DOSSIER
ROBIN FOSTER, AUTEUR DE L’ALBUM PENINSULAR III EN AVRIL 2022 : « C’est un moment que j’ai du mal à décrire. C’était en 2012, le jour de l’équinoxe de septembre, à l’occasion d’un concert qui était organisé devant les ruines du château de Saint-PolRoux, à Camaret. Je me suis mis à faire les balances et à jouer tout seul et là il y a eu un événement cosmique, “a Lynch moment”. Je ressentais une osmose entre tous les éléments : le lieu, le coucher de soleil, la musique… Tout s’accordait, c’était très étrange. Ça a été comme un flash qui me disait qu’il fallait que je fasse un truc ici. C’est à ce moment que j’ai trouvé trois accords que j’aimais bien, ceux du morceaux Pen Had. Ça a été le début de l’aventure PenInsular. Une trilogie d’albums qui constitue une bande originale de la presqu’île de Crozon, un territoire que je trouve très cinématographique. Ici, tout est en panoramique. Pour chaque morceau, je me baladais sur les routes et les chemins pour voir si la musique se greffait au paysage. Quand tu n’es pas parolier, tu essaies de retranscrire à ta façon ce que tu as envie de dire. Pour moi, cela passe par des morceaux très progressifs, avec des montées sans fin. Le premier disque était surtout centré sur Camaret, où j’habite. Le deu38
juin-juillet-août 2022 #57
CAMARET
Bikini
« UNE OSMOSE ENTRE LE LIEU ET LA MUSIQUE »
xième couvrait les dix communes de la presqu’île. Et le troisième, qui vient de sortir, se concentre à nouveau sur Camaret. Covid oblige, je me promenais forcément à proximité. Plus de 90 % de l’album se situe sur la pointe de Pen Hir, entre les Tas de Pois et le phare du Toulinguet. Une toute petite zone mais c’est là où selon moi se situe la magie camaretoise. C’est aussi un album plus personnel. Car il est en lien avec des lieux mais aussi avec les gens d’ici. Les morceaux font référence aux personnes que je croise, que je rencontre, que je connais. J’aime à dire que si on voulait faire la version française de la série Twin Peaks, ça serait ici. Les habitants de Camaret sont des personnages, avec beaucoup de caractère et une mentalité îlienne. Aujourd’hui, j’ai le sentiment de faire partie de cette communauté. Cela fait un peu plus de dix ans que j’habite ici. Au début, c’était juste
pour six mois, mais avec ma femme on a finalement décidé d’acheter la maison qu’on louait. Une fois que t’as goûté à l’endroit et aux gens, c’est pas évident de repartir. Tout cela fait qu’il y a une part d’autobiographie. En tant que musicien, j’ai fait pas mal de bandes originales pour des films où je devais mettre en musique les émotions des réalisateurs. PenInsular, c’est la B.O de ma propre histoire. Si faire la bande-son de mon Angleterre natale peut m’intéresser ? Je suis originaire de la ville de Kendal, une région où il y a une cinquantaine de lacs. Il y aurait de quoi faire quatre ou cinq albums, mais bizarrement cela ne me tente pas trop. Avec le Brexit notamment, ce n’est plus pareil làbas. Si les paysages n’ont pas bougé, ce sont les gens et les mentalités qui ont pas mal changé ces dernières années. » Recueillis par Julien Marchand