RĂŞves illustrĂŠs et Porcelaines -1-
Catherine Geoffray
RĂŞves illustrĂŠs et Porcelaines -1-
Ce livre est le premier tome d’une sorte de journal de création commencé au mois de janvier 2014 où l’artiste juxtapose des récits de rêves illustrés et des petites sculptures en porcelaine réalisées en parallèle. Cette confrontation instaure un dialogue entre ces différentes créations sans que le lien soit explicite. Quelque chose se déroule et va puiser dans son inconscient des images émergées de ses rêves, tandis que parallèlement, elle modèle des formes sans image préconçue ni projet, à partir de petits blocs de terre que ses mains façonnent. Surgissent alors des formes ou préformes plus ou moins hétérogènes où se dessinent des familles que la matière blanche commune de la porcelaine relie entre elles selon une espèce de logique interne ineffable.
31-12-13 Un grand dîner est organisé avec une grande tablée d’une vingtaine de personnes. Une amie se lève pour prendre la parole pour me défendre et annoncer aussi la venue d’un médecin qui va s’occuper de moi. Elle n’arrive pas à se faire entendre dans le brouhaha de la tablée. Je cogne mon verre avec mon couteau, suivie par d’autres et le silence se fait enfin. Elle n’a pas le temps de parler que la porte s’ouvre et apparaît le médecin, un bel homme grisonnant qui vient vers moi et m’offre un petit oiseau. Il me le dépose au creux de la main et referme mes doigts dessus délicatement. Je sens le petit corps palpiter et ai hâte de lui trouver une cage. Je cherche dans la pièce, dans l’appartement, en vain quelque chose qui pourrait servir de cage. Je finis par dénicher au fond du jardin sous des arbustes, une petite cage poussiéreuse. Je m’accroupis pour la saisir, mais en la basculant, je libère toute une colonie d’insectes noirs agglutinés qui grouillent sous le socle. Ils se collent à mes doigts et je secoue la main pour m’en débarrasser. Puis je glisse le petit oiseau dans la cage.
03-01-14 En Afrique du Sud, à bord d’un train, je tiens sur les genoux une petite fille blonde que je ne connais pas, mais que je câline avec un plaisir partagé, car je la sens qui s’abandonne dans mes bras. J’échange quelques mots d’anglais avec sa mère qui me complimente pour mon accent. Elle vante mon ouverture de gorge parfaite ! Cela ne semble pas le cas de ma collègue qui m’accompagne. Soudain, trois gros avions de chasse décollent et rasent nos têtes dans un fracas épouvantable. On dirait d’énormes oiseaux. Mon amie a envie d’aller aux toilettes, je la suis dans le couloir. Ce sont de simples seaux coiffés de lunettes posés à même le sol. Son père est là. Nous plaisantons ensemble sur la rusticité des trains africains, puis il rejoint son compartiment pour ne pas gêner sa fille. Elle essaie un premier seau qui manque de se renverser, puis un deuxième un peu masqué par l’angle du couloir. Soudain, elle pousse un cri puis s’effondre répandant l’urine au sol. Je crois qu’elle a été piquée par un insecte noir que j’ai cru apercevoir. Je n’arrive pas à voler à son secours, je suis comme paralysée par une énorme fatigue. Je la regarde impuissante gisant au sol, les fesses nues trempant dans la flaque d’urine.
06-01-14 Je sors dans la rue suivie par une femme. Soudain, une bande de jeunes roms nous barre la route. Ils louchent sur mon porte-monnaie et les billets qui débordent. Pour détourner leur attention, je leur propose de leur raconter des histoires d’amour. Nous continuons de marcher ensemble tandis que je glisse en douce, mon porte-monnaie à la femme pour qu’elle enlève les gros billets et les cartes. Entre temps mon compagnon est arrivé. Je continue d’entraîner ma petite troupe d’enfants roms qui reste collée à moi. Ils ne sont pas agressifs, mais nous croisons quelques-uns de leurs aînés qui paraissent plus menaçants. La femme nous a rejoints et me fait comprendre qu’elle a tout rangé dans un carnet intitulé « reste des dettes ». Je ne vois pas ce dont elle parle, mais en saisissant mon petit agenda noir, des billets de cent euros tombent par terre. Je maudis la femme qui n’a décidément rien compris de ce qu’elle devait faire. Il va falloir maintenant que je les distribue à ma troupe qui se fait plus pressante. Mais mon regard est attiré par un tas de billets dans le caniveau. Ce sont des devises finlandaises : des coupures de cent cinquante ! Je les partage avec tous les jeunes qui semblent m’en être très reconnaissants. L’un d’entre eux, un enfant blond tient même à m’embrasser et me dit en me rendant mon billet « tiens, madame, tu en as besoin ». J’ai honte de les avoir dupés.
09-01-14 Je parle avec l’ami de ma fille et ensemble nous évoquons le cours d’expression plastique et corporelle qu’il a ouvert dans un hangar dont il a hérité de son père. Celui-ci a été bâti sur une ancienne mine à ciel ouvert d’où l’on extrayait du pétrole. C’est son père qui gérait lui-même avec quelques employés les puits. À coups de salves d’arme automatique, il perforait la roche d’où jaillissaient alors de puissants geysers du précieux liquide noir. Les ouvriers et son fils présents n’avaient qu’à courir le plus vite possible pour se mettre à l’abri des retombées. Son père, animé par une force démoniaque, continuait de tirer sans se soucier un seul instant de leur sécurité. C’était une force de la nature au caractère brutal et égoïste. Son fils se plaint du faible remplissage de ses cours animés par des étudiantes. Je lui conseille de s’investir davantage et de promouvoir lui-même ses cours auprès des parents des élèves.
11-01-14 Dans la nuit, entre deux rêves, m’est apparu un arbre chargé de fruits dressés verticalement sur les branches. Ça m’a fait penser à l’arbre de Jessé sans trop savoir à quoi il ressemblait vraiment dans la bible. Je me suis dit « c’est mon arbre », l’arbre de G.C., Geoffray Catherine… Le matin, au réveil, je suis allée voir sur internet les représentations de l’arbre de Jessé et sa signification. C’est l’arbre généalogique de Jésus, à partir de Jessé, le père de David, souvent représenté avec un tronc ou une racine ou encore un surgeon sortant de son ventre même. Il est écrit : « Un rejeton sortira de la souche de Jessé, un surgeon poussera de ses racines. Sur lui reposera l’Esprit de Yahvé ». J’ai pensé que c’était de bon augure pour être traversée par le souffle de l’inspiration !
13-01-14 Derrière une baie vitrée adossée à la mer, j’observe les vagues s’engouffrer dans le goulet qui longe la vitre. De temps en temps, une vague plus grosse que les autres vient se briser devant moi. J’aperçois de jeunes enfants qui barbotent dans l’eau, inconscients du danger qui les menace. Je leur crie derrière ma glace de faire attention, de ne pas rester là. Ils ne m’écoutent pas. Heureusement une série de vagues, un peu plus fortes, alerte leurs parents qui les rappellent.