Where is Brian? by Bibliocratie

Where is Brian ? Jean-Paul le Guénic

Where is Brian ?

Comédie en 3 actes

Jean-Paul Le Guénic

Where is Brian ? Comédie en 3 actes

Note de l’auteur

Parabole sur le couple traitée à partir de trois exemples : un premier couple où l’amour est un point d’interrogation mais qui tient, par déni ou par manque de courage, malgré le poids du quotidien. Un deuxième où des sentiments existent, c’est évident, mais qui a fait le choix de se séparer pour laisser à chacun le temps de se reconstruire. Un autre, enfin, qui n’aurait sans doute jamais dû se connaître, dont la relation est médiocre, et dont la séparation est plus médiocre encore. Ces trois couples seront décryptés au cours d’une soirée mémorable.

Synopsis

Un appartement parisien. C’est l’hiver et ce soir c’est l’anniversaire de Rose Christine, alias Rouky, la maîtresse de maison. Il est prévu qu’elle passe cette soirée avec son mari Rox, sa sœur Minnie et son amie Bianca. Mais, ignorant la présence de Bianca, Rox a invité Bernard, dont Bianca est juste séparée, suite à un « presque » adultère. Cette soirée s’annonce donc sous des auspices passionnels, d’autant que Minnie, venant de rompre le jour même, décide de boire pour oublier et que le couple Rox-Rouky traverse des questions existentielles. Mais une question captivera tout le monde, ce soir : « Where is Brian » ?

Le décor et les costumes

Une salle à manger/salon. Avant de scène, côté cour ou jardin, un cadre suspendu qui représente une fenêtre qui donne sur l’extérieur. Une porte d’entrée côté cour et 2 dégagements côté jardin (l’un vers la cuisine, l’autre vers la partie nuit de l’appartement). Pas de consigne particulière pour les costumes. 5 personnages (3 Femmes – 2 hommes) : Avec par ordre d’apparition, Rouky, Rox, Minnie, Bianca et Bernard. La durée : 1 h 30 environ

Acte 1

Musique dansante monte progressivement. =Lumière tamisée. Dans la pénombre, un appartement… la salle à manger/salon, une table, quatre chaises. Une femme fait des allées venues vers un lieu en coulisse, qu’on devine être la cuisine et qui est éclairée, côté jardin. Avant de scène, côté cour ou jardin, un cadre suspendu qui représente une fenêtre qui donne sur l’extérieur. La femme installe une nappe, sort 4 assiettes et les couverts, puis les verres à vin et à eau. Elle installe des bougeoirs. Elle s’approche du cadre suspendu, scrute quelques instants et sourit. Elle installe une banderole marquée « joyeux anniversaire » en fond de scène, ressort côté cuisine… revient avec des bougies qu’elle met dans les bougeoirs… Elle allume les bougies… admire la table… remet un coin de nappe… puis se rapproche de la fenêtre… scrute encore quelques instants par le cadre suspendu… sourit… fait quelques pas de danse.

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Un homme entre par une porte d’entrée côté cour et la regarde quelques instants… puis allume les pleins feux. Elle stoppe sa danse dans l’ instant et son visage se ferme (la musique s’estompe). L’ homme enlève son pardessus sans remarquer la banderole. Rox : Ce conseil de classe était décidément assommant ! Ouf, on est mieux à la maison. À propos, je crois qu’il va neiger, ça va être chouette ! Rouky : Chouette, c’est le mot, chouette… On va s’amuser pour se déplacer dans Paris, tu as raison.

Rox : (il sourit en regardant la table, se frotte les mains et embrasse la femme, visiblement satisfait) Rouky, tu es vraiment fantastique ! (il s’approche de la fenêtre face public et regarde ostensiblement vers l’extérieur) Tu as vu Brian aujourd’hui ? (il cherche) Ah… il est dans sa cuisine ! Rouky : (s’affairant et regardant sa table) Oui, in the kitchen, comme moi, il y a quelques instants. Tu peux peut-être m’aider d’ailleurs, tu retourneras avec Brian tout à l’heure. Rox : (il regarde toujours par la fenêtre ostensiblement) Evidemment je vais t’aider (il ne décolle pas de la fenêtre). Il a changé d’écran plat, Brian ? Rouky : Si tu veux des nouvelles de ta fille, elle est chez ma mère pour la soirée.

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Rox : (détaché) C’est bien, Louise aime sa grand-mère. (scrutant toujours) Tiens, il a une nouvelle lampe aussi. Rouky : Oui je l’ai déjà noté, ça… (un silence) quand tu auras lâché Brian, tu me diras pourquoi je suis fantastique. (un silence) Tu m’écoutes, Rox ? Rox : (quittant la fenêtre et montrant la table) Je parle du dîner de ce soir. (déclamant) Oh toi, Rose Christine… Rouky : Ne m’appelle jamais Rose Christine ! J’ai horreur de Rose Christine ! Rox : « Oh toi… Rouky, reine de ma nuit, reine de ma vie, tu ensoleilles mon quotidien, moi qui sans toi, ne suis rien. » Rouky : Tu me fais une jolie tirade pour mon anniversaire. Rox : Ton anniversaire ? (il regarde la banderole) Bon sang, c’est ton anniversaire ! Rouky : Tu me charries… Tu n’as pas oublié au moins ? Rox : Moi ? Non… ! Eh bien justement pour ton anniversaire… (il cherche dans ses poches) J’ai ça (il tend trois papiers à Rouky) Rouky : des décalcomanies ? Rox : Oui ça égaye la fête… Tu n’oublieras jamais tes 45 ans. Rouky : 44 !

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Rox : 44, bien sûr, 44. Et d’ailleurs, à propos de fête, (il montre la table avec 4 couverts) j’ai décidé que nous recevions ce soir. Ça devait être une surprise mais apparemment tu as deviné. Mais dis-moi, il ne devrait y avoir que trois couverts ! Rouky : Non, Minnie dîne ici aussi ce soir. Toute seule… Elle a laissé un message, je n’ai pas tout compris mais Robert ne sera pas là. Rox : (se forçant à positiver) Génial, ta sœur avec nous… génial ! Forcément c’est ton anniversaire donc elle dîne ici. Génial ! Et Bob ne sera pas là. Génial ! Rouky : Cache ta joie ! 18

Rox : Mais j’adore ta sœur, tu le sais bien… (ton excité) Et alors, pour le 4e couvert, devine ! Rouky : Devine quoi ? Rox : Eh bien devine qui nous recevons pour le dîner, enfin pour ton anniversaire, en plus de Minnie… Rouky : Qu’est ce que tu racontes ?… (elle le regarde fixement) En fait tu l’as oublié mon anniversaire. Avoue ! Tu noies le poisson. Rox : Disons que… je ne l’ai pas complètement oublié mais je n’y ai pas complètement pensé non plus… En fait… Je crois qu’inconsciemment je le savais et donc que j’ai invité quelqu’un pour donner un tour remarquable à cette soirée ; même si je n’avais pas conscience explicitement que c’était ton anniversaire. Rouky : Et les décalcomanies ?

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Rox : Confisqués à un élève. Rouky : J’aurais dû m’en douter. Je me disais que cette année, peut-être… Mais non, finalement. Rox : (se rachetant maladroitement) C’est parce que je ne veux pas que tu vieillisses… Rouky : (vexée) De mieux en mieux. Je vieillis, maintenant. Rox : Mais c’est le propre de tout humain de prendre de l’âge. Un an tous les douze mois, c’est mathématique. Mais toi, ça te va bien. (il s’approche d’elle, elle s’ écarte) Et donc ce soir, tu nous prépares un… un… ? Rouky : « Mon » fameux rôti de porc aux pruneaux. Rox : Alors que je ne t’ai pas dit qu’il y avait un invité ! Tu devines tout, tu lis en moi comme dans une équation du deuxième degré. Rouky : Mais Rox, c’est moi qui ai invité Bianca… Pourquoi est-ce que tu inviterais Bianca, toi ? Rox : Comment ça « invité Bianca » ? Rouky : Oui Rox, j’ai invité Bianca… Bianca. Tu vois qui est Bianca ? Rox : Bianca, oui, Bianca, l’ex de Bernard… Rouky : Et Bianca vient justement dîner ce soir, pour mon anniversaire. Un silence Rox : Bernard aussi !

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Rouky : Quoi Bernard aussi ? Rox : Bernard aussi, vient dîner ce soir. Rouky : Où ça ? Rox : Ici, à la maison. Tiens, pile-poil à l’endroit où nous sommes en ce moment. (montrant une des chaises) Il se mettra là, je crois. (un silence) Ça va Rouky ? Rouky le regarde interdite et jette un regard autour d’elle. Rouky : C’est une blague ? Pourquoi il viendrait dîner ce soir ? Rox : Mais parce que je l’ai invité. D’où le fait qu’il y ait 4 couverts puisque Minnie dîne ici. Rouky : Mais le 4e couvert est pour Bianca ! 20

Rox : Alors il manque un couvert ! Rouky : Mais c’est pas le problème qu’il manque un couvert… Pourquoi invites-tu Bernard, le jour où j’invite Bianca ? Rox : Pour la même raison qui t’a fait inviter Bianca, le jour où moi, j’invite Bernard. Ils se fixent Rouky : Parce que nous ne nous sommes rien dit. Rox : Précisément ! Je te rappelle que pour moi, ton anniversaire était resté fixé dans mon inconscient. Rouky : Merde ! Merde ! Merde ! Merde !

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Rox : C’est à peu près ça oui… La situation est délicate mais rattrapable… Je propose que tu passes un coup de fil à Bianca pour décommander. Rouky : Comment ça « décommander » ? Mais je ne décommande pas. Elle a besoin de voir du monde et on a eu un mal fou à trouver une date ! Et puis c’est mon anniversaire… Et mon rôti alors ? Rox : Il y a aussi Minnie. Rouky : Mais elle est végétarienne ! Rox : (marmonnant) Ah oui végétarienne et ascète, elle ne mange rien, elle ne boit rien. Super ! Rouky : Rox, je t’entends ! Rox : Bernard le mangera ton rôti. Il a bon appétit ! Rouky : Mais il n’en est pas question… c’est toi qui annules Bernard ! Rox : Négatif. Je dois le voir absolument ce soir. (il hésite) On doit… parler ! Rouky : Vous devez parler ? Il te prend comme confident maintenant ? Rox : On doit parler, c’est tout. Rouky : Un sujet sérieux, sans doute. Rox : (il hésite) GTA5, la nouvelle édition. Rouky : GTA5, tu me rappelles ? Rox : GTA5, Grand Theft Auto 5, le blockbuster du jeu vidéo. Il vient juste de sortir.

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Rouky : Pathétique ! Rox : Je veux avoir son avis avant et je voudrai l’acheter cette semaine, alors… Rouky : Évidemment, si tu dois l’acheter cette semaine. Rox : Je savais que tu comprendrais, tu vois que tu es fantastique ! Rouky : Ce que je comprends, c’est que tu t’achètes GTA5 pour fêter mon anniversaire. Alors si je suis vraiment fantastique, GTA5 ou pas, tu décommandes ! On ne peut pas recevoir ensemble un couple juste séparé.

Rox : GTA 5 ou pas, je ne décommande pas ! Je n’invite jamais personne à la maison donc pour une fois que ça m’arrive, je ne vais pas annuler quelques minutes avant. Alors que toi… Rouky : (se défiant les yeux dans les yeux) Quoi, moi ? Qu’est ce que tu insinues ? Que j’invite trop souvent ? Rox : Disons qu’on a l’impression que tu as plusieurs anniversaires par an car il y a toujours quelqu’un à maison. Et ce soir, déjà tu as ta sœur, moi je n’aurai personne. Rouky : (ton calin, elle le prend dans ses bras) Mon pauvre petit poussin ! Tout seul, mis de côté, comme un Caliméro… Là, doucement, tout va bien… (autoritaire, elle le repousse) Bon appelle Bernard pour annuler ! Rox : Pas question !

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Un silence Rouky : Rox ! Un silence – Minnie entre sans frapper et sans sonner, l’air complètement défait. Minnie : Rouky, tu n’aurais pas un verre ? Rouky : Un verre de quoi ? Minnie : Ce que tu as, whisky, vodka, quelque chose de fort en tout cas. Rox : Minnie, c’est gentil de dire bonjour et de sonner en plus. Rouky : (sert une petite dose de whisky) Tiens mais n’en abuse pas, tu n’es pas habituée. Minnie : Merci… (elle le boit cul sec) Un silence Rouky : Oui, et donc, tu peux nous dire ce qui se passe ? Minnie : Razowski, il est parti ! Rouky : Quoi, Robert t’as quitté ? Rox : (amusé) Non, pas Bob… Minnie : (pleurant et se servant un autre verre) Il m’a fixé longuement, l’œil noir, tu le connais… Il m’a dit que j’étais trop… enfin pas assez… (elle pleurniche)… alors je lui ai rétorqué que… (elle pleurniche)… tu vois le tableau ? Et lui, il a osé prétendre… (elle pleurniche)… Une femme comme moi, de mon acabit ? Non mais tu te rends compte du scandale ?

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Rox : Pas bien non. Minnie : (pleurnichant) Qu’est ce que je vais dire aux filles ? Rox : Mais vous n’avez pas d’enfant. Minnie : Mais non, je parle de mes amies, mes copines au cercle. Et puis dans l’association, ils ne garderont jamais une femme divorcée. Que vont dire les gens ? (elle pleure franchement) Rox : Mais c’est un ensemble vocal, médiéval en plus. Ta voix sera pareille, même si tu es divorcée.

Minnie : (se re-servant un verre) Ma voix, ma voix… Je suis mezzo soprano d’abord ! (elle pleurniche) Et l’étiquette, la bienséance alors ? Pour tout le monde, j’étais Mme Razowsky. Ce n’était pas rien. (elle pleurniche) Et là maintenant, que vais-je devenir, je me sens nuche. Rouky : Nuche ? Minnie : Nuche ! Nulle et moche à la fois. Nuche ! Razowsky dit que personne ne voudra de moi. Rouky : Mais non, tu n’es pas nuche. Hein Rox, que Minnie n’est pas nuche. Rox : (hésitant) Disons que… non… non, on ne peut pas dire véritablement que tu es nuche. Minnie : Il m’a dit que j’étais comme une montre qui ne donnerait pas l’heure. (elle pleure)

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Rouky : Pleure, vas-y, ça fait du bien. Tu vas passer la soirée avec nous pour mon anniversaire. Ça va aller. Assied-toi… Minnie : (reniflant) Ah, c’est vrai c’est ton anniversaire. (elle pleure) Dire que, 45 ans après ta naissance, eh bien moi, je suis abandonnée par Robert, congédiée comme une malpropre. Tu te rends compte la vie ? Rox : Dingue ! Rouky : 44, pas 45. Ecoute, nous avons un problème urgent à régler avec Rox, et ensuite je m’occupe de toi. Minnie : Ne t’inquiète pas, je vais bien… Bon anniversaire ! (elle pleure et se sert un autre verre à ras bord puis se rassoit perdue dans ses pensées) Rouky : Bon, à nous. On fait quoi pour Bernard et Bianca ? Rox : (s’ écartant) Remarque, ils sont peut-être restés amis, qui sait ? On rajoute un couvert et on fait de l’ethnologie conjugale. On les regarde se parler entre eux, avec ta sœur. Ça pourrait être marrant. Moi, si on se séparait, je me verrais bien rester ton ami. Rouky : Moi si on se séparait, je crois que tu n’aurais plus d’ami du tout… (il la regarde, interrogateur) Tu serais mort parce que je t’aurais explosé, vaporisé, éparpillé. Rox : Façon puzzle ? Volfoni, sors de ce corps. Rouky : Pire !