Invitation au voyage

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Invitation au voyage Jewska





Invitation au voyage



Jewska

Invitation au voyage



Parler de soi n’est pas facile, parler de sa peinture est encore plus difficile. Ayant toujours été attirée par la langue de Molière et par les couleurs, j’ai essayé d’en faire des compagnons de jeux. Très vite, l’Art abstrait a été un terrain privilégié. Je peins avec le bout de mes doigts et avec des couteaux. Ils deviennent mes meilleurs alliés. Les palettes de tons chauds sont mes préférées. Elles sont peut-être le souvenir de mes jeunes années passées en Tunisie. Mes nombreux voyages à l’étranger ont également nourri mon imagination. Ce livre est une invitation au voyage. J’espère que vous aurez du plaisir en le parcourant.


Écrit sur du sable

Elle avait entrepris ce long voyage pour trouver les réponses aux questions qu’elle se posait depuis toujours. Pourquoi cette attirance pour l’Afrique ? Pourquoi ce désir violent de tout plaquer pour vivre là-bas ? Au plus profond d’elle-même une voix l’appelait sans cesse. Elle se retrouva avec ses valises dans le hall de l’aéroport. Un taxi rafistolé et bringuebalant la conduisit à l’adresse écrite sur un bout de papier chiffonné et jauni. Lorsqu’elle eut réglé le montant de sa course elle fut un être désemparé. Pourtant tout ce qui l’entourait lui était étranger et familier à la fois. Les ruelles étroites qui semblaient conduire nulle part étaient bordées de maisons blanches aux fenêtres aveuglées de soleil. Le désert tout proche soufflait son haleine chaude. Le sable envahisseur omniprésent estompait peu à peu toutes les formes. La petite voix intérieure lui disait « c’est là » Elle se dirigea tout droit vers une maison et poussa le lourd portail en bois clouté qui s’ouvrit en grinçant. Un décor féérique s’offrit à ses yeux. Une fontaine au murmure enchanteur baignait de sa fraicheur des fleurs qui semblaient surgies de nulle part. Un bruit de pas furtifs la fit se retourner. Un vieil homme à la longue barbe blanche lui tendait les bras. Sans savoir pourquoi elle courut s’y blottir. Enfin elle comprit tout. Elle eut tout à coup les réponses à ses questions. Confortablement installés sur des coussins soyeux, le vieil homme lui prit la main et la regarda droit dans les yeux. Elle ne fut même pas distraite par un domestique Qui vint servir le thé en faisant une couronne de mousse blanche dans chaque verre. Les paroles coulaient comme du miel, elle l’apaisaient et ne la surprenaient presque pas. C’est là qu’elle avait vu le jour et commencé à grandir. Pour parfaire son éducation elle avait été confiée à des religieuses. Un seul point obscur : pourquoi l’avaient-elles emmenée loin de sa famille ? On lui avait forgé une histoire, une vie qui ne l’avait jamais satisfaite. Mais à présent, cette muraille s’écroulait et la vérité apparaissait. Son père était là près d’elle et tout ce qu’il lui disait semblait une musique aux sons les plus mélodieux. Elle n’avait pas entrepris ce voyage pour rien. Brusquement une page de sa vie venait d’être tournée et dans la fraîcheur de ce patio, une seconde naissance eut lieu.




Entre

Entre les blancs et les noirs, les gris. Entre les peurs et les craintes, les espoirs. Entre les excellents et les cancres, les passables. Entre les peintres et le public, les tableaux. Entre les fleurs et les abeilles ; le pollen. Entre le rictus et les fous-rires, les sourires. Entre les autres et moi, la vie.


L a plume

La plume court sans bruit sur le papier, éprise de liberté et de poésie. Elle essaie d’être mon prolongement fidèle et la traductrice de mes pensées. Ne la jugez pas trop sévèrement. Chaque jour, chaque fois que l’envie m’en prend, je viens m’assoir devant ma feuille en sa compagnie. Amie silencieuse elle ne se révolte pas lorsque j’hésite et qu’elle reste suspendue dans le vide. En quelques lignes ou en quelques pages elle m’aide à transcrire mes sentiments les plus secrets. C’est parfois en dormant que les mots se livrent à des jeux interdits et à des unions osées. Ni censure, ni tabous ne seront à mes côtés lorsque je retrouverai ma compagne. En quelques minutes ou en quelques heures je lui demande une traduction de l’insensé qui a habité mon esprit en rêvant. Elle se plie avec bonne grâce sans grincer. Mais que cette tâche lui semble parfois difficile. Au fil des mots elle se délie et devient plus souple. Le réveil est douloureux ou enchanteur mais ne connait pas de désert stérile. Et le résultat ne me satisfait pas toujours pleinement. Au fil des années nous avons pris l’habitude de cohabiter. Du soleil couchant au soleil levant elle repose en paix, mais elle est prête à répondre à mon appel. Dans ces cas – là toujours disponible, elle reprend sa place sur le papier. La distance à parcourir risque d’être longue mais cela ne lui fait pas peur. Même au bord du vide elle a une solution de repli et ne me laisse pas désemparée. Exaltée, elle prend son envol et plus rien ne l’arrête dans sa course. Des mots se Bousculent sans ordre, souvent en se gênant, prétendant chacun être le plus juste. Ma plume essaie de répondre à leur désir, examinant avec bienveillance tous les mots N’en rejetant aucun à priori. Et si une rature s’impose elle n’est pas le verdict de la censure, mais une Manifestation perceptible des mots absents qui n’ont pas eu le temps d’accourir.






U n chat connaisseur

Un petit homme à l’allure débonnaire poussa un jour la porte d’un chapelier. Il était vêtu de gris et son pardessus ouvert laissait entrevoir un costume usé jusqu’à la corde mais propre. Il tenait à la main un objet insolite, une splendide canne à pommeau d’argent. « J’ai envie d’essayer un haut de forme » Le chat qui se trouvait sur la chaise et qui dormait, ouvrit un œil. Voilà bien longtemps qu’il n’avait entendu une telle demande. Mais il referma son œil et reprit son rêve là où il l’avait laissé. « Je vois que vous avez du goût monsieur, je me réjouis de pouvoir vous satisfaire. Je suis sûr que je vais trouver exactement ce qu’il vous faut ». Le chat qui s’était à demi éveillé ne sortit pas de ses rêves à l’énoncé de cette tirade commerciale. Le chapelier partit dans l’arrière-boutique et rapporta quatre magnifiques couvre-chefs d’un noir luisant. Ils présageaient des heures passées dans un milieu élégant. Que ces chapeaux désuets prenaient de place tout à coup au milieu de la boutique ! Le chapelier prit le premier avec beaucoup de délicatesse et le posa sur un coussin de velours vert pour faire ressortir ses lignes. Il était magnifique. Le petit homme s’imagina paré de cet atour, beau comme un dieu. Pour l’essayer, il se campa devant le miroir et il vit l’œil du chat qui tentait une ouverture. Le petit homme, sûr de lui, paradait comme un paon et plus l’oeil du chat s’ouvrait et plus il était satisfait. Le chapelier n’eut pas à lui faire essayer les autres chapeaux. Le petit homme lut dans l’œil à moitié ouvert une lueur qui le rendit ivre de bonheur.


Au-delà des limites

Pourquoi ne pas oser l’incroyable ? Choisir de créer dans un dépassement de soi. Imposer sa folie, s’envoler par-dessus la raison. Éclater de rire et déranger le bien-être des bien pensants devant leur télévision à L’écoute d’une vérité édulcorée. Savoir montrer l’absurde et l’inouï, déclencher un tonnerre dans les relations et bousculer le temps. Dans le silence des fleurs qui poussent, tout n’est pas rose ni absurdité. Voir, accepter, même sans comprendre, et claquer la porte à la censure.



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