Rêve et Réalité

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Marie-Clotilde Auzary

Rêve

& Réalité

Tome 1 Un nouveau monde





Rêve & Réalité Tome I Un nouveau monde



Marie-Clotilde Auzary

Rêve & Réalité Tome I Un nouveau monde



Chapitre 1 Mes 18 ans

Tout commença le jour de mes 18 ans, où une journée radieuse s’annonçait ! Des fois, on se lève et on sait que cette journée sera parfaite, que rien ne nous arrivera, en bref, que du bonheur. « Bonjour », je suis descendue dans la cuisine, une bonne odeur s’en échappait. Ma mère m’attendait avec un « bon anniversaire » joyeux. Un petit déjeuner de rêve, croissants, pains au chocolat, tartines grillées, jus d’oranges pressées, chocolat chaud, tout pour me faire plaisir et ravir mes papilles. « Merci beaucoup » lançai-je, « C’est excellent, mais il ne fallait pas te donner autant de mal », « Mais si » dit ma mère « Je voulais te faire plaisir, ce n’est pas tous les jours que l’on a 18 ans. Je me rappellerai toujours le jour où tu es née, les feuilles des arbres étaient d’un vert éclatant, les fleurs commençaient à éclore, les oiseaux chantaient, le soleil brillait, et une lumière vive traversa la pièce comme pour me dire que c’était l’heure, l’heure de ta naissance. Le 20 mars 1995 fut le plus beau jour de ma vie, ma petite princesse était enfin là, ma petite Rebecca ! » « Maman ! » dis-je sur un ton lassé. Ma mère me sortait la

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même chose toutes les années. J’étais fille unique, et vu que mes parents avaient divorcé depuis des années, je vivais avec ma mère qui faisait tout pour me rendre heureuse, et comme elle me le disait tous les jours « Tu es ma joie de vivre ». Mon père vivait en Inde, autant vous dire que je ne le voyais pas souvent vu que j’habitais en France. Quelques mails de temps en temps, une carte pour mes anniversaires et notre relation s’arrêtait là. Il était parti quand j’avais 5 ans, et j’avais très peu de souvenirs de lui, ce qui faisait qu’il ne me manquait pas vraiment. Ma mère s’occupait très bien de moi, elle était vendeuse dans un très grand magasin de vêtements et du coup c’était très pratique pour moi, j’avais une énorme garde-robe. 10

« Bon, tu ouvres ton cadeau, j’ai mis un moment pour le trouver mais je suis sûre que ça te plaira », dit ma mère d’un ton enjoué. Une petite boîte carrée se trouvait devant moi, « CA doit être un bijou » me dis-je dans ma tête. Et là j’ouvris, je trouvai des clés avec le nom de Cooper gravé dessus, je compris tout de suite de quoi il s’agissait, « Va voir dehors » me dit-elle, et là je sortis et vis la voiture de mes rêves. Une mini Cooper bleu turquoise. Je sautai dans les bras de ma mère « Merci maman, je suis trop contente, mais comment as-tu fait ? Cette voiture vaut une petite fortune » lui dis-je, « Ne t’inquiète pas pour ça, je me suis débrouillée, l’essentiel c’est qu’elle te plaise » me répondit-elle.


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Mon téléphone portable sonna. C’était ma meilleure amie, Julie, on se connaissait depuis nos 2 ans. Elle habitait à quelques maisons de chez moi, on était inséparable. — Coucou ma chérie, et bon anniversaire, me dit-elle, — Merci Julie, je suis trop contente ma mère vient de m’offrir la voiture de mes rêves, je suis trop pressée de la conduire, lui répondis-je. — Non, ce n’est pas vrai, tu as la mini ? On va pouvoir aller au lycée avec. — Oui enfin pas tout de suite, je n’ai pas encore le permis, je le passe que le mois prochain ! — Oui et bien il faut espérer, car ça serait dommage de continuer de prendre le bus, alors qu’une si jolie voiture t’attend. Au fait, Bastien vient ce soir. — Ah super, en tout cas j’espère que tu sortiras enfin avec lui car depuis le temps que vous vous courez après et qu’aucun de vous deux ne fait le premier pas. Surtout que dans quelques mois on passe le bac et fini le lycée normalement. — Oui, on verra, je suis timide, tu le sais ! Mais j’ai trop hâte de partir, car franchement j’en ai marre du lycée, vivement la fac et la liberté. Au fait tu en es où dans ta recherche de studio ? — Pour le moment je ne trouve pas grand-chose, c’est trop cher, mais bon je ne peux pas m’emballer non plus car si jamais on rate nos épreuves c’est mort. — Oui ce n’est pas faux, mais bon on a de bonnes notes ! — C’est vrai. — Je viens pour quelle heure cet après-midi ?

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— 16 h, comme ça on pourra préparer la fête tranquillement. — OK, ça marche. À tout à l’heure alors. Bisous. — Bisous. Ce soir, c’était ma fête d’anniversaire. J’avais invité tous mes amis, on serait une dizaine normalement. On avait prévu de la bonne musique, plein de trucs à manger et à boire et quelques accessoires pour se déguiser. C’est toujours cool de se déguiser, ça décoinçait un peu tout le monde et on se fichait du ridicule. Ma mère ne serait pas là, elle allait au cinéma avec une amie et devait rentrer tard normalement.

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16 h, Julie arriva, on commença à préparer la maison à l’arrivée de tout le monde. Guirlandes au plafond et sur les murs, ballons multicolores, spots de lumière et bonne musique ! Le salon était transformé pour une soirée. Nous étions assez fières du résultat, 3 h s’étaient écoulées, et il fallait que l’on aille se préparer. On enfila nos tenues choisies depuis 3 semaines, on se maquilla et on se coiffa ! Nous étions prêtes pour la soirée. 20 h, les invités ne devraient plus tarder maintenant. Ma bande d’amis arriva enfin avec un « Joyeux anniversaire » en cœur, les bras chargés de cadeaux. Parmi eux Tony, le mec sur qui on pouvait compter, toujours présent et à l’écoute. Il était en couple avec Britany, une fille trop cool, ils étaient danseurs, 5 ans de pratique derrière eux. Ils s’entraînaient durs, plus de 50 h


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par semaine ! Ensuite Mickael, le beau gosse un peu rebelle, guitariste, notre passion pour la musique nous avaient tout de suite rapprochés ; d’ailleurs on était sorti ensemble pendant plusieurs mois. Léa, la littéraire, toujours plongée dans ses bouquins, super cultivée. Et Max et Mathéo, les jumeaux, très gentils, l’un bassiste et l’autre batteur. Mickael, les jumeaux et moi avions formé un groupe de Rock, je composais les textes et eux la mélodie, on avait décidé de faire nos propres compositions, mais on ne s’était jamais produit devant un vrai public ! Malheureusement les études nous empêchant de nous voir souvent, nous avions arrêté. Enfin Bastien, un garçon de notre classe, très gentil et plutôt mignon dont Julie était complètement folle. Nous n’avions pas tous le même âge. Bastien, Mickael, Julie et moi étions au lycée saint Marc en terminale, alors que Britany et Tony étaient dans une école de danse à Paris, les jumeaux au conservatoire de musique de Paris et Léa était en fac de droit, la même où je souhaitais aller. Habitant à une heure de la capitale, on ne se voyait pas aussi souvent qu’on le voulait. Et cette fête d’anniversaire nous permettait de nous réunir. Tout le monde était là, on pouvait commencer la soirée. Musique, lumière, tout le monde se déchaînait au milieu du salon réaménagé en piste de danse pour ce soir. Tony faisait du hip-hop au milieu de tout le monde, on applaudissait en rigolant et Britany le rejoignit.

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Nos chansons préférées défilaient, nous chantions en nous amusant de ne pas connaître totalement les paroles et de dire un peu n’importe quoi. On commença à prendre les déguisements. Lunettes qui s’illuminent, vestes à paillettes, chapeaux difformes, tout le monde rigolait. Je pris plein de photos, pour garder tous ces bons moments à jamais. — Alors tu passes une bonne soirée ? Demandai-je à Julie. — Oui, super, tout le monde s’éclate, ta fête est réussie, par contre Bastien n’est toujours pas là, j’ai l’impression qu’il ne viendra pas, me répondit-elle. — Mais si, il va venir, il n’est que 22 h, il a le temps. — Oui tu as raison ! Tu devrais ouvrir tes cadeaux, tiens commence par le mien. 14

Alors je baissai un peu la musique, et pris le micro « Merci pour cette ambiance, je me souviendrai toujours de cette soirée ! Je suis tellement contente que vous soyez tous là ce soir, pour mes 18 ans, et que vous profitiez autant de cette soirée. Maintenant je vais ouvrir mes cadeaux, je vais commencer par celui de ma meilleure amie, Julie. » Je commençai à ouvrir le cadeau de Julie de forme rectangulaire au papier multicolore, Hypnose, mon parfum préféré, « C’est beaucoup trop, merci Julie » et je la pris fort dans mes bras. Je continuai d’ouvrir les cadeaux. Un massage dans un institut de beauté, un nounours, des vêtements, du maquillage, et beaucoup d’autres, j’étais gâtée. Je remerciai chacun de mes amis, et Mickael en dernier, car nous avions, malgré tout, gardé une relation un peu


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ambiguë. — Merci Mickael, lui dis-je. — Mais de rien Rebecca, me répondit-il, je voulais t’offrir un bijou au début puis j’ai pensé que ça ne serait pas trop approprié vu les circonstances. — Oui tu as raison, mais le cadeau que tu m’as offert, c’est une super idée, un petit moment de bien-être rien que pour moi, j’ai hâte. — Je sais que tu aimes ce genre de chose, tu te rappelles quand je t’en faisais. — Oui, je m’en rappelle, d’ailleurs tu te débrouillais bien. — Franchement, tu ne veux pas qu’on se remette ensemble. Je pense tout le temps à toi, tu me manques. — Je suis désolée mais on en a déjà parlé. — On était bien tous les deux. — Oui c’est vrai mais au bout de 3 mois, je n’étais toujours pas amoureuse de toi, je n’ai pas envie de te faire souffrir inutilement. — Je t’aime moi. J’ai envie d’être avec toi. Tes sentiments peuvent encore évoluer. — Oui peut-être, mais en attendant, je préfère rester ton amie, voir ce que l’avenir nous réserve. Et là il s’approcha, il mit ses mains autour de mon visage, il approcha son visage si doux vers le mien, mon cœur battait tellement fort, j’avais envie qu’il m’embrasse, mais au fond je savais qu’il ne fallait pas. Et à la porte, on sonna.



Chapitre 2 Lui

Comme un gong qui frappait, la sonnette retentit juste avant que ses lèvres ne touchent les miennes. Je le regardai, le fixai, pendant l’espace d’une seconde, dans ses yeux noir intense, puis reculai. Je partis dans l’entrée voir qui venait d’arriver. C’était Bastien. J’appelai Julie, qui accourut pour l’accueillir. Il me donna un cadeau, je l’ouvris, c’était une compil de CD de rock, mon style de musique préféré. — Merci Bastien, ça me fait très plaisir que tu sois venu, on avait peur que tu ne viennes plus en voyant les heures passées. — De rien Rebecca, c’est normal ! Et désolé pour le retard je suis allé chercher mon cousin à la gare, il va finir l’année scolaire avec nous, je vous présente Raphael, dit Bastien. — Salut Bastien, ça va ? dit Julie. — Oui, bien et toi ? Tu as vu je suis venu finalement, lui répondit Bastien. — Oui, c’est bien, lui répondit-elle timidement. Et ils partirent discuter un peu plus loin. Derrière la porte se tenait Raphael, que je voyais peu. Il se tenait là, dans l’obscurité, peut-être était-il timide, je

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l’invitai à entrer. — Salut Raphael, moi c’est Rebecca, je t’en prie, entre. — Bonjour Rebecca. Le garçon entra, et je découvris enfin son visage. Une beauté à couper le souffle, je ne savais plus quoi dire, il m’intimidait. Est-ce que ça venait des ses yeux vert clair enivrants, de ses cheveux noirs mi-longs ou de sa bouche pulpeuse d’un rose éclatant. Mes pensées divaguaient, je ne savais plus où j’étais, je ne le connaissais pas et pourtant il faisait déjà partie de moi, je ne voulais plus qu’une chose, lui. J’en oubliais même que quelques secondes avant, Mickael et moi allions nous embrasser et peut-être nous remettre ensemble. Tout cela semblait loin comme superflu, quelqu’un qu’il ne me fallait plus, quelqu’un dont je n’avais plus besoin. La seule personne qui donnait un sens à ma vie, c’était Raphael. Perdu dans mes pensées, je n’entendais plus rien, j’avais l’impression que des heures s’écoulaient, là, à le contempler, et qu’il n’y avait que nous dans cette pièce. Une peau si parfaite, une voix enivrante, un être si irréel. Et pourtant la réalité était là. C’était ma fête d’anniversaire, tous mes amis étaient là, à danser juste à côté, Mickael qui m’observait à quelques mètres d’ici et lui, était là, à regarder ma maison sans bouger, un être mystérieux qui m’intriguait tant. Je ne savais pas ce qui venait de se passer, mais je savais une chose, je ne voulais plus vivre une journée sans le voir.


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Il brisa le silence que j’avais installé sans même m’en rendre compte. — Alors comme ça tu fêtes tes 18 ans aujourd’hui ? Me demanda-t-il. — Euh oui, répondis-je automatiquement. — Bon anniversaire ! — Merci, lui répondis-je un peu gênée ! — Il ne faut pas t’absenter de ta fête pour moi, je vais trouver ma place. — Euh non ne t’inquiète pas, j’étais dans mes pensées, tu veux boire quelque chose ? — Oui, s’il te plaît. — Alors comme ça tu vas finir ta scolarité dans notre lycée ? — Oui, je serai dans la classe de Bastien. — Ah, donc on sera ensemble, c’est bien, je suis contente. Il me lança un sourire, le genre de sourire auquel vous ne pouvez que succomber. Je ne savais pas ce qu’il me faisait, mais j’étais comme envoûtée à le regarder, comme s’il était un être supérieur et que je devais le vénérer. — Tout va bien ? Me lança-t-il. — Euh, oui, pardon je ne sais pas ce qu’il m’arrive, je ne me sens pas moi-même. C’est sûrement l’alcool, deux verres et je suis pompette, lui répondis-je en rigolant. — Je ne bois jamais, comme ça je garde toujours le contrôle de moi-même ! — Oh mais moi aussi, sauf que là je voulais arroser mon anniversaire. Nous retournâmes dans le salon, là où la fête continuait,

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et Mickael me regarda comme si je venais de le trahir, de l’abandonner. Il était vrai que j’aimais beaucoup Mickael, mais quelques secondes venaient de changer ma vie. Raphael m’avait changé, je ne sus comment ou pourquoi, mais je n’étais plus la même et je le sentais.

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1 h du matin, pratiquement tout le monde était parti, Mickael ne m’avait même pas dit au revoir. Seuls Bastien et Julie étaient encore là dans un petit coin du salon en train de s’embrasser, ils sortaient enfin ensemble, après s’être dit ce qu’ils ressentaient l’un envers l’autre. Et plus loin, vers la fenêtre se tenait Raphael debout, à observer le ciel. — Tu as passé une bonne soirée ? lui demandai-je un peu bêtement. — Oui merci, tes amis sont très gentils. J’ai l’impression que mon cousin a enfin dit ce qu’il pensait, me répondit-il en souriant. — J’ai l’impression oui, je suis contente pour eux. Et sinon tu es avec quelqu’un ? Cette phrase sortit de moi sans le vouloir. Je ne savais pas pourquoi je lui avais demandé ça, je savais très bien qu’il ne pouvait être célibataire. — Non, me répondit-il en rigolant. — Euh, désolé, je ne voulais pas être indiscrète. Et nous nous regardâmes, moi plongée dans son regard si pétillant et lui avec un regard protecteur. Je ne sus ce qu’il se passait à cet instant, mais j’eus l’impression de le connaître depuis toujours, comme s’il avait toujours été présent


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dans ma vie. Il me fascinait, me captivait, me capturait, m’enivrait, j’avais des tas de questions qui me traversaient l’esprit et je ne savais par où commencer. Il était célibataire ! Je voulais être avec lui, il fallait donc qu’il veuille de moi. Mais pourquoi est-ce que lui, un être aussi parfait voudrait-il de moi qui suis si insignifiante ? Sans même m’en apercevoir, Julie et Bastien étaient à côté de nous. Julie m’avait parlé et ses paroles semblaient très lointaines. — On y va Rebecca. — Pardon, tu me disais, lui répondis-je tout abasourdie. — Je te disais, on part. — Ah oui, merci encore, cette soirée était géniale, j’ai pris plein de photos, je vous les ferai passer. — OK pas de souci ! À lundi alors. — C’est ça à lundi. Je me tournai vers Raphael, le regard rêveur, il me fit un grand sourire, il me dit « A lundi » et ils partirent. Je le regardai franchir ma porte et quitter ma maison. Il n’était plus là ! En rangeant, je repensai à la soirée, et tous ces bons moments qui étaient passés si rapidement, et à lui qui me manquait tellement déjà. Lundi me paraissait une éternité, comment pourrai-je passer un jour sans lui ? Dimanche, 13 h, je me réveillai enfin, heureuse de cette soirée mémorable. J’avais l’impression d’avoir rêvé comme si certains passages n’étaient qu’illusion.

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Raphael, l’avais-je imaginé  ? Avais-je rencontré cet homme, cet être si mystérieux et énigmatique ? Je ne savais le dire, je ne dissociais plus la réalité de l’imaginaire, si je dormais ou si j’étais éveillée ! Puis machinalement, je me dirigeai vers mon ordinateur, et me mis à regarder les photos que j’avais prises pendant la soirée. En les défilant, je rigolai toute seule de certaines images, où on voyait les jumeaux avec des vestes à paillettes vert pomme et des lunettes roses qui scintillent, Tony et Britany faisant du hula hoop, Bastien donnant son premier baiser à Julie, Mickael me fixer avec tendresse et Raphael, lui, il était là, bien réel, sur une de mes photos, je ne l’avais donc pas imaginé. Étrangement, il regardait mon objectif, comme s’il avait su que je l’avais pris à cet instant, un regard angélique. J’imprimai la photo, et la collai sur mon armoire pour l’avoir toujours en vu, voir qu’il était bien réel. Quand je descendis, ma mère était dans la cuisine en train de préparer le repas, un rôti de bœuf accompagné de champignons. Ça sentait bon ! Elle me demanda comment s’était passée ma soirée, je lui racontai, mais bizarrement, je ne lui parlai pas de Raphael comme si ça m’était interdit. J’avais l’impression qu’il fallait que je le garde pour moi, comme si c’était un secret. Après avoir mangé, je remontai dans ma chambre faire mes devoirs pour le jour suivant. Mais, mes pensées n’étaient pas là, et je ne faisais que regarder cette photo qui me cap-


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tivait. Même à travers ce papier je ressentais une intensité dans son regard. Comme si à travers ses yeux il me faisait passer un message. Plus que quelques heures et je retournerai au lycée, me reconnaîtrait-il ? M’aurait-il déjà oublié ? J’espérais qu’à cet instant il pensait à moi, qu’il avait ressenti la même chose que moi, mais cela était impossible. Il n’était là que pour un temps, pourquoi s’intéresser à quelqu’un, à moi ? Pourquoi me voudrait-il ? Je n’avais jamais eu autant envie de retourner en cours, j’étais pressée ! Je voulais raconter tout ça à Julie, ma meilleure amie, ma confidente. Mais ça ne serait plus pareil, elle était en couple maintenant. Quand j’étais avec Mickael, je l’avais un peu délaissé, et je m’en étais voulu. Pourtant je n’avais pas réussi à aimer Mickael, on se ressemblait tellement, peut-être trop ! Nous n’étions sûrement faits que pour être amis et non en couple. Avec Raphael, c’était autre chose, je ne savais pas comment décrire ça ! C’était tellement différent, il était différent. Il m’intimidait mais en même temps j’avais l’impression de me redécouvrir quand j’étais avec lui, de ne plus être la personne que je croyais connaître, que je croyais être et cette sensation m’excitait quelque part ! Imaginer que l’on est quelqu’un d’autre. Perdu dans mes pensées, mon portable sonna, je venais de recevoir un SMS de Mickael – Salut, je voudrai que l’on

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discute de ce qui s’est passé hier, on se retrouve demain à 12 h devant le self. Je t’embrasse fort – Il m’aimait, il n’y avait aucun doute, nous pourrions nous remettre ensemble et voir si les choses évoluaient, si seulement, lui, n’existait pas ! Je pris mon portable et lui répondis – salut, je suis d’accord, il faut que l’on parle, à demain. Bisous –


Chapitre 3 Une présence

Lundi 6 h 30, mon réveil sonna, mais j’étais déjà réveillée. J’avais peu dormi, trop de questions se bousculaient dans ma tête ! Des réponses, il me fallait des réponses, mais par où commencer. Je savais qu’à 12 h il faudrait que je rejoigne Mickael, et que l’on éclaircisse enfin la situation. Mais je ne savais pas ce que j’allais lui dire, mes pensées étaient indécises. Et Raphael, quelles seraient mes réactions face à lui ? Nous allions toute la journée être ensemble dans les mêmes classes, apprendre à nous découvrir. Peut-être n’était-il pas aussi intéressant que je ne le pensais. Mais il avait quelque chose de particulier et je comptais découvrir ce que c’était. 7 h 50, je venais d’arriver au lycée, Julie m’attendait dans notre coin habituel mais il y avait Bastien aussi, collé à ses lèvres. Un homme se tenait de dos à côté de lui. Quand il se retourna, je m’aperçus qu’il s’agissait de Raphael. Son allure était si masculine, si virile, par rapport aux autres mecs du lycée.

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Je les rejoignis d’un pas rapide, Raphael me regarda jusqu’à ce que je sois à leur côté. — Salut tout le monde, lançai-je. — Salut, me répondirent Julie et Bastien. — Bonjour Rebecca, tu as passé un bon dimanche ? me demanda Raphael. — Oui merci, je lui lançai un sourire. Vous voulez venir chez moi après les cours ce soir pour regarder les photos ? — Pas de souci, me dit Julie, on sera là. Tu as compris ton exercice de math ? Moi pas grand-chose, en plus je n’avais pas la tête à ça hier. — Pareil, de toute façon la prof ne regarde jamais. Puis je m’adressais à Raphael. — J’espère que tu te plairas ici, tu verras les gens sont plutôt cool, on se sent vite intégré. — Je ne me fais pas de souci, me dit-il en rigolant. Il avait une telle assurance, comme si rien ne lui faisait peur. Nous discutâmes tous ensemble jusqu’à ce que la sonnerie retentisse. Premier cours, 8 h, on commençait par l’histoire-géo, rien de plus ennuyeux. Raphael était déjà installé à une table, seul. Julie et Bastien s’étaient mis à côté. D’habitude Julie et moi étions toujours ensemble en cours, mais les choses avaient changé, et il fallait que je m’habitue au fait qu’elle était en couple maintenant. Raphael comprenant la situation, m’invita à m’asseoir à côté de lui, ce qui me fit extrêmement plaisir. J’étais moins intimidée par lui que la première fois où je


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l’avais vu, je me sentais à ma place à ses côtés dans cette classe. Le professeur arriva et le cours commença, je n’étais pas vraiment attentive à ce qu’il disait. Je n’avais qu’une envie, tourner ma tête et le regarder. Regarder sa beauté, son regard si poignant et son sourire si charmeur. — Je suis content de te connaître, me murmura-t-il à l’oreille. Je penchai ma tête et le regardai avec un sourire immense pour lui faire comprendre que c’était réciproque. La fin du cours sonna, et il me lança « ça te dirait qu’on fasse plus connaissance ? On pourrait sortir un de ces soirs. » Je restai là, muette, tellement surprise par son invitation ! Mon cœur bouillonnait, j’attendais tellement cette phrase. « Oui avec plaisir », lui répondis-je heureuse. « Je demanderai à Bastien où je peux t’emmener, dans un lieu qui soit digne d’un rendez-vous. » Je n’en revenais pas, j’avais un rencart avec le mec que je désirais le plus au monde, c’était le paradis. La matinée passa vite au côté de Raphael, nos regards complices en disaient long sur notre relation future. Dans tout ça, je me rappelais qu’il fallait que je rejoigne Mickael à 12 h. Je n’avais pas très envie de me confronter à lui mais il fallait mettre les choses au clair. Dans un sens, je l’aimais beaucoup, mais comme un ami et c’était bien mieux comme ça. J’avais très envie d’être avec Raphael et je me fichais roya-

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lement de ce qui pouvait arriver dans le futur. À ses côtés je n’avais peur de rien et pourtant je le connaissais à peine. Tandis qu’avec Mickael, tout me paraissait plus compliqué, il était un ami, sûrement le meilleur que j’avais, car nous nous ressemblions énormément, peut être trop. Avant de rencontrer Raphael, je ne savais pas ce qu’était un coup de foudre, le désir, et même l’amour, c’est pour ça que la relation que j’avais eue avec Mickael me semblait si anormale.

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— Salut Rebecca, toujours aussi belle, me dit Mickael. — Salut, merci c’est gentil. Bon écoute, j’ai bien réfléchi et je ne veux pas que l’on se remette ensemble. — Mais pourquoi ? On était si bien tous les deux, tu ne peux pas dire ça ! — Non Mick, je ne pense pas que mes sentiments soient aussi forts que les tiens. Je ne suis pas amoureuse de toi. Tu es un ami super, et je pense m’être perdue dans notre relation amicale. — Quoi ? Donc pour toi ce n’était qu’un jeu en fait ? — Non pas du tout. J’ai eu des sentiments, que j’ai toujours d’ailleurs, mais c’est de l’amitié pas de l’amour, j’ai tout mélangé et je m’en rends compte maintenant. Tu es un mec super et je t’apprécie énormément, mais je ne veux pas être avec toi. Je serai tellement contente que l’on reste ami comme on l’a été avant que tout ça ne dérape. — Je suis un peu sonné là ! Je n’en reviens pas. Je ne pensais pas que tu me dirais ça un jour. En fait, tu ne m’as jamais aimé. Tu me dégoûtes. — Non, ne le prends pas comme ça s’il te plaît. Je


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comprends que tu sois fâché et je vais te laisser le temps qu’il te faut pour avaler tout ça, mais ne tire pas un trait sur notre amitié, elle compte beaucoup pour moi et je suis sûre que pour toi aussi mais là tu es sous le coup de la colère. — Oui pense ce que tu veux pour soulager ta conscience ! — Mick ! Il ne me répondit pas, il était si énervé, c’était un mec impulsif, et je le savais ! Il partit de l’autre côté de la cour et je le laissai s’en aller sans rien dire. Je préférai lui laisser du temps pour réfléchir à tout ça. Mickael était un mec super, et tout cela était ma faute, je me devais d’essayer de conserver notre amitié car elle était importante à mes yeux. L’après-midi passa en un éclair au côté de Raphael, mais je repensais à ma dispute avec Mickael, ses paroles m’avaient blessée, mais je ne pouvais pas lui en vouloir après ce que je lui avais annoncé. Comme prévu, Julie, Bastien, Raphael et moi rentrâmes chez moi après les cours. Ils montèrent tous dans ma chambre. C’était la première fois que des garçons rentraient dans ma chambre, même Mickael n’y avait jamais été. Et là, je pensai que j’avais laissé ma photo de Raphael accrochée sur mon armoire et qu’il devait l’avoir vu. Mais ma photo n’était plus là, je ne sus si c’était ma mère qui l’avait enlevé ou si elle était tombée, en tout cas j’étais soulagée. Nous nous posâmes sur mon lit et nous commençâmes à

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regarder les photos, nous rigolâmes beaucoup. Raphael était posé juste à côté de moi, nos corps côte à côte, ça me perturbait, et m’excitait à un point.

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Je n’avais pas embrassé beaucoup de mecs dans ma vie, mais là j’en ressentais l’envie, je ne pensais même plus qu’il y avait Julie et Bastien, je ne pensais plus qu’à lui posant ses douces lèvres sensuelles sur les miennes, effleurant mon visage avec ses mains, s’allongeant auprès de moi et passant des heures dans mes bras. Mes pensées furent rompues par Julie qui me parlait depuis un petit temps déjà. — Tu es complètement à la masse depuis quelque temps, me dit-elle. — Euh oui, lui répondis-je en rigolant, je pensais à quelque chose. Alors ces photos, énormes non ? — Oui il y a de gros dossiers, je vais les envoyer aux autres. Les garçons parlaient entre eux, et Julie me demanda comment s’était passée ma discussion avec Mickael. Je lui racontai, et elle me dit de lui laisser du temps, qu’il avait réagi comme ça car il avait été blessé. Ce que je comprenais tout à fait. Ils partirent avant que ma mère ne rentre du travail, et je descendis préparer à manger. Ce soir, ça serait une quiche maison. Généralement, je prenais tout ce qui traînait dans le frigo et le mélangeait ! Œuf, crème, lardon, fromage de chèvre, quelques


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pommes de terre, le tout dans une pâte feuilletée et au four. Alors que je mettais la table, je sentis comme une présence à côté de moi, comme si on m’observait, c’était très étrange. Un frisson envahit mon corps, un murmure frôla mes oreilles. Quelqu’un venait de me parler, je ne le voyais pas, ne comprenais pas ce qu’il disait, mais il y avait quelqu’un, j’en étais sûre ! Ma mère rentra enfin du travail, et toutes ces sensations s’évaporèrent d’un coup. — Bonjour ma fille, hum ça sent bon, qu’as-tu préparé ? Me demanda-t-elle. — Bonjour Maman, j’ai fait une quiche. Je vais finir de mettre la table. Je repensai à ces quelques minutes qui venaient de passer, et ne trouvai aucune explication. N’y avait-il rien à dire ? Peut-être que mon imagination débordante m’avait joué des tours. J’aimais beaucoup la science-fiction, le fantastique, et j’aimais à croire qu’il existait des choses surnaturelles sur cette terre. Ça rendait ma vie plus pétillante. Par exemple, pour moi les personnes qu’ont dit des « guérisseurs », j’étais sûre qu’en fait, ils avaient des pouvoirs magiques, mais les gens préféraient appeler ça des « dons ». Ou quand parfois on marchait dans la rue, et qu’on croyait que quelqu’un venait de nous frôler alors qu’il n’y avait personne dans la rue. J’étais sûre que c’étaient des esprits qui étaient restés sur terre. Une fois avec Julie et Britany, on avait essayé de rentrer en contact avec les esprits, en mettant une tablette en bois

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gravée des lettres de l’alphabet, et ma fenêtre avait craqué au même moment. Je ne vous explique pas la peur qu’on avait eue. Du coup on avait vite rangé tout ça et on s’était mise au lit, mais impossible de dormir, on avait trop peur ! Le lendemain on avait bien rigolé en y repensant. On m’a toujours dit, « on voit que ce que l’on croit », donc je partais du principe que si je croyais aux esprits et au surnaturel, tout cela viendrait à moi. Mais c’était plus facile à dire qu’à faire car je n’avais jamais eu de réelle preuve de quoi que ce soit.

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Après avoir mangé, je remontai dans ma chambre, en pensant à Raphael et à la soirée que l’on allait passer ensemble ! Où pourrait-il bien m’emmener ? De toute façon peu importe l’endroit où nous irions, je savais que ce serait parfait. La semaine passa vite, j’avais parlé de mes sentiments pour Raphael à Julie qui était tout emballée à l’idée de faire des sorties à quatre. J’avais enfin eu le numéro de portable de Raphael, nous avions fixé notre rendez-vous pour samedi soir au restaurant japonais « Chez Wing » pour 19 h 30. J’avais déjà appris pas mal de choses sur lui, je savais qu’il était venu ici car son père, son unique parent, avait dû partir aux États-Unis d’urgence pour régler une affaire importante, il ne s’était pas étalé là-dessus. Et son oncle et sa tante, les parents de Bastien, lui avaient proposé de venir ici le temps que son


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père revienne. Il ne m’avait pas beaucoup parlé de sa vie, il n’était pas trop bavard sur ça, il aimait mieux parler de l’instant présent. Toutes les conversations que l’on avait eues étaient captivantes, c’était un homme, un vrai et non pas un adolescent mal dans sa peau qui ne s’intéressait qu’aux jeux vidéo et aux filles. Je me sentais bien avec lui, j’avais l’impression que le monde s’ouvrait à moi. Notre rendez-vous était là, j’étais vêtue de ma robe marron préférée. Mes cheveux longs châtains retombés en boucle sur ma poitrine, j’avais maquillé mes yeux noisette avec du fard cuivré, du crayon noir et du mascara noir, un peu de blush couleur pêche sur mes joues, et un gloss légèrement cuivré sur mes lèvres. J’étais prête.



Chapitre 4 Notre rendez-vous

Je pris le bus jusqu’au centre-ville pour le rejoindre devant le restaurant où il m’attendait, il portait un jean noir, et j’aperçus une chemise bordeaux sous sa veste. Il me tendit la main et m’invita à entrer, une table nous était réservée, je trouvai ça très romantique. J’étais déjà venue manger ici avec mes amis, mais j’avais l’impression de redécouvrir le lieu. Tout était différent. Avec eux, on y allait pour passer un bon moment entre amis et là c’était pour un rendez-vous avec un homme, lui, Raphael et du coup rien de semblait pareil. Je n’avais jamais vu qu’il y avait des fleurs au centre des tables, une musique asiatique douce, et même un espace dédié au couple avec des tables pour deux personnes. Je m’étais arrêtée à la décoration rouge et noir, que j’aimais beaucoup, aux buffets à volonté et à l’ambiance karaoké des vendredis soirs. Nous nous installâmes enfin sur notre table où se trouvait une petite composition centrale d’orchidées. Raphael fut très galant, il poussa ma chaise pour que je m’y assoie et me tendit la carte, que je découvris également. Le restaurant servait des menus, pour moi c’était une

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nouveauté. — Tu as fait ton choix ? Me demanda Raphael. — Euh, non, pas encore ! Je ne savais pas qu’ils faisaient des menus, d’habitude je prends toujours le buffet à volonté. — Oui je sais, Bastien m’a raconté vos petites soirées karaoké. Ça doit être marrant. — Oui ça l’est ! Il faudra que je te fasse découvrir ça avant la fin de l’année. — Oui, ou peut-être après. — Comment ça ? — Je vais rester ici pour un bon moment si tout se passe bien. — C’est vrai, mais comment ça se fait ? lui demandai-je en souriant. — Et bien il se trouve que mon père va rester beaucoup plus longtemps que prévu aux USA, donc je m’installe ici pour un bon bout de temps normalement. — Je suis vraiment contente ! Je pensais déjà au fait que tu partirais en fin d’année après les examens et sincèrement ça m’attristait. — Ne t’inquiète plus pour ça, me dit-il en me prenant la main qui était posée sur la table, on ne va pas se quitter de si tôt ! Quand j’entendis ces paroles, je me dis que lui aussi voulait être avec moi, qu’il avait ressenti la même chose que moi ! Nous étions si proches, j’avais tellement envie qu’il m’embrasse. Je savais qu’il attendrait de me raccompagner chez moi pour le faire, maintenant j’en étais sûre. Nous commandâmes tous deux le même menu, avec des


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nems en entrée, du porc au caramel accompagné de nouilles en plat chaud et d’une glace coco en dessert. Le repas se passa très bien, nous parlâmes de ce que nous voulions faire après la terminale, il me dit qu’il ne voulait pas continuer les études et chercher du travail, alors que moi je voulais aller en fac de droit. Nous avions beaucoup de centres d’intérêt communs. — Oui, je crois au paranormal, la vie serait bien triste sinon ! Juste des humains dans l’univers, ça me semble impossible, me lança-t-il. — Oui, je suis bien d’accord, d’ailleurs, l’autre jour. Ne te moque pas de moi, lui dis-je. — Non ne t’inquiète pas. — L’autre jour, j’étais en train de mettre la table quand j’ai senti comme une présence à côté de moi, un murmure également, comme si on essayait de me dire quelque chose. Ça peut paraître bizarre, mais je suis sûre que je n’étais pas seule dans la pièce. — Je te crois, il m’est déjà arrivé la même chose il y a un an. — C’est vrai, explique-moi. — Une autre fois, d’accord ? Me dit-il un peu gêné. — Comme tu veux ! Nous sortîmes du restaurant et marchâmes jusqu’à chez moi en parlant de Bastien et Julie, mais également de Mickael, les sujets tournaient autour de ma vie, alors que Raphael esquivait un peu la sienne comme s’il ne voulait pas que je sache qui il était. Arrivés devant chez moi, nous nous assîmes sur les

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escaliers devant la porte et il me fixa comme il savait si bien le faire. Je crus à cet instant qu’il allait m’embrasser, mais il n’en était rien. — J’ai passé une excellente soirée avec toi ! Me dit Raphael. — Merci, moi aussi, lui répondis-je d’un ton dégoûté. — On s’entend vraiment bien, ça me fait plaisir. — Moi aussi. Avec toi, j’ai de vraies conversations au moins, tu n’as même pas 18 ans, et tu es si mature. — En fait, j’ai 19 ans, je suis né le 15 mars 1994. Je suis en terminal, car j’ai attaqué l’école un an après tout le monde. — D’accord, je ne savais pas. C’est drôle à 5 jours près on était du même jour, avec un an d’écart par contre. — Oui, drôle de coïncidence. Bon je vais rentrer. — Tu veux que j’appelle un taxi ? Car il n’y a plus de bus à cette heure. — Non c’est bon je vais rentrer à pied. — A pied, mais Bastien habite loin d’ici. — J’ai l’habitude des grandes distances, ne t’inquiète pas. — OK, comme tu veux. Et là, il s’approcha et me fit une bise sur la joue. « Bonne nuit » me lança-t-il du bas de mes escaliers. Je rentrai chez moi en me précipitant à la fenêtre du salon pour le voir, mais il n’était déjà plus dans la rue, « il doit marcher très vite » pensai-je. Je montai dans ma chambre déçue de cette fin de soirée. Ce rendez-vous avait été si merveilleux, que je ne comprenais pas pourquoi il ne m’avait pas embrassé. Je


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n’avais peut être pas compris le but de cette soirée, peut être voulait-il juste mieux me connaître pour se faire une amie ici. Je m’étais fait de faux espoirs ! Au moins maintenant je savais à quoi m’en tenir. Sans le contrôler, des larmes de déception montèrent à mes yeux et coulèrent le long de mes joues, je l’aimais tellement et lui ne me voyait que comme une simple amie. Je compris à cet instant ce que Mickael avait dû ressentir lundi, et avait encore plus mal à l’idée de ce que je lui avais fait endurer. C’était pire, j’avais joué avec ses sentiments, et je m’en rendais compte. La nuit passa sous une pluie battante et un vent incontrôlable. Nous étions rentrés à temps avant la tempête qui s’était abattue sur la ville. Je pensais à Raphael qui était rentré à pied sous la pluie sûrement, je voulais lui envoyer un message, mais il était 5 heures du matin et il devait dormir. Je me levai à 9 h, la tempête avait cessé. Je regardai par la fenêtre, et vis des branches d’arbres un peu partout sur la route, et des tas de débris. Le vent avait fait des dégâts. À l’extérieur, sur le carreau de ma fenêtre, était collé un papier blanc, je le pris. C’était la photo de Raphael que j’avais collé sur mon meuble une semaine avant. Comment était-elle arrivée là ? Peut-être ma mère l’avaitelle mise à la poubelle, et que le vent me l’avait renvoyée. C’était l’explication la plus plausible, et de toute façon je

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n’en voyais pas d’autres.

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Dans l’après-midi je partis rejoindre Julie dans le parc, et lui racontai mon rendez-vous avec Raphael. — Si ça se trouve, il voulait t’embrasser et a pensé que c’était trop tôt ! Me dit Julie. — Oui, tu as peut-être raison. Je m’emballe peut-être un peu vite. Mais j’ai été tellement déçue, lui répondis-je. — Oui je comprends. Je trouve que tu t’es un peu trop vite attachée à lui. Que tu veuilles sortir avec lui, OK, mais l’aimer c’est autre chose. — Oui ça paraît fou, mais c’est vrai. Je l’aime, je n’y peux rien. Dès que je l’ai vu j’ai eu le coup de foudre, malheureusement, il n’est pas réciproque. — Tu n’en sais rien. Attends de voir comment cette semaine va se passer. Je suis sûre qu’il va te réinviter à sortir. Et au pire, prends les devants et embrasse-le. — Non, ce n’est pas mon genre, et puis je trouve tellement plus romantique quand c’est le mec qui embrasse en premier. Le premier baiser, c’est le premier contact, le premier lien en quelque sorte, il se doit d’être magique. — Quand Bastien m’a embrassé pendant ton anniversaire, j’étais complètement ailleurs, j’en avais même oublié où j’étais. En plus j’adore ses lèvres, elles sont trop douces. — Ah, je t’envie, mais je suis contente pour toi, c’est un mec super. — Merci c’est gentil. Mais ne t’inquiète pas, ton tour viendra, j’en suis sûre et même si ce n’est pas Raphael, tu trouveras la bonne personne un jour. On est jeune, on a le


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temps d’aimer, il ne faut pas toujours précipiter les choses. — C’est vrai, tu as raison. — Bastien nous rejoint dans 5 minutes. Raphael sera peut-être avec lui. — Oui peut-être. 5 minutes plus tard, Bastien arriva accompagné de Raphael, ils nous dirent bonjour, et nous nous assîmes à un banc. Nous parlâmes pendant 1 h, sans voir le temps défiler, et Julie et Bastien décidèrent de partir, nous laissant, Raphael et moi, seuls sur le banc. — Sacrée tempête hier, me dit-il. — Oui, la route principale a même été fermée pendant 1 h à cause d’un arbre tombé, lui répondis-je. — Il y en a souvent ? — Non, c’est bien la première fois qu’il y en a une aussi puissante. Il ne me répondit pas, l’air pensif. — Samedi soir, on va tous au bowling, tu veux venir ? lui demandai-je. — Oui avec plaisir, merci. Tu sais hier soir, je sais que tu t’attendais à autre chose mais je ne peux pas, me dit-il. — Comment ça ? — J’avais très envie de t’embrasser, tu me plais beaucoup, mais je ne peux pas. — Oui et j’en ai toujours très envie. — Oui moi aussi. — Et bien pourquoi ne le fais-tu pas ? — Je ne peux pas, c’est comme ça.

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— Je ne comprends pas ! Personne ne te l’interdit. J’en ai envie, toi aussi, où est le mal ? — Ce n’est pas si simple, on ne peut toujours faire ce que l’on veut. Pour le moment je ne peux pas t’en dire plus, et déjà en te disant ça, je t’en dis trop. — Je suis perdue là. De quoi parles-tu ? — Tu le seras bien assez tôt. Je le regardai, assis sur ce banc et je restai sans voix. Je ne comprenais pas ce qu’il venait de se passer. Il voulait être avec moi, mais quelque chose ou même quelqu’un l’en empêchait. — Et bien, en tout cas rien ne nous empêche d’être ensemble, et le plus souvent possible, lui lançai-je. — Oui et je me dois d’être avec toi de toute façon. Et je le pris dans mes bras, et il me serra fort contre lui. Je sentis son cœur qui battait fort, et il me murmura « Nous serons toujours ensemble. » Ces mots venaient de me procurer d’une joie immense. Mais pendant que nos deux corps étaient collés, je sentais une sensation bizarre qui essayait de m’éloigner de lui, sensation qui disparut lorsque nous nous éloignâmes. Lundi, la semaine de cours commençait, Mickael ne me parlait toujours pas ! Quant à Raphael et moi, nous étions plus proches que jamais sans que rien ne puisse se passer. Tous ces mystères autour de lui, toutes ces choses qu’il ne me disait pas, qu’il me cachait pour mon bien apparemment. Je voulais savoir de quoi il s’agissait !


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Et puis son père qui avait dû partir subitement à l’autre bout du monde et qui devait y rester, c’était bizarre. La nuit, je rêvais de choses étranges où Raphael apparaissait comme un être doté de pouvoir qui me ramenait vers le droit chemin, vers la vérité. Ces rêves semblaient si réels que quand je me réveillais je me demandais si j’étais encore dans un rêve ou si j’étais éveillée. Les vacances arrivèrent pour mon plus grand soulagement. Depuis quelque temps, j’étais fatiguée, j’avais souvent la tête ailleurs, Raphael était toujours présent, et me disait que ça devait venir des cours qui étaient de plus en plus intenses ce qui me semblait cohérent. Mais malgré tout, je ne me sentais pas dans mon assiette, comme si j’étais malade sans avoir aucun symptôme, c’était une sensation étrange que je ne pouvais expliquer. Ce soir, nous allions tous au bowling. Je n’étais pas très douée, mais l’essentiel était de s’amuser. La soirée démarra, nous étions sur le jeu 9, mon chiffre porte bonheur, je me dis que ça allait me porter chance. Bastien commença, 8 quilles du premier coup, et il termina par un spare, il était doué ! Au tour de Julie qui mit sa première boule à côté, ce qui nous fît rigoler, et 3 quilles sur le coup suivant. Ce n’était pas son fort. Puis mon tour, j’allai chercher une boule. Je prenais

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toujours la violette, mais au moment de la prendre elle me parut plus lourde que d’habitude. Je la lançai et eus 6 quilles, puis 2. Je m’étais pas mal débrouillée. Mais j’eus comme un grand coup de fatigue après avoir joué et fût contente d’avoir terminé mon tour. Enfin Raphael tira et fit un strike ! Les tours continuèrent mais je me sentais de moins en moins bien, j’avais la tête qui tournait, et je sentais mon corps très lourd, et chaque boule lancée me semblait peser 10kg. Quand je me levai pour prendre la boule pour mon 6e tour, je la lâchai sur le sol et tombait par terre. J’étais inconsciente. Je sentais les gens autour de moi s’agiter, Julie qui paniquait, Bastien allant chercher quelqu’un. J’avais les yeux fermés, tout était si noir, et pourtant je vis un point blanc grandir de plus en plus et entendit la voix de Raphael « réveille-toi Rebecca » et instantanément je me réveillai. Ses paroles avaient été comme un électrochoc. Je ne me rappelai pas ce qui venait de se passer. Nous rentrâmes chez moi, et Raphael me raccompagna à ma chambre sans réveiller ma mère car je ne voulais pas qu’elle soit au courant. Elle s’inquiétait toujours très rapidement. — Ça va mieux ? Me demanda Raphael. — Oui merci ! J’ai peut-être trop forcé au bowling, rien de grave. Je suis fatiguée en ce moment, lui dis-je. — Repose-toi, dans quelques jours tu seras en plein forme. — Je vais me reposer. Merci. J’ai envie que tu restes avec


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moi. — J’aimerais beaucoup, mais je ne pense pas y arriver. — Comment ça ? — Patiente Rebecca, et tu auras réponse à toutes tes questions. Dors. Et il quitta ma chambre en fermant délicatement la porte sans faire de bruit.



Chapitre 5 Révélation

Les rayons du soleil traversèrent le volet de ma fenêtre, comme pour m’indiquer qu’il était l’heure que je me lève. Sur mon portable un message de Raphael : Salut, j’espère que tu as bien dormi. Si tu te sens mieux, je pourrai venir te chercher pour qu’on aille se balader tous les deux si tu veux. Raphael était toujours au petit soin avec moi. J’aimais ça, j’aimais cette sensation que quelqu’un veille sur moi et me protège. Si seulement il pouvait me dire pourquoi nous ne pouvions être ensemble. Je lui répondis : salut, oui j’ai bien dormi, ça va beaucoup mieux, merci. Passe me prendre pour 15 h. Bisous. Chaque message qu’il m’écrivait, chaque parole qu’il me disait et chaque geste qu’il avait envers moi me rapprochaient encore plus de lui. J’avais l’impression d’être son double au féminin. Nous étions tellement pareils qu’il m’était difficile de ne pas vouloir être avec lui. Depuis ce matin, j’avais quelques douleurs en haut du dos et ça me démangeait beaucoup, cette sensation était désagréable ! J’avais même l’impression que quelque chose

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se déformait à l’intérieur de moi, c’était bizarre. Mais j’entendais comme des murmures qui me disaient de ne pas m’inquiéter, il me semblait reconnaître la voix de Raphael. Il était tellement présent dans ma tête que je croyais le voir et l’entendre partout et cela me réconfortait quelque part.

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15 h, Raphael sonna à ma porte, ma mère ouvrit, elle le connaissait déjà car il était déjà venu plusieurs fois chez moi avec Julie et Bastien. Elle n’arrêtait pas de me taquiner sur lui, en me demandant si c’était mon petit copain. Comme toute mère, elle ne voulait que mon bonheur. Je descendis, et les rejoignis à la porte où il parlait du bowling d’hier soir. — Salut, je suis prête, on peut y aller, dis-je à Raphael. — Salut Rebecca, me répondit-il. — Ne rentrez pas trop tard, ils annoncent de la pluie pour ce soir, nous dit ma mère. Et nous partîmes nous balader en direction du parc où j’allais beaucoup avec Julie. — Vous parliez de la soirée d’hier avec ma mère ? — Oui, mais nous n’avons pas parlé de ton malaise, ne t’inquiète pas. — OK merci. Je ne veux pas qu’elle le sache, car après elle serait inquiète et me ferait faire des tas d’examens, alors qu’il n’y a pas lieu de s’inquiéter. J’ai du faire un peu d’hypoglycémie. — Oui tu as raison, il n’y a aucune raison de t’inquiéter, ce n’est rien, fais-moi confiance. — Comment en es-tu si certain ?


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— Je le sais c’est tout. — Tu sais, tu es très mystérieux, et tu m’intrigues. Tu ne veux pas sortir avec moi, mais tu passes toutes tes journées avec moi ou à m’envoyer des messages. — Je te l’ai déjà dit, je ne peux pas... Mais j’en ai très envie. Nous étions arrivés au parc, quand Raphael s’arrêta, il fit un aller-retour devant moi comme s’il réfléchissait à ce qu’il devait faire. Puis il s’approcha de moi, il prit mon visage entre ses mains, et avança ses lèvres tout près des miennes, mais je sentis comme une force qui nous sépara, et repoussa Raphael de plusieurs mètres. Je l’entendis dire « Je savais que vous n’aimeriez pas » ! — À qui viens-tu de parler ? Qu’est-ce qui s’est passé ? lui demandai-je inquiète. — Bientôt, tu le sauras bientôt ! Sois patiente. J’ai voulu tenter et ça n’a pas marché. — Oui je sais, tu ne sais que me dire ça. Mais il vient de se passer quelque chose et j’ai peur Raphael. — Ne t’inquiète pas, tu ne crains rien ! Dans quelques jours, tout ira mieux car tu sauras tout. — Je ne suis pas du genre patiente ! Dis-moi au moins s’il va m’arriver quelque chose ? — Oui mais rien qui ne soit dangereux. Je te demande juste de me faire confiance. — Je te fais confiance. Il me raccompagna devant chez moi rapidement, comme s’il ne voulait plus que je sois dehors. Une peur m’avait envahi, et je ne pouvais la contrôler. Je ne me sentais pas de

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passer la nuit seule. — Reste avec moi, je n’ai pas envie de dormir seule cette nuit. — Je ne peux pas, et puis ta mère ne le permettrait pas. — Je m’en fiche, tu n’auras qu’à monter par la fenêtre, je l’ai déjà fait quand j’étais plus jeune et que ma mère ne voulait pas que je sorte. — Je ne peux pas transgresser les règles Rebecca, sinon j’aurai de gros ennuis. — Oui toujours des choses que tu ne peux me dire. En attendant je fais quoi ? Je frissonnais tellement la peur m’avait envahi, et mon mal de dos empirait ce qui n’arrangeait pas les choses. Il sentit que je n’étais pas bien mais ne pouvait rien faire. — Je serai avec toi Rebecca ! Nous passerons cette épreuve ensemble, je suis là pour ça, me dit-il. — Comme toujours tu me dis des phrases qui n’ont aucun sens pour moi mais il faut que je te fasse confiance. Et puis comment veux-tu être avec moi alors que tu t’en vas ? — Rentre chez toi, prends le dîner avec ta mère, et ne pense plus à tout ça même si je sais que c’est dur ! Et essaye de dormir. Sur ces phrases il partit de chez moi en courant. Je rentrai chez moi, la boule au ventre, cherchant ma mère qui était au salon en train de regarder la télévision. Je la rejoignis et me blottis contre elle sur le canapé. La soirée passa sans que rien de bizarre ne se produisît. Mais la douleur au dos ne partait pas. J’allai me coucher dans mon lit froid en ayant cette effrayante sensation d’être observée ! Je n’étais pas rassurée !


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La fatigue l’emporta sur ma peur, et à 2 h du matin je fermai enfin les yeux. Ma nuit fut agitée, pleine de cauchemars et de douleurs. Quelques heures plus tard, je me réveillai en sursaut. Une soif m’avait envahi la bouche, je courus jusqu’à la salle de bain et bus à pleine gorgée au moins 1 litre d’eau. Puis je me retournais, me retrouvant face à mon lit qui était complètement retourné, taché de sang et j’apercevais même comme du duvet. Alors j’allumai la lumière, et m’aperçus que j’étais couverte de sang. Tout en pleurant, je me mis sous la douche tout habillée et fis couler l’eau machinalement. Je savais que ma mère n’était déjà plus là, et je me retrouvais seule dans ma chambre qui m’effrayait complètement. L’eau qui coulait de mon corps était rouge, je restais statique face à tout ça. J’étais dans la douche toute droite, restant stoïque, ne sachant que faire. Je pleurais et pensais à toutes les choses étranges que Raphael me disait depuis quelque temps. Était-ce un châtiment ? La seule chose positive à tout cela, fût que la douleur de mon dos avait disparu, mais je sentis une drôle de sensation là où j’avais eu mal toute la journée d’hier. Quand je touchai le haut de mon dos, je sentis comme des marques, une de chaque côté, elles semblaient faire la même taille. Alors j’enlevai ma nuisette trempée et rouge et sentis comme deux cicatrices, alors je sortis de la douche et les regardai. Deux grandes coupures rougeâtres recouvraient le haut de mon dos. Elles semblaient dater de quelques heures, elles étaient identiques.

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