A la memoire de Gilles EHRET 4 Fevrier 1957 27 Aout 2013
R.I.P.
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1. Le réveil
Ce matin là il fait beau, les oiseaux gazouillent dans la brise fraîche. Nous sommes au mois de Berlitz, le 5. Nos quatre compagnons se réveillent d’un long sommeil profond. Les bras se tendent vers le ciel, des courbatures se font sentir dans tout leur corps. Les yeux sont collés par le sommeil et ont du mal à s’ouvrir et à s’habituer à la
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lumière du matin. A force de mouvements, de retournements et d’étirements les corps finissent par obéir aux cerveaux et voilà nos quatre comparses debout ou assis sur leur lit, se regardant, l’air étrange et absent. Ils se regardent tous, d’un air interrogatif, se demandant qui sont les trois autres tout en ayant ce sentiment étrange de se connaître. Et dans le même temps, ils se demandent tous intérieurement ce qu’ils font là, dans cet endroit qui leur semble inconnu. Kavha prend la parole, cette drakéïde bien bâtie, avec son entrain naturel, sa propension à diriger, à mener les troupes : -
Mais qu’est ce qu’on a fait hier pour se retrouver là aujourd’hui ? C’est encore toi, Moonia qui nous a emmenés dans une galère…
La tieffeline se renfrogne un peu avant de lui répondre. Elle a l’habitude de ces piques, de ces petites attaques. Elle prend cela à la plaisanterie, comme d’habitude, mais rapidement, un sentiment bizarre traverse son esprit. Qu’est ce qu’elle fait là et qui sont ces trois personnages qui l’accompagnent, visiblement. Le groupe reste silencieux un moment. Zarach, de sa voix douce et posée, inspire et se lance : -
Kavha, Moonia, voyons, ne vous chamaillez pas de bon matin, profitez plutôt du soleil pour vivre une journée de bonne humeur. Regardez,
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Astérhon ne dit rien lui. Il savoure ce moment paisible et écoute les oiseaux qui chantent. Oui Zarach, reprend Kavha, tu dois avoir raison. Et puis nous ne savons pas pourquoi nous sommes là parce que nous avons dû beaucoup trop boire hier soir et même un minotaure aussi fort qu’Astérhon n’a pas tenu le choc.
Le minotaure secoue la tête, comme embrumé par une soirée de beuverie, mais au fond de lui-même il ne ressent pas les effets attendus de l’alcool. Il ne dit rien, comme à son habitude, c’est un garçon silencieux, il se lève et va vers la porte de la chambre. On peut voir tout de même que ce minotaure est très bien bâti, même pour un membre de sa race. Il a une forte stature, des épaules extrêmement larges et solides, des bras puissants. Sa démarche est assurée, ce qui lui fait dire qu’hier soir, il s’est passé autre chose qu’une beuverie. Il arrive dans l’encadrement de la porte, le soleil réchauffe ses cornes, doucement, et une odeur alléchante de pain fraîchement cuit vient emplir ses naseaux. Il se retourne vers ses amis et dit : -
Et si on allait manger un morceau, vous pensez pas qu’on y verrait plus clair ensuite ?
L’ensemble du groupe acquiesce. Et tout le monde se dirige tranquillement vers cette porte. Un gobelin en habit blanc passe par là à ce moment et voit nos amis debout se
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dirigeant vers l’extérieur de la maison. Il les salue de la tête et entame : -
Alors bien dormi ? Vous allez pouvoir nous raconter votre histoire maintenant. Le pain est cuit, vous pouvez aller au réfectoire pour le déjeuner.
L’ensemble du groupe se regarde interrogateur. Raconter leur histoire ? Mais comment vont-ils pouvoir faire cela, ils ne savent pas eux-mêmes d’où ils viennent. Zarach, visiblement à l’aise avec ce genre de situation, ne se démonte pas : -
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Oui, oui, pas de souci, on va tout vous dire, mais après avoir rempli nos estomacs. Notre récit ne serait pas clair du tout si nous n’avons pas un minimum de nourriture dans nos ventres. Manger, miam, miam, dit Astérhon, que la faim commence vraiment à travailler au corps
Le gobelin s’efface un peu en leur indiquant la direction d’où proviennent de bonnes odeurs de pain chaud, de tranches de lard en cuisson et de gâteaux qui sortent du four. Après le décor minimaliste d’une chambrée essentiellement blanche, sans décoration particulière nos amis découvrent une vision extérieure d’un très joli complexe de bâtiments. Il y a de belles fleurs un peu partout et des pelouses très bien entretenues. Plus loin,
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derrière le bâtiment principal, on peut voir la cime des arbres d’une agréable forêt qui sent bon. La brise apporte les senteurs riches et variées de la forêt en plein essor, c’est la saison où la nature prend quelques droits dans cette région. Et là, une question traverse l’esprit de chacun de nos quatre comparses : où sommes-nous ? Pendant tout ce temps d’interrogation, ils ont fait le chemin pour arriver au réfectoire. Ils s’assoient à une table qu’une aimable orque leur indique. A peine assis, ils voient le gobelin et un elfe venir vers leur table, prendre une chaise. L’elfe semble être le dirigeant de cet endroit. -
Alors, mes amis, vous avez bien dormi ? N’attendant pas vraiment de réponse, il poursuit. Alors d’où venez-vous comme cela ? De la capitale ? Le vieux Mildourh, qui vous a déposé hier, nous a dit qu’il vous avait trouvés sur le bord du chemin, comme ça, gisants, mais vous devez bien venir de quelque part.
Les regards qu’échangent nos amis en disent long à eux tout seul. Et l’elfe, échangeant un regard complice avec le gobelin, reprend : -
Ah, je vois, une grosse crise d’amnésie ? Vous n’avez aucun souvenir et vous ne savez même pas qui vous êtes les uns par rapport aux autres ?
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Et bien l’épidémie frappe fort cette fois, cela devient de plus en plus inquiétant. Pendant que nos amis sont interloqués, incapable de prononcer un mot, l’elfe continue, voyant surtout qu’il ne va rien obtenir des quatre comparses pour le moment. -
Bon alors reprenons : la population est frappée par des crises d’amnésie récurrente. Cela va de la simple perte de mémoire sur la liste des courses à faire jusqu’au paysan qui ne se rappelle plus où se trouve sa maison. Dans nos villages ou dans les quartiers des villes, cela va encore, les uns aident les autres. Mais votre cas à l’air d’être un peu plus profond. Vu vos accoutrements vous semblez être des personnages importants, avec un rôle important dans la société.
Devant les yeux interloqués de la tieffeline, l’elfe marque un temps d’arrêt. Et puis il continue son discours de description des symptômes de la population, relatant différentes anecdotes sur les pertes de mémoire des uns et des autres. Nos amis comprennent donc qu’il y a une sorte de maladie qui touche toute la population de manière légère et moins qu’eux, ils ont attrapé une version plus forte de cette maladie. Kavha prend enfin la parole.
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Bien, donc la population perd un peu la mémoire, mais pas complètement et nous, on se rappelle même plus où nous sommes nés. Alors on va commencer par se dire ce que nous avons encore en tête, des fois que même cela s’échappe. Je me nomme Kavha Zaverih, je sens que j’ai des compétences pour mener des groupes à la bataille et que j’ai passé ma vie au service des autres. Je me nomme Zarach Moltruhdi, je sens que mes compétences sont plus orientées vers les arcanes et je n’ai aucun autre souvenir avant ce matin, sauf le lit douillet dans lequel je me suis réveillé. Par contre, je sens que, sans réellement vous connaître, j’ai une chose importante à faire avec vous. Pareil, dit Astérhon, entre deux bouchées de pain et de miel qu’il trempe généreusement dans un bol de breuvage noir. Moi c’est Astérhon Podrus, je sais me battre, bien même je crois. Je peux cogner fort mais je sens aussi que je peux être assez discret et malin. Et je ressens aussi le même truc que toi, Zarach. On a un truc balaise à faire tous les quatre. Et bien moi, j’en sais rien, dit la tieffeline. Je me nomme Moonia la farouche. Je suis proche de la nature. Je pense aussi que nous avons des choses importantes à faire ensemble. Mais je me rappelle ton propos de tout à l’heure, Kavha. Tu
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m’as dis clairement, sur un ton taquin en plus : « c’est encore toi qui nous a emmenés dans une galère ». Comme si nous nous connaissions bien et que nous avions l’habitude de faire des choses ensemble. Mais c’est faux, on ne se connait pas du tout, je n’en ai aucun souvenir et je dois même dire que je n’ai pas envie d’aller à l’auberge avec toi pour partager une cervoise. Je ressens mes compétences proches de la nature et en même temps je ressens que je dois parvenir à mes fins, quoi qu’il arrive, peu importe les inconvénients, les obstacles. Alors du coup, je dis : on fait quoi maintenant ? L’elfe reprend à la suite de ce brillant exposé. -
Je pense que vous avez déjà pas mal de renseignements : la drakéïde semble être un maitre de guerre, le minotaure un guerrier, le déva un magicien ou un invocateur et la tieffeline, un druide ou un rôdeur. Déjà, vous savez ce que vous savez faire dans la vie et vous avez vos noms, donc ça devrait vous permettre d’avancer. Par contre, même si vous avez un rôle important, je n’ai jamais entendu vos noms. Ensuite vous pouvez aller chercher de l’aide avec un érudit qui pourra peut-être vous orienter vers une solution. Je connais un érudit magicien du nom de Zoltrandhyl. Il réside dans une maison
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sur un tertre dans le Marais. C’est à deux jours de marche. Je vais vous faire préparer des victuailles et vous allez pouvoir partir dans la matinée.
Le groupe de compagnons d’infortune reste un moment en silence, le nez dans leur bol respectif. Les pensées sont presque palpables et le désarroi monte dans leurs âmes. Mais d’un seul coup, comme si l’illumination l’avait frappée, la drakéïde se lève et prend une voix ferme et rassembleuse : -
Bon allez, on va pas se laisser abattre pour si peu. Nous allons prendre la route du Marais et nous allons retrouver nos souvenirs, notre mémoire et sauver la population de ce mal qui s’insinue. Allez mes amis, soyons fort ensemble et faisons front face à l’adversité qui nous préoccupe et mettons-la à terre pour lui tordre le cou.
Comme galvanisé par un discours aussi puissant, aussi fort le groupe se lève de table comme un seul homme et se dirige vers la sortie du réfectoire. L’elfe ne dissimule pas un large sourire de satisfaction.
Dehors le soleil est en pleine ascension dans le ciel bleu, sans nuage. La chaleur monte, la journée va être belle.
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Les compagnons suivent le gobelin qui les avait conduit jusqu’au réfectoire. Ils vont vers un autre bâtiment où on leur propose un minimum d’équipement : sac à dos, couvertures, tentes et quelques rations de nourriture. Les remerciements sont chaleureux de la part de chaque membre du groupe pour ces quelques victuailles remises de bon cœur. Et le groupe se met en marche le long du chemin qui part à l’Eau.