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Introduction
I. Présentation du sujet
L’architecture est bien plus qu’une simple expression esthétique ; elle est le reflet des valeurs, de l’histoire et de l’identité d’une société. Dans le contexte de la commune du Plateau à Abidjan, l’architecture postindépendance représente un témoignage historique vivant de l’évolution urbaine et sociale de la ville.
La Côte d’Ivoire, pays située en Afrique de l’Ouest, est bordée par le Libéria, la Guinée, le Mali, le Burkina Faso, le Ghana et l’océan Atlantique. Indépendante depuis 1960, elle a été dirigée par Félix Houphouët-Boigny jusqu’en 1993. Le pays présente une diversité géographique notable, allant des plages et lagunes côtières aux savanes du nord et aux forêts tropicales de l’ouest. Sa population de plus de 26 millions d’habitants comprend plus de 60 groupes ethniques. La côte d’ivoire a eu quatre capitale qui se sont succède tout au long de son histoire Grand-Bassam, première capitale de 1893 à 1900, suivie de Bingerville de de 1900-1933, ensuite Abidjan de 1933 jusqu’en 1983 et Yamoussoukro depuis 1983.
Abidjan, située sur la côte sud-est de la Côte d’Ivoire, est la plus grande ville du pays et son principal centre économique et culturel. Elle a connu une croissance urbaine rapide depuis son indépendance en 1960. Abidjan est caractérisée par son vaste réseau de lagunes, notamment la lagune Ébrié. La ville abrite le Port Autonome d’Abidjan, l’un des plus importants ports d’Afrique de l’Ouest, et de nombreux sièges de banques et d’institutions financières. Les 13 communes d’Abidjan, telles que le Plateau (quartier des affaires) et Cocody (résidentiel chic), contribuent à sa diversité. Le Plateau est situé sur la presqu’île d’Abidjan, offre une vue panoramique sur la lagune et les autres quartiers d’Abidjan. Considéré comme le centre des affaires d’Abidjan, est le quartier administratif et financier de la ville. Il incarne le dynamisme économique et moderne de la Côte d’Ivoire, avec ses gratteciels, ses institutions gouvernementales et ses nombreuses entreprises. Ces structures, racontent l’histoire de la ville et de ses habitants à travers leurs conceptions architecturale, leurs utilisations et leur importance dans ce paysage urbain.
I.Présentation du sujet
I.Présentation du sujet
L’architecture post-indépendance se réfère aux styles et mouvements architecturaux qui émergent dans les pays un peu plus avant et/ou à l’accession de leur indépendance , souvent caractérisés par une volonté de rupture avec le passé colonial et de construction d’une identité nationale propre. Elle incorpore des éléments modernes tout en cherchant à s’intégrer dans le contexte du projet. Cette période se distingue par une quête d’innovation, d’expression de la souveraineté nationale, et par des efforts de modernisation rapide. L’architecture post-indépendance et/ ou post coloniale de la commune du Plateau à Abidjan offre un aperçu fascinant de la transformation de la Côte d’Ivoire, marquant la transition d’un pays colonisé à une nation indépendante et moderne. À la suite de l’indépendance acquise en 1960, la Côte d’Ivoire, sous la direction de Félix Houphouët-Boigny, a entrepris de nombreux projets de construction destinés à symboliser le renouveau et la modernité du pays. La commune du Plateau, aux de cette vision s’est rapidement transformée en un laboratoire architectural où se sont érigés des bâtiments emblématiques tels que l’Hôtel de Ville, le Palais Présidentiel et La Pyramide d’Abidjan. Ces édifices, conçus par des architectes internationaux, incarnent non seulement les idéaux de l’époque mais aussi les défis de l’urbanisation rapide et de la modernisation.
Les habitants d’Abidjan, en particulier ceux du Plateau, entretiennent une relation étroite avec leur environnement bâti, qui influence profondément leurs expériences, leurs interactions sociales et leur sentiment d’appartenance à la ville. Aujourd’hui, ces bâtiments emblématiques font face à des défis considérables. La maintenance et l’adaptation aux besoins contemporains sont devenues des problèmes complexes, exacerbés par des années de négligence, de conflits et de fluctuations économiques.
Ce mémoire se propose d’examiner cette période riche et complexe où les aspirations de souveraineté, de modernité et de développement national se sont matérialisées à travers des projets architecturaux ambitieux et innovants. L’étude portera sur les édifices publics, où l’expression de cette architecture est la plus manifeste. La commune du Plateau, est le lieu où cette histoire a commencé, rendant logique que notre étude s’y concentre.
II. Problématique
L’architecture post-indépendance dans la commune du Plateau à Abidjan présente un ensemble de problèmes, de difficultés, de tensions et de controverses qui retiennent particulièrement notre attention. Cette étude vise à explorer ces enjeux architecturaux, non seulement pour mieux comprendre les défis actuels, mais aussi pour éclairer les voies possibles vers une meilleure préservation et valorisation du patrimoine architectural ivoirien.
En premier lieu, il y a un manque de mise en concept de la période d’architecture post-indépendance à Abidjan sur ses spécificités, ses caractéristiques et les éléments qui ont marqué l’architecture ivoirienne. Comment arriver à les catégoriser et à en faire ressortir les traits distinctifs ? Cette absence de cadre conceptuel rend difficile la reconnaissance et la valorisation de cette période cruciale de l’histoire architecturale du pays. Ensuite, la documentation de cette architecture présente un manque flagrant. Comme le souligne l’architecte Francis Sossah : « il n’y a pas un seul ouvrage fait aujourd’hui par un architecte Ivoirien, sur quel que soit le domaine de l’architecture jusqu’à l’urbanisme, rien. Donc nous-mêmes quand on veut donner des cours, on n’a pas de référentiel local, tu vas sur Google ou tu vas sur vos moteurs de recherche d’intelligence artificielle, c’est vide.»1 En plus du manque de représentativité des architectes ivoiriens dans l’écriture de leurs récits architecturaux, la plupart des ouvrages qui mentionnent les bâtiments de l’architecture post-indépendance en Côte d’Ivoire se contentent de faire de la recension sans analyser ces bâtiments en profondeur. Ce déficit de documentation analytique entrave une compréhension fine et une appréciation adéquate de ces édifices.
De plus, il existe des controverses architecturales et urbanistiques autour de l’utilisation des bâtiments post-indépendance. Certains de ces édifices, conçus pour des usages spécifiques à leur époque, ne répondent plus aux besoins contemporains des dirigeants. Les débats sur la réaffectation, la modernisation ou même la destruction de ces structures sont souvent houleux, opposant les partisans de la conservation stricte aux défenseurs de l’adaptation fonctionnelle. Cette tension complique la prise de décisions concernant la préservation et l’utilisation future de ces bâtiments, rendant difficile l’établissement d’un consensus sur la meilleure approche à adopter.
I.Présentation du sujet
1 Voir interview complete en annexe II.Problématique la problématique de l’architecture post-indépendance dans la commune du Plateau à Abidjan est vaste et complexe, englobant des problèmes de conceptualisation, de documentation, de controverses sur l’utilisation, de tensions entre modernité et préservation, et de délabrement physique. En abordant ces enjeux, ce mémoire vise à dresser un tableau complet des défis actuels et à ouvrir des pistes de réflexion pour une meilleure gestion et valorisation de ce patrimoine architectural précieux.
En outre, il y a une tension permanente entre la quête de modernité et la préservation du patrimoine. Les dirigeants actuels et les développeurs urbains privilégient souvent des projets modernes qui, malheureusement, menacent de remplacer ou de dénaturer les bâtiments historiques. Cette course à la modernisation rapide conduit à des démolitions inconsidérées et à des rénovations qui ne respectent pas l’intégrité architecturale des structures d’origine. La pression pour moderniser à tout prix met en péril des éléments clés du patrimoine architectural et historique du Plateau.
Enfin, un manque d’entretien des bâtiments post-indépendance est évident. De nombreux édifices emblématiques, construits dans les années suivant l’indépendance, sont aujourd’hui en état de délabrement. L’absence de programmes de maintenance réguliers et le manque de fonds dédiés à la restauration ont conduit à une détérioration visible. Les façades autrefois fières et modernes montrent maintenant des signes de vieillissement prématuré, avec des fissures, des infiltrations d’eau et des dégradations des matériaux. Ce délabrement non seulement compromet la sécurité et l’utilisation de ces bâtiments mais ternit également l’image urbaine et historique de la commune du Plateau.
III. État de l’art
1. L’architecture du XXe siècle en Afrique au cœur des thématiques
Depuis un certain moment, une attention particulière est portée sur l’architecture du XXe siècles en Afrique, elle a fait l’objet de plusieurs parutions d’ouvrages, d’articles et même d’exposition, dans le cadre de notre étude nous nous sommes penchés sur celle qui se rapproche le plus de notre thématique.
Manuel Herz dans African Modernism 2 examine l ’architecture moderniste des cinq pays africains post-indépendance, mettant en lumière l’utilisation de l’architecture comme moyen d’expression de l’identité nationale et des aspirations post-coloniales. Les photographies de Iwan Baan et Alexia Webster capturent des moments de ces bâtiments modernistes, ce qui met en exergue la réappropriation et la vie de ces bâtiments des années après. Les essais inclus analysent les trajectoires de développement de chaque pays et leurs impacts sociopolitiques. Les bâtiments comme l’Hôtel Ivoire, l’immeuble caistab, les 220 logements et biens d’autres bâtiments d’Abidjan sont mises en avant par l’ouvrage. elle offre une perspective sur la manière dont la Côte d’Ivoire a tenté de positionner Abidjan comme une vitrine du modernisme africain, intégrant des influences locales et internationales . Ce livre permet d’avoir un point de vue général sur la notion d’architecture post-indépendance à Abidjan.
David Adjaye3, présente une étude photographique détaillée de l’architecture urbaine dans plusieurs villes africaines, capturant la diversité des styles architecturaux qui y ont émergé. les villes africaines, y compris Abidjan, reflètent un mélange d’influences historiques et contemporaines. Les photos documentent l’évolution de l’architecture métropolitaine, soulignant les influences coloniales et les innovations locales, offrant ainsi une compréhension visuelle de la manière dont les environnements urbains africains ont été façonnés par des dynamiques sociales et culturelles uniques .
II.Problématique
2 Manuel Herz et al., African Modernism: The Architecture of Independence : Ghana, Senegal, Côte d’Ivoire, Kenya, Zambia (Zürich: Park Books, 2022).
3 David Adjaye, Adjaye, Africa, Architecture: A Photographic Survey of Metropolitan Architecture, Compact edition. (London: Thames & Hudson, 2016).
III.Etat de l’Art de l’Art
Antoni Folkers, dans Modern Architecture in Africa4, explore l’architecture moderne en Afrique, se concentrant sur la période post-coloniale. Le livre discute de l’impact des styles européens sur l’architecture africaine et l’adaptation des influences au contexte de chaque pays. En examinant des projets emblématiques, Folkers montre les défis et succès de l’intégration du modernisme dans divers contextes africains. Les différents textes théoriques nous permettent de pouvoir mettre en tension la manifestation des différents concepts dans notre cas d’étude. L’étude des projets à Abidjan révèle l’incorporation des éléments modernistes tout en cherchant à préserver son identité culturelle et répondre aux besoins de sa population croissante.
Hilton Judin, dans Architecture, State Modernism and Cultural Nationalism in the Apartheid Capital5, analyse l’utilisation de l’architecture de Pretoria comme un outil de modernisme d’État et de nationalisme culturel pendant l’apartheid. les bâtiments emblématiques de cette période ont soutenu l’idéologie de l’apartheid. En établissant un parallèle avec Abidjan, elle nous permet d’analyser l’utilisation de l’architecture comme moyen idéologique par les gouvernant ivoirien dans leurs quête de modernité et de souveraineté.
Architecture and Development6 d’Ayala Levin examine le rôle des architectes israéliens dans la construction en Afrique subsaharienne entre 1958 et 1973. Le livre discute de l’impact de ces projets sur le développement des infrastructures dans plusieurs pays africains. Il fait mention de l’hôtel ivoire, situé dans la commune de Cocody à Abidjan bâtiment conçu par un architecte Israélien. Ces éléments nous permettent d’explorer l’implication des influences externes, pas seulement française dans l’architecture ivoirienne, elle met aussi en exergue la diversité des approches et des architectes qui ont marqué les années de gloire de la Côte d’Ivoire.
4 Antoni Folkers, Modern Architecture in Africa (Amsterdam: Uitgeverij Boom / SUN, 2010).
5 Hilton Judin, Architecture, State Modernism and Cultural Nationalism in the Apartheid Capital (London: Routledge, 2021), https://doi.org/10.4324/9781003055778.
6 Ayala Levin, Architecture and Development: Israeli Construction in SubSaharan Africa and the Settler Colonial Imagination, 1958-1973 (Durham, NC: Duke University Press, 2022).
De l’outre-mer au transnational7 de Johan Lagae et Bernard Toulier analyse les évolutions historiographiques dans l’étude de l’architecture coloniale et post-coloniale, passant d’une focalisation sur les impacts coloniaux à une perspective plus globale et transnationale. Lagae et Toulier discutent des changements de perspective qu’offrent une compréhension plus complexe et nuancée des dynamiques architecturales post-coloniales. En appliquant ces idées à Abidjan, on peut mieux comprendre comment la ville s’est transformée en intégrant des influences diverses tout en forgeant une identité post-indépendance unique.
Ces ouvrages et articles nous ont aidés à comprendre comment l’architecture africaine du XXe siècle est abordé et quelle place elle occupe dans l’histoire de l’architecture, malgré son absence notable dans les récits traditionnels. Les études spécifiques sur Abidjan, en particulier dans la commune du Plateau, sont peu développées, ce qui souligne le manque d’informations disponibles sur cette architecture. Cela révèle un besoin de recherches plus approfondies pour mieux documenter et valoriser l’architecture de cette région.
7 Johan Lagae, « De l’outre-mer au transnational : glissement de perspectives dans l’historiographie de l’architecture coloniale et post-coloniale / » (Paris : CNRS, 2014).
III.Etat de l’Art
2. Abidjan comme matière à penser a. Mémoires
Les ouvrages suivants qu’il s’agisse de mémoires présents à l’université Libres de Bruxelles portant sur Abidjan, de livres ou d’articles de revues, nous offrent l’opportunité d’établir un cadre pour notre étude et d’en utiliser certains comme références.
Pour commencer About Koffi (1972)8 aborde la conception et la mise en place d’un centre administratif dédié à l’agriculture à Abidjan. Il met en évidence l’importance accordée au secteur agricole dans la planification urbaine de l’époque post-indépendance. Il souligne le besoin de créer des centres administratifs agricoles pour soutenir le développement de l’agriculture dans la région d’Abidjan. Cependant, notre étude ne prenant pas en compte le volet agricole, cette référence ne nous sera pas utile.
Quand a Sam Anthony (1975)9 , il se penche sur les problèmes de logement rencontrés par les habitants des quartiers populaires d’Abidjan, en mettant particulièrement l’accent sur Treichville. Il offre une étude critique du processus de modernisation en cours, exposant ses avantages et ses inconvénients, avant de proposer des solutions potentielles. Cependant, notre analyse porte sur la commune du Plateau et ces édifices publics, ce mémoire, malgré sa profondeur d’analyse, ne s’intègre pas directement dans notre zone d’étude.
François Verhelst (2000)10: propose une approche innovante pour découvrir des territoires, en encourageant une rencontre directe avec le réel plutôt que de se fier uniquement aux livres et aux médias. En entreprenant un voyage de Bruxelles à Abidjan, il invite à explorer ces lieux par le biais d’une expérience de terrain. Cette approche est particulièrement pertinente pour notre recherche, car elle valorise l’importance de recueillir des informations directement sur le terrain. En utilisant la documentation, mais aussi en menant des interviews et en recueillant des témoignages d’ habitants, ce mémoire exhorte à se forger une perception personnelle et authentique du sujet étudié. C’est en cela que cet étude nous sera indispensable, en enrichissant notre analyse par une compréhension approfondie et contextualisée de la réalité du terrain.
8 Koffi About, « Centre administratif agricole à Abidjan » (Université libre de Bruxelles, 1972).
9 Anthony Sam, « Le logement dans les quartiers populaires d’AbidjanTreichville » (Université libre de Bruxelles, 1975).
10 François Verhelst, « Espaces de routes de Bruxelles à Abidjan » (Université libre de Bruxelles, 2000).
III.Etat de l’Art b. Ouvrages
Le dernier mémoire écrit sur Abidjan présent à l’université libres de Bruxelles date de l’an 2000, les mémoires universitaires se sont principalement concentrés sur l’urbanisme d’Abidjan, délaissant ainsi un domaine tout aussi crucial celui de l’architecture post indépendance. Ce constat suggère un besoin de mettre en lumière l’importance de l’architecture dans la compréhension et la représentation de la ville d’Abidjan où de la Côte d’Ivoire en général évolution. L’évolution des centres d’intérêt académique, les défis rencontrés dans la documentation et la recherche sur le terrain, ainsi que les opportunités inexploitées de découvrir et d’analyser les avancées architecturales dans le contexte de l’architecture post indépendance à Abidjan sont autant de points clé à considérer.
En ce qui concerne les livres portant sur Abidjan, la liste que nous utilisons n’est pas exhaustive. Nous avons sélectionné ceux qui sont les plus accessibles et pertinents pour notre étude. Cela nous permet de nous concentrer sur des sources disponibles qui offrent des informations précieuses, tout en reconnaissant qu’il existe d’autres ouvrages potentiellement utiles que nous n’avons pas pu inclure.
«Abidjan « côté cours » : pour comprendre la question de l’habitat.»11 Ce livre explore la question du logement à Abidjan en se concentrant sur les quartiers populaires. Il examine les conditions de vie, les pratiques d’habitat informel et les enjeux sociaux liés à l’accès au logement dans la capitale ivoirienne, la relation entre habitat et équipement même si elle n’a pas été aborder en profondeur, laisse entrevoir qu’il faut certes parler de ces grands équipements structurant mais il ne faut pas oublier que ces personnes qui construise ces bâtiments n’y habite pas, donc prendre en compte ces travailleurs dans la planification est tout aussi important. Colombard-Prout, M. 1987. «Économie de la construction à Abidjan.»12 Ce livre se penche sur l’économie de la construction à Abidjan, en mettant l’accent sur les dynamiques du secteur de la construction dans la ville. Il aborde des sujets tels que les coûts de construction, les matériaux de construction, les acteurs impliqués et les défis économiques auxquels le secteur est confronté. Ces éléments qui sont parfois ignorer dans le récit de certains bâtiments ont parfois coutés plus qu’ils ne devraient au départ, la pyramide du plateau en ai un des exemples palpables.
11 Philippe Antoine, Abidjan « côté cours »: pour comprendre la question de l’habitat, Hommes et sociétés (Paris: Editions de l’ORSTOM, 1987).
12 M. Colombard-Prout, Economie de la construction à Abidjan, Collection Villes et entreprises (Paris: L’Harmattan, 1987).
III.Etat de l’Art
Copans, Jean. 1985. «Politiques urbaines.»13 Ce livre examine les politiques urbaines à travers une perspective générale de différentes ville africaine dont Abidjan, il est utile pour comprendre les politiques urbaines spécifiques à Abidjan. Il aborde des questions telles que la planification urbaine, l’aménagement du territoire, la gestion des infrastructures et les défis auxquels sont confrontées les villes en développement.
Culot, Maurice, Jean-Marie Thiveaud, Institut français d’architecture, et Caisse des dépôts et consignations (France) Mission des travaux historiques. 1992. «Architectures françaises outre-mer : Abidjan, Agadir, Alep, Alger, Bangui, Beyrouth, Brazzaville, Cansado, Casablanca, Conakry, Dakar, Damas, Hanoi, Libreville, Niamey, Orleansville, Ouagadougou, Riyadh, Tananarive, Tunis, Yaounde.»14 Ce livre explore l’architecture française dans les territoires d’outre-mer, y compris Abidjan. Il offre une perspective historique sur les bâtiments et les réalisations architecturales post-indépendance dans les différentes villes traitées, notamment Abidjan. On y trouve des informations sur les contributions du bureau DLM, des architectes Badani-Roux Dorlut et Bernard Nivet, qui sont des piliers de l’architecture post-indépendance en côte d’ivoire. Le livre permet de comprendre comment cette architecture a été pensée et le cadre réglementaire qui permettait aux architectes de réaliser leurs œuvres. Bien que la section sur Abidjan soit relativement courte, elle fournit une précieuse perspective“ française“ sur cette thématique, posant les bases pour une meilleure compréhension de l’architecture post-indépendance dans cette ville.
L’ouvrage de Nnamdi Elleh, «Architecture and Power in Africa» (2002)15, propose une analyse approfondie de l’architecture post-indépendance en Afrique, mettant en évidence les transformations sociales, économiques et politiques qui ont influencé la production architecturale. Il offre une perspective comparative sur les différentes approches architecturales adoptées dans divers pays africains, y compris en Côte d’Ivoire précisément à Yamoussoukro capitale politique.
13 Jean Copans, Politiques urbaines, Politiques urbaines 17 (Paris: Karthala, 1985).
14 Maurice Culot et al., Architectures françaises outre-mer: Abidjan, Agadir, Alep, Alger, Bangui, Beyrouth, Brazzaville, Cansado, Casablanca, Conakry, Dakar, Damas, Hanoi, Libreville, Niamey, Orleansville, Ouagadougou, Riyadh, Tananarive, Tunis, Yaounde, Collection Villes (Liège: Mardaga, 1992).
15 Nnamdi Elleh, Architecture and Power in Africa (Westport (Conn.): Praeger, 2002).
Gbré, françois-Xavier. 2022. «Album architecture, Abidjan.»16 Cet ouvrage présente un album d’architecture mettant en valeur des réalisations architecturales spécifiques à Abidjan. Il propose une sélection de photographies d’édifices et de structures architecturales remarquables dans la ville, offrant ainsi un aperçu visuel de l’architecture abidjanaise contemporaine.
La liste non exhaustif des livres portant sur Abidjan sont écrit pour la plupart par des personnes qui ne sont pas des architectes et qui ne sont pas ivoirien, ce qui posent la question du droit de regard, comment on arrive à regarder un territoire autres, quelle est notre légitimité à ce saisir des sujets concernant l’organisation urbaine, l’architecture post indépendance, par exemple, dans le cas de l’ouvrage «Album d’architecture, Abidjan», qui met en exergue des images de bâtiments construits pendant la période postindépendance et inclut une interview de l’architecte ivoirien Issa Diabaté, mais le livre ne fait pas d’analyse approfondie et singulier de ces bâtiments ou de la période de réalisation de ces bâtiments . En effet, la sélection des bâtiments et la mise en avant de certaines réalisations sans une analyse contextuelle approfondie peuvent limiter la compréhension des enjeux architecturaux, urbains et sociétaux qui sous-tendent ces constructions.
Cependant, il convient également de noter que l’apport d’une perspective extérieure offre des insights nouveaux et des comparaisons intéressantes, enrichissant ainsi le débat sur l’architecture et l’urbanisme de nos différentes villes. Les regards croisés et les échanges interculturels peuvent contribuer à une meilleure compréhension des enjeux urbains mondiaux et à la promotion du dialogue entre différentes communautés professionnelles et culturelles.
16 françois-Xavier Gbré, Album architecture, Abidjan (Paris: Caryatide, 2022).
III.Etat de l’Art III.Etat de l’Art c. La revue comme moyen de représentativité
Au niveau des revues la recherche à portée sur les productions architecturales qui se sont faites dans la période de l’architecture post indépendance à Abidjan.
Le projet de Pierre Dufau et J. M. LAFON, publié dans Techniques et Architecture en 196217 ainsi que dans L’Architecture d’Aujourd’hui en 196318, présente de manière approfondie l’ensemble administratif d’Abidjan au plateau de cinq tours de 26 à 30 étages, soit 125 000 m² de bureaux en étages.
Henry CHOMETTE, architecte français, a publié plusieurs projets entre 1956 et 1967 dans des revues telles que L’Architecture française19, technique et Architecture ainsi que dans L’Architecture d’Aujourd’hui20. Ces articles explorent différents aspects de l’architecture abidjanaise, mettant en lumière divers projets architecturaux réalisés dans la ville. Parmi ces projets figurent des résidences, des immeubles commerciaux et des bâtiments institutionnels tels que l’hôtel de ville et le marché central, Chomette offre des analyses détaillées de la conception, de la construction et de l’esthétique de ces bâtiments, ainsi que de leur intégration dans le tissu urbain d’Abidjan.
Daniel BADANI, Michel DUCHARME et P. Roux-Dorlut dans L’Architecture française en 196421 se concentre sur un ensemble de logements africains à Abidjan. Les auteurs montrent avec des plans et images les spécificités de ce projet, notamment en ce qui concerne les matériaux de construction utilisés, les techniques architecturales employées et l’adaptation de la conception aux besoins et aux traditions locales.
17 Pierre Dufau et J.M LAFON, « Abidjan. Ensemble administratif », Techniques et architecture, no 2 (1962): 124-34.
18 Pierre Dufau et J.M LAFON, « Abidjan. Ensemble administratif », L’Architecture d’Aujourd’hui, n°34 année, février-mars 1963, 45-47.
19 Henry Chomette, « Société générale. Abidjan », L’Architecture française, n°65. 167-168 (1956):, 3 ill.
20 Henry Chomette, « L’hôtel de ville d’Abidjan, » L’Architecture d’Aujourd’hui, n°70 (1957): 3 p., ill.
21 Daniel Badani, M. Ducharme, et P. Roux-Dorlut, « Ensemble de logements africains à Abidjan (Côte-d’Ivoire), » L’Architecture française, n° 265-266 (1964) : 6770.
III.Etat de l’Art
Michel DUCHARME présente dans L’Architecture d’Aujourd’hui de 1962 22 , le marché de Treichville à Abidjan. Cet article offre des insights sur la conception et la fonctionnalité de ce marché, ainsi que sur son importance dans la vie quotidienne des habitants d’Abidjan, qui à bruler il y a quelque année et il a été détruit pour donner la place à un autre marché.
Ces revues d’Architecture offrent une perspective variée et approfondie sur l’évolution de l’architecture à Abidjan après l’indépendance. Elles couvrent à la fois des projets résidentiels, commerciaux et institutionnels, et fournissent une analyse détaillée des techniques de construction, de la conception architecturale et de l’intégration des bâtiments dans le tissu urbain où ils sont installés.
L’analyse des informations concernant les bâtiments présentés dans ces revues révèle plusieurs éléments significatifs. Tout d’abord, il est remarquable que tous les bâtiments mis en avant dans ces publications, en ce qui concerne la Côte d’Ivoire, sont conçus par des architectes français ou israéliens. L’absence de bâtiments conçus par des architectes ivoiriens dans ces revues est frappante. Ces articles mettent en avant l’exportation de la qualité architecturale française vers ces colonies ou territoires. Même dans certains projets où il y a une collaboration entre architectes nationaux et internationaux, seul l’architecte international est souvent mis en exergue. Par exemple, dans le projet de la Pyramide du Plateau, l’architecte ivoirien Aka Adjo n’est pas mentionné dans certains articles, contrairement à son confrère Rinaldo Olivieri.
Cette situation illustre le problème de la représentativité des œuvres des architectes africains dans les revues d’architecture internationales de cette période. La mise en avant presque exclusive des architectes étrangers reflète une vision biaisée de l’architecture post-indépendance en Afrique, négligeant les contributions locales et la collaboration interculturelle. Cela souligne le besoin de réévaluer et de diversifier les sources pour obtenir une vue plus équilibrée et inclusive de l’histoire architecturale de la région. Ainsi on peut se poser la question de savoir aux vues du manque des édifices conçus par les nationaux, quels a été leurs places dans l’architecture post indépendance, quels rôles ont joué les institutions éducatives dans la prolifération de ce courant de penser.
22 Michelle Ducharme, «Marché de Treichville à Abidjan,» L’Architecture d’Aujourd’hui, n° 100 (1962): 72-75, ill
III.Etat de l’Art d. Guide touristique
Pour remédier à la sous-représentation des architectes africains dans les revues internationales, plusieurs d’entre eux ont décidé de s’associer pour promouvoir l’architecture africaine et partager leur vision des villes africaines contemporaines et futures. C’est ainsi qu’en 1985, la revue “Espace Africain“ a vu le jour, fondée par les architectes Francis Sossah et Raymonde Coffi Berté. Le premier numéro d’Espace Africain, intitulé « Habitat pour tous en Afrique »23, avait pour objectif de mettre en avant le point de vue des architectes africains et de présenter leurs œuvres, qui sont tout aussi emblématiques que celles conçues par leurs confrères d’autres continents. Cette revue est née d’un besoin urgent de réévaluer et de redéfinir la place de l’architecture africaine dans un contexte global, souvent dominé par les perspectives occidentales.
De nombreux architectes de renom se sont ralliés à cette initiative. Parmi eux, Sahi Soumahoro et Aka Adjo, qui a collaboré sur des projets emblématiques comme la Pyramide du Plateau à Abidjan. Pierre Goudiaby Atepa, un architecte sénégalais de renom, Pierre Fakhoury, célèbre pour sa conception de la Basilique Notre-Dame de la Paix à Yamoussoukro, Elie Mouyal, un architecte marocain influent, et Roger M’bengue, un ingénieur et architecte ivoirien, ont également contribué à cette revue. Ces professionnels, ainsi que d’autres architectes, ingénieurs et artistes, ont partagé leurs visions et leurs œuvres dans Espace Africain.
La revue ne se contentait pas de présenter des projets architecturaux ; elle visait également à stimuler un dialogue sur l’avenir des villes africaines. Les articles abordaient des sujets tels que l’intégration des traditions locales dans la conception moderne, les défis de l’urbanisation rapide, et les solutions innovantes pour le logement et l’infrastructure. En mettant en lumière les réussites et les défis de l’architecture africaine.
Ainsi, cette initiative a permis partiellement de rééquilibrer la représentation de l’architecture en Afrique faite par les africains et d’offrir une plateforme aux architectes africains pour exprimer leur créativité et leur vision, en enrichissant le dialogue architectural global avec des perspectives uniques et diversifiées.
23 R. Aka Adjo, Espace africain: habitat pour tous en Afrique = African space = housing for all in Africa (Abidjan: Espace Africain Edition, 1985).
Les guides touristiques sont des outils essentiels pour la présentation et la vulgarisation des aspects les plus remarquables d’un pays. Ils offrent aux visiteurs un aperçu des attractions, de la culture, de la gastronomie et des traditions locales, contribuant ainsi à façonner leur perception et leur expérience du lieu visité. Cependant, une analyse approfondie révèle que ces guides, notamment «Le Petit Futé», accordent souvent une place limitée à l’architecture, un élément pourtant crucial du patrimoine et de l’identité nationale.
Les guides touristiques comme «Le Petit Futé», « véritable compagnon de voyage depuis sa création en 1976, est une collection emblématique de guides touristiques. Il a su s’imposer comme une référence incontournable pour les voyageurs avides de découvertes et d’expériences authentiques à travers le monde. La mission du Petit Futé est de guider les voyageurs à travers les méandres des destinations, en offrant des conseils pratiques, des astuces locales et des recommandations avisées pour un voyage inoubliable. »24 jouent un rôle central dans l’industrie du tourisme. Ils servent plusieurs fonctions clés : orientation et information, vulgarisation culturelle et mise en valeur du patrimoine. Ils fournissent des informations pratiques sur les moyens de transport, les hébergements, les restaurants et les activités à faire. Ils aident à vulgariser la culture locale en présentant des aspects tels que la cuisine, les festivals, les coutumes et les traditions. Ils mettent en lumière les principaux sites touristiques et historiques, guidant les touristes vers les lieux incontournables.
Bien que les guides touristiques soient complets dans plusieurs aspects, ils tendent à sous-représenter l’architecture locale. Dans de nombreux guides, l’architecture ne bénéficie souvent que de quelques pages ou sections spécifiques, tandis que d’autres thèmes comme la gastronomie ou les loisirs occupent une place prédominante. «Le Petit Futé», par exemple 4 pages25 sont réservées aux monuments et bâtiments emblématiques, laissant de côté de nombreux aspects architecturaux importants tels que les styles régionaux, les mouvements architecturaux et d’autres bâtiment tous aussi important.
24 « Le Petit Futé », Elixir d’Or, consulté le 21 juin 2024, https://elixirdor.com/ pages/le-petit-fute.
25 Auzias d / labourdette j & alter, Guide Côte d’Ivoire 2023 Petit Futé, Illustrated édition (Paris: PETIT FUTE, 2023). III.Etat de l’Art
III.Etat de l’Art
Les descriptions des bâtiments et des sites architecturaux dans ces guides sont souvent brèves et peu détaillées. Elles se limitent fréquemment à des informations factuelles de base sans offrir une réelle analyse architecturale ou historique. L’accent est souvent mis sur les fonctions touristiques (par exemple, « à ne pas manquer ») plutôt que sur une appréciation approfondie de la valeur architecturale et historique.
Les guides touristiques, y compris «Le Petit Futé», jouent un rôle indispensable dans la vulgarisation du patrimoine culturel et touristique d’un pays. Cependant, ils accordent souvent une place minime à l’architecture, un aspect pourtant fondamental de l’identité et du patrimoine national. Pour une appréciation plus complète et enrichissante des destinations, il serait bénéfique d’accorder une plus grande attention à l’architecture, en incluant des descriptions plus détaillées, des analyses historiques et des reconnaissances des contributions des architectes locaux. Cela permettrait aux touristes de mieux comprendre et apprécier la richesse architecturale des pays qu’ils visitent.
3. Les professionnelles et habitants dans la quête de connaissance
Dans notre étude de terrain nous avions pu parler avec divers architectes et populations sur la pertinence de la question de l’architecture post indépendance à Abidjan, des informations concernant ces bâtiments et les différentes perceptions du patrimoine Architecturale d’Abidjan, un élément revient « A quand la sensibilisation sur notre patrimoine qui est en train de disparaitre »
« Ces échanges ont été pour moi une découverte toutes ces informations données par le vice-président Koupo sur l’architecture du plateau, je ne savais pas pourtant je suis architecte depuis 2012 » Architecte Dandjé
« Tant qu’il n’y a pas une réflexion approfondie sur le patrimoine, et la patrimonialisation de ces bâtiments en prenant en compte les acteurs de la construction et la population nous partirons peu à peu vers la perte de ces bâtiments » Interview Francis Sossah26.
« Après l’exposition des thématiques, je vois que tu es dans bon moule et ce sont des questions d’actualité en ce moment » Interview Francis Sossah27.
« Moi qui est passée mon enfance au plateau, ça me fait tellement mal de voir ces bâtiments qui sont en train de mourir, est ce qu’on ne peut pas documenter ces bâtiments avant qu’ils partent ? » Echange avec Aïssata, Ancienne habitante du plateau
« C’est très intéressant ce questionnement, il y a plusieurs éléments à l’intérieur, il y a le patrimoine, la pratique de l’architecte, notre responsabilité et au-delà de l’architecture, c’est l’histoire du pays en réalité, ce qui est intéressant au plateau, c’est l’endroit mais de moins en moins ou on peut lire encore les différentes époques d’architecture d’Abidjan, faire ce travail sera un début pour mettre tous ces éléments à plat » Interview Issa Diabaté28
26
Voir interview complète en annexe 27 Voir interview complète en annexe
28 Voir interview complète en annexe
L’examen de diverses sources telles que les mémoires, livres, revues, guides touristiques et les nombreux échanges souligne l’importance capitale de ce sujet. Après les indépendances, Abidjan s’est affirmée comme une plaque tournante de l’architecture et des commandes publiques en Afrique de l’Ouest. La ville a été le théâtre de nombreuses initiatives architecturales majeures, fortement influencées par l’implication étatique visant à transformer Abidjan en un véritable «Manhattan africain». Cette ambition étatique a profondément influencé le développement architectural et urbain de la ville, laissant une empreinte indélébile sur son paysage et son identité. La plupart des documents que nous avons consultés montrent que les différents auteurs se sont davantage concentrés sur la description de ces édifices plutôt que sur une analyse architecturale approfondie, ce qui aurait permis une meilleure compréhension de ces constructions majeures.
Les projets ambitieux, tels que la Pyramide du Plateau ou le palais présidentiel, illustrent l’influence des tendances modernistes et les aspirations d’une ville en pleine mutation. Ces constructions emblématiques, souvent réalisées en collaboration avec des architectes internationaux, témoignent de la volonté des dirigeants de l’époque de créer une métropole moderne et dynamique, symbole de progrès et de développement. Cependant, l’absence notable de contributions d’architectes ivoiriens dans les publications de l’époque souligne un déséquilibre dans la représentation des acteurs locaux de l’architecture.
Ainsi, l’analyse de ces diverses sources et initiatives met en lumière les dynamiques passées qui ont façonné Abidjan, tout en soulignant l’héritage architectural unique que la ville a légué. Elle offre également une perspective enrichissante sur l’importance de l’architecture et de l’urbanisme dans la construction de l’identité urbaine et fonctionnelle de la ville. Comprendre ces influences culturelles et politiques est essentiel pour apprécier pleinement l’évolution d’Abidjan et son rôle central dans le paysage architectural de l’Afrique de l’Ouest, et permettre de pouvoir orienter cette étude porter sur l’architecture post-indépendance dans la commune du plateau à Abidjan.
IV. Objectifs
L’objectif principal de ce mémoire est d’analyser et de comprendre comment l’architecture post-indépendance dans la commune du Plateau à Abidjan reflète les visions et les aspirations des dirigeants ivoiriens, tout en étant des marqueurs d’identité et de modernité pour la Côte d’Ivoire. Pour structurer cette recherche, plusieurs questions principales et secondaires guideront notre étude.
Nous nous interrogerons d’abord sur le contexte historique de la ville d’Abidjan : Comment s’est passée la transition vers Abidjan ? Comment le Plateau a-t-il émergé et est-il devenu un centre névralgique de la ville d’Abidjan ?
Ensuite, la question des caractéristiques distinctives de l’architecture postindépendance dans la commune du Plateau permet de ce questionner sur des éléments comme. À quoi fait-on référence quand nous parlons d’architecture post-indépendance ? Quelles sont les spécificités architecturales et stylistiques qui définissent ces constructions ? Comment l’architecture post-indépendance a-t-elle été utilisée pour la création d’une identité nationale ?
Nous explorerons également l’influence des visions et aspirations des dirigeants ivoiriens sur les choix architecturaux. Comment la vision de modernité de Félix Houphouët-Boigny a-t-elle déterminé l’architecture du Plateau ? Quels rôles ont joué les architectes locaux et étrangers dans la réalisation de ces visions ? quelles sont les rôles est institutions professionnelles et éducatives dans le développement de l’architecture post-indépendance ?
Un autre axe d’analyse permet de se pencher sur l’impact culturel et symbolique de ces bâtiments. Quels symboles et éléments culturels ont été intégrés dans l’architecture, et comment ces éléments ont-ils été utilisés pour projeter une image de modernité tout en respectant les traditions locales ?
Nous nous questionnerons aussi sur l’expression de la modernité à travers les innovations technologiques et matérielles. Quelles innovations technologiques ont été introduites dans les constructions postindépendance ? Comment l’utilisation de nouveaux matériaux a-t-elle renforcé l’image de modernité et de progrès de la Côte d’Ivoire ? En quoi ces avancées ont-elles transformé l’architecture du Plateau et contribué à la perception de la nation comme un centre d’innovation en Afrique de l’Ouest ?
De plus, nous nous intéresserons à la sélection des bâtiments emblématiques de la période post-indépendance. Quels critères peuvent être utilisés pour choisir ces bâtiments ? Comment ces édifices représentent-ils l’évolution de l’architecture et les aspirations nationales ?
Ces objectifs de recherche guideront l’analyse des différents aspects de l’architecture post-indépendance dans la commune du Plateau. En se concentrant sur la réponse à ces divers points, cette étude vise à offrir une compréhension approfondie et nuancée de cette période clé de l’histoire ivoirienne. Ces questions de recherche permettront de dévoiler les multiples facettes de l’architecture post-indépendance et d’apporter une nouvelle lumière sur l’héritage architectural de la Côte d’Ivoire.
V. Hypothèses de travail
Dans le cadre de cette étude, nous sommes partis de plusieurs propositions, suite aux données et aux connaissances empiriques acquises sur la commune du Plateau. La compilation des ouvrages et des différentes données, en combinaison avec l’enquête de terrain, va nous permettre de confirmer ou rejeter les hypothèses suivantes L’architecture postindépendance dans la commune du Plateau à Abidjan a été délibérément conçue pour refléter les visions et aspirations des dirigeants ivoiriens, notamment celles de Félix Houphouët-Boigny, visant à créer une identité nationale forte et à projeter une image de modernité et de progrès.
La transition de l’architecture coloniale à l’architecture post-indépendance sur le Plateau a conduit à une intégration significative d’éléments symboliques locaux et de techniques modernes, illustrant à faire une rupture avec le passé colonial. Nous postulons que cette architecture, caractérisée par des innovations stylistiques et technologiques, intègre des éléments culturels et symboliques qui non seulement renforcent l’identité nationale, mais contribuent également à la perception de la Côte d’Ivoire comme un centre d’innovation en Afrique de l’Ouest. L’utilisation de matériaux locaux et l’adaptation des techniques de construction aux conditions climatiques et géographiques locales démontrent une volonté de promouvoir une architecture durable et contextualisée, distincte de l’héritage colonial.
En examinant de près les édifices publics de cette époque, leur conception, leur utilisation et leur état actuel, nous chercherons à démontrer que l’architecture post-indépendance a servi de catalyseur pour des dynamiques sociales complexes et continue de marquer profondément la mémoire collective et l’identité des résidents du Plateau
Les politiques gouvernementales et les initiatives des institutions éducatives et professionnelles ont été déterminantes dans la promotion et le développement de l’architecture post-indépendance, favorisant l’émergence d’une génération d’architectes ivoiriens.
Pour tester ces hypothèses, diverses méthodes seront employées afin de les vérifier de manière rigoureuse.
IV.Objéctifs
V.Hypothéses de travail
VI. Méthodologie
1. Perspective subalterne
En choisissant de s’intéresser au concept des subalternes studies, cette étude se veut faire un décentrement de point de vue, et de perception au niveau des bâtiments emblématiques et des perceptions qui entourent ces bâtiments et cette époque .
Les Subalterns Studies, originaires des travaux de l’historien indien Ranajit Guha et d’un collectif de chercheurs dans les années 1980, se focalisent sur les voix marginalisées et les groupes subalternes qui ont été historiquement exclus des discours dominants et des narrations officielles. Ce courant de pensée cherche à décentrer l’histoire en mettant en lumière les expériences, les résistances et les contributions des populations subalternes, souvent invisibilisées par les récits de l’élite coloniale et postcoloniale.
L’article de Gayatri Spivak « Les subalternes peuvent-elles parler ?»29 y met en évidence les dynamiques de pouvoir qui empêchent les subalternes de s’exprimer et critique la capacité du discours occidental, même postcolonial, à interagir de manière significative avec des cultures différentes. Selon Spivak, les subalternes ne sont souvent pas autorisés à parler et leurs voix est systématiquement ignorées ou réprimées.
Dans notre étude, cette approche prend tout son sens étant donné la rareté des études qui se sont intéressées aux bâtiments emblématiques du Plateau du point de vue des personnes qui fréquentent quotidiennement ceux-ci. En particulier, les perspectives des individus chargés de la surveillance de ces lieux, communément appelés «gardiens» ou «agent de sécurité», et ceux qui s’occupent de l’entretien de ces bâtiments sont souvent négligées. Ces personnes, qui ont une relation intime et continue avec ces structures, développent une perception et un attachement uniques qui peuvent différer considérablement de ceux des responsables de ces bâtiments. Leurs expériences et points de vue sont essentiels pour quiconque souhaite réellement comprendre la vie et l’impact de ces édifices au quotidien.
Ainsi, nous avons pu interroger M. Boni, agent de sécurité de l’hôtel de ville depuis 2004. Il a partagé avec nous son désarroi face à l’état actuel du bâtiment et les déceptions par rapport aux attentes qu’il avait en arrivant à l’hôtel de ville. M. Boni nous a décrit l’imaginaire qu’il s’était forgé à son arrivée, contrastant avec la réalité de l’entretien et de la
29 Gayatri Chakravorty Spivak, « Les subalternes peuvent-ils parler ? », s. d.
VI.Méthodologie dégradation progressive du bâtiment. Ses témoignages, comme ceux d’autres travailleurs similaires, sont précieux car ils révèlent des aspects souvent invisibles mais cruciaux pour comprendre la vie et l’évolution de ces monuments architecturaux.
« Concernant le bâtiment, si ceux qui sont au-devant ne font rien pour que les situations changent, nous ne nous pouvons rien dire, nous sommes que des employés, mais aujourd’hui vous me donnez l’occasion de dire les gens doivent se réveiller, surtout ceux qui sont nommés à ces postes...» Mr Boni, Agent de sécurité de l’hôtel de ville.
2. A la rencontre du terrain
Né et ayant grandi à Abidjan, j’ai poursuivi mes études d’architecture jusqu’à la quatrième année dans cette ville dynamique. Repartir à l’exploration de l’architecture post-indépendance dans la commune du Plateau était pour moi une redécouverte fascinante. Cette immersion m’a conduit à une série de visites, d’entretiens, de trajets en taxi et de moments passés dans les embouteillages et à flâner entre ces bâtiments, chaque expérience enrichissant ma compréhension de ces lieux emblématiques.
Dans le cadre de notre analyse de terrain, nous avons eu l’opportunité de mener une série d’entretiens avec des architectes acteurs de la ville d’Abidjan , permettant d’élargir notre compréhension de l’architecture post-indépendance à Abidjan. Nous avons d’abord rencontré Koupo Gnoleba, vice-président de l’Ordre des architectes, ainsi que Dandjé, vicesecrétaire de l’Ordre, qui nous ont partagé leur point de vue sur les enjeux et les défis rencontrés par cette génération d’architectes.
VI.Méthodologie
Ensuite, nous avons élargi notre spectre d’analyse à travers trois séries d’entretiens supplémentaires, nous permettant de diversifier les avis et de mettre en tension certaines opinions. Ces discussions ont été particulièrement enrichissantes avec Issa Diabaté, Francis Sossah, et Melissa Kacoutié. Chacun de ces entretiens a révélé des perspectives uniques sur l’évolution de l’architecture en Côte d’Ivoire, les influences étrangères, les ambitions locales et les défis contemporains.
Ces échanges ont enrichi notre compréhension de la complexité et de la richesse de cette période architecturale. Ils ont aussi permis de mettre en lumière les dynamiques sociales, culturelles et économiques qui ont façonné ces constructions emblématiques. En approfondissant notre dialogue avec ces acteurs clés, nous avons pu mieux saisir comment leur travail a contribué à définir l’identité architecturale du Plateau, tout en illustrant les aspirations et les réalités de l’époque post-indépendance.
De plus, nous avons eu l’opportunité de faire une visite nocturne du Plateau en compagnie de l’architecte Issa Diabaté. Cette expérience immersive a été particulièrement éclairante, nous permettant de voir ces bâtiments sous un autre angle et d’appréhender les différentes périodes architecturales du Plateau sous un autre angle. À travers les éclairages urbains et les ombres de la nuit, nous avons pu observer de près les défis structurels et esthétiques auxquels ces édifices sont confrontés, ainsi que les transformations qu’ils ont subies au fil du temps.
Cette visite nocturne a également mis en lumière les enjeux de sécurité, de maintenance et d’usage contemporain de ces bâtiments, souvent invisibles en plein jour. Les discussions avec Issa Diabaté ont été cruciales pour approfondir notre compréhension des contextes historiques et sociaux de ces constructions. Tous ces éléments ont considérablement renforcé notre thématique de recherche, nous permettant de définir avec plus de précision les aspects que nous souhaitons analyser et mettre en évidence dans notre étude.
Cette aventure m’a permis d’adopter une approche différente de ces structures, que je connaissais déjà de manière superficielle. En levant les yeux et en appréciant les détails architecturaux de ces édifices, j’ai pu voir au-delà de leur surface apparente. Ce qui semblait au départ ordinaire s’est révélé être une complexité riche et nuancée, visible uniquement à travers une observation attentive et une contextualisation historique et sociale approfondie.
Chaque bâtiment raconte une histoire, reflète une époque, et incarne les aspirations d’une nation en quête de souveraineté et de modernité. Les structures du Plateau ne sont pas seulement des monuments de béton et de verre ; elles sont les témoins silencieux de l’évolution de la Côte d’Ivoire, symbolisant les espoirs, les défis et les réalisations de l’aprèsindépendance.
En explorant ces bâtiments de plus près, j’ai pu percevoir leur véritable complexité architecturale et historique. Cette expérience m’a convaincue de la nécessité de réévaluer et de documenter l’architecture postindépendance à Abidjan, non seulement à travers les yeux des experts, mais aussi à travers ceux des habitants qui vivent et travaillent dans ces espaces.
VI.Méthodologie
VI.Méthodologie
VII. Justification de la structure du mémoire
Ce mémoire se chargera de recouvrir la thématique portant sur l’architecture post indépendance dans la commune du plateau : entre concepts et bâtiments emblématiques en quatre chapitres distincts.
Le premier chapitre est consacré à l’introduction, posant les bases de notre étude.
Le second chapitre aborde le contexte historique et urbain, permettant de situer précisément le sujet de notre recherche. Nous commencerons par évoquer Grand-Bassam, la première capitale de la Côte d’Ivoire, aujourd’hui inscrite au patrimoine mondial de l’UNESCO. Nous explorerons le contexte historique de Grand-Bassam avant d’examiner la transition vers Abidjan. Ensuite, nous retracerons l’histoire d’Abidjan, depuis ses origines jusqu’à son développement urbain et économique. Nous examinerons comment la ville a évolué pour devenir la capitale dynamique que nous connaissons aujourd’hui. Pour conclure ce chapitre, nous analyserons la transition de l’architecture coloniale à l’architecture post-indépendance. Nous mettrons en lumière les influences architecturales de la période coloniale et expliquerons comment la transition vers une architecture plus ancrée sur le territoire s’est opérée. Enfin, nous montrerons comment le Plateau est devenu le centre administratif et commercial d’Abidjan, marquant son émergence dans le paysage urbain ivoirien.
Le troisième chapitre se concentrera sur la problématique de l’architecture post-indépendance en mobilisant des exemples externes pour illustrer comment divers territoires ont défini et adopté cette architecture. Nous explorerons la distinction entre l’architecture post-indépendance et/ou architecture post-coloniale, en analysant comment chaque approche a été utilisée pour créer une identité nationale distincte et accéder à une modernité souvent influencée par des visions européennes. Ce chapitre examinera également les implications sociales, culturelles et politiques de cette architecture, et comment elle a servi d’outil pour exprimer des aspirations nationales et régionales. Enfin, nous analyserons en détail comment ces concepts et pratiques ont été appliqués et adaptés dans le contexte ivoirien, en soulignant les particularités et les innovations locales qui ont émergé à Abidjan, notamment dans la commune du Plateau.
Le quatrième chapitre se consacre à une analyse approfondie des bâtiments emblématiques du Plateau post-indépendance, couvrant la période de 1956 à 1980. Nous commencerons par une présentation des architectes influents et des édifices significatifs, en les situant dans le contexte des événements socio-politiques de l’époque. Cette section inclura une sélection méthodique des bâtiments emblématiques, justifiée par des critères précis de pertinence historique, architecturale et culturelle. Nous entrerons ensuite dans une analyse détaillée de trois bâtiments sélectionnés pour leur importance dans ce mémoire : l’Hôtel de Ville, conçu par l’architecte Henri Chomette, qui symbolise l’aspiration à une administration moderne et centralisée ; le Palais Présidentiel, réalisé par Pierre Dufau, qui incarne le pouvoir et l’autorité de l’État ivoirien postindépendance ; et enfin, La Pyramide, œuvre conjointe des architectes Rinaldo Olivieri et Aka Adjo, qui représente un exemple audacieux de modernité et de vision architecturale pour la Côte d’Ivoire. Chaque analyse inclura des aspects architecturaux, historiques et symboliques, offrant ainsi une compréhension complète de l’impact de ces édifices sur le paysage urbain et l’identité culturelle du Plateau à Abidjan.
Nous conclurons ce mémoire par une synthèse transversale de tous les points abordés, mettant en lumière les principales découvertes et les implications de notre recherche. Cette synthèse permettra également de dégager de nouvelles pistes de recherche, ouvrant la voie à des études futures sur des aspects non encore explorés ou nécessitant un approfondissement.
La conclusion sera suivie d’une bibliographie exhaustive, recensant toutes les sources et références utilisées au cours de notre travail, afin de permettre aux lecteurs et chercheurs de consulter les matériaux et documents originaux.
Enfin, une annexe sera ajoutée, comprenant la retranscription intégrale des interviews menées dans le cadre de cette étude. Ces entretiens fourniront des perspectives enrichissantes et complémentaires à notre analyse, offrant ainsi une vision plus complète et nuancée de l’architecture postindépendance à Abidjan.