Niami C’est une promesse pour l’éternité 1 - Les gardiennes du temps
C’est une promesse pour l’éternité
Niami
C’est une promesse pour l’éternité Tome 1 : Les gardiennes du temps
Prologue
Normandie, 10 août 1053 Un calme étrange se fit sentir dans cette partie de la forêt. L’enfant se figea au beau milieu des arbustes, trouvant ce silence inquiétant. — Isy, murmura-t-il d’une voix incertaine? Isy, réponds-moi! Il jeta un rapide regard autour de lui. Sa petite frimousse commençait à montrer des signes d’inquiétudes. Isy! Sors de ta cachette. Tu n’es pas drôle! Silence inquiétant et envoûtant! — Isy, cria-t-il soudainement? L’envol d’un oiseau sur une branche le fit sursauter, manquant le faire mourir de peur. Et la forêt redevint silencieuse. Une brise étrange le contourna, soulevant les feuilles mortes sur son parcours. Mais ce phénomène ne sembla pas le déranger. Il était de plus en plus inquiet pour elle. Tout était de sa faute. Il n’aurait jamais dû venir dans cette partie de la forêt. C’était trop dangereux. Mais elle avait tellement insisté pour venir, lui promettant d’être sage. De ses petits bras, il repoussa les arbustes se faisant un passage. Il trouva enfin un sentier de terre battue. — Isy! Il s’avança doucement, jetant des regards autour de lui. Un morceau de tissu attira son attention. Il s’approcha pour regarder. En reconnaissant la couleur et les dessins, il devint blanc. Il se pencha et le
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prit, le gardant précieusement dans sa main. Isy, cria-t-il? La nuit allait bientôt tomber. Isy! Je t’en prie, réponds-moi. Il se figea d’un coup, tout en jetant un regard discret autour de lui. Il était certain d’avoir entendu des chuchotements. Il fronça les sourcils. Il pivota sur lui-même, cherchant à savoir d’où provenaient ces voix. Il devait bien y avoir une présence autour! Personne! — Isyyyyyyyyy! Il était de plus en plus inquiet. Isyyyyyyy cria-t-il? Il aperçut au même moment son cousin arriver en courant, essoufflé par l’effort. — Myles! Celui-ci secoua la tête. Faisant signe d’attendre, pour qu’il puisse reprendre son souffle. Cela faisait plus d’une heure qu’ils la cherchaient. Jamais on n’avait vu une ressemblance aussi frappante entre deux cousins. On aurait pu les prendre pour des jumeaux. Des yeux verts, les mêmes pommettes, seule la couleur de leurs cheveux différait. Myles était d’un blond cendré, tandis que Maxime était foncé. — Max! Je ne trouve pas, Isy! Habituellement, on l’entend toujours rire. Et ce silence! Il jeta un regard autour de lui. Il était terriblement inquiet. On dirait que la forêt est déserte. — Elle n’est pas déserte, Myles. J’entends des voix. — Il n’y a personne! Nous… Myles se tut, percevant à son tour les voix. Tu as raison. Il jeta un rapide regard autour de lui. Pourtant la forêt lui semblait si déserte. — Je n’aime pas cela! Maxime restait sur ses gardes. J’ai peur, Myles! Il prit la main de son cousin. Isy a disparu! Tout est de ma faute. J’aurais dû lui tenir la main. — C’est notre faute à tout les deux. Nous n’aurions jamais dû venir dans cette partie de la forêt. Cette fois, un rire d’enfant retentit tout près d’eux. Le rire provenait derrière de grands buissons. Myles se précipita vers l’endroit et poussa les branches pour voir l’entrée d’une grotte. Cette découverte l’effraya sans savoir pourquoi. Il recula de peur. — Myles! Maxime s’approcha, voyant le désarroi chez son cousin! Il mit une main sur son bras. — Les grottes me terrifient! Je ne sais pas pourquoi, mais j’ai peur.
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Le rire se fit de nouveau entendre. Isy se trouvait bien à l’intérieur de la grotte. — Reste ici, je vais aller la chercher, lança Maxime. Je vais être prudent. — Non! Nous allons y aller tous les deux. Il regarda le trou noir devant lui. Je dois affronter ma peur. Maxime prit la main de son cousin et tous deux entrèrent dans la grotte. — Isy, cria Maxime mort d’inquiétude. Où es-tu? Il savait qu’à certains endroits, il y avait des trous et qu’elle risquait d’y tomber sans pouvoir se sortir de là! Le gravier sous leurs pieds était instable et les faisait glisser par moments. Pliant les genoux, ils avancèrent guidés par la petite voix, qui semblait chuchoter. Ils virent apparaître une lueur bleue. — Isy! Ne bouge surtout pas… On arrive — Maxime! s’écria l’enfant qui semblait tout excité. Vite… J’ai trouvé un trésor! Un trésor! Lorsqu’ils arrivèrent au bout du tunnel, ils la trouvèrent sagement assise sur une immense roche, comme si on l’avait déposée là. Elle tenait entre ses mains, la plus belle épée qu’ils eurent jamais vue de leur vie. Une douce lumière bleue l’entourait comme un voile. De légères petites particules flottaient dans les airs, dont certaines vinrent s’accrocher dans ses cheveux, ressemblants à des diamants. Les deux garçons en furent éblouis. L’épée se mit à briller de plus belle à leur approche. La lumière les enveloppa dans un cocon, les protégeant du monde extérieur. Les chuchotements se firent entendre de nouveau. C’était un son mélodieux à leurs oreilles! Des milliers de petites particules se déposèrent sur les trois enfants, pénétrant leurs habits. La douce lumière bleue s’éteignit doucement, mais l’épée brillait toujours dans les mains d’Isy, leur laissant une lueur pour les guider. Pendant un instant, les trois enfants restèrent sur leur impression. Tout était si calme, si froid dans cet immense trou… Pourtant, ils ne se sentaient pas seuls, ni abandonnés du reste du monde. Une présence se trouvait là, tapie dans la pénombre, veillant sur eux.
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— Viens, Isy! Nous devons partir, avant que Papy ne se mette à notre recherche. — Désolée Maxime! J’ai entendu quelqu’un m’appeler. — Isy! Tu ne dois pas aller vers des gens que tu ne connais pas. — Mais elle était si belle! Je n’avais pas peur d’elle. Ses cheveux ressemblaient à de l’or. Pendant un instant, elle eut un air rêveur. C’est un ange, s’exclama-t-elle tout à coup! Crois-tu que je puisse en devenir un? — Pas pour l’instant! Tu n’es pas assez gentille avec nous. Elle fit une moue qui en disait long. Tu as encore mangé tous nos biscuits, reprit-il, pour donner plus de poids à ses paroles. — Et si je devenais gentille? — Alors, tu deviendras un ange! Mais il en doutait. Il ne voulait surtout pas insinuer qu’Isy fût malveillante! Elle aimait tout le monde sans exception. Cependant, elle avait toujours un plan derrière la tête, dont certains étaient ingénieux pour un enfant aussi jeune. — Viens, reprit Myles qui la fit descendre de sa roche. Nous allons sortir d’ici, avant qu’ils se demandent où nous sommes. Donne-moi l’épée, elle est trop lourde pour toi. Il voulut s’en emparer, mais sans prévenir comme un réflexe, elle lui envoya son petit pied dans le tibia. — Aïe! Il se frotta la jambe. Tu es méchante! — Ne touche pas à mon épée! s’écria-t-elle avec crainte. Elle est à moi! Elle la tenait fermement. — Pourquoi as-tu fait mal à Myles? Il était étonné par sa réaction. — Il veut prendre mon épée! Ses yeux s’embuèrent subitement. Ce qui les surprit, car elle ne pleurait jamais. Elle est à moi, reprit-elle avec conviction. Elle me l’a dit! cria-t-elle, avec toute la force de sa petite voix. — Ne commence pas à pleurnicher. Tu agis en bébé. Ce n’est pas ton épée! Elle doit appartenir à un grand guerrier. — Oui, elle est à moi! Elle lui envoya son pied dans le tibia. Je ne suis pas un bébé! — Aïe! Maxime grimaça de douleur. Il était certain qu’il aurait un bleu à cet endroit demain. — Isy! Myles! Maxime! La voix venait de l’extérieur. Où êtes-vous encore passés tous les trois?
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Maxime se figea, oubliant la douleur à sa jambe. Si son père l’apprenait, il en aurait pour une semaine à s’en remettre. — C’est Papy! s’écria Isy tout heureuse. Papy! Papy! Appela l’enfant tout enchantée de sa découverte. Maxime plaqua sa main devant sa bouche. — Chute! S’il nous trouve ici, je vais me faire disputer par mon père, chuchota Maxime avec crainte. Elle lui enleva la main, le regardant avec surprise. Que de frayeur dans son regard! — Papy ne va rien dire, il ne gronde jamais. — C’est pour cette raison que tu fais beaucoup de bêtises, reprit Myles avec aplomb. Le grand-père d’Isy arriva sur les lieux, guidé par cette douce lumière. Lorsque Maxime vit celui-ci apparaître au bout du tunnel, il se colla près de son cousin. On allait le réprimander. Il en était certain. — Qu’est-ce que vous avez encore fait? Il s’approcha avec difficulté, une main sur le côté, tout en essayant de reprendre son souffle. Levant les yeux vers les enfants, il remarqua l’épée dans les mains de sa petite-fille. Il en resta bouche bée. Jamais il n’avait vu une épée aussi belle de sa vie. Puis une crainte se fit sentir en lui. « Vous devez aller en Normandie! Le destin de votre petite fille y est relié. » — Isy! murmura-t-il avec émotion. Où as-tu trouvé cette épée? Il espérait que ce n’était pas la bonne. Mais cette merveille brillait, lui faisant comprendre qu’il ne pouvait être aveugle devant le fait accompli. — Là! Elle pointa le fond de la grotte. C’est un ange qui me l’a donné. Elle est à moi! Elle la tenait fermement dans ses petites mains, de peur qu’on lui vole. — Un ange! Il n’avait plus aucun doute. « Gabrielle lui offrira un cadeau! Vous comprendrez une fois que vous l’aurez vu. » Non! Non! pensa-t-il. Il ne voulait pas prendre le risque de perdre sa petite-fille chérie, son trésor le plus précieux. Il est écrit que l’élu allait mourir!
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Pourquoi ne lui avait-elle rien dit? Jamais il n’aurait pensé qu’elle trouverait cette fameuse épée, cachée depuis des siècles. — Elle m’a confié une grande mission. Elle m’a dit qu’il y en avait une autre épée et que je devais la trouver. — Je n’ai rien entendu, lança Myles. — C’est juste avant que vous arriviez! Elle m’a dit qu’il y avait un cruel Seigneur qui voulait la prendre. Mais qu’un jour je finirai par comprendre ma mission. — Une mission! Lança Maxime. — Oh oui! La plus grande mission! Tu vois, cette épée est la mienne. Sans effort, elle leva l’épée vers le haut d’une seule main. Ce qui impressionna les autres. Même son grand-père. Cette épée devait être aussi lourde que l’enfant. — Je fais la promesse… — Isy, non! s’écria son grand-père. Il ne voulait pas qu’elle dise les mots… Il savait que ce n’était plus l’enfant qui parlait. Mais celle qu’elle fut autrefois. Car il savait qu’Isy ne venait pas de son monde. Mais elle continua… — Aux yeux de tous! L’épée se mit à briller de plus belle, illuminant toute la grotte. — Mon cœur, mon âme seront entre vos mains. Deux petites lueurs blanches sortirent de son corps, allant vers les deux garçons. — De ma main, j’enverrai les damnés en enfer. Je protégerai les innocents. Les yeux du baron Thompson s’embuèrent. — Isy, murmura-t-il avec inquiétude? Jamais il n’aurait pensé qu’elle citerait ces mots. La lueur cessa aussitôt et elle baissa les épées. — Isy! — Papy! Elle voyait l’inquiétude dans son regard. Mais elle ne comprenait pas pourquoi. — Ça va, mon trésor! Il s’approcha de sa petite-fille. Il se mit à genoux et la prit dans ses bras. Nous allons toujours veiller sur toi. — Tout est de ma faute, lança Maxime. Tout est de ma faute, s’écriat-il. Il comprenait les paroles qu’elle venait de prononcer.
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— Maxime! Il l’attira vers lui. Tout va bien se passer. Il croisa le regard de Myles. Il semblait encore sous le choc et tenait sa main sur son cœur. Lequel des deux enfants avait reçu son âme? Disons une partie de son âme. L’homme se recula un peu, regardant les trois enfants. — Je veux que vous m’écoutiez très attentivement. Vous avez reçu tous les trois un cadeau précieux. Très précieux! Isy a reçu l’épée, mais tous les deux, vous avez reçu un cadeau. Vous devez en prendre soin. Est-ce que vous comprenez? Entre vos mains, elle vous a remis sa vie. — C’est de ma faute! reprit Maxime. Je lui avais dit de ne pas venir ici, que c’était risqué! Mais elle ne m’écoute jamais. Ses yeux s’embuèrent, sachant qu’il serait puni d’avance. L’homme s’empressa de le rassurer. — Tu n’as rien à craindre. — Mais l’endroit est dangereux et nous avons entendu cet ange parler. Il n’était donc pas le seul à l’avoir entendu. L’entrée de la grotte était si bien dissimulée que sans cette voix, il ne l’aurait jamais trouvé. Il fallait dire que Zachary ne voulait prendre aucun risque. C’était le père de Maxime. — Qu’est-ce que cette voix vous a dit? — D’être aimable avec Isy et de la protéger, en gardant le secret, reprit Myles. Il jeta un regard vers Maxime. Donc, Gabrielle savait qu’Isy ferait ce serment. Mais elle était trop jeune. Elle n’était pas encore de taille pour l’affronter. Combien d’années devrait-elle attendre et aurait-elle la force de combattre le côté obscur de l’épée? — Ce secret, vous devez le garder et ne le dire à personne. Ils hochèrent la tête. — Et si vous réussissez, je vous promets de vous offrir les plus belles épées. — Elles vont s’illuminer comme elle! demanda Maxime tout excité cette fois. — Non! Mais elles seront très belles.
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— Oh! Il fit une moue. Lui aussi aurait aimé avoir une épée qui brille dans le noir. Les filles n’ont pas le droit d’avoir une arme, reprit-il d’un ton sérieux. Ce sont les hommes qui en ont le droit! Ce n’est qu’une petite fille. Moi! J’ai déjà eu mon épée. — Ce n’est pas une épée, lança Myles. Mais un poignard. — Non! Papa a dit que c’était une petite épée. Nous pourrions les échanger, demanda-t-il en regardant Isy. Celle-ci secoua la tête. Pourquoi voudrait-elle d’un couteau, alors qu’elle avait une belle grande épée pour elle seule? — Tien! Cela se pourrait-il, fiston, que vos idées soient si bien arrêtées? — Mais c’est papa qui me l’a dit. Il dit que les femmes ont leur place dans une maison. Pas sur un champ de bataille. — Ah! Est-ce que votre père vous a conté cette merveilleuse histoire? — Quelle histoire, demanda Myles très curieux! — D’une femme merveilleuse! Une femme qu’il n’a pu oublier. Elle arriva de nulle part, sautant deux étages, tuant les démons qui lui faisaient obstacle. Lorsqu’elle arriva devant votre père. Elle le regarda droit dans les yeux, ne sachant pas s’il était avec l’ennemi ou non. Et les seules paroles qu’elle lui dit à ce moment-là furent. Tu es chanceux, ton regard t’a sauvé. — Oh! Dirent les enfants à l’unisson. Mais Maxime reprit. — Ce ne sont que des histoires, papy! Mon père n’a jamais eu peur d’une femme. Et je ne crois plus aux histoires. Je suis grand maintenant. — Cette histoire est vraie Maxime. Dans le monde, il y a aussi d’excellentes guerrières. À une époque très reculer. Nous les appelions les Amazones! Mais ceci est une autre histoire. — Je deviendrai une grande guerrière, lança Isy. Je sauterai aussi haut que la dame. Je volerai au secours des plus faibles. — Et n’oublie jamais ces paroles, ma puce! L’âme se reflète dans le regard. Elle hocha la tête. Elle prenait très au sérieux les conseils de son grand-père. — Et pour l’épée, demanda Maxime.
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— Je vous promets de vous offrir les plus belles épées du monde. Maxime regarda l’épée qu’Isy avait dans les mains, puis lança : — C’est d’accord! Mais ce n’est quand même pas juste. Je serais devenu le plus grand chevalier de tous les temps! — Un chevalier ne se mesure pas à ses actes de bravoure, mais à ce qui est au plus profond de son cœur… Que diriez-vous, si nous faisons un serment? Un vrai serment! — Oh, oui! s’écria Isy, tout heureuse. Elle aimait tellement quand on la prenait pour une grande personne. Ce n’était pas comme Maxime et Myles qui la traitaient souvent de petit bébé. — Vous devez faire la même chose que moi. Il mit une main sur son cœur et leva son autre main. Ils firent la même chose. Isy tenait son épée contre son cœur. — Aujourd’hui, nous promettons de ne jamais dévoiler le secret de l’épée. Et de cet ange venu du ciel. Jusqu’au jour où vous serez très grands. — Grand comme vous! demanda Myles. — L’ange a parlé d’un pays étranger, reprit Maxime. — Lequel, demanda le grand-père? — Celui qui se trouve de l’autre côté de la mer. Papa répète sans cesse que les Celtes sont de vrais sauvages. — Ils ne le sont pas tous. La plupart d’entre eux sont des Saxons. Il leur sourit. Alors, nous sommes d’accord! Lorsque vous serez assez vieux pour venir dans mon pays, vous serez assez forts pour tuer le méchant. Les trois enfants se consultèrent du regard et firent un signe de tête. L’homme les prit tous les trois dans ses grands bras puissants et les serra contre lui. Le sort de l’humanité était entre leurs mains! Il n’avait aucun doute! L’élue, que tous attendaient, s’adonnait à être sa petite-fille. « Elle seule peut le faire! » Mais pourquoi elle? Qu’est-ce que sa petite-fille avait de plus que les autres? *
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À la tombée de la nuit, un groupe de soldats quittèrent le grand château, situé en Normandie. Isy se blottit dans les bras de son grandpère. Elle voulait cacher les larmes qui embuaient ses yeux, abandonnant ses amis à jamais. La douleur était si intense dans son cœur que peu à peu, pour se protéger, elle se referma sur elle-même. — Papy, dit-elle d’une voix chevrotante. — Tu les retrouveras, ma chérie, lui répondit-il, comprenant son chagrin. Ils viendront te retrouver plus tard. Dans un geste désespéré, elle se blottit encore plus fort contre son torse, à l’abri sous sa cape. — Ils me manquent déjà, Papy! Une larme glissa doucement sur sa joue. « Maxime! » Maxime colla son nez contre le vitrail. Il observait sa petite amie qui s’éloignait. Il ne comprenait pas pourquoi on l’emmenait. Il avait pourtant promis de ne rien dire. Une promesse était une promesse. — Pourquoi l’emmène-t-il? Il y avait tant de désespoir dans son regard. Une larme coula sur sa joue d’enfant, suivie d’une autre. Il ne voulait pas la perdre. Nous avions promis! Il sentit les bras de Myles le prendre. — On va la retrouver, murmura Myles. Je te le promets. L’orage qui se faisait sentir depuis le début de la soirée éclata enfin. Le ciel était zébré d’éclairs. Maxime sentit toute la colère en lui. Son cœur lui faisait tellement mal. Il cria, sa douleur. — Nonnnnnnnnnnnnnnnnnn. Il poussa Myles et frappa de ses deux poings dans le vitrail qui éclata en mille morceaux. Isy… Il frappa dans l’autre. Tu ne peux pas partir… tu ne peux pas! Myles recula, puis se précipita vers la porte. — Oncle Zachary! Ouvrez! Ouvrez! Il frappa dans la porte. Maxime est blessé. Je vous en prie. Celle-ci s’ouvrit, mais ce fut Lysia qui entra. La mère de Maxime. Elle se précipita vers son fils et le prit tout contre elle. — Maxime, calme-toi! Je te promets qu’un jour tu vas la retrouver. Elle voyait tellement de douleur dans son regard. Ses mains étaient en sang, il tremblait de tous ses membres. Pardonne-moi, je n’ai pas le choix. Un jour, tu te souviendras! Elle prit son fils tout contre elle et déposa sa main sur sa tête. Oublie cette douleur.
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Maxime s’évanouit dans les bras de sa mère. Elle tourna la tête vers Myles. — Ne lui dit rien! Il va se souvenir vaguement d’Isy. Mais tout lui ressemblera comme un rêve. Elle tendit son bras vers Myles et l’attira tout contre elle. Prenez soin l’un de l’autre. N’oubliez jamais, combien je suis fière de vous. Une présence entra dans la chambre. Lysia leva la tête. « Zachary! Avons-nous bien fait d’agir ainsi? De cacher leur futur. Est-ce ainsi que cela devait se passer? » Il se contenta de hocher la tête. Il sortit de la chambre, les yeux embuer. « Je vous demande pardon à tous les trois. Sois forte, Isy! Mon ange! Je sais que tu y arriveras, ma guerrière. »
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Angleterre, le 10 novembre 1066 Avec l’arrivée de la nuit, la bataille avait cessé peu à peu, laissant place aux plaintes des blessés qui gisaient sur le sol humide de l’automne. La lune, de sa forme à peine arrondie, illuminait la clairière où l’on vit des corps abandonnés un peu partout, attirant les charognards. Déjà, une odeur écœurante de putréfaction s’en dégageait. La plupart d’entre eux étaient de jeunes paysans saxons, qu’on avait massacrés comme du bétail ne laissant aucun survivant à première vue. Il était peu probable que leurs familles viennent les chercher, ne sachant pas ce qui leur était arrivé. Les Normands finiraient par les enterrer dans une fosse commune, pour gagner du temps. Une silhouette se faufila parmi les corps, cherchant des survivants. Les larmes aux yeux, elle constata avec désespoir qu’ils étaient tous morts. La plupart d’entre eux travaillaient au manoir. Elle en dénombra une douzaine. Elle tourna sur elle-même, n’arrivant pas à croire ce qu’elle voyait. Elle était arrivée trop tard. Ce n’était même pas des guerriers. Seulement des serves! Pourquoi ce massacre? Est-ce que les Normands n’avaient aucune conscience? Ils n’étaient même pas armés! Tout à coup, elle s’immobilisa le cœur battant. Il était là, étendu sur l’herbe folle. Elle lâcha un cri aigu, poignant qui retentit dans toute la clairière. — David!
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Elle s’élança vers lui en courant, tout en jetant des regards inquiets autour d’elle, puis elle se figea devant son visage immobile et recouvert de sang. Elle se laissa tomber sur les genoux tout près de son corps. Elle ne pouvait pas le croire. Pas David! Elle avait tellement envie de crier son désespoir! Mais une boule se forma dans sa gorge. Ses yeux s’embuèrent, laissant passer une larme. Elle ne pouvait pas l’accepter! Pas David… D’une main hésitante, elle s’approcha de son visage. Elle avait tellement peur… peur de voir qu’elle était aussi froide que les autres. De ne plus entendre son rire au petit matin quand il venait la réveiller. Du bout des doigts, comme une caresse, elle enleva la croûte de boue séchée, dégageant une peau douce qui se couvrait à peine de poils. Une vague de soulagement déferla en elle, lorsqu’elle constata qu’elle était chaude. Se penchant un peu plus, elle remarqua un souffle à peine audible qui se dégageait de sa bouche. Il était vivant! D’une main douce, mais ferme, elle le secoua par les épaules. Après plusieurs tentatives, celui-ci finit par lui répondre par un gémissement, suivi d’un grognement. C’était comme si on l’avait dérangé dans un rêve. — David! murmura-t-elle avec émotion. C’est moi! Isabelle! Elle tenait son visage entre ses mains froides. Je suis désolée, David! Tellement désolée! J’aurais dû me mettre à votre recherche. Elle examina le jeune homme, découvrant plusieurs blessures, dont l’une d’elles l’inquiéta. Elle fronça les sourcils en remarquant qu’on avait placé un linge pour étancher le sang. Doucement, elle le souleva, découvrant une longue entaille. Elle partait du haut de la cuisse jusqu’à la hanche, du côté gauche. Qui avait bien pu soigner son frère? Peu importe pour le moment, par ce geste, cette personne avait peut-être sauvé la vie de David. Elle ne pouvait pas lui demander de marcher plus d’une lieue dans les bois avec cette blessure. Elle devait absolument trouver un cheval. Déchirant un morceau de sa chemise, elle refit le garrot, s’assurant qu’il était bien en place. Un examen plus approfondi lui dévoila des côtes fêlées, ainsi qu’une légère entaille dans le cuir chevelu.
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— Je t’en prie, David! Réponds-moi! Tu ne dois pas mourir. Mère ne pourrait pas le supporter et moi non plus. Tu es mon frère préféré! — Je… seul frère… souffla-t-il, tout en tentant d’ouvrir les yeux. Mais il se sentait tellement épuisé. Il aurait aimé ne plus se réveiller et rester dans ce monde où la souffrance n’avait pas sa place. — Merci mon Dieu! s’exclama Isabelle en soupirant de soulagement. Elle l’embrassa sur le front. Cherchant à lui donner toute sa force, son réconfort. Elle n’avait jamais compris, comment David pouvait se rétablir aussi facilement de ses blessures. Cela tenait du miracle et en ce jour, elle en demandait un. — Pas… Dieu… juste David, reprit le jeune homme dans un murmure. — Tu es le plus idiot des frères, murmura Isabelle. — Mais je suis… ton seul frère. Il ouvrit enfin les yeux. Ils étaient d’un bleu incroyable. Il vit sa sœur penchée au-dessus de lui. L’inquiétude se voyait sur son visage et des larmes coulaient sur ses joues. Je ne vais pas mourir, murmura-t-il pour la rassurer. — Et j’ai bien l’intention que tu tiennes ta promesse. Elle lui caressa les cheveux. Je te demande pardon, David. J’aurais dû essayer de vous trouver en premier. — Ce n’est pas de ta faute! Il tourna la tête, ne voyant que des corps sur le sol. La vue de son ami Johnny lui tira des larmes. Il m’a sauvé la vie, murmura-t-il. — Je m’occuperai d’eux un peu plus tard. — Evan! C’était comme si les souvenirs lui revenaient. Evan! — Evan? Tu veux dire qu’Evan était avec toi! Elle se leva, tout en jetant un regard autour d’elle. Il était facile de le reconnaître. Il était aussi grand que David, des cheveux cendrés et très courts. Mais il n’était pas parmi les corps. — Je lui avais demandé de s’enfuir. J’espère qu’il s’en est sorti. Il ferma les yeux. Je suis si fatigué. Elle se pencha à nouveau près de lui. — Tu n’as plus rien à craindre. Je suis là. Je vais te ramener auprès de mère. David avait toujours été un garçon plein de vie et d’espièglerie. Donnant tout de lui-même, sans rien demander en retour.
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