Belba le cave n°2

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Belba le cave

N°2. Hiver 2005-2006, première parution 21 février 2006

LA REVUE PREFEREE DES COPROPHAGES ANALPHABETES DE MOINS DE 12 ANS


Contact : belbalecave@yahoo.fr


Edito * « … c’est peut être un détail pour vous, mais pour moi ça veut dire beaucoup… » Et voilà chers lecteurs, vous tenez entre vos mains la deuxième livraison de Belba le cave. Ce qui veut dire que quoi qu’il arrive désormais on aura réussi à tenir suffisamment pour sortir plusieurs numéros. Ce n'était pas gagné d’avance, et on a pu croire à un moment qu’on n’arriverait pas à pérenniser le bousier. Mais devant l’intérêt que la revue a suscité chez sa demi-douzaine de lecteurs on s’est dit : c’est pas possible de les laisser tomber. Alors on a raclé les fonds de tiroir pour rassembler assez de déchets pour remplir une grosse poubelle et la voilà entre vos mains. Des fragments d’Histoire, des miettes d’histoires et autres poussières variées, sans oublier de la raclure d’actu et de la critique à la va-vite, assurément vous allez retrouver cette sensation mêlée de fascination et de dégoût qui vous a fait dévorer le premier opus de l’engrais spirituel qu’est Belba. Alors n’ayez pas honte de succomber à vos envies honteuses, et laissez vous entraîner dans la fange.

Sommaire * Page 2 : Le Menu Page 3 : Mwanzana ya Nzuani _ ça sent le sapin Page 4 : rAdio Toulouse _ les faits d’hiver, début Page 11 : Interlude sans intérêt… (3) Page 12 : Mwanzana ya Nzuani _ arnaques, crimes et jus de goyave Page 17 : La faim de l’histoire Page 20 : Une (très) brève histoire du temps selon les primates à prothèses Page 22 : rAdio Toulouse _ les faits d’hiver, fin Page 25 : Interlude sans intérêt… (4) Page 27 : Mwanzana ya Nzuani _ histoire d’eau Page 30 : Pressé Page 37 : NDLR Page 38 : ébats d’idées

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Le Menu Bienvenue dans notre établissement. Appétit d’oiseau ou estomac solide, nous ne doutons pas que vous trouverez des mets à votre convenance. Nos plats ont cette particularité qu’ils peuvent se déguster seuls ou ensemble, à n’importe quelle heure de la journée. Nous conseillons néanmoins aux gastronomes de s’asseoir à table pour une meilleure expérience culinaire.

Les apéritifs : -

ça sent le sapin : Un Mwanzana ya Nzuani fumant servi dans un cendrier géant ; saupoudré de croissants, d’étoiles et d’acronymes. les faits d’hiver, début : Le retour de rAdio Toulouse ! Des croquettes d’actualité internationale, servies dans une sauce sud-américaine. Mezzo litro : un Interlude sans intérêt prometteur et futuriste, chaud et très sec. Attention à ce que vous avalez.

Les plats principaux : (Tout nos plats principaux sont à base de viande de bébé dauphin, et accompagnés d’une généreuse portion d’histoire)

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arnaques, crimes et jus de goyave : Quand notre ami d’Anjouan (Mwanzana ya Nzuani) cuisine l’histoire, la réalité semble rejoindre la fiction. Sarabande de pirogues, de sultans et de barbouzards français sur îles de la lune. La faim de l’histoire : La théorie économique à travers l’histoire, plus de 20 siècles à dévorer. Les auteurs classiques, d’Aristote à Amartya Sen. Accompagné d’un Souvenons nous savoureux mais qui peut étrangler. Buffet varié : Choisissez ce que vous picorez dans Une (très) brève histoire du temps selon les primates à prothèses. Préférez vous remonter au big-bang, ou suivre la naissance de la vie ? Ou peut être ne vous intéressez vous qu’à ce nouveau venu, le singe. C’est vrai qu’il est fort habile de ses mains…

Avec, pour terminer, les faits d’hiver, fin ; Une salade légère sur l’état de l’Etat, avec des vrais morceaux de culture !

Les boissons : -

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Braindead and happy : Vous prendrez bien un Interlude sans intérêt pour patienter un peu. Il faut parfois savoir tromper l’horloge. Celui-ci est tout à fait anecdotique et fortement alcoolisé. histoire d’eau : Rafraîchissante et parfois glaçante, une boisson préparée par l’incontournable Mwanzana ya Nzuani. Succombez pour le breuvage le plus consommé de la planète, qui se décline en de nombreux modes. Jus de papier : Trop pressés pour lire la presse ? On vous a Pressé un pur jus. Nectar de ce qui s’est dit de moins bête sur les émeutes en banlieue.

Nous espérons que vous apprécierez suffisamment notre cuisine pour rester discuter avec nous un instant. Si vous souhaitez poser des questions sur notre restaurant, les réponses figurent peut être déjà dans NDLR. Et si vous voulez nous donner votre avis, pourquoi ne pas le faire dans le cadre de notre forum : ébats d’idées. Ou nous envoyer un petit mot en utilisant notre Contact. Ensuite, il n’y aura plus qu’à nous dire au revoir. En espérant que vous reviendrez vite, et amènerez des amis !

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Mwanzana ya Nzuani _ ça sent le sapin ******************************************************************************************

Aroun Tazief, qui était clairement quelqu'un dont on peut dire qu'il en avait un beau paquet dans le caleçon ignifugé, a déclaré en rentrant de Moroni qu'il faut être fou pour habiter à la Grande Comore, avec le Karthala juste à coté. Le Karthala, qui n’est clairement pas du tout un cousin de ces gros oiseaux au cou déplumé qui font peur aux enfants, c'est le volcan de Ngazidja, la Grande Comore, la plus occidentale des îles de l'archipel. Moroni, comme ce n'est clairement pas spécifié sur les brochures touristiques, qui, au demeurant, n'existent pas, signifie en comorien "l'endroit où il y a du feu". Une soirée à Moroni suffit pour se rendre compte qu'on parle bien là de phénomènes géophysiques, et guère d'autre chose. Moroni, au passage, c'est aussi la capitale de la Grande Comore et également celle de l'Union des Comores. Comme tout le monde sait que le volcan est encore actif, des stations d'écoute du volcan ont été installées sur ses pentes, alimentés par des panneaux solaires. Mais comme tout le monde aurait pu le dire aux gens qui ont installé tous ces machins, un panneau solaire ça coûte des sous, et implicitement ça en rapporte quand on les chourave. De fait, les instruments ne marchent jamais, faute d'alimentation électrique. Par voie de conséquence, le seul instrument fiable restant pour dire s'il se passe quelque chose, c'est le toit en tôle des maisons qui se casse la gueule quand il y a une secousse. Et bien c'est un peu ce qu'il s'est passé au début du mois de décembre. Un gros toussotement de cancéreux a secoué gentiment la ville, juste assez pour réveiller les gens et leur signaler qu'ils pouvaient sortir regarder ce qui se passait. Une grosse colonne de fumée noire, style pot d'échappement de taxi dans la montée, s'élevait dans le ciel de la capitale, illuminée par des reflets rouge et des éclairs. Comme tous les nuages médiatisés, celui-ci n'a pas dépassé une ligne invisible qui cerne les environs de Moroni, et est retombé avant que le jour ne se lève, soit 48 heures plus tard. Bilan humain des premiers jours : un enfant décédé, perdu dans la panique. Au sortir de la panique, classique, la désolation. Trois centimètres de poussière noire recouvraient chaque parcelle de terrain. Comme il n'y a pas de vitre sur les fenêtres, tous les intérieurs de maisons s'étaient transformés en cendrier géant, les mégots en moins. C'est quand même pas Pompéi mais ça fait un sacré coup de balai à donner. Là où ça se corse, c'est au niveau de la flotte. Les secours c'est un peu la sécurité civile (honnêtement je ne sais pas trop ce qu'ils font, mais ça n'a pas l'air transcendant), et un peu la Croix Rouge. Enfin non, pas la Croix Rouge, la PIROI (plate-forme d'intervention rapide de l'océan indien), une cellule de la Croix Rouge qui prépare des réponses d'urgence dans la zone et qui intervient le cas échéant. Enfin, la PIROI n'intervient pas non plus, puisque le travail d'évaluation/coordination des secours est sensé être réalisé par le Croissant Rouge Comorien. Donc, pas d'ingérence (la PIROI ne fait rien), priorité aux structures locales (le Croissant Rouge fait tout). Tout de même c'est pas simple parce que le responsable du Croissant Rouge est à la rue, mais qu'il ne faut pas faire le travail à sa place. (Bienvenue dans le monde merveilleux de l'humanitaire). Ce n’est pas compliqué, c'est juste un peu technique. Il faut savoir qu'il n'y a pas de cours d'eau à la Grande Comore, et qu'en dehors des pompages (principalement à la capitale), beaucoup de gens s'en remettent à l'eau de pluie, conservée dans des citernes aériennes, jamais couvertes. En avril le Karthala avait fait le même coup, poussière incluse. La conséquence, à part répandre des quantités de soufre pas négligeables dans les nappes souterraines, avait été de mettre trois centimètres de poudre de basalte dans les citernes de la ville, rendant l'eau franchement pas buvable. La réponse de la Croix Rouge / Croissant Rouge / PIROI / autorités diverses qui passaient dans le coin a été de nettoyer les citernes, de les remplir et de dire aux gens de couvrir leurs trucs-franchement-c'est-dégueulasse. Bon, à quelques mois d'intervalles on prend les mêmes et on recommence, à une différence près : il n'y a plus d'eau à la Grande Comore pour nettoyer ou remplir les citernes. Gasp, se dit l'expert, ça va pas être facile. Effectivement, c'est pas simple, il faut trouver de la flotte, la mettre dans des camions, amener les camions dans les villages sinistrés, organiser les volontaires... avec en amont un travail assez galère d'évaluation : localiser les problèmes, les quantifier, les hiérarchiser... En l’occurrence la PIROI a assuré le nettoyage des citernes et l'UNICEF l'alimentation en eau (j'ai pas dit potable), sous la coordination des autorités de l'île qui, mine de rien, ont réussi à tenir leur rôle. Et après ? Ben on dira aux gens de couvrir leurs citernes-franchement-c'estdégueulasse. Y. comme Ylang

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rAdio Toulouse _ les faits d’hiver, début ******************************************************************************************

EUROPE : *Finalement Contre toute attente, le sommet de Bruxelles qui a eu lieu à la mi-décembre a finalement aboutit à un accord concernant le budget de l’Union Européenne pour la période 2007-2013. Celui-ci devrait représenter une somme de 862.36 milliards d’euros, soit 1.045% du revenu brut européen, un compromis à mi-chemin entre la proposition luxembourgeoise rejetée en juin dernier (1.06%) et la première proposition britannique (1.03%). De plus, il est prévu que la Commission Européenne travaille en 2008 et 2009 afin d’ « entreprendre une révision exhaustive et large de toutes les dépenses (…) et de toutes les ressources » (cette citation, ainsi que les suivantes, sont tirées du Monde, dossier et documents de janvier 2006). On se rappellera que les principaux points de contention qui ont empêché d’atteindre un accord en juin étaient : la part de la contribution à l’Union dans le revenu des pays membres, la PAC, le rabais britannique et l’importance des aides aux nouveaux Etats membres. On a vu qu’un compromis a été trouvé sur le financement de l’Union, qu’en est-il des autres points ? La PAC, sanctuarisée jusqu’en 2013, n’a pas été remise en cause. Le rabais britannique s’est vu amputé d’un cinquième environ de son montant. Les aides régionales sont moins importantes (-7 milliards) que dans la proposition luxembourgeoise de juin dernier, mais plus importantes (+4.7 milliards) que dans la première proposition britannique. Il semblerait donc que le grand perdant dans le cadre de la constitution de ce budget soit Mr Blair, ce que n’ont pas manqué de marteler les tabloïds anglais, bien connus pour leur subtilité et leur ouverture d’esprit. Cependant il apparaît aux yeux de ceux qui veulent bien y regarder à deux fois comme un médiateur prêt à faire des concessions, voir des sacrifices, pour sortir l’Europe de l’impasse avant la fin de la présidence britannique. Pour Mr Chirac, c’est tout le contraire. Malgré le fait qu’il ne soit pas parvenu à obtenir une réduction du taux de TVA sur l’hôtellerie (mais y croyait-il lui même ?), il a réussi à ce que l’on ne touche pas à la PAC, son grand combat (monomaniaque) et qu’on ponctionne plutôt le rabais anglais. Il peut passer pour le vainqueur de ce bras de fer, il apparaît néanmoins aux yeux de beaucoup comme un gros butor. A remarquer enfin que selon de nombreux observateurs, il aurait été impossible de trouver un compromis budgétaire sans les « bons offices » de Mme Angela Merkel, qui « fait une entrée très remarquée sur la scène européenne ». *Galileo Positioning System C’est sans encombre que, courant décembre, le premier satellite du programme Galileo a été mis en orbite autour de la Terre. Le projet Galileo vise à mettre en place un système européen de radionavigation par satellite afin de ne pas dépendre du système américain GPS (pour global positioning system) et, accessoirement, de pouvoir le concurrencer. Si Galileo est le nom de ce projet, c’est aussi le nom de l’entreprise choisie pour assurer sa réalisation, une entreprise contrôlée par deux consortium européen, iNavSat (EADS, Thales, Inmarsat) et Eurely (Alcatel, Finmeccanica, Hispasat). C’est à terme pas moins de 30 satellites qui devraient quadriller le ciel dans le cadre de ce programme. Le premier satellite lancé en décembre était expérimental, un autre devrait suivre en septembre 2006. Si tout se passe bien les 30 satellites opérationnels devraient être lancés entre 2008 et 2010. Le siège du programme est installé à Toulouse (France) et le centre de contrôle du système à Oberpfaffenhofen, près de Munich (Allemagne). *Autriche Après la Grande-Bretagne, c’est l’Autriche, en la personne de son chancelier Wolfgang Schüssel, qui a prit la présidence de l’Union Européenne pour une durée de 6 mois (au premier juillet, ce sera le tour de la Finlande). Une présidence qui est loin d’être un cadeau. Tout d’abord l’année 2005 n’a pas particulièrement été une année faste pour l’Europe, notamment à cause du rejet du ‘traité établissant une constitution pour l’Europe’, mais aussi à cause des tensions (particulièrement

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franco-britanniques) autour du budget pour la période 2007-2013. C’est pourquoi les différents partenaires européens ont décidé de ralentir le mouvement ‘pour se donner le temps de la réflexion’. Des propositions concernant l’avenir de l’Europe devraient donc commencer d’affluer pendant la présidence autrichienne et Mr Schüssel devra démontrer des talents de virtuose si il souhaite diriger l’orchestre cacophonique de Bruxelles sans trop d’à-coups. De plus, ce n’est certainement pas auprès de la population autrichienne que le chancelier trouvera un large soutien pour relancer l’Europe, puisqu’avec 32% d’autrichiens qui pensent que « l’Europe est une bonne chose » (selon Profil, journal viennois cité dans Courrier International, 05/01/06), l’Autriche est au premier rang des eurosceptiques, devançant même l’Angleterre. Viel Glück Wolfgang ! INTERNATIONAL *On se Met en Colère ? Bon, où en sont les travaux de l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC) dans le cadre du ‘cycle de Doha’ débattu depuis 2001 et qui se donnait comme vocation de devenir un « agenda du développement » ? La conférence ministérielle de l’OMC qui avait lieu à Hongkong du 13 au 18 décembre s’est encore montrée décevante pour le Sud. Alors que l’OMC veut obtenir rien moins qu’une plus grande libéralisation des secteurs industriels et de services, tout ce qu’elle offre c’est un accès libre de droits de douane et de quotas à 97% des produits des pays ‘les moins avancés’ (vers quoi ?). « pour 97% de leurs produits – non pour 100%, ce qui n’est pas anodin (…) les spécialistes du commerce international savent bien, en effet, qu’il suffit de pouvoir geler une trentaine de lignes tarifaires pour protéger son marché d’une concurrence trop menaçante. » (Le Monde, dossiers et documents, janvier 2006) Et n’oublions pas le grand dossier : l’agriculture. Les subventions des Etats-Unis (EU) et de l’Union européenne (UE) faussent le fameux ‘marché’ dont ces deux régions se font les apôtres, et la situation ne risque pas de changer dans l’immédiat. En effet, malgré les pressions du Sud pour la réduction des subventions aux producteurs occidentaux, ni les EU (Dans leur cas, on peut citer le dossier du coton, qui a vu la formation d’une coalition entre les pays africains producteurs et le Brésil dont on a pu penser qu’elle pourrait faire plier le géant américain _ perdu !) ni l’UE n’ont l’intention de lâcher quoi que ce soit puisque les premiers ont refusé toute concession tandis que les deuxièmes acceptent de modifier la PAC, mais pas avant 2013. *Le Québec, quel joli coin pour une promenade… Qu’a-t-il été décidé à la conférence internationale de Montréal sur le climat qui avait lieu début décembre ? D’organiser plus de réunion. On ira en avion papoter du CO2 sous une autre latitude. En fait je suis volontairement taquin. Ce qui a été décidé, c’est que les pays concernés vont prolonger le protocole de Kyoto au-delà de 2012, selon des modalités qui sont encore à préciser. De plus, les pays du Sud et les Etats-Unis sont invités aux négociations pour, à terme, participer aux efforts de réduction des émissions de CO2. *La drôle de paix Le destin (et ses zélés serviteurs) s’acharne sur l’Irak. Ainsi selon Le Monde, dossiers et documents de janvier 2006, il y aurait eu officiellement 5446 morts irakiens en Irak en 2005, dont 3862 civils. Depuis le 23 mars 2003 d’après l’aveu de G. W. Bush, c’est plus de 30000 irakiens qui ont péri. Tu la sens ma grosse liberté ? *Evo Presidente ! C’est donc Evo Morales (voir Les feuilles d’automne, Effervescence en Bolivie dans Belba… n°1) qui a été élu à la présidence de la Bolivie avec plus de 50% des suffrages. C’est la première fois qu’un indien accède à ce poste, mais aussi la première fois qu’un président bolivien est élu au suffrage direct : « un vote sans précédent qui permet à la Bolivie de se doter d’un président et d’un viceprésident élus au suffrage universel, et non pas, comme c’était le cas par le passé, à l’issue d’âpres négociations au Congrès. Car la constitution bolivienne prévoit qu’il revient au Parlement de désigner le ticket présidentiel si aucun candidat n’a obtenu la majorité absolue dès le premier tour ». (Los Tiempos, journal bolivien cité par Courrier International, 22/12) Grâce à ce score plébiscite, qui montre qu’Evo Morales et son parti (le MAS) « ont reçu le soutien non seulement des zones rurales, où se concentrent les Indiens, mais aussi d’une bonne partie de la population urbaine » (Los Tiempos) et à la marge de manœuvre que pourrait dégager un contrôle plus important des

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ressources naturelles (notamment les hydrocarbures, mais aussi les métaux), Mr Morales dispose d’atouts non négligeables pour mener une politique volontariste. Ces atouts ne seront pas de trop puisque : - Certains pays (les Etats-Unis en tête) sont effrayés par ce ‘populiste’ à la Chavez (comme si Chavez était ce qui est arrivé de pire à l’Amérique du Sud ces 50 dernières années), et redoutent les ‘expropriations’ et ‘re-nationalisations’ qui feraient partie de son programme (En fait, pendant toute sa campagne, et contrairement à ce qui a été avancé par de nombreux journaux occidentaux, il a soigneusement évité ces termes [voir Effervescence en Bolivie, art. cité] et préfère parler d’avoir à faire à « des partenaires, pas des maîtres »). En fait, ils sont inquiets pour leur gaz. Les négociations ne risquent pas d’être faciles, y compris avec le Brésil, dont le géant national des hydrocarbures, Petrobras, est très présent en Bolivie. - La Bolivie est un des plus gros pays producteur de coca (avec la Colombie). Et Mr Morales fut un temps président du syndicat des cocaleros, les producteurs de coca. Pas question pour lui d’interdire ou même de limiter la production de cette plante sacrée, qui sert en Bolivie à la concoction de tisane et qui est un fortifiant et un coupe-faim. De plus, cette plante est une des plus rentables à cultiver en Bolivie et représente pour de nombreux boliviens « un vrai livret de caisse d’épargne » (Evo Morales, cité par le canard enchaîné, 28/12/05). Même si Mr Morales a un mot d’ordre rassurant : « Zéro cocaïne, zéro trafic de drogue » (lce, 28/12/05), le fait que plus de la moitié de la production soit exportée (15000 tonnes sur 27000 en 2004) n’a rien de rassurant, et Washington risque fort de piquer « une grosse coca-colère » (ibid) - Enfin ne l’oublions pas, la Bolivie est le pays le plus pauvre d’Amérique du Sud, un pays qui connaît une très forte instabilité politique. Diriger un tel pays n’est pas chose facile pour un homme qui désire accomplir autre chose que de gaver son compte en banque. On souhaite donc bonne chance au nouveau président qui a, lors de son premier discours, affirmé vouloir pour tous les boliviens « l’égalité, la justice, la paix et la justice sociale ». A priori très sensibles à son programme, nous surveillerons de près la situation, pour voir comment il se comporte, et comment se comportent les médias à son égard. *Chili Con Bachelet En janvier, l’élection d’une femme à la présidence du Chili a fait grand bruit. Comme elle l’a dit elle-même, dans un pays conservateur comme le Chili : « J’ai tous les pêchés : je suis une femme, je suis socialiste, je suis divorcée et je suis agnostique » (Le Monde, dossiers et documents, février 2006), et pourtant Michelle Bachelet a remporté le deuxième tour des élections avec pas moins de 53.49% des suffrages exprimés. Alors, une surprise ? Absolument pas. Mme Bachelet succède en effet à Ricardo Lagos (le président sortant) à la tête de la coalition de centre-gauche, au pouvoir sans interruption depuis la chute du régime de Pinochet en 1990 ; malgré la surprise feinte c’est un échec qui eut été étonnant. Si la coalition de centre gauche au pouvoir connaît une telle longévité (outre l’ombre de Pinochet) c’est qu’elle accumule les succès : l’économie chilienne, qui est habituée depuis plusieurs années à des taux de croissance supérieurs à 5%, est citée en exemple de ce qu’il est possible d’accomplir dans les jeunes démocraties d’Amérique latine. Une ombre subsiste néanmoins au tableau : la pauvreté (au sens de l’ONU, c’est à dire moins de 2$ par jour), bien que réduite de moitié depuis l’époque de Pinochet, touche encore 19% des 15 millions de chiliens, et l’extrême pauvreté (moins de 1$ par jour) 4.7% de la population. « Le ‘modèle chilien’, fondé sur le libreéchange et un secteur privé dynamique, n’a pas permis de supprimer les inégalités sociales, qui sont parmi les plus grandes du continent : 10% de la population concentrent près de 50% des revenus selon le programme des Nations-Unies pour le développement (PNUD) » (Christine Legrand, Le Monde, dossiers et documents, février 2006). Bien que n’abandonnant pas la doxa du socialisme de marché (les richesses doivent être produites avant d’être redistribuées), Mme Bachelet a émis le souhait que les richesses soient mieux distribuées. Malheureusement, il y a peu de chance qu’elle puisse s’atteler elle-même à cette tâche. En effet, d’autres dossiers sont prioritaires : tout d’abord elle devra essayer d’assurer une retraite décente à sa population (le système actuel, basé sur les fonds de pension, est un échec), ensuite elle devra entièrement remanier le système éducatif, extrêmement inégalitaire et inefficace, et enfin elle devra mener le combat contre le sexisme, un grand chantier bien nécessaire au Chili et pour lequel des millions de femmes attendent beaucoup d’elle. Les pauvres attendront. Encore.

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*Aglagla La Russie et l’Europe ont connu une vague de froid particulièrement intense et meurtrière cet hiver (poêle au derrière), avec des températures atteignant -54°C en Russie (en Sibérie, Moscou n’a eu le droit qu’à du -37°C), -30°C en Ukraine, ou encore -26°C en Pologne. Cette vague de froid a fait en tout plus de 1000 morts, dont 789 pour la seule Ukraine entre le 16 janvier et le 7 février (AFP Infos Economiques, 07/02), 68 en Roumanie entre le 1er janvier et le 7 février (ibid) et 233 en Pologne entre octobre 2005 et le 6 février 2006 (AFP Infos Economiques, 06/02). Selon l’édition de Sud Ouest du 30 janvier, à cette date on dénombrait : 140 morts en Russie, 18 en Bulgarie, 13 en Moldavie, 8 en Allemagne, 3 en Turquie et 2 en France. Brrrrrrrrrrrr *Encore et encore C’est au tour de l’Afrique de l’Est d’être menacée de famine. Cette situation, due à la sécheresse, est particulièrement critique au Kenya, mais d’autres pays sont plus ou moins touchés, comme la Somalie, l’Ethiopie, l’Erythrée, la Tanzanie et le Burundi. Selon le Programme alimentaire mondial (Pam) (les citations de cet article, sauf indiqué, sont tirées du Monde, 19/01/06), plus de 5 millions de personnes ont besoin d’aide alimentaire dans ces pays. Selon John Munyes, le ministre kenyan des situations d’urgence, le nombre des personnes menacées de famine pour le seul Kenya est de 4 millions. Et comme de bien entendu, cette menace accentue les tensions ethniques. « Quand se décidera-t-on à reconnaître ouvertement que l’une des principales cause de l’attitude agressive de certaines nations et d’une bonne partie des discordes actuelles entre groupes et nations provient d’une diminution de la capacité productive de leurs terres en même temps que de la pression toujours accrue d’une population toujours grandissante ? » Osborne Fairfield, La planète au pillage. Entre le 14 et le 19 janvier, la police kenyane a dénombré 38 morts et plusieurs dizaines de blessés, « au terme d’une série d’attaques de villages, de vols de bétail et de représailles ». Selon un responsable gouvernemental, « la sécheresse a obligé les Turkana à migrer vers des régions dangereuses dans le nord, près de leurs ennemis qui, apparemment, en ont profité pour les attaquer ». Avant de nous indigner, nous qui sommes gras, nous ferions mieux de nous poser une question. Lesquels d’entre nous seraient prêts à mourir, après avoir vus mourir leurs enfants, plutôt que d’agresser leurs voisins ? *Eau Mali Consternation ! Les privatisations ne seraient-elles pas une fatalité ? Fin novembre, l’Etat malien a décidé de re-nationaliser l’entreprise Energie du Mali, qui appartient depuis 5 ans à la SAUR (filiale de Bouygues), et qui s’occupe de la distribution de l’énergie et de l’eau. Pourquoi revenir à un archaïsme inefficace (le public) alors que l’on dispose déjà de la panacée (le privé) ? Selon Oumar Mariko, éditorialiste à L’essor (les citations de cet article sont tirées d’Alternatives Economiques de décembre) : « avec 15% des maliens connectés à l’électricité et moins de 50% disposant d’un point d’eau potable à proximité de leur domicile, le Mali a besoin d’une politique volontariste que Bouygues n’a même jamais envisagé de mener ». Un autre journaliste, Youssouf Camara de L’indépendant, a été carrément insolent. Il a affirmé que la société serait uniquement « venue se faire les poches ». Comme si les entreprises privées couraient après les bénéfices ! *Attention Le procès ENRON s’est ouvert aux Etats-Unis le lundi 30 janvier. Il est de bonnes raisons d’espérer que pour une fois la délinquance financière va être lourdement punie. C’est une bonne chose, et je ne verserai pas de larmes pour les principaux prévenus. Ce qui me désole, cependant, c’est qu’on risque de faire le procès de quelques hommes plutôt que de faire le procès d’un système, un système dans lequel il existe de très fortes incitations au mensonge et à la fraude. Une fois que l’on aura lynché ces hommes sur la place publique, les ‘affaires’ pourront reprendre en paix puisqu’on aura extirpé les moutons noirs… jusqu’à la prochaine fois. Pour ceux qui sont intéressés par la façon dont un système vicié peut survivre en faisant croire que les vices ne sont pas les siens, mais ceux des hommes qui en font partie, il existe un très bon livre : Et la vertu sauvera le monde… Après la débâcle financière, le salut par ‘l’éthique’ ? de Frédéric Lordon, aux éditions ‘raisons d’agir’. *Otro mundo es posible Il est un événement à caractère mondial dont on a très peu entendu parler cet hiver, c’est le VIe Forum Social Mondial (FSM), la grande réunion des altermondialistes, qui cette année était ‘polycentrique’, ou décentrée, puisqu’il s’est déroulé en deux lieux : Bamako (Mali) et Caracas (Venezuela). Un troisième lieu était initialement prévu, Karachi (Pakistan), mais ce forum a été reporté jusqu’à nouvel ordre, pour cause de séisme.

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Si cet éclatement est un élégant moyen de représenter la diversité qui traverse ce mouvement planétaire, on peut craindre (ou espérer ?) que des rencontres en des lieux qui connaissent des réalités très différentes n’amènent à une spécialisation des divers forums, qui pourraient perdre ainsi leur caractère mondial. Et dans les faits c’est un peu ce qui c’est passé. Les forums devaient à l’origine se dérouler simultanément, les deux qui ont eu lieu ont finalement été décalés pour que certains organisateurs puissent passer de l’un à l’autre. - C’est du 19 au 23 janvier que se déroulait le forum de Bamako au Mali, haut lieu de la contestation en Afrique puisque c’est déjà au Mali que s’est déroulé le premier Forum Social Africain, ainsi que le Forum sur le coton africain de 2004, et que se déroule tout les ans depuis 2002 le Forum des peuples, contre-sommet du G8. Malgré les difficultés (notamment financières) du peuple africain, ce sommet a été un grand succès puisqu’il a réuni plus de 10000 participants et affermi les réseaux de lutte sur le continent, en vue notamment du VIIe FSM qui aura lieu en janvier 2007 à Nairobi, au Kenya. C’est particulièrement (et sans surprise) les sujets de l’immigration et de la confiscation des richesses par les élites dirigeantes qui ont été abordés lors de ce sommet, mais le traitement des femmes a aussi donné lieu à de nombreuses manifestations et de nombreux ateliers. - Le forum de Caracas qui s’est déroulé du 24 au 29 janvier a soulevé de nombreux espoirs, mais aussi de nombreuses interrogations. En effet, dans une Amérique latine qui ‘vire à gauche’ (du centre à l’extrême), le président Hugo Chavez représente le fer de lance du combat anti-capitaliste, et de nombreux altermondialistes citent en exemple sa ‘révolution bolivarienne’. Tandis que d’autres s’inquiètent de la récupération par un pouvoir politique d’un mouvement qui s’est toujours jusqu’à présent placé dans la contestation. Et en l’occurrence, les paradoxes étaient apparents puisqu’alors que le forum avait comme thèmes principaux l’anti-impérialisme et le refus de la militarisation, les militaires ont aidé à son organisation. Ce forum qui a réuni plus de 70000 personnes était ainsi le moyen pour Mr Chavez de présenter sa ‘révolution bolivarienne’, avec notamment la présence sur le campement ‘Parque Vinicio Adames’ d’un de ses supermarchés à bas prix ‘Mercal’ (où les produits de première nécessité sont subventionnés par l’Etat) et sur plusieurs sites des officines de la mission de santé ‘Barrio Adentro’, qui propose gratuitement les services de médecins généralistes, dentistes ou ophtalmologistes, deux initiatives qui sont tout à son honneur. « C’est important que les visiteurs étrangers constatent par eux-mêmes la réalité du ‘processus’ » a expliqué Roberto Fernandez, médecin cubain travaillant au Venezuela depuis 2003 (Politis, 02/02/06). Mr Chavez était vraiment la star de ce forum, puisqu’alors qu’il avait invité d’autres dirigeants d’Amérique du Sud, il a finalement été le seul à s’exprimer. En effet, messieurs Morales et Castro se sont faits excuser, l’un pour cause d’investiture et le deuxième pour cause de maladie (Mr Castro n’a néanmoins pas manqué à tout le monde). Mr Lula, lui, n’a pas tenu à partager la tribune seul avec Chavez, au risque de se froisser avec certains de ses alliés occidentaux (comme, au hasard, les Etats-Unis). Mr Chavez a profité de cette tribune pour former le souhait d’un projet d’action commun à tous les altermondialistes : « Je propose que nous nous accordions sur un plan d’action unitaire, universel, c’est vital pour la planète » (ibid), comme en écho au ‘Manifeste de Porto Alegre’, proposé le 29 Janvier 2005 par quelques acteurs de l’avant garde altermondialiste, et qui regroupe ‘douze propositions pour un autre monde possible’ (consultable notamment dans Manière de voir/Le Monde diplomatique de décembre 2005). Difficile de prévoir ce qui va advenir du mouvement Altermondialiste. *HAMAS(a va pas se passer comme ça) Je n’aurais jamais crû défendre un parti politique religieux fondamentaliste, à plus forte raison si il ne rechigne pas à la violence, mais devant la déferlante de catastrophisme qui a suivi la victoire du Hamas aux élections législatives du 25 janvier en Palestine, je me sens obligé de me faire ‘l’avocat du diable’. Tout d’abord, cette victoire n’est pas étonnante, pour deux raisons principales : - La politique israélienne par rapport à la Palestine : « sa politique d’assassinats ciblés, de mainmise sur les territoires palestiniens, de destruction de maisons palestiniennes et d’étouffement de l’économie palestinienne par la multiplication des blocages et des postes de contrôle » (Jeune Afrique/L’Intelligent, 05/02/06). A ce sujet, le chef du bureau politique du Hamas, Mr Khaled Mechaal, s’est exprimé le 31 janvier dans le quotidien britannique The Guardian : « notre conflit avec vous [les israéliens] n’est pas religieux, mais politique. Nous ne reconnaîtrons jamais à quelque puissance que ce soit le droit de nous voler notre terre et de nous refuser nos droits nationaux. » (Cité par Jeune Afrique…, op. cité). Il a même précisé à cette occasion que « si vous [les israéliens] acceptez le principe d’une trêve à long terme, nous sommes prêts à en négocier les conditions. Le Hamas tend une main pacifique à ceux qui sont vraiment intéressés par une paix fondée sur la justice. » (ibid). Le fait que le Hamas a su faire respecter à ses hommes le dernier cessez-le-feu et que selon Ben Kaspit du journal Maar Iv de Tel-Aviv, « le Hamas n’a plus

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été directement impliqué dans le moindre attentat au cours de l’année écoulée » (Cité par Courrier International, 02/02/06) donne du poids à ces paroles. - Ce sont les religieux en Palestine qui assurent les fonctions du « Welfare state », ce que Bourdieu appelait la ‘main gauche de l’Etat’, c’est à dire la redistribution et l’éducation (j’ignore ce qu’il en est de la médecine). Ensuite, ce n’est pas en refusant de traiter avec les chefs de l’autorité palestinienne démocratiquement élus que l’on pourra désarmer la situation : « Le Hamas a remporté les élections de façon incontestable et [nous devons] respecter la décision du peuple palestinien, même si elle ne nous plaît pas. » (Recep Tayyip Erdogan [premier ministre turc], dans un entretien à Asharq Al-Awsat [quotidien arabe paraissant à Londres], cité dans Jeune Afrique…, op. cité…). De plus, le simple fait que le Hamas se soit présenté à des élections démontre que ce sont les éléments les moins radicaux qui sont actuellement à la tête du mouvement. Refuser a priori d’avoir à faire à eux ne serait pas leur tendre la main, mais faire le jeu des éléments les plus radicaux. « Quant à ceux qui, anticipant les résultats des élections, ont annoncé hâtivement des positions hostiles au mouvement islamiste palestinien, je voudrais leur dire que le rejet de toute discussion avec celui-ci est une erreur pour la simple raison qu’un gouvernement issu des rangs du Hamas sera forcément différent de l’organisation en tant que telle. Car il y a eu entre-temps des élections législatives, dont les résultats ne manqueront pas de transformer la vision et les méthodes du Hamas, ainsi que la manière dont le monde doit aujourd’hui traiter avec lui. Je suis de ceux qui pensent que le Hamas d’aujourd’hui n’a rien à voir avec le Hamas d’hier, parce que la réalité impose désormais à ce mouvement des responsabilités nouvelles. Elle impose aussi à toutes les autres parties concernées de patienter pour voir ce que ce dernier fera. C’est une évidence que la logique politique nous impose. » (ibid) *Caricatures de protestations Difficile de ne pas entendre parler de cette affaire qui a secoué le monde, celle des caricatures de Mahomet. Avant d’aller plus loin je souhaite préciser le fond de ma pensée : la liberté d’expression n’est pas négociable. Cependant c’est rarement les idéaux qui gouvernent le monde, mais bien plutôt les actions. C’est pourquoi il est souvent intéressant de remonter les chaînes de causalités. C’est ce que nous essayerons de faire ici. Cette affaire a commencé l’été dernier, du côté de Copenhague. Un auteur, Kare Bluitgen, cherchait alors un dessinateur pour son livre sur la vie de Mahomet (un ouvrage qui cherchait à construire des liens entre les communautés, ce qui est tout à fait louable). Mais une actualité tendue a dissuadé tous les illustrateurs concernés (citons, entre autre, l’assassinat récent de Théo Van Gogh aux Pays-Bas) de participer à un tel ouvrage. Le tabloïd conservateur Jyllands-Posten se saisit alors de l’affaire et lance un concours de caricature sur le thème « les visages de Mahomet ». Le 30 septembre 2005 ce même Jyllands-Posten publie une série de 12 caricatures qui font suite à cet appel. La plupart des caricatures sont plutôt pauvres (une m’a beaucoup fait rire, j’en ai trouvé une autre très jolie, les autres sont pour la plupart insipides, médiocres ou insultantes), mais a priori, ce n’est pas une grosse faute (sinon de goût). Seulement il faut savoir que ces illustrations interviennent « dans un contexte particulièrement tendu. Le petit royaume nordique est en effet confronté à une inquiétante vague xénophobe, alimentée par la député populiste Pia Kjaersgaard, fondatrice du Parti du peuple danois, qui a recueilli 13% des suffrages aux législatives de février 2005. Authentique Pasionaria du combat anti-immigrés, Kjaersgaard, 54 ans, qui pense que les musulmans sont inassimilables dans la société danoise et ne cache pas son envie de changer de trottoir lorsqu’il lui arrive de croiser un immigré, soutient le gouvernement du premier ministre libéral Anders Fogh Rasmussen. Minoritaire, celui-ci ne peut se passer de son appui au Parlement. Le Danemark a, ces dernières années, considérablement durci sa politique d’immigration et érigé des entraves quasi insurmontables au regroupement familial et à la naturalisation. De surcroît, il participe à la coalition en Irak, où sont toujours ses soldats. La publication des caricatures dans un journal populaire mais réputé proche du premier ministre Rasmussen provoque un tollé sur place. Les représentants de la communauté musulmane manifestent et réclament des excuses officielles. Le gouvernement refuse tout net. Tout comme il refuse, fin octobre, de recevoir une dizaine d’ambassadeurs des pays musulmans. La polémique enfle. L’indignation gagne petit à petit la rue arabe et musulmane. De Rabat à Djakarta, des appels au boycottage des produits danois sont lancés. La colère des bonnes gens, outrés qu’on puisse se moquer du Prophète, est attisés par certains islamistes [nous allons y revenir dans un instant]. Mais elle plonge aussi ses racines dans la conviction, largement partagée – et pas complètement infondée – selon laquelle artistes, éditorialistes et ‘humoristes’ occidentaux se permettent avec l’islam ce qu’ils ne s’autoriseraient jamais avec le judaïsme. On n’insistera jamais assez sur les ravages du sentiment du ‘deux poids, deux mesures’, ancré dans l’opinion musulmane » (Jeune Afrique/L’Intelligent, 05/02/06)

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Voilà pour les défenseurs de la ‘liberté d’expression’ qui se sont drapés dans leur vertu offensée (qui font leur pucelle effarouchée, quoi). Maintenant parlons un peu des religieux qui ont instrumentalisé cette polémique. Je ne peut m’empêcher de penser que ceux qui ont dessiné ces caricatures n’ont rien à se reprocher (si ce n’est leur mauvais goût, droit constitutionnel de la plupart des pays occidentaux, dans lesquels ils résident). Par contre, ceux qui, croyants, se sont servis du nom du prophète pour faire avancer leur agenda politique (même si certains religieux sont de bonne foi), ceux-ci me semblent coupables de blasphème. « On y trouve en vrac les pays du Golfe et l’Egypte, qui ont été les premiers à attiser le feu pour faire croire qu’ils sont plus musulmans que leurs islamistes. Le Pakistan, qui veut donner des gages à ceux qui trouvent le gouvernement plus proche de Bush que d’Allah. La Syrie, pays laïque peu connu pour sa grande piété ni pour ses manifestations de rue, qui a su créer en un instant, à Damas comme au Liban, des cortèges très ‘spontanés’ de ‘croyants meurtris’ qui brûlent des ambassades et des drapeaux à la demande. On y retrouve aussi les Palestiniens et surtout l’Iran, qui en profite pour en rajouter, espérant gagner ainsi des points dans la crise sur le nucléaire. Ou encore le Vatican, qui, par son soutien, défend sa propre chapelle, ou Bush le Pieux et Blair le Tartuffe, qui, pour cause d’Irak, s’indignent de ces caricatures "totalement offensantes pour l’Islam" » (le canard enchaîné, 08/02/06). Par ces citations, de provenances diverses, je ne souhaite pas montrer que je possède la ‘vérité’, mais plutôt que celle-ci est bien plus complexe que l’on ne souhaite nous le faire croire. Pour finir cet article en forme de point d’interrogation (et, je l’espère, en forme de plaidoyer pour la paix), je souhaiterai revenir sur plusieurs questions soulevées par cette affaire, ainsi que sur des commentaires. Tout d’abord, est-ce vraiment pêché (pour ceux qui croient au pêché, bien sûr) de représenter le prophète ? Après tout, il est mortel parmi les mortels (prophète et non messie). Le fait de refuser de le représenter ne pourrait-il pas être considéré comme une forme d’idolâtrie ? Le fait de brûler des drapeaux n’est il pas un manque de respect envers les pays laïcs, pour lesquels la souveraineté nationale est ‘sacrée’ (c’est à dire [ici] au delà de toute autre valeur) ? Les mouvements de violence de groupes musulmans (minoritaires mais bruyants) ne donnent-ils pas raisons aux groupes qui les dénoncent comme étant violents ? Certaines personnes ont argué du fait que les caricatures de certains groupes ou pays musulmans concernant Israël sont plus violentes que celles représentant le prophète. Même (et surtout) si l’on considère que les caricatures sont un mal (ce qui n’est pas mon cas), un mal pour un mal ne donnera jamais un bien (œil pour œil, dent pour dent, le monde finira aveugle et édenté). Il y a de bonnes raisons de passer ces caricatures, celle là n’en est pas une. Enfin, les commentaires, sous forme de médailles. La médaille de merde à Nestlé, qui a lancé une grande campagne de publicité au Proche et Moyen Orient pour expliquer que ses produits ne sont pas danois, mais suisses « Ce lait n’est ni produit du Danemark, ni importé du Danemark. » Quel courage ! Et la médaille d’or pour Nicolas Sarkozy (que, pourtant, je ne porte pas dans mon cœur) qui s’est exclamé, dès le début de la polémique (alors que d’autres restaient confortablement à l’écart), « je préfère des excès de caricatures plutôt que des excès de censure ».

* Le comité de la rédaction de Belba le cave est heureux de faire savoir à ses lecteurs que dans un louable souci de conserver l’indépendance éditoriale de cette revue, il a ouvert ses pages aux annonceurs publicitaires, afin de disposer des fonds nécessaires à l’expansion qui seule saura garantir notre totale liberté de ton. Bienvenue la pub :

Pour rester en forme, moi, je mange la nouvelle formule des céréales Crunchy Snouty tous les matins. Crunchy Snouty, c’est du riz soufflé au bon goût de groin de porc ; un petit déjeuner riche en protéine pour tenir jusqu’à l’heure du déjeuner. Dans la nouvelle formule, le goût ne change pas, c’est l’emballage qui a été repensé. Avec des jolies couleurs vives, pour vous accompagner dans toutes les joies de votre journée, c’est beaucoup mieux ! Alors, don’t worry, be Snouty !

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Interlude sans intérêt… (3) ******************************************************************************************

Mezzo litro Sono ormai tre giorni che rimango a casa . Il caldo soffocante ha fatto sparire gli ultimi corragiosi delle strade. L’estate 2107 è il più caldo degli ultimi dieci anni : nessuna goccia di pioggia da più di sei mesi e la temperatura sale ogni giorno oltre i 50 gradi. Il peggio è da venire, le nuvole di sabbia sono al confine del paese e guadagnano ogni giorno qualche chilometro in più. Le autorità hanno perso il segnale con le città già invase : Bari Nova, Messina Nova e Napoli Nova. Devo scapare, devo salvare la mia testa. Se rimango un altro giorno qua ad aspettare, sarà l’ultimo. Cioè non morirò domani ! Ho preso in casa il cibo fisiologico, 10 pillole per i dieci giorni da venire e acqua, tanta acqua : mezzo litro di acqua pulita. Ho anche la mia tenda di sopravvivenza, una mappa del paese, il mio ComPad e certo, la tutta in Mylar, necessaria per sopravvivere oltre un minuto sotto i due soli che brucciano la terra. I primi passi fuori dai sotterranei dellà città sono una vera prova anche per un romano di nascità. Il pianeta si è riscaldato rispetto a quando ero bambino : non rimane nessuna delle praterie della mia gioventù, gli alberi sono spariti lasciando quella maledetta sabbia invadere le vie e i cortili. Il ComPad è già fuori uso, qualche componente è fuso : non mi avrebbe aiutato ma speravo che Giulia mi desse un’ultima videocom. Incontro altri disperati come me : vanno tutti verso Nord con la loro vita adosso. Il loro sguardo è vuoto, non riflette più la speranza. Speravano che la natura fosse una migliore ospite lontano da Roma Nova ma la vista della pianura carbonizzata oltre la prima ascenzione ha spento la fiamma in loro. Alcuni sono stesi lungo alla strada, hanno ritirato la loro tutta e pregano per una morte soffice e rapida. La rabbia sale nel mio cuore, ho capito che la morte mi inseguisce dall’inizio, dal confine della città. Mi hai teso una trappola, sapevi che avrei dovuto guardarti in faccia. Ma non mi spaventi, tanti uomini hanno perso la vita per colpa tua ma io no, non mi colpirai oggi. La serata comincia : una breve pausa nella sfida che mi hai lanciato. Ho già bevuto la metà dell’acqua, non potrò soppravvivere più di due giorni e la città non è ancora sparita dietro di me : la battaglia è già persa ! Lo sapevo, ho giocato e non si vince ogni volta. Mio padre me l’aveva detto : “Figlio, questo pianeta ha deciso di non ospitare gli uomini. Forse dovrai trovarne un’altro e ricominciare da zero. Terra Nova rimarrà solo una conquista umana ma non sarà mai tanto bella e accogliente quanto lo era Terra. Spero che avrai cura del prossimo pianeta !” Ti ho ascoltato padre, non ho provato a uccidere un altro pianeta ma Terra Nova ha ucciso gli uomini prima che la distruggino : Terra è vendicata !

* « A ce moment, dans la lueur pourpre de la cheminée, la lame d’une épée brilla devant les yeux du buffetier, et Azazello déposa dans une assiette d’or un gros morceau de viande grésillante, qu’il arrosa de jus de citron, et qu’il donna au buffetier avec une fourchette d’or à deux dents. - Humblement… je… - Mais si, mais si, goûtez donc ! Par politesse, le buffetier coupa un petit morceau de viande qu’il mit dans sa bouche et, tout de suite, il dut convenir qu’il n’avait jamais rien mangé d’aussi frais, ni surtout, d’aussi extraordinairement délicieux. Mais, comme il achevait la viande juteuse et odorante, le buffetier faillit s’étrangler et tomber à la renverse une deuxième fois. De la pièce voisine, en effet, venait d’entrer un gros oiseau au plumage sombre dont l’aile frôla sans bruit le crâne chauve du buffetier. L’oiseau se posa sur la tablette de la cheminée, à côté d’une pendule, et on put voir alors que c’était une chouette. " Seigneur, mon Dieu !… pensa Andreï Foitch qui, comme tous les buffetiers, était très nerveux. En voilà une maison !…" » Mikhaïl Boulgakov, Le Maître et Marguerite.

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Mwanzana ya Nzuani _ arnaques, crimes et jus de goyave ******************************************************************************************

Les Comores ce n'est pas encore le bout du monde, loin s'en faut. Quand même, une fois là, on peut se dire qu'on a fait une bonne partie du chemin. Les Comores ce sont quatre petites îles coincées entre Madagascar et la Tanzanie, lovées entre le soleil et la mer, perdues entre la France et l'Afrique. De l'Ouest à l'Est : Grande Comore, Mohéli, Anjouan et Mayotte, ou Ngazidja, Mwali, Nzuani et Maore, avec l'accent.

L'histoire des Comores c'est une histoire que je maîtrise mal car j'en possède peu de clés. Aussi, il ne s'agit ici que de brosser le portrait d'un pays qui ressemble à celui dont je prétends parler. L'histoire des Comores c'est l'histoire d'un rapport de force vu du mauvais coté du flingue. Le même déclin qu'ailleurs avec des déclinaisons uniques. Comme partout, comme nulle part. L'archipel a été peuplé successivement par les Austronésiens d'Asie du Sud Est, les Bantous d'Afrique et les Shiraziens venus de Perse. Les premiers ont apporté l'art de la navigation, les seconds une culture profondément africaine, et les troisièmes l'Islam. Les marchands arabes ont donné à l'archipel son nom : Djouzor Al-Kamar, les îles de la Lune.

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Culturellement et linguistiquement les Comores sont assez proches des régions Swahili (le rivage) en Afrique de l'Est où les peuplades africaines se sont métissées avec des arabes venus faire du commerce dans les mers chaudes. Leur histoire se teinte de légende au XVIème siècle quand les Shiraziens instaurent un système de sultanats et diffusent largement l'Islam, asseyant l'autorité de Dar es Salam, leur centre politique, culturel et religieux. Au carrefour des cultures arabes, africaines, indiennes, l'archipel fait alors pleinement partie de la vie de l'océan indien. Une poignée de chefferies locales se partage et se dispute le pouvoir sur les quatre îles durant toute cette période dite "des sultans batailleurs". Aucun ne parvient cependant à s'imposer de façon décisive et l'archipel est ouvert à tous les vents de la conquête. Les Malgaches, en particulier les Sakalaves du Nord de l'île s'installent même à Mayotte un moment, mais sans réelle volonté de colonisation. A partir de 1750 un scénario se répète de façon régulière. Des pirogues quittent la cote Est de Madagascar, emportant des hommes et des armes. Au fur et à mesure de leur progression vers le Nord, d'autres équipées se joignent à l'expédition jusqu'à former une armée de 20.000 hommes arborant lances et peintures de guerre. Lorsque les pirogues accostent près des villes, la population comorienne se précipite à l'abri des remparts et laisse libre cours à la razzia. Une partie des Malgaches reste pour terrifier les habitants, et l'autre partie sillonne l'arrière pays pour prendre récoltes, bétail et esclaves. Une fois le pays vidé de sa substance, l'armée repart pour quelques années. Le temps pour les Comoriens de se remettre et de faire grandir quelques têtes de bétail. Et puis l'histoire recommence. Les Comoriens étaient parfaitement impuissants devant les razzias malgaches. Cherchant de l'aide de tous cotés, les sultans se sont tournés vers les navires européens et ont monnayé leurs faveurs contre des armes et des munitions. Ils ont même traité avec les nombreux pirates qui sillonnaient la région pour qu'ils les défendent contre le fléau venu de l'île rouge. C'est dans ce contexte que la France, à la recherche d'une tête de pont pour la conquête de Madagascar commence à s'intéresser aux Comores. Elle arme certains sultans, joue des dissensions existantes et étend son influence rapidement. Entre 1820 et 1870 elle achète Mayotte et installe par la menace de ses canons des protectorats sur les trois autres îles. Pour la première fois de leur histoire les quatre îles des Comores sont unies politiquement. L'ère de la colonisation commence, quelques planteurs et distillateurs s'installent, des routes sont tracées entre les centres de production et le port, des enseignants forment la poignée de cadres nécessaires à la bonne marche des îles. La machine à produire est en marche, il ne s'agissait même pas pour la France de faire avancer sa mission civilisatrice. Le poivre, la vanille, le girofle et l'ylang remplacent rapidement les cultures vivrières. Les compagnies coloniales ont toutes libertés : la société Bambao a réussi à avoir des titres de propriété sur 75% des terres d'Anjouan ! Encouragé par le travail forcé, l'absence de reconnaissance et la mise à l'écart de tous les projets de développement, un sentiment anti-français se développe sur les quatre îles. Mais un sentiment plus pernicieux contre les Comores commence à germer à Mayotte, où se trouvait l'ancienne capitale. Le déplacement du centre administratif à Moroni a mis Mayotte à l'écart, et les Mahorais s'estiment laissés pour compte sur l'échiquier politique désormais piloté par la Grande Comore. Alors que s'ébauche la marche vers l'indépendance sur les trois îles, des campagnes profrançaises sont menées à Mayotte, avec parfois un style inimitable. Dans les années 60, des militantes profrançaises avaient monté un collectif de chatouilleuses qui s'attaquait aux dignitaires Grands Comoriens qui se rendaient à Mayotte. Une horde de femmes souriantes entourait le brave homme ravi, puis, tout en lui parlant des problèmes du pays, elles se mettaient à le caresser, puis à le chatouiller, de plus en plus jusqu'à ce que l'homme se torde par terre et suffoque à moitié. Elles le laissaient alors, rouge, suant et débraillé dans la poussière méditer sur l'équité entre les îles. En 1974 a lieu un référendum sur l'indépendance de la population comorienne. Le résultat est sans appel, 94 % de Oui. Non ? Non. Car Mayotte a voté Non à 68%. Le nœud du problème a fini de couler : les Comores exigent l'intégration de Mayotte au nouvel Etat des Comores, la France et Mayotte font leur mine étonnée faisant Non de la tête. Le flou artistique laissé dans les textes définissant le processus de référendum et de décolonisation reste en travers de la gorge des Comoriens des trois îles. En fait, tout le monde est à peu près d'accord sur l'illégalité de la manœuvre qui visait à conserver Mayotte dans le giron français en se débarrassant des trois autres îles. L'ONU approuve chaque année une résolution reconnaissant la légitimité de l'Etat des Comores sur l'île de Mayotte, résolution à laquelle la France oppose chaque année son veto. Mais pourquoi est-il aussi méchant ? Parce qu'il y a des intérêts qui le justifient, indubitablement. Mais les cerner n'est pas toujours facile. A la fin des années 70 le canal de Suez était fermé et les pétroliers devaient

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contourner l'Afrique en passant par le canal du Mozambique. Une base militaire française dans la région apparaissait alors comme une belle option. Mais Suez a rouvert ses portes et l'archipel a perdu de sa position stratégique. L'Afrique de l'Est a représenté pendant un moment un attrait indiscutable. Cette région regorge de richesses naturelles, et mettre un pied dans le secteur, c'est s'assurer un capital de négociation avec le poids lourd de la région : l'Afrique du Sud. Mais la zone a perdu de son sex-appeal et ne suscite plus autant d'enthousiasme que dans le passé. A l'époque des Comores françaises, la capacité des politiciens locaux à assurer plusieurs centaines de milliers de voix à tel ou tel candidat a généré des amitiés (de trente ans). Mais cela a pris fin également. Coté présence physique, la Réunion toute proche couvre déjà un secteur large de l'océan indien, et une seule île, Mayotte en l'occurrence, suffit bien pour garer quelques bateaux. Les Comores ont perdu leur intérêt, elles sont désormais maîtresses de leur destin. Malgré tout, de nombreuses personnes vont continuer de s'intéresser à l'archipel. Ahmed Abdallah, un riche marchand anjouanais (on dit parfois le plus riche de l'océan indien), le père de l'indépendance, a été le premier président de l'Etat des Comores. Il fut déposé par un coup d'état un mois après son accession au pouvoir, et remplacé par Ali Soili, dictateur brutal et visionnaire. Son gouvernement, inspiré du marxisme, visait à faire travailler le peuple comorien, à l'éduquer, et d'une manière générale à le faire chier droit. Trois ans de régime sec plus tard, un commando d'une cinquantaine d'hommes, dirigé par Bob Dénard, mène un coup d'état et réinstalle Ahmed Abdallah au pouvoir. Ali Soili meurt mystérieusement d'une balle dans le dos quelques jours plus tard. Bob Dénard, après des dizaines d'années de coups tordus au Katanga, au Yemen, au Congo, au Biafra, au Gabon et au Bénin semble vouloir s'installer. Il se convertit à l'Islam et prend le nom de Moustapha M'Hadjou (le pèlerin). En tant que commandant des forces de sécurité, il assure la pérennité du régime d'Abdallah, qui au demeurant se débrouille très bien pour diviser l'opposition. Peu à peu le pays s'enfonce alors qu'en face, à Mayotte, l'injection massive d'argent de la métropole propulse l'île d'un siècle à l'autre en quelques années. Ainsi, la France tient à garder un pied sur les îles de la Lune ? Force est de reconnaître que les gouvernements comoriens ont réussi à se ménager une place sur l'échiquier local. En l'occurrence, la place des magouilles et des fripouilles. A l'époque l'apartheid règne en Afrique du Sud est mis au ban des relations internationales. Seule les Comores conservent encore des relations diplomatiques soutenues avec le paria, et sert donc d'intermédiaire à la France en cas de besoin. Mes les Comores c'est aussi un pays musulman : une république fédérale islamique en fait. Au moment où Charles Pasqua doit négocier la libération d'otages détenus au Liban, l'archipel servira d'intermédiaire pour faire transiter des armes à Téhéran. En fait, la machine était déjà bien rodée puisque depuis des années la France et l'Iran échangeaient des armes sud-africaines contre du pétrole via les Comores qui accueillaient les cargos en toute discrétion en fournissant de faux certificats de destination. L'Afrique du Sud est cernée par des pays en proie à la guerre civile (l'Angola et le Mozambique), et elle y contribue directement puisqu'elle finance les guérillas rebelles (RENAMO au Mozambique et UNITA en Angola). Peut-être par goût de la discrétion, c'est à Itsandra, en Grande Comore, qu'est installée une base d'écoute stratégique, avec spécialistes du décodage et tout et tout, avec pour objectif d'intercepter les communications des armées régulières, d'en informer les guérillas, de guider des bombardements, des choses comme ça... En toile de fond, dans ces deux pays, l'intervention de troupes russes et cubaines dans les camps gouvernementaux. Il suffit de regarder une carte pour comprendre pourquoi l'Afrique du Sud ne souhaitait pas que l'Angola et le Mozambique passent du coté des Soviétiques... Par réaction, elle s'est rapprochée des puissances régionales, la France en l'occurrence. Au milieu de tout ça, Bob Dénard trône dans son bureau et reçoit les politiques, les militaires, les diplomates, les négociants en tous genres. Il est devenu une incontournable personne ressource dans la région. Cherchant peut-être à s'émanciper de Paris, le mercenaire recherche et trouve des appuis en Afrique du Sud. En réaction, la France commence à s'irriter de la présence de ce pion désormais trop peu discipliné. Pourtant, l'histoire avance : en 1989, Bob Dénard met en place un nouveau coup d'état au cours duquel Ahmed Abdallah est assassiné. Les dix années de règne du père de l'indépendance s'achèvent brutalement, et la présidence se retrouve occupée par Djohar... le demi-frère d'Ali Soili. Indice de ses nouvelles inclinaisons, Bob Dénard établit son camp de base à Johannesburg. Entre 1990 et 1992 ça va très vite : Djohar est reconnu inapte à gouverner par la cour constitutionnelle et est écarté du pouvoir. Il est remplacé par Ahmed Alidi qui restera deux jours en poste avant d'être arrêté par les amis de Djohar qui reprend son fauteuil. L'opposition est alors incarnée par Taki qui est nommé Premier ministre avant de démissionner le mois suivant. Deux mois plus tard, un coup d'état est déjoué mené par... le fils

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d'Ahmed Abdallah. Certains affirment qu'il s'agissait d'un vrai faux coup d'état destiné à décapiter l'opposition à la veille des élections. Une autre ! Une autre ! D'accord. Dans l'imbroglio comorien, l'axe France-Afrique du Sud-Iran n'est pas seul à la table. Les mouvements musulmans, dans leur dégradé de couleur qui va de modéré à carrément intégristes se structurent de plus en plus. La moitié de l'Afrique est musulmane et un islam qui représente la pureté attire de plus en plus de convertis dans une société qui se désagrège. En fait, les vides des états sont souvent comblés par les religieux. Dans ce contexte, les Comores apparaissent encore une fois comme une tête de pont accueillante pour approcher l'Afrique de l'Est et l'océan indien (bordé par les états arabes, l'Iran, le Pakistan, l'Inde et l'Indonésie). Ainsi, l'Iran , le Soudan et l'Arabie Saoudite se présentent au portillon comorien, proposant la construction d'écoles coraniques, de centres d'études supérieures islamiques, des bourses d'études à Khartoum ou à Téhéran... Les Comoriens, musulmans modérés, ont réussi à jouer au bon élève, au petit frère musulman : à l'occasion d'un Congrès Islamique tenu à Moroni en 1992 les abords de la grande mosquée ont été rafraîchis, des consignes vestimentaires ont été données aux femmes et toutes les bouteilles d'alcool ont subitement disparu des bars des hôtels de la capitale. Et ça marche... Des relations se tissent entre les sphères islamiques et l'archipel. Des groupes de plus en plus fondamentalistes se forment sur les quatre îles : l'influence des djawlah (pieux, intégristes, comme on veut), bien que secondaire, est indiscutable dans les villes comme dans les villages. Ces nouveaux liens avec les puissances du moyen orient, s'ils ne donnent pas forcément de résultats concrets, rappellent au monde que les Comores sont incontournables dans la région, et qu'il faut en garder les faveurs. Message reçu coté français et sud-africain : personne ne veut qu'un islam radical ne s'installe à la table de jeu en Afrique orientale. Tournez manèges. En 1995 Djohar a fait son temps. C'est le moment que choisit Bob Dénard pour réapparaître, renverser Djohar et installer Taki à sa place. Taki, c'est le mauvais cheval : indiscipliné, il ne plait pas à la France qui commence à en avoir assez du chien fou de la République. 1000 commandos français déboulent, enlèvent Bob Dénard et mettent fin au régime de Taki qui aura duré... quatre jours. Djohar reprend les rênes de l'Etat jusqu'aux élections suivantes où Taki sera finalement élu. En 1997, Anjouan et Mohéli expriment leur raz le bol face à ce qu'ils considèrent comme une injustice de la Grande Comore qui garderait pour elle tout l'argent public, le développement des deux autres îles étant laissé de coté. A Anjouan, on croit dur comme fer que, débarrassé du boulet Grand Comorien, des entreprises étrangères viendront s'installer sur l'île et que la France acceptera de la reprendre en son sein. Anjouan et Mohéli font sécession, et Anjouan demande immédiatement son rattachement à la France. La demande est bien entendu rejetée, laissant les Anjouanais dans une profonde déception et une rancune encore mal digérée. La Grande Comore envoie un contingent d'hommes en armes reprendre le contrôle d'Anjouan mais l'opération échoue, stoppée plus par la population que par l'armée régulière. En 1999, le tissu politique se reconstitue sous la forme de trois îles autonomes fédérées dans une Union des Comores, dont le colonel Azali prend bientôt le contrôle suite à un coup d'état. Des violences agitent Mutsamudu, la capitale anjouanaise encore tiraillée entre plusieurs factions rivales. La légitimité du colonel Azali est dénoncée par de nombreux opposants, dont beaucoup seront exilés. Un embargo total est prononcé autour d'Anjouan, sous l'égide de l'OUA et de la France, visant à faire plier les leaders séparatistes. Privée de communications, de médicaments, de carburant, de vivres parfois, Anjouan devient un petit enfer dont des milliers de jeunes essaient de partir. La voie normale pour aller à Mayotte, c'est le kwassa-kwassa : des barques de pêcheurs six places dans lesquelles une vingtaine de personnes, souvent plus, s'embarquent de nuit avec quelques affaires. Les accidents sont fréquents, causant la mort d'une centaine de personnes par an, trois fois plus de disparus.

Après six mois de blocus, le colonel Azali signe avec les leaders de l'insurrection les accords de Fomboni, remaniant la constitution de l'Union des Comores. La paix s'installe, précairement, mais sûrement. Aujourd'hui, c'est le colonel Mohamed Bacar, lui aussi arrivé à la suite d'un coup d'état, qui dirige l'île autonome d'Anjouan. Depuis l'indépendance en 1974 il y a eu en moyenne un coup d'état tous les 18 mois aux Comores. L'économie est au point mort, l'éducation malade, les infrastructures sanitaires désastreuses. Des centaines de kwassa-kwassa quittent les cotes anjouanaises chaque année, vidant le pays de sa jeunesse en quête

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d'un avenir, quel qu'il soit. Trois chiffres pour estimer l'ampleur du phénomène : dix ans après l'instauration des visas obligatoires entre Mayotte et la République Fédérale Islamique des Comores, 40% de la population Mahoraise est constituée d'Anjouanais, 80% des femmes venues accoucher dans les maternités de Mayotte sont des Anjouanaises, 100% des jeunes Anjouanais me disent que leur pays n'a pas d'avenir.

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Mwanzana ya Nzuani, l'ami d'Anjouan Je suis venu à Anjouan il y a un an pour travailler sur un programme hydraulique. Concrètement on fait deux choses : on réalise des chantiers pour améliorer l'accès à l'eau dans les villages (les ressources disponibles dans la pointe sud de l'île baissent jusqu'à 14 litres par jour et par personne à la saison sèche), et on aide à structurer la gestion des infrastructures hydrauliques, la réflexion globale sur la question de l'eau, la politique en matière de gestion de la ressource à l'échelle de l'île. Bien sur l'aide internationale est liée à des relations d'ordre politique, mais le besoin est là, réel, et l'argent de la coopération aide à faire reculer l'ignorance, la maladie et la souffrance. Les textes publiés dans Belba sont des extraits de mails que j'ai pu envoyer depuis que je suis arrivé. L'idée est de donner des nouvelles d'une autre partie du monde, celle où on meurt noyé en allant chercher une autre vie sur l'île d'en face. Celle où les taxis déglingués slaloment entre les vaches qui broutent les ordures dans le centre ville. Celle où des gens, enseignants, politiciens ou chômeurs bataillent en de magnifiques et touchants efforts au milieu des magouilles, des préjugés imbéciles et de la douce anarchie ambiante pour améliorer la situation de leur pays, pour chercher à leurs enfants un avenir ici et non ailleurs.

Y. comme Ylang Ouani, Décembre 2005

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La faim de l’histoire ******************************************************************************************

*Une vision Alternative de l’économie en marche « Les erreurs fondamentales qu’on commet aujourd’hui en analyse économique sont plus souvent dues à un manque d’expérience historique qu’à toute autre lacune de la formation des économistes ». C’est cette citation de Joseph Schumpeter qui ouvre le bal du hors-série n°67 d’Alternatives Economiques : la grande aventure de l’économie. C’est donc pour nous aider à « prendre du recul » par rapport à une science économique de plus en plus « abstraite » et « désincarnée » qu’a été conçu ce hors-série. Un magazine bourré d’informations, d’analyses et de réflexions, qui démontre avec brio que l’économie ne peut être abordée que comme un phénomène profondément historique. Et que nous sommes bien loin de la ‘fin de l’histoire’ Ce magazine est divisé en cinq parties. Tout d’abord un lexique, pour nous familiariser avec les acteurs, les outils et les lieux de l’ « aventure économique », puis un état des lieux de l’histoire économique à travers les grands auteurs, économistes ou historiens (voir les deux), vient ensuite un chapitre ‘comprendre’ qui analyse la nature et l’histoire de l’économie à travers 7 thématiques ou ‘fiches’, suivent les enjeux de l’étude de l’économie à travers l’histoire (comme, par exemple : l’histoire a-t-elle un sens, une direction ?) qui sont présentés principalement à travers des entretiens avec divers intellectuels, et enfin une dernière section ‘bibliographie’, pour permettre à ceux qui sont intéressés de poursuivre seuls leurs recherches. Cette nouvelle livraison d’Alternatives Economiques est intéressante à plus d’un titre, les articles sont extrêmement bien faits (pour donner envie, on y trouve, entre autres : De l’oïkos à la multinationale, Quand le marché était au service de l’Etat, Le pouvoir de l’argent, Le marché n’a jamais été toute l’économie, L’unification des économies-mondes, ou encore La lente histoire du progrès, dont est tirée la quasi-totalité de la chronologie en page 21 [l’échelle des temps astronomiques et géologiques de la page 20 est elle tirée de La Terre, une planète singulière, de Roland Trompette, aux éditions ‘Belin’]) et les entretiens sont éclairants. Ce qui nous intéresse particulièrement ici, cependant, c’est la deuxième partie, l’état des lieux, qui revient sur l’histoire de l’économie. C’est un exercice périlleux auquel se livre l’historien Patrick Verley dans cette deuxième partie. En effet, il résume l’histoire de l’économie, à travers ses grands auteurs, en six pages. Ce serait pure folie que de s’essayer à produire un résumé du résumé. Donc : c’est Aristote qui introduit le premier la notion d’économie (du grec oïkos, la maison, et nomos, la loi, la règle). Mais « l’oïkos fonctionnait selon un objectif non-économique : le bien être du maître, voire celui des autres membres libres de cette communauté. Et le bien être était fondé sur le loisir, nécessaire à toute action bonne et noble ». L’économie ne dépassait pas le cadre du foyer, l’histoire économique n’avait donc pas de raison d’être. Au Moyen-âge, la société « était dominée (…) par une vision hiérarchique d’un ordre voulu par Dieu, aux valeurs et finalités spirituelles, d’autant moins matérielles que la production du savoir et des représentations était le fait des clercs » et les « docteurs scolastiques, comme saint Thomas, n’évoquaient des thèmes économiques que s’ils posaient un problème théologique ou moral », comme la fraude ou l’usure. Il faudra attendre le XVIe siècle et le début du processus de formation des Etats pour que l’économie se dégage des problématiques théologiques et morales, et commence à être appréhendée à travers l’histoire et la politique. En effet, c’est à cette époque que « des intellectuels laïcs mettent au service des princes leur talent de conseiller. Comme Machiavel à Florence, ou Jean Bodin en France ». Ces intellectuels s’occupent tout particulièrement de la puissance des princes, et à travers eux, des Etats. « Aussi, les divers auteurs que l’on regroupe sous le nom de mercantilistes ont concentré leur attention sur la question de l’équilibre de la balance commerciale, pour que le pays n’ait pas à payer l’étranger en métaux précieux, ce qui diminuerait la quantité de monnaie indispensable au fonctionnement de l’Etat et à sa politique d’affirmation par rapport aux monarchies voisines ». Pour étayer leurs théories et servir leurs princes, ils « réunirent une masse de faits économiques et sociaux ». Si l’histoire d’alors n’intègre pas encore les faits économiques, l’économie commence à intégrer l’histoire. Au XVIIIe siècle, le rationalisme gagne du terrain sur les valeurs religieuses, l’Europe occidentale connaît une forte croissance économique et un important développement des échanges internationaux. De plus, le concept d’Etat-nation commence à apparaître, facilitant le désencastrement de l’économie par rapport au politique. « Les travaux des arithméticiens politiques, comme William Petty en Angleterre ou Vauban en France, font (…) apparaître la spécificité des activités économiques en évaluant la production dans un embryon de

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comptabilité nationale ». Puis les physiocrates (ainsi nommés parce que pour eux, seuls les agriculteurs produisent de la richesse, les artisans et les commerçants ne font que la faire circuler) mettent en évidence « le cycle productif qui reproduit le capital –les ‘avances’ (semailles, investissement) dans l’agriculture – et permet ainsi la production de richesse ». A la fin du siècle, « Adam Smith apporte une contribution majeure en réfléchissant sur un fait révolutionnaire : la croissance économique qui a entraîné, au cours du XVIIIe siècle, une hausse des niveaux de vie, surtout sensible en Grande-Bretagne. Le principe organisateur de Smith est la division du travail, qui spécialise chacun dans une tâche qu’il effectue au mieux par la répétition et qui multiplie le recours au mécanisme de coordination optimal, le marché ». Par ailleurs philosophe et moraliste, il est persuadé que les agents économiques en poursuivant leur intérêt personnel, entraînent la croissance économique et le progrès – c’est la fameuse théorie de la ‘main invisible’ qui guide les hommes. « Néanmoins, même si Smith est à l’origine de l’idée de marché autorégulateur et s’il préconise une faible intervention de l’Etat, il consacre une grande part de son ouvrage à sa politique fiscale, douanière et coloniale ». Une génération plus tard, « Ricardo complète l’analyse de la production de Smith, en faisant celle de la répartition ». Comme Adam Smith, bien que son travail soit un pas de plus vers l’abstraction, il reste très ancré dans l’histoire. Fait notable, Ricardo consacre un chapitre de son œuvre aux machines, expliquant que si à court terme elles provoquent un chômage de masse, à long terme elles permettent de réorienter la main d’œuvre vers des secteurs plus productifs – c’est la théorie de la ‘compensation’. « Comme l’inégalité des revenus augmente dans les années 1820-1830 en Grande-Bretagne, avec un chômage croissant, une détérioration des conditions de vies populaires et des tensions sociales accrues, les économistes de la génération suivante, les John Ramsey McCulloch, Robert Torrens ou Nassau William Senior, sont en première ligne pour défendre le capitalisme. Ils développent à satiété la théorie de la compensation. Le raisonnement dissocie la logique de l’économie et ses effets sociaux. Il vise à justifier par une logique atemporelle le capitalisme qui n’est plus une phase historique déterminée, mais devient un fait de ‘nature’, a-historique ». Karl Marx arrive ensuite et ne fait qu’une bouchée de ces « économistes secondaires ». « Il reprend les concepts des classiques, en particulier l’idée que la valeur des produits est celle du travail qu’ils ont incorporé, pour les placer dans une perspective critique et les réencastrer dans le social. Il replace aussi le capitalisme dans son histoire ». Marx démontre « que les phénomènes économiques, même les plus abstraits, comme la monnaie, expriment des rapports de force sociaux dans un processus historique ». L’histoire doit être perçue à travers ces rapports de force et leurs résolutions, qui donnent naissance à de nouveaux rapports de force – c’est le ‘matérialisme dialectique’. A la fin du XIXe siècle, l’économie politique est devenue un champ de bataille idéologique. La ‘Grande dépression’ (1870-1890) exacerbe les tensions sociales et favorise l’expansion du marxisme et du socialisme. « En réaction, les économistes non marxistes développent une construction qui se prétend scientifique et adopte de plus en plus la formalisation mathématique. Ces auteurs, dont le principal est Alfred Marshall, continuent l’œuvre des fondateurs du marginalisme : Stanley Jevons, Carl Menger et Léon Walras. Leur analyse abandonne le concept de valeur travail, qui désormais sent le soufre, et s’ancre dans celui d’utilité, qui paradoxalement, dans une discipline qui se mathématise, ne se prête guère à une mesure quantitative. (…) ces travaux vont conduire à l’affirmation d’une vision dominante profondément a-historique dans le monde des économistes. » Si les économistes boudent de plus en plus l’histoire les historiens, eux, s’intéressent de plus en plus à l’économie. « La tradition marxiste influence en particulier les auteurs de l’école historiste allemande, proches de la social-démocratie, comme Gustav von Schmoller. Pour eux, le fonctionnement de l’économie est spécifique à chaque période historique, indissociable de la société et de la culture. De son côté, Max Weber tente en vain de développer une approche qui serait à la convergence de la sociologie et de l’économie, tout en ancrant sa réflexion dans une étude approfondie de l’histoire économique. Ces auteurs allemands croyaient à une historicité des fonctionnements économiques, ils voulaient donc les expliquer par leur genèse. » Mais deux phénomènes vont, pour un temps, mettre fin à ces tentatives de synthèse. Tout d’abord, « les logiques de professionnalisation dans le cadre des universités » contribuent à séparer l’économie de l’histoire, puis « la défaite allemande de 1918 contribue au recul de ces visons très englobantes. Le champ de la théorie économique sera désormais monopolisé par l’économie anglo-saxonne, mathématisante et a-historique ». Malgré tout, « cette pensée globalisante trouve (…) un prolongement chez les institutionnalistes américains et, en France, chez un historien comme Fernand Braudel ». Si l’analyse de Braudel « n’est que peu pertinente au plan de l’analyse économique », en tant qu’historien il montre que c’est moins les objectifs économiques que les hiérarchies du pouvoir qui sont en jeu dans les sociétés pré-modernes. Malgré l’évolution vers l’abstraction de la science économique, les deux plus grands économistes de l’entre deux guerres « restent encore très ancrés dans une vision historique de l’économie ». Ainsi Keynes, qui appuie sa réflexion sur les dysfonctionnement de l’économie dans les années 1920 et 1930 (et tout particulièrement sur la ‘crise de 29’) apporte « un démenti catégorique à la construction idéologique néoclassique lancée à la recherche de la fin de l’histoire : l’histoire de l’économie n’est qu’une longue suite de déséquilibres et le capitalisme livré à lui-même conduit non pas à l’équilibre général mais à une crise dramatique ». Et

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Schumpeter qui « ancrait sa vision de la dynamique du capitalisme, fondée notamment sur le rôle clé des entrepreneurs, dans une grande culture historique ». Un autre auteur, resté longtemps inconnu (jusque dans les années 1980) perçoit alors l’économie à travers le filtre de l’histoire : Karl Polanyi. Il est « l’un des premiers à formuler explicitement l’hypothèse que, jusqu’à la fin du XVIIIe siècle en Europe, l’économie était restée ‘encastrée’ dans le social, parce que la monnaie et le travail ne faisaient guère l’objet de marchés non-régulés. Selon lui, l’histoire du XIXe siècle est celle du désencastrement de l’économique par rapport au social. Mais très vite, cette libéralisation aurait provoqué de tels désastres sociaux que les Etats auraient peu à peu rétabli des règles et assumé une régulation volontariste : c’est la ‘grande transformation’ qu’observait cet auteur. Il écrivait dans les années 40, dans un contexte où il y avait consensus sur la nécessité de l’action de l’Etat et sur la priorité des objectifs du Welfare State ». C’est notamment à cette époque que sont créées le FMI et la Banque Mondiale (qui se basent à l’époque sur des théories Keynésiennes) ou encore, en France, la sécurité sociale, et il se passera plusieurs décennies avant la contre-attaque idéologique des économistes néoclassiques (libéraux). Cette contre-attaque s’appuiera surtout sur les difficultés économiques qui surviennent dans les années 1970. Surgit alors « sur le devant de la scène une nouvelle génération d’économistes néoclassiques. Continuant les travaux de Milton Friedman, ils lancent, dans les années 70, le combat contre l’action de l’Etat dans l’économie (politiques conjoncturelles, Welfare State). En dehors de résistants en marge, comme l’école française de régulation, ou de champs spécifiques, comme l’économie du développement, avec Amartya Sen (prix 1998 de la Banque centrale de Suède en mémoire d’Alfred Nobel), l’orthodoxie économique a depuis vingt ans totalement isolé le champ de l’économie des autres sciences sociales. La sophistication croissante de l’analyse mathématique mise en œuvre a contribué à nier l’épaisseur des processus historiques. Par un retournement total, cette économie, qui ne se perçoit plus comme imbriquée dans le social, part désormais à sa conquête : Gary Becker, qui a reçu en 1992 le prix d’économie de la Banque centrale de Suède, prétend désormais utiliser l’analyse économique pour expliquer tous les comportements sociaux et psychologiques… » Pour finir cet article, nous reviendrons sur une note plus personnelle, en exprimant deux souhaits : tout d’abord que ce petit aperçu historique donnera l’envie à nos lecteurs de jeter un coup d’œil au magazine dont il est tiré, et ensuite que messieurs Sylvain Allemand et Guillaume Duval (respectivement coordinateur et rédacteur en chef de ce numéro), ainsi que Mr Patrick Verley ne nous tiendrons pas trop rigueur d’avoir massacré leur œuvre. *Souvenons nous La nocivité de l’amiante est connue depuis 1906. Pourtant, l’usage de cette substance n’est interdit en France que depuis 1997 ! Selon le rapport de la mission d’information du Sénat sur l’amiante (www.senat.fr/rap/r05-037-1/r05-0371.html) les pouvoirs publics ont été manipulés, entre autres, par le Comité permanent amiante (CPA), composé d’industriels, de scientifiques, des partenaires sociaux et de représentants du ministère du travail. Combien des scandales de demain se préparent aujourd’hui dans l’ombre ? Le numéro de décembre d’Alternatives Economiques, qui fait part de ce rapport, note une circonstance aggravante : « l’inspection du travail a constaté, en juin et juillet 2005, des anomalies sur 67% des chantiers de désamiantage qu’elle a visités : non-utilisation d’équipements respiratoires, absence de sécurisation des zones de stockage ou encore absence de formation appropriée des ouvriers. » En novembre 1971, Francis Bouygues expliquait, à propos de la main d’œuvre immigrée qui représentait plus de 4/5 de son personnel : « Nous ne pouvons pas la former parce que si nous la formons, nous n’avons pas l’espoir de la conserver. (…) Ces gens là sont venus en France pour gagner de l’argent. Et à partir de là, il leur est égal de travailler douze heures par jour et même seize heures l’été quand ils le peuvent. » ( ?, cité par CQFD du 17/11/05) Le 21 avril 1999, TF1 annonçait : « Entre cent mille et cinq cent mille hommes [albanais] ont été portés disparus. On craint bien sûr qu’ils n’aient été exécutés par les serbes. » (cité par l’Almanach critique des médias, édition ‘les arènes’) Si il est vrai que beaucoup d’albanais sont morts ou furent portés disparus, les chiffres sont carrément fantaisistes puisqu’au total on en dénombra finalement 7000 (42 fois moins). Bien sûr (méfiez vous des gens qui disent bien sûr), comme dans l’affaire d’Outreau (encore une formidable exagération) ou dans ‘l’affaire’ du RER D (une pure affabulation), la ‘vérité’ a été rétablie (en catimini). Mais les résultats de ces campagnes ‘d’information’ (ou devrait-on dire d’incitation à la haine ?) demeurent. Les serbes sont des brutes sanguinaires, les prolétaires des débiles incestueux et pédophiles, et les français à la peau sombre forment des hordes barbares nazies (!?) qui terrorisent la population. Et c’est sur ce réseau ‘d’information’ qu’est censée fonctionner la démocratie !

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En Ma (1 Ma=1,000,000 ans) //////////////////////////////////////////////////////////////// Changement d’échelle//////////////////////////////////////////////////////////////////

Formation du système solaire 4,5 Ga °

BIG-BANG 15 (±5) Ga en Ga (1 Ga=1,000,000,000 ans)

******************************************************** UNE (très) BREVE HISTOIRE DU TEMPS, SELON LES PRIMATES A PROTHESES

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/////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////// plus d’échelle, une chronologie en années \\\\\\\\\\\\\\\\\\\\\\\\\\\\\\\\\\\\\\\\\\\\\\\\\\\\\\\\\\\\\\\\\\\\\\\\\\\\\\\\\\\\\\\\\\\\\\\\\\\\\\\\\\\\\\\\\\\\\\\\\\\\\\\\\\\\\\\\\\\\\\\\\\\\\\\\\\\\\\\\\\\

-400000 : Domestication du feu -9000 : Début de la navigation dans des troncs creusés -8500 : Naissance de l’agriculture -8000 -6000 : Début de l’élevage -7900 : Apparition de la poterie -6500 : Début du tissage -5600 : la métallurgie (cuivre) fait son apparition -4000 : Domestication du cheval ; invention de la comptabilité -3500 : Invention de la roue par les Sumériens -3200 : Naissance de l’écriture en Mésopotamie -2600 : Construction de la pyramide de Chéops -1700 : Le code d’Hammourabi introduit le principe du contrat -800 : Utilisation de la monnaie frappée -300 : Invention de la charrue en bois -200 : Apparition du moulin à eau qui ne se généralisera qu’au Moyen-âge 1104 : Création à Venise de l’Arsenal, chantier naval public pour la construction de galères 1200 : Fabrication de sabliers 1300 : Invention des lunettes 1313 : Apparition du canon en Europe, trois siècles après la découverte de la poudre en Chine 1350 : Naissance des hauts fourneaux pour l’acier dans le nord de l’Europe 1454 : Gutenberg invente l’imprimerie 1460 : Invention du quadrant, qui permet une navigation plus précise 1735 : Mise au point de la transformation de la houille en coke 1804 : La première locomotive à vapeur, la Rocket, roule au Pays de Galles 1810 : Un milliard d’êtres humains sur Terre 1834 : Première faucheuse mécanique aux Etats-Unis 1859 : Exploitation des premiers puits de pétrole aux Etats-Unis 1876 : Graham Bell dépose le brevet du téléphone 1878 : Thomas Edison met au point l’ampoule et construit la première centrale électrique à Manhattan 1897 : Naissance de la radio avec l’invention de la transmission sans fil (TSF) 1909 : Louis Blériot traverse la Manche en avion 1913 : 1000 voitures sortent chaque jour des chaînes de montage Ford ; premières communications radio 1914 : Début de la première guerre mondiale 1918 : Fin de la première guerre mondiale 1928 : Découverte de la pénicilline par le Britannique Fleming 1939 : Début de la deuxième guerre mondiale 1944 : Mise au point du premier calculateur à l’université de Harvard 1945 : Utilisation de la bombe atomique sur Hiroshima et Nagasaki ; fin de la deuxième guerre mondiale ; Organisation des Nations-Unies 1954 : Premières centrales nucléaires civiles au Royaume-Uni et en URSS 1957 : Premier satellite artificiel soviétique, Spoutnik 1, tournant autour de la Terre 1961 : Premier homme dans l’espace, Youri Gagarine, à bord de Vostok 1 1969 : Neil Amstrong et Edwin Aldrin marchent sur la Lune 1973 : Premier téléphone portable 1983 : Naissance d’internet 1996 : Naissance de Dolly, premier clone de mammifère 2000 : 6 milliards d’êtres humains sur Terre 2005 : Les poulets mutants terrorisent la planète

/////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////// and the beat goes on, the beat goes on… \\\\\\\\\\\\\\\\\\\\\\\\\\\\\\\\\\\\\\\\\\\\\\\\\\\\\\\\\\\\\\\\\\\\\\\\\\\\\\\\\\\\\\\\\\\\\\\\\\\\\\\\\\\\\\\\\\\\\\\\\\\\\\\\\\\\\\\\\\\\\\\\\\\\\\\\\\\\\\\\\\\

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rAdio Toulouse _ les faits d’hiver, fin ******************************************************************************************

FRANCE : *Work in progress « Plus de la moitié du plan sécuritaire de Le Pen déjà cannibalisé par la droite », c’est le titre d’un article particulièrement long et édifiant de Christophe Nobili paru dans le canard enchaîné du 14 décembre. Où l’on apprend que sur les 30 propositions du programme « Justice et police » présenté en 2002 par le FN, 16 ont déjà été mises en œuvre par… le gouvernement UMP. On a donc : - « Conforter la famille comme lieu de prévention de la délinquance » (« possibilité de mettre en cause la responsabilité des parents ») - « Organiser l’inversion des flux migratoires (…) pour réduire l’insécurité » - « Expulser les délinquants étrangers » - « Augmenter les moyens matériels de la police » - « Améliorer la rémunération des policiers et des gendarmes » - « Accorder à la police et à la gendarmerie soutien et considération (les campagnes de dénigrement feront systématiquement l’objet de poursuites) » - « Unifier et renforcer les services de police » - « Développer les contrôles fiscaux et douaniers (…) en vue de réprimer le trafic de drogue et de démanteler le caïdat dans les banlieues. » - « Sanctionner les manifestations publiques d’incitation à la débauche et à la violence » - « Rétablir les juges de paix (une juridiction proche des justiciables pour les litiges de la vie courante) » - « Réhabiliter la notion de peines promptes, certaines et incompressibles. » - « Réduire les délais des procédures de justice (…), limiter l’instruction à des faits patents. » - « Organiser une coopération étroite entre police et justice. » - « Rééchelonner la hiérarchie des peines (…), possibilité de sanctionner et d’emprisonner les mineurs. » - « Faciliter les contrôles d’identité. » - « Construire 13000 nouvelles places de prison. » D’accord, certaines de ces propositions semblent anodines, voir même découlant du simple bon sens. Tout d’abord, le ‘bon sens’ n’a, à mon avis, pas grand chose à faire dans la législation et peut même être très dangereux, ensuite aucune de ces mesures n’est vraiment anodine. Si vous voulez une explication de texte, je vous recommande très vivement d’aller dans une médiathèque pour consulter l’article de Mr Nobili, qui passe ces mesures au crible une par une. Et, au fait, merci qui ? Mr Sarkozy est la première personne qui vienne à l’esprit quand on cherche à comprendre la dérive sécuritaire de la France. Véritablement, il en est le principal instigateur, mais n’oublions pas le poète-pouet du gouvernement dans nos prières. Non seulement Mr Villepin n’a absolument pas cherché à infléchir cette politique lorsqu’il était au ministère de l’Intérieur mais en plus, en tant que premier ministre, il a une responsabilité directe dans l’orientation des mesures prises par son gouvernement (même prises par son chien fou). *Work in progress (2) Mr Villepin continue à démonter allègrement le Code du travail (voir Les feuilles d’automne, Emploi, dans Belba… n°1). On se rappelle peut être avec quel aplomb celui-ci avait déjà imposé son contrat nouvelle embauche (CNE) l’été dernier. En assurant bien que ce contrat, limité aux entreprises de moins de 20 salariés, était un coup de pouce aux petites entreprises, et pas une première trouée dans le ‘Code’. A voir les autres ordonnances pour l’emploi de la même période, certains, tel que Jacques Freyssinet (chroniqueur à Alternatives Economiques), en doutaient. Plus de doutes à avoir, le fait est confirmé. Le contrat nouvelle embauche (CPE), qui s’adresse aux jeunes, élargit le champ des publics concernés par des contrats ‘spéciaux’ (spécieux ?). Plus de doute à avoir non plus

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sur les capacités de ‘dialogue’ du premier ministre. Il s’est servi de toutes les fourberies à sa disposition pour éviter d’être contré (vote de nuit et utilisation de l’article 49-3 de la constitution, concernant les ordonnances). A propos de ces contrats, on peut se demander avec Jean-Christophe Le Duigou (CGT) si le terme est bien choisit : « Ni le CPE ni le CNE ne sont des contrats au sens juridique du terme car un contrat doit stipuler des causes de résiliation. Or celles-ci sont à la discrétion de l’employeur. » (le canard enchaîné, 15/02/06). Et l’on peut douter qu’après avoir assujetti autant de public aux vertus de la flexibilité, Mr Villepin ne résiste à la tentation de faire tomber les dernières barrières : « Villepin concocte-t-il un contrat unique qui ferait exploser l’actuel contrat à durée indéterminée ? La semaine dernière encore, l’UMP pariait pour ce troisième étage de la fusée Galouzeau. (…) Villepin, en privé, ne cachait pas que telle était son intention » (Alain Guédé, le canard enchaïné, 15/02/06) *L’Alsace fait-elle encore partie de l’Allemagne (nazie) ? On peut au moins lui reconnaître cela, Michel Habig, maire UMP de la ville d’Ensisheim en Alsace, ne manque pas de gusto. Il était indisposé par 14 caravanes appartenant à des roumains et des croates qui squattaient un terrain municipal. Il s’est donc rendu sur place, accompagné d’agents municipaux et de gendarmes, afin de s’expliquer. Constatant l’absence des squatters, il a décidé de prendre les choses en mains. Il a donc ordonné de mettre directement le feu à l’ensemble des dites caravanes. Interrogé sur son geste, le pauvre homme s’est écrié : « écoutez, je ne voie pas où est le problème ». En effet, « c’était un bidonville », un tas « d’immondices », il fallait donc « prendre des mesures imposées par les circonstances »… C’est vrai à la fin, y en a marre des gens qui ne respectent pas la loi ! Mais au fait, était-ce légal de procéder à cette destruction ? Euh… non. Et la loi qui impose aux communes de plus de 5000 habitants d’aménager des aires de voyage est-elle respectée à Ensisheim ? Euh… non plus. Mais les gendarmes font leur travail, ils suivent les ordres. Le chien aboie, la caravane flambe… *Pschitt, quand les affaires font pschitt, tout avec elles fait pschitt, et c’est la France qui s’indigne Après 12 ans d’instruction va enfin s’ouvrir le très attendu procès dit des HLM de Paris. En effet, en 1994, le juge Halphen mettait à jour successivement des fausses factures concernant des HLM de Paris, puis des Hauts-de-Seine et enfin des lycées d’Ile de France, dont on soupçonne qu’elles ont servi à financer le RPR… Mais d’ailleurs, où est-il aujourd’hui le juge Halphen, qui avait révélé le dossier ? Il a démissionné après qu’on l’ait empêché de perquisitionner le domicile de Jean Tiberi en 1996 et de citer Jacques Chirac à la barre en tant que témoin en 2001. En fait, c’est tout les héros de cette saga judiciaire qui manquent aujourd’hui à l’appel, puisque messieurs Tiberi et Chirac ne sont plus inquiétés (sur 49 prévenus, aucun homme politique !). C’est donc « un dossier en lambeaux qui atterrit au tribunal après douze ans d’instruction » (le canard enchaîné, 25/01/06). Tolérance pour les zéros ? *L’histoire sans faim Des nouvelles de la loi du 23 février 2005, sur « le rôle positif de la présence française outre-mer ». Elle a finalement été enterrée par décret présidentiel le 26 janvier 2006. Pour couper court à la polémique soulevée par celle-ci, le président a décidé que le 10 mai serait dorénavant un Jour du souvenir pour les descendants d’esclaves en métropole. Mais cette affaire, qui se termine en queue de poisson, a fait des dégâts collatéraux inattendus. Ainsi un historien universitaire, Mr Olivier Pétré-Grenouilleau, s’est vu poursuivi en justice par le Collectif des Antillais, Guyanais et Réunionnais pour : « falsification ou dénaturation de faits historiques ». Son crime ? « Cet historien n’a évidemment pas nié l’esclavage, dont il décrit longuement l’ampleur, les ramifications, les turpitudes et les monstruosités. Il s’est contenté d’observer dans une interview au Journal du dimanche’ : "La traite n’avait pas pour but d’exterminer un peuple (…). L’esclave était un bien qui avait une valeur marchande, qu’on voulait faire travailler le plus possible (on mesure le degré de dénaturation de l’histoire !). Le génocide juif et la traite négrière sont des processus différents". Seul ennui : votée à l’unanimité en 2001, la loi Taubira déclare l’esclavage et la traite "crimes contre l’humanité". En correctionnelle, Grenouilleau ! » Et si au lieu de faire des décrets, des lois et des poursuites (beaucoup de vent), on essayai de respirer doucement en comptant jusqu’à dix. Si on évite de trop se disperser on arrivera peut être à travailler pour faire disparaître l’esclavage ici et maintenant.

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*Su-sucre ? « La monnaie de Paris a encaissé 6.45 millions d’Euros en contrepartie des Légions d’honneur, Ordre national du mérite et médailles du Travail distribués aux Français en 2005 » (le canard enchaîné, 25/01, d’après VSD). Sachant que ces médailles coûtent entre 100 et 600 euros pièce, on peut réaliser à quel point la ‘Nation reconnaissante’ a été généreuse avec ces « hochets avec lesquels on mène les hommes » (Napoléon). Assis ! Couché ! Donne la patte… CULTURE * No-ël, No-ël, mon poing dans ta gamelle… Enfin une pensée sensée en plein cœur du « mois de la gabegie ». La couverture du journal La Décroissance militait en décembre pour « moins de cadeaux, plus de fraternité ». A bien y réfléchir, un problème se pose néanmoins : cette solution qui pourrait faire des merveilles en terme de ‘lien social’ serait un coup dur pour la croissance. Soyons donc raisonnables, il n’y a qu’une chose à souhaiter pour Noël prochain : plus de cadeaux, moins de fraternité ! *Ami pauvre et/ou inculte, Tu t’intéresses à l’expression séquentio-narrative à images successives avec des petites bulles pour mettre les textes (BD), mais depuis que tu as chié sur les petits fours, tu n’est plus invité dans les cocktails mondains ? Réjouis toi ! Car c’est tout spécialement à toi (et à son compte en banque) que pensait Larcenet quand il a créé MINIMAL dans les pages de Fluide Glacial. MINIMAL, c’était un journal dans le journal, pour faire découvrir aux zimzins de ton espèces (zimbéciles zindigents) la fine fleur de l’avant garde de l’art de l’expression plastique séquentielle. Et aujourd’hui, tout les numéros de MINIMAL paraissent dans une jolie reliure brochée (MINIMAL, édition Fluide Glacial, 11.50€), histoire de faire découvrir au monde entier qu’il n’est pas besoin de Fluide Glacial pour s’instruire. L’amour, la mort, le nazisme et la psychanalyse ne sont que quelques uns des sujets tournés en ridicule par cette… chose (bien qu’étrangement ne figure aucune aventure d’un néo-nazi lacanien nécrophile). Alors précipites-toi chez un mauvais libraire avant qu’il n’y en ait plus ! (c’est de la merde qui ne se vend pas, elle va bientôt finir au pilon) Sinon, petite précision pour ceux qui auraient raté le coche, l’avant dernière œuvre de Larcenet (ou peut être l’avant avant dernière, allez savoir, ce cave bâcle une demi-douzaine de BD par ans, pour payer le crack de sa môman), Le guide de la survie en entreprise est encore disponible, aux éditions ‘Fluide Glacial’. *Sortie du dernier Maurice et Patapon de Charb

ça rafraîchit *Angoulême Le 33e Festival de la BD de la ville d’Angoulême a eu lieu du 26 au 29 janvier, et le grand prix de la ville a été remis à Lewis Trondheim. Si vous lisez des bandes dessinées il y a de grandes chances que vous connaissiez Trondheim. Co-fondateur en 1990 des éditions ‘l’Association’ (pas vraiment spécialisées dans les BD francobelges ou la violence gratuite), Lewis Trondheim a réalisé, seul ou en équipe, une pléthore d’ouvrages. Entre beaucoup d’autres, on peut citer : ces collaborations dans le cadre de l’excellente série Donjon, aux éditions ‘Delcourt’ ; La mouche ; éd. ‘Seuil’ ; Approximativement, éd. ‘Cornélius’ ; son plus grand succès commercial, la saga : Les formidables aventures de Lapinot et son dernier livre, en collaboration avec Ville Ranta, Célébritiz aux éd. ‘Poisson Pilote’ ; ou encore ses petites fables un peu décalées, Les ineffables et Genèses Apocalyptiques (un de mes favoris), aux éditions ‘L’Association’. * Dassault veut son nounours Serge Dassault a fait savoir début décembre qu’il cherchait un dessinateur « gentil » pour le Figaro, afin de remplacer Jacques Faizant qui part à la retraite (le canard enchaîné du 07/12/05). Si on ajoute à cela la déclaration du même Serge Dassault qui affirmait le 10 décembre 2004 sur France Inter que ses « journaux doivent diffuser des idées saines », on pourrait avoir l’impression que notre marchand de canons national a besoin d’amour pour ses vieux jours. Pas du tout ! C’est du comique de situation. Pour mieux comprendre la plaisanterie il faut avoir à l’esprit la phrase de Beaumarchais qui a été instituée en motto par le Figaro (tout les jours en dessous du titre) : « sans la liberté de blâmer, il n’y a pas d’éloge flatteur ». *Le soleil continue de se lever Arundhati Roy, Amartya Sen, Vandana Shiva ; que l’on ne s’y trompe pas, la sagesse de l’Inde n’est pas qu’ancestrale.

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Interlude sans intérêt… (4) ******************************************************************************************

Braindead and Happy « I think I’ll go for a J.D and coke, it’ s hangover cure day after all… Why should I change a winning team ?? » It was a normal Sunday as any normal week went. Think of living that, one week, then the next, and then the third. The thought of the mechanical succession of day following day, week following week, one of the thing that makes your heart palpitates with a real approach of restlessness. The terrible bondage of this tick-tack of time, this twitching of the hands of the clock, this eternal repetition of hours and day. Still as trivial as it is there is nothing to change the routine, or maybe there is… You end up there in this fucking pub you have never set a foot in. Yet everything appears so bloody familiar your sarcastic side can not help you and you twist your mouth in a sadistic leer. Well ? That was exactly what happened to her that particular Sunday evening. Just because she was with Marie, she could smell there was something rotten in the air of the night but at least it would be different. Yep, indeed different what was she was looking for after all ! She arrived there and sat on one of those corner coach half talking to her friend , half watching an American football match – not that she understood anything that she saw on the little screen in the corner, mind you !- . She just felt as if she was still lying down on her sofa at home wearing pyj and watching shite. A first insight of what was waiting for her began to gave way when she noticed Vernon bringing back 20 empty pints to the guy behind the bar. What was he doing here ? She had met him when she was still living abroad. Poor thing ! The guy had no friend but didn’t even know it… That was probably the most pathetic part of it all. He had been sick as a child and was limping with his left leg. Sure, it wasn’t his fault but it added a picturesque quality to his character. So he was there chatting away to whoever would lend him a minute of their time, to whoever was too nice to tell him to piss off. And for godsake, she didn’t want to meet his eyes because she perfectly knew she was part of those cowardly people. « I might as well get another round while we are at it ? » A half perceptible mumble to her partner in crime. Ready, steady, go, just a little bit of courage and she was standing behind the sticky counter. A second little surprise was waiting for her there as if she needed anything else to spice up the bloody disaster she already got coming to her. They were there in the other part of the room . The nicest one of them was even engaged in a conversation with Vernon, and judging from his forced smile trying to escape. She foresaw the behaviour of Marie if she became aware of their presence. Hey, she wasn’t her after all and neither could she control her. Yet, she kind of felt responsible of Marie’s attitude everytime she was out with her, she was cringing already. Fags, lager smell and rock music… Fuck everything was perfect for the twists and turns of her jelly like brain, cringe, cringe , cringe. She felt a hand on her right shoulder, slightly turned back to its owner ; Did she meet him on that night in Brady’s ? Was he one of those prick playing darts ? Nope, he introduced himself as Boris in a self-confident way that just cried out loud FUCKING SOBER MAN ! Anyway, she told him her name when he asked and Marie’s one when he pointed to her at the table. She went down to the toilet and when she came back up Boris was there at their table in a big conversation with Marie, sex was the topic as she dreaded…. Everything was a blur in her head by that time, it was like the whole conversation was retranscribed into it syllables by syllables : Marie to Boris « So you must have been in Brady’s the night I fucked with your Irish mate if you know my name !!! » Boris to Marie « Nope, your friend just told me your name while I was waiting at the counter…The Irish guy is a dick head anyway… » Marie to Boris « Well that night he wanted to shag her, but as she didn’t want to, well he came to me instead. Don’t care, used to it anyway. » Boris to Marie « I’d rather end up with her too but hep, if she doesn’t want to I’ll do the same. Well I mean I wouldn’t mind fucking you instead. »

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CRINGE, CRINGE, CRINGE. Back to a sort of fœtal posture on her corner sofa. It was as if she was in a parallel world, a sort of X-Files in the middle of a an Irish pub, everything in her surrounding felt kind of paranormal . The only thing to bring her back to reality was the draft coming from the door. They were sitting next to the entrance and it was freezing cold as people went in and out. « There is a free table at the back, we should make a move. » So they did. That was a good idea except she wouldn’t be able to avoid Vernon for much longer. She would have to go to the toilet at some point, she was only human after all. So she did . « Oy, Oy, Oy, fock !!!! I tell you man I used to be in university with her back at home. Was bestfriend with her boyfriend. A good lad, I tell you. Good to focking see you !!! » . Vernon shouted this as if he wanted all the pub to share it with him, slapping her hard on the back . The guy who was with him realized it was probably the best occasion he had to escape and just mumbled a « nice to meet you, people at table waiting for me, have to leave, see you. » and he was gone. She came back to her table with the limping monster and she knew she would feel his breath behind her till she went home, H-O-M-E, maybe she could use a flying bicycle to do so… After all, everything was so fucked up. Her cheeks were turning into little red spot. By now, she was smiling , alcohol probably added to the absurdity of the situation. Vernon was introducing her to anybody that passed by. Boris was asking her what her pyjamas looked like. Weird, she must have talked about it at some point in the conversation…And it kind of disgusted her because she could read in his eyes he was already imagining her in some pink tracksuit with tiny rabbits on it. Worst of all, he was probably enjoying this vision. Marie was now talking about sex with a new victim, a poor english lad that just happened to recognize her from somewhere, Marie clung to him, half laughing, half crying. Marie was very close to the point where a puky feeling was going to invade her small body and she began to talk about the boy that broke her heart. Never a good sign. On n’on. It wasn’t such a bad evening after all, the tick-tack of time had stopped for a few hours, somewhere at the back of a smelly pub, till the last round of drinks… Back to Monday. H

* « Anyway, it was a true San Remo exit.’ Zooey took down his foot from the window seat. He turned around, looking both tense and agitated, and pulled out the straight chair at his mother’s writing table and sat down. He relit his cigar, then hunched forward, restively, both arms on the cherrywood surface. An object his mother used as a paper weight stood beside the inkwell : a small glass sphere, on a black plastic pedestal, containing a snowman wearing a stovepipe hat. Zooey picked it up, gave it a shake, and sat apparently watching the snowflakes swirl. Franny, looking at him, now had a hand visored over her eyes. Zooey was sitting in the main shaft of sunlight in the room. She might have altered her position on the couch, if she meant to go on looking at him, but that would have disturbed Bloomberg, in her lap, who appeared to be asleep. ‘Do you really have an ulcer ?’ she asked suddenly. ‘Mother said you have an ulcer.’ ‘Yes, I have an ulcer, for Chrissake. This is Kaliyuga, buddy, the Iron Age. Anybody over sixteen without an ulcer’s a goddam spy.’ He gave the snowman another, more vigorous shake. ‘The funny part is,’ he said, ‘I like Hess. » J.D. Salinger, Franny and Zooey

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Mwanzana ya Nzuani _ histoire d’eau ******************************************************************************

“ Hé, mon pote, t’as pas vingt litres ? ”

Le seul moyen de prendre réellement la dimension de la question de l'eau reste de faire la cruelle expérience de son absence. J'ai essayé et même pour un court moment, ça craint. En fait, l'expérience vaut d'être tentée. La première phase consiste, pendant une semaine, à remplir chaque matin un seau de quinze litres1 et de n'utiliser que ça pour boire, faire la cuisine et la lessive, se laver et utiliser les toilettes. C'est pénible et ça pue, mais ce n'est pas grand chose encore. Personne ne vit sans eau. Derrière cette banalité affligeante se cache un fait très simple : s'il n'y a pas d'eau, il n'y a pas de population, donc il n'y a pas de soif. Concrètement, peu de gens souffrent de la soif, ou alors ils disparaissent rapidement. Les hommes mettront toujours tout en œuvre pour étancher leur soif, même si c'est au dépend de tout le reste. Parfois cela consiste à marcher huit heures par jour avec vingt litres sur la tête la moitié du chemin (souvent la moitié qui monte d'ailleurs). Parfois ça implique de sacrifier une énorme partie du budget familial pour louer un moyen de transport. Tout ce temps, cette énergie, cet argent, c'est autant de moyens en moins qui sont disponibles pour améliorer la situation. C'est autant d'années d'écoles de perdues, de terres non cultivées, de possibilité d'acquérir un moyen de production qui s'évanouissent. Le manque d'argent au quotidien, entre autres écueils, c'est une nourriture pauvre, un habitat insalubre et la manque de médicament. En somme : les causes du problème sans l'espoir de la solution. Encore une fois, la seule façon de comprendre l'absence de soin, c'est de passer par là. Se retrouver seul au milieu de la nuit avec un mal de tête pas possible et pas d'aspirine est un bon début. Une fois l'eau de boisson descendue, il ne reste plus forcément grand-chose. La distance au point d'eau, le courage des gens et les besoins ressentis se balancent alors. Retournera, retournera pas ? Il vient toujours un moment où la corvée est trop pénible, alors sont sacrifiés, au choix, la lessive, la toilette, l'assainissement du foyer, le bétail, le jardin... 1

Dans le Nyumakele, la pointe sud de l'île d'Anjouan, les ressources disponibles diminuent jusqu'à 14 litres par jour et par personne durant la saison sèche. A ce chiffre moyen il faut soustraire les pertes dues aux fuites du réseau et les gaspillages de certaines villages qui souffrent moins de la pénurie. L'ONG Action Contre la Faim évalue à 25 litres par jour le minimum sanitaire pour chaque individu dans des camps de réfugiés.

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Pas assez de lessive, de toilette ou d'assainissement, en particulier dans les régions chaudes, ça signifie directement plus de maladies. Les enfants qui vivent dans un environnement insalubre et qui ne se lavent pas suffisamment bien attrapent des maladies de peau comme la gale2. Ils sont infestés de parasites comme des puces-chique qui pondent sous la peau et provoquent des infections ou des déformation des membres. La maladie, surtout sans les médicaments, c'est la pire des choses. Pas de bétail ou de jardin, c'est la faim. La faim c'est un peu comme la maladie sur l'échelle des trucs nuls, c'est à dire très très nul. Une autre expérience intéressante consiste à mettre une eau dégueulasse (type vaseuse) dans le seau de quinze litres chaque matin. Boire une eau qui n'est pas potable, ça rend malade dans une gamme qui va de la simple diarrhée sans conséquence à l'infection par des vers du foie qui tuent plus ou moins vite, en passant par tout une série de saloperies diverses comme des vers intestinaux, des amibes, la fièvre typhoïde ou parfois le choléra si l'environnement sanitaire s'y prête. Boire une eau non potable, c'est des douleurs en plus et des jours de travail en moins pour les adultes, mais c'est souvent la mort pour les enfants en bas âge. C'est vrai que les peuples sous-développés (traditionnels, arriérés, préservés, le lecteur casera là le qualificatif qui colle le mieux à sa sensibilité) ont souvent une relation à la mort des enfants beaucoup plus pragmatique que les Européens. Il n'empêche que s'ils avaient le choix ils préféreraient voir leurs enfants grandir en bonne santé.

Quelques chiffres 1.100.000.000 personnes n’ont pas accès à une eau potable 2.200.000 personnes meurent chaque année à cause de maladies liées à l’eau, principalement des enfants. 2.600.000 personnes n’ont pas accès à un assainissement correct Le nombre de décès d’enfants de moins de cinq ans (6.000 par jour) correspond à 20 crash de jumbo jets par jour, ou deux World Trade Center.

Pour ceux qui n'ont pas la curiosité de tenter l'expérience, je donne quelques observations. Face à une eau contaminée, qui plus est en quantité limitée, on se retrouve un peu con. Si elle est vraiment verte ou marron on se dit que c'est bien de commencer par la filtrer, par exemple avec un tissus. Mais rapidement il devient difficile de disposer d'un tissus propre quand il n'y a que de l'eau sale pour faire la lessive (et encore pas beaucoup). On peut ensuite essayer de faire bouillir l'eau destinée à la boisson, mais pour qu'elle soit désinfectée de manière certaine il faut patienter dix à quinze minutes. L'eau alors dégazée a un goût (ou plutôt une absence de goût) plutôt pas bon. On peut autrement mettre une goutte d'eau de Javel par litre d'eau à traiter, mais ça aussi, c'est pas toujours très bon, voire carrément infect quand on se rate sur le dosage. En amont de tous ces artifices destinés à préserver l'équilibre de nos intestins, il y a la reconnaissance du problème (le fait que l'eau véhicule des maladies n'est pas du tout évident pour tout le monde), la connaissance des bonnes pratiques de l'hygiène, la maîtrise de techniques de base pour traiter l'eau à la maison, la capacité à se procurer du bois ou de l'eau de javel... Bref, tout une série de choses qui ne sont pas du vraiment simples si on n'est pas allé à l'école parce qu'il faut aller au puits d'abord, s'il n'y a plus d'arbre parce qu'on les a tous 2

La gale est une maladie causée par un parasite appelé sarcopte qui creuse des tunnels dans la couche superficielle de la peau en pondant des œufs au cours du chemin. La salive du sarcopte provoque des démangeaisons, ce qui pousse le sujet à se gratter, parfois jusqu’au sang, provoquant des infections.

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coupés pour faire des champs de café ou de manioc improductif, s'il n'y a pas de javel disponible ou sinon trop cher, ou périmée... Si les conséquences de la boisson d'une eau non potable sont souvent beaucoup plus spectaculaires que le manque d'eau tout court (en général un sprint vers les toilettes toutes les dix minutes), ce n’est pas forcément le traitement de l’eau qui apporte les améliorations les plus significatives en matière de santé. En tout premier vient la mise en place de latrines et d’un système d’assainissement. Le spectacle de hordes d'enfants déambulant dans un village en se soulageant indifféremment à gauche, à droite ou au milieu de la rue peut paraître incongru, il n'empêche qu'il est fréquent dans certaines partie du monde, et que cela génère des maladies à répétition. En toute logique, si les eaux véhiculent des pathogènes, c'est souvent parce qu'on les a mis là avant. En effet, les micro-organismes qui séjournent dans les intestins humains fonctionnent généralement selon un cycle simple : ils pénètrent dans l'hôte par la bouche (via une eau vaseuse par exemple), se reproduisent dans son système digestif, le poussent à aller se vider dix fois par heure en disséminant des souches dont certaines vont se retrouver dans une mare ou une rivière... avant d'être ingérées par un autre organisme d'accueil, et ainsi de suite pour les siècles des siècles. En seconde position vient la quantité d’eau disponible, nécessaire à la toilette. L’éducation à l’hygiène vient en troisième place : se laver les mains avec du savon en quittant les sanitaires et avant de toucher la nourriture peut diminuer de 40% l’apparition des maladies diarrhéiques. Ensuite seulement, vient l’eau potable. Voila, en gros, ce qu'il se passe quotidiennement dans une grosse moitié du monde. Sans porter des seaux sur la tête jusqu'en Afrique, sans se mettre à la place de tous ces enfants qui passent de la position accroupie à la position allongée, sans donner plein de sous à des gens que vous ne connaissez pas, vous pouvez faire un geste simple, gratuit, sympa : lavez vous les mains en sortant des toilettes avant de serrer la main de mes potes.

Y. comme Ylang Ouani, Décembre 2005

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Pressé ******************************************************************************************

* Tout les hommes sont égaux, mais certains plus que d’autres Parmi les événements qui ont marqué l’automne 2005, beaucoup se sont vus négligés par Belba. Un de ceuxci, néanmoins, a particulièrement brillé par la minceur de son traitement : ce qu’il est convenu d’appeler les émeutes des banlieues. Face au déferlement médiatique cependant, que dire qui n’est pas déjà été dit ? Et surtout, pourquoi se précipiter à traiter dans l’urgence un événement qui n’est après tout que le symptôme d’une maladie qui ronge la France depuis plus de 20 ans ? Alors, plutôt que de prendre son tour au crachoir, Belba a décidé d’attendre un peu, afin de préparer une revue de presse de quelques articles qui lui semblent pertinents. Parmi ceux-ci, on peut noter : - le dossier du Monde diplomatique de décembre : « révolte des banlieues », et en particulier les articles « Les raisons d’une colère » de Laurent Bonelli et « Un ‘New Deal’ pour l’école » de Georges Felouzis et Joëlle Perroton. Dans son article Laurent Bonelli, plutôt que de dénoncer les ‘hordes de loups’ ou les ‘ennemis de notre monde’ qui annonceraient ‘l’effondrement de notre société’ comme l’ont fait de nombreux commentateurs français et étrangers, souhaite « comprendre ces désordres » en revenant « sur leurs conditions sociales, les raisons de leur déclenchement et leur caractère contingent ». Parmi ces conditions sociales, il pense à la « crise de reproduction des milieux populaires » gravement affectés par la crise économique qui perdure depuis les années 1970, aux « transformations induites par le passage à un mode postfordiste de production. Automatisation, informatisation et délocalisations ont généré un chômage de masse » ainsi qu’à une précarisation tout aussi massive de la situation de certains travailleurs. Et quel public est particulièrement touché par ces transformations ? Tout d’abord les jeunes et ensuite les banlieues. Certains cumulent… Privés d’avenir, certains se retrouvent enfermés « dans le présent et dans une embrouille quotidienne perméable aux petites déviances. » Mr Bonelli revient aussi sur un effet pervers de la « massification de l’enseignement », contrairement à ses promesses, « l’école ne transforme pas les hiérarchies sociales », comment s’étonner alors que ce désenchantement entraîne de nouvelles violences à l’intérieur même du système scolaire ? Mr Bonelli, par ailleurs membre de l’équipe française du programme de la commission européenne ‘The Changing Landscape of European Liberty and Security’ nous rappelle également que l’ « on oublie (…) trop souvent que l’ordre comme le désordre sont des coproductions dans lesquelles les institutions de sécurité occupent un rôle tout aussi important que les publics auxquels elles sont confrontées ». Dans « un contexte politique insistant sur la ‘reconquête des quartiers’ », même « certains policiers n’hésitent pas à dénoncer (…) une ‘militarisation’ de leur métier » La couverture médiatique de l’événement est aussi passée au crible de la critique sociale : « toute mobilisation locale tire une bonne partie de son efficacité de la dynamique collective dans laquelle elle s’inscrit. Qui, dans ce cas, a été admirablement relayée par la presse, cartes enflammées et ‘palmarès’ de destructions à l’appui. Plus qu’une logique d’imitation nourrie par la volonté de faire ‘mieux’ que la cité voisine, le traitement des informations relatives à la crise a synchronisé, homogénéisé et diffusé des répertoires d’action violente, et ainsi accrédité la fiction d’un mouvement national. » Et enfin, le politique. Face à la récupération des désordres actuels par le gouvernement, « pour briser tant les protections sociales et salariales que les formes désordonnées de résistance à l’ordre inégalitaire qu’il défend », on aurait pu attendre à ce que l’opposition se saisisse de cette occasion pour « avancer un projet de transformation à même de combler les fissures creusées dans les milieux populaires par trente ans de révolution conservatrice. » La déception est à la hauteur de l’espoir ! Et pourtant « La reconstruction de solidarités effectives est plus que jamais nécessaire. C’est en effet l’organisation autour d’objectifs politiques communs d’individus de statuts professionnels, confessionnels et d’origines différents qui leur a permis d’améliorer leur destin collectif, et d’arracher des conquêtes sociales que les libéraux et leurs serviteurs s’acharnent chaque jour à détruire, dans les banlieues et ailleurs. » Si tout les articles du dossier « Révolte des banlieues » sont intéressants, celui que j’ai choisi de retenir en plus de « Les raisons d’une colère », c’est l’article de Georges Felouzis et Joëlle Perroton : « Un ‘New Deal’ pour l’école ». Dans cet article, les auteurs vont jusqu’à parler d’un « apartheid scolaire ». Et s’expliquent.

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« L’apartheid scolaire est d’abord le fruit d’une ville de plus en plus clivée socialement et ethniquement. Le désir d’entre-soi, notamment des classes supérieures et moyennes, marginalise des quartiers entiers laissés aux plus démunis, et pèse sur le monde scolaire. » Ainsi se développent des quartiers aisés – avec leurs propres écoles - et des quartiers défavorisés – avec leurs propres écoles. Non seulement ceci, mais les familles de classes moyenne ou aisé qui se retrouvent dans les zones scolaires d’établissements « perçus comme ‘mauvais’ parce qu’ils hébergent une population défavorisée, mais aussi, il faut le dire tout net, ‘non blanche’ », sont prêt à tout pour éviter ce ‘calvaire’ à leurs enfants, que ce soit la dérogation ou même le déménagement. Et si jamais ils n’arrivent pas à éviter ces établissements perçus comme ‘mauvais’, ils vivent souvent cela comme une ‘brimade’. C’est grave, non seulement parce que « l’absence de brassage social et ethnique a des effets négatifs en terme d’apprentissage, et produit de l’échec scolaire », mais aussi parce que « dans ces conditions, le racisme devient l’expression privilégiée de la frustration et d’un sentiment d’impuissance à maîtriser son destin. Les jeunes issus de l’immigration sont accusés d’envahir les établissement scolaires comme ils envahissent la France. » Comment s’étonner que « parallèlement se développent une certaine logique communautaire et un racisme antifrançais » ? Cela prouve au moins que les français issus de l’immigration ont « intégré les valeurs culturelles et d’égalité de la société française. » Et naturellement, « leur confiance dans les institutions s’effrite, plus que tout en ce qui concerne l’école, dans laquelle ils avaient placés le plus d’espoirs. » Se développe alors « une véritable inversion des valeurs (…) qu’on ne s’y trompe pas : les ‘dérives communautaires’ agitées comme un épouvantail sont souvent l’aboutissement de la relégation et de l’échec. Les enjeux sont donc très forts. » Il s’agit de rien de moins que créer une France plurielle, plutôt que de laisser plusieurs Frances antagonistes se superposer sur le pays. Les auteurs sont persuadés du rôle que doit jouer l’urbanisme dans le processus, mais pensent également que « le phénomène scolaire doit être considéré en soi, car il a une très lourde charge symbolique. L’ascenseur social doit pouvoir jouer. » Si l’on tient à l’unité du pays, il faut travailler à l’égalité des chances. Ce qui suppose une nouvelle égalité face à l’enseignement. « Un New Deal à l’école postule une politique volontariste. Désormais, elle ne peut résoudre les problèmes sociaux en affichant une ‘indifférence aux différences’ qui, comme aimait à le rappeler Pierre Bourdieu, revient trop souvent à entériner des inégalités de fait entre groupes et individus. » Il faut donc, de toute urgence, « diversifier l’organisation des établissements pour sauvegarder les objectifs et les valeurs du collège unique ». Pour ce faire, les auteurs ne disposent pas d’une ‘recette miracle’, mais proposent des pistes, comme l’aide à la mobilité des élèves issus des familles les plus défavorisées et la mise en place d’établissements pilotes (le collège Clisthène à Bordeaux est donné en exemple) afin d’explorer de nouveaux moyens d’enseigner et d’apprendre. - différents articles et dessins du canard enchaîné du 9 novembre. Comme à son habitude, c’est plutôt d’un point de vue politique que le canard enchaîné analyse la situation. Le journal revient donc d’abord sur l’état d’urgence et le couvre-feu : « couvre-feu exhumé d’une loi qui date de 1955 et s’appliquait alors à la guerre d’Algérie (voilà qui ira droit au cœur des petits fils concernés) » et état d’urgence « censé, par sa solennité, son caractère exceptionnel (même en 1968 il n’avait pas été décrété[…]) et son côté ‘la patrie est en danger’, rassurer dans les chaumières ». Il revient ensuite sur le ‘plan d’urgence pour les banlieues’ (à ce sujet, un dessin hilarant en première page montre un homme devant une énorme armoire remplie de dossier et demandant à quelqu’un hors cadre : « Un plan pour les banlieues ? Quel millésime ? »), et enfin relève les petites phrases de personnalités politiques qui auraient peut être mieux fait de se taire En ce qui concerne le couvre-feu et l’état d’urgence, plus que l’inanité de ces mesures, c’est la « dramatisation » qu’elles représentent qui agace le canard, cette « théâtralisation, non sans arrière-pensées électorales ». Pour ce qui est du plan d’urgence pour les banlieues, le canard se montre encore plus critique. Dans l’article intitulé « Vingt ans de plans d’urgence pour des banlieues qui restent en plan », Jean-François Julliard dresse une liste des plans, ‘d’action’ ou ‘d’urgence’ pour les banlieues, qui se sont succédés au cours des années sans jamais régler le problème. On a ainsi : la mission pour « l’achèvement du tissu urbain » de 1983, les ‘plans de rénovation des cités’ qui ont commencés à fleurir à partir de 1985, la ‘Délégation interministérielle à la ville’ de 1988, le premier plan dit ‘d’urgence’ suite aux émeutes de Vaulx-en-Velin de 1990, le « plan de relance en faveur de la ville » de 1994, le « plan de renouvellement urbain » de 1998, le « plan de rénovation urbaine » de 2002… Avec un tel pedigree, on peut douter du fait que le plan d’action de Villepin réussisse là où tant d’autres ont échoué, surtout que les crédits alloués à ce plan ne sont rien d’autre que les crédits déjà existant et qui ont été volés aux associations depuis 2002 (« illustration : l’Association de sauvegarde de l’enfance et de l’adolescence œuvrant à la rescolarisation des gamins sortis très tôt de l’école a dû renoncer à son bus, équipé en informatique, qui sillonnait les cités du ‘9-3’. Aujourd’hui, ce sont les cars de CRS qui le remplacent »). De plus, détail intéressant, le canard a demandé au ministère de l’emploi et de la cohésion sociale combien de travailleurs sociaux (assistantes sociales et éducateurs) exercent en France et combien de diplômes sont délivrés chaque

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année dans ces filières. Le ministère « s’est avoué incapable de répondre », et le perfide palmipède de conclure : « ces métiers comptent si peu aujourd’hui ? » Enfin, notre canard national risque de se faire prendre en grippe par certaines personnes, puisqu’il n’hésite pas à reprendre les phrases malheureuses des bienheureux qui dirigent le pays. Comme celle-ci, du député-maire du Raincy (93), Eric Raoult : « Ceux qui veulent faire des conneries chez nous, je leur dit : ‘allez dans le XVIe, le VIIe, Neuilly, dans les beaux quartiers, mais pas ici, pas chez nous. Ce n’est pas acceptable ce qui se passe ici ». Ce genre de choses est tellement plus acceptable chez les voisins. C’est dans un débat sur France-Inter le 7 novembre à 19h20 que Mr Raoult, ancien ministre à l’intégration, a sorti cette perle. Et le canard de commenter : « Au prochain débat, sûr, le banlieusard en furie Raoult fournit l’adresse et le digicode des planqués parisiens de l’UMP. Sans oublier l’immatriculation de leurs voitures, un bidon d’essence et les allumettes ». Mais Mr Raoult n’est pas le seul à s’être démarqué par sa bêtise (ou peut être n’est ce simplement que de la méchanceté ?), Mr Pascal Clément, garde des Sceaux, a en effet déclaré devant des procureurs généraux : « Je souhaite que nous puissions adresser un message clair aux français d’une part, aux délinquants d’autre part. ». On en déduit, avec le canard « que les délinquants ne sont pas français, et qu’aucun français n’est délinquant. Pour ce genre de sortie ministérielle, est-ce que le couvre-feu s’applique ? » - la une du journal CQFD du 17 novembre, « Neuilly brûle-t-il ? », ainsi que le dossier à l’intérieur de ce même numéro, intitulé « Banlieues : vingt ans sur le feu et c’est cuit » Si j’ai tenu à faire figurer la ‘une’ de novembre, c’est parce qu’elle met le doigt sur un point crucial qui n’a, à ma connaissance, été abordé nul part ailleurs. Face à la violence des gouvernants, les gouvernés ne peuvent-ils se faire entendre que par la violence ? « Ceux qui, de grèves déclarées illégales en votes méprisés, ont le sentiment d’avoir tout essayé pour se faire entendre – sans succès − en tireront les leçons. La mobilisation des papy-boomers contre la réforme des retraites a échoué. Les chômeurs continuent à endurer le régime Unedic. La SNCM sera privatisée contre la volonté des marins. Les faucheurs anti-OGM sont condamnés malgré le rejet des aliments génétiquement modifiés par 80% de la population. Les intermittents n’ont pas réussi à défendre la culture contre le spectacle. Les profs n’ont rien gagné à défiler en rang d’oignon. Même les lycéens se sont fait bananer. La politique du gouvernement passe de toute façon, en force. Et la colère que nous avons tous tenté de faire passer par la voie légale, ce sont des gosses de quatorze ans qui l’expriment violemment, avec excès, parce qu’aujourd’hui, il faut être soit un enfant soit un fou pour oser dire merde. Les actions traditionnelles ne marchent plus. Les mots ont été désarmés. Là, en quelques jours, les ados émeutiers obtiennent cent millions de subventions pour les associations de quartier (que mille dossiers et rendez-vous avec les politiques n’auraient jamais pu avoir) et captent même l’attention de la ‘communauté’ internationale. Ils forcent un gouvernement sourd à tout dialogue à changer de langage et l’amènent sur le terrain qu’ils connaissent par cœur pour en être les premières victimes : la loi du plus fort. » A l’intérieur du même numéro, un dossier très critique. Il pose la problématique : « l’affaire de Clichy en dit long. Que des gamins qui n’ont rien fait de mal paniquent devant un contrôle ‘de routine’ au point de courir se cacher dans un transformateur EDF dit bien la confiance que la police inspire dans les quartiers. » Puis revient sur différentes morts suspectes dues à la police et sur la façon dont elles ont toutes été couvertes par les autorités. Un roll-call macabre : 86, Malik Oussekine ; 91, Aïssa Ihch ; 95, un anonyme, un garçon yougoslave de 7 ans ; 97, Abdelkader Bouziane… Ainsi que sur la déliquescence du tissus associatif. Ce dossier donne aussi la parole à un travailleur social, Mr Abdelaziz Gharbi, qui affirme « les vraies violences urbaines sont sociales » et qui sait que « les gens ont plein de choses à dire mais on ne les écoute pas. Les jeunes possèdent une histoire qui n’a jamais été reconnue dans l’espace public. C’est l’histoire du monde ouvrier et de l’immigration, et non celle de la délinquance et des mosquées. Il serait temps de donner une place politique à ces jeunes et de reconnaître tout ce que leurs parents ont apporté à ce pays. » Enfin ce dossier n’oublie pas de rappeler des émeutiers que « parfois ils cognent sur les plus faibles », mais si ils sont « indéfendables et infréquentables », c’est peut être « à force de n’être ni fréquentés, ni défendus. Que leur reste-t-il ? »

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Caché ******************************************************************************************

*Le suicide de l’artiste Il est souvent hasardeux, toujours futile, de confronter l’œuvre d’art à la biographie de l’artiste, même et surtout lorsque l’œuvre paraît autobiographique. L’art, en effet, est essentiellement autoréférentiel. Si l’artiste peut transcrire par l’art quelque chose de sa vie, ce n’en est donc que la partie où il crée effectivement ; autrement dit, l’artiste ne peut s’exprimer esthétiquement soi même que dans la stricte mesure où il est artiste. Or il ne l’est pas en permanence : à coté de ses moments de création, il mange, dort, habite telle maison, fonde une famille etc…, tout cela constituant son histoire, sa biographie proprement dite. Mais les moments où il crée, où il est artiste en acte, doivent échapper à cette vie commune à tous les hommes. D’où une fatale dualité de sa personne. C’est cette dichotomie qu’aborde Bret Easton Ellis dans son dernier roman, Lunar Park3, apparemment autobiographique. Un livre de prime abord insituable au sein de l’œuvre qui le précède, en ce qu’il lui semble complètement extérieur : le personnage principal se nomme Bret Easton Ellis et, comme l’auteur, est un écrivain qui a connu un succès planétaire à 21 ans pour son premier roman Moins que zéro et s’est depuis établi comme pilier de la littérature contemporaine. Après plus de vingt ans de célibat brûlé en débauche d’alcool, de drogues, d’argent et de sexe, le héros se résigne à ‘se ranger’, se marie avec la mère de son fils pré-adolescent, et tente laborieusement de construire avec eux une authentique relation maritale et paternelle dans leur villa de banlieue ultra-riche. La première conséquence de ce nouveau mode de vie est l’impossibilité d’écrire de véritables œuvres d’art: BEE en est réduit à gribouiller une idiotie pornographique. Surviennent aussi divers évènements qui vont ruiner sa tentative de nouvelle vie. Ces faits, étant de nature paranormale, déroutent le lecteur qui croyait jusqu’alors lire une autobiographie, en le confrontant à un objet littéraire inconnu et imprévisible ; ils permettent à l’auteur, qui confesse que « la fiction peut révéler la vie intérieure d’un écrivain » (p. 13), de transcrire la psychologie de son personnage - et/ou la sienne –, en donnant à voir la lutte acharnée qui se cache derrière l’apparence qu’est sa vie, son histoire, sa biographie. Que le premier de ces évènements survienne lors d’une fête orgiaque où le personnage renoue pour une nuit avec son ancien style de vie – alcool, cocaïne et drague d’une étudiante – est significatif : il inaugure un combat à mort entre deux styles de vie, deux tendances intérieures du personnage : d’une part ‘Ellis’, le mari fidèle, le père, le banlieusard, le professeur, celui qui aspire à une vie sociale normale, présentable à ses voisins, sans drogue ni alcool ; d’autre part « l’Ecrivain », dont la devise est « rock n’roll », qui se fout de cette vie comme un adolescent d’un adulte, ne pense qu’à faire la fête, se défoncer et baiser ses étudiantes. C‘est lors de la fête que l’Ecrivain fait sa première apparition, sous les traits du personnage lui-même, âgé de vingt ans. Quand Ellis le voit, il ne comprend pas, il croit halluciner : non parce qu’il est étrange de se retrouver en face de soi-même jeune, mais plus simplement parce que l’adulte est aveugle et oublieux de sa jeunesse. L’Ecrivain incarne en effet l’adolescence, il est la nature même de la jeunesse, de son désordre essentiel, qu’Ellis a tenté de conjurer par la normalité et l’ordre sociaux, mais qu’il ne peut toutefois empêcher de surgir sauvagement au milieu d’une vie d’adulte qui profile la retraite. Si l’homme du commun parvient toujours à refouler ses vingt ans, c’est le privilège et le fardeau de l’artiste que d’y être confronté toute sa vie. L’interrogation souterraine de Lunar Park porte sur les moyens et conditions de la production artistique. A ceux qui croient qu’un mode de vie comme celui d’Ellis – modéré, mesuré, minuté par la norme sociale et l’habitude – permet des moments de concentration où s’opère la création artistique, BEE répond en incarnant l’Ecrivain dans une espèce de junkie -grunge version jet set, adaptant à son univers le mythe de l’artiste errant. Il concentre alors en un personnage la condition de possibilité de la création artistique qu’est le vécu de l’imprévisibilité, du changement, de la nouveauté, de l’altérité, en un mot de la mort. Le ‘vécu de la mort’, car la mort n’est pas seulement le terme de la vie, la fin de la biographie – c’est en réduire au maximum la compréhension que de la définir ainsi. La mort est avant tout définition de la finitude, caractère essentiel de l’existence humaine : finitude spatiale – tout ce qui est à l’extérieur de mon corps constitue ce qui me nie, mon non-moi, mon altérité, ma mort ; et finitude temporelle – tant le jeune homme est en perpétuelle transformation, devenant toujours étranger à soi même, autre pour soi même, en continuelle renaissance de soi, donc aussi toujours mort pour soi. L’artiste trouve son identité dans l’altérité, ce que Rimbaud exprima à la perfection par la formule : « Je est un autre ». En quoi ce vécu de la mort rend-il possible la création artistique ? C’est que l’art 3

Traduction française chez Pavillons, Paris, 2005.

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Schiele dessinant un nu devant un miroir, 1910 Mine de plomb, 55.2 X 35.3 cm Graphische Sammlung Albertina, Vienne, Kallir D 737

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semble consister en une expression du réel à nu, débarrassé de ses apparences, autrement dit du réel en soi, de l’absolu – en cela l’art est divin. Pour exprimer le réel ainsi dans sa vérité, l’artiste doit le vivre dans sa vérité, en faire l’expérience dans sa nudité – ce qui se nomme expérience mystique. Or la vérité de l’existence est finitude, mort, c’est-à-dire transformation et création - autant de caractères que l’artiste doit donc expérimenter au quotidien. Une telle expérience est transcrite dans Lunar Park par l’usage permanent que fait l’Ecrivain de la drogue (alcool compris) : on sait, depuis Baudelaire, qu’en ce qu’elle libère le corps de ses limites personnelles, le faisant passer dans l’autre, rompant ses habitudes en le livrant à l’imprévisible, la drogue est un des vecteurs privilégiés de tension vers l’expérience mystique. Ce côtoiement quotidien de la mort dans une vie dissolue est un terreau favorable à l’advenir en l’artiste de la création artistique proprement dite, laquelle est en réalité la seule véritable expérience mystique : lors qu’il crée, l’artiste est extasié, c’est-à-dire étymologiquement dépossédé de soi, jeté hors de soi ; ce n’est pas lui, dans son identité personnelle, qui crée, mais, en lui, le pur procès de création qu’est le réel qui s’exprime – autrement dit, lieu commun de la philosophie esthétique, l’artiste est divin. Ici, BEE ne fait que reprendre un thème classique de l’art moderne ; ainsi Baudelaire, toujours, exprimait à merveille ce fait que le vécu de la mort est un préalable nécessaire à la création, à l’advenir du nouveau : d’abord, concrètement, par sa vie, droguée, marginale, déshabituée ; aussi et surtout, esthétiquement, dans cette strophe : « [ô Mort] Verse-nous ton poison pour qu’il nous réconforte ! Nous voulons, tant ce feu nous brûle le cerveau, Plonger au fond du gouffre, Enfer ou Ciel, qu’importe ? Au fond de l’Inconnu pour trouver du nouveau ! »4. La vie commune et humaine qu’est celle d’Ellis est à l’inverse une entreprise de conjuration de la mort. L’organisation urbanistique de l’espace de la banlieue de la maison d’Ellis en témoigne d’abord : à l’extérieur de la maison il y a d’autres maisons identiques, aux habitants identiques ; Ellis sortant de chez lui ne peut rencontrer aucune altérité, rien qui le nie ni personne dont le mode de vie diffère du sien. Ensuite parce que la valeur suprême de cette vie est celle de l’identité personnelle : à l’image de son nom qu’il garde inchangé toute sa vie, l’individu doit y demeurer identique à soi, cohérent avec soi-même, avec son passé que son présent a le devoir d’assumer, de conserver et de pérenniser, pour faire progresser son histoire, sa biographie. Un tel mode d’existence, d’une part procure la sécurité – la mort, qu’il conçoit uniquement comme terme de l’histoire personnelle, n’y est jamais vécue, reléguée qu’elle est dans un avenir lointain et abstrait (après la retraite) ; d’autre part rend l’individu d’autant plus apte à produire que sa vie est plus réductible à une somme d’habitudes – cela valant pour tous les domaines de production autres que l’art : production artisanale, industrielle, de service. C’est ce que, dans notre société, ont bien compris Etat et patronat qui, par toute la force de leur propagande communicationnelle (télévision, médias en général, publicité), s’échinent à réduire la vie de l’ouvrier ou de l’employé à une série indéfiniment répétée d’habitudes, afin d’en tirer une force de travail, donc une productivité, maximales. C’est aussi pourquoi l’artiste doit être conjuré de la société productiviste, et est condamné à en habiter les marges, toujours exilé ; car il est essentiellement multiple, toujours autre, en révolte permanente contre toute installation en lui de la prévisibilité d’une vie prédéfinie – ce qui fait tendre sa force de travail vers zéro. Si l’Ecrivain et Ellis se battent à mort c’est qu’ils s’excluent réciproquement, ne peuvent se partager un même corps, lequel devient alors le lieu de leurs affrontements. La vie d’Ellis, par son immobilisme, sa répétition, exige pour s’établir la destruction de toute possibilité d’imprévisibilité, d’évènementiel ; elle exige la réduction du monde à du déjà connu, condamnant alors tout accès à une quelconque extériorité ou altérité. C’est pourquoi le personnage ne parvient plus à écrire quand il s’installe en elle, qu’alors enfermé dans une maison, dans une relation affective exclusive ou fermée (le mariage), l’esprit clôt dans des considérations familiales (repentir oedipien d’avoir tué son père et peur d’être à son tour abandonné par son fils), il est empêché de s’ouvrir à goûter le mouvement du monde. La maison-monde où Ellis tente de s’enfermer se transforme surnaturellement en la maison de son enfance familiale, celle qu’il a du fuir pour devenir artiste, exprimant la transformation intérieure du personnage qui, d’Ecrivain toujours adolescent, se transforme en adulte responsable. L’artiste vaincra, détruira irrémédiablement nom, maison, famille, sociabilité et sécurité : ce qui constitue une tragédie pour Ellis – sa mort -, mais est condition de la renaissance de l’Ecrivain. Le fait qui scellera le meurtre d’Ellis par l’Ecrivain est l’abandon du personnage par son fils : de même qu’Ellis enfant a dû fuir son père et l’Ecrivain le tuer – symboliquement : nier la maison, la famille, les responsabilités de la vie d’adulte - pour mener la vie intempestive de l’artiste, condition de l’écriture, de même le petit Robby ne peut fuir son père sans lui révéler ipso facto que c’est désormais lui, l’adulte responsable et prisonnier de mœurs apathiques ; la jeunesse du fils réveille celle du père : cette révélation, intenable pour l’Ecrivain, sera la goutte d’eau lui permettant de tuer son alter ego. 4

Les Fleurs du Mal, La Mort, Le Voyage.

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Ne reste que l’artiste, qui n’a pas de nom ou identité – il n’est que l’ « Ecrivain » -, ni donc d’histoire ou biographie personnelle - car il est multiple, en ce que dans son ouverture essentielle, il accueille la multiplicité qu’est le réel et la laisse s’exprimer en lui comme création. Si l’artiste est limité dans sa création par l’autoréférentialité de l’art, l’œuvre d’art soi disant autobiographique ne peut en fait exprimer de l’artiste que la part de sa vie qui échappe à toute biographie - l’art est incapable d’autobiographie. Quel statut conférer alors à Lunar Park, roman qui ne saurait s’inscrire dans la continuité de l’oeuvre de BEE ? Pour autant que cette fiction révèle la vie intérieure de l’écrivain, elle prend pour objet la vie créative de BEE, sa vie en tant qu’artiste, peutêtre menacée de perdition par les tentations de l’habitude et de la sécurité. L’art s’y fait réflexion des conditions de possibilité de son exercice ; et, par la création artistique en acte, soit par l’écriture de Lunar Park, BEE prend conscience de ses moyens de production esthétique, et se les approprie – l’appropriation par le producteur de ses moyens de production constituant, en art comme dans tout domaine de production, la liberté. Que les lecteurs se rassurent donc, Lunar Park n’est pas le dernier roman de BEE, mais promet bien au contraire une production infiniment plus riche : libre car réfléchie et appropriée.

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« (…) plus nous sommes préoccupés de vivre, moins nous sommes enclins à contempler, et (…) les nécessités de l’action tendent à limiter le champ de la vision. (…) Mais, de loin en loin, par un accident heureux, des hommes surgissent dont les sens ou la conscience sont moins adhérents à la vie. La nature a oublié d’attacher leur faculté de percevoir à leur faculté d’agir. Quand ils regardent une chose, ils la voient pour elle, et non plus pour eux. Ils ne perçoivent plus simplement en vue d’agir ; ils perçoivent pour percevoir – pour rien, pour le plaisir. Par un certain côté d’eux mêmes, soit par leur conscience soit par un de leur sens, ils naissent détachés ; et, selon que ce détachement est celui de tel ou tel sens, ou de la conscience, ils sont peintres ou sculpteurs, musiciens ou poètes. C’est donc bien une vision plus directe de la réalité que nous trouvons dans les différents arts ; et c’est parce que l’artiste songe moins à utiliser sa perception qu’il perçoit un plus grand nombre de choses. »5

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Bergson, La Pensée et le Mouvant, La Perception du Changement

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NDLR ******************************************************************************************

*mils escuze Poure les fotte de la aurtografe à le premié numaireau (é çailles-ci ossi). *Belba delivery service « I’m a spy, in the house of love, I know the dreams, that you’re dreaming of… » Je sais la question qui vous ronge. Je sais pourquoi vous ne dormez plus la nuit, pourquoi vous n’osez aller travailler. Votre vie n’est plus qu’une seule question, entêtante, obsédante, qui remplie tout votre univers : comment être sûr de ne pas rater un numéro de Belba, et comment commander un deuxième exemplaire de ce même numéro, pour le mettre dans un coffre-fort afin de pouvoir financer un jour les études de vos enfants. Ne faites pas confiance au marché noir, des centaines de milliers d’exemplaires contrefaits de Belba… viennent chaque mois de Chine et du Cambodge, mais la qualité n’est pas au rendez-vous : ils perdent leurs couleurs dans les machines à laver, les agrafes se détachent et attaquent les lecteurs à la gorge ou aux yeux… Une seule solution : commandez à la source. Pour ceux qui arrivent à lire de long textes sur ordinateur, ou qui disposent d’une imprimante, nous proposons Belba gratuitement sur fichier informatique. Il suffit de nous envoyer une demande par courriel (belbalecave@yahoo.fr) et nous ferons parvenir. Pour ceux qui préfèrent une version papier (Schnoopy the editing lombric sayz : you’right), pas de problème, il suffit de faire votre demande à la même adresse, et nous vous enverrons votre revue préférée sous pli discret pour que vos voisins ne vous dénoncent pas aux forces de l’ordre. Pour chaque exemplaire papier, il sera demandé une participation de l’ordre de 2 ou 3€. Et pour ceux qui veulent être sûr de ne rater aucun Belba, jamais, nous avons la solution : l’abonnement. Comme la logistique de la revue laisse encore à désirer, ce que nous proposons à ceux qui veulent s’abonner est un peu roots : on vous fait parvenir les exemplaires au fur et à mesure de leur parution, et vous nous envoyez votre participation une fois la revue chez vous. Et si vous oubliez l’argent, on envoie les chiens… *Objectif : Belba Belba, ça rime à quoi ? (et non pas avec quoi, auquel cas on aurait melba et casbah) Rassurez vous, nous non plus on ne sait pas trop. Mais on a des pistes. Et des objectifs. Informer et divertir surtout. Faire réfléchir aussi. Cela ressemble à du journalisme nous direz vous ? Peut être pas. Nous avons des hommes sur le terrain, mais la plupart des brèves d’actualité et des analyses sont préparées le cul sur une chaise, en utilisant des journaux et des livres comme références. Ce qui fait de nous de piètres journalistes et qui signifie que malgré le soin pris à concocter la revue, nous ne sommes pas en mesure de garantir la plupart des informations qui y figurent. En fait, si il n’est de journalisme que le journalisme d’investigation, nous ne sommes même pas des journalistes. Si par contre, « ce qui est réellement en jeu c’est de reporter les événements contemporains honnêtement, ou aussi honnêtement en tout cas que le permettent l’ignorance et le parti pris idéologique dont souffre nécessairement l’observateur » (George Orwell, The Prevention of Literature), alors peut être que Belba peut s’assimiler à une forme de journalisme. Assurément, nous ignorons beaucoup de choses (et en plus nous sommes d’une bêtise crasse). Nous ignorons les arcanes de la politique, du journalisme, du commerce… Et nous nous permettons de donner notre avis ! Quel impudence ! Ce qui nous paraît grave à nous, ce n’est pas le fait que l’on puisse avoir un avis et oser l’exprimer. C’est que l’on fait tout pour que les citoyens n’aient d’avis que sur des vétilles. Avez vous regardé un ‘journal télévisé’ récemment sur une grande chaîne ? Faits divers et télé-achat ! Pourquoi garder les gens dans l’ignorance ? Vous avez déjà vu un fermier apprendre à lire à son bétail… « Dans un monde brutalement divisé en maîtres et en serviteurs, il faut enfin avouer publiquement une alliance longtemps cachée avec les maîtres, ou proclamer le ralliement au parti des serviteurs. Aucune place n’est laissée à l’impartialité des clercs. Il ne reste plus rien que des combats de partisan » (Paul Nizan, Les chiens de garde). Messieurs Duhamel, Minc, BHL et autres (pour n’en citer que quelques uns) ont fait leur choix. Nous avons fait le notre. Nous, au moins, ne nous cachons pas derrière une ‘objectivité’ qui ne peut être qu’une chimère.

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ébats d’idées ******************************************************************************************

Ebats d’idées, c’est nos pensées qui continuent à copuler. Euh ?.. A partir d’une question simple mais lourde de sens (ainsi que volontairement floue et ambiguë), déjà posée dans le premier numéro :

Pragmatisme ou radicalisme ? Nous vous invitons à partager vos commentaires. Nous les ferons paraître (inch’Allah) dans un numéro à venir. Alors, pour une fois que quelqu’un vous demande votre avis, donnez-le !

Tel Serge July, Stéphane Bern ou Steevie, ne sentez vous pas grandir en vous l’âme d’un grand polémiste ?

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Contact : belbalecave@yahoo.fr


Tiré de Squee par Jhonen VASQUEZ aux Editions ‘Slave Labor Graphics’ (Indy Comics U.S.A.)


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