objets existants [sic] dans le palais du commerce et des arts, bâtiment de St. Pierre. Mars 1820, inventaire manuscrit poursuivi jusqu’en 1830, documentation du musée. Inv. 1822 Registre contenant l’ inventaire exact de tous les objets existant dans le palais du Commerce et des arts. Bâtiment de St. Pierre. année 1822, inventaire manuscrit, documentation du musée. Inv. 1833 Palais des arts. Inventaire général des Musées. 1833, inventaire manuscrit, documentation du musée. Panthéon lyonnais Panthéon lyonnais – bustes, inventaire manuscrit non daté, documentation du musée. Registres des procès-verbaux des séances de la commission du musée Commission des musées de Lyon. Arrêtés, délibérations et procès-verbaux depuis 1847, recueillis et mis en ordre jusqu’en 18[70], registre manuscrit, documentation du musée Commission consultative des beaux-arts. procèsverbaux 1872-1878, registre manuscrit, documentation du musée Conseil d’administration des musées de Lyon 18781905, registre manuscrit, documentation du musée Commission du musée 1906 à 1947, registre manuscrit, documentation du musée Commission du musée 1948 à 1961, registre manuscrit, documentation du musée
Cat. 1823 François Artaud, Notice des tableaux du Musée de Lyon, Lyon, Lambert-Gentot, 1823. Cat. 1824 François Artaud, Notice des tableaux du Musée de Lyon, Lyon, Lambert-Gentot, 1824. Cat. 1825 François Artaud, Notice des tableaux du Musée de Lyon, Lyon, Lambert-Gentot, 1825. Cat. 1828 François Artaud, Notice des tableaux du Musée de Lyon, Lyon, Lambert-Gentot, 1828. Cat. 1829 François Artaud, Notice des tableaux du Musée de Lyon, Lyon, Lambert-Gentot, 1829. Cat. 1830 François Artaud, Notice des tableaux du Musée de Lyon, Lyon, Lambert-Gentot, 1830. Cat. 1831 François Artaud, Notice des tableaux du Musée de Lyon, Lyon, Barret, 1831. Cat. 1832 François Artaud, Notice des tableaux du Musée de Lyon, Lyon, Barret, 1832. Cat. 1833 François Artaud, Notice des tableaux du Musée de Lyon, Lyon, Barret, 1833. Cat. 1834 François Artaud, Notice des tableaux du Musée de Lyon, Lyon, Barret, 1834. Cat. 1835 François Artaud, Notice des tableaux du Musée de Lyon, Lyon, Barret, 1835. Cat. 1836 François Artaud, Notice des tableaux du Musée de Lyon, Lyon, Barret, 1836. Cat. 1837 François Artaud, Notice des tableaux du Musée de Lyon, Lyon, Barret, 1837. Cat. 1887 Auguste Allmer, Paul Dissard, Jean-Baptiste Giraud, Catalogue sommaire des musées de la ville de Lyon, Lyon, Mougin-Rusand, 1887. Cat. 1897 Paul Dissard, Jean-Baptiste Giraud, Catalogue sommaire des musées de la ville de Lyon, Lyon, Mougin-Rusand, 1897, avec supplément, 1899. Comarmond 1855-1857 Ambroise Comarmond, Description des antiquités et objets d’art contenus dans les salles du Palais des Arts de la ville de Lyon, Lyon, Dumoulin, 1855-1857.
Commission du musée 1961 à 1966, registre manuscrit, documentation du musée Vial 1922 Eugène Vial, Inventaire manuscrit des collections de l’Académie de Lyon, 1922, Lyon, bibliothèque des musées Gadagne.
CATALOGUES DU MUSÉE Cat. 1816 François Artaud, Cabinet des antiques du musée de Lyon, Lyon, Pelzin, 1816. Cat. 1820 François Artaud, Notice des tableaux du Musée de Lyon, Lyon, Lambert-Gentot, 1820. Cat. 1821 François Artaud, Notice des tableaux du Musée de Lyon, Lyon, Lambert-Gentot, 1821. Cat. 1822 François Artaud, Notice des tableaux du Musée de Lyon, Lyon, Lambert-Gentot, 1822.
OUVRAGES 48/14 1999 « Nouvelles acquisitions », 48/14, La Revue du musée d’Orsay, no 8, printemps 1999, p. 26-39. About 1855 Edmond About, Voyage à travers l’Exposition des beaux-arts (Peinture et Sculpture), Paris, Hachette, 1855. About 1868 Edmond About, « Le Salon de 1868 », Revue des Deux Mondes, 2e période, t. LXXV, 1er juin 1868, p. 714-745. About 1883 Edmond About, Quinze journées au Salon de peinture et de sculpture (Année 1883), Paris, Librairie des bibliophiles, 1883. Adam 1896 Paul Adam, « Les Salons de 1896 – La Sculpture (1er article) », Gazette des beaux-arts, 3 e période, t. XV, 1er juin 1896, p. 449-470.
Agnès 2007 Chantal-Marie Agnès, « Un visage de Giotto di Bondone au jardin Saint-Pierre, de l’Europe – via l’Amérique – à l’Asie », Bulletin municipal officiel de la Ville de Lyon, no 5720, 10 décembre 2007, n.p. Agulhon 1975 Maurice Agulhon, « Imagerie civique et décor urbain dans la France du XIXe siècle », Ethnologie française, 1975, nos 1-4, p. 33-56. Agulhon 1979 Maurice Agulhon, Marianne au combat : l’ imagerie et la symbolique républicaines de 1789 à 1880, Paris, Flammarion, 1979, rééd. 2001. Agulhon 1989 Maurice Agulhon, Marianne au pouvoir : l’ imagerie et la symbolique républicaines de 1880 à 1914, Paris, Flammarion, 1989, rééd. 2001. Alazard 1939 Jean Alazard, « L’art de Charles Despiau », Gazette des beaux-arts, 6 e période, t. XXI, 1er février 1939, p. 103-117. Albert 1890 Maurice Albert, « Le Salon des Champs-Élysées (deuxième et dernier article) », Gazette des beaux-arts, 3 e période, t. IV, 1er juillet 1890, p. 59-68. Albertinum 1994 Das Albertinum vor 100 Jahren – die Skulpturensammlung Georg Treus, Dresde, Staatliche Kunstsammlungen, 1994. Alexandre 1889 Arsène Alexandre, A. L. Barye, Paris, Librairie de l’art, 1889. Alexandre 1895a Arsène Alexandre, Jean Carriès, imagier et potier. Étude d’une œuvre et d’une vie, Paris, Librairies-imprimeries réunies, 1895. Alexandre 1895b Arsène Alexandre, « Le Salon du Champ de Mars », L’Éclair, 25 avril 1895. Alexandre 1901 Arsène Alexandre, « Les envois de Rome », Le Figaro, 2e série, no 181, 30 juin 1901, p. 5. Alexandre 1909 Arsène Alexandre, « E. Antoine Bourdelle », Comoedia, no 725, 25 septembre 1909, p. 3. Alexandre 1912 Arsène Alexandre, « Le Salon d’automne », Le Figaro, 3 e série, no 274, 30 septembre 1912, p. 4. Alexandre 2001 Arsène Alexandre, Jean Carriès, imagier et potier. Étude d’une œuvre et d’une vie (rééd.), Études et documents no 4, Nevers, musées de la Nièvre, 2001. Allard/des Cars 2006 Sébastien Allard, Laurence des Cars, L’Art français, le XIX e siècle 1819-1905, Paris, Flammarion, 2006. Alley 1959 Ronald Alley, Tate Gallery Catalogue, The Foreign Paintings, Drawings and Sculpture, Londres, 1959. Angrand 1985 Pierre Angrand, Histoire des musées de province au XIX e siècle. La Normandie, Les Sables-d’Olonne, Le Cercle d’Or, 1985. Angrand 1988 Pierre Angrand, Histoire des musées de province au XIX e siècle. Rhône-Alpes, Les Sables-d’Olonne, Le Cercle d’Or, 1988. Annales du musée 1833 Annales du musée et de l’ école moderne des beauxarts : Salon de 1833, Paris, Pillet aîné, 1833. Annales du musée 1834 Annales du musée et de l’ école moderne des beauxarts : Salon de 1834, Paris, Pillet aîné, 1834.
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