Pensées de rêve et mots en grève Jissé
Pensées de rêve et mots en grève
© Jissé, Pensées de rêve et mots en grève, 2014.
Jissé
Pensées de rêve et mots en grève
Préface Les gens il conviendrait de ne les connaître que disponibles à certaines heures pâles de la nuit. Léo Ferré Richard
Jissé, je l’ai toujours connu disponible, pas seulement dans les bars, dans sa vie sociale, dans ses engagements, dans ses luttes, dans ses rêves pour un monde meilleur. Il aime la compagnie, comme tous les solitaires qui, tout en marchant, tout en travaillant, tout en réfléchissant affrontent leurs états d’âme. Et quand il est en compagnie, Jissé, il vous insuffle une joie du partage qui se transforme rapidement en joie de vivre. Bel orateur, le conte naît de sa plume comme la prose de la bouche de Monsieur Jourdain. La comparaison n’est pas fortuite, car Molière aussi animait
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une troupe qui, avec ou sans l’appui du roi, a marqué les esprits « bien pensants » de son époque. Et la poésie ? Précisons d’abord qu’être poète, c’est être habité par une nécessité intérieure, une beauté tellement sublime, qu’on ne veut pas la dévoyer par des paroles approximatives. Être poète, c’est se mettre corps et âme au service de cette beauté, que d’autres appellent « muse » ou bien « utopie » à certaines heures pâles de la nuit, quand s’établit un dialogue fructueux entre soi et soi. La poésie lyrique berce l’oreille du lecteur, fait passer, j’allais dire en fraude, des paroles et du sens dans l’esprit qui d’un seul coup ouvre les yeux et entrevoit des horizons nouveaux. Jissé a le rythme et la rime dans la peau. Il envoûte son auditoire et le lecteur en arrive à se demander pourquoi il n’y avait pas songé plus tôt. Mais la poésie de Jissé ne se résume pas à son œuvre poétique. Dans les luttes, dans les coups de gueule, dans la solidarité avec ceux qui se rebellent, dans les fêtes, dans les rires, il arrive à faire passer l’étincelle qui embrase l’âme. L’étincelle que l’on retrouve chez les artistes tels Léo Ferré, Georges Brassens, Jean Ferrat et bien d’autres que vous pouvez écouter à toute heure du jour et de la nuit sur « radio amnésie ». Être lyrique n’empêche nullement Jissé d’avoir les pieds sur terre. Cette terre d’Auvergne qui l’a vu naître, grandir, aimer, enfanter, aimer encore et toujours, car au fond, cette nécessité, cette beauté qu’il essaie de partager avec vous, elle vient de l’enfance,
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des volcans, des vallées verdoyantes, des paysages minéraux, de l’histoire familiale, de l’histoire sociale, de la société rurale et elle a des accents de Paradis. César Cassarine
Avant matière ou prologue ? Ce prologue n’en est qu’un de par le fait qu’il est situé avant le principal… Cela aurait pu aussi se nommer avant propos… Si la suite était à propos !!! Le prologue est-il à un récit ce que sont les préliminaires en amour ? Mais là l’importance est de taille, car la réussite de la suite dépend de la qualité du commencement… Bref, pour justifier ce propos, ou ce prologue, je pensais qu’il était important ou nécessaire d’expliquer le classement des textes composant ce livret, ou cet ouvrage ? Je dis ouvrage et non pas œuvre, il faut savoir rester modeste, mais il faut aussi dire que j’ai souvent confondu l’œuvre et l’ouvrage, notamment en ce qui concerne la réalisation d’un ouvrage architectural, le maître d’œuvre, le maître d’ouvrage, chacun ayant un rôle bien défini… que j’ai souvent permuté selon une interprétation toute personnelle.
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Pour en revenir au classement des textes que je présente dans les pages suivantes, plusieurs questions sont venues à mon esprit : comment relier des contenus aussi différents que des réflexions plus ou moins philosophiques, voir politiques, des poèmes, des réactions sentimentales ou épidermiques, ou simplement des mots mariés pour un jeu de vocabulaire ? Oui, comment classer tout cela ? Par thèmes ? Mais lesquels ? Par chronologie ? Cela a le mérite de restituer dans le temps certains textes liés à une période, mais après tout pourquoi le temps qui passe devrait rythmer une écriture ? Par ordre alphabétique ? C’est simple pour se repérer avec les titres, mais justement trop simpliste pour mériter d’être retenu ! Alors il me restait un autre classement : l’aléatoire ! C’est-à-dire le hasard… Lorsque j’écoute de la musique, avec une lecture aléatoire de titres enregistrés et d’origines et auteurs divers, je me surprends de redécouvrir des morceaux qui arrivent sans prévenir, comme cela par hasard… Et c’est assez jubilatoire ! Ainsi il ne me restait plus qu’à faire ce classement, en numérotant chaque texte et une recherche aléatoire m’aurait donné la liste définitive bien ordonnée, des programmes informatiques font très bien cela ; mais il y a aussi des procédés plus manuels, par exemple en jetant des dés ou en posant les yeux sur un livre ouvert et en prenant la première lettre du mot qui arrive au regard.
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C’est alors que m’est revenu en mémoire une anecdote survenue pendant mon année de cinquième du collège et que je dois à ma prof de français de cette année-là, 1962 peut être bien ! Cette enseignante un peu, beaucoup, originale nous avait conté comment elle avait noté un devoir d’une de ses classes, une dissertation probablement. Elle était confrontée à un dilemme, tous les devoirs se valaient dans le peu de qualité, selon ses critères, et elle devait cependant donner des notes progressives, ceci étant une règle communément établie. Une idée lui vint au moment où elle sortait de son bureau situé à l’étage de sa maison, elle jeta les copies dans l’escalier, les feuilles s’étalèrent selon un ordre peu conforme au contenu littéraire et au fur et à mesure qu’elle les ramassait, elle mettait une note allant du plus faible au plus fort, le devoir ayant descendu le plus de marches devenant le meilleur du jour. Moi j’avais pensé à l’époque que ce choix avait peut être été dicté par un manque de temps, ou d’intérêt à lire de énièmes copies, travail laborieux pour une professeure fatiguée et quelque peu désabusée par sa mission. Quelle que soit la raison des motivations de cette enseignante, aucun élève ne se plaint de sa note, comme quoi le classement n’est que peu de chose ! Cela m’amène à penser que le tirage au sort serait une bonne solution pour désigner nos représentants, je fais allusion à tous nos édiles élus après une mé-
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thodologie laborieuse faisant appel à un processus long, coûteux et qui n’intéresse que ceux qui y participent réellement. Mais là, j’aborde déjà un commencement de réflexion et je ne suis plus dans ce prologue uniquement justifié par l’explication de l’ordre de présentation des textes qui suivent. Ceci dit comme chaque texte est un tout en soi, il n’y a aucune raison de commencer par le premier et donc l’ordre de lecture peut être aussi aléatoire… Finalement, pourquoi ne pas laisser le lecteur choisir selon l’envie du moment ?
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En conclusion, cher lecteur, si vous avez zappé ce prologue, cela ne vous a absolument pas gêné dans la suite de votre lecture ! Un livre que l’on peut poser à n’importe quelle page et reprendre à une autre sans complexe ni conséquence a-t-il besoin d’un classement, d’une pagination ? Et si tout cela n’était que le plaisir d’écrire une page supplémentaire ? Comme les textes suivants l’ont été ! En fait mon prologue n’est qu’une introduction, un contenu neutre, une mise en bouche, le temps de prendre son rythme, de s’installer, de s’habituer aux caractères, de régler ses lunettes, ou sa vue, et de se dire que tout cela n’a le sérieux que l’on veut bien lui donner, des mots quoi !
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Et puis aussi, peut être, sûrement, l’occasion de remercier tous ceux et toutes celles qui ont contribué à alimenter cette inspiration, dont on ne sait pas toujours, d’où elle vient. Grand merci à mon ami César pour sa préface, et surtout pour ses conseils avertis et les heures passées ensemble lors des ateliers d’écriture qu’il a animés… et d’où sortent quelques-uns des textes qui suivent. Ah, un petit mot à propos du titre de ce livret : Pensées de rêve et mots en grève Qu’il est difficile de trouver un titre ! Un titre, il faut que ça « pète », que ça accroche comme on dit en marketing ! 17
Mais aussi, et c’est encore mieux, le titre doit résumer en quelque sorte l’esprit de ce qui suit, c’est à dire l’essence du contenu. Mais quand le contenu est multiple ? Mais est-il si multiple que cela ? Parce que tous ces textes sortent du même esprit, qu’il soit éveillé, en rêve ou au repos. Les mots qui composent ces phrases, puis ces pages sont ceux produits par cette machine complexe qu’est un humain, avec ses qualités, ses dons et ses faiblesses.
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J’aime bien penser à des mots en grève, des mots qui décideraient un beau matin de ne plus obéir à une pensée formatée, des mots qui franchiraient les limites de l’autorisé, des mots qui se révolteraient. Bref une parole libérée. Jissé
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Rencontre de bal Ambiance musicale Silhouette entrevue Mon cœur qui s’emballe Et elle, m’a-t-elle vu ? Une approche s’impose Au bar elle s’avance Je prépare ma prose Pour faire mes avances Le dialogue se forme Paroles d’innocence Au début c’est la norme Apporter la confiance Proximité complice Échange de politesse Elle se prénomme Alice Douce et belle déesse
En ce début 2010 Un signe zodiacal Une promesse de délices Pour la suite du bal
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Amours impossibles Quand de Troie, Hélène, ses baisers m’envoie Tel Paris je fonds comme du réglisse Quand Yseult me fixe du bleu de ses yeux Tel pauvre Tristan je deviens impuissant Lorsque Juliette fait sa coquette Je suis Roméo tremblant sur ses poteaux 20
Qu’ai-je fait sur cette terre Pour être si malheureux Car c’est vraiment l’enfer D’être toujours amoureux Quand la belle Chimène me dit je t’aime J’ai mon cœur de Rodrigue qui navigue Quand dans l’ombre de Georges Sand je [succombe] Tel Chopin j’en perds mes notes en chemin Lorsque la douce Gallia pose pour moi Je suis le mentor du grand Salvador
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Ces pages d’histoire ne sont que le miroir Des mensonges qui chaque nuit peuplent [mes songes] Je ne serai toujours qu’amoureux De chimères aux yeux langoureux Car si demain, au détour d’un chemin, Une de ces nymphes me prenait par la main Je fuirai aussitôt à tire d’ailes Telle, devant l’hiver, le fait l’hirondelle D’aucun amour je ne verrai le jour J’ai trop peur que se brisent dans le cœur Ces espoirs d’un infini bonheur Je reste Adam sans Ève, avec mes rêves Ils sont mon refuge, ma terre promise Que je laboure sans cesse du sud au nord N’ayant sur le tapis pas d’autre mise Je les rejoue chaque jour sans remords Pour les emmener jusque dans la mort.
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Sous quelle étoile suis-je né ? J’en suis encore à me le demander Michel Polnareff Sous quelle étoile suis-je né ?
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Cardinaux Pourquoi suis-je sur cette route Où je suis seul et où je doute Pourquoi suis-je encore à l’ouest Et mon présent si funeste Pourquoi ai-je pris ce chemin Était-ce le hasard ou le destin
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Pourquoi ai-je perdu le nord Et où finit ce corridor Pourquoi suis-je seul dehors Quand la ville entière dort Pourquoi mon soleil est en reste Quand vient le matin côté est Sous quelle étoile suis-je né Et où conduit ma destinée Pourquoi ne vais-je pas au sud Pour y soigner ma solitude Là bas la lumière est plus dense Plus chaude sera mon errance
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Comment choisir son cardinal Quand on est perdu et qu’on a mal Faut-il jeter sa boussole Quand tout va de traviole La roue tourne et la boule s’affole Et là d’un coup je m’envole Fini de chercher aux quatre coins Je reste là et décide d’y être bien Non pas pour me regarder le nombril Mais pour voir aussi ce qui brille Chacun a bien une espérance Alors, dites-moi bonne chance
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