Stan Andth
Les chroniques Scanes
Les Chroniques Scanes Livre premier : Les yeux océan
Stan Andth
Les Chroniques Scanes Livre premier : Les yeux océan
Prologue Ville de Carebourg, 21e jour de Nico, premier mois de l’ été 328 post. C.A.1 La nuit était tombée depuis quelques heures. Elle était noire et sans lune, particulièrement sombre et épaisse. Sur le chemin de ronde de la tour de guet nord, un kilomètre avant l’entrée du port de la cité, Corain attendait la fin de son tour de garde. Le soldat était de bonne humeur : si l’on exceptait l’absence totale de lune et de lumières, la nuit avait été bonne. Les seules lueurs qu’il pouvait apercevoir au loin étaient celles de la ville. Un vent chaud venant de l’ouest soufflait sur eux, apportant une douce chaleur aux sentinelles disséminées tout autour du port. La bannière pourpre frappée de l’aigle d’or de l’Empire flottait paresseusement au-dessus de leurs têtes. C’était l’étendard de la XIXe légion, l’une des bannières immortelles qui n’était jamais tombée depuis la fondation de l’unité. Elle se déployait là, vigilante, symbole géant d’avertissement aux navires qui faisaient route vers la charmante et florissante petite ville de Carebourg. Carebourg… Cette paisible cité avait une importance particulière pour la noblesse de l’Empire. Et pour cause, il s’agissait de la plus coquette de toutes les cités de Noric2. Lieu de repos et de plaisir 1. Post. Constantin-Auguste, premier Empereur de l’Empire de la Forge. 2. Province du nord de l’Empire.
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pour l’aristocratie de la région, cette station passait pour la plus agréable des trois provinces du septentrion3. Corain était heureux de faire partie de la garde de Carebourg. Obtenir ce genre d’affectation était considéré comme un privilège, et pour cause : il s’agissait d’un poste agréable, réputé sans danger et situé dans une cité que la bonne fortune avait dotée de nombreuses distractions. Elle comptait par exemple de nombreuses maisons closes toujours garnies des filles les plus jolies de la région, mais aussi des arènes, des champs de courses, de vastes thermes – dont certains étaient mixtes – donnant accès aux sources chaudes, sans compter les très nombreuses demeures richement décorées des patriciens ; bref, tout ici était fait pour le plaisir, la détente et l’agrément des visiteurs comme des habitants. La ville devait cette richesse à la puissante famille des Hectoriens, les gouverneurs de Noric. Un ancêtre mythique d’Hectorius4 avait fondé Carebourg pour profiter de la position privilégiée qu’elle occupait dans cette partie du monde : il s’agissait d’une reculée dans une baie bien défendue par l’étroitesse du chenal qui y menait, à proximité d’eaux thermales dotées de nombreuses vertus, sans être trop loin de la capitale de la province et de l’immense Leore5. L’édifice principal de Carebourg, le diamant de cette ville que l’on surnommait « le joyau du nord » et devant lequel s’extasiaient les visiteurs du monde entier, n’était autre que le palais de la famille dirigeante. Celui-ci n’avait jamais cessé d’être entretenu, amélioré et étendu depuis plus de soixante ans, lorsque le premier des Hectoriens avait été nommé gouverneur des marches du nord par Augustus Major. Il s’agissait d’un des plus beaux ouvrages de tout l’Empire, dont les lignes exquises, aménagées par le célèbre architecte Plenthius, avaient inspiré des générations entières. Même le palais Canelin6, à la Forge, faisait pâle figure comparé aux lignes pures et à l’arrangement sublime du palais d’été des gouverneurs du nord. L’édifice 3. Nord. 4. Actuel gouverneur de la province. 5. Capitale de la Brithéric voisine et base de la Flotte du Nord. 6. Résidence de l’Empereur au cœur de la grande ville de la Forge, capitale de l’Empire.
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avait la forme d’un U inversé. Ses frontons triangulaires à chaque extrémité surmontaient d’élégantes colonnes de marbre blanc, lesquelles masquaient à peine des murs décorés de fresques sculptées dans des cadres de grande taille et racontant l’histoire de la famille des Hectoriens. Le bâtiment était haut de trois étages, au sommet de la principale colline de la ville. Cela le faisait paraître bien plus grand qu’il ne l’était en réalité. Sa Majesté dominait la cité avec la paisible assurance d’un patriarche régnant sur sa famille. Autour de l’édifice, les demeures des principaux clients de sa maisonnée avaient, elles aussi, été construites avec faste et grandeur, chacune tentant d’imiter le style exceptionnellement pur de l’architecte des gouverneurs. Cette harmonie de style avait pour effet de confondre le voyageur visitant Carebourg pour la première fois. Celui qui ignorait à quoi ressemblait la ville avait l’impression de poser les yeux sur un immense palace aux multiples dépendances s’étendant sur plusieurs lieues. En même temps que ces villas, s’étaient développés maisons closes, cercles de jeux et autres lieux de plaisir que la présence d’une clientèle riche et aisée avait permis de faire prospérer. À Carebourg, même les bordels ressemblaient aux villas patriciennes. L’accès à la cité était strictement réglementé et les différents gouverneurs menaient régulièrement des purges pour débarrasser Carebourg de tous les indésirables qui venaient y mendier, traîner ou chercher à s’enrichir par quelques larcins. Seuls les Carebourgeois possédant la citoyenneté de la ville, ainsi que les membres de leurs familles, étaient autorisés à y exercer une profession. Bien entendu, les esclaves des maîtres de la ville échappaient à ces restrictions. Carebourg jouissait aussi du statut de « Ville Patricienne », ce qui signifiait que seuls patriciens et membres de la noblesse pouvaient y acheter ou y faire construire une nouvelle demeure. Les anciens logements de la plèbe avaient été épargnés par ces directives, mais depuis vingt ans, aucune nouvelle construction n’avait été entreprise pour les petites gens. Ainsi, même le plus minable des taudis coincés entre deux ruelles valait de l’or pour loger les habitants des classes inférieures, car toute tentative de construction qui échappait aux di-
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rectives officielles était impitoyablement détruite par les hommes du guet. Corain avait lui-même participé à quelques-unes de ces destructions, sans grand plaisir à vrai dire, mais les ordres étant ce qu’ils sont…
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Un taux de criminalité très bas contribuait à désigner Carebourg comme l’une des garnisons les plus agréables des seize provinces. La paye y était bonne, et pour cela, soldats et officiers faisaient des pieds et des mains afin d’y être mutés dès qu’une place se libérait. Pourtant, ce n’était pas grâce à la demande de leur centurion que l’unité de Corain y avait été transférée, mais plutôt à cause de la récente activité des pirates Scanes. Des raids de plus en plus audacieux avaient frappé l’Empire et cela avait eu pour effet d’inquiéter les gouverneurs du nord, très attachés à la préservation du symbole de leur richesse. « Ils auraient l’air fins, là-haut, si quelque chose arrivait à leur précieux « joyau du nord », la fierté des gouverneurs de Noric réduite en cendres par une bande de barbares en fourrure… De quoi leur ficher des aigreurs d’estomac pendant des décennies ! » pensa le soldat. De plus en plus de navires marchands étaient arraisonnés, leurs cargaisons pillées et leurs équipages massacrés par les drakkars scanes. Pour parer à la menace, il avait été décidé en haut lieu d’augmenter les défenses de la ville. La garnison avait ainsi été renforcée d’une huitième centurie, de sorte qu’une cohorte entière protégeait désormais la ville. « Huit cents légionnaires pour protéger des nobles bien gras et des bordels remplis de prostituées », pensa Corain, « les grosses bedaines doivent vraiment tenir à leurs palais de marbre et aux bâtards qu’ ils ont faits à la légion de putes qui vit à leurs crochets ! » Après dix-sept années passées au service de la Forge, Corain avait acquis, non sans raison, un certain dédain pour la classe dirigeante de l’Empire. La XIXe légion avait détaché la IVe centurie de sa 1re cohorte pour améliorer les défenses7. L’unité de Corain était l’une des plus pres-
7. Une centurie compte environ 100 légionnaires, et une légion rassemble 10 cohortes de dix centuries, et la première est la plus prestigieuse de toutes. Au total, les légions impériales comptent entre sept et dix mille hommes.
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tigieuses de l’Empire. Lorsqu’il avait entendu dire que les défenses de Carebourg allaient être renforcées, le nouveau centurion de la IVe s’était bravement porté volontaire pour s’y rendre avec le secret espoir d’une vie tranquille, à l’abri de la moindre menace dans un environnement des plus agréables. « Au moins ce pisse-froid de nouveau centurion aura servi à quelque chose une fois dans sa vie. » Le commandant de son unité brillait particulièrement par sa capacité unique à déléguer tout ce qu’il pouvait et à se décharger de toutes les tâches qui lui incombaient sur le dos de son opione8. De son côté, Corain doutait que l’actuel commandant sache par quel bout il était sensé tenir un glaive, et encore moins comment diriger ses hommes au combat. L’ancien centurion de la IVe avait croisé la route d’un ours géant des forêts pendant une partie de chasse et seul l’ours avait continué son chemin, du sang sur le museau et des morceaux de centurion coincés entre les dents. Mis à part cette petite mésaventure, l’ancien officier en charge de la IVe avait été un excellent combattant et un bon commandant. « Dommage qu’ il se soit relâché sur la fin… Enfin, je suppose que défier un ours de trois mètres de haut était aussi malin que de s’asseoir sur la rampe de lancement d’une catapulte armée… » La IVe était arrivée deux mois auparavant et avait pris ses quartiers au pied de la tour nord du port, dite Tour aux Embruns. Elle remplaçait la IIIe centurie de la cohorte de défense de Carebourg, dont les nouveaux quartiers se situaient désormais le long du mur ouest de la cité. Cette Tour aux Embruns était en fait une sorte de petit fort entouré de hauts murs de pierre qui encadraient quelques baraquements. La tour elle-même formait la partie nord du dispositif. Une position idéale pour prévenir toute agression en provenance du large... Quand on y voyait quelque chose… « Sauf que là, on y voit aussi bien qu’au fond d’une mine de charbon la nuit », déplora la sentinelle. Jusqu’ici, rien n’avait troublé la quiétude de ces lieux, et Corain attendait avec impatience ses prochains jours de relâche ; il pourrait 8. Commandant en second de l’unité.
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alors retourner en ville et revoir cette charmante demoiselle qui officiait aux Deux soleils. Il n’avait pas retenu son nom, uniquement ses caresses brûlantes et son regard océan, perdu au milieu d’une chevelure d’or. Sans doute une esclave scane capturée dans son enfance par la marine impériale lors d’une expédition le long des côtes du nord.
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Corain n’avait jamais été marié, son engagement dans l’armée l’en avait empêché. Un légionnaire n’avait d’ailleurs pas le droit de prendre une épouse avant la fin de son service, qui durait vingt ans ! « Une bien longue période », songea-t-il. Mais au bout de ces vingt ans, il serait élevé au rang de citoyen impérial, l’État lui fournirait des champs et des esclaves, et il aurait le droit de se marier et de prendre la tête d’une Familia Minor. Tous les sacrifices auxquels il avait consenti trouveraient enfin leur récompense. « L’Empire me doit bien ça ! » La vie rude de la légion, les entraînements rigoureux, les campagnes à l’est, les tours de garde interminables, les opérations de police lorsque les tribuns urbains faisaient appel à la force armée, la répression des révoltes d’esclaves... Ces dures années l’avaient changé. Il n’était plus l’adolescent enthousiaste et sûr de lui, avide de gloire et de combats, qui s’était engagé dans un obscur bureau de recrutement au plus profond de la campagne Brithéroise. Aujourd’hui, il était un homme fait et n’aspirait plus qu’à la paix et au repos. Il ne lui restait guère que trois années de service à tirer. Une fois que ce serait fait, Corain pourrait enfin laisser derrière lui une vie de larmes et de sang. « Surtout de sang, en fait, mes larmes se sont taries il y a bien longtemps. » Le soldat sourit en songeant que trois années passées à Carebourg s’apparentaient presque à une préretraite. « Veiller sur des patriciens bien gras enfermés dans un enclos doré, je n’aurais jamais pensé terminer mon service en tant que porcher surveillant une auge dorée ». Cette pensée l’amusa, mais il retourna à sa garde. « Service service jusqu’au bout des ténèbres ! ». Un bruit sourd attira son attention en contrebas du mur d’enceinte. Le soldat s’arrêta et se pencha dans cette direction, mais la noirceur de la nuit ne laissait absolument rien entrevoir. Seules les torches derrière lui auraient pu éclairer les ténèbres, mais elles étaient
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trop loin pour lui être d’une quelconque utilité. Il resta un moment immobile, à l’affût de tout autre signe qui aurait pu lui permettre d’identifier la source du bruit, mais rien ne se produisit. La sentinelle allait reprendre sa ronde lorsqu’une flèche surgit des ténèbres et le manqua de peu. Il ne fallut qu’une seconde pour que Corain comprenne de quoi il retournait. Il se rua vers le corps de garde en criant « Alerte, alerte, nous sommes attaqués ! », mais il stoppa brusquement lorsqu’il vit que la sentinelle qui venait derrière lui sur le chemin de ronde gisait à terre, l’empennage noir d’une flèche dépassant de son œil. Derrière le mur se dressait la silhouette armée d’un guerrier scane, aussi noire que la nuit, le pirate s’était entièrement frotté au charbon pour que nul rayon de Lune ne vienne trahir sa position. L’homme sauta prestement sur le chemin de ronde et lui fit face. Le légionnaire espérait que son cri d’alerte avait été entendu, mais, dans l’urgence du moment, il adopta sa position de combat face au pirate nordique. Le Scane passa la main dans son dos et en ramena sa hache à double tranchant. C’était une arme terrible, capable d’infliger d’énormes blessures. En général, les pirates s’en servaient avec une efficacité redoutable dans les combats au corps à corps sur le pont des navires qu’ils abordaient. Mais, présentement, son adversaire semblait déterminé à l’utiliser ici et maintenant. Pourriture de pirate ! hurla Corain dans l’espoir que quelqu’un l’entende, mais il n’y eut aucune réaction dans le corps de garde. Le scane se rua à l’assaut. Pour s’y opposer, le légionnaire disposait de l’équipement traditionnel des sentinelles de l’Empire : un petit bouclier rond et un pilum, javelot à hampe de fer plus grand et plus lourd que la moyenne, ainsi qu’un glaive court qui pendait à sa ceinture. Son adversaire était trop près et bien trop rapide pour lui laisser le temps d’utiliser son pilum. En professionnel, Corain lâcha ce dernier et dégaina prestement l’épée courte qui pendait à son côté. Mais déjà, derrière le guerrier scane, se profilait une autre silhouette chevelue. Le légionnaire entendit du bruit derrière lui et comprit que
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d’autres échelles avaient été posées le long du mur d’enceinte. Il serait encerclé dans moins d’une minute. « Maudites soient les ténèbres et maudits soyez-vous, j’allais enfin profiter de la vie et vous venez tout gâcher ! » L’injustice de la situation et sa mort imminente lui donnèrent un coup de fouet. Il rompit le combat en reculant, alors que le Scane se ruait sur lui l’arme haute. Tout en esquivant, Corain hurla à nouveau : Alerte ! Alerte ! Aux armes, on nous attaque !
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Cette fois, l’alarme fut entendue et de l’agitation se produisit dans le corps de garde. Malheureusement, le premier légionnaire à sortir du bâtiment fut instantanément cloué sur place par une flèche d’if qui s’enfonça droit dans sa gorge. Corain eut furtivement le temps de voir que des Scanes infestaient déjà le chemin de ronde tout autour de lui, et que plusieurs pirates portaient des arcs. Il comprit en même temps que la lueur des torches dans la cour avait signé leur arrêt de mort à tous, en découpant la silhouette des sentinelles sur le ciel nocturne, elle n’avait laissé aucune chance aux sentinelles en patrouille et avait permis ce tir exceptionnellement précis. La mort du légionnaire fit hésiter les autres sentinelles suffisamment longtemps pour que d’autres pirates franchissent le mur d’enceinte. Déjà, un groupe d’assaillants commençait à ouvrir les portes de la garnison. Autour des portes gisaient les corps de ceux qui étaient censés les garder et Corain en fut ébahi. Jamais il n’aurait imaginé qu’il serait possible d’éliminer ainsi tous ces hommes, de façon aussi silencieuse et avec autant de célérité. Ses réflexes de guerrier lui revinrent et il esquiva à nouveau une attaque tandis que son glaive s’abattait sur la main de son adversaire. Le membre fut tranché net, à mi-hauteur, et les doigts de l’homme volèrent en même temps que son arme. Le Scane poussa un cri de douleur et tomba en serrant frénétiquement le moignon qui terminait désormais son avant-bras, essayant d’arrêter l’hémorragie. L’impérial ne prit pas le temps d’achever le pirate et continua sur sa lancée. Déjà, un autre ennemi se dressait devant lui. Le fil d’une hache le frôla de très près. « Trop près ! »
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Devant la férocité de l’attaque, le légionnaire recula, mais il trébucha sur le corps du Scane qu’il venait de blesser, recroquevillé à côté de lui. Il s’étala sur le dos et perdit son glaive. Avant même qu’il n’ait le temps de se relever, un pied gigantesque le cloua au sol. Une sombre silhouette se pencha sur lui, en brandissant une arme monstrueuse. Corain avait suffisamment vu la mort en face pour la reconnaître. Elle était là, terrible, claire et impitoyable, son pied sur sa poitrine et son arme levée. Un rugissement de triomphe et le bras de la mort s’abattit sur lui. Le soldat n’eut que le temps de jeter un regard terrifié avant qu’un coup sec ne lui ouvre le crâne. Bjorn, le guerrier scane qui venait d’achever l’unique sentinelle ayant survécu aux archers, se tourna vers ses hommes et leur fit signe de se dépêcher. Tous les occupants de la tour et du petit camp devaient être passés au fil de l’épée le plus rapidement possible. L’alarme n’avait pas été transmise jusqu’à la ville et ses hommes pénétraient dans les baraquements pour y massacrer les légionnaires encore endormis. Le pirate eut un sourire féroce, le gong n’avait pas sonné et le feu n’avait pas été allumé. L’alerte n’aurait pas lieu et cinquante navires scanes attendaient son signal pour déferler sur la paisible cité gorgée de richesses. Quelques minutes plus tard, un archer fit partir une flèche enflammée vers le rivage et, à son tour, une autre flèche de feu s’éleva immédiatement vers la mer. C’était le signal convenu avec les autres capitaines pour lancer la suite des opérations. En empêchant la tour de garde d’avertir la ville, Bjorn et ses hommes avaient gagné un sixième du butin que leurs frères allaient rapporter. Tout s’était passé pour le mieux. Avec seulement cinq blessés et deux morts, les Haches-Rouges avaient fait preuve d’une efficacité à toute épreuve contre une garnison faisant pourtant partie de l’élite de l’Empire. Un Empire gorgé d’or, de femmes et de richesses qui seraient bientôt les leurs. Aussi discrètement qu’ils étaient arrivés, les pirates se retirèrent du fort, ne laissant nulle âme qui vive et emportant quelques trophées avec eux. Parmi ceux-ci, la tête du centurion Flavius, qui
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allait bientôt orner la proue de la Morsure de la Chimère, le navire de Bjorn. À titre personnel, Bjorn emporta le glaive de la sentinelle qui avait survécu en guise de trophée. Bientôt, la flotte pirate au grand complet déferlerait sur Carebourg, ville endormie et sans défense. Venant du large, les loups des mers approchaient de leur proie inconsciente. Au matin, la fière cité ne serait plus qu’un vaste royaume d’ombres dans un océan de sang. Étrangement, cette perspective enchantait le pirate.
Chapitre I Les provinces du nord furent conquises entre 78 et 124 ap. C.A. Leurs grandes plaines à blé, le poisson abondant de leurs côtes et leurs vergers fournissent une nourriture indispensable au reste de l’Empire, ainsi qu’une monnaie d’ échange appréciable avec les royaumes voisins lors des années de disette. Si la Forge est le cœur politique de l’Empire, les provinces du nord en sont le grenier. Ville de Leore, 11 jour de Davie, troisième mois d’ été 328 post. C.A. e
Marneus se tenait droit, le regard fier, magnifique dans sa tenue de vice-amiral d’escadre de la Flotte du nord. Comme tous les officiers présents, il attendait l’arrivée de Valerius, nouvel Amiral Impérial depuis la disgrâce qui avait frappé Faustus Antonius Livien. Ce dernier avait été l’un des meilleurs marins qu’eût jamais connus Marneus, mais la destruction de Carebourg avait brisé sa carrière. Pour Marneus, le seul élément qui avait permis à Faustus de sauver sa tête était l’amitié de longue date qu’il avait entretenue avec le gouverneur.
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