HENRI GADEN, officier et photographe - UNE VIE EN AFRIQUE - A LIFE IN AFRICA 1894-1939 (extrait)

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Je remercie le personnel des Archives municipales de Bordeaux (Archives Bordeaux métropole) et plus particulièrement son directeur, Frédéric Laux, pour avoir mis à ma disposition les photographies du fonds Gaden. Je remercie également le personnel des Archives nationales d’outre-mer (ANOM) et plus particulièrement Isabelle Dion, responsable du département des fonds, qui m’a permis de consulter les archives et les photographies d’Henri Gaden, et avec qui j’ai eu grand plaisir à collaborer pour cet ouvrage. Je suis enfin extrêmement reconnaissant envers Benoît Van Reeth, directeur des ANOM, qui a généreusement soutenu le projet dès son origine. Ce projet, intitulé à son origine « Framing Colonial Photography in West Africa: The Photographic Collection of Henri Gaden (1867-1939) » a été généreusement soutenu par une bourse de recherche du Carnegie Trust for the Universities of Scotland.

I would like to thank the staff of the Municipal Archives of Bordeaux (Bordeaux Metropolitan Archives) and in particular the Director, Frédéric Laux, for making available the photographs in the Gaden collection. In addition, I would like to thank the staff of the Archives nationales d’outre-mer (ANOM), and especially Isabelle Dion, Head of Collections Department, who allowed me to consult the archives and Henri Gaden’s photographic collection, and with whom I have had the great pleasure of collaborating on this book. I am also extremely grateful to Benoît Van Reeth, Director of ANOM, who has generously supported this project from the outset. This project, originally entitled ‘Framing Colonial Photography in West Africa: The Photographic Collection of Henri Gaden (1867 – 1939)’, was made possible by a generous research grant from The Carnegie Trust for the Universities of Scotland.

Remerciements à Bernard Rakotomanga (ABM) et Jean-Yves Dissais (ANOM), photographes.

Ouvrage réalisé sous la direction de Somogy éditions d’art Directeur éditorial Nicolas Neumann Responsable éditoriale Stéphanie Méséguer Coordination et suivi éditorial Sarah Houssin-Dreyfuss Coéditions Véronique Balmelle Conception graphique Sophie Charbonnel

© Somogy éditions d’art, Paris, 2018 © Archives nationales d’outre-mer, 2018

Contribution éditoriale pour le français Françoise Cordaro Contribution éditoriale pour l’anglais Adam Rickards Fabrication Béatrice Bourgerie et Mélanie Le Gros

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ISBN 978-2-7572-1362-9 Dépôt légal : mars 2018 Imprimé en Union européenne

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UNE VIE EN AFRIQUE A A LIFE IN

FRICA

1894 | 1939

Henri Gaden officier et photographe officer and photographer par Roy Dilley Professeur d’Anthropologie Sociale Université de St Andrews, St Andrews, Ecosse Professor of Social Anthropology University of St Andrews, St Andrews, Scotland

Sous la direction de Benoît Van Reeth, directeur des Archives nationales d’outre-mer Coordination scientifique d’Isabelle Dion, conservateur en chef du patrimoine

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LE FONDS PHOTOGRAPHIQUE DES ARCHIVES NATIONALES D’OUTRE-MER THE PHOTOGRAPHIC COLLECTION OF THE ARCHIVES NATIONALES D’OUTRE-MER

S

i la richesse exceptionnelle du fonds photographique des Archives nationales d’outre-mer (ANOM) tient en premier lieu au nombre de documents qui y sont conservés (environ 140 000), c’est aussi et surtout son contenu qui a attiré l’attention et inspiré bon nombre d’ouvrages et d’expositions. En premier lieu, c’est l’histoire de la photographie qui est fidèlement représentée dans cette photothèque. La variété des formats, des supports, en est le meilleur témoin : daguerréotypes, plaques de verre, négatifs, cyanotypes, épreuves albuminées ou argentiques, aristotypes, diapositives… Les commanditaires et les auteurs des photographies conservées aux ANOM donnent une image fidèle de l’activité coloniale des Français, qu’elle soit officielle ou privée : commandes du ministère des Colonies (photographies de l’Agence économique de la France d’outre-mer), des albums d’amateurs, des albums de propagande (photographies du fonds Gallieni), d’explorateurs (Brazza, Dyé), de militaires (Binger, Dauvillier, Laperrine, Moll), d’administrateurs (Gaden), de médecins (Cureau, Heckenroth, Pineau), de géographes (Cuisinier), d’ingénieurs (Émile Pierre), de photographes professionnels (Dominique Darbois)… La photographie, contemporaine de la deuxième période d’expansion coloniale française, accompagne toutes les phases de la conquête, de l’occupation des territoires et de leur mise en valeur. Dans ses débuts, elle s’attache à fixer les épisodes guerriers pour ensuite témoigner d’une vie plus quotidienne, mais aussi faire acte de propagande en

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I

f the exceptional treasures of the photographic collection of the Archives nationales d’outre-mer (ANOM) are to be found primarily in the number of documents held there (around 140,000), it is above all their contents which have attracted attention and inspired a great number of publications and exhibitions. First and foremost, the history of photography is faithfully represented in the photographic library. The variety of sizes and types is the best proof of this: these include daguerreotype, glass plates, negatives, cyanotypes, albumen or silver prints, aristotypes, slides… The sponsors and authors of the photographs held at ANOM faithfully reflect the colonial activity of the French, whether official or private: they include commissions by the Ministry for Colonies (photographs of the Economic Agency of France Overseas), photo albums compiled by amateurs, propaganda albums (photographs from the Gallieni collections), albums of explorers (Brazza, Dyé), of military officers (Binger, Dauvillier, Laperrine, Moll), of administrators (Gaden), of doctors (Cureau, Heckenroth), of geographers (Cuisinier), of engineers (Emile Pierre), of professional photographers (Dominique Darbois)… Photography, which emerged during the second period of French colonial expansion, accompanied all the phases of military conquest and of the occupation of the territories and their development. At the start, it sought to record events of war in order to reveal a more ordinary, everyday life, but also to act as propaganda in illustrating accounts of war and peace, and to feed the imagination of the viewer who was

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illustrant les récits de guerre et de pacification et nourrir l’imaginaire du lecteur, attiré sinon fasciné par les grandes épopées dans des pays lointains. Cette activité incessante de prises de vues, de développements, de tirages, de portage de matériel est le meilleur témoin de l’infatigable présence des photographes sur le terrain, quels que soient les territoires qu’ils sillonnent et les sujets qu’ils abordent : déserts, villes, forêts, fleuves, villages, conquête militaire, missions et explorations, architecture et urbanisme, infrastructures, agriculture, lieux culturels, et enfin « l’autre », l’indigène ou l’autochtone selon les termes de l’époque. La photographie coloniale permet de fixer des mondes, avec leurs « coutumes » et leurs « traditions », avant qu’ils ne se modifient au contact du colonisateur ou qu’ils ne disparaissent. Pour l’auteur du cliché, photographier permet de garder en mémoire un paysage, un lieu, une scène, un personnage, un adversaire vaincu. Toutefois, même si la photographie semble restituer à l’identique le sujet photographié, pour des raisons techniques (pose, produits utilisés…) mais aussi parce qu’il faut connaître les conditions dans lesquelles la photographie a été prise, la date, le lieu, la façon dont elle est diffusée, le support…, le photographe qui lui-même arrive avec toute sa culture ou ses préjugés, elle ne peut être considérée comme une représentation exacte de la réalité. C’est tout l’intérêt de conserver à la fois un fonds d’archives privées et des photographies, comme c’est le cas d’Henri Gaden. En effet, si divers fonds « administratifs » conservés aux ANOM permettent de retracer sa carrière d’officier et d’administrateur peu connu, sa correspondance privée offre un tout autre regard sur l’homme. Ses lettres à son père et à son ami Henri Gouraud constituent une source primordiale pour appréhender un moment de l’histoire coloniale de la France – il a exercé pendant 45 ans dans cinq territoires différents –, mais avant tout cette Afrique méconnue de la métropole. Les lettres à son père sont remplies de détails non seulement sur la vie quotidienne des officiers, mais aussi sur les contrées traversées et les populations rencontrées, et on peut voir l’homme évoluer, passant, ainsi que l’écrit Roy Dilley, « du statut d’officier militaire métropolitain rempli de préjugés bourgeois à celui de gouverneur habile et empreint de compréhension ». Ainsi, au-delà de l’histoire des postes et des fonctions que Gaden a occupés, on trouve dans les photographies choisies – 300 sur plus de 1 600 –, un échange, souvent une certaine complicité entre l’administrateur et son modèle, qu’il s’agisse d’un vaincu prestigieux comme Samory Touré ou d’une femme rencontrée dans un village. Appareil à la main, Gaden a su se poser en témoin pour saisir à un moment donné des scènes de vie, des femmes et des hommes, parfois seulement une ambiance, que l’on ne peut s’empêcher de regarder aujourd’hui avec une certaine émotion.

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attracted, even fascinated, by great epic events in far-away countries. This incessant activity of taking, developing and printing photographs, and of carrying photographic materials, testifies to the tireless presence of photographers on the ground, no matter what territories they crossed or what subjects they tackled: deserts, towns, forests, rivers, villages, military conquests, missions and explorations, architecture and town planning, infrastructure, agriculture, cultural sites and, lastly, ‘the other’, ‘the native’ or ‘the autochthon’, according to the terms used at the time. Colonial photography was able to capture worlds with their customs and traditions before they disappeared or were altered as a result of contact with the colonisers. This process helped photographers to commit to memory a landscape, a place, a scene, a person or a vanquished foe. However, even if photography appears to produce an identical reproduction of its subject, it cannot be considered an exact representation of reality: this is not only for technical reasons (the pose, the materials used…), but also for reasons having to do with the conditions in which the photograph was taken (date, place), the way it was distributed and displayed as well as the photographer’s own culture and prejudices. Herein lies the appeal of maintaining collections of both private archives and photographs, such as those of Henri Gaden, who carried out his professional duties over 45 years in five different territories. Indeed, if the diverse ‘administrative’ collections held at ANOM allow for the retracing of the career of this little-known officer and administrator, Gaden’s private correspondence reveals a totally different man. His letters to his father and to his friend, Henri Gouraud, constitute a crucial source for understanding a moment of French colonial history and above all his rendition of Africa, still unknown to the metropolis. His letters to his father are full of details not only of the everyday life of the officers, but also of the regions he visited and of the people he met, and one can retrace his development, in the words of Roy Dilley, ‘from the status of a metropolitan military officer full of bourgeois prejudices to that of a compassionate and skilful governor’. And so beyond the history of the positions and functions that Gaden held, one finds in the selected photographs—300 out of more than 1600—an exchange, often even a degree of complicity between the administrator and his photographic subject, whether a prestigious defeated figure like Samory Touré or a woman encountered in a village. With camera in hand, Gaden knew how to bear witness to and seize at a given moment scenes of life, of women and men, or sometimes just an ambience, which cannot but stir some emotion in the viewer today.

Isabelle Dion Benoît Van Reeth

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SOMMAIRE

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I

TABLE OF CONTENTS

I. INTRODUCTION

I. INTRODUCTION

II. ARRIVÉE ET PREMIÈRES IMPRESSIONS : RENCONTRES AVEC « L’EXOTIQUE » ET LE FAMILIER L’arrivée Les montagnes Les arbres Les animaux et la chasse L’architecture

II. ARRIVAL AND FIRST IMPRESSIONS: ENCOUNTERS WITH ‘THE EXOTIC’ AND THE FAMILIAR Arrival Mountains Trees Animals and Hunts Architecture

III. ÉCHANGES, COMMERCE ET COMMUNICATIONS Le transport fluvial Les ponts et chemins de fer Les bêtes de somme Le portage par les hommes Les marchés

III. TRADE, COMMERCE AND COMMUNICATIONS Riverine Transport Bridges and Rail Beasts of Burden Human Porterage Markets

IV. REPORTAGE SUR LA PRÉSENCE COLONIALE FRANÇAISE EN AFRIQUE DE L’OUEST Les forts et postes militaires La vie quotidienne dans les avant-postes coloniaux Le Soudan français Zinder et Tchad Les parades militaires Zinder Fort-Lamy

IV. DOCUMENTING THE FRENCH COLONIAL PRESENCE IN WEST AFRICA Forts and Military Posts Life at Colonial Outposts The French Soudan Zinder and Chad Military Parades Zinder Fort Lamy

V. COMPTE RENDU D’UNE CAMPAGNE MILITAIRE : SAMORY TOURÉ (1897-1899) Carto-photographie Sur la piste de Samory Les manœuvres militaires La marche vers Kong La bataille de Tiaféso L’approche et la prise du camp de Samory Amis et alliés Les tam-tams de la victoire

V. A MILITARY CAMPAIGN DOCUMENTED: SAMORY TOURÉ, 1897–99 Carto-photography On the Trail of Samory Military Manoeuvres March to Kong The Battle of Tiaféso The Approach and Capture of Samory’s camp Friends and Allies Victory Tamtams and Celebrations

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VI. VOYAGE EN TUNISIE, FIN 1899

VI. A TRIP TO TUNISIA AT THE END OF 1899

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VII. LE REGARD ETHNOGRAPHIQUE DE L’OBSERVATEUR : LE DÉVELOPPEMENT DE L’INTIMITÉ Musique et danse La vie au village Rituels et cérémonies Le Fama Aguibou à Bandiagara L’initiation des garçons Les groupes ethniques au Tchad

VII. THE OBSERVER’S ETHNOGRAPHIC EYE: THE DEVELOPMENT OF INTIMACY Music and Dance Village Life Ritual and Ceremony Fama Aguibou at Bandiagara Boys’ Initiation Ethnic Groups, Chad

278 280 286 291 296 296 309

VIII. RELATIONS AVEC LES FEMMES LOCALES Le butin de guerre Les mariages contractés Portraits de femmes Portraits de femmes de Zinder Les femmes inconnues à Zinder Les enfants

VIII. RELATIONS WITH LOCAL WOMEN The Booty of War Marriages Contracted Portraits of Women Portraits of Women in Zinder Unamed women in Zinder Children

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IX. VINGT-SIX PORTRAITS INDIVIDUELS

IX. TWENTY-SIX INDIVIDUAL PORTRAITS

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X. LES ANGLES D’INTIMITÉ, LES OBSERVATEURS OBJECTIVÉS La plongée participative : regarder par-dessus l’épaule des Soudanais Moments de réflexion : les observateurs observés

X. ANGLES OF INTIMACY, OBSERVERS OBJECTIFIED Participatory Plongée: Over the Shoulders of the Soudanese Moments of Reflection: Observers observed

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INTRODUCTION INTRODUCTION

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INTRODUCTION

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INTRODUCTION

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T

Au-delà de la présentation des photographies de Gaden, ce livre propose de remettre dans leur contexte les sujets capturés dans certains clichés. Autrement dit, les textes qui accompagnent les photographies contenues dans ce livre essaient, dans la mesure du possible, de mettre en évidence les motivations de Gaden pour prendre une photographie, en particulier le contexte social dans lequel ce cliché s’inscrit, ou l’importance de ce sujet dans la vie de Gaden. Ces rencontres photographiques sont esquissées grâce aux extraits de la correspondance entre Gaden et deux figures emblématiques de son existence : son père, d’abord, à qui il écrit pour la première fois en 1886 alors qu’il est élève au lycée Louis-le-Grand à Paris, une correspondance qui durera jusqu’à la fin de sa quatrième mission en Afrique en 1907 1 ; ensuite, son ami, frère d’armes et confident, Henri Gouraud, avec lequel il correspond de 1898 à sa mort 2.

In addition to presenting a showcase for Gaden’s photographs, this book aims to frame the photographic encounters captured in specific images. The images are accompanied by texts that set out, as much as possible, to outline Gaden’s motivations behind a particular photograph, the social encounter that the image frames, and the significance of the subject in Gaden’s life. This task of sketching photographic encounters is accomplished by taking extracts from Gaden’s voluminous correspondence with two significant figures in his life: first, his father, to whom he first wrote in 1886 while a pupil at Louis-le-Grand in Paris, a correspondence that lasted until the end of his fourth African tour of duty, in 1907;1 second, his friend, comrade-in-arms and confidant Henri Gouraud, whose correspondence with Gaden covers the period from 1898 until Gaden’s death.2 Gaden’s writing style is, in places, telegraphic and elliptical, and he is not always consistent in his views about people, policy or other

e livre a pour objectif de présenter une sélection de photographies prises par Henri Gaden entre 1894 et 1939 en Afrique de l’Ouest. Tout au long de sa carrière d’officier colonial français, puis d’administrateur civil et enfin de gouverneur de la Mauritanie de 1920 à 1927, il va se livrer de manière active à la photographie en amateur. Ses photographies constituent une collection visuelle importante des campagnes militaires, de la vie coloniale aux avant-postes, de la vie quotidienne des communautés locales et des portraits d’individus qu’il a rencontrés au cours de quatre décennies en Afrique.

his book aims to showcase a selection of the photographs taken by Henri Gaden between 1894 and 1939 in West Africa. He was active as an amateur photographer during his time serving as a French colonial officer, then as a civil administrator, and finally as the Governor of Mauritania from 1920–1927. His images form an important pictorial record of military campaigns, life at French colonial outposts, local community life and portraits of individuals he met over the course of over four decades on the African continent.

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Le style d’écriture de Gaden est, par endroits, télégraphique et elliptique, et il n’est pas toujours cohérent dans ses vues sur les gens, la politique ou d’autres détails. Bien que relativement doux selon les normes de son temps, les propos de Gaden, dans certaines de ses lettres, peuvent sembler, pour le lecteur, porteurs d’accents racistes.

particulars. Although relatively mild by the standards of his time, Gaden’s language in some of his letters may strike the reader as racist.

HENRI GADEN (1867–1939) Nicolas-Jules-Henri Gaden was born on 24 January 1867 in Bordeaux to a wealthy wine merchant family of German origin, who had settled in France at the end of the 18th century. Henri was educated in Paris at the Lycée Louis-le-Grand (regarded as one of the most demanding secondary schools in France), and from there he went on to study at the military school of Saint-Cyr. He completed his military training in 1890 and joined the 53rd Infantry Regiment. Gaden set out for French West Africa in October 1894 on his first two-year posting to Bandiagara, in present-day Mali. His second posting from 1897–1899 was to Beyla and Nzo on the trail of Samory Touré, one of the last Muslim leaders to resist French military annexation in West Africa. In 1900 he left France for his third posting to Zinder in Niger, where he worked as the Resident to the local Sultan until 1903. This was followed from 1904 to 1907 by a similar posting to Tchekna near Fort Lamy in Chad as the Resident to Sultan Gaourang. Gaden returned to West Africa in 1908 for his final military posting to Boutilimit in Mauritania. In 1911, Henri Gaden resigned from military service and became a civil administrator based in Saint-Louis, Senegal. He was appointed Governor of Mauritania in 1920 until his retirement in 1927. He spent the remainder of his life in Saint-Louis with his Senegalese ‘wife’, Coumba Cissé, and dedicated his last years to writing on historical and ethnographic topics, as well as translating local texts into French. Henri Gaden died in Saint-Louis on 12 December 1939, having spent almost 45 years living and working in French West Africa.

HENRI GADEN (1867-1939)

Nicolas-Jules-Henri Gaden naît le 24 janvier 1867 à Bordeaux, au sein d’une famille de la haute bourgeoisie. Les Gaden sont de riches négociants en vin d’origine allemande venus s’installer à Bordeaux à la fin du XVIIIe siècle. Henri Gaden fait ses études au lycée Louis-le-Grand, à Paris, un des établissements de l’enseignement français les plus exigeants, puis à l’école militaire de Saint-Cyr. À sa sortie de Saint-Cyr, il est affecté comme sous-lieutenant au 53e régiment d’infanterie en 1890. Gaden embarque vers l’Afrique occidentale française en octobre 1894 pour sa première mission, qui dure deux ans, à Bandiagara (Mali actuel). Sa deuxième mission, de 1897 à 1899, se passe à Beyla et Nzo, sur les traces de Samory Touré, l’un des derniers dirigeants musulmans qui résiste à l’annexion du Soudan par la France. En 1900, Gaden quitte la France pour sa troisième mission à Zinder au Niger, où il est résident auprès du sultan du territoire jusqu’en 1903. Pendant sa mission suivante, de 1904 à 1907, il est résident auprès du sultan Gaourang à Tchekna, près de Fort-Lamy au Tchad. En 1908, Gaden revient en Afrique de l’Ouest pour sa dernière mission militaire à Boutilimit (Mauritanie). En 1911, il démissionne de l’armée et devient administrateur civil, basé à Saint-Louis au Sénégal. Il est nommé gouverneur de la Mauritanie en 1920, jusqu’à sa retraite en 1927. Il passe ses dernières années à Saint-Louis où il vit avec sa mousso sénégalaise, Coumba Cissé. Il dédie la fin de sa vie à ses études historiques et ethnographiques, ainsi qu’à la traduction française des textes locaux. Henri Gaden meurt le 12 décembre 1939, ayant passé près de 45 années en Afrique de l’Ouest française.

GADEN THE PHOTOGRAPHER

Henri Gaden se laisse gagner par la fascination qu’exerce l’art de la photographie sur le monde de la fin du XIXe siècle. À cette époque, les techniques photographiques sont déjà plus simples que celles des décennies précédentes ;

Henri Gaden was swept up by the late 19th-century fascination with the art of photography. By this time, photographic methods had become simplified compared to those of the preceding decades, the technology was much smaller, lighter and easier to use, and the possibility of capturing for oneself moments of personal significance on film was in reach of a much broader swathe of the population. Gaden had become a keen amateur photographer before

1. Les lettres de Gaden à son père, ainsi que celles que Gouraud envoya à Gaden, sont conservées aux Archives nationales d’outre-mer (Aix-enProvence). Pour les premières, voir : Fonds Gaden 15 APC II, dossier XVI, pièces 446-666 et pour les secondes : 15 APC I, dossier XV, pièces 227-442. 2. La correspondance d’Henri Gaden à Henri Gouraud est conservée aux Archives diplomatiques du ministère des Affaires étrangères et européennes, La Courneuve, sous la cote Fonds Gouraud PA AP 399, carton 136.

1. Gaden’s letters to his father, along with those sent by Gouraud to Gaden, are held in the Archives Nationales d’Outre-Mer, Aix-en-Provence. For the former see Fonds Gaden, 15 APC II, dossier XVI, items 446-666 and for the latter see 15 APC I, dossier XV, items 227-442. 2. The correspondence from Henri Gaden to Henri Gouraud is lodged in the Archives Diplomatiques du Ministère des Affaires Étrangères et Européennes, La Courneuve,. See Fonds Gouraud, PA AP 399, Carton 136.

GADEN LE PHOTOGRAPHE

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Kaédi. Kaëdi. FR ANOM 27Fi 833

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Bakel. ABM, Bordeaux, 30Fi 304

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II

ARRIVÉE ET PREMIÈRES IMPRESSIONS : RENCONTRES AVEC « L’EXOTIQUE » ET LE FAMILIER ARRIVAL AND FIRST IMPRESSIONS: ENCOUNTERS WITH THE ‘EXOTIC’ AND THE FAMILIAR

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À son arrivée en Afrique de l’Ouest, Gaden est frappé par « l’exotique », par l’Autre, ainsi que par le familier, ce qui lui rappelle la vie telle qu’il la connaît en France. Par exemple, au sujet du fleuve Niger, il écrit à son père le 1er janvier 1895 : « Le fleuve est comme la Garonne à Ambès, rives plates et marécageuses. » Sa hâte, son sens de l’aventure et les défis de la mission qui l’attendent sont les principales caractéristiques des lettres et des photographies prises pendant ses premières rencontres avec ce continent.

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On his first arrival in West Africa, Gaden was impressed by the ‘exotic’, the other, as well as by the familiar, those things that struck a chord with life as he knew it in France. For example, of the River Niger he wrote to his father on 1 January 1895: ‘The River is like the Garonne at Ambès, [with] flat and marshy banks.’ His sense of excitement, adventure and the challenges of the mission ahead are the predominant moods of his letters and his photographs, taken during his first encounters with the continent.

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LES MONTAGNES

L’

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MOUNTAINS

G

intérêt que Gaden porte aux montagnes et à la campagne, et qu’il partage avec sa sœur Mine, se reflète dans le nombre de photographies qu’il fait sur ce sujet. Les montagnes sont une référence constante et lui rappellent celles qu’il connaît en France.

aden’s interest in mountains and the countryside—one he shared with his sister Mine—is reflected in the number of photographs he took on this subject. Mountains were a constant source of reference back to those he knew from first-hand experience in France.

Date et lieu inconnus. Date and place unknown. FR ANOM 27Fi 5

« Nous avons traversé des sites superbes. Le pays est très montagneux ; montagnes en forme de table, mais dont les flancs ressemblent à l’à-pic qui est au-dessus des eaux chaudes ou à ceux des vallées espagnoles. Tout cela n’est pas très élevé mais fait beaucoup d’effet 5. »

‘We have crossed some superb sites. The country is very

mountainous; mountains in the form of a table, but whose flanks resemble the steep slopes above hot springs or those of the Spanish valleys. They are not very high, but make quite an impression.’5

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Vue de ce qui semble être le pic d’Abou, dans le massif du Guera au Tchad. [La photographie fut probablement prise vers 1906.] A view of what appears to be the pic d’Abou, in the Geura mountain range in Chad. [Photograph taken probably c.1906.]. FR ANOM 27Fi 919

« J’ai quitté Melfi le 19 [juin]. J’ai vu toute une série de montagnes intéressantes 13. » «… [la montagne] est fort curieuse, mais j’aime mieux celle de Melfi 14. »

‘I left Melfi on 19 June. I saw a whole series of interesting mountains.’13 ‘[…] [the mountain] is very curious, but I like the one at Melfi best.’14 48

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LES ARBRES

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TREES

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Un figuier de village. Ficus umbellata ou Ficus sycomorus [s. d.]. A ‘village fig’, either Ficus umbellata or Ficus sycomorus, no date. FR ANOM 27Fi 845

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ARCHITECTURE

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ARCHITECTURE

« Tata » ou mur en torchis de boue. A ‘tata’ or mud-walled compound. FR ANOM 27Fi 702

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III

ÉCHANGES, COMMERCE ET COMMUNICATIONS TRADE, COMMERCE AND COMMUNICATIONS

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À la lumière du passé de marchands de sa famille à Bordeaux, l’intérêt de Gaden pour les échanges, les marchés, les commodités et les moyens de communication et de transport est clairement mis en relief dans son choix d’études photographiques. Cet intérêt pour les échanges et le commerce était souvent directement lié aux préoccupations de sa famille éloignée dans la région, en particulier celles de ces membres de la famille Devès qui dirigeaient une société d’import-export en Afrique de l’Ouest.

In Bordeaux the Gaden family had a mercantile background, and Gaden frequently focused in his letters to his father on trade, markets, commodities, and on means of communication and transport. These aspects are further thrown into relief in his choice of photographic studies. These interests in trade and commerce were often directly related to his wider family concerns in the region, in particular to those members of the Devès family who ran a West African trading company.

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Vapeur de rivière, le Brazzaville, Congo. The river steamer, the Brazzaville, Congo. ABM, Bordeaux, 30Fi 86

« Nous avons quitté Brazzaville le 2 à bord d’un vapeur de même nom. Nous y sommes très entassés. Les officiers, 3 civils et 5 sous-officiers, plus une quarantaine de tirailleurs. (Ma lettre ne sera pas longue, la machine donne des trépidations telles qu’il est à peu près impossible d’écrire) 4. »

‘We left Brazzaville on the 2nd, on board a steamer of the same name. We were very cramped aboard. The officers, 3 civilians and 5 non-commissioned officers, and over forty infantrymen. (My letter will not be long, the engine shakes so much that it is almost impossible to write.)’4

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LES PONTS ET CHEMINS DE FER

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BRIDGES AND RAIL

Pont au-dessus du fleuve Baoulé, Soudan, 1899. A bridge crossing the Baoulé river, Soudan 1899. FR ANOM 27Fi 381

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LES BÊTES DE SOMME

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BEASTS OF BURDEN

Dioulas près de Kérouané, 22 mai 1899. Dioula traders near Kérouané, 22 May 1899. FR ANOM 27Fi 720

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LE PORTAGE PAR LES HOMMES

I

HUMAN PORTERAGE

Porteurs à Féguéré pendant la campagne contre Samory, 14 juin 1898. Porters at Féguéré, 14 June 1898, during the Samory campaign. FR ANOM 27Fi 50

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IV

REPORTAGE SUR LA PRÉSENCE COLONIALE FRANÇAISE EN AFRIQUE DE L’OUEST DOCUMENTING THE FRENCH COLONIAL PRESENCE IN WEST AFRICA 116

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L’œil d’observateur de Gaden se posait souvent sur les activités de ses collègues officiers, les avant-postes militaires et leurs alentours, et sur la routine quotidienne qui s’y déroulait. La vie dans les avant-postes coloniaux impliquait également certains membres de la population locale, les dignitaires et chefs locaux avec lesquels ils étaient en liaison. Eux aussi attirèrent l’œil photographique de Gaden, que ce soit pendant des défilés militaires des officiers français et des cortèges d’hommes venus à l’occasion d’une cérémonie, ou quand la cavalerie locale et l’infanterie participaient à des événements militaires similaires.

Gaden frequently cast his observer’s eye over the activities of his fellow colonial officers, over the military posts and the environs they occupied, and over the daily round of tasks that took place in these contexts. Life in colonial outposts also involved members of local populations, dignitaries and local leaders with whom officers liaised. These too became the subjects of Gaden’s photographic attention, from the formal parades of French infantrymen marching past to mark ceremonial occasions, to the participation by local cavalrymen and foot soldiers in similar kinds of military events.

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LES FORTS ET POSTES MILITAIRES FORTS AND MILITARY POSTS

La vue depuis le poste à Bandiagara. View from the post at Bandiagara. FR ANOM 27Fi 536

« Le mur du camp termine brusquement ce premier plan. Au-dessus apparaît Bandiagara qui s’étend en pente très douce tout le long du marigot qui nous en sépare ; les maisons carrées en terre d’un gris rougeâtre, serrées les unes contre les autres, parsemées de cases en paille qui ont l’air de petites meules rondes, presque noires d’avoir passé l’hivernage dernier ; des arbres au feuillage rare et d’un vert terne et gris émergent par-ci par-là ; dominant tout, la case de Tidiani, avec sa façade se profilant en découpures pointues […]. Quelques fois on aperçoit un boubou blanc se promenant sur un toit, des charognards planant au-dessus de quelque ordure, ou quelque énorme colonne de poussière soulevée par le vent. Un soleil éblouissant met des paquets de lumière à côté d’ombres absolument noires. Tout cela est gris et triste ; le ciel lui-même est à peine bleu, presque gris lui aussi 1. »

‘The camp wall abruptly marks the end of this part of the view. Beyond it appears Bandiagara itself, which stretches down along a gentle incline towards the long arm of water that separates the post from the local settlements. The rectangular houses of reddish-grey earth, squeezed in one against the other, interspersed with straw huts, which have the appearance of small round haystacks, almost black now having seen their first rainy season last year. Dominating it all is Tidiani’s hut, sitting on the skyline, whose facade is topped by serrated pointed columns. Sometimes a white boubou appears and walks across the roof, vultures soar overhead after some piece of rubbish or an enormous column of dust is whipped up by the wind. A dazzling sun makes parcels of light next to absolutely black shadows. All of this is grey and sad; the sky itself is hardly blue, almost grey as well.’1 118

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Le poste de Bangui, en route au Tchad. The post of Bangui, en route to Chad. FR ANOM 27Fi 74

« Bangui est très pittoresque comme site, je ne sais pas trop encore comment cela pourra se développer 11. »

‘The setting of Bangui is very picturesque, I am still not quite sure how it could be developed.’11 128

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LA VIE QUOTIDIENNE DANS LES AVANT-POSTES COLONIAUX LIFE AT COLONIAL OUTPOSTS LE SOUDAN FRANÇAIS

THE FRENCH SOUDAN

Chef inconnu et Georges Destenave, capitaine de la Marine française entre 1894 et 1896, pendant la première affectation de Gaden en Afrique occidentale, à Bandiagara. An unidentified chief and Georges Destenave, a captain in the French Marines 1894–96 during Gaden’s first posting to West Africa, based at Bandiagara. ABM, Bordeaux, 30Fi 185.

De son capitaine, Gaden écrit : « Le capitaine Destenave est un homme charmant, très au courant du pays lequel est fort intéressant et inconnu absolument, même à Kayes 18. » Plus tard, il explique à son père : « Le capitaine D. est un homme charmant et fort bien élevé, de relations très agréables. Il a de grandes qualités militaires. […] Il ferait un colonel parfait 19. »

Of his captain, Gaden wrote: ‘Captain Destenave is a charming man, very well acquainted with the country, which is mightily interesting and absolutely unknown, even in Kayes.’18 Later, he explained to his father: ‘Captain D is a charming man, very well mannered, and socially very pleasant. He has great military qualities. […] He will make a perfect colonel.’19

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LES PARADES MILITAIRES ZINDER

I

MILITARY PARADES

ZINDER

Défilé militaire organisé à l’occasion de l’arrivée du commandant Gouraud à Zinder, 1902. The military parade organised for the arrival of Commandant Gouraud at Zinder, 1902. FR ANOM 27Fi 1119

Henri Gouraud, en tant qu’officier commandant de la région, arrive à Zinder le 5 mai 1902. Il est accompagné lors de son voyage depuis les quartiers généraux de Tahoua, à l’ouest du Troisième Territoire, par six officiers européens, 70 fusiliers, 35 spahis ou officiers de la cavalerie locale, et un convoi de 40 dromadaires. Dans une lettre à Gaden du 27 mars 1902 expliquant quelles sont ses attentes quant à la tenue d’une réception officielle digne d’un commandant régional, Gouraud écrit : « En principe je désire être reçu comme l’a été le colonel [Péroz]. Remplissant les mêmes fonctions, il faut aux yeux des noirs ne pas faire la différence. Toutefois, comme je suis d’avis qu’une revue sans défiler n’est pas une revue, du moins pour le public […], je compte faire défiler après la revue. Je t’enverrai une note officielle à ce sujet 42. »

Henri Gouraud, in his capacity as the commanding officer of the region, arrived in Zinder on 5 May 1902. He was accompanied on his mission from the region’s headquarters in Tahoua to the west of the Third Territory by six European officers, 70 riflemen, 35 spahis (local cavalrymen) and a convoy of 40 camels. Writing to Gaden to set out what he expected by way of an official reception appropriate to the regional commander, Gouraud stated in a letter of 27 March 1902: ‘In principle, I desire to be received as the Colonel [Péroz] was. In filling the same functions, it is necessary in the eyes of the blacks not to make a distinction. In any case, I take the view that a review without a parade is not a review, at least for the public […] I am counting on having a parade after the review. I will send you an official note on this subject.’42

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V

COMPTE RENDU D’UNE CAMPAGNE MILITAIRE : SAMORY TOURÉ (1897-1899) A MILITARY CAMPAIGN DOCUMENTED: SAMORY TOURÉ, 1897–99

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Pendant sa deuxième mission en Afrique de l’Ouest française, de 1897 à 1899, Gaden développa une série de nouvelles techniques de photographie. Ces méthodes allaient au-delà de saisir l’exotique ou le familier, des activités d’échange et de commerce, de la vie quotidienne sur les avant-postes français, etc. Son intérêt se portait plutôt sur des sujets pratiques, cartographiques et d’observation, avec une stratégie militaire en toile de fond. Au fur et à mesure, il peaufina également une nouvelle esthétique, qui consistait à prendre des clichés sous de nouveaux angles, spontanément et de manière plus informelle qu’on ne l’avait vu dans son art jusque-là.

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During his second tour of duty in French West Africa from 1897 until 1899, Gaden developed a series of new photographic techniques. These methods went beyond capturing the exotic or the familiar, the activities of trade and commerce, daily life at French posts and so on. Instead his focus was on practical, cartographic and observational subjects with a view to military strategy. He also progressively refined a new aesthetic style that involved novel camera angles, the spontaneous capture of images and an informality not hitherto seen in his photography.

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CARTO-PHOTOGRAPHIE

I

A

CARTO-PHOTOGRAPHY

A

u cours de son entraînement militaire, Gaden apprend à planifier et à enregistrer méticuleusement les marches auxquelles il se livre. Il observe les caractéristiques de son environnement naturel, note les distances entre les différents lieux, et le temps de trajet entre eux. Ainsi, Gaden dessine des cartes et balise le territoire, ce qui lui permet de prévoir des stratégies d’attaque ou de repli, avec des routes de ravitaillement fiables, et de réfléchir à la manière de maintenir les voies de communication, etc. Il doit souvent s’atteler à cette tâche quand il traverse des territoires inexplorés. Les plans que Gaden a mesurés et dessinés méticuleusement sont complétés par des photographies des caractéristiques particulières du paysage. L’on pourrait appeler celle-ci une méthode « carto-photographique », une combinaison de cartographie et de photographie. Ceci est particulièrement visible dans ses clichés des cours d’eau, dont certains sont reproduits ci-dessous, ainsi que les cartes dessinées à la main complémentaires. Il exploite donc la photographie comme un moyen d’archiver les détails précis d’un paysage. Il s’intéresse particulièrement aux cours d’eau, à la direction dans laquelle ils coulent, et aux endroits où l’on peut les traverser à sec. Les cours d’eau sont des obstacles à franchir, des barrières entre lui et l’ennemi, voire des moyens de s’échapper s’il y a suffisamment de bateaux disponibles. Ils constituent également une ressource naturelle cruciale, car ils procurent de l’eau potable pour ses troupes et ses animaux. Sa méthode carto-photographique commence lors de la campagne Samory de 1898, pendant laquelle il traverse des territoires non cartographiés avec sa colonne, afin d’essayer de trouver des traces des armées de Samory et de leurs mouvements. En février 1898, Gaden et sa compagnie sont transférés à Dabala, « un trou à rats » au cœur de la brousse guinéenne. L’avant-poste ne possède pas de fortifications adéquates, l’environnement n’offre que peu de protection ; c’est un endroit difficile à défendre et les lignes de communications avec les quartiers généraux à Beyla sont médiocres. Gaden considère les lieux comme dangereux et insalubres.

s part of his military training, Gaden learned how to plot and meticulously record the marches he undertook. He observed features of the natural environment, and noted distances between places and the time it took to journey between them. Thus Gaden drew maps and plotted territories, and as a consequence he could plan potential lines of attack or paths of retreat, where supply routes could be secured, how lines of communication could be maintained and so forth. He often had to do this as he moved through uncharted territories. Gaden’s meticulously measured and finely drawn sketch maps were complemented by photographs of specific features of the landscape. This is what I have called a ‘carto-photographic’ method, a combination of cartography and photography. This is most apparent in his river pictures, some of which are reproduced below, along with the corresponding hand-drawn maps. He harnessed photography, therefore, as a means of recording the fine detail of a landscape, and Gaden was particularly concerned with the course of rivers, their direction of flow, and crossing points over land routes. Rivers represented obstacles to cross, barriers between him and the enemy, or even means of escape if there were sufficient boats available. They were also a crucial resource, providing drinking water for his troops and animals. Gaden’s carto-photographic method first took off during the Samory campaign of 1898, during which he and his column went out into unmapped territory trying to find evidence of Samory’s armies and their movements. In February 1898, Gaden and his company of men were transferred to Dabala, a ‘hell-hole’ of a posting in the middle of the Guinean bush. The post was without adequate fortification, the countryside offered little protection, it would have been difficult to defend and it had poor lines of communication to the headquarters at Beyla. Gaden regarded the place as being insecure and insalubrious. The post was situated at the confluence of the rivers Tienba and Férédougouba, a location that was of strategic concern. Gaden photographed the river courses as part of an

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La traversée du Malo, région de Kissidougou, décembre 1898. Crossing the River Malo, region of Kissidougou, December 1898. FR ANOM 27Fi 908

L’avant-poste est situé au confluent des fleuves Tienba et Férédougouba, un lieu qui est pour lui d’une importance stratégique. Il photographie le cours des fleuves, première émergence de la cartographie dans son usage de la photographie. C’est une manière de fixer dans son esprit les images d’endroits clés qui peuvent permettre de battre en retraite ou le piéger face à l’ennemi. Il écrit à son père en février 1898, juste après son arrivée à Dabala : « Les sofas [les soldats de Samory] les plus rapprochés sont à Sakhala, à 5 jours d’ici. Nous sommes séparés d’eux par 3 jours de pays complètement ravagés, ceux de la rive gauche du Férédougouba et enfin par le Férédougouba lui-même qui a 100 m de large environ et qui, bien qu’il soit franchissable actuellement en plusieurs endroits, n’en est pas moins un gros obstacle 1. »

emerging cartographic use of photography, a means of fixing in his mind the images of key locations that might offer an escape route or which might entrap him in the face of the enemy. He wrote to his father in February 1898, just after his arrival at Dabala: ‘The closest sofas [Samory’s soldiers] are at Sakhala, five days from here. We are separated from them by three days of completely ravaged countryside, those on the left bank of the Férédougouba and finally by the Férédougouba itself, which is around 100m wide and which, although there are several places to cross it, is nonetheless a significant obstacle.’1

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SUR LA PISTE DE SAMORY

I

LES MANŒUVRES MILITAIRES

ON THE TRAIL OF SAMORY MILITARY MANŒUVRES

Badrimbé, octobre 1897. Badrimbé, October 1897. FR ANOM 27Fi 675

L’officier à la monture grise en tête de colonne est probablement le chef de bataillon Bertin, qui deviendra en 1898 le commandant de la Région Sud avec le grade de lieutenant-colonel. Gaden ne s’entendait pas avec son commandant, qu’il décrit comme « l’homme le plus désagréable que j’aie jamais rencontré » 3.

The officer riding on the grey at the head of the column is probably Chef de Bataillon Bertin, later to become the Commandant of the South Region in 1898 at the rank of Lieutenant-Colonel. Gaden did not get on with his commanding officer Bertin, whom he described as ‘the most disagreeable man I have ever met’. 3

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LA MARCHE VERS KONG

MARCH TO KONG

En juin 1898, Gaden dirige une compagnie en marche vers Kong, une ville qui avait été préalablement prise et ravagée par les armées de Samory Touré. Gaden marche vers l’est, traversant des territoires dangereux à découvert, et il n’est pas certain de ce qu’il va rencontrer sur son chemin. Il dresse un compte rendu de son voyage, pas simplement en esquissant des cartes après chaque jour de marche, mais aussi avec des photographies des principaux gués. Comme si visualiser la scène à travers le viseur de son appareil allait fixer l’image de cet endroit dans sa mémoire.

In June 1898, Gaden led a company of men on a march towards Kong, a town that had earlier been taken and devastated by Samory Touré’s armies. Gaden was heading east through unsecured and dangerous territory, and he was unsure of what he would meet en route. He documented his journey, not only with sketch maps of every day’s march towards Kong, but of photographs of key river crossings. It was as though the framing of the photograph through the viewfinder would cement the image of the place on his memory.

Dioumabana, le 21 février 1898, en marche vers Kong. Dioumabana, 21 February 1898, on the march to Kong. FR ANOM 27Fi 201

Pendant sa première mission en Afrique occidentale, Gaden espérait que Kong deviendrait un centre d’activités commerciales pour des maisons de commerce telles que celles liées à sa famille à Bordeaux, en particulier ses parents les Devès. « Je crois donc que l’avenir est dans la pénétration à Kong par le Sud. […] Et c’est là, et non pas à Kayes, que devra être plus tard le siège du Gouvernement de la très belle et très riche colonie que pourra devenir la boucle du Niger 9. »

During his first mission to West Africa, Gaden held out hope that Kong would become a centre of commercial activity for trading houses like those associated with his family in Bordeaux, particularly his relatives, the Devès family. ‘I think that the future lies in gaining access via Kong from the south. […] And it is there, and not at Kayes, that much later a seat of Government ought to be established in what would be a very attractive and very rich colony of the Niger bend.’9

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LA BATAILLE DE TIAFÉSO

THE BATTLE OF TIAFÉSO

La première grande bataille de la campagne de 1898 contre Samory et ses armées se déroule dans la dense forêt au sud de Nzo, dans le village de Tiaféso, au cours de la deuxième semaine de septembre, quand le lieutenant Woelffel attaque un groupe de sofas, les soldats de Samory, qui se préparaient à traverser un fleuve. Plusieurs dirigeants militaires importants du camp de Samory sont capturés, et entre 2 000 et 5 000 sofas (les récits varient) se rendent. La bataille se déroule le 9 septembre, et Gaden arrive au village deux jours plus tard et prend les photographies suivantes. « Woelffel avait attaqué Samory au passage du Diougou, fleuve assez difficile, et lui avait enlevé toute son avant-garde – soit 5 000 sofas environ avec plus de 25 000 femmes, enfants et captifs. Le tout sans grande résistance, ces gens-là complètement démoralisés et crevant de faim […] 12 »

The first major engagement of the 1898 campaign against Samory and his armies occurred in the dense forest to the south of Nzo at the village of Tiaféso in the second week of September, when Lieutenant Woelffel attacked a band of sofas who were preparing to cross a river. Numerous important military leaders from Samory’s camp were captured and between 2,000 and 5,000 sofas (accounts vary) gave themselves up. The battle took place on 9 September, and Gaden arrived at the village two days later and recorded the images that appear below. ‘Woelffel had attacked Samory at the crossing point of the Diougou, a rather difficult river, and had removed all of his vanguard—numbering around 5000 sofas with more than 25000 women, children and captives. All this without great resistance, these people here are completely demoralised and are starving […]’12

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Partisans de Samory démoralisés et affamés après la bataille de Tiaféso, le 11 septembre 1898. Demoralised and famished followers of Samory after the battle of Tiaféso, 11 September 1898. ABM, Bordeaux, 30Fi54

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L’APPROCHE ET LA PRISE DU CAMP DE SAMORY

THE APPROACH AND CAPTURE OF SAMORY’S CAMP

La campagne traversée par Gaden et sa compagnie pour traquer Samory et son armée était ravagée. Des villages étaient laissés en ruine, leurs habitants affamés, les communications étaient presque impossibles et la compagnie de Gaden était également à court de vivres.

The countryside through which Gaden and his company tracked Samory and his army was devastated. Villages were left in ruin, their inhabitants were starving, communications were almost impossible, and Gaden’s company of men was also short of food.

Rencontre avec les forces de Samory commandées par Ahmadou Touré, côté éloigné du fleuve à Diougou, le 13 septembre 1898. An encounter with Samory’s forces under the command of Ahmadou Touré, on the far side of the river at Diougou, 13 September 1898. FR ANOM 27Fi 443

Gaden tombe sur ce campement ennemi par hasard, soulagé d’avoir la protection du fleuve entre sa compagnie et l’importante puissance des hommes de Samory.

Stumbling on this enemy camp quite by chance, Gaden was relieved to have the barrier of a river between his company and the overwhelming force of Samory’s men on the opposite bank.

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LES TAM-TAMS DE LA VICTOIRE

VICTORY TAMTAMS AND CELEBRATIONS

Pendant les mois qui suivent, on célèbre la capture de Samory au son des tam-tams : « Enfin les postes doivent tirer 20 coups de canon en signe de réjouissance. Tout est donc pour le mieux 22. » « Les gens de la Région continuent à manifester leur joie 23. »

For the next few months, tamtams were held in celebration of Samory’s capture: ‘Finally, the posts have to fire 20 cannon rounds as a sign of rejoicing. All is therefore for the best.’22 ‘The people of the region continue to express their joy.’23

Le fusilier Dagouama dansant le 16 septembre 1898 à Nzo, pour célébrer la victoire de Tiaféso sept jours auparavant. Rifleman Dagouama dances on 16 September 1898 in Nzo in celebration of the victory at Tiaféso seven days earlier. FR ANOM 27Fi 790

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VI

VOYAGE EN TUNISIE, FIN 1899 A TRIP TO TUNISIA AT THE END OF 1899

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Après la campagne contre Samory, Gaden passe environ quatorze mois en France, d’août 1899 à octobre 1900. Pendant cette permission, il rend visite à la famille de son ami Pierre Marie Flye-Sainte-Marie, en Bretagne, et projette de rendre visite à Pierre lui-même en Tunisie. FlyeSainte-Marie était un condisciple saint-cyrien de Gaden et avait servi en tant qu’officier colonial en Afrique du Nord.

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After the Samory campaign, Gaden spent around 14 months in France from August 1899 to October 1900. During this period of furlough, he visited his friend Pierre Marie FlyeSainte-Marie’s family in Brittany, and made plans to visit Pierre in Tunisia. Flye-Sainte-Marie was a fellow Saint Cyrard (or pupil at military college) and was a serving colonial officer in North Africa.

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À la mi-novembre, Gaden est dans un bateau en route pour Tunis. Il est ravi d’apprendre que son ami Flye-Sainte-Marie a réussi à obtenir une permission des autorités coloniales pour faire un voyage de deux semaines dans le sud du pays. Les deux amis visitent Tripoli, font le tour du golfe de Gabès et de l’île de Djerba, passent du temps à Sousse et Sfax, se rendent à Médenine et passent la nuit à Ben Guerdane, un village créé par Flye dans le « cercle » qu’il contrôlait. Ils visitent également Matmata, un village troglodyte, à l’intérieur des terres au sud-ouest de Gabès. Gaden profite de cette occasion pour prendre de nombreuses photographies des sites qu’il voit et des populations qu’il observe. Il revient en France au début de l’année 1900.

By the middle of November, Gaden was en route by boat to Tunis. He was pleased to learn that his friend had managed to gain permission from the colonial authorities for a 15-day trip to the south of the country. The pair of friends visited Tripoli, toured the Gulf of Gabès and the island of Djerba, spent time in Sousse and Sfax, travelled to Médinine, and stayed overnight in Ben Guerdane, a village created by Flye in the cercle he commanded. They also visited Matmata, a troglodyte village, inland to the southwest of Gabès. He used this opportunity to take numerous photographs of the sites he saw and the populations he observed. He was back in France at the start of 1900.

Vue d’un toit (il s’agit probablement de la ville de Sousse). Roof-top view [over what is possibly the town of Sousse]. FR ANOM 27Fi 455

« Sousse est admirablement situé sur une pente descendant vers la mer. C’est une ville toute blanche avec fortifications arabes, minarets et coupoles qui, avec la lumière si pure si éblouissante de ce pays ici, est certainement la plus jolie de la côte 1. »

‘Sousse is well situated on a slope that descends to the sea. The whole town is white with Arabic fortifications, minarets and cupolas which, with the light so dazzlingly pure in this country, is certainly the most beautiful along the coast.’1

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Ruelle à Sousse. An alleyway in Sousse. FR ANOM 25Fi 285

Commerçants de rue à Sousse. Street traders in Sousse. FR ANOM 27Fi 302

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VII

LE REGARD ETHNOGRAPHIQUE DE L’OBSERVATEUR : LE DÉVELOPPEMENT DE L’INTIMITÉ THE OBSERVER’S ETHNOGRAPHIC EYE: THE DEVELOPMENT OF INTIMACY

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Gaden cherche de plus en plus à saisir des aspects de la pratique quotidienne des communautés locales qu’il rencontre. Son intérêt ethnographique pour ce qu’il voyait autour de lui était inspiré par certains événements, tels que des spectacles de danse ou de musique, par ses observations des tâches de la vie domestique, de l’artisanat, de l’élevage des animaux, ainsi que des rituels et cérémonies. Il prend également des photographies des groupes ethniques qu’il apprend à connaître, non pas comme des sujets coloniaux figés sur un fond artificiel, mais plutôt comme des groupes d’individus situés dans un environnement naturel.

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Gaden focused increasingly on capturing aspects of everyday practice within the local communities he encountered. His ethnographic interest in what he saw around him was triggered by events such as music and dance performances, by his observations of everyday domestic tasks, craftwork, animal husbandry, as well as of ritual and ceremonial occasions. He took photographs too of those ethnic groups he got to know, not as formally-posed colonial subjects frozen against contrived backdrops, but as groups of individuals set within naturalistic surroundings.

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MUSIQUE ET DANSE

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MUSIC AND DANCE

Deux danseurs à Bambadou, en décembre 1898, après la campagne contre Samory. Two dancers in Bambadou, December 1898, after the Samory campaign. ABM, Bordeaux, 30Fi 198

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LA VIE AU VILLAGE

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VILLAGE LIFE

Le village de Kissidougou, 31 janvier 1899. The village of Kissidougou, 31 January 1899. FR ANOM 27Fi 693

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RITUELS ET CÉRÉMONIES

I

LE FAMA AGUIBOU À BANDIAGARA

RITUAL AND CEREMONY FAMA AGUIBOU AT BANDIAGARA

Le fama Aguibou et son entourage, Bandiagara, 1895. Fama Aguibou and his entourage, Bandiagara, 1895. ABM, Bordeaux, 30Fi 79

« Le 8 janvier, j’ai été avec le capitaine Destenave voir Aguibou à son camp d’Alakanda, très près du poste. Il y était avec la colonne. Ils sont venus à notre rencontre ; le fama était précédé de ses griots, l’un tapant sur un tam-tam, l’autre soufflant dans une corne bizarre, un troisième tapant sur des cloches. Le tout fait une musique étrange, mais peu variée, c’est toujours le même air de deux mesures à faire qui reprend. Le fama, sur un très beau cheval richement harnaché et entouré d’une nuée de petits esclaves tenant qui les brides, qui les jambes du fama, qui la croupe, qui la queue du cheval. Éparpillés derrière, une nuée de chefs et de suivants en boubous écarlates, la figure enveloppée jusqu’au milieu du nez car ils ont froid, tous caracolant sur leurs petits chevaux à tous crins qu’ils montent en mors arabe, les étriers courts, les éperons toujours dans le ventre. Enfin, disséminés un peu partout, des hommes à pied, palefreniers ou sofas avec grands fusils à pierre 2. »

‘I was with Captain Destenave on the 8th of January to see Aguibou at his camp at Alakanda, very close to the post. He was there with his column. They came to meet us; the fama was preceded by his griots, one beating a tam-tam drum, the other blowing into a bizarre horn, a third striking bells. It all made a strange music, with little variation, always the same tune of two beats that are repeated. The fama , on a very handsome horse richly harnessed and surrounded by a host of small slaves one holding the bridle, one the fama’s legs, one the rump or the horse’s tail. Straggling behind, a horde of chiefs and followers dressed in scarlet gowns, their faces enveloped up to the middle of their nose for they are cold, all of them exuberantly prancing on their small horses which they ride in Arab fashion, short stirrups, spurs always against the stomach. Finally, scattered here and there, men on foot, grooms or sofas [infantrymen] with large muskets.’2

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Le fama Aguibou et les officiers se réunissent pour discuter au bord de l’eau, le 8 janvier 1894 près de Bandiagara. Fama Aguibou and officers gather for a palaver by the water’s edge on 8 January 1894 near Bandiagara. FR ANOM 27Fi 180

« Nous approchons d’un large marigot au sortir d’un étroit défilé de montagnes et voyons arriver cette foule bariolée et bruyante sur la rive opposée. Tous mettent pied à terre au bord du marigot sur de grandes dalles plates et viennent à notre rencontre. Après de nombreux salamalecs, de nombreux serrements de mains aussi noires à l’intérieur qu’à l’extérieur, comme les mains des noirs bien nés qui n’ont jamais travaillé, tous remontent à cheval et le cortège, avec nous au milieu maintenant, se remet en marche pour le camp. Au camp, grands palabres, avec Aguibou d’abord, puis avec tous les chefs. […] Après le salam, je photographie Aguibou et les chefs, puis nous repartons escortés encore jusqu’au marigot 3. »

‘We approach an expanse of water where it emerges from a narrow mountain gorge and watch as this gay and noisy crowd arrive on the bank opposite. They all dismount along the side of the water on an area of flat stony ground, and we come to meet them. After numerous salaams and shaking of hands that are as black on the palms as on the backs, as the hands of well-born blacks who never work, everyone remounted their horses and the cortege, with us in the middle now, struck out towards the camp. At the camp, grand palavers, with Aguibou first, and then with all the chiefs. […] After the salaam, I photographed Aguibou and his chiefs, then we departed escorted again to the waterside.’3 263

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L’INITIATION DES GARÇONS

BOYS’ INITIATION

Procession d’initiés pendant la cérémonie de Kénékénédé autour du village de Diangana, entre Siguiri et Kankan, 29 mars 1899. Procession of initiates during the Kénékénédé ceremony around the village of Diangana, between Siguiri and Kankan, 29 March 1899. FR ANOM 27Fi 394-396

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LES GROUPES ETHNIQUES AU TCHAD

ETHNIC GROUPS, CHAD

Groupe d’hommes vêtus de peaux de chèvre, en route vers Tchekna. A group of men dressed in goatskins en route to Tchekna. ABM, Bordeaux, 30Fi 87

En 1904, Gaden choisit de se rendre à pied à son avant-poste à Fort-Lamy, au Tchad, depuis Fort-Archambault, et il suit le cours du fleuve Chari le long d’une vaste plaine dégagée. En route, Gaden écrit : « Les habitants sont de vrais sauvages mais les plus braves du monde, des espèces de géants taillés en hercule qui rient pour un rien à gorge déployée et ont pour toute tenue une peau de bique qu’ils portent en tablier, mais par derrière et non pas par devant comme on pourrait le croire. Je ne recommande donc pas le voyage aux jeunes filles pudibondes 8. »

In 1904, Gaden chose to travel by foot from Fort Archambault to his posting at Fort Lamy in Chad, and he followed the course of the river Chari that flowed across a vast open plain. En route, Gaden noted that: ‘The inhabitants are true savages but the most brave in the world, a species of giant Herculean in size, who roar with laughter at the slightest thing and who are dressed in goat skins, that they wear as aprons, but at the back not at the front as one would have thought. I do not recommend this voyage for modest young girls.’8

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VIII

RELATIONS AVEC LES FEMMES LOCALES RELATIONS WITH LOCAL WOMEN

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La stratégie émergente d’intimité photographique que Gaden développa dans ses clichés atteignit son paroxysme dans un certain nombre de séries différentes de portraits, initialement de femmes. Les femmes que Gaden prit comme moussos sont parmi les premiers sujets à être représentés dans des études individuelles ou de groupe. En effet, une séquence de clichés saisit les étapes d’un « mariage à la mode du pays », que Gaden contracta à Zinder en 1902.

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The emerging strategy of photographic intimacy that Gaden developed in his photography reaches a peak in a series of portraits, initially, of women. The women Gaden took as moussos or local wives were some of the first characters he portrayed in group or individual photographic studies. Indeed, one sequence of images captures the stages of a country marriage, which Gaden himself contracted in Zinder in 1902.

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Cette série d’études photographiques d’un mariage déboucha sur une autre collection de portraits de femmes de Zinder incroyablement individualisées. Ces épouses de dignitaires locaux qui, semble-t-il, se sont toutes portées volontaires pour être photographiées, ont été immortalisées par l’objectif dans des postures remarquablement confortables et détendues. Le franc succès qu’eut Gaden en photographiant ces femmes et les répercussions positives pour sa réputation et son statut au sein de la communauté locale se répétèrent lors de sa mission suivante au Tchad. La photographie devint le moyen d’engendrer de nouvelles rencontres sociales, qui devinrent à leur tour le sujet de nouveaux contacts photographiques.

This series of photographic studies of a marriage leads on to another set of astonishingly individualised portraits of women in Zinder, the wives of local dignitaries, all of whom appear to have volunteered to be photographed, and who are all caught in strikingly relaxed and comfortable postures in front of the camera. The success Gaden had in photographing these women, and the positive benefits these activities had for his local reputation and standing in the community, were repeated on his next mission to Chad. Photography became the means to engender further social encounters, which were in turn the subject of further photographic contacts.

LE BUTIN DE GUERRE

I

THE BOOTY OF WAR

Officier et trois femmes locales. Cliché probablement pris à Dankaldou, en décembre 1898 1. An officer with three local women. Probably taken near Dankaldou, December 1898.1 FR ANOM 27Fi 906

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Groupe de femmes à Beyla, 1898. A group of women at Beyla, 1898. FR ANOM 27Fi 961

Un groupe de femmes, quelques-unes des filles de Samory Touré, à Beyla 2.

Group of women, some of them daughters of Samory Touré, at Beyla.2

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LES MARIAGES CONTRACTÉS

I

MARRIAGES CONTRACTED

Une femme inconnue à Zinder. An unnamed woman in Zinder. FR ANOM 27Fi 257

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PORTRAITS DE FEMMES

I

PORTRAITS OF WOMEN

Femme inconnue [date et lieu inconnus]. Unnamed woman [date and place unknown]. FR ANOM 27Fi 408

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PORTRAITS DE FEMMES DE ZINDER PORTRAITS OF WOMEN IN ZINDER La photographie de Gaden intéresse beaucoup les membres des communautés locales parmi lesquels il vit, et sa popularité grandit à mesure qu’il montre aux individus les portraits qu’il a pris d’eux. Comme nous l’avons mentionné plus haut dans l’introduction, Gaden rappelle dans une lettre destinée à Gouraud le succès notoire qu’il connaît en photographiant les dignitaires locaux et leurs épouses à Tchekna, au Tchad, en 1905. Il semble cependant que Gaden ait connu tout autant de succès quelques années plus tôt à Zinder, quand il prit des clichés d’une série de femmes, probablement les épouses de chefs locaux et de dignitaires. Tous les portraits sont anonymes et furent pris entre 1901 et 1903.

Gaden’s photography was of considerable interest to members of the local communities among whom he lived, and his popularity grew as a result of his showing individuals the portraits he had taken of them. As noted in the Introduction, Gaden recalled in a letter to Gouraud some notable success he had in photographing local dignitaries and their wives in Tchekna, Chad, in 1905. Gaden seems to have had, however, the same success some years earlier in Zinder, when he captured the images of a series of women, presumably the wives of local chiefs and dignitaries. All of the portraits are anonymous and were taken between 1901 and 1903.

LES FEMMES INCONNUES À ZINDER

UNNAMED WOMEN IN ZINDER

ABM, Bordeaux, 30Fi 240

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LES ENFANTS

I

De tous les portraits de groupes et individuels que Gaden fit des sujets locaux, il n’existe que très peu d’études figurant des enfants, même si Gaden lui-même a eu des enfants avec ses épouses locales. Il n’existe aucun témoignage photographique de ceux de ses enfants connus, et il semble qu’il ne s’intéressait que fort peu aux enfants en tant que sujet photographique.

CHILDREN

Of all the group and individual portraits Gaden took of local subjects, there are only a handful of studies of children, despite the fact that Gaden himself had offspring by local women. There is no photographic evidence of those of his children we know about, and seemingly very little interest in children as a photographic subject or as a general topic.

Groupe d’enfants [s. l., s. d.]. A group of children [no place, no date]. ABM, Bordeaux, 30Fi 78

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IX

VINGT-SIX PORTRAITS INDIVIDUELS TWENTY-SIX INDIVIDUAL PORTRAITS

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Une série de vingt-six portraits individuels d’officiels ou dignitaires, que ce soit des officiers coloniaux ou des dirigeants locaux, est présentée dans ce chapitre. La plupart de ces personnes peuvent être identifiées, et il semble qu’ils furent tous des personnages importants dans la vie coloniale de Gaden en Afrique de l’Ouest.

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A series of 26 individual portraits of officials or dignitaries, including colonial officers and local political leaders, is presented in this chapter. Most of these people are identifiable, and they all seem to have been important figures in Gaden’s colonial life in West Africa.

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Moussa Diawara, le « boy » de Gaden lors de deux de ses missions, 1894-1896 et 1897-1899. Moussa Diawara, Gaden’s ‘boy’ on two tours of duty, 1894–1896, 1897–1899. FR ANOM 27Fi 970

En 1894, Gaden écrit à son père : « J’y ai recruté un bon boy, un Bambara, Moussa Diawara. C’est un solide gaillard qui a l’air plein de bonne volonté. J’espère que cela durera 1. »

Gaden wrote to his father in 1894: ‘There, I recruited a good boy, a Bambara, Moussa Diawara. He is a strapping fellow who appears to be good-willed. I hope it will last.’1

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Samory Touré, c. octobre 1898. Samory Touré, c. October 1898. FR ANOM 27Fi 1150

« Quant à Samory, c’est un excellent homme avec lequel nous sommes en fort bons termes 2. »

‘As regards Samory, he is a great man with whom we are on very good terms.’2 319

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X

LES ANGLES D’INTIMITÉ, LES OBSERVATEURS OBJECTIVÉS ANGLES OF INTIMACY, OBSERVERS OBJECTIFIED

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Ce dernier chapitre est divisé en deux parties, et chacune d’entre elles présente une manière dont Gaden a mené sa carrière de photographe en Afrique de l’Ouest, une carrière qui, dans les faits, se termina quand il déménagea en Mauritanie pour y travailler à partir de 1910. À compter de cette date, il prit des photographies de manière occasionnelle, et non plus pour des raisons opérationnelles, ni poussé par des motivations particulières, comme lors de ses précédentes missions dans la région.

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There are two sections to this last chapter, each capturing a sense of what Gaden managed to achieve over the course of his photographic career in West Africa, a career that effectively ended by the time he moved to work in Mauritania from 1910 onwards. From that date, he took the occasional photograph, but not in the systematic or motivated sense that drove him during his previous missions to the region.

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LA PLONGÉE PARTICIPATIVE : REGARDER PAR-DESSUS L’ÉPAULE DES SOUDANAIS PARTICIPATORY PLONGÉE: OVER THE SHOULDERS OF THE SOUDANESE

Les angles d’intimité que Gaden développe dans sa photographie apparaissent pendant la campagne contre Samory, en particulier dans ses clichés des spectacles de musique et de danse célébrant la fin de la mission militaire, et quand Gaden saisit les moments où ses sujets coloniaux se livrent à des tâches domestiques de la vie de tous les jours. Il fait cela en observant ses sujets non d’en haut, mais en se plaçant à leur niveau. L’angle de prise de vue permet ainsi au spectateur d’attester qu’il y était. C’est ce que j’ai appelé la « plongée participative », rendue plus facile grâce au type d’appareil photo portatif que Gaden utilisait. L’anthropologue américain Clifford Geertz décrivit un jour le genre d’anthropologie auquel il se livrait comme une manière de lire des textes balinais par-dessus l’épaule des Balinais 1. Gaden, d’une certaine façon, a conçu un équivalent visuel de cette méthode environ 70 années auparavant, en prenant des clichés des activités des peuples de l’Afrique de l’Ouest française « par-dessus l’épaule des Soudanais ». Dans de nombreux cas, c’est ce qu’il a fait, littéralement : la photographie était prise depuis l’épaule de ses sujets, ou parmi une foule, etc.

The angles of intimacy that Gaden developed in his photography emerged during the Samory campaign, especially in his shots of the celebratory music and dance following the end of the military mission, and in Gaden’s framing of his colonial subjects engaged in everyday, domestic tasks. He did this by observing his subjects not from above or below, but at the same level. Gaden’s camera angle, thus, invites the viewer to feel part of the shot that is being captured. This is what I have called the ‘participatory plongée’, and it would have been facilitated by the kind of hand-held camera Gaden used. The American cultural anthropologist, Clifford Geertz once described the kind of anthropology he conducted as a method of reading Balinese texts over the shoulders of the Balinese.1 Gaden had, in a sense, developed a visual counterpart to that method some 70 years earlier, by capturing images of the activities of people of French West Africa ‘over the shoulders of the Soudanese’. In many cases, this was quite literally what Gaden did: he framed a shot looking over the shoulders of his subjects or between the members of a crowd.

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Les femmes au marchÊ, probablement Kissidougou, 1898-1899. Women at a market, probably Kissidougou, 1898–99. FR ANOM 27Fi 995

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MOMENTS DE RÉFLEXION : LES OBSERVATEURS OBSERVÉS MOMENTS OF REFLECTION: OBSERVERS OBSERVED

Gaden avait parfois la capacité de prendre ses distances vis-à-vis de la mission coloniale française dont il faisait partie. Ses désillusions atteignent leur paroxysme pendant son affectation au Tchad de 1903 à 1907, période pendant laquelle il entre en désaccord avec certains aspects des politiques conduites, mettant en évidence certaines pratiques coloniales qui, loin de civiliser les populations autochtones, ont des conséquences négatives. Il qualifie les habitudes des locaux civilisées et les activités coloniales de barbares. Un certain nombre des photographies sélectionnées ici laissent transpirer son sentiment d’être étranger vis-à-vis des objectifs au sens large du colonialisme. Tandis que d’autres clichés, immortalisant la rencontre entre sujet autochtone et colon observateur, témoignent de la réflexion qu’il mène sur sa position au sein de l’entreprise coloniale.

Gaden maintained an ability to distance himself from time to time from the colonial enterprise of which he was a part. His disillusion with the French colonial mission reached its height during his posting to Chad from 1903 to 1907, during which time he disagreed with a number of aspects of political policy and pointed out the negative consequences of some colonial practices, which were far from civilising the native populations. He pointed out how he often viewed native practice as civilised and colonial activities as barbaric. His sense of alienation from the wider purposes of colonialism, which can be detected during earlier missions, can be seen in a number of the photographs selected under this section. Furthermore, his sense of reflexivity about his own position within this colonial enterprise, and the moment of the encounter between native subject and colonial observer are caught in the frame.

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Photographe à Kong. Photographer in Kong. FR ANOM 27Fi 972

Gaden saisit le moment où un officier colonial fait poser un groupe d’autochtones à Kong, juin 1898.

Gaden captures the moment when a colonial officer poses a group of local men in Kong, June 1898.

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