Belba le cave n°3

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Belba le cave N°3, printemps 2006, première presque parution 31 août 2006

Excusez-moi monsieur, vous êtes assis sur mon chapeau


Contact : belbalecave@yahoo.fr


Edito * « J’ai jamais bien pigé, la différence profonde, il pourrait m’expliquer, mais ça prendrait des plombes… » Ami (/-e/-?) lecteur (/-trice/-truc), bonjour ! Belba le cave te cherche (We Need You for Aider Belba !), Belba le cave se cherche. Revue de presse, revue, magazine (fanzine), journal ? Déjà, je ne connais pas les définitions et ensuite je ne suis pas bien sûr de savoir ce que l’on est en train de faire… Ce qui est sûr en tout cas, c’est qu’en plus de la critique sociale et culturelle qui est au centre du projet depuis le début, s’ouvrent des fenêtres sur le monde. Après les Comores, le Brésil ? Quelle que soit la forme qu’elle prend, nous espérons que vous apprécierez cette nouvelle mouture de Belba. En tout cas, nous, on s’amuse beaucoup !

Sommaire * Page 2 : Pages de… Page 3 : Mwanzana ya Nzuani _ élections, plein de pognon Page 6 : rAdio Toulouse _ vive le printemps ! début Page 10 : Interlude sans intérêt… (5) Page 12 : Mwanzana ya Nzuani _ le coup du turban Page 14 : La faim de l’histoire Page 15 : rAdio Toulouse _ vive le printemps ! fin Page 20 : Interlude sans intérêt… (6) Page 24 : Mwanzana ya Nzuani _ les Charlots contre la misère Page 27 : Música do Brasil Page 35 : NDLR Page 36 : ébats d’idées

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Pages de... Pages de, pages de... pages de quoi d'abord? D'un peu de tout en fait puisque c'est à partir de cette page-ci que nous nous proposons de vous aiguiller à travers les méandres du joyeux bordel que vous tenez entre vos mains. Pages de démocratie bredouillante tout d'abord, dans un Mwanzana ya Nzuani où notre ami qui sent les fleurs se propose de nous conter les déboires d'un processus électoral pas encore exactement au point. Puis nous retrouverons rAdio Toulouse pour un petit tour d'horizon de l' actualité du printemps sur la scène internationale, entre une Europe qui se cherche et des guerres qui se trouvent. Nous changerons totalement de registre avec Interlude sans Intérêt. Une seule question, sommes nous tous des mutants? Suite et fin des élections aux Comores : guerre civile ou état de droit? Mwanzana ya Nzuani nous donne les résultats. Page de questionnement dans La faim de l'histoire. Où l'on se demande ce qu’on entend exactement par « propriété privée » Et voilà que c'est déjà au tour de l'actualité française du printemps de se faire brocarder dans rAdio Toulouse. Printemps agité… Les manifestants ont secoués le gouvernement, mais la pulpe, elle est restée en bas. Ossama Bin Liner et le magicien se la donnent en privé et en publique. Un gatecrash qui fait du bien aux zygomatiques pour un Interlude (vraiment) sans intérêt. Vous voulez sauver le monde ! vous savez rien faire ? Eh bien apprenez déjà quelque chose d'utile, et revenez voir Mwanzana ya Nzuani, il connaît une ou deux portes d'entrée vers les ONGs. Pages de musique pour se détendre un peu. Loin des clichés et des académies, nous nous proposons de vous faire partager notre goût prononcé pour la Música do Brasil, à travers la présentations de quelques uns des artistes et des styles que nous préférons. Après des explications dans NDLR, et une proposition de dialogue dans ébats d'idées, il ne nous restera plus qu'à nous séparer... jusqu'à la prochaine!

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Mwanzana ya Nzuani _ élections, plein de pognon ******************************************************************************************

5 Avril 2006 Contrairement à ce que tout le monde dit souvent ici, il se passe tout le temps quelque chose aux Comores. En ce moment par exemple, il se passe les élections. Et puis pas n'importe quelles élections : les élections pour la présidence de l'Union. Un petit rappel pour ceux qui n'auraient pas révisé : après la crise séparatiste de 2001 et le divorce des trois îles de la République Fédérale Islamique des Comores, a été mise en place une structure un peu mutante pour administrer le pays, à savoir trois gouvernements des îles autonomes fédérés dans une Union aux pouvoirs amoindris. Il y a donc quatre présidents, quatre premiers ministres, quatre ministres de la pêche, quatre voitures officielles pour les ministres de la pêche, etc… Le tout pour même pas 900.000 habitants. Comme personne ne veut que ça soit quelqu'un d'une autre île qui tire les rennes de l'union (qui distribue entre autres les enveloppes des salaires de la fonction publique), un compromis a été trouvé : une présidence tournante tous les quatre ans. Les primaires sont organisées une fois à Ngazidja, une fois à Anjouan, une fois à Moheli, et sont suivies d'un second tour national (avec les trois îles donc). On peut dire que c'est encore les débuts puisqu'il n'y a eu qu'une élection depuis le début du système, et c'était celle de l'actuel président Azali, organisée par luimême puisqu'il venait de prendre le pouvoir suite à un coup d'état.. Pour donner une idée de l'ambiance qui régnait alors, il y avait des militaires dans les isoloirs et des urnes pré-bourrées dans les bureaux de vote (disent ses détracteurs). Cette fois-ci, c'est à Anjouan de se choisir trois candidats. Et comme c'est mieux d'être président qu'instituteur pas payé, on se bouscule au portillon : pas moins de 13 candidats pour le premier tour, parmis lesquels un industriel prédicateur arabophone affectueusement surnommé Ayatollah, un des fils de l'ancien dictateur Abdallah, acolyte de Bob Dénard et assassiné par lui, qui ne voit pas du tout ce qu'on reproche à son père, un instituteur qui va en stop à ses meetings, un technocrate d'un mètre cinquante qu'on dit vendu à la France... Que du bon. Depuis le démarrage officiel de la campagne règne une effervescence rarement observée sur l'île. L'engouement démocratique des foules et les encouragements incessants des propagandes de tous bord concourent pour créer une sorte d'hystérie collective pour les uns, et un ras-le-bol prononcé pour les autres. Toute la journée, non-stop, les mêmes chansons de propagande tournent en boucle dans les boutiques ou sur les places, un seul morceau par candidat, un seul candidat par endroit, avec le son poussé à fond ça fait vite mal oreilles et à la tête. Les banderoles traversent toutes les rues, les posters couvrent tous les murs, les meetings occupent toutes les places. Les élections sont partout. Tout le monde se presse dans les meetings qui font aussi mal aux oreilles, entre autre pour écouter tel ou tel candidat promettre un avenir subitement meilleur et facile, mais aussi pour voir s'il ne va pas laisser un ou deux billets au passage histoire d'améliorer le quotidien aussi bien que l'avenir. Beaucoup ne jugent les candidats qu'à l'aune de ce qu'ils donnent cash dans les manifestations. Le jour J, pas mal de partisans feront le planton devant les bureaux de vote pour distribuer de l'oseille et des consignes de vote. Evidemment, il serait éronné de dire que le processus démocratique fonctionne au poil aux Comores. On vote avant tout pour le candidat de son village, de sa région (même si les Comores ce n'est pas l'Afrique, on reste quand même pas très loin). On vote ensuite pour le membre de son clan, ou de celui des notables du village, dans tous les cas on suit beaucoup les consignes de vote des personnes influentes du village. On peut également vendre sa carte d'électeur ou bien son vote, parce que quitte à souffrir demain, autant manger aujourd'hui. Comme dans beaucoup d'endroits, la démocratie est un de ces trucs nouveaux fournis sans le manuel, beaucoup n'en saisissent pas bien la finalité. Ce qui m'a saisi, c'est qu'il n'y a pas de mot comorien pour le verbe "voter". On dit "nissi endra ni voté mwanzanawangu, bassi". Et c'est vrai que jusqu'à présent, les élus ont rarement construit quelque chose dont on peut être fier, notamment parce qu'aux Comores, on reste rarement longtemps en -3-


poste. Donc il faut aller vite pour faire des choses et assurer l'avenir de ses enfants (ce qui est au demeurant une attitude parfaitement comprise et admise par les gens : "je ferais pareil à sa place : en six mois tu ne peux pas changer le pays, donc autant changer de voiture"). Malgré tout, de plus en plus de gens, surtout dans les centres urbains (il est excessif de parler de villes, au moins à Anjouan), prennent la dimension de ce qui est en train de se passer, et prennent l'évènement au sérieux, espoir et convictions. Ainsi, on assite à des manifestations d'enthousiasme rarement observées ici : juste à l'instant, un demi-millier de jeunes vient de passer au pas de gymnastique sous mes fenêtres en chantant des slogans et en agitant des banderoles au nom d'Ayatollah Sambi, qui avançait lui-même, serein et entouré d'un cercle de gardes du corps, colliers de fleurs autour du cou. Partout dans l'île les cortèges de voitures, klaxons à fond, se succèdent, se télescopent, se bouchonnent. Et toujours, partout, la musique. Pour éviter qu'il y ait trop d'ambiance justement, le gouvernement comorien a demandé à l'Organisation de l'Unité Africaine d'envoyer quelques observateurs, trois fois rien. 450 soldats ont débarqué des gros porteurs avec des flingues, des camions, des jeeps, des hélicos et on parle même de tanks à Moroni. Enfin, il y aura autant d'observateurs civils, histoire de faire marcher un peu le commerce. Ce qui est le plus terrible (à part la musique) c'est que la plupart des gens ne savent pas du tout ce que ces types avec des flingues viennent faire là, et tout le monde s'en fout. Certains haussent les épaules en disant que les Sud Africains ont envahi Anjouan pour faire un coup d'état. Ca n'émeut personne de voir des colonnes de soldats pas de chez nous avancer au pas cadencé dans les rues de la capitale. Il faut dire qu'ils sont assez cools, qu'ils draguent les filles et filent des chewing-gum aux gosses, façon GI en 45. Personne ne lit les rares journaux, la radio diffuse n'importe quoi et la télé est dans les choux coté actualité brûlante. En fait, même les dirigeants ne sont pas vraiment certains de savoir ce que ces types viennent faire précisément. Mais maintenant, c'est bon, à une semaine du scrutin les listes électorales sont presque au point, les bureaux de vote quasiment prêts, et ça va aller super pour la grande fête du libre arbitre, de l'autodétermination et du bonheur humain. 17 Avril 2006 Le premier tour de l'élection présidentielle s'est déroulé dimanche dans une ambiance plutôt sympa... bon, sauf si on chipote sur l'aspect démocratique du processus. Les militaires anjouanais s'étaient cachés pour l'occasion, histoire de ne pas faire comme la dernière fois. Les militaires sud-africains s'étaient cachés aussi, histoire de ne pas provoquer. Pour surveiller les bureaux de vote, et éventuellement faire appel aux sud-af, une bonne vingtaine d'observateurs militaires observaient ce qui se passait dans les quelques 300 bureaux de vote dispatchés dans les villages. Autant dire que c'est pas peu, mais que c'est largement pas assez. Cette fois, il y avait une pression assez claire de la communauté internationale pour que ça se passe bien. C'est à dire que les principaux bailleurs de fonds des Comores se sont réunis il y a quelques mois et ont conditionnés leurs enveloppes au bon déroulement des élections. En fait, les Comoriens ont l'impression que le monde entier les regarde en ce moment, et ça serait triste de les détromper. Pour que ça soit bien fait tout proprement, c'est les soldats de l'AMISEC (les Sud Africains) qui ont distribué les urnes transparentes et les isoloirs prédécoupés en carton, dès le matin, en hélico. Comme ça on était sûrs que ça se passerait bien. Raté. Il y a eu un gros cafouillage logistique, en partie lié au fait que les personnes responsables dans les bureaux de vote se sont avérées être à 80% des militants du parti au pouvoir. Le temps de changer tout le monde, de réviser les listes électorales déjà pas mal tripotées, ça a mis toute la machine en retard. Verdict : certains bureaux n'ont commencé à voter qu'en début d'après midi et étaient ouverts jusqu'au petit matin. En parallèle à tout ça, il y a l'habituelle magouille électorale. C'est à dire qu'avant, quand il y avait un bulletin de vote par candidat, l'acheteur et le vendu se retrouvaient devant le bureau et l'acheteur fouillait scrupuleusement le vendu pour s'assurer qu'il n'avait pas de bulletin sur lui. Ensuite le vendu rentrait dans le bureau et prenait un bulletin de chaque candidat, constamment observé par l'acheteur installé à la fenêtre. Le vendu passe derrière l'isoloir s'il y en a un, vote et ressort en présentant tous les autres bulletins inutilisés à l'acheteur, qui lui file des ronds. Ca a l'air compliqué comme ça mais en fait c'est très simple. D'ailleurs plein de gens le font.

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Cette fois c'était un autre système : à bulletin unique. Tous les candidats sont sur une même feuille et il faut cocher la bonne case. Là, le système se radicalise : le complice de l'acheteur est dans le bureau de vote. Le vendu passe derrière le petit bout de carton qui sert d'isoloir, montre au complice où il a mis sa croix, le complice confirme à l'acheteur que c'est bon, le vendu se fait payer à la sortie. Bon, là je raconte ça froidement, mais en vrai c'est toujours beaucoup plus cocasse parce que ça ne se passe jamais simplement, des complices se font balancer par la fenêtre, les acheteurs se font dépouiller par les partisans (ou les acheteurs) d'un autre candidat, des gens se débrouillent pour se vendre à plusieurs candidats ou pour voter plusieurs fois (rapport aux listes électorales bidouillées). On voit parfois des gosses de 12 ans venir avec d'authentiques cartes d'électeurs, et ils se font foutre dehors une fois sur deux. Cette année, ça s'est assez bien passé, l'ambiance était très sympa. A Ouani par exemple, les gens restaient longtemps sur la pelouse de l'école, à papoter et à savourer, parce que lors des dernières élections l'armée foutait tout le monde dehors darre darre. On a eu des résultats vaguement officiels sur RFI, au bureau de la commission électorale et dans la rue. Personne n'a eu la même version pendant au moins deux jours (d'autant qu'un quart de l'île votait encore à ce moment-là). Les résultats maintenant. On rappelle qu'on attendait en tête : Ayatollah, qui porte son surnom sans rechigner, turban et robe de mollah comme tenue de campagne ; Ibrahim Alidi du Nyumakele, pas trop crédible dans son discours campagnard, candidat du parti au pouvoir (à l'Union, pas sur l'île) ; et enfin, Caabi, le petit technocrate progressiste, issu du gouvernement anjouanais actuel. Verdict : écrasant premier avec 26% des suffrages : Ahmed Abdallah Sambi, dit Ayatollah. Second à 14%, Ibrahim Alidi. Troisième à 14% : Mohamed Djaafari, ancien de l'armée française, marchand pas très net de la péninsule de Sima avec sa bonne tête de Capone des tropiques. Vent de révolte immédiat dès le matin : les caabistes s'insurgent contre l'évidente manipulation du scrutin (ben oui, leur candidat est sorti au premier tour). Une foule plutôt pas contente s'est rapidement massée devant l'Al Amal, le seul hôtel avec une piscine sur Anjouan, où logent les experts de la commission électorale. Certains se sont fait évacuer en urgence par hélico, et les autres ont été sauvés par l'intervention de Caabi lui-même, venu calmer ses partisans déçus. Grande classe. Toutefois, le gouvernement d'Anjouan n'a pas dit son dernier mot puisque dès demain ils ont l'intention de remettre en question les votes des bureaux ouverts en retard (essentiellement au Nyumakele et largement favorables à Alidi). Réaction immédiate au coeur du Nyumakele, si Alidi est sorti suite à des manipulations "le Nyumakele fera cessession et deviendra s'il le faut la cinquième île des Comores". On rappelle que c'est la pointe sud d'Anjouan, donc ça fait un sacré canal à creuser. Aussitôt des barricades de pierres puis d'arbres ont été érigées sur les deux points d'accès de la région, ce qui ne perturbait guère le quotidien, puisque personne ne se rend au Nyumakele de toute façon. Second sujet de préoccupation : le second tour. Les Anjouanais sont unanimes : leur candidat c'est Sambi, et pas un autre. S'il ne passe pas au second tour, l'île refusera le résultat du scrutin et on est reparti pour une crise séparatiste. Il va y avoir du sport donc, ou pas, en fait on sait jamais. Y comme Ylang

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rAdio Toulouse _ vive le printemps ! début ******************************************************************************************

EUROPE : *Nous voilà rassurés Nous voilà rassurés sur la capacité des élus français à faire respecter les acquis sociaux nationaux au sein de l’Union européenne. Ainsi, « La France était le seul pays à ne pas participer à une réunion du parlement européen sur ‘la croissance de la zone euro’ (‘L’Express’, 23/2), puisque pas un seul élu français n’avait daigné faire le voyage jusqu’à Strasbourg. La croissance de la zone euro peut bien attendre la fin des vacances scolaires ! » (le canard enchaîné, 01/03/06). A part cela, l’image Grand-guignolesque de la France dans l’Europe (et dans le monde) est due à la bêtise farouche des ‘privilégiés’ ouvriers et employés qui ont refusé de signer le ‘Traité établissant une constitution pour l’Europe’ (respiration) et certainement pas à cause de l’incurie de la classe politique française, de sa bêtise (Mickey d’Orsay), ou de sa vénalité (PACman). *C’est pas moi qui le dit Un doublon de phrases trouvées dans Alternatives Economiques (mars 2006), un magazine ni bolchevique ni radical, composé en majeure partie d’économistes ayant fait campagne pour le oui au référendum concernant le ‘Traité…’ : « …l’Union [européenne] s’est concentrée ces dernières années presque exclusivement sur la libéralisation des marchés. » (Europe : le défi énergétique, introduction co-signée par Guillaume Duval et Marc Chevallier, respectivement rédacteur en chef et rédacteur à AE). « De fait, l’Union européenne n’a pas assez débattue de ce que devait être sa réponse à la mondialisation. Les solutions données jusqu’à présent ont trop souvent penché du côté de la thèse néoclassique qui veut qu’il suffit d’ouvrir les marchés à la concurrence et tout le reste nous sera donné par surcroît. » (« La construction européenne est plus que jamais nécessaire », Josep Borrell, président du Parlement européen.) Puis une citation du Mémento du républicain (ouvrage collectif, aux éditions ‘Mille et une nuits’). Dans un chapitre nommé ‘Face à la mondialisation : la République’, Mr André Bellon (ancien président de la Commission des Affaires étrangères de l’Assemblée nationale) nous donne son avis sur la construction européenne : « Il est sans doute regrettable que l’Union européenne ne soit devenue qu’un segment de la mondialisation en cours. Mais en son état actuel, elle est, de ce fait, un adversaire des valeurs républicaines. Elle se positionne comme incontournable, comme le meilleur système possible, déniant aux citoyens toute contribution politique. Elle s’oppose donc aux principes de base de la République que sont la liberté de pensée et la liberté de critique. Ces risques ont été dénoncés dès la création de la Communauté européenne. Tout particulièrement Pierre Mendès France, prenant position, le 18 janvier 1957, à l’Assemblée nationale contre le traité de Rome, déclarait : "L’abdication d’une démocratie peut prendre deux formes, soit elle recourt à une dictature interne par la remise de tous les pouvoirs à un homme providentiel, soit à la délégation de ses pouvoirs à une autorité extérieure, laquelle au nom de la technique exercera en réalité la puissance politique, car au nom d’une saine économie on en vient aisément à dicter une politique monétaire, budgétaire, sociale, finalement une politique au sens le plus large du mot nationale et internationale." La suite des événements n’a malheureusement fait que conforter son analyse. » *Bolkenstein 2, c’est mieux La directive ‘service’ (dite directive Bolkenstein) est finalement sur le point d’être adoptée par l’Union Européenne, dans une version profondément remaniée (voir Alternatives Economiques, mars 2006). C’est en effet le 16 février que les députés européens ont adoptés en première lecture une nouvelle mouture de cette directive qui abandonne le principe du pays d’origine (le principe qui permettait à un ressortissant étranger de travailler dans un pays avec les salaires et les protections sociales de son pays d’origine) et écarte les services de santé, les services sociaux, les agences d’intérim et de sécurité du champ de la directive. A noter que cette nouvelle version encadre « plus étroitement les conditions dans lesquelles un Etat peut refuser à un prestataire étranger d’exercer » (ibid.).

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*Une autre Europe est souhaitable, mais laquelle ? Après Florence (2002), Paris (2003) et Londres (2004), le Forum Social Européen (FSE) a finalement quitté la ‘vieille Europe’ (l’occidentale) pour atterrir à Athènes, où il s’est déroulé du 4 au 7 mai 2006. Avec 35000 participants selon les organisateurs (20000 selon certains organes de presse_ Politis, 11/05/06) , et une pointe à 80000 personnes lors de la manifestation contre la guerre en Irak et les menaces contre l’Iran, le 4è FSE a connu un relatif succès. Au programme : les rejets (français et hollandais) du Traité établissant une constitution pour l’Europe et le rejet du Contrat Première Embauche en France, considérés comme des victoires contre ‘l’Europe libérale’, mais aussi des critiques des politiques européennes d’immigration. Au programme également le développement des réseaux européens de luttes, avec la créations de divers pôles (pôle immigration, pôle travail…), avec bien sûr les habituels ateliers ‘antis’ (anti-libéraux, antiguerre, etc…), et la mise au point d’un agendas des journées d’actions prévues pour l’année 2006 : du 23 au 30 septembre, semaine antiguerre ; le 2 octobre, journée contre la précarité du logement ; le 7 octobre, revendications du pôle ‘migrant’. Mais cette nouvelle édition a surtout été l’occasion de mettre en lumière les défis qui guettent les Forums sociaux, et notamment l’européen. Tout d’abord, la problématique de la récupération et de la participation politique (avec des partis au pouvoir ou non. The Socialist Worker’s Party, Hugo Chavez…), et aussi un autre défi, plus inattendu : l’essoufflement. En effet, la multiplication des rendez-vous de la contestation (contressommets du G8, FSM, FSE…) mettent tant les finances que la volonté des organisations à rude épreuve. Ainsi, non seulement rendez-vous n’a pas été pris pour la 5è édition du FSE, mais il a aussi été proposé de faire passer la périodicité du forum de 1 an (ou 1 ½) à 3 ans. INTERNATIONAL *Mais à part ça, Madame la Marquise… Incendies de pauvres en plein Paris, faillite des modèles d’intégration (France, Pays-bas) et des services sociaux et d’assistances (Etats-Unis), retour de la famine en Afrique… Comment résumer en quelques mots l’horreur économique vécue par la majeure partie de la planète en 2005 ? Le Monde a sut trouver les mots justes : « Bref, tout va bien et tout doit continuer d’aller bien » (Eric Le Boucher, Perspectives 2006 : un certain optimisme; Le Monde, Dossiers et Documents, avril 2006) Mais à part ça, Madame la Marquise, tout va très bien tout va très bien. *L’horreur est humaine On dit parfois des ‘terroristes’ qu’ils ‘cherchent à détruire ‘la civilisation’’. En mettant de côté le caractère profondément autocentré et violemment xénophobe de tels propos, on peut se demander, si tel est vraiment le cas, pourquoi les ‘terroristes’ se donnent tant de mal. Les élites politiques des pays phares de ‘la civilisation’ s’en chargent très bien eux-mêmes. Ainsi dans un pays qui garanti de moins en moins de libertés individuelles à ses membres, les Etats-Unis (notamment grâce au ‘Patriot Act’ de 2001), le président vient de refuser de suivre une décision de la Cour suprême du 29/06/06 qui décidait que « les conventions de Genève et la loi américaine devaient s’appliquer dans la base de Guantanamo » (Selon l’International Herald Tribune, cité par Courrier International, 20/07/06). Alors même qu’un rapport d’Amnesty International rendu public le 6 mars et intitulé « Au-delà d’Abou Ghraïb : torture et détention en Irak » qualifie la situation des droits de l’homme dans le monde de « terrible ». Des milliers de personnes croupissent, pour la plupart sans être inculpées ou jugées, dans les prisons irakiennes comme Abou Ghraïb, Camp Bucca, Camp Cropper, Fort Suze… (Le Monde, 07/03/06). Un autre rapport, celui de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, rendu publique le mercredi 7 Juin (Le Monde, Dossiers et documents, juillet/août 2006) a révélé l’existence d’un réseau clandestin mondial de détention et de transfert « en particulier vers des pays appliquant notoirement la torture » de prisonniers’ fantômes’ (sans aucun statut), ainsi que la participation active de 12 pays de l’Union européenne à ce réseau. La C.I.A. a « tissé une toile d’araignée mondiale de détentions secrètes et de transferts illégaux de détenus, grâce à la collaboration ou à la tolérance des Etats membres du Conseil de l’Europe. » La ‘pragmatique’ Grande-Bretagne n’est pas tout à fait en reste elle-même. Avant que des policiers n’abattent un ressortissant brésilien en 2005 à Londres, des soldats britanniques ont passé à tabac de jeunes manifestants irakiens à la caserne d’Al-Amarah en 2004. La France, avec une politique plus ambiguë (Mr Chirac ne partage pas la vision du ‘Grand Moyen-Orient’ de Mr Bush jr., mais les troupes françaises sont présentes en Afghanistan) semble au premier abord plus pacifiste. Mais il faut regarder très vite, et de loin. Puisque outre ses interventions troublantes en Afrique (Côte d’Ivoire, Tchad…), c’est plus particulièrement sur le front intérieur que se porte la violence du gouvernement français ; d’abord sur les politiques d’intégration et d’immigration, mais aussi sur le plan économique. Rappelons que si l’Etat détient le monopole de la ‘violence légitime’ il est un cas reconnu où celle-ci peut basculer dans la sphère privée : la résistance à des décisions politiques injustes et cruelles soutenues par la force.

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Si l’on tient à maintenir (ou créer ?) des systèmes démocratiques assurant la paix à leurs citoyen et ressortissants (et non pas ‘la civilisation’ comme on a pu l’affirmer) il est nécessaire que les pays concernés ne puissent aucunement prêter le flanc à ce genre d’accusations. Ce qui est loin d’être le cas à l’heure actuelle. *La guerre c’est la paix Et c’est bien sûr pour défendre la paix, la justice et la démocratie que le gouvernement des Etats-Unis s’est lancé dans la ‘paix’ en Irak. Et pas pour des motifs bassement matériels. Du moins, on l’espère pour eux, puisque non seulement la production de pétrole de l’Irak n’a toujours pas retrouvé son niveau d’avant 2003, mais en plus la ‘paix’ coûte cher. A raison de 6.8 milliards de dollars par mois (230 millions par jours !) « le Pentagone aligne des demandes de crédits délirantes, du jamais vu, même aux pires heures de la guerre froide » (le canard enchaîné, 01/03/06). Mais si la ‘paix’ en Irak coûte cher au gouvernement (et donc au peuple) des Etats-Unis, certains s’en sortent bien : Halliburton, LockheedMartin… (The Usual Suspects) Quand le commerce va, tout va ? *La paix c’est la guerre Donc, où en est l’Irak 3 ans après la ‘fin de la guerre’ ? Et bien… - les attentats se multiplient (on ne peut pas les citer tous alors on se contente de noter les jours les plus faste – comme le 12 mars avec ses 10 attentats). « Paradoxalement, l’Irak occupé par les troupes américaines est devenu le pays le plus dangereux de la planète à visiter pour un occidental » (Renaud Girard, Le Figaro, 12/04/06). - le pays, resté sans gouvernement pendant plusieurs mois, reste difficilement gouvernable et de nombreux observateurs n’hésitent plus à parler de guerre civile. Et plus inquiétant encore, celle-ci serait en train de prendre une tournure inter-confessionnelle, les attentats et représailles se multipliant entre sunnites et chiites. Parfois de façon impressionnante, comme l’attentat sur la mosquée de Samarra, et les représailles qui l’on suivi, mais souvent de façon plus insidieuse. Selon Renaud Girard : « cette violence discrète fait plus de 20 morts par jours actuellement en Irak » (ibid). Ces violences de ‘basse intensité’ faisant particulièrement rage dans les quartiers mixtes. *Any color you like, as long as it’s black Nouvel attentat à Tel-Aviv le lundi 17 avril 2006, qui a fait 9 morts et plusieurs dizaines de blessés. Jusque là (malheureusement), rien d’étonnant. Ce qui est plus surprenant (et plus grave) c’est que cet attentat, déploré par Mr Mahmoud Abbas (chef de l’autorité palestinienne) , le Hamas a fait savoir qu’il considère que la faute en incombe au gouvernement israélien lui-même. Les hostilités vont donc reprendre de plus belle. Mais pourquoi sont-ils donc aussi méchants !? Parce que ? La réponse paraît un peu courte, non ? En fait, si on désire mieux comprendre la situation, il est nécessaire de revenir sur les événements qui ont suivi la victoire électorale du Hamas. En effet, l’élection du Hamas, groupe religieux et radical, n’a fait plaisir ni au gouvernement israélien, qui a suspendu le paiement des droits de douane qu’il perçoit au nom des palestiniens, puis qu’il restitue (normalement) à ceux-ci, ni à la (soi-disant) ‘communauté internationale’ (Europe et Etats-Unis en tête) qui a décidé de geler son aide financière à la Palestine jusqu’à ce que le gouvernement reconnaisse Israël, abandonne la lutte armée, et respecte les engagements des précédents gouvernements palestiniens (détail amusant, remplacez ‘Israël’ par ‘la Palestine’ et ‘palestiniens’ par ‘israéliens’ et la requête pourrait très bien s’adresser au gouvernement israélien). Le gel des aides financières de la ‘communauté internationale’ a été qualifié par Khaled Mechaal, chef du bureau politique du Hamas d’ « acte immoral et inhumain qui vise à punir collectivement une nation qui a fait un choix démocratique » (ce en quoi il n’a pas tout à fait tort). Si on ajoute à cela le fait que le gouvernement Iranien de Mamhoud Ahmedinejad (peu connu pour son progressisme ou ses convictions pacifistes) a débloqué une aide de 50 millions de dollars, on peut s’attendre à un pourrissement certain de la situation, non seulement en ce qui concerne le conflit Israélo-Palestinien, mais dans tout le Moyen-Orient (bien joué les gars). Mais le refus de la ‘communauté internationale’ de reconnaître le choix électoral des palestinien n’est pas seul en cause. L’accélérations des attaques du gouvernement israélien (quand il s’agit d’Israël, on ne parle pas d’attentats, mais d’opérations militaires, doux euphémisme technico-médical). En effet, depuis le début de l’année, les troupes israéliennes ont lancés un série d’attaques, dont le point culminant a été le ‘coup de force de Jéricho’. Les troupes israéliennes ont alors attaqué la prison de Jéricho pour s’emparer de prisonniers placés sous la surveillance de troupes britanniques et étasuniennes. Qu’ont fait ces dernières ? Rien en fait, elles ont gentiment vidées les lieux peu de temps avant l’attaque, accréditant encore un peu plus le sentiment de ‘deux poids, deux mesures’ ressenti par une part croissante du monde arabe, qui croit de moins en moins au droit et à la politique.

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*Darfour Après les espoirs soulevés par l’accord de paix d’Abuja, c’est de nouveau la détresse et la terreur qui règnent au Darfour, « l’épicentre de la souffrance humaine » (selon Elie Wiesel, lauréat 1986 du prix Nobel cité par Courrier International, 13/07/06) Rappelons que ce conflit, peu médiatisé, aurait fait pas moins de 200000 morts et 2000000 de réfugiés en 3 ans. (Selon le New-York Times Magazine, cité par Courrier International, 11/05/06) A l’origine de ce conflit, l’attaque en 2003 d’une base de l’armée de l’air au Nord Darfour par des rebelles soudanais (que l’on soupçonne d’être soutenus par le Tchad). Puis la répression sanglante organisée par le gouvernement soudanais, qui a pour ce faire engagé des milices locales, créant toutes les conditions, sinon d’une guerre civile, au moins du chaos. Les milices engagées, les janjawids (‘diables à cheval’) continuent à sillonner le pays, trois ans après le début des hostilités. *NEPAL(a rue qui gouverne) Certaines personnes se souviendront peut être du concours de circonstances qui ont porté Gyanendra sur le trône du Népal. Pour les autres, un rappel : « le prince Gyanendra (…), n’a dû de régner, à partir de l’été 2001, qu’à une tragédie shakespearienne ou, pour les esprits plus sommaires, une monstrueuse querelle d’après boire. Ivre mort, le prince héritier Diprenda, qui se suicidera finalement, avait abattu en juin de cette année-là dix personnes, dont son papa [le roi Birendra], alors sur le trône. Massacre auquel avait échappé Gyanendra, judicieusement parti en week-end. » (le canard enchaîné, 26/04/06) Mais Gyanendra ne possède pas les penchants démocrates qu’avait son frère, le roi Birendra, et l’a assez vite montré. Il a commencé dès 2002 à détourner la constitution, en suspendant le Parlement et en nommant luimême les premiers ministres, mais c’est surtout l’année dernière qu’il a montré son vrai visage, en décidant de « suspendre la démocratie pour trois ans » (ibid.) et en s’arrogeant les pleins pouvoirs. Il a ensuite profité de l’année écoulée pour démanteler l’Etat et piller le Trésor. Cependant ce que l’on attendait plus est finalement arrivé. Le peuple népalais est descendu dans la rue, bravant le couvre-feu et l’interdiction de manifester (ainsi que l’arsenal idoine : lacrymogènes, matraques et tirs à balles réelles sur la foule). Selon Ameet Dhakal, chroniqueur au Kathmandu Post (journal népalais cité par Courrier International, 27/04/06) du 6 au 24 avril c’est entre 2 et 3 millions de népalais qui ont manifesté, forçant Gyanendra à rétablir le Parlement et à nommer un premier ministre choisi par la coalition d’opposition, Mr Girija Prasad Koirala, chef du Nepali Congress. Une victoire de la rue qui pourrai bien dynamiser la vie politique népalaise et donner espoir à tous les peuples qui voient leur pays sombrer dans le totalitarisme. Comme le fait remarquer Ameet Dhakal : « Un pays va mal, non pas quand ses dirigeants se montrent incapables de juguler une crise, mais quand son peuple n’a ni le courage ni l’ardeur nécessaires pour intervenir. C’est le désespoir des citoyens qui précipite une nation au fond du gouffre. » *Les matières premières flambent Il n’y a pas que le pétrole dans la vie… On en parle beaucoup actuellement, parce que au-delà de 70 $ le baril, le pétrole atteint (et se stabilise à) des prix particulièrement élevés. Mais même si elles ne posent pas les mêmes problèmes de déplétion et de pollution, de nombreuses matières premières connaissent des hausses de prix pour le moins remarquables, principalement poussées par de fortes hausses de la demande, ainsi que par un appareil productif (volontairement ?) insuffisant. Ainsi les métaux aussi connaissent de fortes hausses des prix. C’est le cas du plomb, du zinc, du fer, de l’or ou du silicium… C’est aussi le cas du nickel et du cuivre, qui ont atteints les prix les plus élevés de leur histoire. Le cuivre est ainsi passé de 1300 $ la tonne en 2000 à 4500 $ la tonne en 2006… soit une hausse de près de 350% ! (La Décroissance, février 2006). Les vols de métaux sur chantiers ou infrastructures se multiplient d’ailleurs. Et ce n’est pas tout ! A presque 500 $ la tonne au 12 mai 2006 le prix du sucre, qui a doublé en un an, a lui aussi atteint un niveau historique. (Alternatives Economiques, juin 2006). En partie à cause de l’orgie de sucre qui se généralise et en partie à cause des grands propriétaires terriens (notamment brésiliens) qui se désintéressent du sucre pour se tourner vers les biocarburants. A 150$ le baril de brut, va-t-on manquer de cailloux ?

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Interlude sans intérêt… (5) ******************************************************************************************

Le Darwinium : « Un abus de radiation est dangereux pour l’évolution. » Connaissez-vous l’Attacus Atlas ? Ce drôle de papillon nocturne vie en Malaisie. Il s’agit du plus grand papillon du monde avec 35 cm d’envergure, mais sa caractéristique principale réside dans la forme de ses ailes. Les extrémités ont la forme et la couleur d’une tête de serpent, ce qui a tendance à éloigner les prédateurs. Un moyen de défense efficace pour ce papillon qui dort le jour. Il possède aussi une autre particularité, sous sa forme de papillon il ne se nourrit pas et ne vit que 5 à 7 jours en dépensant l’énergie accumulée lors du stade larvaire. Il passe alors sa courte vie à chercher une femelle pour se reproduire et mourir… mais ceci est une autre histoire, concentrons-nous sur les ailes ! Une question m’a toujours trotté dans la tête : comment ce foutu papillon a-t-il créé une forme de tête de serpent sur ses ailes pour effrayer ses prédateurs ? Même si je respecte toute forme d’intelligence, je reste sceptique sur les capacités d’analyses d’un papillon et surtout sur ses capacités à copier consciemment un serpent … Il existe pourtant une explication à ce mystère. Il suffit de se dire que cette espèce de papillon créait à ses débuts des formes et des couleurs complètement aléatoires, que ce soit pour séduire, chasser, se cacher (les possibilités sont multiples), jusqu’au jour où un de ces papillons a crée une forme de serpent, et comme par hasard, il ne s’est pas fait becqueter par les oiseaux ou autres prédateurs. A partir de là il s’est reproduit et a donné naissances à une génération de papillon plus résistante que les autres à son environnement puisqu’elle possédait une arme de dissuasion : la tête de serpent. Même si la première génération ne devait pas être parfaite, la sélection naturelle a laissé en vie les ailes les plus ressemblantes, ou plutôt, les ailes les plus ressemblantes ont survécu à la sélection naturelle, et au cours du temps, on a obtenu le fameux Attacus Atlas. Tout le monde connaît cette théorie de la sélection naturelle : c’est l’évolution de Darwin. Les espèces les plus faibles sont éliminées au profit de nouveaux individus mieux adaptés à l’environnement. Cette théorie a déjà fait ses preuves (comme avec notre papillon) et à part quelques illuminés religieux personne n’oserait la remettre en cause même si la non-existence du chaînon manquant permet de créer le doute. Cette théorie me convient parfaitement pourtant elle n’explique pas tout. En effet, pourquoi de temps en temps un individu est différent des autres ? Et surtout, pourquoi est-ce que ça arrive si souvent sur Terre ? Cela repose sur le principe de la mutation génétique accidentelle et aléatoire. En d’autres termes, il arrive que des cellules (une sur un million) se modifient génétiquement à l’insu de notre plein gré (et oui, ça se passe aussi dans notre corps). Jusque là rien d’anormal, cette théorie est soutenue depuis longtemps et justifierait l’absence d’intelligence dans l’évolution. En effet, les « nouvelles » espèces seraient créées aléatoirement et seules les évolutions « positives » seraient conservées. Maintenant il reste une question à résoudre : pourquoi une cellule sur un million se modifie spontanément sans rien demander à personne ? J’ai trouvé une piste de réponse en lisant « le cycle des robots », un chef d’œuvre de science-fiction écrit par le génie Isaac Asimov qui a ses heures perdues était aussi physicienmathématicien-chimiste-biologiste-etc. : à cause de la radioactivité.

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Dans l’esprit collectif, la radioactivité est dangereuse … l’esprit collectif a raison. Cependant nous vivons depuis des milliers d’années juste au-dessus du plus grand réacteur nucléaire jamais imaginé : Le noyau de la Terre. En effet, le phénomène de la tectonique des plaques entraîne régulièrement des métaux lourds (plutonium, uranium, etc.) au centre de la Terre ce qui provoque des réactions atomiques dignes de nos plus belles centrales nucléaires (6000°C, 130GPa). La différence avec nos centrales c’est que ces réactions ne sont pas confinées dans une enceinte anti-atomique et les radiations émises s’échappent lentement en direction de la croûte terrestre. Heureusement, après 6400 km de voyage, les radiations sont fortement atténuées et incomparables à celles émises par une bombe nucléaire, pourtant elles semblent suffisantes pour avoir un rôle mutagène sur les organismes vivants. La radioactivité serait donc le moteur de l’évolution de la même manière qu’elle peut-être le carburant de la destruction. Sans elle, l’Homme ne serait probablement jamais apparu sur Terre, à cause d’elle, il en disparaîtra peut-être … En fait, la radioactivité c’est pas si dangereux que ça, mais « à consommer avec modération ».

Manu

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« Le premier exemple qui vienne à l’esprit quand on s’efforce de prouver que l’homme moderne est toujours orienté vers l’enfer est celui de la pollution croissante de l’atmosphère et des eaux naturelles de notre planète depuis la révolution industrielle, qui commença en Grande-Bretagne vers la fin du XVIIIè siècle et se répandit comme une traînée de poudre à travers la majeure partie de l’hémisphère Nord. On admet assez généralement aujourd’hui que les activités industrielles de l’homme constituent une menace pour l’ensemble de la vie sur la planète, menace qui devient de plus en plus sinistre chaque année. Je m’insurge ici contre la pensée conventionnelle. Il se peut que le développement effréné de notre technologie s’avère en définitive destructeur et douloureux pour notre propre espèce, mais les indices en faveur de l’hypothèse selon laquelle les activités industrielles actuelles ou futures risquent de mettre en danger la vie de Gaïa dans son ensemble sont relativement faibles. On oublie trop facilement que la Nature n’hésite pas à recourir à la guerre chimique si des armes moins conventionnelles s’avèrent insuffisantes. (…) Il n’existe pas de Convention de Genève pour limiter les infamies naturelles. Une des espèces Aspergillus de champignons à découvert le moyen de produire une substance nommée aflatoxine qui est mutagène, carcinogène et tératogène ; en d’autres termes, elle est capable de provoquer des mutations, des tumeurs et des anomalies fœtales. Elle est renommée pour avoir entraîné maintes misères humaines, en particulier des cancers de l’estomac résultant de la consommation de cacahuètes polluées naturellement par cet agent chimique agressif. Se pourrait-il que la pollution soit un phénomène naturel ? Si par pollution nous entendons le déversement de déchets, il faut se rendre à l’évidence : la pollution est aussi naturelle à Gaïa que le fait de respirer aux hommes et à la plupart des animaux. J’ai déjà parlé du plus grand désastre environnemental ayant jamais affecté notre planète : il se produisit il y a un éon et demi lorsque de l’oxygène libre fut libéré dans l’atmosphère. Lorsque ce phénomène advint, toute la surface de la Terre en contact avec l’air et avec les mers sujettes aux marées devint léthales pour une vaste gamme de micro-organismes. » James Lovelock, La Terre est un être vivant : l’hypothèse Gaïa, éd. ‘Champs/Flammarion’

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Mwanzana ya Nzuani _ le coup du turban ****************************************************************************************** 18 Avril 2006 Là où les élections c'est plus sympa que les Feux de l'Amour, c'est que la situation évolue toutes les six heures, alors qu'au bout de neuf épisodes, Rod n'a toujours pas dit à Stacy ce que Clara n'aurait jamais du savoir. Comme on le disait hier, des groupes au Nyumakele ont érigé des barricades. Ce qu'on ne disait pas hier, c'est que c'était sous la direction du fils d'Ibrahim Alidi, le potentiel évincé du second tour, si bidouillages il y a. On retrouve le fils sur les barricades en train de lancer des propos injurieux et provocateurs, accusant les Mutsamudiens (les gens de la capitale) de vouloir leur voler leur élection avec l'aide des Français et d'avoir truqué le scrutin (qui est à l'heure actuelle en faveur de son père, rappelons-le). Ce qui était au début quelques pierres posées sur la route est devenu un arbre entier tronçonné et posé en travers. Donc on ne passe plus. Enfin, c'est à dire qu'on peut sortir d'une voiture devant l'arbre et monter dans une autre derrière l'arbre, après tout, "si tu as quelques chose à faire là-bas, il faut y aller". Donc les gens n'ont rien contre le fait qu'on rentre au Nyumakele malgré tout... Dans ces cas-là, il vaut mieux ne pas poser trop de questions. Pendant ce temps, à Mutsamudu, on évoque les souvenirs de la sécession, quand des milliers de jeunes du Nyumakele avaient marché 30 kilomètres à pied jusqu'à la capitale pour venir manifester leur soutien à l'autonomie des îles. Bref on évoque des souvenirs et on se demande à quoi ça ressemblerait si les mêmes revenaient en colère, parce qu'ils sont un sacré gros paquet. L'heure est à la rumeur infondée, mais faute de mieux, on l'écoute et on la raconte à son voisin. On dit que la commission électorale de Moroni aurait rendu son verdict : Sambi, Caabi et Djaafari. Ou alors Sambi, Caabi et Miladji, un out sider complet qui ne risque pas de faire de l'ombre. On dit que l'exécutif d'Anjouan est à l'oeuvre pour faire passer son candidat, que le parti au pouvoir est largué... Bref, on ne sait rien. Il parait que (on n'a guère mieux en ce moment) que la commission électorale a 72 heures pour rendre son verdict, faute de quoi l'élection est invalidée, ce que personne ne souhaite parce que sinon ça va être un sacré merdier. Coté AMISEC on regrette l'"incompétence des partenaires comoriens". Coté commissions électorales (une pour l'île et une pour l'Union), on ferme sa gueule et on compte combien ont coûté les hordes d'experts qui sillonnent les hôtels du pays depuis un an. 19 Avril 2006 Depuis deux jours les Comoriens vivent avec la radio collée au tympan, et comme ils l'écoutent fort, ça fait mal. On comprend donc aisément que l'attente des résultats un peu plus définitifs du premier tour soit difficilement supportable. C'est vers 22 heures, donc franchement pas loin de la deadline fixée à minuit, que le conseil constitutionnel a rendu son verdict : 14 bureaux de vote annulés, résultats finaux légèrement chamboulés mais le trio de tête ne change pas. On attend de voir quelles pirouettes calculatoires ont été réalisées entre les murs du bureau de la commission électorale parce que ça parait quand même bien louche. Mais bon, il faut reconnaître que tout le monde est à peu près content : oui l'élection s'est mal déroulée, oui on a reconnu que les bureaux pas nets ne pouvaient être comptabilisés, oui c'est quand même les deux candidats qui ont les partisans les plus revendicatifs et les plus excités qui restent en tête, oui c'est louche et donc les perdants pourront râler à souhait, et non il n'y aura pas de guerre civile à l'issue du premier tour. Une belle réussite politique donc, à saluer.

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Maintenant la tension est complètement retombée à Anjouan, pour un peu on ne parlerait même plus des élections, comme si les gens étaient arrivés à saturation. La campagne pour le second tour va essentiellement se passer loin d'ici (c'est appréciable), et les animateurs de meetings et les stéréos sont en train de prendre le bateau pour les îles d'en face. Un dernier mot sur l'AMISEC, le détachement Sud Africain envoyé par l'Organisation de l'Unité Africaine pour sécuriser les élections. Renseignements pris, il n'ont pas amené de tank à Moroni, c'était de l'intox. Par contre, on m'a confirmé qu'ils étaient sensés jouer un rôle dans le déroulement du scrutin, et force est de reconnaître qu'ils n'étaient nulle part. Les hélicos ont apporté les urnes en retard, les bureaux de vote n'étaient ni gardés ni surveillés... Z'ont pas foutu grand chose, commente sobrement la majorité de mes voisins. C'est pas tout à fait vrai, ils ont joué au foot et au hand avec des équipes de jeunes, et ils ont beaucoup roulé pour acheter des bières (et Dieu sait que c'est pas facile à trouver). Ils ont donc été assez actifs, et auront certainement laissé quelques souvenirs dans la frange féminine de la jeunesse comorienne. D'ailleurs les imams avaient mis les jeunes filles en garde : "attention aux soldats noirs, ils ont tous les sida et chacun d'eux peut contaminer 100 filles. Les soldats blancs ont tous les sida aussi mais c'est moins grave, peut-être 10 filles". 24 Mai 2006 Autant le premier tour des élections avait été assez rock and roll, autant le second tour aura été d'un calme délectable. Il faut dire toutefois que le gros de la campagne avait lieu à la Grande Comore, donc loin de mes oreilles. Elle n'aura toutefois pas été exempte d'évènements remarquables, notamment la partie de basket jouée par Sambi, vêtu pour l'occasion d'un survêtement et pas de sa robe de mollah, partie gagnée soit dit en passant par le candidat. Sambi se sera effectivement démené pendant la campagne, mais était-ce même nécessaire ? On peut se le demander au regard de la foule qui l'attendait à son arrivée à la Grande Comore, le plus grand rassemblement observé de mémoire de mes voisins, un cortège de plusieurs heures à pied, du terrain d'aviation jusqu'au stade de la capitale (c'est à dire loin). Le stade, plein comme un fanassi, dans lequel Sambi projetait de faire un discours, mais dans lequel il n'a pu que verser les larmes d'une émotion sincère face à la jeunesse des Comores qui le hisse en sauveur. C'est simple, on aurait dit un concert des Beatles. Le programme de Sambi a certes de quoi séduire : - éliminer la corruption et rétablir la justice (on pourrait se dire que c'est la base de tous les programmes de tout le monde, mais pas du tout, de nombreux candidats n'ont pas vraiment mis l'accent sur ces points, certains n'avaient même pas de programme de toute façon) - offrir à tout le monde la possibilité d'acquérir un logement en dur et éliminer l'habitat précaire (traditionnel en torchis et coco tressé), bref mettre le pays au travail dans un secteur qu'il connaît bien : le bâtiment, et relancer l'économie par une politique de nombreux petits travaux. Un peu léger diront certains, mais pour moi ça veut dire beaucoup répondent en cœur des milliers de Comoriens. En face il faut dire qu'il n'y a pas grand monde : Djaafari sera totalement absent du second tour, ce qui témoigne d'un bon sens d'économe (rien ne sert de dépenser des sous pour un scrutin perdu d'avance où il n'y a rien à négocier), et Alidi discrédité, synonyme du régime actuel, qui ne devra la plupart de ses voix qu'à l'influence des notables de son parti (celui du président Azali) et à ceux que l'intégrisme possible de Sambi inquiète. Caabi le réaliste a incité ses partisans à voter Sambi, désormais seul à proposer une alternative crédible au pouvoir en place. Beaucoup, beaucoup de gens qui redoutent malgré tout le turban et la bourka ont préféré un mal possible qu'ils ne connaissent pas à un mal certain qu'ils connaissent par coeur, autrement dit : tout mais pas Azali. Rien à signaler coté scrutin si ce n'est beaucoup plus de militaires de l'AMISEC que la première fois. Le soir du scrutin, même calme que pendant la campagne, pas de grands défilés, pas de grands cris de joie, bofbof oui c'est Sambi c'est bon. Vers minuit le nouveau président élu a tout de même fait un discours au stade même pas plein de Mutsamudu. Après avoir remercié tout le monde et dit plein de trucs de bon ton, il a rappelé sa position pour régler le problème de Mayotte : les Mahorais ne voudront jamais réintégrer un espace comorien en situation de crise économique, politique et sanitaire. Il suffit donc de faire plus d'éducation, de santé et de travail aux Comores qu'à Mayotte, et les Mahorais se rapprocheront d'eux même. Et oui ça reste de la politique. L'espoir c'est la pain des imbéciles, dit mon voisin. Ben oui mais il faut bien vivre.

Y comme Ylang

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La faim de l’histoire ******************************************************************************************

*les « confusions grossières » de la propriété privée « La propriété c’est le vol ». Beaucoup connaissent cette phrase choc de Proudhon, mais peu de personnes en connaissent l’origine ou le sens. Cette phrase n’est pas une provocation (elle vient d’un homme sérieux, dur à la tâche et dans les idées duquel apparaît « une nuance de protestantisme, sinon de jansénisme » Elie Halevy, Histoire du socialisme européen), ni une invitation au communisme, dont Proudhon se méfie (« il se défend énergiquement d’aboutir au communisme, où il voit une forme d’esclavage. C’est à un équilibre de justice, respectueux des individualités, qu’il aspire […] » ibid.). Ce n’est donc pas l’anarchisme ou le communisme que souhaite défendre Proudhon, mais une certaine idée de la justice sociale. En effet selon lui il n’y a rien qui soit produit uniquement par le travail de son possesseur. Dans tout objet produit, la société a sa part. « La propriété c’est le vol ». Pour illustrer cette phrase, il prend l’exemple de l’érection de l’obélisque à Paris : ce que 200 grenadiers ont pu réaliser ensemble, aucun d’eux n’aurait pu le faire seul, ne serait-ce en 200 fois plus de temps. Il semblerait donc bien qu’en ce qui concerne la force de travail, le tout soit bien plus que la somme des parties. Et si quelques hommes peuvent s’approprier le travail de tous, en ne laissant aux autres qu’un revenu de subsistance, accompagné d’un éventuel surplus lié à des besoins culturels, l’injustice paraît flagrante. Mais tout de même, non seulement la propriété des moyens de subsistance de l’individu, ainsi que des éventuels biens qu’il aura pu obtenir au cours de sa vie avec les fruits de son labeur ne peut pas être du vol, elle est nécessaire à une vie épanouie et représente une nécessaire incitation au travail. En plus de mettre les gens à l’abri du besoin en fonction de leur travail et de leur prévoyance, la propriété privée est une base nécessaire au libéralisme politique ; en libérant les individus de la dépendance à des groupes familiaux, politiques ou religieux. Ainsi, même Raoul Vaneigem (pilier de l’Internationale Situationniste), si il fustige « un hédonisme de marché et une démocratie de self service », se voit bien obligé d’admettre que celles-ci « parviennent à saper – plus sûrement que ne l’auraient espéré les anarchistes du passé – les sacro-saintes valeurs patriarcales autoritaires, militaires et religieuses qu’avait privilégiées une économie dominée par les impératifs de la production. » (Avertissement aux écoliers et lycéens). C’est à ces divers titres que la propriété privée est reconnue comme un droit « sacré » par la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 26 août 1789 (art. 17). Ces faits admis un problème, néanmoins, se pose. En termes de pouvoir libérateur, comment mettre sur un même plan, disons, les richesses (sacrées) de Bill Gates, d’une caissière française et d’un chômeur palestinien ? La quadrature du cercle… A en croire messieurs Bihr & Chesnais, ce paradoxe n’est qu’apparent, mais révèle des confusions plus grossières encore. « La sacralisation de la propriété individuelle, aux dépens des différentes formes de la propriété publique et de la propriété sociale, repose sur plusieurs confusions grossières. D’abord sur la nature du bien possédé : on met, en effet, sur le même plan à la fois les biens à usage personnel, dont les individus jouissent seuls ou avec leurs familles, et les moyens nécessaires à la production (terre, immeubles, infrastructures productives, usines et magasins, etc.). La seconde confusion – bien plus grave encore – porte sur le contenu même du rapport de propriété : on met alors au même niveau la possession d’un bien qui, à un titre ou à un autre, découle du travail de son propriétaire, et la possession d’un bien qui résulte de l’appropriation privative de tout ou partie d’un travail social. Au terme de cette double confusion , la possession par un individu d’un logement, fruit de son labeur personnel, est assimilée à la propriété privée de moyens de production (d’entreprises), qui découle de l’accumulation des fruits du travail de dizaines, voire de centaines de milliers de salariés, des décennies durant. La forme capitaliste de propriété, sous laquelle se réalisent la domination et l’exploitation du travail salarié, peut alors se présenter comme la condition et le fruit de la liberté personnelle. » (A bas la propriété privée !, Pour changer le monde, Manière de voir/Le Monde diplomatique, n°83, octobre 2005). Tout cela pour dire que si la propriété privée peut avoir de bons côtés (je n’y suis pas particulièrement opposé, loin s’en faut), encore faut-il savoir ce que signifie ce mot. Que l’on utilise un même terme pour la possession d’un porte-clef, d’un logement, d’une usine, voire d’une école ou d’un hôpital , et aujourd’hui d’un code génétique ou d’une composition moléculaire me semble pour le moins louche, sinon franchement malhonnête.

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rAdio Toulouse _ vive le printemps ! fin ******************************************************************************************

FRANCE : *CPE Avec le CPE, Mr Villepin, qui se rêve en stratège militaire, croyait enfin venue son heure. Réussir, par l’audace et la force, ce que personne avant lui n’avait pu faire : libéraliser (certains diront moderniser) le marché français du travail (voir Belba… n°1&2). Mais entre l’annonce de la création du CPE le 16 janvier et l’annonce de son retrait le 10 avril, c’est presque 3 semaines de manifestations et de grèves qui ont secoué la France. En fait, si Mr Villepin n’a pas réussi à élargir un dispositif de dérégulation du marché du travail, il a tout de même réussi quelque grandes choses avec son CPE, dont il se serait sûrement passé. - D’abord, il a réussi à réunir les jeunes, ainsi que l’ensemble de la gauche et des syndicats. Contre lui. Les manifestations communes ont commencé en février, mais c’est en mars que le mouvement a pris de l’ampleur avec entre 530000 et 1.5 million (1) de manifestants le 18 et entre 1 et 3 millions (1) le 28. Le dernier défilé commun (du 04/04) maintenu malgré la suspension du CPE a lui aussi réuni entre 1 et 3 millions (1) de personnes. - Il a inventé un nouveau concept de philosophie politique (quelle gloire d’avoir des intellectuels !) : le monologue social. « On aurait tort de sous-estimer l’inventivité de notre Premier ministre. Après le CPE, dont il a déposé le brevet avec le succès que l’on sait et qui ne se dément pas, le grand Galouzeau nous gratifie d’une nouvelle invention géniale : le monologue social. (…) Villepin déplorant, sans rire, le "tout ou rien de l’ultimatum" martèle tout seul qu’il est prés à "aller très loin" dans une discussion que, depuis le début, il ne cesse de refuser. » (Erik Emptaz, le canard enchaîné, 29/03/06). Incapable de dialoguer même après avoir mis le feu aux poudres, il a fallu l’intervention du Président Jacques Chirac pour que Mr Villepin renonce « à cette rigidité bornée qui a provoqué la crise sociale et institutionnelle que l’on sait » (le canard enchaîné, 12/04/06, comme les citations suivantes) ; - Enfin, il a réussi à décrédibiliser un peu plus la classe politique dirigeante et ses institutions : « En moins de dix jours, un président de la République qui promulgue une loi tout en demandant de ne pas l’appliquer, puis jette aux orties les aménagements qu’il avait lui-même solennellement demandé, et annonce enfin, en personne, une autre proposition de loi, frise l’inédit dans la confusion des institutions et le discrédit qui s’ensuit ». Certains, aimables, ont pu dire que « les institutions de la Ve République ont montré toute leur souplesse » [Hervé Mariton, député UMP], beaucoup ont néanmoins pensé que « la désorganisation des institutions a atteint un niveau inconnu depuis le début de la Ve République » [VGE, membre du conseil constitutionnel] (1) : estimations de la police et des organisateurs *C’est Peut Etre autre chose C’est peut être bien autre chose que le seul CPE qui a déclenché les troubles que l’on sait, ou, du moins, le CPE n’est il que la partie visible de l’iceberg. En effet, si ce mouvement a ratissé aussi largement (quel comble, on a reproché aux syndicats cette fois-ci de n’être pas assez corporatistes !), c’est : - d’abord qu’il étend la libéralisation du marché du travail en s’enrobant d’une rhétorique sociale (le CPE a été voté dans le cadre de la loi sur l’égalité des chances adoptée le 9 mars par le parlement), prétendant aider les exclus du travail en améliorant leur « employabilité », et cela sans incidence sur le reste des travailleurs. Mais « les mesures récentes, tels le contrat nouvelles embauches (CNE) ou le contrat première embauche (CPE), ciblent des catégories particulières de populations sans emploi, mais ces atteintes au droit du travail contiennent en germe la remise en cause du statut salarial. Après trente ans d’émiettement des normes, creusant les lignes de fracture dans le monde du travail, l’objectif est bien de loger la précarité au cœur même du salariat. » (Précarité pour tous, la norme du futur ; Florence Lefresne, Le Monde diplomatique, mars 2006) - ensuite, que cette libéralisation, posée comme un idéal de vie (on souhaite l’homme ‘flexible’ et ‘employable’ ; la vie est précaire, pourquoi pas le travail ?) séduit de moins en moins, et fait maintenant plutôt peur. Au fil des analyses et rapports de différents ‘experts’ (qui ressemblent à des

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sorciers quand ils tentent de deviner les taux de croissance dans la fumée de cigares), le diagnostic ne change pas (il convient de débloquer les forces du marché), mais il est apparue une rhétorique de la compassion du plus mauvais goût. « Si l’orientation (…) est sans surprise, le ton, lui, est plus intéressant. Le cyanure social y est en effet enrobé d’un charabia humanitaire, mélange de compassion religieuse et de vocables ‘altermondialistes’ (…) ‘développement durable’, ‘communauté mondiale’, ‘mutuelle dépendance d’hommes obligés de coopérer les uns avec les autres’, ‘cohésion sociale’, ‘économie de la gratuité’, ‘réhabiliter le don’, démocratie participative’ (…) Par gros temps de démolition sociale, la cautèle et le sourire constituent un couple idéal, une anesthésie idoine pour thérapie de choc » (Casse sociale sur fond de rapports officiels ; Serge Halimi, Le Monde diplomatique, janvier 2005). Cette fois-ci non seulement la pilule n’est pas passée mais les ficelles, un peu grosses, ont semblées énervés les publics concernés, qui ont manifesté leur agacement. *Affaire ClearStream Des sources pas si claires que cela Une sombre histoire de corbeau, je CROÂ Un scandale qui n’a pas l’envergure qu’on lui prête Un ratage vraiment tout bête Mais tout de même, en France comme à l’étranger, Un gouvernement un peu plus décrédibilisé Quatre crises de régime en deux ans C’est évidemment peu ragoûtant *Dr Jacques et Mr Chirac Tous les ans la fondation Abbé Pierre rend un rapport. Cette année celui-ci « souligne que de nombreux signaux sont au rouge : hausse des demandes d’expulsion, augmentation des dépenses des ménages liées au logement, baisse de l’effort de la collectivité… Le document met l’accent cette année sur les difficultés rencontrées par les jeunes » (Alternatives économiques, mars 2006). Cette réalité est connue de beaucoup. Quand, pendant la crise en banlieue, Mr Chirac a annoncé la mise en place d’une nouvelle loi d’ « engagement national pour le logement » pour enfin accorder les discours et les actes en la matière, on ne pouvait que s’en féliciter. On a néanmoins du mal à comprendre (mais peut être sommes nous trop bêtes) pourquoi deux mois plus tard l’Elysée a donné le feu vert aux députés pour ‘assouplir’ la loi de solidarité et de renouvellement urbain (loi SRU). Cette loi, qui oblige les communes de plus de 3500 habitants à construire 20% de logements sociaux. Celle-ci a été amendée en janvier, dorénavant seront comptabilisés les logements HLM vendus à leurs occupants et les programmes d’accession sociale à la propriété. Une bonne nouvelle pour les gens en situation d’extrême précarité ? *Dr Chirac et Mr Jacques La loi sur l’eau débattue à l’Assemblée depuis le 9 mai « comportait une mesure phare : une taxation des engrais azotés qui génèrent des nitrates. Ce au nom du principe pollueur-payeur. » (le canard enchaîné, 03/05/06) A l’évidence Mme Ollin, ministre (fantôme) de l’Ecologie y tenait, tandis que Mr Bussereau, ministre de l’Agriculture (soutenu par les lobbys agricoles et agro-industriels) s’y opposait. Il fallait donc trancher, et c’est Chirac Jacques qui s’y est collé : « Super-écolo, l’homme qui a fait inscrire la Charte de l’environnement dans la Constitution et le principe pollueur-payeur a tranché… pour la non-taxation des nitrates. » (ibid.) *Les nouvelles aventures de l’Inspecteur Gadget Avec 1300 inspecteurs et contrôleurs du travail, la France dispose d’un effectif 30% plus réduit que la moyenne européenne (le canard enchaîné, 03/05/06). On aurait pu croire que quand le 9 mars dernier, Mr Gérard Larcher a présenté une réforme visant a augmenter les dits effectifs afin de les porter à 2000 en 2010 (atteignant ainsi la moyenne européenne), l’application de celle-ci ne serait qu’une simple formalité. C’était sans compter sur la diligence du MEDEF, qui a envoyé (le jour même !) une lettre à Mr Larcher pour lui expliquer son opinion. Selon le MEDEF, le problème de l’inspection du travail, ce n’est pas le manque d’effectif ou de moyen, mais la complexité du code du travail (évidemment) et l’intervention des (méchants) syndicats dans les contrôles.

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CULTURE : *La question sociale ensevelie sous les faux débats C’est le titre du premier numéro du PLAN B, réalisé par les anciens de PLPL et de Ch’fakir, que l’on attendait avec impatience à la rédaction (voir les feuilles d’automne, PLanb PLanb, Belba…n°1). « Pourquoi Le Plan B ? Parce que le plan A et son modèle économiques expirent. La transformation sociale n’est pas seulement souhaitable : elle est urgente. Mais le Parti de la presse et de l’argent fait obstacle au projet d’un autre monde : celui-ci lui convient tout à fait bien ! Journal de critique des médias, Le Plan B crève les haut-parleurs de la résignation qui répètent depuis un quart de siècle : "C’est comme ça, on n’y peut rien" » (Le Plan B, mars 2006). A l’intérieur, entre beaucoup d’autres : - une réhabilitation du populisme, « Ecole littéraire qui cherche, dans les romans, à dépeindre avec réalisme les gens du peuple », nous apprend Le Robert. Le Petit Larousse ajoute même : « qui réagit contre la psychologie bourgeoise et mondaine ». Et le Plan B d’ajouter, avec raison : « C’est presque le symbole d’un abandon, d’un reniement, que les journalistes aient sali, volé, trahi ce mot, qu’ils l’aient retourné en une insulte. Signe de leur renoncement à faire exister, dans leurs médias, ces "gens du peuple" ». A ma connaissance, les auteurs qui correspondent à cette définition du populisme se nomment, notamment : Zola, Dickens, Dostoïevski, Andrić ou Orwell… Sont-ce donc d’eux qu’il nous faudrait avoir peur ? - la carte du PPA (Parti du Pouvoir et de l’Argent). Qui possède qui dans le monde merveilleux des médias ? Une carte qui fait la lumière d’un coup d’œil sur la concentration des titres de presses, radios, télés…, entre les mains de quelques dizaines de groupes. - Et bien sûr, un article qui développe la problématique posée en une : la question sociale ensevelie sous les faux débats. « Précarité, bas salaires, accidents du travail, racisme social des médias ? Mais non, parlons plutôt du voile à l’école, du Pape, de Napoléon aux Antilles, de la fierté française et des caricatures de Mahomet… ». Ainsi, pendant qu’ « Arlette Chabot barrit sur France2 [le 26//01/06] : "L’identité française, comment être français, ce sera l’un des thèmes de la campagne présidentielle de 2007." Par conséquent, "il est important de se parler au moment où dans les banlieues, vous l’avez compris ces derniers mois, beaucoup recherchent leur identité, leur histoire, leur origine". Le problème, c’est que beaucoup recherchent aussi un emploi, une sécurité sociale et économique, de meilleurs conditions de vie. Comme d’autres qui n’habitent pas en banlieue. Or que s’est il passé en France pendant que les médias occultaient cette convergence, cette ‘communauté’ sociale fondamentale en frottant leur gros sel sur les plaies ethniques et religieuses ? Presque rien : le gouvernement préparait tranquillement la démolition du Code du travail. » Le Plan B, un gros coup de pied dans la fourmilière… *empañadas au cassoulet Du 17 au 26 mars avaient lieu à Toulouse les 18e rencontres cinéma d’Amérique latine de Toulouse (et oui !). 18 ans ! La majorité ! Et si ce festival a surtout pris de l’ampleur ces 5 dernières années, on peut sans aucun doute avancer qu’il est aujourd’hui arrivé à maturité. Mais jugez vous même : 13 pays représentés, plus de 100 films (dans les 150 en comptant les courts-métrages), des dizaines d’intervenants, près de 200 bénévoles et de nombreux concerts ! Bien sûr, les chiffres, si ils peuvent rendre compte de l’implication des organisateurs et des participants, ne peuvent retransmettre ni les objectifs, ni l’ambiance… Les mots le peuvent-ils ? Laissons donc la parole à l’organisateur, l’Association Rencontres Cinémas d’Amérique Latine de Toulouse : « Fondée en 1989 selon les principes de la loi 1901, l’A.R.C.A.L.T. s’est fixée pour objectif de faire connaître notamment par l’organisation des Rencontres, les cinématographies latino-américaines. Les rencontres offrent aussi une occasion d’échanger, de s’informer sur les cultures latino-américaines et sur l’actualité politique et sociale des pays. » C’est mieux, mais pas encore ça. Je ne vois qu’une solution pour ceux qui veulent comprendre l’esprit de ce festival : rendez vous en mars 2007, pour les 19e Rencontres ! J’y serai. Pour vous tenir au courant : www.cinelatino.com.fr (Pour une surprise, tournez la page !)

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INTERVIEW de Cesar Coelho, Dessinateur et réalisateur, Cofondateur du festival international du film d’animation brésilien ‘Anima Mundi’ Qui présentait aux rencontres du cinéma d’Amériques latine de Toulouse une sélection de 12 courts métrages d’animation sélectionnés pour Anima Mundi 2005.

Belbalecave : Bonsoir Mr Coelho, merci de bien vouloir répondre à quelques questions. Pouvez vous nous parler un peu du festival Anima Mundi, et de vous même ? Cesar Coelho : J’ai commencé en faisant des cartoons [ici : strip qui met en scène des situations comiques] et des charges [strip qui fait référence à une situation politique] pour le syndicat des travailleurs de Petrobras [Entreprise publique des hydrocarbures du Brésil]. Puis, dans les années 80, j’ai passé un concours public pour une bourse d’études au Canada, et j’ai été sélectionné avec 10 autres animateurs, dont quatre avec lesquels nous allions fonder Anima Mundi environ 10 ans plus tard. Après les années 80 le gouvernement brésilien a arrêté de promouvoir et de subventionner le domaine de l’animation brésilienne et c’est dans ce contexte que l’idée d’Anima Mundi nous est venue. Notre intention première était de changer la situation de l’animation dans le pays en explorant deux questions majeures qui sont le point de départ d’Anima Mundi : • une question stratégique qui consistait à inciter l’offre et la demande – nous voulions prouver qu’il existait au Brésil une forte demande dans le domaine de l’animation et provoquer ensuite une offre conséquente ; • une question idéologique : le cinéma d’animation brésilien devait s’approcher du peuple, l’esprit d’Anima Mundi étant d’être un festival très populaire. Anima Mundi fonctionne avec des expositions d’animations, des séances de film, des débats organisés en présence de réalisateurs et propose des ateliers d’animation, ‘Estúdios abertos’. Les gens viennent faire de l’animation et ont la possibilité d’exposer leur travail et donc de devenir des animateurs. Les ateliers sont basés sur 7 techniques d’animation : les dessins animés, l’animation directe en pellicule (35 mm), la stop motion (pour la pâte à modeler), la pixelisation, l’animation avec du sable, le zoetrope ( séquences de dessins) et le découpage sur papier. Cinq d’entre eux utilisent la lunchbox, créée aux U.S.A., très utile pour encadrer les ateliers ouverts. C’est un appareil à double entrée, une pour brancher la caméra et l’autre pour brancher une télé, qui permet de visualiser l’animation en direct, sans avoir besoin de passer par un logiciel qui traite l’image. La lunchbox permet donc en pratique de gagner beaucoup de temps, même si l’image produite n’est pas de très bonne qualité. Anima Mundi a vu le jour en 93 avec une fréquentation de 7000 personnes, en 2005, le festival comptait 93000 visiteurs. Anima Mundi n’a pas toujours été à proprement parler un festival ; la première année était une rétrospective du cinéma d’animation brésilien, et jusqu’à la septième année il s’agissait seulement d’exposer des films sans les mettre en concurrence. A la septième année, Anima Mundi est devenu un vrai festival avec la participation de 140 films : tous ceux qui se sont présentés cette année-là. Aujourd’hui Anima Mundi fait une pré-sélection de tous les films qui lui sont envoyés et choisi ceux qui participent aux festival. En 2005, 1200 films ont été envoyés à AM (dont 350 brésiliens) et 400 films (dont 72 brésiliens) ont été sélectionnés. Aujourd’hui, certains artistes brésiliens se préparent toutes l’année pour se présenter au festival. Blc : La sélection Anima Mundi 2005 fait apparaître un panel très varié, avec une grande diversité de thèmes, de traitements et de supports. Pourriez-vous nous en dire un peu plus sur le cinéma d’animation au Brésil ? CC : Il n’y a pas encore une production industrielle de longs métrages d’animation au Brésil. Les participants brésiliens à Anima Mundi s’autofinancent la plupart du temps ; même si des entreprises misent sur l’animation (comme par exemple Petrobras qui subventionne beaucoup de courts-métrages). C’est d’ailleurs un des objectifs actuels d’AM, qui est maintenant un festival assez reconnu, de faire un lien entre les animateurs et les entreprises. Mes 4 collaborateurs et moi-même produisons principalement pour la GLOBO, qui est la principale chaîne télévisée (privées comme toutes, sauf une, Cultura) en situation de quasi-monopole sur le marché télévisuel brésilien. Nous ne sommes pas des contractuels de la GLOBO mais pour pouvoir vivre d’animation au Brésil il n’y a, en gros, que 2 possibilités : les publicités et la GLOBO. En travaillant pour une grande chaîne télévisée l’artiste est obligé de veiller au côté commercial et populaire de l’œuvre. L’artiste, à ce moment-là, ne crée plus seulement pour lui-même. C’est un côté professionnel que j’estime normal dans la carrière d’un artiste.

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Je dirige d’ailleurs en ce moment un long-métrage (mon premier) pour la GLOBO appelé « Daria » : il s’agit d’une réflexion sur le rôle de chacun dans le monde à travers l’histoire de deux tribus indigènes ; une qui est complètement hostile à l’idée d’intégrer les nouvelles technologies et l’autre qui, au contraire, veut se lancer dans le ‘monde moderne’ et se servir au maximum des technologies actuelles. Blc : On a l’impression depuis quelques années en Europe que de plus en plus de films brésiliens arrivent sur nos écrans, en particulier dans les circuits d’art et d’essai. Que pensez vous de la production cinématographique brésilienne actuelle ? Selon vous, cette maturation du cinéma brésilien est elle structurelle ou conjoncturelle, dépendant notamment du gouvernement progressiste du Parti des Travailleurs (PT) et de la bonne santé financière de Petrobras ? CC : Jusqu’à récemment une élite du cinéma brésilien recevait, à elle seule, toutes les subventions de l’Etat. Aujourd’hui cette situation est en plein changement - de plus en plus de jeunes artistes arrivent à être reconnus et essayent de faire tomber cette sorte ‘d’oligarchie’ instaurée dans le milieu artistique brésilien depuis des années. Selon moi, le processus est structurel : les jeunes artistes restent encore, comme auparavant, très dépendants des aides gouvernementales (aujourd’hui, cela passe surtout par Petrobras) mais un travail de décentralisation de la production cinématographique brésilienne de Rio et San Paulo vers d’autres régions du Brésil est en train de se faire. Cela prendra nécessairement beaucoup de temps, ne serait-ce que pour une question matérielle. D’autre part, le gouvernement du PT a réussit à mettre des règles beaucoup plus claires au niveau des subventions de Petrobras. Dernièrement, lors d’un concours du BNDS (Banco Nacional de Desenvolvimento Social), des films de célèbres cinéastes brésiliens ont été éliminés et la sélection finale n’a été composée que par des artistes non encore reconnus dans le milieu cinématographique, du jamais vu ! Blc : Revenons au cinéma d’animation. Que pensez vous de la situation en Europe ? CC : L’Union européenne a décidé d’investir davantage dans le cinéma d’animation dans le souci de faire face à la production de films américains et japonais. Cet investissement a été effectué de manière intelligente en se basant sur l’éducation : les étudiants européens en cinématographie ont produit dans les cinq dernières années des œuvres extraordinaires qui ont été reconnues internationalement. C’est en Europe que l’on retrouve les plus prestigieuses écoles d’animation du monde : Gobelin (Paris), La Poudrière (Valences), Supinforom ; ainsi que le plus grand festival mondial du cinéma d’animation – le festival d’Annecy, où le dernier film primé a été le ‘Muppet Show’ (produit par des étudiants de Supinform). Blc : Durant le festival toulousain, la sélection Anima Mundi 2005 n’est présentée que deux fois, et n’est pas en compétition. Pourquoi avoir fait le déplacement ? Avez vous des plans pour l’Europe ? CC : C’est en 2005 qu’Anima Mundi est venu pour la première fois à Toulouse pour une exposition d’animation. Le succès en 2005 a permis à AM de revenir cette année et faire, pour la première fois, partie du festival des films d’Amérique latine. L’idée pour ce festival l’année prochaine est d’y installer un atelier d’animation du type "Estudio Aberto". C’est la quatrième exposition d’AM à l’étranger et nous proposons d’essayer de créer un circuit national et international des cinémas d’animation pour, entre autres, permettre à d’autres représentant brésiliens d’animation d’exposer à l’étranger. Anima Mundi ne représente pas, à lui seul, toutes les productions brésiliennes en termes de cinématographie d’animation ; actuellement, six long-métrages sont en train d’être tournés au Brésil !

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Interlude sans intérêt… (6) **************************************************************************************

Where There’s a Will Will said that he would rather lose his anal virginity to a hermaphrodite than stay to watch the band for another minute. I said, “What? Speak up! I can’t hear you!” so he got right up close to my ear and shouted, “I SAID, I’D RATHER LOSE MY ANAL VIRGINITY TO A HERMAPHRODITE THAN STAY TO WATCH THE BAND FOR ANOTHER MINUTE!” I said that we’d just paid a fiver to get in, so we may as well stay for a drink. Will took out his wallet, stuffed a fiver into my hand and pointed towards the exit. Outside the air was lovely and fresh. I inhaled as much as my lungs would allow, then blew it back out into the night. Will sparked up a fag. From where we stood near the entrance the din from inside was still audible, only out here the sound was muffled, almost completely drowned out by the grave silence of the street. “I guess it’s back to yours for a smoke then,’ said Will. ‘Either that, or we pop one of these Viagras each and see who gets the biggest boner.” He dangled a small bag of blue pills in front of my face. “Those aren’t Viagras,” I said. “Try one if you don’t believe me. Rob brought a load back from Thailand the other week. I’ve already sold about fifty. Couples mostly. I know you haven’t got a girlfriend, but you never know; it could spice up your wank life.” I let out an involuntary laugh then, quick as a flash, cracked him one on the arm, causing him to drop his cigarette. Smiling, he produced a packet of Benson and Hedges from his pocket, flipped the lid, selected one carefully and wedged it between his lips. Standing there outside the club, his boyish good looks tainted murky yellow by the street light that hung overhead; fresh hair cut; baggy jeans; brand new Ecko hoody; he looked the epitome of cool. I was too busy admiring his style to dodge the punch that caught me square on the arm. “Aww, that was a good one,’ I said, and we began to walk home. It was that time of night when Bath city center is as dead as a village graveyard; the tourists tucked up in their hotel beds, digital cameras charging over night; the homeless sleeping awkwardly in shop doorways, too drunk to dream. Many a time I had walked those streets alone at night, everything very still, very quiet, as though the entire city had been evacuated and I were the only person left. I used to get very lonely on those walks, especially if the sky was clear and I could see the stars, but tonight was different. Tonight, I had Will. We were about a third of the way home, opposite the Social Services building, when he came to a sudden halt. I stopped a few paces ahead of him. “What?” He held a finger to his lips. “Shhhhhh.” I listened. All I could hear was the ringing in my ears; beyond that, deep silence. But as my hearing adjusted, I began to pick up a new sound; a blend of music and merriment coming from somewhere nearby. To our right stood a chest-high wall, beyond which lay a row of back gardens. Bath being such a hilly city, the pavement upon which we stood was level with the tops of the gardens, affording us a view into three of the five plots. In the third one along someone had erected a white marquee and one or two people could be seen standing at the bottom of the garden, drinks in hand. One of them, a young woman, was wearing a school uniform; the other, male, female, it was hard to tell, wore a giant banana outfit. “Oh my God,’ said Will, pointing at the girl in the uniform. ‘That girl would get a severe punishing.” “It’s you who’d get a severe punishing,’ I said, ‘if you’re Mrs heard you speak like that.” “Don’t be such a twat,’ he said. ‘With a bit of luck we should be able to turn this night around.”

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Will rang the doorbell and took a casual step back. I felt utterly ridiculous. They were going to point and laugh and then slam the door in our faces. I heard someone shout, “I’ll get it!” from within, then all of a sudden the door burst open and there was a guy dressed as Superman standing in the doorway. “I am Superman!” he bellowed, one hand on his hip, the other holding a bottle of wine high up in the air. “As long as you aren’t carrying any kryptonite, you may-” but he didn’t finish his speech because when he realized what we were wearing he burst out laughing. “Oh yes, I like it, I like it,’ he said, slapping his thigh. ‘Who on earth have you two come as?” His accent spoke of public schools, elocution lessons and in-house swimming pools. “I’m sorry,’ said Will, putting on one of his highly convincing upper class accent, usually reserved for charming mothers. ‘I don’t believe we’ve met. I’m Will and this is Jack.” Superman shook hands. “I’m glad you find our outfits amusing,’ he continued. ‘That was our intention after all. You see, the reason I’m sporting a green bin bag and have a towel wrapped around my head is because I’ve come as Osama Bin Liner. I’m sure you’ve heard the joke before, which is why I opted for the green, recyclable bin bag over the more traditional black one. My friend, on the other hand, has come dressed as a wizard. This towel is his cape, this stick his magic wand and this traffic cone is his pointy hat.” The smile faded from Superman’s face. “That’s all very amusing,’ he said, ‘but I don’t recognize either of you.” Will and I had thought about this one. We figured that in a house full of people there must be a: “David,’ said Will. ‘We’re friends with David. He said it would be ok for us to come along.” “Oh, I see,’ said Superman, lightening up again. ‘Sorry, I didn’t recognize you. I’m afraid David’s already completely sloshed. Last time I saw him he was trying to microwave a can of beer downstairs.” “Typical,’ I said. The party was in full swing. Superman closed the door behind us and disappeared upstairs, giving me an opportunity to remove the traffic cone from my head. Will tried telling me that I should leave it on, so I gave him a dead arm and received one in return. We were both buzzing with excitement. “I reckon we’ve earned ourselves a drink,’ said Will, moving out the way to allow a stream of people passed. ‘We’re the only two sober people in here.” It didn’t take long to rectify the situation. To our delight we discovered that they’d set up a bar downstairs and were serving free bottles of Nastro Azzuro straight from the fridge. There was also a selection of spirits on offer, so we ordered two shots of each and necked them one after the other. After an inspired session at the bar we went and sat down on one of the sofas. It was a decent sized room; the bar at one end; French doors open to the garden at the other. There were a few people standing beneath the marquee but the majority were inside, jumping around to ‘The Strokes’, or gathered in clusters of threes and fours near the bar, all wearing fancy dress. One girl wore nothing more than a bikini. I was about to point her out to Will, but there was no point; he was already staring straight at her. “Right,’ he said, standing up, ‘hold my drink. I’m going hunting.” And off he went. He must have only been gone about twenty minutes but it felt more like an hour. Blagging our way passed Superman had put me on a high, but having been abandoned by Will I became very conscious of the fact that I was in a room full of strangers, and so the minutes dragged. “Mate,’ he said, reappearing suddenly, ‘you won’t believe the girl I’ve found upstairs. Come and have a look at her.” In my experience of house parties there’s always one room that gets taken over by the chillers, and in that party it was the loft. Mellow drum ‘n’ bass flowed into the room via two well-positioned speakers, blending perfectly with the soft lamplight that obscured peoples’ faces, making them appear more attractive than they probably were. Will had sold a bit of weed, some of which was now being passed around in joints, the silky white smoke rising sinuously into the air and out into the night through the open skylights. Will’s girl was sitting on some guy’s lap at the far end of the room. She had blonde hair, big breasts, and was wearing a nurse’s uniform so tight that it struck me as scandalous. She reminded me of a few of the posters in Will’s bedroom; the ones of bimbos posing in front of flashy sports cars.

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“You do realize she’s with a man, don’t you Will,’ I said, trying to sound patronizing. ‘That guy with the fake mustache might have something to say if you try chatting up his bird whilst she’s sitting on his lap.” “I know,’ said Will, grinning mischievously. ‘That’s why I slipped a Viagra in his drink.” For a second I was too shocked to say anything. I opened my mouth to give him some abuse, but burst out laughing instead. He nodded his head, still grinning, as if to say, ‘Yes, I thought you might like it,’ so I gave him a dead arm and got one in return. “Keep an eye on him,’ said Will, rubbing his arm. ‘It should kick in any minute. He’ll be so embarrassed he’ll go straight downstairs and lock himself in the toilet, leaving that sexy little thing all by herself.” It wasn’t the first time I’d found his audacity mind-boggling. “What makes you think you’re in with a chance?” I cried. He looked me in the eyes. “Fuck chance,’ he said. ‘I choose to make things happen. It’s all in the mind.” I’d heard that old cliché before. The way I saw it, everybody has their own limits. It’s all very well believing that you can do something but whether or not you’re actually capable of doing it is another matter. Take football for example. I suck. I once went for a volley and booted myself so hard in the back of the leg that two of my mates had to carry me home. I could easily spend my whole life dreaming of becoming the next Wayne Rooney (Will refers to him as the ‘foul-mouthed cunt’) but surely I’d be deluding myself. However, at that moment, as we sat waiting for the Viagra to work its magic, I was struck by the conviction that Will knew something I didn’t, and it would take him far: as far as he wanted to go. Fifteen minutes passed and the guy still looked the same. He’d finished his drink and was now smoking a cigarette, using his free hand to caress his girl’s stomach. ‘What if the bastard’s spiked my drink,” I thought all of a sudden, beginning to panic. But it wasn’t the case. Soon after the thought occurred to me, I noticed that the guy’s face was turning red; not the sort of red brought on by blushing, but a much darker red, indicative of a high temperature. Confused, he ran his hand over his face, using his forearm to wipe the sweat from his brow, careful not to disturb his girlfriend. Holding it between thumb and forefinger, he examined his cigarette, as though maybe it was to blame for his body’s unexpected behaviour. I prayed that he wasn’t having an allergic reaction to the Viagra, but my fears dissolved when I saw that the blood was draining from his face. He looked relieved. “Wait for it,’ said Will. ‘Wait for it.” At that point the anticipation was so acute I could feel it in my bladder. I knew I was being childish, but there was something undeniably funny about waiting to see a guy pop a full on stiffy in a room full of people. And that’s when it happened. All of a sudden his girlfriend, who’d been as lifeless as a doll all night, sat bolt upright and, with a naughty smile creeping across her face, turned to whisper something in his ear. Neither of us could hear a word she said, but judging by the look on his face it was nice and filthy. After a brief, passionate kiss she took him by the hand and led him towards the staircase. He didn’t so much walk across the room as he did hobble, trying to squeeze his free hand into one of his trouser pockets in an attempt to quell the forceful uprising which, despite his ultra skimpy trousers, was just about visible on the outside. They reached the top of the staircase and disappeared downstairs. “Fuck,’ said Will, spitting the word out. “Fuck, fuck, fuck.” He looked so gutted that I burst out laughing, and would have carried on if he hadn’t walloped me quite so hard on the arm. “Awww, that really hurt,’ I said. ‘You got me right in the same place as before.” “Stop laughing then you cunt. It’s not funny. Anyway, this party’s shit. Let’s get out of here.” I had to wait whilst he wrapped a spliff for the walk, then we went downstairs. On the floor bellow there was a small queue of people waiting for the bathroom. The girl at the front was banging on the door with her fist, shouting, “For God’s sake, hurry up in there! Some people need to use the bathroom!” She put her ear to the door. “I knew it!’ she screamed. ‘They’re having sex in there! How bloody selfish!” Outside all was very quiet. We started to walk home, passing the spliff between us at short intervals, neither of us saying a word. Earlier that night, crouched in someone’s back garden whispering like a couple of thieves, Will had agreed to return the borrowed towels to their washing line before daybreak. As we approached the garden, I noticed that he’d left his in the house. “Keep walking,’ I said, untying mine from around my neck. ‘I’m going to run ahead and put this towel back where I found it.”

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I was about to break into a run when he said, “Hey, Jack, sorry I called you a cunt.” There was an awkward silence whilst I toyed with the idea of forgiveness. “What about that dead arm?’ I said. ‘Felt like you really wanted to hurt me.” “Yeah, I did, sorry mate. I get real frustrated when I’m horny. Here,’ he said, pointing at his arm, ‘give me one back and we’ll be even-Stevens.”

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“He stopped, hollowed one hand round his ear, and, with a wicked twinkle in his eye, went on: ‘What, a play toward? I’ll be an auditor; An actor, too, perhaps, if I see cause.’ The children looked and gasped. The small thing – he was no taller than Dan’s shoulders – stepped quietly into the Ring. ‘I’m rather out of practice,’ said he; ‘but that’s the way my part ought to be played.’ Still the children stared at him – from his dark-blue cap, like a big columbine flower, to his bare, hairy feet. At last he laughed. ‘Please, don’t look like that. It isn’t my fault. What else could you expect?’ He said. ‘We didn’t expect anyone,’ Dan answered slowly. ‘This is our field.’ ‘Is it?’ said their visitor, sitting down. ‘Then what on Human Earth made you act Midsummer Night’s Dream three times over, on Midsummer Eve, in the middle of a Ring, and under – right under one of my oldest hills in Old England? Pook’s Hill – Puck’s Hill – Puck’s Hill – Pook’s Hill! It’s as plain as the nose on my face.’ He pointed to the bare, fern covered slope of Pook’s Hill that’s up from the far side of the mill-stream to a dark wood. Beyond that wood the ground rises and rises for five hundred feet, till at last you climb out on the bare top of Beacon Hill, to look over the Pevensey Levels and the Channel and half the naked South Downs. ‘By Oak, Ash and Thorn!’ he cried, still laughing. ‘If this had happened a few hundred years ago you’d have had all the People of the Hills out like bees in June!’ ‘We didn’t know it was wrong,’ said Dan. ‘Wrong!’ The little fellow shook with laughter. ‘Indeed, it isn’t wrong. You’ve done something that Kings and Knights and Scholars in old days would have given their crowns and spurs and books to find out. If Merlin himself had helped you, you couldn’t have managed better! You’ve broken the Hills − you’ve broken the Hills! It hasn’t happened in a thousand years.’ ‘We didn’t mean to,’ said Una. ‘Of course you didn’t! That’s just why you did it. Unluckily the Hills are empty now, and all the People of the Hills are gone. I’m the only one left. I’m Puck, the oldest Old Thing in England, very much at your service if – if you care to have anything to do with me. If you don’t, of course you’ve only to say so, and I’ll go.’ Rudyard Kipling, Puck of Pook’s Hill

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Mwanzana ya Nzuani _ les Charlots contre la misère ******************************************************************************

Seul sur le sable, les yeux dans l’eau Les pays pauvres regorgent d’associations de développement œuvrant dans des domaines variés comme l’éducation, l’accès à l’eau, la santé, l’agriculture, l’environnement… Ces acteurs de la société civile trouvent leur place dans les vides laissés par l’Etat, et entreprennent de pallier à ses déficiences avec beaucoup de bonne volonté mais de maigres moyens et souvent peu ou pas de compétence. Ces structures ont souvent, à l’instar des institutions auxquelles elles tentent de suppléer, un degré d’efficacité assez minable. Manque de rigueur, d’organisation, de connaissances de base, de disponibilité, d’ouverture, de capacité de communication… tout concourt pour que beaucoup d’énergie soit dépensée pour pas grand chose. Ce que recherchent ces organisations, c’est quelqu’un qui connaisse le sujet dans lequel elles travaillent, qui ait suffisamment de recul pour porter un regard juste sur la situation, qui sache organiser le travail et former les personnes, qui puisse mettre en place de nouveaux outils, de nouvelles méthodes, qui sache communiquer et rassurer les financeurs, qui soit étranger à la région et aux conflits internes… Pff, c’est pas possible… A des milliers de kilomètres de là, des petits jeunes sont chauds comme le Kalahari pour participer à un grand élan planétaire de solidarité, exercer leur métier dans un contexte différent, voir du pays, être le chef, se taper des filles comme jamais, retrouver leurs racines, changer d’air, échapper au service militaire, se donner bonne conscience, grandir au contact du tiers-monde, en chier comme des Russes, se mettre au défi, trouver un sens à la vie, l’univers et tout le reste… En fait, chacun a ses raisons qui, avouables ou pas, lui sont propres. Ces gens ont généralement 25-30 ans et une toute petite expérience professionnelle, mais les candidats au départ se répartissent sur un spectre assez effarant d’âge, de qualification, d’expérience et d’origine. Ce qu’ils recherchent, c’est une structure à rejoindre dans le vaste monde, une mission, un truc à faire... Pff, on y arrivera jamais… Les gouvernements des pays friqués, pour des raisons nombreuses et complexes, souhaitent participer au développement des pays pauvres. Pendant les vingt ou trente années qui ont suivi la décolonisation, l’aide était constituée de grosses valises pleines de billets livrées par des coopérants, ingénieurs ou cadres administratifs, destinés à aider les Etats nouvellement livrés à eux-mêmes. Suite aux manquements et aux insuffisances graves de ces instances, sont apparues des milliers d’associations d’individus avides de prendre leur destin en main. Ces ONG locales été formellement reconnues comme participant efficacement au développement de leur pays et une part substantielle de l’aide publique au développement leur est désormais allouée. Cette aide prend la forme de subvention de fonctionnement, de financement de projets et d’appui technique : on y vient. Ce que cherchent les organes chargés de la coopération, ce sont des gens capables d’aller travailler à des milliers de kilomètres de chez eux pour presque rien de rémunération... Pff, ça marchera jamais…

36.15 cestquiça, le réseau des rencontres à 3 Au milieu de tout ça ont émergé un certain nombre de structures vouées à faire le lien, style, entre les Fédérations des Acteurs Uruguayens de la Culture Halieutique des Espadons Sauteurs, Thomas Michaud étudiant en aquaculture fraîchement revenu déprimé d’un voyage en Inde, et l’Agence Française de Développement qui souhaite renforcer les capacités des acteurs économiques du littoral amérindien pour développer une force de négociation capable de répondre aux nouveaux défis lancés par la dérégulation des produits surgelés en Asie du Sud Est suite à la grippe aviaire. Style.

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Ces structures reçoivent des demandes d’associations locales, des candidatures de volontaires au départ et de l’argent de divers ministères français. Elles évaluent la capacité des premières à accueillir les seconds, la probabilité que les seconds ne pètent pas les plombs dans les deux semaines, et si tout le monde est d’accord, elles demandent de l’argent aux troisièmes. L’argent finance la couverture maladie, l’assurance rapatriement et une prime de fin de mission pour amortir la chute du retour (Bamako – Vénissieux ça fait mal).

La culture du blé L’association doit en général financer un aller-retour par an, les frais de vie sur place et un peu d’argent de poche. Le volontaire (puisque c’est de ça qu’il s’agit) travaille gratuitement, et ne saurait toucher autre chose qu’un défraiement, qui peut aller de vraiment rien du tout pour les associations fauchées, à un salaire de cadre super supérieur quand on a de la chance. En général, l’expatrié s’en sort quand même plutôt bien. La loi 2005-159 du 23 février 2005 relative au volontariat de solidarité internationale définit le statut du volontaire, les règles du contrat, et notamment qui paie quoi.

Ticket to ride En tête des structures françaises d’envoi de volontaires, on trouve l’Association Française des Volontaires du Progrès, la très célèbre AFVP. D’inspiration chrétienne, le Service de Coopération au Développement (SCD), travaille aujourd’hui avec une majorité d’associations sans caractère confessionnel. Beaucoup plus orienté robe de bure et tonsure de moine, la Délégation Catholique pour la Coopération (DCC) n’appuie que des groupements religieux et la DEFAP, purement protestante. D’autres organismes sont conventionnés pour recruter leurs propres volontaires, c’est notamment le cas des urgentistes. Pourquoi cela ? parce que sinon ça peut prendre un peu de temps. C’est tout le temps pareil, le plus difficile c’est de rentrer. On peut frapper directement à la porte des ONG françaises travaillant à l’étranger, mais la sélection est assez rude. On le répète à tous les coins de rue, c’est que ça doit être vrai : l’époque des chiens fous pleins de bonne volonté est résolument terminée, il faut à présent justifier d’une solide compétence en plus d’un dévouement inébranlable et de préférence une expérience de la vie associative, de la solidarité ou une bonne connaissance des pays d'intervention. Toutefois, pour les gens qui ne savent rien faire de particulier, il y a tout de même un espoir (après tout, on fait dans l’humanitaire). Les organismes d’envoi de volontaires ont aussi vocation à favoriser les échanges entre les sociétés du Nord et du Sud, et tout le monde a sa chance. Juste pour certains ça sera plus laborieux. En général ça commence par un dossier assez épais envoyé par l’organisme (AFVP, SCD…) dans lequel il est demandé un CV et une très longue diatribe sur les motivations du candidat au départ. Il s’agit d’une part de ne pas envoyer un type neurasthénique ou agoraphobe au milieu du Congo, et d’autre part de faire réfléchir le volontaire sur son parcours, ses aspirations, ses faiblesses. Un bon exercice d’introspection donc. Suit un premier rendez-vous fixé six mois après le dépôt du dossier. L’entretien reprend un peu la même thématique et peut, ou non, déboucher sur une session de préparation au départ, encore quelques mois plus tard. Cette session, d’une ou deux semaines, consiste à réunir une trentaine de jeunes ultra-motivés pour les faire discuter de ce qui les botte le plus. Autant dire que c’est franchement sympa, extrêmement formateur et incroyablement riche en sensations.

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Il s’agit là de la dernière étape, à l’issu de laquelle le candidat découvre s’il est affectable ou non. Dans le cas où c’est oui, il s’écoule encore quelques mois le temps qu’une affectation se présente, et zou, c’est parti pour l’aventure. Il ne faut pas se leurrer, les hydrauliciens et les infirmières trouvent beaucoup beaucoup plus vite que les manucures ou les assistants marketing.

Docteur ou avocat ? Les domaines dans lesquels des volontaires sont recherchés sont aussi divers que les activités humaines. Toutefois on peut dire sans trop se tromper que la gestion administrative et financière, l’hydraulique, le génie civil, les professions de santé, l’enseignement, l’agronomie et l’informatique sont des secteurs qui recrutent un max. Le social aussi, mais les demandes sont tellement nombreuses que les attentes sont parfois longues. D’une façon générale les techniciens sont rares, donc recherchés. Il s’agit souvent de missions d’appui, de transfert de compétence. L’idée est alors de faire avec, pas de faire à la place. Pour les gens qui ne savent rien faire de tout ça, de nombreux postes dans des écoles sont accessibles. Cela dit, ce n’est pas forcément un débarras à trucs inutiles : il est arrivé plus d’une fois que le volontaire se retrouve in fine directeur de l’école.

L’Afrique, wouahaa, le kiff Et ensuite, une fois sur place, c’est comment ? La rencontre interculturelle, l’énergie du développement, la passion du travail, les sensations piquantes, la confrontation au monde sans filet, les gens, les gens, les gens !… Et bien ça dépend. De plein de choses, mais surtout de l’état d’esprit dans lequel on se trouve. Un nombre de volontaires pas du tout négligeable craque une fois sur place, souvent entre trois et neuf mois. La plupart rentre quand même en se disant que c’était le top, certains ne rentrent pas du tout. Personne ne sort de l’avion en haussant les épaules et en faisant « mouais ouais, sympa ». Une fois passés les retrouvailles et les "c'était comment ?" qui restent sans réponse, certains passent un bon moment à déprimer dans leur petit appartement sans couleur ou dans la file de l'ANPE. Ben oui, les faits sont là, c'est difficile de valoriser deux ans passés à apprendre à des enfants à se laver les mains quand on bosse dans l'électroménager. Là-bas on déjeune avec des ministres, ici on pointe comme un couillon. Pour certains, c'est le début d'une carrière dans le développement, qui après tout, peut être un business comme un autre. Réciproquement, quand on compte rentrer dans le monde de la coopération, le volontariat est une porte d'entrée presque inévitable. Il y a toutefois beaucoup à raconter, surtout quand a soutenu des responsabilités importantes dans des conditions de travail épouvantables, mené des négociations avec des ministères, participé à la définition de la politique de développement d'une région ou d'un pays...

Vous m’en mettrez un alors Pour commencer, l’excellent et indispensable guide du candidat au départ : « Partir pour être solidaire ? » édité par RITIMO (Réseau des Centres de Documentation et d’Information pour le Développement et la Solidarité Internationale – je sais, les initiales ne collent pas) et tout le reste sur www.ritimo.org Tout est dedans, infos ou liens incontournables. Les organismes d’envois de volontaires : Le Service de Coopération au Développement L’Association Française des Volontaires du Progrès La Délégation Catholique pour la Coopération

www.scd.asso.fr www.afvp.org www.ladcc.org

Toutes les adresses, des offres d’ONG françaises et l’actu de la solidarité sur www.coordinationsud.org Y. comme Ylang, Ouani, décembre 2005

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Música do Brasil ******************************************************************************************

La musique du Brésil ? Il serait plus juste de dire les musiques des Brésil ! En effet il est difficile de parler de la musique du Brésil tant celle-ci est riche et diverse,à l’image même de la terre dont elle est issue. A cela les raisons se doivent d’être nombreuses et variées. A l’instar de Paula Tesser, j’en distingue cependant deux principales : Le Brésil contemporain est une terre de métissage entre trois cultures qui s’affrontent et se rassemblent. L’Afrique (principalement le triangle de la traite), l’Europe (principalement latine-lusophone) et les indiens d’Amérique (du Sud) se sont en effet donnés rendez-vous sur ces terres. Et comme le rappelle Paula Tesser : « aucune de ces trois cultures n’est plus vraiment authentique, elles se sont diluées au fil de ces cinq siècles pour n’en faire plus qu’une, la culture brésilienne » (Mouvement Mangue Beat. Le mélange des genres version brésilienne). Or, selon Claude Levi-Strauss : « tout progrès culturel est fonction d’une coalition entre les cultures. Cette coalition consiste dans la mise en commun (consciente ou inconsciente, volontaire ou involontaire, intentionnelle ou accidentelle, cherchée ou contrainte) des chances que chaque culture rencontre dans son développement historique ; (…) cette coalition est d’autant plus féconde qu’elle s’établ[it] entre des cultures plus diversifiées » (Race et Histoire) Mais pourquoi cette formidable richesse culturelle s’exprime-t-elle en premier lieu à travers la musique ? Parce que la musique fait partie de la vie quotidienne, « Que ce soit dans les places, les salles de concert, les processions, les réunions politiques, les événements sportifs, les fêtes religieuses ou profane, la musique est une nécessité fondamentale et constante de la vie sociale au Brésil. Il est très courant que les gens se retrouvent autour de quelques instruments, même improvisés comme une simple boîte d’allumettes, pour chanter, danser. Dès qu’il y a un certain rassemblement, la musique apparaît comme l’élément par essence de la socialité entre les individus. » (Paula Tesser, op. cité.) Rien d’étonnant, dès lors, que la culture soit d’abord musicale au Brésil. Et à ce que la musique soit le miroir des peines et des joies des brésiliens, de leurs déceptions et de leurs aspirations. Et sur un territoire si vaste (15,5 fois la superficie de la France) et si riche, celles-ci sont forcément diverses. C’est pourquoi en entrant dans le détail des différentes musiques du Brésil on ne peut jamais qu’aborder quelques unes des innombrables facettes du phénomène qui a fait du Brésil le pays le plus musical du monde. Ainsi, les articles que vous vous apprêtez à lire n’ont pas la prétention de décrire fidèlement la musique du Brésil, mais seulement d’en donner un avant goût, avec l’espoir que celui-ci titillera vos envies musicales.

Tarsila do Amaral ‘Antropofagia’, 1929

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Forró est for all ! Comme le reste du pays, le nordeste brésilien recèle une richesse musicale impresionnante. On y dénombre des dizaines de rythmes et styles musicaux, de quoi faire un festival tous les mois, avec chaque fois des musiques, danses et interprètes différents. Ce n’est pas par hasard si, au Brésil, il y a la fête (presque) toute l’année! Bon, stéréotypes à part, il est en réalité un peu difficile de comprendre la coplexité de la musique ‘nordestina’ brésilienne. Il faut d’abord expliquer pourquoi on est en train de parlerdu nordeste brésilien: pourquoi le forró est-il né dans cette région ? Voilà ! Cette région est la plus pauvre économiquement et une des plus conservatrices politiquement, mais elle nous a donné ( et nous donne jusqu’à aujourd’hui: on ne peut pas oublier que Gilberto Gil et Joao Gilberto, par exemple, sont ‘nordestinos’!) une culture immensément riche. Et avant d’oublier, un détail important: qu’est-ce que le forro? Selon Adriana Fernandes, professeur à l’université fédérale de Goias, il est “ une fête dansante, de la musique live, dont la base instrumentale est l’accordéon ( à botão – boutons, ou à teclado – clavier)”1. L’époque de l’année à laquelle on joue les rythmes typiques du forró est la période de la commémoration de la Saint Jean. A de moment-là le Nordeste s’arrête pour célébrer les fêtes du saint catholique, à renforts de boissons traditionelles ( liqueur, cachaça, quentão), des bûchers, des vêtements typiques et, bien sûr, beaucoup de musique! Les instruments utilisés sont: le triangle, la zabumba (percussion) et l’accordéon. Les principaux styles musicaux de cette grande fête brésilienne sont: le forro, le baião, le , l’arrasta-pé, le xote, le coco, le ciranda. Chacun avec ses caractéristiques propres, mais tous avec un dénominateur commun: la nécessité d’être dancés en couples (hétéros de préférence) bien serrés. La sensualité de la danse brésilienne est un autre trait typique. Le forró est identifié à ce qu’il y a de plus typique, de plus traditionnel dans cette région brésilienne, et est fondamentalement considéré comme étant de culture populaire. Sur l’origine du terme forró, certains disent qu’il est apparu lors de bals organisés dans la province du Nordeste par les usines anglaises qui y étaient implantées : des pancartes à leur entrée signalaient for all, pour signifier que tous les travailleurs pouvaient y participer. Mais en vérité personne ne sait avec certitude comment a surgi ce terme.

A cidade não para a cidade só cresce os ‘de cima’ sobe e os ‘de baixo’ desce Chico Science

Luis Gonzaga, considéré comme le père de ce rythme nordestin, nait dans l’état de Pernambuco, et commence sa carrière à Rio de Janeiro, dans les années 40. Comme beaucoup de nordestinos pauvres (comme par exmple notre bien aimé président de la république, Lula, qui est aussi un nordestino de la province du Pernambouco, parti à São Paulo encore enfant), il migre vers le sudeste brésilien, plus riche économiquement, espérant améliorer sa situation sociale. Il quitte sa terre natale, mais amène avec lui une connaissance des rythmes nordestinos lui venant de son père. Originellement, le forró est instrumental, mais avec l’aide de ses amis intellectuels du sudeste, Gonzaga agrémente ses compositions de paroles. C’est ainsi qu’il fait découvrir les divers rythmes nordestinos au reste du Brésil. Ce qui impressionne le plus chez Luis Gonzaga est que sa condition d’analphabète ne l’a pas empêché d’écrire de magnifiques paroles, d’une profondeur qui remet en question les valeurs académiques. Les paroles du forró, le plus souvent, parlent d’amour, décrivent les difficultés de la vie dans le Sertão2, la saudade de ceux qui partent, et principalement de leur espérance de pouvoir revenir un jour pour se construire une situation meilleure sur leur terre natale. A la différence de la majorité des musiques françaises, les musiques brésiliennes sont toujours porteuses d’un fort sentiment d’espérance, de foi en l’avenir. Là où les chanteurs français se complaisent dans un désespoir mélancolique qui sécrète l’émotion esthétique, le forró – et toute la musique brésilienne – génère la beauté par la saudade, qui exprime la distance entre un présent invivable et un passé ou un futur fait de bien-vivre, un autre temps auquel la musique impose de rester lié. Deni & Manuela 1 2

Adriana Fernandes. Site :www.unirio.br/mpb/iaspmla2004/anais2004/adrianafernandes.pdf Region désertique du nordeste carctérisée par la sécheresse, la pauvreté. - 28 -


Música Popular Brasileira : MPB La ‘Musique Populaire Brésilienne’ est le plus souvent un mélange de musique folklorique populaire et de ‘chansons à textes’. Sigle ambigu puisque pour populaire qu’elle se proclame, la MPB vogue entre musique commerciale et élitiste, avec parfois des paroles et des compositions exigeantes. Elle a très largement contribué à façonner la musique ‘classique’ du Brésil de ces 50 dernières années, avec des artistes comme Elis Regina, Chico Buarque, Gilberto Gil, Caetano Veloso, Rita Lee, Milton Nascimento, Djavan, Marisa Monte, Seu Jorge… « Sigla que sintetizava a busca de uma nova canção que expressasse o Brasil como projeto de nação idealizado por uma cultura politica influenciada pela ideologia nacional-popular e pelo ciclo de desenvolvimento industrial, impulsionado a partir dos anos 50. » Actas del IV Congreso Latino-americano de la Associacion Internacional para el Estudio de la Música Popular

Antônio Carlos Jobim Durant les années 1940 et 1950, il existait une légère tendance à la modernisation de la musique populaire brésilienne. Quelques compositeurs commençaient à modifier discrètement le discours musical en vigueur, même s’ils étaient d’une certaine manière déjà consacrés dans le milieu artistique, ils bouleversèrent la scène musicale. Face à ce changement, les critiques de musique populaire étaient, à de rares exceptions près, unanimes à ne pas voir ni accepter les modernisations dans la musique populaire. C’est dans cette ambiance qu’Antonio Carlos Jobim commence ses études musicales, puis développe sa carrière professionnelle. En raison de sa relation d’osmose avec cette nouvelle tendance de modernisation, et afin de se rapprocher de quelques bons compositeurs, chefs d’orchestres et arrangeurs, Jobim développe naturellement dans sa musique de nombreuses transformations dirigées vers la modernité . Son œuvre n’en est pas moins fondée sur la tradition de la musique populaire brésilienne, ainsi que sur la culture populaire en général. Après avoir fait son entrée dans le milieu musical, Jobim s’affirmera comme l’un de plus grands compositeurs de musique populaire. Son œuvre est aujourd’hui jouée dans le monde entier, tant Carybé par de grands orchestres que par des ensembles musicaux populaires. Sa musique présente des caractéristiques à la fois populaires et savantes. Il influencera plusieurs générations de compositeurs dans le monde. D’une certaine façon, Jobim est quelqu’un qui a changé le panorama musical de la musique populaire d’une époque . Les compositeurs qui impulsent les premiers pas en direction de la modernisation de la musique populaire brésilienne devaient avoir un fort rapport avec Jobim. Parmi eux, les deux principaux sont Dorival Caymmi et Ari Barroso : quand Jobim commence à composer, tous deux sont déjà des compositeurs célèbres. Au sein de la musique populaire brésilienne, Jobim est le seul compositeur dont les musiques sont encore jouées, et à grande échelle ; et cela dans la dure réalité brésilienne, où la tendance est à l’oubli des compositeurs au moment où ils disparaissent. I. Naissance d’un compositeur Le 25 janvier 1927, à Rio de Janeiro, Brésil, naît Antonio Carlos Jobim. La carrière d’Antonio Carlos Jobim commence bien avant la naissance de la bossa-nova. Compositeur de samba canção, sambas, musique de chambre, entre autres, Jobim se distingue très tôt des autres compositeurs. Vers l’âge de vingt ans, il débute sa carrière et écrit ses premières compositions, qui le font déjà remarquer dans le milieu artistique, mais pour assurer la subsistance de sa famille, il se voit obligé de travailler comme pianiste dans une boîte de nuit de Rio de Janeiro. Le premier professeur de piano de Jobim est Hans Joachim Koellreutter, un allemand alors âgé de 24 ans, qui quitta l’Allemagne nazie pour le Brésil. Les cours de piano avec ce professeur de bon niveau permettent

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à Jobim de s’intéresser plus amplement à la musique et d’approfondir ses connaissances. Koellreutter lui apprend les premières notions Saudade d’harmonie et de contrepoint classiques, la musique modale et tonale, « Mas não tem revolta não et lui fait connaître certains compositeurs comme Debussy et Ravel. Eu sóquero que você se encontre Dans une interview , Koellreutter déclare qu’il a donné à Jobim une Ter Saudade até que é bom éducation et une connaissance plus générale de la musique. L’une des E melhor que caminhar vazio » valeurs les plus importantes que tenait à donner ce professeur allemand Caetano Veloso à ses élèves était le courage d’exprimer leurs propres idées afin qu’ils enrichissent leur personnalité. La personnalité de Jobim s’exprime de façon tellement marquée dans ses compositions qu’il est aisé de reconnaître l’une de ses œuvres parmi beaucoup d’autres. Bien qu’influencé par des compositeurs tels que Chopin, Debussy, Villa-Lobos, le style de Jobim lui est propre. Ces diverses influences lui servent de références de bonne conception musicale qu’il ne tarde pas à assimiler. Après avoir travaillé avec Koellreutter, Jobim étudie le piano avec Lucia Branco, qui lui fait découvrir Bach et Gershwin. Dès les premiers mois, ce professeur lui présente les grands compositeurs du début du siècle comme Prokofiev et Stravinsky. Pour Lucia Branco, c’est sur le travail de composition que Jobim doit se diriger. Il est attiré par les mélodies, peut-être du fait de son imagination féconde. Le professeur forme une majorité de concertistes qui auront une carrière internationale comme par exemple Jacques Klein, Nelson Freire et Artur Moreira Lima. Jobim, quant à lui, décide de perfectionner sa technique de composition, et plus tard, s’en servira pour faire des arrangements orchestraux. Jobim suivra les enseignements d’autres professeurs de musique, mais un seul lui insuffla une grande inspiration. Il s’agit de Tomas Gutierres de Téran, professeur qui étudia au conservatoire de Madrid avec José Maria Guervos et Joaquim Malats Gutierres tenait pour maître Heitor VillaLobos, grand compositeur et chef d’orchestre, qui influençait également Jobim sur de nombreux plans musicaux tels que les figures rythmiques, les lignes lyriques mélodiques, le chromatisme extensif dans les mélodies et la construction mélodique particulière sur la structure d’accord. Peu après avoir fini sa formation musicale, Jobim se marie. Il a alors 22 ans. Après deux mois de mariage, sa femme tombe enceinte. Pour subvenir aux besoins de sa famille, il doit trouver un emploi rémunéré. Il se fait engager comme pianiste dans plusieurs cabarets, et joue toutes les nuits, de 22h à 6h. Dans les cabarets, son répertoire doit être diversifié afin de répondre à la demande de la clientèle. Amené à jouer durant plusieurs heures différents styles, il apprend considérablement. C’est ainsi qu’il commence à formuler les premières bases de ses compositions, et c’est à cette époque qu’il écrit les premières chansons qui seront reconnues par la critique et les milieux musicaux. C’est également au cours de ces années que Jobim commence à s’intéresser à l’orchestration. Il achète le principe de l’orchestration de Rimski-Korsakov qu’il étudie seul, en autodidacte. Il est important de relever que le compositeur était un intime de quelques grands arrangeurs brésiliens, et profitait de ces moments de travail en commun pour parfaire ses connaissances. II. Les premières compositions La première composition officielle de Jobim est Imagina, de 1947. La chanson n’a pas de succès mais elle sera considérée dans le futur comme une œuvre de grande beauté. Curieusement, Jobim reprendra son travail de composition seulement six ans après avoir fait Imagina. A la demande de Billy Blanco, auteur et compositeur, son premier partenaire de poids, Jobim doit écrire une symphonie pour la Mairie de Rio de Janeiro, qui veut améliorer l’image qu’ont les touristes de la ville. Malgré son âge et son manque d’expérience, Jobim réalise avec talent ce travail, lequel ouvrira des portes précieuses au jeune compositeur. La critique et le public apprécient sa symphonie, enregistrée en 1955. En 1953, Faz uma semana, samba enregistrée par le chanteur Ernani Filho, puis en 1954, Solidão, samba-chanson enregistrée par Nora Nei, sont les premières compositions de musique populaire reconnues et considérées par la critique comme des œuvres possédant une originalité propre. La première composition de Jobim qui connaît véritablement un succès est Tereza da Praia. Elle est enregistrée en 1954 par Lucio Alves et Dick Farney, deux des plus grands chanteurs des années 50, et sera en tête des ventes de disques. C’est ainsi que Jobim commence à être admiré plus amplement par le public ainsi que par le milieu musical. A cette époque, Jobim est fatigué de son métier de pianiste de boîtes de nuit et n’a pas de temps à consacrer à sa famille ; il abuse d’alcool et de cigarettes, et tombe régulièrement malade. Il cherche alors du travail dans les studios d’enregistrement. Sachant lire et écrire la musique, il est engagé dans un studio pour écrire les partitions des créations des compositeurs de musique populaire, qui ne savent pas le faire, afin qu’ils puissent les enregistrer. Jobim commence alors à écrire sur papier les sambas les plus célèbres de l’époque, et

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développe ainsi son écriture musicale. Dans ce même studio, l’arrangeur le plus célèbre de l’époque, Radamés Gnattali, prend Jobim comme assistant, ce qui lui permet d’appliquer ses connaissances théoriques sur les principes de l’orchestration. Joandre Camargo, étudiant en Musicologie, Université Toulouse II, Le Mirail ; www.assocomunicarte.com/joandre camargo.htm

TROPICALIA

« Attention, tout est dangereux, Tout est divin et merveilleux » Gal Costa, Divino Maravilhoso

Tropicalia est un mouvement musical éphémère (1967-1968), mais qui a bouleversé, ou plutôt révolutionné, la musique brésilienne. Car c’est bien de cela qu’il s’agit : une révolution. Musicale d’abord, mais aussi culturelle et artistique. Profondément influencé par le mouvement artistique et culturel 'Anthropophage’ (« inspiré des idées du poète et philosophe iconoclaste Oswald de Andrade qui, dans son Manifesto Antropofagico publié dans les années 20, disait que l’originalité de la culture brésilienne tiendrait à son caractère anthropophage, une culture qui dévore les éléments et les vomit sous la forme nouvelle d’une interprétation appropriée ». Mouvement Mangue Beat. Le mélange des genres, version brésilienne ; Paula Tesser ) Les acteurs de Tropicalia se sont lancés dans un grand travail de métissage. Refusant de choisir entre une musique brésilienne en voie de ‘folklorisation’ et la musique moderne occidentale, les tropicalistas ont voulu puiser à toutes les sources pour créer une musique brésilienne résolument moderne, en « entrant dans chaque structure pour sortir de toutes les structures ». C’est ainsi le mouvement Tropicalia qui a introduit les guitares électriques dans la musique brésilienne (et aussi les machines à coudre ! Dans ‘Bat Macumba’ de Os Mutantes). On peut de plus comparer Tropicalia à la fleur qui sort du fumier. C’est en effet pendant les heures les plus sombres de la dictature militaire (1964 – 1985) que le mouvement a connu son essor. D’où le sel de certaines métaphores qui ne sont pas que poétiques… Le noyau dur du mouvement se composait de Gilberto Gil, Caetano Veloso et Tom Zé, trois artistes complets ; des groupes Os Mutantes (Rita Lee et les frères Baptista), le plus déjanté du mouvement et des Novos Baianos (Moraes Moreira, Baby Consuelo, Pepeu Gomes…) ; Des paroliers José Carlos Capinam, Torquato Neto et Jorge Mautner ; ainsi que des chanteuses Gal Costa et Nara Leão. Mais le mouvement Tropicalia a connu une forte résonance avec de nombreuses manifestations artistiques de son époque, musicales ou nom. Les festivals de musique populaire brésilienne (MPB), une étiquette dont les principaux représentants sont… Gilberto Gil et Caetano Veloso, ont servis de relais au mouvement, ainsi que les films du ‘Nouveau Cinéma’ (Glauber Rocha, Rogério Sganzeria, Julio Bressane…), les pièces de théâtre du ‘Groupe Théâtral de L’Arène’, La peinture, la littérature (José Agripino de Paula, Jorge Mautner…)… Détail amusant, après avoir fait longtemps la fine bouche Caetano Veloso a fini par reprendre à son compte le mot d’ordre des subversifs français de son époque : ‘é proibido proibir’ !

ROCK N’ROLL BRASILEIRO Pour être honnête, je n’y connais pas grand-chose à la musique en général, et à celle du Brésil en particulier. Moi, j’aime le Rock n’ Roll.. Et il se trouve que j’ai eu l’occasion, récemment, de voyager dans les contrées du Rock n’ Roll brésilien. Rien d’exotique là-bas, mais une étrange sensation, mêlée de familiarité et de découverte. Aïe, l’exercice commence à prendre un tour par trop ‘scolaire’ – racontez vos vacances ! – Je suppose malgré tout que c’est ici qu’il convient d’introduire les mises en gardes qui s’imposent. D’abord cette sélection ne vise aucunement l’exhaustivité, ensuite ce texte ne se veut pas critique musicale, mais plutôt carnet de voyage, diapos de (bonnes) vacances. *Os Mutantes : ‘Bat Macumba Yeah-He.’ Pilier du mouvement ‘Tropicaliste’, archétype du rock expérimental brésilien (non sans rappeler parfois un autre archétype du rock expérimental : le Velvet Underground), ils ont introduit là-bas le feedback et la distorsion. On peut aimer ses errances psychédéliques ou ses critiques humoristiques de la bourgeoisie ‘de salle à manger’. Ce que je préfère chez les Mutants c’est la chanteuse Rita Lee (‘Tia Rita’) qui a beaucoup donné au Rock brésilien à travers une carrière solo impeccable. *Raul Seixas : ‘O pai do Rock n’ Roll’. Très influencé par le Rock n’ Roll U.S. des années 50 et 60 (notamment Elvis), il a largement contribué à introduire ses sonorités au Brésil. Plus qu’un peu mystique, il est très ami avec l’auteur Paulo Coelho, avec lequel il a co-écrit plusieurs chansons (comme Gîta, plus tard reprise par ‘Tia Rita’). *Secos & Molhados : ‘shocking !’ Ces adeptes d’un Glitter Rock que ne renierait pas David Bowie ont fait vibrer tout le Brésil dans les années 70. A travers leur musique étrange, mais aussi à travers le scandale de leurs prestations scéniques (très théâtrales, a grand renfort de maquillage et de déhanchements), ou encore à travers l’homosexualité déclaré du chanteur, Ney Matogrosso, dans une société très conservatrice. *Cazuza : ‘Exagerado’ Poète rebelle qui s’est brûlé les ailes, Cazuza a tout d’un mythe du rock n’ roll… Plutôt que sa musique, assez classique (c’est un excellent interprète) , c’est à travers ses

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textes que ce ‘desastre mental’ a sut s’attacher aux cœurs de nombreux brésiliens. Il fût la voix des années 80, de la vie quotidienne, de ces problèmes et ses joies. Finalement mort du SIDA, sa musique était un peu plus mélancolique à la fin de sa vie, mais jamais dénuée d’espoir. *Legião Urbana : On trouve de tout dans le rock n’ roll brésilien, et le rock indy ne fait pas exception. Un groupe qui rappelle The Cure, et aussi The Smiths (dans leurs meilleurs moments : les pas chiants). On fait beaucoup cas des paroles, que je ne comprends pas, mas a musica é muito viajando. *Pato Fu : Un petit pop-rock qui ne paye pas de mine, mais finalement plein d’énergie et de surprises. A surveiller : les bruitages (réveille-matin, frein, D.A….) et la voix de la chanteuse qui prend parfois des faux-airs de Björk. *Cassia Eller : ‘A sapatona mais maravilhosa do mundo’ Grande gueule et grande artiste qui communique un formidable amour de la vie et du rock n’ roll. Des reprises mythiques (Sgt Pepper, Satisfaction, If 6 was 9) et des chansons (très) originales portées par une voix hors du commun. *Chico Science & Nação Zumbi : « Maracatu atomico » Digne représentants avec Mundo Livre S/A du ‘mangue beat’, un mouvement culturel et social de Récife, au Nord Est du Brésil qui fusionne des éléments locaux avec des éléments - souvent contemporains – de diverses provenances. Au programme de Chico Science et Nação Zumbi : fusion de musique de Récife et de Rock moderne, genre Red Hot Chilli Pepper *O’Rappa : Ce groupe, considéré comme la voix des favellas de Rio, est très militant. Son réseau offre des collaborations juteuses, avec notamment Asian Dub Foundation et Sepultura. Choix contestable (et contesté) que d’introduire un groupe aussi hybride (avec entre autres : hip-hop, dub…) dans une sélection rock, mais bon. C’est rock et ça dégage. *Cordel do Fogo Encantado : Le sertão façonne. Stupide image, dont je n’arrive pas à me défaire : du rock n’ roll de western, mais plutôt du côté des indiens et autres outcasts. Une énorme présence scénique, notamment grâce à un chanteur qui n’hésite pas à intercaler des poèmes et à des mélopées qui tournent en litanies, « chove, chove »… Lil’ pea

“THE FATHER OF INVENTION. Drills, baloons, door buzzers Brazilian TOM ZÉ can turn anything into music” (RollingStone, 26/11/98) Personnage des plus excentriques de la Musique Populaire Brésilienne (MPB), il fût un des pilliers de la Tropicalia. Mais, à la différence de Gilberto Gil et de Caetano Veloso, il ne s’insère pas dans l’industrie culturelle qui suit la dictature militaire. Bien au contraire, il vit ce qu’il a depuis appelé, dans une récente interview, une “période d’ostracisme”. Il n’enregistre pas de disques, ne s’enrichit pas: il est totalement oublié. Pour être plus exact, il passe une partie de son temps à travailler à la pompe d’une station essence...jusqu’à ce que le compositeur étasunien David Byrne écoute certains de ses anciens disques et le réintroduise sur la scène musicale. Il enregistre alors un CD qui sort aux Etats-Unis et devient un grand succès! Les ‘gringos’ deviennent fous des sonorités expérimentales de ce ‘nordestino’ de l’intérieur de Bahia. Sa musique n’impressinne pas seulement par la pertinence de ses paroles, avec ses métaphores et son humour politique féroce, jamis consensuel. Mais encore par un style résolument novateur, basé principalement sur le détournement d’objets parfois sans aucun rapport avec le monde de la musique: scie électrique, klaxons, tuyaux, journaux, casques de chantiers n’en sont que quelques exemples. A plus de soixante ans ses performances scéniques continuent de surprendre quand il saute, crie, et fait de dures critiques aux yankees... Vieux tropicaliste... Deni & Nicolais “Tout ici serait bon à jeter n’était-ce ma tendance innée à reproduire les manifestations semblables à celles auxquelles j’ai assisté et participé dans mon enfance baignée de la musique du Nordeste. Une musique crue, qui se nourrit de sa propre insipidité. Et c’est cette insipidité qui m’interesse.” Tom Zé, Estudando o pagode na operette Segregamulher

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BREJO DAS ALMAS --- MARIGOT DES ÂMES (1931-1934)

HINO NACIONAL Precisamos descobrir o Brasil ! Escondido atrás das florestas, com a água dos rios no meio, o Brasil está dormindo, coitado Precisamos colonizar o Brasil.

HYMNE NATIONAL Il nous faut découvrir le Brésil ! Caché derrière les forêts, avec l’eau des fleuves au milieu, le Brésil dort, dort, le pauvre. Il nous faut coloniser le Brésil.

Precisamos educar o Brasil. Compraremos professôres e livros, assimilaremos finas culturas, abriremos dancings e subvencionaremos as elites. O que faremos importado francesas muito louras, de pele macia, alemãs gordas, russas nostálgicas para garçonettes dos restaurantes noturnos. E virão sírias fidelíssimas. Não convém desprezar japonêsas…

Il nous faut éduquer le Brésil. Nous achèterons des professeurs, des livres, Nous assimilerons des cultures fines, nous ouvrirons des dancings et subventionnerons les élites. Nous le ferons en important des françaises très blondes, à la peau douce, des allemandes grasses, des russes nostalgiques comme garçonnettes des boîtes de nuit. Viendront aussi des orientales très fidèles. On ne doit pas mépriser les japonaises…

Cada brasileiro terá sua casa com fogão e aquecedor elétricos, piscina, salão para conferências científicas. E cuidaremos do Estado Técnico

Chaque brésilien aura sa maison avec fourneau et chauffe-eau électrique, piscine, salon pour conférences scientifiques. Et nous prendrons soin de l’Etat technique.

Precisamos louvar o Brasil. Não é só um país sem igual. Nossas revoluções são bem maiores de que quaisquer ourtas, nossos erros tanbém. E nossas virtudes ? A terra das sublimes paixões… os Amazonas inenarráveis… os incríveis João-Pessoas…

Il nous faut célébrer le Brésil. Il n’est pas seulement un pays sans pareil. Nos révolutions sont mille fois plus grandes que toutes les autres ; nos erreurs aussi. Et nos qualités ? La terre des passions sublimes… les Amazones inénarrables… les incroyables João Pessoa…

Precisamos adorar o Brasil ! Se bem que seja difícil caber tanto oceano e tanta solidão no pobre coração já cheio de compromissos… se bem que seja difícil compreender o que querem êsses homens, por que motivo êles se ajuntaram e qual a razão de seus sofrimentos.

Il nous faut adorer le Brésil ! Même s’il est difficile qu’entre un tel océan et une telle solitude dans ce pauvre cœur déjà plein d’engagements… même s’il est difficile de comprendre ce que veulent ces hommes, Pour quel motif ils s’assemblèrent et la raison de leurs souffrances.

Precisamos, precisamos esquecer o Brasil ! Tão majestoso, tão sem limites, tão despropositado, êle quer repousar de nossos terríveis carinhos. O Brasil não nos quer ! Está farto de nós ! Nosso Brasil é no outro mundo. Êste não é o Brasil. Nenhum Brasil existe. E acaso existirão os brasileiros ?

Il nous faut, il nous faut oublier le Brésil ! Si majestueux, si illimité, si absurde, il veut se reposer de nos terribles tendresses. Le Brésil ne nous aime pas ! Il est las de nous ! Notre Brésil est dans l’autre monde. Celui-ci ce n’est pas le Brésil. Aucun Brésil n’existe. Et, ma foi, existe-t-il des Brésiliens ?

Carlos Drummond de Andrade

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A VOT' BON COEUR... (si, si, t'en a vachement envie)

Belba le cave, ce n'est pas seulement les folles élucubrations d'une poignée de membres fondateurs (heureusement, parce qu'on est un - je suis une bande de jeunes...). C'est surtout une aventure collective. Un lieu d'échanges et de débats, une tribune. C'est pourquoi tous ceux qui se donnent la peine de le (ou d'en) lire sont cordialement invités à y participer. Vous pouvez le faire avec vos textes, vos dessins, vos talents (mise en page, informatique...) ou vos moyens (photocopieuse, crayons, chéques restos...). Contactez le magazine pour toute proposition (décente).

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TOUT BELBA Vous rêvez de bâtir, mais la pierre c’est trop cher. Et le terrain, n’en parlons même pas ! Super idée pour vous : un igloo en papier*. Au prix de 2 à 3 euros par exemplaires de Belba le cave, il ne vous en coûtera que de 7200 à 10800 euros pour vous installer dans un nid douillet d’environ 3m². Alors, qu’attendez vous ? Et pour bâtir une maison virtuelle, tous les numéros de Belba le cave sont disponibles gratuitement et sur simple demande, en format PDF.

* : 1,20 m de hauteur de plafond, doit être conservé dans un endroit sec, les agrafes peuvent contenir des traces d’amiante

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NDLR ******************************************************************************************

*On va pas faire ça à chaque fois On parle bien sûr des excuses, et pas des fautes d'rthographe. *C'est pas drôle On a pu dire que les brèves d'actu (rAdio Toulouse) n'étaient plus si brèves que cela, ni aussi mordantes que celles du premier numéro. Beaucoup moins drôles en fait. J'adhère totalement, et le déplore... Je lis trop la presse, c'est en train de me rendre dingue (et plus pompeux encore que je ne le suis déjà). J'ai sévèrement besoin de vacances (et de décrocher). *Pourquoi toujours les mêmes ? Je me montre très critique à l'égard de certains pays comme la France, la Grande-Bretagne ou les Etats-Unis et beaucoup plus clément avec d'autres comme l'Iran ou la Palestine. Qu'est ce à dire ? Est ce que j'abhorre les premiers et idolâtre les seconds? Pas vraiment. Soyez assurés que régulièrement je chante ma joie d'être né en France plutôt qu'ailleurs. Mais une fois que l'on a ceci en tête, il me semble nécessaires de rappeler quelques points. Tout d'abord, le processus de la révolution industrielle a eu comme pré requis l'exploitation systématique des ressources (matières premières, force de travail...) de la majorité des territoires du globe (Afrique, Asie, Amérique Latine), au profit de seulement quelques uns (Europe, Etats-Unis). Pour asseoir cette domination, qui perdure sous des formes toujours nouvelles, les pays occidentaux ont installés et soutenus diverses dictatures pour protéger leurs intérêts et lutter contre des révolutions socialistes (Nicaragua, Chili...) ou islamiques (Irak, Afghanistan...). Rappelons en passant que les deux guerres mondiales sont dues aux pays occidentaux. Au vu de ces événements du passif historique de la culture occidentale, j'ai du mal à croire qu'elle puisse se poser en Parangon de vertu pour donner des leçons d'éthique au reste de la planète. Je suis d'accord avec Noam Chomsky quand il dit que l'on doit d'abord se préoccuper des décisions prise par la 'société' dans laquelle on vit. En particulier dans les sociétés qui s'appellent démocratiques, puisque dans celles-ci non seulement le citoyen profite des stratégies des élites politiques, mais en plus il en porte la responsabilité. Ce qui ne veut pas dire que je pare les pays non occidentaux de toutes les vertus qui manqueraient à l'occident. Je ne pense pas qu'ils doivent être facile tout les jours d'habiter l'Iran, la Libye, le Nigeria, la Corée du Nord, la Biélorussie ou encore le Myanmar... Mais je suis certain qu'il doit exister dans tous ces pays des dissidents et des organisations, des réformistes et des révolutionnaires. Je me sens profondément solidaire de toutes ces luttes et prêt à partager informations, réseaux et techniques. Mais je me demande si le meilleur moyen de les aider dans leurs luttes, plutôt qu'une ingérence forcément intéressée, ne serait pas de les laisser tranquille ; en allégeant si possible les tensions dues à l'exploitation internationale et son corollaire logique : la justification idéologique. *Trimé Belba le cave, un trimestriel paraissant tous les six mois

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ébats d’idées ******************************************************************************************

Ebats d’idées, c’est nos pensées qui continuent à copuler. Euh ?.. A partir d’une question simple mais lourde de sens (ainsi que volontairement floue et ambiguë), déjà posée dans les numéros précédents :

Pragmatisme ou radicalisme ? Nous vous invitons à partager vos commentaires. Nous les ferons paraître (inch’Allah) dans un numéro à venir. Si ils ne sont pas trop mauvais.

Avec notre vertigineux tirage de 3 exemplaires par numéros, voilà enfin venue votre chance de devenir une super star sans travailler. Qui pourrait laisser passer une telle chance ? Pas vous, vous n’en aurez pas d’autres, sales loosers.

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Contact : belbalecave@yahoo.fr


TirĂŠ de Too Much Coffee Man - The Magazine (Indy Comics U.S.A.)


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