La fantastique odyssée des frères Hooneker

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Jean-Claude JAYET

La fantastique odyssée des frères hooneker Tome 1 : Sur les traces de Morgoth





La fantastique Odyssée des frères Hooneker Tome 1 Sur les traces de Morgoth



JC Jayet

La fantastique Odyssée des frères Hooneker Tome 1 Sur les traces de Morgoth



« Imaginons qu’avant la millionième de millionième de millionième et peut-être plus de la seconde fatidique du Big-Bang, qu’il y avait quelque chose qui n’était rien. C’était quelque chose ! Imaginons qu’après la millionième de millionième de millionième et peut-être plus de cette seconde fatidique, que ce quelque chose qui était rien soit devenu quelque chose. Ce ne fut pas rien ! » Paris, le 14 juillet 2129 à l’aube et quelque part sur la planète. Enfernator année 4258. « La Ville lumière s’éteint doucement, Maître ! Et la Seine charrie des millions de trépassés. » « Cuvée d’hémoglobine exceptionnelle ! Ça va coincer dans le tunnel du passeur d’âmes ! Continuez vos autres missions sur New York, Londres, Berlin, Pékin, Calcutta, la Mecque, le Vatican, Jérusalem ! La… Terre ! » « Reste Notre Dame et la tour… Eiffel ! » « Faites sauter Igor ! Faites sauter ! » « Et l’otage Nelly, Maître ? » « Expédiez-la illico presto sur Enfernator, Igor ! » « Bien Maître ! »



New York, 13 juillet 2129, 9 pm. Nelly se débattait en vain contre des ombres. Un arc intense de lumière illumina la pièce avant que, dans sa chute, son crâne ne vienne heurter violemment la statuette en marbre de la statue de la Liberté posée sur la commode. Elle sombra dans l’inconscience…



Tucson, Arizona, 13 juillet 2129, 6 pm. Salle de conférence du Laboratoire de Recherches sur la Vie Astrale (LRVA). Sous les médias du monde, la cohue était à son comble et de cocasses scènes d’empoignades et de cris transgressaient les règles de préséances habituelles. C’était à celui qui bousculerait l’autre pour une entrée. Des noms d’oiseaux même se faisaient entendre. Du jamais vu dans ce parterre d’éminents professeurs d’un âge respectable pour la plupart. – Messieurs ! intervint autoritairement Peter Jacobsen, gardez votre calme, tout le monde aura sa place ! Les plus grands des journalistes étaient présents. Vedette de CNN, l’élégante et belle rousse Brinda Jackson rompue aux grandes premières commentait de toute sa ferveur habituelle : – Chères téléspectatrices, chers téléspectateurs, commença-t-elle, nous assistons ici à des scènes hystériques. Le monde va-t-il prendre un nouveau… départ ? C’est… historique ! n’hésita-t-elle pas à clamer tout en manipulant nerveusement son collier de perles de chez Van Cliff et relayant simultanément l’information sur son compte Twitter, Dans son casque, elle entendait les vociférations habituelles de son directeur de production lui demandant d’en faire davantage. Elle savait… faire. Face caméra plein zoom, elle papillonna ses yeux bleus assortis à son tailleur Chanel pour l’annonce, après les publicités, d’autres surprenantes nouvelles. Lui faisant face, Ted Warrior le truculent présentateur de Canal Quatre n’était pas en reste. Avec sa gouaille habituelle et un débit de trois cents mots par minute, il informait ses auditeurs amplifiant à souhait ce qu’il voyait. Il portait un panama et une écharpe rouge et des gants de cuir noir.

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– Je suis horrifié, tonna-t-il. Les invectives entre les participants sont nombreuses. Des coups même surgissent de toutes parts, c’est… grotesque ! constata-t-il, semblant désolé. Il se leva pour mieux apercevoir. Il continua son speech plus incisif : – Une femme de la délégation de Russie se fait piétiner ! Incroyable ! commentait-il, en se penchant pour mieux apercevoir la scène. Mais on la… relève ! lâcha-t-il, rassuré. Il se rassit, repositionna son panama et continua le show : – C’est à celui qui sera au plus près des héros de notre monde. Le service d’ordre est débordé. Chers auditeurs ! Restez sur notre chaîne, je crains le… pire ! vociféra-t-il plus exalté que jamais en postillonnant sur son micro, le visage maintenant presque violacé par la tension qui le gagnait de plus en plus. Les deux journalistes vedette jouaient à merveille leurs scénarios de surenchère médiatique, à cet instant cent millions de téléspectateurs regardaient Canal Quatre contre quatre-vingt-dix-neuf millions pour CNN. Ces données s’inversaient évidemment proportionnellement dès que l’un deux annonçait une nouvelle plus percutante ou plus ou moins vraie ou fausse que l’autre. Les lumières s’éteignirent dans les exclamations de l’assemblée. La voûte céleste sur la musique de « christ « se visualisait projetée sur le dôme de verre. En contre bas, dans l’encadrement de la porte principale, illuminé par des halogènes clignotants multicolores, le visage de Wil apparu sous les applaudissements nourris, ébloui, il saluait à la volée, tout en montant les cent dix marches qui le séparaient de Peter. Derrière, Tom et l’ensemble des collaborateurs suivaient. – Wil Hooneker et son équipe ! annonça Peter Jacobsen à l’arrivée du groupe, Merci Pete, ajouta Wil s’emparant du micro. – Ce jour, est une première pour l’humanité ! commença-t-il. Souvenons nous, reprit-il, que l’année passée, le centre d’expérimentations des télé-transportations à New York, avait réussi l’impensable en faisant se déplacer d’un point « x « sur un point « y « distant de cent kilomètres, notre mascotte le petit singe de Bornéo « Hector » en un peu moins d’un dixième de seconde, précisa-t-il, sous un flot d’applaudissements. Remarquable ! ajouta-t-il, dans la folie générale.


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– Et bien mes amis, reprit-il, en forçant la voix et demandant le silence, je peux vous annoncer qu’une télé-transportation, cette fois-ci, humaine a été tentée et réussie, cette nuit sur une distance de trois cent quatre-vingt-trois kilomètres entre New York et Philadelphie en deux secondes et sept dixième et que tout s’est bien passé. Il s’agit d’un homme jeune, un sergent des marines un nommé Bill Murphy. « Fantastique ! Sensationnel ! Exceptionnel ! hurlaient-on dans les travées. » Il demanda le silence une nouvelle fois : – Saluons Mickey Wayne et ses collaborateurs pour cet exploit. Ces bonds extraordinaires pour l’humanité, affirma-t-il, sont envisageables dans d’autres dimensions ou d’autres systèmes célestes, là, où peut-être, nous trouverons le secret de la fantastique histoire de notre création. Cette nouvelle n’est pas la seule, il y en a une autre. Et pas des… moindres, ajouta-t-il, entretenant le suspens. – Wil, nous voulons savoir ! Exhorta un participant. – Certes mes amis, je ne vous cacherai rien. Voyez ! dit-il, en exhibant la photo d’un homme jeune prise sur un lit d’hôpital. Cet adolescent nommé Alain, précisa-t-il, a vécu une expérience de voyage astral de mort imminente pendant quarante jours sous notre contrôle et de A à Z. C’est une première dans l’histoire des hommes, insista-t-il. Alain est malheureusement décédé deux jours après son réveil dans des délires de persécution. Un bien triste souvenir pour sa famille et pour nous tous, ajouta-t-il ému. – Et vous avez persévéré dans vos recherches Wil ? lui demanda un auditeur – Notre entêtement a fini par payer. Pour quatre-vingts pour cent d’un panel de cinquante personnes, nous avons gagné. – Et pour les vingt pour cent restant ? lui demanda le chef de la réanimation de l’Hôpital de Shanghai, le professeur Li Chtang, ami de Wil. – Mon cher Li, comme notre cobaye Alain, ces sujets présentaient des signes suicidaires donc, peu enclins à vouloir réintégrer la Terre. Ils nous ont donc échappés, admit-il. Il continua :

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– Nous avons péché par inexpérience dans nos sélections. C’est dommage, mais c’est ainsi mes amis. Je laisse maintenant la parole au médecin Colonel Hartford, Chef du service des expérimentations E.M.I. de l’hôpital de Phoenix. Le Colonel revêtu de son uniforme bardé de médailles s’avança pour saisir le micro que lui tendait Wil : – Mesdames et Messieurs, vous allez entendre l’incroyable, affirma-t-il. La question est toute simple : qu’avons-nous constaté sur nos candidats expérienceurs ? – Je pense à des problèmes de comportement après leur extraordinaire voyage ! s’enquit le Professeur LI. – Oui Professeur, des attitudes inexplicables de prostration et de prosternation réunies. À ce jour, nous admettons l’hypothèse, qu’ils auraient rencontré le diable, mais, c’est un pas que nous ne voulons pas franchir ! En tout cas, pas pour le… moment, précisa-t-il, Il ajouta : – Cependant, pour les remettre, si je puis dire en état normal, nous avons trouvé des… solutions. Un auditeur leva la main pour demander la parole : – ¿ Soy el Profesor Gorjé Benito de l’Académie de Buenos Aires ¿ CuÀles son sus soluciones? demanda t-il. – Cher Professeur, reprit le Colonel, il s’agira de faire des remises à zéro. – ¿ Entonces de cuales descuentos cero hable usted ? – Comme un disque dur, après nous réinjecterons leurs souvenirs afin qu’ils puissent reprendre leurs vies d’antan. Enfin nous… espérons ? Il continua les mains levées vers le dôme de verre : – Les démons du mal, seront-ils plus forts ? Nous verrons ! Professeur, termina-t-il. – Et pour aller là-haut ? demanda la journaliste Brinda Jackson. – Notre avenir est dans les projets de téléportation, répondit Wil. Ils présentent dans les domaines militaires et civils des avantages certains. Cependant ! ajouta-t-il : – À ce jour, les expériences de mort imminente sont les meilleures solutions pour aller dénicher la planète de notre créateur. Vaste question


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s’il en est, termina-t-il, interrompu par des bruits d’oiseaux martelant la toiture de verre. Il reprit : – Nous envisageons d’ores et déjà le recrutement d’un cobaye pour un départ prochain sachant que nous n’avons cependant aucune certitude de l’endroit où se trouverait cette planète, seulement des hypothèses de travail. Nous comptons aussi beaucoup sur la chance, termina-t-il. – Elle ne fait pas partie de notre monde scientifique Wil, et vous le savez ! Ajouta étonné le Professeur Martin Scoretti de l’école de mathématiques appliquées de Milan. – Certes Professeur, n’est-ce pas quand même une chance d’être ensemble ici, ajouta Wil avec humour faisant sourire les participants. – Y a-t-il d’autres questions ? demanda Peter Jacobsen. – Oui, clama l’homme au panama et à l’écharpe rouge. Par simple civilité, il se présenta : – Ted Warrior pour CNN. Dites Wil, demanda-t-il, s’agira-t-il d’un cobaye masculin ou féminin ? – Ce sera à celui ou à celle qui montrera le plus de détermination à vouloir revenir ! La liste est longue, nous n’avons que l’embarras du choix ! répondit-il. Des lueurs intenses, suivi de bruits de tonnerre firent s’envoler les oiseaux. – Que se passe-t-il donc ? demanda Wil à son frère. – Des problèmes de connexions électriques Wil, l’orage gronde ! Sur le dôme, les nuées de volatiles ne cessaient de piaffer dans des croassements de fin du monde. – Mauvais présage que ces oiseaux du diable, annonça Wil. Plus conséquent parmi d’autres, un éclat de tonnerre fit trembler le bâtiment. Sur l’écran central apparurent des images de Paris, mis à feu et à sang. Les cloches de Notre Dame, comme dans les heures sombres de l’histoire de la ville, sonnaient encore à pleine volée avant que la nef centrale ne s’écroule faisant résonner sur la cité les derniers échos des bourdons qui s’en terminaient comme un glas. Les ponts étaient à bas de Maisons-Alfort jusqu’à l’écluse de Suresnes où s’enchevêtraient péniches, bateaux et détritus de toutes sortes.

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La Seine s’engouffra dans le tunnel de la station de métro Concorde submergeant l’ensemble du réseau souterrain où les cadavres par tas disparaissaient dans des tourbillons d’eau de boue rejetés en trop-plein par les plaques explosées des égouts. Aux pieds des immeubles en ruines, on voyait des mains sortir au travers des gravats implorant de l’aide. Des quatre côtés de la capitale jusque dans les banlieues on percevait des aboiement des chiens errants se mélangeant aux cris des hommes et des sirènes. Un bruit d’explosion se fit entendre faisant apparaître un champignon de feu dans le ciel de Paris. Le silence tomba sur la ville. – Cette fois-ci, c’est la fin ! s’indigna le Professeur Martin Scoretti en voyant s’élever la boule de feu. Aux stands de presse, c’était l’effervescence : – Deux mille ans d’histoire ! Pauvre France ! s’esclaffa horrifiée Brinda Jackson à l’antenne. – La Tour Eiffel et Notre Dame à terre ! relatait Ted. – Et leur Président ? s’inquiéta Brinda. Ted interviewa le Professeur Li Tchang. – Professeur, nous connaissons votre amour de la France, que pensez-vous de ces évènements ? – J’ai appris la langue à la Sorbonne, et j’y ai passé ma lune de miel ! répondit-il, éploré. – Sans Paris, la Terre ne serait plus jamais la même ! s’exclama Wil au moment même où le cadran de son mobile affichait une vidéo de YouTube montrant le corps de sa femme Nelly tourné de trois quarts reposant sur un sol jonché de multiples débris qu’il identifia comme provenant de la statue de la liberté posée sur la commode de l’entrée de leur appartement de New York. Sur les murs tagués en rouge de nombreuses inscriptions ainsi que les lettres alpha et oméga entrelacées. – Nelly ? tit Tom ressentant un mauvais pressentiment. – Mauvaise augure que ces oiseaux du diable Tom ! La signature des Astres Noirs ! Menaces sans équivoque ! Il s’adressa à l’assemblée :


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– Comment renoncer à ce qui doit être la plus noble des causes pour les hommes, dit-il. Nous les héritiers du monde des lumières ne pouvons accepter ces faits ! Paris détruit, demain New York, peut-être Londres, Pékin, Moscou ou Calcutta. Et pourquoi pas notre Terre ? surenchérit-il. Il regarda vers les cieux : – Il est temps d’exiger des comptes là-haut ! – Ça suffit !!! s’exclamait-on de partout. Peter Jacobsen enchaîna : – Depuis toujours, il n’y a que malheur pour les hommes. « Espérez en vos Dieux et repentez-vous ! disent les religieux. » – Et nous devrions continuer aveuglement à croire ces sornettes ? n’hésita-t-il pas à dire avec force en pointant son index interrogateur vers l’assemblée. Avec la gestuelle d’un d’orateur aguerri, il reprit son discours : – Mesdames et Messieurs ! Il est des pays qui donnent aux femmes le seul droit d’être complémentaire aux hommes. Il en est même d’autres où de procréer n’est que leur seul devoir. Dans ces mondes obscurs où l’on contraint, excise, lapide, condamne sans cesser de prier, ceux qui dans leurs saintes Écritures, n’avaient jamais cependant envisagé de telles pratiques. J’affirme ici qu’il s’agit d’une contradiction historique sans doute perpétrée par des forces usurpatrices, qui là-haut détournent pour leurs profits les lois de la création. Y a-t-il eu des guerres de pouvoirs ? Mystère encore à ce jour. Quelles que soient cependant nos croyances ou nos idées sur ces questions, ne doutons pas qu’il se passe quelque chose là-haut d’illogiquement anormal. Si proches d’intégrer l’autre côté de notre monde, nous nous devons de réussir notre objectif. L’enlèvement de Nelly est à la croisée de notre départ prochain vers l’au-delà. Ayons confiance en notre destin, termina-t-il sous les applaudissements. La cinquantaine, Peter d’origine Scandinave avait la stature d’un viking. Il dégageait de la sincérité et de la droiture. Chirurgien militaire, il avait parcouru les endroits les plus conflictuels et connaissait la capacité des hommes à infliger les pires abjections à leurs semblables. Il détestait les lois divines créées par les religions.

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« Actuellement, la mort est la seule vraie délivrance pour les pauvres, affirmait-il. » Avec Wil, il pratiquait la pêche « au gros « dans la mer des Caraïbes au large de l’île de Santa Lucia. Il intégra l’équipe en avril deux mille cent vingt-six. On l’appelait Pete amicalement. Il s’avança vers Wil qu’il serra fraternellement.


Tucson, 15 juillet 2129 2 pm. Tom donna ses instructions. Le plan de recherche et d’identification des personnes (P.R.E.I.P) était l’urgence première. Chacun s’activa sur ses programmes. Tom était Ingénieur en aérospatiale à la NASA et responsable du vol dans la première odyssée « Conquérir MARS » en l’an deux mille cent dix-huit. Il avait rejoint Wil son jumeau en ce début d’année deux mille cent vingt-neuf. Plus d’une de leurs conquêtes s’étaient trouvées bernées par ce qu’ils appelaient leur « singularité particulière » un jeu, presque un rite. Il est vrai, qu’ils faisaient de réelles cibles potentielles pour le sexe féminin, leurs rivalités cependant ne troublaient pas leur parfaite entente. Will se distinguait par une personnalité plus réservée et par la présence d’un grain de beauté sur la narine droite. Il était Docteur en physique nucléaire et responsable de LRVA. Sur l’écran central, les données résultantes s’affichèrent, confirmant l’accessibilité de la puce émettrice-réceptrice incrustée de Nelly (P.E.R.I.). Wil s’épongea le front. L’expression d’un timide sourire se dessina sur ses lèvres. Issues, du principe naturel utilisé par les squales à transformer leurs cellules sensorielles en signaux électriques vers leur système nerveux. Les P.E.R.I. se révélaient êtres des puces électroniques dissimulables dans un cerveau humain. Wil pensa à sa femme. N’avaitil pas trop exigé d’elle depuis quelque temps ? Constituée d’un physique de haut niveau, elle possédait un caractère bien trempé. Ne lui avait-elle pas d’ailleurs démontré dans les stages de survie ? Elle ressemblait trait pour trait à Marlène Rodford, la star aux sept oscars, égérie de Carlos

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Krimble, le grand scénariste à la mode de films de science-fiction, sans doute l’un des plus grands, depuis la disparition de Steven Spielberg, ce réalisateur de génie des lointaines années deux mille. Âgée de vingthuit ans, elle était pilote de chasse dans l’aéronavale. Wil demanda à son frère d’enchaîner les programmes de recherche des disparitions humaines.


Année 4258 quelque part sur Enfernator. Nelly reprenait conscience. Elle se remémorait son procès. Les gardes, la foule hurlante, elle savait qu’elle serait bientôt embarquée dans une fusée pour le nord polaire d’Enfernator. C’était la sentence de l’immonde Morgoth, le Maître des lieux. Son corps frémissant et enchaîné se dessinait comme une croix. Elle voyait ses mains et ses doigts démentiellement démesurés. Au travers de ses yeux embués, elle visualisa l’environnement. Posé comme un chapeau sur de hauts murs, un dôme de verre donnait une vue incommensurable sur le vide astral scintillant de milliards d’étoiles. « Elles semblent avoir été placées dans ce décor par un Maître de la Création, pensa-t-elle subjuguée. » Sur le mur d’en face les deux lettres Alpha et Oméga étaient inscrites en lettres rouges. Elle ne put maîtriser le jaillissement de larmes. « Le sigle de la secte des Astres Noirs, se dit-elle effrayée. » Elle songea à Wil pour trouver le calme, ferma les yeux et rassembla les péripéties de son enlèvement. Les chimères déguisées de New York chapeautées de capirotes étaient bien réelles, elles ressemblaient, lui semblait-elle, aux chevaliers du Ku Klux Klang cette organisation Américaine, qu’elle avait découverte dans des magazines de vide-greniers ou de vieux films des années mille neuf cent cinquante, mille neuf cent soixante-dix.

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Elle se remémora l’arc de lumière intense qui illumina la pièce comme le tir d’un feu d’artifice et de l’étonnante irréalité de ne pas voir leurs ombres se projeter sur le miroir du salon. Comment leurs silhouettes échappaient-elles à la projection de leurs images ? La non-réponse à cette question la fit frémir. « Et que penser de leurs crucifix se balançant au rythme de leurs déplacements ? se dit-elle épuisée par les efforts. » Son regard s’incrusta de nouveau dans le ciel constellé où apparaissait maintenant un minuscule point bleu lumineux se déplaçant lentement sur l’horizon. « À n’en pas douter, pensa-t-elle, ce point bleu unique si resplendissant, c’était la Terre. Sa Terre. » Elle ressentit une chaleur intense dans son bras gauche. « L’activation de mon « P.E.R.I. » est opérationnelle, se dit-elle rassurée donnant une impassibilité parfaite de son visage et de son corps aux systèmes vidéo devant l’observer. » La notion de quantification de durée de temps, probablement, lui échappait dans ce Nouveau Monde, elle comprit cependant qu’elle était en passe de se connecter à Tucson. Elle pensa de nouveau à Wil, fixa de nouveau, perdu dans l’immensité d’autres, le tout petit point bleu lumineux qui semblait vaciller. Ses récepteurs enclenchèrent l’enregistreur de message. La chaleur transperça entièrement son corps. Elle commença son récit…


Les coordonnées du point d’intersection recherché s’affichèrent sur l’écran central du laboratoire de Tucson. Un rayonnement laser enchaîna un défilé d’images laissant découvrir d’innombrables autres systèmes solaires. En final, une planète légèrement aplatie sur ses deux hémisphères de couleur jaune ocre apparue, entourée par un soleil et une petite lune. Le diaporama redémarra à la même folle vitesse, faisant découvrir la face visible de l’astre. Des photos de plus en plus précises montraient un continent entouré d’une mer à l’aspect jaune ocre également et presque à largeur égale une zone verte, une blanche et une troisième rouge sang se distinguaient. De petites montagnes et des forêts étaient visibles dans la zone de couleur verte où de belles villas et de magnifiques châteaux apparurent, isolés. Identiques dans leur géométrie des bâtiments sans originalité présentaient la même couleur grise d’où l’on voyait de petits points se mouvant, laissant penser à des allées et venues, semblables à des déplacements urbains de foule. Le rayonnement laser changea brusquement de direction se stabilisant dans un paysage verdoyant composé de jardins et de pièces d’eau où, s’implantait un complexe architectural composé de dômes de verre supportés par des structures en ferraille. Des zooms d’images défilèrent de nouveau à vitesse folle pour se stopper sur la représentation d’une forme revêtue d’une tunique blanche enchaînée sur un linceul en drap noir. Était posée une plaque avec une inscription : « Morgoth, Maître des mondes et d’Enfernator ». Dans la grande salle de l’observatoire, les crépitements des imprimantes percèrent le silence. Pathétiques et figés les visages des scientifiques semblaient anéantis par la vision de Nelly transformée en avatar arraché aux ténèbres.

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