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à 45 RDV : Libre Arbitre, La Jungle, Bonnie, Les Délivrés

RDV

LA COMÉDIENNE LÉA GIRARDET POURSUIT SA QUÊTE DE RÉUNIR SPORT ET THÉÂTRE. ELLE S’ATTAQUE À L’HISTOIRE DE CASTER SEMENYA, ATHLÈTE SUD-AFRICAINE INTERDITE DE COMPÉTITION APRÈS AVOIR ÉCHOUÉ À UN TEST DE FÉMINITÉ.

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hampionnats du monde d’athlétisme de Berlin, 19 août 2009. Alors que trois jours plus tôt, Usain Bolt affolait les chronos en abaissant le mythique record du monde du 100 mètres à 9 secondes 58, la finale du 800 mètres féminin allait révéler une autre sensation, beaucoup plus inattendue celle-là : une certaine Caster Semenya. Inconnue jusqu’alors, la demifondeuse sud-africaine âgée de seulement 18 ans s’emparait de la médaille d’or, pour sa première compétition internationale senior. À l’effet de surprise s’ajouta vite quelques commentaires moqueurs sur la morphologie masculine de la championne, et même des regards désapprobateurs de ses concurrentes. Malgré les doutes et le poison de la suspicion, Caster Semenya poursuivit sa carrière sans encombre et avec grand succès jusqu’en 2019. Une décennie ponctuée notamment par deux titres olympiques acquis à Londres en 2012 puis à Rio quatre ans plus tard. « Mais en avril 2018, la fédération internationale d’athlétisme a décidé d’établir un nouveau règlement concernant l’hyperandrogénie qui impose aux sportives concernées de prendre des médicaments pour faire baisser leur taux de testostérone si elles veulent continuer à s’aligner en compétition. Concernée par la mesure, Caster Semenya a refusé de prendre un tel traitement et a porté plainte pour discrimination auprès du Tribunal arbitral du sport. Une plainte rejetée un an plus tard, décision confirmée en appel auprès de la Cour européenne des droits de l’homme », détaille Léa Girardet. La comédienne s’est associée à sa complice, la metteuse en scène Julie Bertin, pour écrire et concevoir une pièce centrée autour des déboires de l’athlète sud-africaine qui, depuis, a

interdiction de s’aligner sur sa distance favorite, le 800 mètres. « J’ai découvert lors de mes recherches l’existence des tests de féminité mis en place pour évaluer biologiquement les sportives sur qui pèse le doute. Bien qu’il n’ait jamais été scientifiquement prouvé que la vitesse soit directement liée à une quantité donnée de testostérone dans le corps, il a été arbitrairement décidé d’empêcher certaines athlètes comme Caster de courir. Cela interroge sur la question du genre, si prégnante aujourd’hui. Ça veut dire quoi, au juste, être une femme ? Est-ce à une fédération sportive de statuer et d’exclure ? Existe-t-il une féminité acceptée et une féminité douteuse ? Pourquoi une femme trop performante est-elle définitivement suspecte ? Pourquoi les corps féminins sont interrogés et pas les masculins ? » Autant de questions à laquelle Léa Girardet tente de répondre avec Libre Arbitre, une pièce « qui n’est pas un biopic mais qui traite en fil rouge du combat judiciaire que Caster Semenya poursuit toujours aujourd’hui ». Une pièce dans lequel le monde du sport est encore interrogé, comme dans sa précédente création, Le Syndrome du banc de touche, un seul en scène en forme de déclaration d’amour à Aimé Jacquet et à sa bande, championne du monde en 1998. « Le sport est un microcosme qui reflète la société. C’est une porte d’entrée formidable pour aborder d’importants sujets de fond sans lourdeur intellectuelle. Le théâtre ne doit pas se cantonner à l’élite. Activité populaire par excellence, le sport peut contribuer à faire évoluer les mentalités et les a priori entre les deux mondes. »

Régis Delanoë

Du 18 au 21 janvier à l’Avel Vor à Plougastel-Daoulas

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MONS ET MERVEILLES

AVEC SA TRANSE-ROCK, LE DUO BELGE LA JUNGLE EST L’UNE DES SENSATIONS DU MOMENT.

« Un duo noise qui joue à burne. » Voilà comment Rémy, le batteur de La Jungle, présente son groupe. Avec son acolyte Mathieu, guitariste et chanteur, ils forment depuis 2013 un duo sévèrement énergique pratiquant ce qui peut être considéré comme de la transe-rock, bien que cette catégorie musicale n’existe pas vraiment. « À la base si tu veux, on est de la scène garage de chez nous à Mons. Mathieu pratiquait du punk avec son précédent projet, Petula Clarck. Et puis, on s’est retrouvé tous les deux musicalement sur une base de kraut et de math rock qu’on a fait évoluer en quelque chose de quasi électro au fil des quatre albums sortis. » Le dernier, Fall Off The Apex, date de mai dernier et renferme quelques pépites, dont le tubesque morceau Le Jour du cobra, soit 7 minutes 30 de rythmes saccadés et paroles incompréhensibles, répétées à s’en rendre maboul. « Un cinquième disque est déjà enregistré et sortira au printemps », informe Rémy, dont le jeu en live avec Mathieu relève presque autant de la performance sportive que musicale. « Jouer devant des gens, c’est le défouloir, un pied total. Depuis les débuts, on en est bientôt à 500 concerts, dont 70 rien que depuis juin dernier. Après le confinement, on avait les crocs ! » R.D

Le 29 janvier au Festival du Schmoul à Bain-de-Bretagne, le 4 mars à l’Échonova à Saint-Avé et le 5 mars à l’Antipode à Rennes

MMMMBOPS !

Claire Huteau Ravachol, c’est le nom d’un saltimbanque anticlérical et insoumis ayant défrayé la chronique à la fin du 19e siècle pour ses attentats à la bombe, exécuté en 1892 et devenu depuis une icône de l’anarchisme. C’est aussi le titre du deuxième album (à paraître en février) des Rennais de Bops qui, pour l’occasion, changent un peu de registre en apportant plus de sophistication à leur garage-pop des débuts. La musique des trois frangins Louis, Oscar et Germain évolue désormais vers une sorte d’opéra rock 70’s qui évoque aussi bien les Kinks que Foxygen, Talking Heads, la Fat White Family et même MGMT.

BRUT DE FEMME

DR

LAURÉATE DE BUZZ BOOSTER, LA RAPPEUSE BONNIE BALANCE UN SON DIRECT ET FRONTAL.

« Tous les jours, tous les soirs / J’suis dans le ralliement, dans le maniement des mots. » Voici comment Bonnie introduisait son Freestyle Zest, publié sur YouTube à l’été 2020. Depuis, la rappeuse de 21 ans a eu le temps de parfaire sa musique, et surtout de remporter la dernière édition du tremplin Buzz Booster Bretagne. Pour cette Rennaise d’adoption, débarquée de région parisienne en 2016, la donne est donc en train de changer. Mais son rap nourri de la trap brute et des références US old school, lui, ne bouge pas : toujours frontal. « Mes bases musicales, c’est Run-DMC, Public Enemy, Nas... Je vois le rap comme une discipline, presque un art martial, avec des compétences techniques à maîtriser. » Ce purisme affiché n’est pas une ligne directrice. Plutôt une base pour pouvoir ensuite s’inscrire dans la modernité. C’est certainement ce qui lui a permis de se démarquer à son arrivée dans la capitale bretonne. « Tout ce qui me paraissait inaccessible à Paris m’a paru possible ici. Rennes est une ville très ouverte, la mentalité des musiciens est différente. Ils s’entraident. On m’a tout de suite proposé de collaborer avec des réalisateurs de clips, des producteurs, des rappeurs… » Sa victoire au Buzz Booster régional ne doit donc rien au hasard, et laisse entrevoir la sortie d’un premier EP programmé en février. B.M

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LIBÉRÉS, DÉLIVRÉS

AVEC « LES DÉLIVRÉS », L’ARTISTE ÉLECTRO MAXIME DANGLES MET EN MUSIQUE UN DOCUMENTAIRE CONSACRÉ À LA PRÉCARISATION DES COURSIERS À VÉLO. UNE DÉMARCHE ARTISTIQUE AUTANT QUE MILITANTE.

ls sont les nouveaux forçats de la route. Des jeunes précaires payés une misère pour traverser les villes à vélo et livrer aux impatients et aux flemmards leur repas chaud. Un nouveau service apparu il y a moins de dix ans, importé des États-Unis forcément, devenu phénomène de société et archétype de la précarisation de l’emploi. C’est cette ubérisation, ses conséquences sur ceux qui la subissent et la lutte syndicale de ceux qui s’y opposent que le journaliste Thomas Grandrémy, qui travaille par ailleurs pour le (très cool) média musical Sourdoreille, a souhaité mettre en lumière avec Les Délivrés, documentaire d’une cinquantaine de minutes dont Maxime Dangles a assuré la bande-son. « Thomas, je le connais depuis des années. Il m’a suivi dans mes différents projets électro par le passé. Lorsqu’il m’a proposé cette collab’, je n’ai pas hésité. Chez moi à Valence, on en est encore aux livreurs de pizza à l’ancienne. Mais c’est une dérive révoltante qu’il faut dénoncer. » Et c’est pour prolonger la visibilité de ce film passé sur France 3 qu’il a été décidé de mettre en place ce docu-concert déjà programmé aux Bars en Trans à Rennes en décembre et qui est de retour en Bretagne cet hiver à l’occasion d’Astropolis à Brest. « C’est ma première expérience de ciné-concert et franchement c’est cool ! C’est assez sport par contre car il faut réussir à trouver des ambiances sonores adaptées pour les parties dialoguées et enchaîner sur des trucs plus vénères pour habiller notamment les manifs des employés de ces plateformes en lutte. J’ai essayé de trouver des rythmes reproduisant le côté répétitif de leur tâche et de faire correspondre ma musique avec celle des coursiers, des trucs souvent hiphop. Ça me fait un peu évoluer de mon registre électro habituel. » Le tout essentiellement aux synthétiseurs (« c’est mon dada, les synthés »), pour un rendu final qui sera à retrouver sous forme de minialbum à paraître au printemps sur le label Lifeguards. « Histoire d’encore augmenter la durée de vie du projet. Parce qu’il le mérite. » R.D

Le 10 février au Mac Orlan à Brest dans le cadre du festival Astropolis

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