La fleur des tourbieres

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Bernard Buisine

La Fleur des Tourbières





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Bernard Buisine

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« … Si vous donnez aux histoires que vous écrivez à la première personne une vraisemblance telle que les gens finissent par y croire, le lecteur pensera presque forcément qu’elles vous sont effectivement arrivées. Ce qui est tout à fait naturel puisque, au moment où vous les inventez, il faut bien que vous donniez l’ impression qu’elles sont arrivées à celui qui les raconte. Si votre entreprise est réussie, vous amenez celui qui les lit à croire que ces choses-là lui sont arrivées à lui… » E. Hemingway Paris est une fête.

Si ce grand écrivain le dit… et que cela vous arrive, ne craignez rien, c’est juste une illusion passagère voire nécessaire pour voyager dans le vent qui sèche la tourbe, la bruine du Connemara, les bords de mer du Donegal, sous le soleil d’automne de la Catalogne et dans le cœur des personnages. Alors, installez-vous et bonne rêverie. B.Buisine



K athleen

Peter se leva à l’aube. La pluie commençait à tomber. Il prit un thé et s’installa dans le salon. Il retrouvait ses vieux démons. Tout allait pour le mieux, mais il ne se sentait pas bien pour autant. Cette putain de vieille dépression le rattrapait au moment où il se disait que la vie était belle. Cela ne s’arrangeait pas en vieillissant. Le point de départ fut le jour où deux ses filles, Siobhàn et Kathleen avaient pris leur envol et qu’il s’était retrouvé seul dans son grand appartement londonien. Aujourd’hui, il y avait Genny, belle et amoureuse, mais toujours ce gâchis de ne pouvoir se satisfaire des moments heureux, de ne pouvoir vivre au jour le jour, de ne pas être foutu de profiter du temps présent sans toujours imaginer le pire. Par la fenêtre de la cuisine, il vit que la pluie s’était arrêtée. Le soleil l’emportait sur la grisaille, la marée montante ramenait le beau temps. Debout de si bonne heure, il essaya d’établir un programme pour les prochains jours : coudre les rideaux pour la chambre à coucher, reparler avec Gregg de l’installation de la poissonnerie et surtout monter dans le comté de Donegal pour rencontrer Kathleen. Kathleen, sa fille aînée, était vétérinaire dans un haras. Les aléas de leurs vies les avaient fait se rater depuis plus d’un an. Ils s’appelaient régulièrement mais raccrochaient toujours le téléphone avec un goût d’inachevé, insatisfaits de ces communications sans se voir, se regarder, se toucher. Elle partait en France la semaine prochaine, pour un concours hippique international. Elle faisait partie de l’équipe qui s’occupait des chevaux. Elle lui manquait. Il envisageait la route. Du Kerry au Donegal : remonter sur Tralee, passer

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par le Connemara, traverser le comté de Sligo puis le Mayo, atteindre le Donegal et rejoindre Dungloe situé face à Inisheane Island. Peter sortit une carte routière et calcula que cela devait faire près de trois cents kilomètres. Genny vint le rejoindre vers 7 h. « Déjà debout ? Tu prépares un voyage ? – Il faut que je voie Kathleen. – Je sais… – Tu viendrais avec moi ? – Mais… et ta fille ? – Oh, elle sera ravie de te rencontrer… – Tu veux partir combien de temps ? – 3 à 4 jours. – Départ quand ? – Je ne sais pas… » Genny sourit. Elle retrouvait ce Peter qui prévoyait tout, laissant peu de place à l’improvisation, ce côté rassurant et un peu obsessionnel. « Il faut que je m’occupe de tes rideaux et puis… – Chut, laisse-toi vivre une chose à la fois… Je pars avec toi ! On va se préparer cet après-midi et on partira tôt demain matin ! » Genny savait ! Il suffisait de voir ces deux rides qui lui barraient le front pour comprendre qu’il était préoccupé. Ce n’était pas la peine d’attendre. « Je vais téléphoner à Kathleen… – Et moi, voir Helen en fin d’après-midi pour lui expliquer et lui donner les clefs de la maison. – Ok Genny ! je suis content que tu viennes avec moi. – Et oui, si tu croyais déjà te défiler, c’est raté mon chéri ! Et je vais enfin connaître le Donegal. Il sourit et l’enlaça. – Hep., pas de ça ! téléphone, vite ! » Kathleen fut ravie de les accueillir. « Vers quelle heure penses-tu… pensez-vous être là ? – En fin d’après-midi ! – Très bien ! je suis contente de te voir… enfin de vous voir ! Faut que je m’y fasse… – Tu nous trouveras une chambre ? – Ne t’inquiète pas, roule tranquillement. A demain papa ! » Peter raccrocha, soulagé.


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« Je vais coudre les grands rideaux du salon et de notre chambre. – On a le temps pour tout ça ? – Avec ma machine infernale, tu vas voir, c’est un jeu d’enfant. Tu avais pris les mesures ? – Oui, 5 cm d’un côté et 5 cm de l’autre ! J’espère que c’est bon ? » Peter s’installa dans le couloir. La machine à coudre était comme neuve. Les ourlets furent cousus en une heure. La grosse aiguille s’enfonçait dans le tissu comme dans du beurre. Pour lui c’était simple, c’était le rappel de son premier métier. L’essentiel était de conduire le tissu bien droit et surtout de faire attention aux doigts, car avec des aiguilles de cette taille, si ça ripait, le doigt se retrouvait cousu dans le rideau. La dernière fois qu’il s’était servi de cette machine, c’était à Londres : une commande de rideaux pour des restaurants chinois qui fêtaient le Nouvel An en grande pompe et puis le recouvrement de sièges en cuir pour la jaguar type E. d’un vieux lord anglais. Des souvenirs qu’ils partageaient avec Garrett et qu’ils se remémoraient très souvent avec le plaisir de deux exploits accomplis. Des rideaux dans leur chambre cacheraient le jour naissant qui les réveillait chaque matin. Avec l’arrivée du printemps et les jours qui rallongeaient, cela devenait incommodant. Leur valise fut préparée dans la foulée. Le lendemain à la pointe du jour, ils partaient. Peter choisit la route vers l’ouest pour longer le lough Corrib et rejoindre la côte. Il conduisait avec un flot de pensées qui guidait sa route… Kathleen… on enfance, ses études, longues, et sa présence à Londres avec lui au cours de toutes ces années. Ils étaient proches l’un de l’autre. Après son divorce, Peter n’avait pas gardé de contact avec la mère de ses enfants. Ils s’étaient séparés après 17 ans de vie commune. Ils s’étaient rencontrés à Londres. Elle, marquait de sa présence les salons de couture, et s’était laissée séduire par cet irlandais plein de fougue, si brillant sur les méthodes de développement dans le commerce international. Il l’avait trouvé séduisante dès leur première rencontre. Elle avait le charme de ces femmes épanouies dans le monde des affaires, désirées par ces business men attirés par les femmes qui leur tenaient la dragée haute. Elle n’était pas dupe de sa prestance. Elle était belle, grande, avec des tenues qui la mettaient en valeur, découvrant des épaules magnifiques et des seins qui pointaient sous des corsages taillés à la perfection.

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À leur première rencontre, il s’était mis un peu en retrait sachant qu’elle l’avait aperçu et après la frime attendue dans ces cocktails convenus, il s’était approché et lui avait dit tout simplement : « je crois que vous êtes la femme que je cherche. » Un jeu de séduction comparable à la pêche à la mouche : traquer et prendre patience ! Elle avait accusé le coup, surprise et ravie, lui avait frôlé la main et l’avait rappelé le lendemain pour déjeuner. Et voilà, cela avait duré avec la même intensité pendant une quinzaine d’années. Ils avaient eu deux filles, mais tous deux avaient une telle soif de liberté qu’ils s’étaient éloignés l’un de l’autre. D’abord pour quelques soirées et puis des voyages d’affaires trop nombreux. Ils avaient mis fin à leur vie commune pour repartir chacun de son côté. Quand on leur posait la question de savoir combien de temps ils avaient partagé, ils ne savaient que répondre. Le temps leur avait échappé, leur amour aussi. À leur séparation, Peter avait accusé le coup de ce qu’il avait pris pour un échec. Pendant quelques années, il avait erré sans goût. La vie lui semblait fade. Seul son job lui maintenait la tête hors de l’eau. Le docteur Marcus Bradan l’avait aidé, avec la prescription de pilules vertes et jaunes et surtout en l’écoutant. Une fois par semaine, ils se rencontraient, toujours à la même heure. Peter parlait de lui. Marcus le relançait sur des traces de son passé. Il avait parlé de l’Irlande, de son engagement dans le Sinn Fein, pour lutter pour l’indépendance et en même temps de son désaccord pour les actes terroristes menés par l’IRA. Il les excusait sans conviction. Cette période avait été terrible, pleine d’engagements et de contradictions, de crainte et de passion. Il avait aussi beaucoup parlé de sa réussite dans le commerce avec une sorte de honte devant tout cet argent gagné. Il trouvait sa réussite injuste. Son père et sa mère, eux, avaient travaillé bien plus durement que lui. Tout ça pour vivre tellement chichement ! La séparation et son divorce l’avaient fait renouer avec son passé, un paradoxe apparent. Au fil du temps, il s’était juste habitué à l’idée de vivre avec ses contradictions et au fait que tout ce qui pourrait lui arriver serait fragile et éphémère. À son divorce, il s’était lancé comme un fou dans le travail. Le fait de beaucoup travailler le déculpabilisait de sa réussite financière. La route défilait, aussi tortueuse que ses souvenirs. Il s’arrêta au-dessus de Galway, à Oughterard, près du lough Corrib. Les trois pubs qui ceinturaient


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la place du village installaient leur terrasse. Les parasols avec de la marque Guinness s’ouvraient comme des fleurs voulant profiter de cette belle journée de fin d’été. Genny avait dormi pendant une grande partie de la route. « On boit un café ? – Oui, tu n’es pas trop fatigué ? – Non, la route est tranquille. On arrive dans le Connemara… Nous irons moins vite… C’est ici que Sean est venu en mai. » En mai dernier leur partie de pêche s’était écourtée. Garrett leur avait dévoilé son homosexualité et son aventure avec Alvaro, son ami espagnol, Peter avait parlé de Genny. Le premier s’envola pour l’Espagne et l’autre partit dans le Kerry retrouver son amoureuse. Sean s’étant retrouvé seul, profitant que Mary, sa femme, séjournait à Dublin, partit lui aussi, invité par un de ses anciens étudiants pêcheurs. C’est ici, à Oughterard, qu’ils avaient attrapé de beaux poissons au dapping, cette façon ancestrale de pêcher avec des appâts naturels. « Il veut nous emmener Garrett et moi pour pêcher dans le Corrib. Avec ses 44 000 hectares, le lough Corrib est le plus grand lac d’Irlande. Il doit son nom à la rivière Corrib qui relie le lac à la mer, à Galway. Sa renommée le situe comme un des meilleurs lacs d’Europe pour la pêche de la truite. Granitique, sa profondeur varie considérablement. Avec des hauts-fonds et des rochers à fleur d’eau sur sa bordure ouest vers Oughterard, il reprend de la profondeur sur sa partie est, vers la ville de Cong. Le lough Corrib est toujours balayé par le vent. Son eau brassée, très oxygénée et ses fonds rocheux favorisent la vie de toutes sortes de larves, nourriture favorite, des poissons. En Mars, malgré les giboulées et les averses de neige, les pêcheurs sortent leur bateau de l’hivernage et se réapproprient le lac en traquant les truites, en barque, à la traîne avec des petits leurres, des devons et des spinners imitant des alevins. Ce n’est qu’à partir du mois de mai, que les truites trouvent réellement leur nourriture dans toutes les failles de rochers servant de réserve et de berceaux aux larves qui commencent à éclore début mai. La mayfly, l’éphémère, dont la réputation n’est plus à faire pour les initiés, attire les truites et aussi les pêcheurs du monde entier. Le Corrib ne se contente pas de ces truites. De juin à septembre, ce sont les saumons qui le traversent pour retrouver la rivière de leur naissance et se reproduire. » Peter expliquait tout cela à Genny. Il parlait de Sean et de Garrett. Ils se connaissaient depuis toujours, avaient grandi ensemble au bord

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du Lough Derg, avaient pêché la truite à la mouche dans tout le comté. Ils se retrouvaient chaque mois de mai pour profiter des éclosions d’éphémères. C’est pendant cette période, chaque année, que Peter, en secret, rejoignait Genny. « Nous viendrons sûrement tous les trois, pêcher ici. » Il avait dit ça sans réelle conviction. La pêche, leur pêche, n’était plus comme avant. Le lac de leur enfance s’éloignait de leur vie au fil des années qui passaient. Ces années qui les entraînaient vers de nouveaux projets, les détournaient de leur passion. Genny écoutait avec attention. Chaque fois qu’il parlait de ses deux amis et de la pêche à la mouche, il retrouvait la même passion. En parler, c’était comme un échauffement pour mieux repartir et se convaincre de retourner dans les tempêtes du lac, sous le soleil et la grêle de ces mois de mai irlandais. La journée s’annonçait douce. Le vent s’était calmé mais de gros nuages noirs s’accrochaient à la montagne au loin. Ils reprirent la route surnommée la terre brûlée, à cause de ces herbes sèches qui pliaient sous le vent et firent leur entrée dans le Connemara. Il se mit à pleuvoir. Une pluie fine qui enveloppait les lacs et les champs de tourbe. L’eau ruisselait sur les hauteurs. Le granit brillait. Le rideau de pluie ressemblait à une estompe qui lissait les lacs et les pâtures accrochées à la montagne. Il adoucissait l’espace, le ciel, les nuages, le vent, cet ensemble indissociable qui entraînait le voyageur dans les profondeurs de son imaginaire. Pour certains, le Connemara est un endroit triste, voire mélancolique. Battue par les vents, cette région se partage entre parcelles de terrains délimitées par des murets de pierre et des tourbières, pour beaucoup d’entre elles abandonnées aujourd’hui aux bécassines à la recherche de vermisseaux. « C’est beau ! – Strange ! » Genny posa sa tête sur l’épaule de Peter et son regard se perdit dans le ballet des essuies glaces qui rythmaient à leur façon la lumière dans la bruine. Les lacs du Connemara bordaient la route, surprenant le voyageur à chaque virage. La traversée de ces paysages incitait au silence. Le regard suffisait pour communiquer avec cette nature brutale et attachante. Le Connemara : figure emblématique du comté de Galway, écrit, chanté, peint filmé. Ses côtés enchanteurs ne pouvaient à eux seuls masquer une face sombre de l’histoire du peuple irlandais. Au-delà de ses paysages, c’était


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aussi, la région qui avait vu se construire les couvents et les orphelinats pour enfermer les femmes qui avaient « fauté ». L’église, jusqu’au milieu du vingtième siècle, punissait et condamnait les mauvaises filles, en particulier les femmes qui se retrouvaient enceintes sans être mariées. On les enfermait dans les magdalénes asylums : des pensions créées par l’état et gérées par l’Église. Souvent elles s’étaient fait violer. Parfois elles occupaient des postes de bonnes à tout faire chez de riches familles. Le seigneur de la maison abusait d’elles et lorsqu’elles se retrouvaient enceintes, elles étaient chassées. Dehors, la loi réprimait cet état. C’est ainsi qu’elles étaient confiées à des sœurs, dans des couvents. Entre 1922 et 1996, plus de 10 000 jeunes filles et femmes avaient travaillé gratuitement dans ces blanchisseries exploitées commercialement par des religieuses catholiques. Lorsque leur petit naissait, il leur était retiré et placé dans des familles adoptives ou dans des orphelinats et c’en était fini des relations avec leur mère. L’état complice de l’église taisait depuis toujours ces pratiques d’enfermement. Aujourd’hui plusieurs scandales refaisaient surface comme celui de Tuam. Peter avait lu un grand article dans le Gardian. Le reportage du journaliste était édifiant. La découverte macabre d’une historienne irlandaise relançait la polémique autour du sort réservé à des milliers de filles-mères et leurs enfants pendant des décennies. Prés de 800 squelettes d’enfants retrouvés dans une cuve en béton à côté d’un ancien couvent suscitent de vives réactions. C’est un rapport des services de santé datant de 1944, retrouvé par Catherine Corless, l’historienne à l’origine de la découverte, qui évoquait un taux de mortalité infantile quatre à cinq fois plus élevé dans le couvent de Tuam, où ont été retrouvés les squelettes, que dans la population. Et les enfants de Tuam ne seraient pas les seuls à avoir disparu dans les couvents irlandais. The Irish News rappelait que diverses associations militaient depuis plusieurs années pour qu’une enquête soit ouverte à ce sujet. Au total, 4000 enfants auraient été enterrés à la hâte dans des fosses communes aux abords des dix couvents qui ont accueilli environ 35 000 femmes jusque dans les années 1960 en Irlande. Le scandale de Tuam avait failli être révélé en 1975, lorsque deux garçons de la région avaient découvert des ossements par hasard. À l’époque, les restes humains avaient été recouverts et les habitants de la région pensaient qu’il s’agissait d’un charnier creusé au XIXe siècle lors des grandes famines. Les découvertes de Tuam étaient-elles isolées ? Sinon, combien de morts dans chacun des couvents irlandais ?

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On en parlait en Irlande, mais entre soi. La honte se mêlait à la culpabilité. Ce qui faisait l’unanimité, ce n’était pas le fait des enfermements, voire des décès, mais le fait que ces enfants de Tuam avaient été enterrés sans sépultures. Ce point faisait l’unanimité. L’église, quant à elle, se défendait de savoir ce qui s’était passé dans ces couvents tenus par des sœurs du bon secours, une congrégation française de religieuses qui géraient les bons pasteurs en France, des pensions spécialisées qui accueillaient des filles délinquantes. Une confrérie qui déclarait soulager la souffrance humaine, en solidarité avec les pauvres et les plus démunis, notamment dans les hôpitaux, les cliniques, les écoles et les paroisses. Visiblement entre le déclaratif et la réalité, il y avait, là aussi, un sacré décalage. Helen, la sœur de Genny n’arrêtait plus de prier depuis la révélation de ce scandale. Elle ferait 800 prières : une pour chaque enfant et mettrait 800 cierges à l’église de Waterville. Le comté de Galway était le témoin de la vie et de l’histoire des hommes qui avaient fait l’Irlande, terre de tous les excès. Les curés comme disait Garrett, avaient fait du dégât ! Des trois amis, il était le plus virulent sur les hommes en robe. Peter s’était éloigné de la religion, mais sans colère. Sean n’en parlait jamais. Devant un tel événement, on ne pouvait dissocier les responsabilités conjuguées de ces fameux curés et des politiques en place. L’indépendance acquise restait bien tributaire d’un conservatisme installé. C’est une des raisons qui l’avait fait partir en Angleterre. En évitant Tuam pour échapper à ce passé, il avait choisi ce matin la route Ouest du comté de Galway ; la route de la montagne se mêlant au bord de mer. Dès qu’ils dépassèrent Leenane, la luminosité fut plus intense. Le soleil était revenu, le vent avait chassé les nuages. À la surprise de Peter, sur une plage de sable, un troupeau de 5 à 6 vaches se promenait en regagnant leur pâture. Une image insolite qui collait bien avec le paysage. La tourbe récemment extraite séchait au bord de la route. Stockées, en tas pyramidaux, lavées par les pluies et séchées par le vent, les mottes durciraient. À la fin de l’été, elles seraient entreposées à l’abri pour se consumer dans les cheminées. Les moutons broutaient et parsemaient la montagne de taches blanches. Ils entraient dans le comté de Mayo, avec ses rivières qui en faisaient le royaume des pêcheurs de saumons. Elles sillonnaient dans les pâtures, traversaient la montagne, longeaient les bords de route, disparaissaient pour mieux resurgir un peu plus loin.


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Une rivière : chaque fois la même et toujours une autre. L’eau sombre coulait, poussée par le vent. Peter se remémora cette phrase entendue : je me suis toujours baigné au même endroit dans la même rivière, mais ce n’était jamais la même eau ! Une métaphore qui lui rappelait sa vie, comme les paysages d’Irlande avec ses temps changeants. Une vieille formule de présentation disait : qu’en Irlande, en une journée, on avait tous les temps, la brume chassée par le vent, le soleil pour éclairer la vie et la pluie qui venait effacer tout ça comme pour recommencer. Une sorte d’ardoise magique. Dans les villes, cela pouvait passer inaperçu, mais dès que l’on se retrouvait happé par cette nature, il fallait bien reconnaître la justesse du propos. Westport, la capitale du comté était une ville touristique. Avec quelques grands hôtels, elle accueillait les amateurs de voile et de pêche en mer aux gros poissons : raies et requins bleus. Peter trouvait cette ville sans intérêt. « Il y a des villes qui n’ont pas d’âme ! Toutes ces villes moyennes du bord de mer servent de déversoir à touristes les jours de mauvais temps comme Clifden, Westport, Waterville... – Tu es injuste ! – Oui, c’est vrai mais ce n’est pas « mon Irlande ». – Moi non plus, mais ce n’est quand même pas si désagréable ! Tu es intolérant, Mr Mac Coy ! » Il accepta la remarque sans en être convaincu pour autant. À la sortie de Ballina, il s’arrêta pour faire le plein. Devant l’entrée, il y avait une vieille pompe à essence. Le carburant montait dans un grand vase opaque qui trônait sur le dessus. Rempli, l’essence redescendait dans les tuyaux pour enfin couler dans le réservoir de la voiture. Le tout accompagné du bruit de cliquetis des chiffres qui tournaient, indiquant le prix à payer. En entrant dans ce pub, Peter eut un coup au cœur. À l’intérieur : un comptoir, un service à Guinness, une horloge accrochée au mur au-dessus d’une glace dépolie, en dessous trois bouteilles : limonade, grenadine et citronnade. Deux tabourets, une table. Derrière le bar, une femme d’un âge incertain, bien coiffée. Peter la trouva grosse, derrière un si petit bar et se demanda si pour l’installer là, il n’avait pas fallu la glisser par-dessus. Une image qui lui rappela l’époque où au lycée il avait une correspondante canadienne.

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Ils s’étaient écrit des lettres et des lettres pour se présenter et raconter leur enfance, leurs loisirs, leurs espoirs. Il avait imaginé des tas de trucs avec cette rencontre qui venait de l’autre côté de l’océan meubler sa solitude. Un jour, ils avaient décidé de s’envoyer leur photo. Devant le verbe et la douceur de leurs propos épistolaires, adolescent, Peter avait imaginé une jeune fille belle comme le jour avec des seins et des fesses magnifiques, des yeux à emporter les dieux. En recevant sa photo tout était retombé d’un coup. Il avait vu une fille, grosse, petite, derrière un bar. Comme aujourd’hui ! Il sourit, un peu désolé de la comparaison. C’est terrible les souvenirs ! Ils resurgissent semblables à un paquet surprise que l’on ouvre pour découvrir le contenu. Il balaya celui-là de sa mémoire. Accoudé au bar, un vieil homme, le visage et les mains ridées par le soleil et le vent, sirotait sa Guinness. Pas un bruit, juste la pendule qui égrenait son tic tac. Avant même que Peter ait ouvert la bouche, le vieil irlandais fit cliqueter dans sa main quelques pièces de monnaie et comme un signal, sans un mot, la « patronne » tira une nouvelle pinte de bière. Ce lieu, avec cette ambiance, exigeait le respect. De temps en temps, il y a un chiffre qui coince. Si ça vous arrive, arrondissez à la somme supérieure le coût de la provision. Autorisé, Peter fit le plein, régla la somme indiquée sur le cadran de la vieille pompe et repartit sans plus de commentaire. Genny était descendue de voiture pour se détendre. Son mal de dos la reprenait. À Sligo, ils reprirent la direction de la mer. Ils découvraient des plages encaissées dans les rochers et toujours la montagne qui descendait jusqu’au bord de l’océan. Le vent rasant couchait les petites fleurs blanches qui parsemaient les pâtures. Les moutons se protégeaient du vent, à l’abri des grosses roches éparpillées dans les herbages. Il y avait peu d’habitations. Quelques maisons avec les cheminées qui fumaient laissant échapper l’odeur de la tourbe. Plus on monte dans le nord, plus c’est sauvage et désert ! C’était toujours vrai. Les concentrations d’habitants se trouvaient à Dublin sur la côte ouest, Cork au sud, Limerick au centre et Galway à l’ouest. Près de 4 millions d’habitants et plus de la moitié dans quatre grandes villes : ça laissait de la place. Une population qui restait stable malgré une démographie importante car l’Irlande avait un taux d’immigration élevé.


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À la fin du XIXe siècle, la grande famine avait activé le processus. Aujourd’hui cela reprenait, surtout chez les jeunes gens victimes de la crise économique et financière. Les emplois disparaissant, ils partaient de nouveau vers l’Amérique et l’Australie. Plus de 15 000 étaient partis depuis le début de la crise. Ils espéraient, comme leurs anciens, trouver la terre idéale et se disaient chaque fois qu’ils reviendraient en Irlande. Leur terre, c’était ici. Ils y reviendraient par attachement, certains ne faisaient que passer, d’autres y demeurer. C’était comme une dette à régler : revenir sur leur île, leur terre, celle de leurs ancêtres. Genny dormait toujours, penchée sur l’épaule de Peter. Il lui redressait la tête régulièrement, frôlait ses cheveux et respirait son parfum. Elle dormait d’un œil seulement. Dans cette sorte de rêve éveillé, elle entendait le bruit du moteur, entrevoyait la route et se laissait aller à la rêverie. À part son mal de dos qui ne s’arrangeait pas sur cette route cabossée, elle se laissait transporter au bout du monde. À 18 h, ils sonnaient chez Kathleen. Elle les attendait. « Failte papa… Genny ? Je vous attendais plus tard. C’est très bien que vous soyez là… papa, depuis le temps. – Ça fait trop longtemps ma fille. – Ils s’embrassaient, heureux de se retrouver. – C’est bien… c’est bien !... Entrez… Voulez-vous du thé Genny ? – Non, tout à l’heure peut-être ! » Kathleen habitait une vieille maison irlandaise ; grosses pierres, petites fenêtres, toit de chaume. Une grande salle en entrant avec une immense cheminée et sur les côtés trois-pièces : deux chambres et une salle de bain minuscule, au fond, la cuisine. L’intérieur était meublé avec goût : fauteuils en cuir devant la cheminée, table basse, des fleurs et des napperons partout. « C’est très beau Kathleen ! – Merci Genny… Oh tu sais, je ne suis pas aussi souvent que je le voudrais dans ma maison… Mais oui, c’est chaleureux ! – Et puis alors cette vue ! – C’est ça le plus beau ! » La maison dominait l’océan. L’herbe courte ondulait sous le vent. En contrebas, les rochers plongeaient dans l’écume des vagues qui venaient se briser en un dernier ressac. Cette lumière argentée sur l’océan… « Oui, c’est pour ça que j’ai voulu vivre ici ! Oh bien sûr, quand ça souffle, ça souffle. J’adore !

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– C’est grandiose… moi qui pensais que mon Kerry était le bout du monde ! – Genny, le bout du monde, c’est ici ! Droit devant, tout droit, c’est l’Amérique ! » Devant eux, sorti de nulle part, apparut un chat, un magnifique persan gris. Il se mit à ronronner et se laissa tomber à leurs pieds sur le dos, pattes en l’air. « Je vous présente Le Chat ! Il vient vous saluer et si vous voulez devenir son copain : quand il s’allonge sur le dos, passez le pied sur son ventre doucement comme pour le masser. Il adore ça. » Genny n’osa pas. Peter se risqua et le chat continua de ronronner. « Ça y est, vous êtes acceptés. Je n’aime pas vraiment les chats mais celui-là m’a conquise. Il est cool ! Vous verrez, ici : chat et poisson rouge nous montrent que la cohabitation est possible. » Sur la table du salon, le poisson rouge tournait dans son bocal et vint faire quelques ronds en surface. Le chat grimpa sur la table, s’approcha de l’aquarium. À sa vue, le poisson monta en surface. Le chat regardait, méfiant. Peter se dit que c’était le monde à l’envers. « Il ne boit que dans l’aquarium ! » En effet, après quelques hésitations, le chat pencha la tête et commença à laper l’eau. Le poisson lui, en profita pour venir jouer avec les quelques poils de moustache qui pendaient pendant que son « copain » s’abreuvait. « C’est étonnant ! – Oui, c’est leur truc ! Un jour, l’ancien poisson est mort. Il a fallu que j’en rachète un rapidement. Le chat ne buvait plus et passait son temps à regarder l’aquarium sans comprendre ce qu’était devenu Bakayokoo, c’était le nom du poisson rouge…. Ah, on ne s’ennuie pas ici ! » Peter se rappela le nombre de poissons rouges qu’il avait achetés à ses filles. Elles passaient des heures à les regarder tourner. Siobhàn avait tellement réglé l’heure où elle leur donnait à manger que les poissons rouges au bout de plusieurs mois étaient conditionnés au point qu’ils venaient, l’heure dite, cogner sur le carreau de l’aquarium pour avoir leur nourriture. Ils en avaient acheté !… Ceux des animaleries crevaient en quelques jours. Les plus résistants, c’étaient ceux qu’ils gagnaient à la petite foire de quartier qui s’installait chaque année à une centaine de mètres de chez eux. Il y avait un stand : la pêche aux canards ! Dans une petite piscine alimentée en eau courante, il y avait des canards en plastique jaune qui tournaient.


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Le jeu consistait avec une canne à pêche à attraper les canards par le petit anneau qu’ils portaient au-dessus de leur tête. On avait droit à 5 canards par partie. Sous chacun d’entre eux : un chiffre et lorsque l’on arrivait à 20 ou 30 points, on gagnait un poisson rouge. C’était ceux qui s’adaptaient le mieux au changement d’aquarium. « Mais tu avais un chien ? – Oh, Dreamer, mon Irish water! Il est mort l’année dernière… j’ai pleuré pendant des mois. Dreamer était un merveilleux chien retriever… cela a été trop dur de le perdre, je n’en veux plus… oh oui, quel chien ! » Peter les laissa entre elles, le temps de débarrasser la voiture. « Installez-vous là, juste à droite, la chambre est prête. J’ai couru pour faire un peu de ménage, mais ça devrait aller ! Par contre, je dois aller voir un de mes chevaux… je vous emmène ? J’ai quelques soins à apporter à un bel animal. Vous verrez, il s’est fait mal sur un saut d’obstacle et je l’ai soulagé d’une luxation. Ce n’est pas très loin, il y en a pour une bonne demi-heure et après on mange. J’ai tout ce qu’il faut… On y va ? » Ils se laissèrent entraîner dans l’énergie de Kathleen. Ils traversèrent la ville pour longer la côte. L’océan était calme, la nuit tombait. Après avoir roulé dix minutes, ils arrivèrent devant une grande bâtisse carrée, une maison ancienne, austère, avec de petites fenêtres et des rideaux qui n’avaient pas l’air de première jeunesse. Sur le côté, une dizaine de box avec chacun une tête de cheval qui dépassait. « Ils sont beaux n’est-ce pas ? – Magnifiques ! » Kathleen fit les présentations devant chaque box. Les chevaux semblaient l’attendre. Ils s’ébrouaient chaque fois qu’elle leur parlait. « Je vais vous laisser un peu plus loin. C’est lui mon garnement. Il est craintif, depuis son accident mais ça va aller…. Titus, vient mon beau ! » À son nom, il baissa la tête, se laissa caresser au-dessus du museau. Kathleen continuait de lui parler. Entrée dans le box, elle lui prit la jambe antérieure droite et fit quelques mouvements très lents. Le cheval se laissait faire. « C’est incroyable une si petite bonne femme avec ce grand cheval… – Elle a toujours adoré les chevaux depuis qu’elle est enfant. Parfois elle pouvait passer en dessous d’eux tellement ils étaient grands. Elle a toujours su leur parler… tu sais que ça comprend tout un cheval ? »

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Kathleen avait fini, elle attrapa Titus par le dessus de la crinière, il se pencha vers elle, prit la pomme qu’elle lui tendait et les regarda partir. « C’est incroyable, on dirait qu’il t’attendait ? – Il y aurait de quoi dire sur les chevaux. Je ne connais pas d’animal aussi intelligent et avec autant de mémoire. Ils n’oublient rien, et c’est pour ça qu’il faut les chouchouter. Ceux-là sont appelés à courir en compétition, si jamais on commet des erreurs, c’est fini à tout jamais. Enfin, c’est bien compromis ! Titus, je l’ai remis de son faux pas. Je fais de l’ostéopathie avec les chevaux et je les soigne aussi avec des huiles essentielles. – Ça doit être passionnant ? – Un vrai bonheur ! Allez, on rentre, je vous ai préparé une grande spécialité de ce bord de mer : une soupe de moules, vous verrez et un pie au gibier… »

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De retour, Peter rangea les quelques affaires emportées. « Vous devez être crevés, c’est une longue route depuis le Kerry. – Non ça va… qu’est-ce qu’on peut faire ? – Rallume le feu et sers-nous à boire ! J’ai de la vodka, de la vraie, ramenée par un ami russe. Genny vient avec moi, je vais te montrer la maison. Tu verras, c’est très fonctionnel ! – Je m’occupe du feu… Tu as autre chose que de la vodka ? – Oui, un vieux whisky canadien… » Peter trouva la tourbe stockée dans un hangar derrière la maison. La maison se réchauffa, ravivant l’intérieur très anglais. Au-dessus de la cheminée il aperçut ce tableau de Skelton qu’il lui avait offert. « Celui-là, il est vraiment chez lui ». Les îles Aran et la force de l’océan avec les vagues qui se brisaient sur les rochers et toujours trois hommes qui tiraient une grande barque sur la plage. Peter installa trois verres, coupa des citrons pour la vodka. « C’est très cosy Kathleen ! – J’aime bien, je voulais une maison où je puisse me promener nue et toujours avoir chaud. J’adore me balader nue, quand je me lève ou quand je rentre et que j’ai pris ma douche. J’adore ça, c’est la vie : nue ! et pouvoir traîner et m’asseoir dans des trucs doux… – Attention à la vodka ! c’est traître… » Genny se remémora une soirée chez Peter, à Londres. Elle avait bu de petits verres de vodka polonaise en mangeant les blinis, le saumon et le caviar


La fleur des tourbières

et le piège s’était refermé sur elle. En se levant de sa chaise, elle perçut l’effet de cette eau de vie. Une bouffée de chaleur, la tête lui tourna juste le temps de se laisser tomber dans le lit. « Mais c’est bon ! » Kathleen amena un plateau d’huîtres plates. « Pour aller avec ! Elles sont cueillies du matin. Ce sont les premières, un peu en avance, mais elles ne sont plus laiteuses. » Kathleen connaissait tous les pêcheurs du village. Elle n’avait qu’à demander. Elle soignait leur chien, leur chat. À l’occasion, elle les soulageait d’une tendinite ou d’un mal de dos. C’est fou ce que les gens pouvaient avoir comme animaux chez eux ! Elle avait même soigné un corbeau qui avait été dressé par une vieille dame. Cette Irlandaise vivait dans une maison d’une seule pièce avec des chats recueillis de partout et un chien malade qui puait comme ce n’était pas permis. Le corbeau avait pris l’habitude de rentrer dans la maison pour manger le pain que cette femme lui donnait, sur la table. Il rendait un vrai service, en nettoyant à sa façon tous les restes, le gras de jambon, les fruits qui pourrissaient, la sauce figée dans les plats. Certaines habitations, en Irlande, occupées par des personnes âgées, étaient encore insalubres. La modernité n’avait pas atteint cette génération dont les modes de vie témoignaient d’une époque ancienne plus que terrible. « Tous les animaux ont leur fonction, il faut juste les replacer dans la chaîne. Mais je vous ennuie avec tout ça ? – Pas du tout, Genny : Kathleen est intarissable sur ce genre d’anecdotes. – C’est vrai et je suis bavarde. Allez, attaquez-moi ces huîtres plates ! Slainté, et merci d’être là papa, ça me fait vraiment plaisir !... Et de faire ta connaissance Genny. – Merci de ton accueil, j’hésitais à venir, je ne voulais pas gêner vos retrouvailles. – Oh, avec papa, on est toujours ensemble, même loin. Peter ne dit rien. « Allez pas de regret, ni de timidité ! Vous êtes bien tous les deux ? Siobahn m’a tout raconté… – Oui, pour garder un secret, c’est dur ! – Mais il n’y a pas de secret. C’est toi qui nous as appris ça ! Comment tu disais ? Pas de secret… et la vérité… je dis toujours la vérité… mais je ne peux la dire toute, car c’est impossible, quelque chose comme ça !

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