Numéro 25 • Ruminants
Gestion du risque mycotoxines: quels dangers en cas d’arrêt des mesures de lutte mises en place ? Lutter contre l'acidose
Étude de cas Élevage laitier en Chine Photo: visual7
Illustation: ET-ART/ Balakovo
Un magazine de
Les dangers de l'acidose subclinique Photo: Nenadpress
Éditorial La course se poursuit En avril, nous avions souligné que l’absence de système de quotas laitiers dans l’UE entraînerait une intensification de la concurrence entre les différents pays pour produire du lait de manière rentable. Peu de personnes avaient cependant anticipé le fait que l’augmentation de la production par les principaux marchés coïnciderait avec une baisse de la demande provenant de Chine, avec un impact dramatique sur le prix du lait. Face à cette situation, la réaction des éleveurs consiste souvent à réduire les coûts de production. Dans ce numéro de Science & Solutions, nous étudierons le cas d’un éleveur laitier chinois qui a choisi d’interrompre son programme de gestion du risque mycotoxines dans le but de réduire ses coûts de production. La suspension du programme, initialement instauré pour lutter contre les aflatoxines, a révélé tout un ensemble de nouveaux problèmes dus à d’autres mycotoxines, ce qui montre clairement la nécessité d’une gestion constante des risques liés aux mycotoxines. Nous nous intéresserons ensuite à l’acidose subclinique du rumen, une affection difficile à repérer chez la vache laitière en période de lactation, avec des effets négatifs sur la production de lait, mais également sur l’état de santé général et la longévité de l’animal. Nous proposerons plusieurs mesures permettant de maintenir la stabilité du pH dans le rumen et de préserver la santé des animaux. La production mondiale de produits laitiers devrait augmenter de près d’un quart au cours de la prochaine décennie, alors que les prix devraient légèrement baisser en valeur réelle (après inflation, par exemple). Cela signifie qu’au cours des années à venir, l’industrie restera axée autour de deux éléments-clés : l’optimisation de la rentabilité et la préservation de la santé des troupeaux.
Christine HUNGER PhD Chef de produit, Additifs phytogéniques
Science & Solutions • Numéro 25
Sommaire
Photo: head off
Gestion du risque mycotoxines: quels dangers en cas d’arrêt des mesures de lutte mises en place ?
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L'étude de cas d’un élevage laitier révèle l'ensemble des effets délétères des mycotoxines sur les troupeaux et leur impact sur les bénéfices de l'exploitation.
Photo: JannHuizenga
Par Simone Schaumberger DVM
Lutter contre l'acidose et les dangers de sa forme subclinique
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Méthodes de détection, principales causes et mesures à prendre pour préserver la production, la santé et la longévité des vaches. Par Luis Cardo DVM
Science & Solutions est un magazine mensuel de BIOMIN Holding GmbH, disponible gratuitement pour nos clients et partenaires. Chaque numéro de Science & Solutions comprend plusieurs rubriques relatives aux dernières nouveautés scientifiques en matière de nutrition et de santé animales, en ciblant spécifiquement une espèce (volaille, porc ou ruminant) chaque trimestre. ISSN:2309-5954 Pour obtenir une copie numérique ou de plus amples informations, consultez le site http://magazine.biomin.net Pour une reproduction des articles ou pour vous abonner à Science & Solutions, veuillez nous contacter à l’adresse magazine@biomin.net Rédactrice en chef : Daphne Tan Contributeurs : Luis Cardo, Christine Hunger, Simone Schaumberger Marketing : Herbert Kneissl, Cristian Ilea Graphistes : Reinhold Gallbrunner, Michaela Hössinger Recherches : Franz Waxenecker, Ursula Hofstetter, Mickaël Rouault Éditeur : BIOMIN Holding GmbH Industriestrasse 21, 3130 Herzogenburg, Autriche Tél : +43 2782 8030, www.biomin.net ©Copyright 2013, BIOMIN Holding GmbH Tous droits réservés. Aucune partie de ce magazine ne peut être reproduite, sous quelque forme que ce soit, à des fins commerciales sans l’autorisation écrite du détenteur des droits d’auteur, sauf dans les cas prévus par les dispositions de la loi sur les droits d’auteurs, les dessins industriels et les brevets de 1988 (Copyright, Designs and Patents Act). Toutes les photos présentées sont la propriété de BIOMIN Holding GmbH ou sont exploitées sous licence.
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Photo: abluecup
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Science & Solutions • Numéro 25
Gestion du risque mycotoxines : quels dangers en cas d’arrêt des mesures de lutte mises en place ? Par Simone
SCHAUMBERGER, Chef de produit, Gestion du risque mycotoxines
L'expérience récemment vécue par un éleveur laitier met en évidence les dangers en cas d'arrêt des mesures de lutte mises en place pour prévenir les risques liés aux mycotoxines, ainsi que les effets délétères de ces agents sur les troupeaux et leur impact sur les bénéfices de l'exploitation.
À
l'instar de la plupart des éleveurs laitiers, le propriétaire d’une exploitation laitière de 1 000 vaches située au nord-ouest de Pékin, en Chine, connaissait les dangers liés à une alimentation contaminée par des aflatoxines. Il était également conscient du risque de contamination du lait produit par les aflatoxines ingérées, à un taux compris entre 1 et 6 %, susceptible de constituer une menace pour le consommateur. En possession de ces informations, il a décidé d’utiliser un additif désactivant des mycotoxines, à raison de 20 à 25 grammes par animal et par jour. Plusieurs mois sont passés sans aucun problème notable. Mais son projet de construction d’un nouveau bâtiment s’est heurté à d’importantes difficultés à cause de la chute du prix du lait et de l’augmentation de la pression exercée sur les coûts de production, l’incitant à abandonner son
programme de gestion des risques liés aux mycotoxines par souci d’économie. En quelques jours seulement, le taux d’avortement au sein de l’élevage a augmenté de manière considérable. Seules quelques traces de mycotoxines ont été retrouvées dans la ration totale mélangée (RTM), indiquant que l’ensilage de luzerne utilisé est probablement à l’origine de la contamination. L’éleveur a recommencé alors à utiliser Mycofix®à la même dose qu’auparavant et la situation est redevenue normale en quelques jours. Cet épisode illustre plusieurs faits importants concernant l’impact des mycotoxines sur les élevages laitiers. Les aflatoxines ne sont pas les seules menaces Les problèmes de reproduction observés dans ce cas étaient probablement liés à la présence de zéaralénone, une mycotoxine à l’action œstrogénique puissante, responsable de nombreux troubles de la reproduction. Le tableau 1 présente les mycotoxines les plus connues,
Tableau 1. Principales mycotoxines et leurs dangers pour les bovins. Mycotoxine
Aflatoxine
Seuil de risque toléré (ppb)
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Effets • Perte de poids et diminution du GMQ • Dysfonctionnement ruminal • Altération de la santé de la mamelle, augmentation des cellules somatiques dans le lait • Baisse de la résistance aux facteurs de stress environnementaux et microbiens ; sensibilité accrue aux maladies
Zéaralénone
100
• Infertilité, baisse du taux de conception • Hypertrophie des trayons • Hypertrophie des glandes mammaires chez les génisses non inséminées • Infections du système reproducteur
Déoxynivalénol
300
• Dysfonctionnement ruminal • Diarrhées • Troubles métaboliques, mammite, métrite • Boiterie
Toxine T-2
100
• Perte d’appétit • Gastro-entérite • Diminution de la production laitière • Diminution de la réponse immunitaire
Fumonisines
2000
• Diminution de la production laitière et augmentation des enzymes hépatiques
Ochratoxine A
80
• L'ochratoxine A (OTA) est une mycotoxine néphrotoxique à laquelle les ruminants sont beaucoup moins sensibles que les espèces non ruminantes
Source: BIOMIN
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Gestion du risque mycotoxines: quels dangers en cas d’arrêt des mesures de lutte mises en place ?
On s'imagine souvent à tort que l'adoption d'un programme de du risque mycotoxines est facultative ou uniquement nécessaire Figure 1. Résultats du Rapport BIOMIN sur les mycotoxines, janvier à juin 2015 Les barres illustrent le pourcentage d’échantillons contaminés. Les points indiquent les taux de contamination supérieurs aux seuils de risque 100%
% d’échantillons
80% 60% 40% 20% 0% Aliment fini
Maïs
Ensilage de maïs
n Afla n ZEN n DON n T-2 n FUM n OTA Source: BIOMIN
les seuils de risque et les effets de ces agents pathogènes. Selon le rapport annuel BIOMIN sur les mycotoxines, les matières premières rentrant généralement dans la composition des aliments destinés aux vaches laitières contiennent très souvent plusieurs mycotoxines majeures. La figure 1 illustre l’incidence et les concentrations en aflatoxines (Afla), zéaralénone (ZEN), déoxynivalénol (DON), toxine T-2 (T-2), fumonisines (FUM) et ochratoxine A (OTA) dans des échantillons de maïs, d’ensilage de maïs et d’aliment fini analysés dans le monde entier entre janvier et juin 2015. La mycotoxine la plus fréquemment retrouvée dans les matières premières agricoles est le déoxynivalénol, présent dans 81 % des échantillons de maïs et d’ensilage de maïs, et 93 % des échantillons d’aliment fini. Même si le taux moyen de déoxynivalénol détecté dans les échantillons de maïs et d’ensilage de maïs est en général supérieur à 2 000 ppb, certains échantillons individuels présentent un taux supérieur à 16 000 ppb, nettement plus élevé que les valeurs recommandées et les niveaux d’alerte imposés par la FDA américaine et l’UE pour les vaches laitières. La zéaralénone détectée dans les échantillons de maïs, d’ensilage de maïs et d’aliment fini (taux moyen supérieur à 300 ppb) représente une menace potentielle pour la santé des vaches laitières en raison de son action œstrogénique. Arrêt puis reprise des mesures de lutte On s’imagine souvent à tort qu’en raison de la sensibilité moins élevée des vaches aux mycotoxines
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(par rapport à d’autres espèces d’animaux de rente), l’adoption d’un programme de gestion des risques liés aux mycotoxines est facultative ou uniquement nécessaire en cas d’exposition importante à des mycotoxines. L’étude de cas que nous avons présentée et les éléments figurant dans le tableau 1 nous montrent le contraire. De nombreux éleveurs laitiers du monde entier ont vécu la même situation, abandonnant leur programme de gestion des risques liés aux mycotoxines en cas de baisse du prix du lait ou d’augmentation des coûts de production, pour se retrouver confrontés ensuite à des problèmes inattendus de taux d’insémination, de diminution de production laitière, de diarrhées, d’augmentation du nombre de cellules somatiques dans le lait ou de l’incidence de certaines pathologies telles que les boiteries, les mammites, ou encore les troubles de la reproduction (pour d’autres études de cas, consulter l’article « Les mycotoxines chez la vache laitière » paru dans Science & Solutions n°13). Plusieurs facteurs susceptibles d’altérer la désactivation des mycotoxines dans le rumen sont présentés tableau 2. Dégradation ne rime pas avec protection Le fait que les vaches soient moins sensibles aux mycotoxines que d’autres espèces est lié à la dégradation de ces agents pathogènes dans le rumen. La biotransformation de diverses mycotoxines dans le rumen se fait par l’intermédiaire de certains micro-organismes (comme les protozoaires par exemple) capables de métaboliser certaines mycotoxines. Alors que certains
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Simone Schaumberger Chef de produit, Gestion du risque mycotoxines
gestion en cas d’exposition importante à des mycotoxines. chercheurs ont émis l’hypothèse selon laquelle certaines mycotoxines pourraient se dégrader à 90 %, les estimations varient énormément et sont différentes pour chaque mycotoxine. Plusieurs études ont montré que la présence de certaines mycotoxines avait un impact négatif sur les micro-organismes contenus dans le rumen, les privant de leur capacité de détoxification. Production élevée, conséquences inattendues La transformation des mycotoxines dans le rumen n’inhibe pas toujours leur action toxique. Prenons l’exemple de la zéaralénone métabolisée en α- et ß-zéaralénol par l’intermédiaire de protozoaires : il a été démontré que la forme bêta constituait un métabolite moins toxique, alors que la forme alpha générait un composé à l’action œstrogénique encore plus puissante que celle de la zéaralénone elle-même (Jouary et al., 2009, Dänicke et al., 2005). Le niveau de dégradation de la zéaralénone dans le rumen semble étroitement lié au niveau d’ingestion et au temps de rétention ruminale des aliments qui en résulte. Les vaches laitières hautes productrices dont la consommation journalière atteint 26 kg de matière sèche ont un rendement plus élevé, ce qui réduit le temps alloué à la détoxification. Envahisseurs non décelés Les méthodes d’analyse classiques (HPLC, ELISA) ne permettent pas de détecter les mycotoxines masquées (formes conjuguées liées à des protéines ou à des sucres). Lors de la digestion, les enzymes intestinales peuvent séparer les mycotoxines masquées et les mycotoxines principales sont alors libérées. Après leur libération, elles peuvent devenir toxiques pour l’animal. Acidose L’acidose aiguë ou sa forme subclinique est un problème bien connu chez les ruminants. Il s’agit d’une diminution du pH dans le rumen, souvent observée chez les vaches laitières hautes productrices, notamment en cas de modification de la ration ou en présence de situations stressantes qui altèrent la flore ruminale et entraînent une dysbiose. On suppose qu’en cas d’acidose, le nombre de protozoaires (principaux agents de dégradation des mycotoxines) diminue, ce qui altère la capacité de dégradation dans le rumen. Par conséquent, une quantité plus importante de mycotoxines parvient à atteindre l’intestin et à exercer son action toxique.
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Tableau 2. Facteurs limitant la désactivation des mycotoxines dans le rumen Facteur
Description
Ingestion élevée
Une vitesse de passage dans le rumen élevée diminue le temps disponible pour la détoxification
Dégradation partielle/défavorable
Métabolites plus toxiques libérés dans le rumen
Mycotoxines masquées
Augmentation de la biodisponibilité de la mycotoxine principale
Plusieurs mycotoxines dans le rumen
La capacité de dégradation des micro-organismes présents dans le rumen est moins importante
Acidose
La dysbiose se solde par une baisse de la capacité de dégradation du rumen
Source: BIOMIN
Menaces multiples Plusieurs moisissures fréquemment retrouvées sur le terrain produisent différentes mycotoxines aux effets délétères sur la santé et les performances des vaches laitières. Les méthodes de détection des mycotoxines les plus avancées, aujourd’hui disponibles, permettent d’identifier plus de 380 mycotoxines et métabolites différents (Spectrum 380®). Les mycotoxines peuvent être réparties en plusieurs groupes de structure différente. Le programme de gestion du risque mycotoxines initialement mis en œuvre pas notre éleveur laitier visait à lutter contre les aflatoxines. L’adoption d’un programme complet associant plusieurs stratégies ou modes d’action permet de lutter contre un nombre plus important de mycotoxines. Solution complète Un programme complet de gestion du risque mycotoxines comprend plusieurs étapes, à savoir la détection, la prévention et la réduction de la contamination. L’analyse régulière des matières premières et de l’ensilage peut aider l’éleveur à découvrir d’éventuels éléments susceptibles de menacer la santé de son troupeau. Une bonne gestion de l’ensilage est indispensable pour éviter le développement de moisissures et ainsi, la production de mycotoxines. L’utilisation régulière d’un agent de désactivation des mycotoxines constitue une solution à envisager. Il est essentiel d’opter pour une méthode adéquate de gestion des risques liés aux mycotoxines afin d’éviter toute perte, d’une ampleur imprévisible, et de maintenir le niveau de productivité de l’élevage laitier.
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Photo: aleksandr hunta
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Science & Solutions • NumÊro 25
Lutter contre l'acidose et les dangers de sa forme subclinique Par Luis
CARDO, Responsable technique Ruminants
L'acidose subclinique du rumen est l'un des nombreux problèmes qui touchent la vache en lactation, avec des effets délétères sur la production laitière, mais également sur l'état de santé général et la longévité de l'animal. Difficile à détecter, l'acidose subclinique peut avoir des répercussions importantes sur la production d'un élevage laitier.
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Lutter contre l’acidose et les dangers de sa forme subclinique (SARA)
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’un point de vue technique, une acidose subclinique survient lorsque le pH du rumen diminue à moins de 5,8 chez les vaches laitières et à moins de 5,6 chez les taurillons pendant au moins trois heures. À partir de là, la digestion des fibres diminue, avec un impact notable sur la production. Il est également possible d’observer une baisse de l’ingestion et de l’efficacité alimentaire, ainsi que des boiteries.
Photo: nicolasprimola
Quelle est la cause de l'acidose subclinique ?
Acidose ruminale L'acidose subclinique survient en cas de diminution très importante du pH dans le rumen (moins de 5,2). Ce phénomène est associé à une accumulation d'acides gras volatils et d'acide lactique dans le rumen, généralement liée à un excès de sucres à fermentation rapide et une carence en fibres. Non corrigée, cette situation entraîne une acidose métabolique et le passage de l’eau contenue dans le sang vers le rumen en raison de la pression osmotique élevée : l'animal présente alors des diarrhées et une déshydratation qui finissent par menacer son pronostic vital. Cette pathologie grave est rare dans les élevages allaitants et l'est encore plus dans les exploitations laitières.
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L’acidose subclinique est due à un déséquilibre entre la production d’acides gras volatils (AGV) et leur absorption par les parois du rumen, et la capacité tampon du rumen. Si le pH du rumen continue de diminuer, les modifications de la population bactérienne et de ses voies métaboliques entraînent une production excessive d’acide lactique, un acide beaucoup plus fort, impliqué dans l’acidose aiguë. La fermentation dans le rumen génère des acides gras volatils à l’origine de la baisse du pH. Une alimentation riche en amidon maintient le pH à une valeur plus faible pendant un intervalle plus long. Voilà pourquoi le recours à la ration totale mélangée (RTM) permet de maintenir un pH plus stable dans le rumen et d’obtenir de meilleurs résultats de manière régulière, par rapport à d’autres systèmes basés sur des rations quotidiennes plus abondantes (kg) mais moins fréquentes. Les tableaux 1 et 2 présentent les méthodes de détection de l’acidose subclinique et les principales causes de cette pathologie. D’un point de vue général, l’acidose subclinique a des conséquences sur l’efficacité du rumen et sur l’ingestion, et intervient dans l’apparition de boiteries.
Effets sur le rumen L’acidose subclinique a un impact sur l’indice de consommation, et par conséquent sur les coûts liés à l’alimentation, notamment en raison d’une baisse de la digestibilité des fibres. Lorsque le pH descend en dessous de 6, le nombre et la croissance des bactéries cellulolytiques et des champignons dans le rumen diminuent, avec un impact négatif sur la digestibilité des fibres. D’après plusieurs sources (Calsamiglia et al., 2002 ; Yang et al., 2002), chaque baisse de pH de 0,1 réduit la digestibilité des fibres de 3,6 %. Une mauvaise digestibilité des fibres et une baisse de l’indice de consommation liées à une acidose subclinique se soldent par une augmentation des coûts liés à l’alimentation pour l’éleveur.
Une étude a montré qu’une acidose subclinique de courte durée (moins de 30 minutes) ne diminuait pas le taux de résidus en fibres après un traitement au détergent neutre (NDF), contrairement à une acidose répétée de quatre heures. Ces conclusions montrent que le recours à une RTM et l’accès permanent aux auges constituent deux éléments-clés dans le contrôle de l’acidose subclinique.
Effets sur l’ingestion L’acidose subclinique entraîne souvent des comportements alimentaires anarchiques et réduit l’ingestion. Lorsque le pH diminue dans le rumen, la vache limite sa consommation ce qui réduit la production d’acides et rétablit le pH à un niveau normal. La reprise de l’alimentation va générer un nouvel épisode d’acidose et le cycle se répète. Ces variations seront à l’origine d’une baisse de la production liée à la diminution de l’ingestion, mais altéreront également l’efficacité de la fermentation dans le rumen en raison des variations en apports nutritionnels, avec à la clé des pertes économiques plus importantes pour l’éleveur.
Boiteries Les boiteries constituent un véritable fléau pour les exploitations laitières et allaitantes actuelles en raison de leur impact considérable sur le bien-être et la rentabilité des animaux. Il existe un lien évident entre l’acidose et les boiteries (dues à l’inflammation du tissu lamellaire des onglons), qui ne représentent pas seulement un problème à elles seules mais constituent en outre la porte ouverte à d’autres affections comme l’ulcère de la sole et les hémorragies de la ligne blanche. Même si le mécanisme des boiteries reste encore partiellement méconnu, il semblerait que cette pathologie soit liée à une baisse du pH systémique lors d’une acidose et à la présence de certaines substances comme l’histamine (intervenant dans la réponse immunitaire) et les endotoxines dans la circulation sanguine. La boiterie peut à son tour aggraver une acidose subclinique car les vaches présentant cette affection modifient leur comportement alimentaire (repas moins fréquents) en raison de la douleur ressentie pour se rendre jusqu’aux auges.
Améliorer la prise en charge Le contrôle de l’acidose subclinique peut viser à améliorer l’adaptation des papilles du rumen et de la microflore, ou à optimiser l’efficacité de la consommation de fibres. Le tableau 3 dresse la liste des pratiques d’élevage pouvant être adoptées pour limiter
Science & Solutions • Numéro 25
Luis Cardo, Responsable technique Ruminants
Tableau 1. Détection de l’acidose subclinique. 1. Vérifier les caractéristiques de la RTM. Si les vaches mangent de manière sélective (comme en témoigne la présence de nombreux « trous » dans la ration distribuée), la quantité de fibres et de concentrés ingérée peut être très différente de celle de la ration initiale. 2. Évaluer et enregistrer régulièrement les éléments indiquant une éventuelle acidose subclinique : taux butyreux (TB), évaluation des bouses, boiteries et suivi alimentaire, au niveau individuel Tableau 2. Principales causes de l’acidose subclinique. 1.
Mauvaise adaptation de la flore ruminale aux transitions alimentaires. Phénomène fréquent au moment du vêlage, associé à d’autres troubles métaboliques comme la cétose et autres affections liées (Consulter l’article « Lutter contre le déficit énergétique chez la vache laitière » paru dans le n° 17 de Science & Solutions)
2.
Alimentation inadéquate, vaches mangeant de manière sélective. Le juste équilibre entre fourrages et concentrés est absolument indispensable à la rumination (et par conséquent au mélange du contenu ruminal, favorisant ainsi l’absorption des AGV par les papilles du rumen) et à la production de salive afin de protéger le contenu ruminal. L’évaluation de la qualité physique de la ration utilisée est une étape essentielle au contrôle de l’acidose subclinique.
3.
Fourrage de taille inappropriée. Trop long, les vaches lui préféreront les concentrés ; trop court, il n’aura pas l’action physique nécessaire au déclenchement de la rumination.
4.
Erreur de composition de la ration.
Endotoxines
1.
Veiller à ce que les phases d’adaptation du rumen se fassent correctement, notamment lors du vêlage lorsque la vache passe du groupe des vaches taries à celui des vaches en lactation.
2.
Surveiller l’appétence des ingrédients
3.
Assurer l’homogénéité de la RTM et veiller à ce que la longueur de coupe du fourrage soit adéquate. Enregistrer les données liées à l’entretien des mélangeurs (balances, couteaux)
4.
Veiller à ce que les vaches puissent facilement accéder aux mangeoires et disposent d’eau.
5.
Éviter les situations stressantes (changer les animaux de groupes trop souvent, par exemple).
6.
Séparer les génisses primipares des vaches plus âgées lorsque cela s’avère possible.
7.
Aire de repos. Assurer un environnement, un entretien et une litière adéquats. Une vache qui ne passe pas suffisamment de temps couchée modifiera son alimentation.
8.
En cas de modification de la composition de l’alimentation ou du fourrage, il est vivement recommandé d’opter pour une transition en douceur
Évaluation des bouses et détection de l’acidose subclinique À noter : une acidose subclinique peut être à l’origine d’une hétérogénéité des bouses au sein d’un groupe de vaches au même stade de lactation: dans ce cas, certaines déjections seront de consistance normale et d’autres plus molles. Vous pouvez utiliser le système de notation de 1 à 5 pour l’évaluation des bouses.
Note 3
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Note 1
Photo: Scharvik
Tableau 3. Mesures de lutte contre l’acidose subclinique.
Les lipopolysaccharides (LPS) font partie de la membrane externe des bactéries Gram-négatives et sont libérés lors de la prolifération très abondante, la lyse ou la mort des bactéries. Le contrôle des endotoxines et de leur production doit être un élément essentiel de la prise en charge des boiteries. Les conséquences pratiques sont considérables car la production de lipopolysaccharides ne se limite pas aux cas d’acidose subclinique, mais peut également être observée dans d’autres situations délétères pour la fermentation ruminale comme l’exposition à des mycotoxines, par exemple. Ces situations doivent être prises en compte lors du suivi de l’élevage face à l’acidose subclinique/les boiteries.
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