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à 47 RDV : Yard Act, Chester Remington, Crimi Howlin’ Grassman Vs Stompin’ Bigfoot, Kaolila...

DOSSIER

«UNE OSMOSE ENTRE LE LIEU ET LA MUSIQUE»

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CAMARET

ROBIN FOSTER, AUTEUR DE L’ALBUM PENINSULAR III EN AVRIL 2022 :

« C’est un moment que j’ai du mal à décrire. C’était en 2012, le jour de l’équinoxe de septembre, à l’occasion d’un concert qui était organisé devant les ruines du château de Saint-PolRoux, à Camaret. Je me suis mis à faire les balances et à jouer tout seul et là il y a eu un événement cosmique, “a Lynch moment”. Je ressentais une osmose entre tous les éléments : le lieu, le coucher de soleil, la musique… Tout s’accordait, c’était très étrange. Ça a été comme un flash qui me disait qu’il fallait que je fasse un truc ici. C’est à ce moment que j’ai trouvé trois accords que j’aimais bien, ceux du morceaux Pen Had. Ça a été le début de l’aventure PenInsular. Une trilogie d’albums qui constitue une bande originale de la presqu’île de Crozon, un territoire que je trouve très cinématographique. Ici, tout est en panoramique. Pour chaque morceau, je me baladais sur les routes et les chemins pour voir si la musique se greffait au paysage. Quand tu n’es pas parolier, tu essaies de retranscrire à ta façon ce que tu as envie de dire. Pour moi, cela passe par des morceaux très progressifs, avec des montées sans fin. Le premier disque était surtout centré sur Camaret, où j’habite. Le deuxième couvrait les dix communes de la presqu’île. Et le troisième, qui vient de sortir, se concentre à nouveau sur Camaret. Covid oblige, je me promenais forcément à proximité. Plus de 90 % de l’album se situe sur la pointe de Pen Hir, entre les Tas de Pois et le phare du Toulinguet. Une toute petite zone mais c’est là où selon moi se situe la magie camaretoise. C’est aussi un album plus personnel. Car il est en lien avec des lieux mais aussi avec les gens d’ici. Les morceaux font référence aux personnes que je croise, que je rencontre, que je connais. J’aime à dire que si on voulait faire la version française de la série Twin Peaks, ça serait ici. Les habitants de Camaret sont des personnages, avec beaucoup de caractère et une mentalité îlienne. Aujourd’hui, j’ai le sentiment de faire partie de cette communauté. Cela fait un peu plus de dix ans que j’habite ici. Au début, c’était juste pour six mois, mais avec ma femme on a finalement décidé d’acheter la maison qu’on louait. Une fois que t’as goûté à l’endroit et aux gens, c’est pas évident de repartir. Tout cela fait qu’il y a une part d’autobiographie. En tant que musicien, j’ai fait pas mal de bandes originales pour des films où je devais mettre en musique les émotions des réalisateurs. PenInsular, c’est la B.O de ma propre histoire. Si faire la bande-son de mon Angleterre natale peut m’intéresser ? Je suis originaire de la ville de Kendal, une région où il y a une cinquantaine de lacs. Il y aurait de quoi faire quatre ou cinq albums, mais bizarrement cela ne me tente pas trop. Avec le Brexit notamment, ce n’est plus pareil làbas. Si les paysages n’ont pas bougé, ce sont les gens et les mentalités qui ont pas mal changé ces dernières années. »

Recueillis par Julien Marchand

RDV

RED STARS

DANSANT ET POÉTIQUE, LE POST-PUNK DE YARD ACT PREND SA SOURCE DANS LE NORD DE L’ANGLETERRE. UNE PETITE BOMBE.

’est une certitude : la ville anglaise de Leeds est une ville de rock. Dans ces contrées nordistes, un groupe de musiciens a décidé de s’unir pour marier ses besoins de punk dansant à la voix habitée, presque parlée, du chanteur James Smith, qui lance des blagues comme des invectives. Yard Act est une belle invention musicale, un mélange de spoken word cynique et de postpunk tourmenté, bien énergique. En ligne de mire, la vieille Angleterre, son conservatisme et son hypocrisie. Le single The Overload, tiré de leur premier album du même nom, en est un parfait exemple. « L’Angleterre doit faire face à son passé, assure James Smith. Il faut expliquer aux gamins comment ce pays s’est construit et ce qu’était vraiment cet empire. » Fustigeant la bourgeoisie, se classant franchement dans la case du rock prolo, Yard Act semblerait presque anachronique dans une époque où le rock paraît avoir perdu sa capacité d’indignation. Alors, pour réveiller ce petit monde, le chanteur use de formules assassines, d’ironie et de mots qui ne doivent jamais arriver aux oreilles de la reine. « Je suis du genre à jurer, continue Smith. Les jurons sont souvent faits d’une ou deux syllabes, ce qui permet de bien les ajuster aux structures rythmiques. Mais je n’essaie pas de choquer. » Formé en 2019, le quatuor s’est pris, comme tout le monde, la crise sanitaire de plein fouet, voyant son projet d’album subitement mis à mal. « On a dû arrêter une tournée après les toutes premières dates, rembobine le guitariste Sam Shjipstone. Mais le groupe a connu une belle couverture médiatique au début de la pandémie. Ça a donné à notre album un côté plus réfléchi alors qu’on partait sur quelque chose de plus live rock. » En effet, l’album The Overload est fait d’énergie déployée, mais aussi de programmations électroniques discrètes, d’arrangements subtils qui font entrer Yard Act dans son époque. Comme d’autres artistes, ils sont finalement parvenus à extraire de cette drôle de période une forme de révolte, renforçant leur discours prolo au son des journaux télévisés.

Phoebe Fox Une source d’inspiration intarissable, certes, mais lourde à porter. « L’actualité était tout de même plus déprimante qu’inspirante », tempère James Smith. Peut-être, mais la déprime inspire elle aussi. Leur discours ouvertement anticapitaliste, leurs textes contant les fins de mois difficiles, les affres du Brexit ou les élections pathétiques peuvent entrer en contradiction avec un potentiel succès musical. Beaucoup ont découvert Yard Act sur la bande originale du jeu vidéo FIFA 22 édité par EA Sports, qui n’est pas l’entreprise la plus marxiste du secteur. « C’est notre label qui a placé la chanson. Nous aussi ça nous a surpris. » Leur label, c’est Universal, pas non plus du genre à briller par son éthique. Mais s’affirmer dans de tels milieux avec des textes frontaux et franchement sans concession, n’est-ce pas une façon d’emmerder le système ? James Smith a la réponse : « Cet album parle de s’épanouir dans les contradictions et d’accepter le fait que nous vivons dans une société capitaliste que ça nous plaise ou non. »

Brice Miclet

RDV

BONS SAUVAGES

RETOUR AUX ORIGINES DU ROCK AVEC CE GROUPE BRESTOIS. BRUT ET PRIMITIF.

Il faut croire qu’Étienne Grass et Lionel Mauguen aiment les paradoxes. Les deux copains quadras brestois, qui se connaissent depuis vingt ans, n’ont rien trouvé de plus compliqué que “Howlin’ Grassman vs Stompin Bigfoot” pour nommer leur projet musical pourtant si simple, rien que tous les deux. « Un hommage aux bluesmen des origines », justifie Étienne, plutôt calé dans ce style musical qu’il pratique dans son autre groupe, Electric Bazar Cie. Son compère Lionel a, lui, surtout traîné sa gratte dans des formations jazz et musique des Balkans. « On avait envie de revenir à un rock brut, primitif. » Problème : les deux sont guitaristes, et Étienne le concède en se marrant, « un groupe de rock avec seulement deux guitares, c’est un peu pauvre ! » Alors, ils se partagent une batterie : « Lionel a la grosse caisse et le shirley, moi le reste. C’est physique. » Depuis 2015 qu’ils jouent ensemble, ils n’avaient enregistré qu’un EP « carte de visite ». C’était avant la sortie d’un premier vrai album éponyme en mars dernier, coproduit par Beast Records, qui les a invités par la même occasion à leur grosse fiesta annuelle à Binic. « Globalement c’est du proto-rock garage qui reste un peu crade, mais pas seulement. On varie les plaisirs. Ce n’est pas que du “poum tcha” tout le temps. » Avec un morceau tubesque en ouverture, au titre tellement brestois : I know that you don’t love me. R.D

Le 22/07 au Binic Folks Blues Le 29/07 au Fest. de la mer à Landunvez Le 14/08 à Fête du Bruit à Landerneau

WILD WILD WEST

Sauvage : c’est le thème retenu pour la 8e édition du Lyncéus Festival. Au programme, seize représentations théâtrales imaginées par vingt-cinq artistes accueillis sur place en résidence. Parmi ces créations in situ : la pièce Au Monde et sa promesse de dystopie survivaliste (pièce écrite par Clio Van de Walle, photo) ou encore Vieille Petite Fille (de l’autrice Juliette Riedler), une réécriture libre du Petit Chaperon rouge pour mieux souligner les mécanismes d’aliénation qui contraignent les femmes. Côté musique, le chanteur et musicien Rouge Gorge viendra présenter sa pop new wave délicate et classieuse.

LE CRIMI PARFAIT

Marion Bornaz

LANGUE SICILIENNE ET SONORITÉS RAÏ : LE PROJET DE JULIEN LESUISSE DÉPAYSE.

Certaines régions du monde sont à la croisée des chemins. La Sicile, carrefour méditerranéen où se mélangent les cultures maghrébines et italiennes, est une de ces terres propices au métissage. Avec son groupe Crimi, Julien Lesuisse s’y est pleinement plongé, décidant d’embrasser la langue sicilienne et de la marier au raï, à une énergie rock et à des influences américaines 70’s. Après avoir passé plusieurs années à officier dans des formations lyonnaises telles que Mazalda et avoir accompagné des chanteurs raï comme Sofiane Saidi, le garçon s’élance donc dans ce nouveau projet, complètement hors des cadres et des carcans. « Ma mère est née en Sicile, c’est une langue que j’ai toujours entendue à la maison, confie-t-il. Mais je ne l’ai jamais parlée couramment. J’adore les chansons de là-bas. Ne pas écrire dans sa langue première, c’est un peu comme travailler un métal difficile. Il y a des petits plis, des petites ombres ou des défauts qui naissent malgré toi. Mais ça donne quelque chose de singulier, ça permet d’aller à l’essentiel. » Julien Lesuisse pourrait parler de musique italienne pendant des heures, de la définition du folklore ou de ce qu’est une musique traditionnelle. Mais le mieux, c’est d’écouter ce chant pénétrant, chargé d’histoire tout en restant terriblement contemporain. B.M

RDV

CHAMPAGNE !

LE RÉMOIS ODILON HORMAN ASSOUVIT SES ENVIES MUSICALES QUI VONT DANS TOUS LES SENS.

« Les buts, c’est comme le ketchup : quand ils arrivent, ils viennent tous en même temps », avait imagé Cristiano Ronaldo lorsqu’il s’était remis à enfiler les perles après une période de disette. Il en va un peu de même avec Odilon Horman et le groupe qu’il a fondé en 2019, Chester Remington : ses inspirations, influences et envies musicales lui sont toutes venues en même temps au moment de monter son nouveau projet. Il y a du Osees, du Ty Segall, du Yak, du Idles, du Parquet Courts, mais aussi du Beatles, avec qui Chester Remington partage les variations d’humeur et d’émotion au sein d’un même morceau. « J’aime également la folie douce du garage 60’s des Trashmen », complète-t-il. Après dix ans dans l’ombre à accompagner d’autres formation, Odilon avait accumulé assez de confiance en soi pour se lancer : composer ses morceaux, monter un band avec quatre copains et chanter, ce qu’il n’avait jamais fait jusqu’alors. « Le chant, c’est 50 % de confiance en soi, je mise tout là-dessus, rigole-t-il. On a sorti un premier EP à l’arrache, puis un deuxième en février, plus sérieux. Et là ça a l’air de prendre, avec un tourneur et des dates. » Dont les derniers Bars en Trans (« gros plaisir de jouer très fort devant des gens très saouls ») et les iNOUïS du Printemps de Bourges, en attendant la tournée de cet été. La trêve estivale attendra pour le Rémois. R.D

Le 30 juillet au festival Chausse tes Tongs à Trévou-Tréguignec

HELVÈTE UNDERGROUND

Emmenée par la chanteuse folk Janine Cathrein (photo), la formation suisse Black Sea Dahu a sorti il y a quelques semaines son second album, le très doux I Am My Mother. Un disque qui fait du bien et qui est à découvrir en live à Bonjour Minuit à Saint-Brieuc le 18 juin.

ALBION

Malgré sa carrière tourmentée, Pete Doherty est toujours au taquet. L’increvable trublion anglais, qui réside désormais en Normandie, assure toujours en live, que ce soit en duo avec son nouveau complice Frédéric Lo (le 5 juin à Art Rock à Saint-Brieuc) ou avec son groupe de toujours, les Libertines (le 18 août au Motocultor à Saint-Nolff).

RDV

AVEC SON BLUES ROCK CHANTÉ EN BRETON, KAOLILA DÉPOUSSIÈRE LE RÉPERTOIRE TRAD’.

« On chante des histoires de femmes. Aussi bien celles qu’on peut croiser tous les jours que celles qui ont marqué l’Histoire : Marie Stuart, Bouddicca (une guerrière bretonne), Anne de Bretagne… », présente Marion Gwenn qui avec Arzela Abiven, Faustine Audebert, Nicola Hayes et Hélène Brunet composent Kaolila. Une formation féminine, pour ne pas dire féministe. « Je pense qu’on l’est, forcément. On se sent toutes un peu sorcières. À l’époque, on qualifiait de la sorte les femmes libres… Peut-être qu’on nous aurait brulées nous aussi ? » C’est ainsi qu’elles ont récemment repris Ar Sorserez, interprété – entre autres – par les sœurs Goadec, pour une version tortueuse et lancinante. « On a quelques autres trad’ dans notre set, même si on bosse surtout sur de nouveaux morceaux et de nouveaux textes, tous en langue bretonne, écrits par mon père, l’écrivain Gégé Gwenn », poursuit Marion qui définit Kaolila comme un groupe de « blues rock rugueux ». Le quintet, par son travail d’arrangement, s’inscrit également dans la veine néo-trad qui, depuis quelques années, voit éclore un paquet de bons groupes (Super Parquet, San Salvador, Cocanha…) revisitant la musique de leurs aïeux. « Il y a cette envie d’être sur un truc assez ouvert, confirme Marion. Kaolila est un projet qui peut aussi bien se retrouver dans une salle de concerts que pour l’ouverture d’un fest-noz. » J.M

Le 11 juin à L’Échonova à Saint-Avé Le 18 juin à Bonjour Minuit à St-Brieuc

« GLOIRE À L’ART DE RUE»

Louise Quignon Les Tombées de la Nuit, festival rennais des arts de la rue, met les petits plats dans les grands pour son édition 2022 et propose un copieux menu avec une trentaine de propositions : théâtre, cirque contemporain, déambulation, musique, chorégraphie, expo photo... Dans cette pléthorique prog’, citons notamment L’île sans nom, un conte immersif de la Compagnie L’Instant Dissonant ; Le Dédale Palace de la Compagnie OCUS et sa plongée dans les illusions foraines ; Grandeur nature, une randonnée urbaine en réalité augmentée ; ou encore le prometteur Marching Band Roazhon Project (photo).

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