Gwenn Doz
Bleue de toi entre azur et marine
roman
Bleue de toi, entre azur et marine
Gwenn Doz
Bleue de toi, entre azur et marine roman
Table des matières
Prologue
Décorum
1er jour 2e jour 3e jour 4e jour 5e jour 6e jour 7e jour 8e jour 9e jour 10e jour
Départ Découverte Dirigée Déterminée Disponible Déboussolée Déprimée Désespérée Détendue Décidée
Épilogue
Dénouement
La femme la plus sotte peut mener un homme intelligent, mais il faut qu’une femme soit bien adroite pour mener un imbÊcile. Rudyard Kipling
Prologue Décorum…
Lefkada, fin avril
Intriguée par un vrombissement sourd, je relève un instant la tête, et aperçois un Boeing d’Olympic Airlines au travers de mes Dolce & Gabbana aux verres bleutés. Ce grand oiseau blanc et indigo, aux six cercles entrelacés, plane au large de cette plage étroite et arborée, sur laquelle avec nonchalance je me retrouve étendue. Traçant sa route dans l’azur pigmenté de quelques cumulus humilis, il a déjà sorti son train d’atterrissage, en vue de conclure ses battements d’ailes vers l’île voisine. Je me suis éloignée à distance raisonnable, de ceux, qui avec progéniture ou sans, n’ont sous les feux d’Hélios pour habitude comme moi de ne rien dissimuler de leur anatomie. Je ne suis pas seule à partager l’essuie XXL aux couleurs du drapeau hellénique. En effet, un jeune homme, prénommé Yannis, beau brun de corpulence
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moyenne, mince et musclé, somnole à mes côtés, lui aussi dans le plus simple appareil. *
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C’est à Bruxelles que j’ai fait la connaissance de Yannis, lors d’une soirée organisée dans l’appart d’une copine de fac. Celle-ci suit comme moi un master en seconde année d’histoire de l’art & archéologie à l’ULB. Quant à lui, bénéficiant du programme Erasmus, il poursuit des études d’architecture dans la capitale. Au premier abord je l’ai trouvé sympa, ayant le don de me faire sourire à chacune de ses phrases agrémentées d’un accent déroutant. S’étant échangés nos numéros de téléphone, il m’a rappelée deux jours plus tard et nous avons convenu de nous revoir la semaine suivante. Invitée dans un restaurant grec du centre-ville que tient un de ses cousins expatriés, et dans lequel de temps à autre il fait un extra, nous avons profité de cette nouvelle soirée pour faire plus ample connaissance. Très vite, je me suis rendu compte que nous avions pas mal de points communs, et que son physique sans être un must, me plaisait assez pour que mon intérêt envers ce garçon croisse au fil des regards. Je suis donc tombée sous son charme, aidée en cela par un vin corsé, et bercée par les Heptanissia cantatha. Chantées par un chœur de trois hommes d’âge mûr, ces sérénades typiques des îles Ioniennes étaient accompagnées d’un guitariste et d’un mandoliniste. Cet ensemble, composé bien évidemment de Grecs insulaires, se trouvait installé sur des chaises
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disposées sur une petite estrade, dressée au beau milieu de la salle principale. Subjuguée par les danses qui défilèrent ensuite et auxquelles Yannis se joignit à chaque fois, j’eus droit à une démonstration de diverses chorégraphies telles que les kerkyraikos, bourdaris et autres, sans oublier le syrtaki dans lequel il excellait chemise ouverte sur son torse en sueur. Passablement partie suite aux liqueurs qui avaient conclu le repas, j’avais accepté de l’accompagner dans le kot qu’il louait non loin de ses cours. Montés dans le dernier bus, il était près d’une heure du matin lorsqu’on rejoignit le quartier d’Ixelles. À peine avions nous franchi le seuil de sa chambre d’étudiant, située en mansarde d’une maison bourgeoise datant d’avant-guerres, qu’on s’enlaça avec passion, se départant de nos vêtements dans la minute même, pour atterrir ensuite sur son lit défait. Sous un plafonnier dont une des trois ampoules avait rendu l’âme, on s’investit alors dans l’exploration de nos anatomies respectives. Depuis que j’avais entamé mes études supérieures, j’avais pas mal couché à droite et à gauche sans qu’aucune relation sérieuse ne s’établisse. N’ayant guère de tabous, je m’étais prêtée à toutes sortes d’expériences, acceptant même de le faire chez des amis, entourée d’autres couples, sans toutefois me joindre aux baises de groupe auxquelles à cette époque j’exprimais encore une certaine réticence. Je n’eus donc pas d’objection, lorsque suite à nos attouchements à la sensualité de plus en plus exacerbée, il m’invita à lui tourner le dos. Me retrouvant face à
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une mini bibliothèque en contreplaqué noir, pourvue de bouquins d’épaisseurs et de tailles hétéroclites, j’attendais la suite, mes genoux enfoncés dans la couette étiquetée Ikea. Ma patience ne fut guère mise à rude d’épreuve, car, découvrant bientôt ma nuque en relevant d’un geste délicat ma masse de cheveux blonds, il y posa les lèvres, ce qui me fit frisonner aussitôt. Il vint ensuite me masser du bout des doigts les épaules, avant de se glisser jusqu’aux seins qu’il soutint aux écrins de ses mains. Les malaxant avec application, mes bouts érectiles furent flattés d’être à ce point sollicité par des phalanges aussi douces que la soie. C’est la première fois qu’un garçon avec qui je m’envoyais en l’air, m’offrait le ravissement de me sentir sous des gestes attentionnés, aussi précieuse qu’une perle rare. Me penchant alors vers l’avant, telle un papillon fragile sous le regard indiscret de la lune qu’on apercevait par la tabatière, je posai mes mains bien à plat offrant mon fessier rebondi à ses beaux yeux marrons. Glissant par monts et pas vaux avec dextérité, il ne laissa point de chair qui ne reçut sa visite pleine de grâce et de sollicitude. Échauffée comme au cœur d’un été caniculaire, je reposai cette fois ma joue gauche dans le creux de mes bras, et m’écartai les jambes pour qu’il puisse s’y glisser. Ne pouvant m’abandonner plus, que dans cette position impudique dans laquelle je me retrouvais, le souffle court, j’attendais avec empressement sa venue. Percevant le son propre à l’emballage que l’on déchire avec les dents, je sus qu’il nous protégeait en se garnissant d’un condom sur la belle érection à la forte courbure, dont la découverte
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m’avait tant fascinée. Maintenue aux hanches, sans brutalité aucune, je perçus le bout venir me cajoler en se frôlant aux petites lèvres, avant que celles-ci n’éclosent sous le passage du membre désiré. Lubrifiée à foison, il me pénétra sans anicroche, s’avançant lentement mais sûrement jusqu’à ce que je ressente sa toison m’épouser la croupe tendue à l’extrême. Je fermai les yeux pour ressentir mieux encore cette singulière présence en ma demeure intime. Perpétuant celle-ci sans qu’il ne remue d’un pouce, je me demandais si dès notre premier soir de baise il s’était promis de me rendre folle dingue. Se mouvant enfin sans précipitation aucune, il me permit de percevoir chaque centimètre de sa taille qui venait à se dérober. Redoutant qu’il ne se défile, je serrai mes muscles vaginaux pour le retenir en moi, ce qui eut pour effet de m’exciter à en mourir. Ne me laissant plus à savourer que son gland décalotté qui déformait le latex, alors que je craignais qu’il ait déjà jouit sans que je ne l’aie perçu, il replongea sans coup férir. Cette fois plus d’apnée périlleuse, il ressortait pour y revenir, se multipliant en départs et retrouvailles toujours plus intenses. Il me faisait l’amour sans sauvagerie aucune, sachant glisser son pas vers la quête du plaisir renouvelé. J’éprouvais un panel d’émotions, oscillant du sentiment de soumise percluse sous ses à-coups répétés, à celui de dominatrice, lorsque je parvenais à reprendre l’ascendant en régentant le mouvement sous les rênes des miens. En fait, de l’un comme de l’autre je m’en satisfaisais pleinement, n’éprouvant nul besoin de distinguer lequel des deux l’emportait. D’une main de velours partagée, dé-
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passant la conscience de soi, on s’abandonna bientôt au gant de fer de notre animalité, en galopant d’un train d’enfer. Celui-ci était d’une puissance telle, qu’éveillant des forces inconnues, une poussée d’adrénaline dévastatrice finit par me submerger, décrochant la timbale sous les clameurs orgasmiques qu’il venait d’engendrer. Épuisée, le bridant en ma glèbe immergée, je l’entraînai dans ma chute, me retrouvant blottie sous son cœur qui pareil au mien palpitait à tout rompre. Étant parvenu à se cramponner pour atteindre l’extase partagée au moment du franchissement de la ligne rouge, je remerciai dame la chance de m’avoir permise de rencontrer ce sublime cavalier, jouissant d’un art dont seule l’élite équestre détient le secret. Faisant preuve de sagesse, le quittant sous une aube claire dépourvue de tout nuage, j’étais conquise, et à ce titre, bien déterminée à ne point me suffire d’une passade. Prête à tout pour ne point laisser filer ce précieux amant, j’avais l’espoir que dans ses bras chevaleresques j’obtienne un second ticket pour le septième ciel. * Je ne fus pas déçue, car il ne se passa pas une semaine qu’il ne m’invita à nous réunir dans l’ivresse des corps. Dire que j’étais réjouie n’était pas un vain mot, car de revoir cet endroit divin, malgré son désordre estudiantin, cela m’exalta comme le serait l’âme au seuil du paradis retrouvé. Alors qu’une pluie battante faisait la java sur son toit de tuiles rouges, nous nous enlacions
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de même en parodiant la rythmique. Alternant maintes positions dont certaines des plus acrobatiques, le temps de lui prodiguer une sucette en guise d’entracte, on en revint à la façon de faire qu’il semblait affectionner le plus. Retrouvant mes marques à quatre pattes, mais cette fois à même le tapis de laine vierge aux couleurs vives et aux dessins entrelacés, il me prépara à son retour en venant à goûter à mon fruit pourfendu. Il en vint même à me gratifier d’une feuille de rose, dont la langue persévérante me fit comprendre qu’il souhaitait échanger un conciliabule en ce sens. Jusqu’à ce jour, je ne m’étais fait sodomiser que deux fois, et encore, en laissant pas mal de temps entre ces actes un peu pénibles que j’avais acceptés auprès de partenaire d’un soir. Un peu craintive, mais dans le désir de ne rien nous interdire, tant son emprise sur mes sens était prépondérante, je m’écartai volontairement les fesses en signe d’assentiment. Se présentant alors à ma fleur, il en pénétra le cœur avec circonspection, constatant sans doute son étroitesse due à la parcimonie de mes cueillettes. Un peu douloureux au début, il parvint par sa douceur et par l’expérience évidente qu’il détenait en la matière, à ce que je goûte cette intromission presque aussi bien que l’autre, et cela malgré la forme en quart de lune de son appendice. Ce fut la première fois, qu’au long d’un vaet-vient soutenu, j’obtins un orgasme en étant enfilée jusqu’au tréfonds de mon être. Voulant lui témoigner ma gratitude, je n’hésitai pas ensuite à lui ôter sa pro-
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tection avant qu’il ne s’y perde, le goûtant à nouveau jusqu’à ce qu’il jouisse à son tour et que je déguste sa semence. S’agissant du sperme, j’avais depuis toujours eu un peu de mal en ce qui concernait son goût, qui selon les cas pouvait m’écœurer à la limite de la nausée. Cependant, dans ce cas-ci je tâchai d’y faire abstraction, et j’ingurgitai sa saveur musquée sans aucune objection. À la suite de cette seconde entrevue, il en vint d’autres à intervalles rapprochés, et de fil en aiguille notre relation se construisit peu à peu. Néanmoins, d’une commune acceptation, on s’accorda à ce que celle-ci ne soit pas exclusive, nous laissant à chacun le champ libre d’aller voir ailleurs si cela nous chantait. En fait, opposée à tout conformisme, et dans la peur de me retrouver mains et poings liés dans une attache qui m’en rappellerait d’autres qui m’avaient marquée la chair au fer rouge, je préférais me faire violence en acceptant qu’une autre s’avantage des particules de son corps. Il nous arriva donc d’avoir des rapports avec des inconnus, mais une seule fois en ce qui me concerne, sans que la moindre jalousie ne vienne perturber l’entente du couple, quelque peu hors norme que nous formions. Le seul truc qui en aurait déconcerté plus d’une, mais auquel pour ma part j’adhérais avec plaisir lors de nos joutes sensuelles, était ce penchant pour la sodomie. Pratique anale qui revint sur le tapis à chaque rencontre, prenant petit à petit l’ascendant sur tout le reste. Allant jusqu’à me persuader au bout de quelques semaines, lors de préliminaires poussés, à ce que je le
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doigte en son fondement. Suite à cela, me pliant à ses desiderata sans émettre la moindre opposition, il m’initia ensuite à l’emploi d’objets divers avec lesquels on vint à se pénétrer de façon régulière. Je me suis toujours insurgée envers ce cliché stupide et insultant vis-à-vis des Grecs et autres Tête de turc. Estimant tout homme capable d’éprouver à cet endroit autant de sensibilité qu’une femme, sans pour cela être nécessairement attiré par l’homosexualité. N’est-il pas normal, du moins pour moi qui crois à la réincarnation, qu’ayant vécu antérieurement sous une ou plusieurs identités féminines, des réminiscences peuvent ressurgir quelquefois dans l’esprit d’un homme ? Il en est du sexe comme de l’esprit, l’homme possède un côté féminin caché, dont il a conscience ou pas, et inversement pour la femme. Le problème se pose lorsque le côté enfoui est bien trop puissant et prend l’ascendant sur l’autre. Déstabilisant l’être en le plaçant devant le dilemme de continuer sa route en l’état où il se retrouve en cette vie, ou de laisser celle antérieure prendre le dessus. On ne peut juger le choix de chacun, étant dans l’impossibilité d’éprouver le ressenti de l’autre selon ce qu’il a vécu et vit aujourd’hui. En ce qui me concerne, je me sens femme à un max de pour cent, laissant libre cours au restant selon mes humeurs et passions du moment. * Les semaines s’étant succédées, vint la période des vacances de Pâques, et désireux de les passer avec ses
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proches restés au pays, il m’invita à l’accompagner, bénéficiant d’un logement dans la maison familiale. *
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Plutôt que de prendre un vol direct, j’avais tenu à ce qu’on passe une journée à découvrir Athènes que je ne connaissais que par la lecture de romans que je chérissais, tels Une femme à sa fenêtre, Alexis Zorba ou les grands classiques comme L’Iliade et l’Odyssée, pour ne citer qu’eux. Nous avions donc atterri tôt le matin, à l’aéroport d’Elefthérios-Venizélos situé à une vingtaine de kilomètres de la capitale. Bénéficiant d’un temps clément à l’approche de l’été, mon ami grec m’avait guidée tout au long de la journée au travers de cette cité maintes fois millénaires, ravi de me montrer tout ce qu’elle conservait comme vestiges antiques. Un peu vannée le soir venu, on s’était installé à la terrasse d’un resto situé dans la Plaka qui était noire de monde, jusqu’aux escaliers qui parsemaient la vieille ville à flanc de colline. Lui ayant fait confiance, j’avais laissé à Yannis le soin de composer le menu, sachant que stricte végétarienne, cela restreignait un peu le choix des possibilités. Cependant, je fus agréablement surprise de constater que tous ce qui nous fut servi était d’un goût exquis, notamment la langouste fraîche à laquelle on fit un sort, allant jusqu’à curer avec obstination l’intérieur des pinces. Me proposant de faire quelques pas en guise de digestion, malgré un début de cloche au pied qui se faisait sentir, j’acceptai d’arpenter avec lui les sentiers qui entouraient le site de l’Acropole.
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Au détour de l’un d’eux, qui surplombait les ruines de l’Agora située en contrebas de la colline aux oliviers, en l’absence de réverbères en cet endroit, mais sous un ciel constellé d’étoiles, les mains posées sur la roche nue telle que je l’étais sous mon polo, il me prit de la façon qu’il affectionnait le plus. Mes lentilles rivées au Parthénon, je le laissai me marbrer le naos d’un trésor de salive avant qu’il n’y glisse sa colonne dorique. Pris alors d’une vigueur marquant son inconditionnelle autorité en ces lieux ancestraux, je me retrouvai le dos collé à son torse. Sa bouche de miel enfouie dans la cascade de mes fils d’or, cinq doigts s’égaillant aux seins et cinq autres au sexe, il m’enfonça de la façon la plus spartiate possible. Remuée des pieds à la tête, je n’étais plus qu’une concubine sous l’emprise de son seigneur et maître. Alors que j’allais hurler au moment d’atteindre la jouissance, il empêcha mon cri d’atteindre l’Olympe en me plaquant une main sur ma bouche d’airain. Gémissant entre ses phalanges, je l’entendis ricaner comme un dément au moment de se répandre en moi dans un dernier aboiement de Cerbère. Revenue des enfers, goûtant aux jardins des Hespérides à sa peau aux parfums égéens, mes yeux embués et rivés à Pégase, je me nichai dans son aile en attente de l’aurore. * Descendus de la colline, on s’installa à la terrasse d’un café situé à deux pas du musée de l’Acropole, dont les murs de marbres de Paros étaient irradiés des
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